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557. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Il ne faut pas demander au récit du général Pelleport, son ami et son collègue comme colonel pendant la retraite de Russie, et qui, comme lui, eut l’honneur d’être à l’extrême arrière-garde de l’arrière-garde, il ne faut pas lui demander, dirai-je tout d’abord, les mêmes qualités de correction, d’élégance, et d’un pathétique par moments presque virgilien ; mais la vérité, la candeur, un ton de sûreté et de probité dans les moindres circonstances, le scrupule, la crainte de trop dire jointe à une bravoure si entière et si intrépide, un bon sens pratique et des jugements à peine exprimés qui comptent d’autant plus qu’ils ne portent jamais que sur ce que le narrateur a su par lui-même, tout cela compense bien pour le lecteur ce qui est inachevé littérairement, et nous dessine dans l’esprit une figure de plus d’un bien digne et bien estimable guerrier. […] Cet acteur qui ne voit qu’un coin du grand drame, jusque dans sa circonspection et son extrême réserve de jugement, apprend ou confirme bien des faits qui jettent du jour sur les vraies causes de notre désastre. […] Général de brigade en 1813, Pelleport fait les campagnes de Saxe et de France dans le corps de Marmont ; ses jugements, quoique toujours prudents et sobres, font sentir à quoi tint surtout l’issue fatale dans cette lutte héroïque, dès l’abord si disproportionnée. « L’armée fut toujours digne d’elle-même, mais elle était trop jeune. » — Et puis, à propos des graves résolutions militaires qui signalèrent le milieu de cette campagne, après la bataille de Dresde : « On pensait généralement que Napoléon se déciderait enfin à abandonner la ligne de l’Elbe et à se rapprocher du Rhin : les vieux de l’armée ne furent pas écoutés. » Il est blessé à Leipsick ; il est blessé à la défense du pont de Meaux ; il l’est surtout grièvement sur les hauteurs de Paris, à la butte Saint-Chaumont.

558. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Sans jalousie aucune et sans un germe d’envie, sans personnalité offensante et dominante, préoccupé avant tout du but et de faire réussir les combinaisons qu’il estimait les plus sages et les seules possibles, il n’apportait dans les groupes où il figura aucune susceptibilité d’amour-propre, ni aucune de ces délicatesses nerveuses excessives que nous avons vues à d’autres politiques également habiles48, dont elles altéraient parfois l’excellent jugement. […] Son jugement excellent, que plus rien n’influençait, s’appliqua aux choses avec calme, avec étendue et lucidité ; son caractère obligeant faisait merveille, retranché dans sa dignité inamovible : les côtés moins vigoureux de ce caractère, désormais encadrés ainsi et appuyés, ne paraissaient plus que des mérites. […] J’avais supprime d’abord comme faisant longueur, mais j’ajoute ici en manière de post-scriptum mon jugement sur l’historien et sur son livre : « Ces volumes de M. de Viel-Castel, on le voit, m’ont fourni une matière qui n’est pas près de s’épuiser, et sur laquelle j’aurai assez l’occasion de revenir à propos des volumes suivants.

559. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Tous les jugements des ambassadeurs et résidents étrangers concourent et s’accordent à ce sujet. […] Il veut tout savoir et pose quantité de questions, mais sans jugement et in nullum fînem, plutôt par habitude qu’autrement. […] La vérité, pour qui sent et réfléchit, est que ce père dur et farouche, quoique ayant eu raison au fond dans le jugement définitif et péremptoire qu’il porta de son fils, est très peu intéressant, et le fils, de son côté, on doit l’avouer, ne l’est pas davantage.

560. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Pour conclure : deux littératures coexistent dans une proportion bien inégale et coexisteront de plus en plus, mêlées entre elles comme le bien et le mal en ce monde, confondues jusqu’au jour du jugement : tâchons d’avancer et de mûrir ce jugement en dégageant la bonne et en limitant l’autre avec fermeté. […] Pour ceux qui l’ignorent, nous dirons que la réclame est la petite note glissée vers la fin, à l’intérieur du journal, d’ordinaire payée par le libraire, insérée le même jour que l’annonce ou le lendemain, et donnant en deux mots un petit jugement flatteur qui prépare et préjuge celui de l’article.

561. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Tous nos jugements sur les vers de Boileau sont des survivances de Marmontel ou de Th.  […] Et dans les Réflexions sur Longin n’appelait-il pas au jugement de l’oreille, pour prononcer s’il y avait quelque part du sublime ? […] Il a le cœur bon : mais sa bonté ne passe pas dans son imagination ; elle se réalise en jugements, puis en actes, jamais en émotions, en représentations capables d’exciter le sentiment seul en dehors d’un objet présent qui sollicite aux actes.

562. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Quand je cherche à être sincère, à n’exprimer que ce que j’ai éprouvé réellement, je suis épouvanté de voir combien mes impressions s’accordent peu, sur de très grands écrivains, avec les jugements traditionnels, et j’hésite à dire toute ma pensée. […] Ce n’est d’ailleurs que par cette docilité et cette entente qu’un corps de jugements littéraires peut se former et subsister. Certains esprits ont assez de force et d’assurance pour établir ces longues suites de jugements, pour les appuyer sur des principes immuables.

563. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Du style des Caractères, et du jugement qu’en a porté Suard. — § VII. […] Dans tous les jugements qu’on a portés sur La Bruyère, on a fait contraster avec la gloire de ses écrits l’obscurité et l’insignifiance de sa vie. […] Du style des Caractères, et du jugement qu’en a porté Suard.

564. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Mais ce sentiment littéraire plus vif, ce mouvement net et prompt, cette impétuosité de jugement qui ressemble presque à une ardeur de cœur, Huet ne l’avait pas. […] La curiosité, après tout, le plaisir de connaître et d’embrasser en tout sens, l’emportait chez lui sur le jugement même, sur la vivacité de l’impression et la netteté du choix. […] Dans celui qu’il fit de cette noble dame, je lis, au milieu de toutes sortes de choses galantes qu’il lui adresse, cette phrase qui semblerait bien étrange aujourd’hui : « N’ayant jamais vu votre gorge, je n’en puis parler ; mais, si votre sévérité et votre modestie me voulaient permettre de dire le jugement que j’en fais sur les apparences, je jurerais qu’il n’y a rien de plus accompli. » Notez que l’honnête et pieuse abbesse à laquelle ce jeune homme parlait en ces termes était jeune elle-même et seulement d’un an plus âgée que lui.

565. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

C’est facile, coulant ; l’auteur a une fluidité nuancée et spirituelle de détail, mais aucune résistance ni solidité de jugement, aucune proportion dans sa mesure des talents et dans la comparaison des ouvrages, aucune fermeté, aucun fond. […] Souvent de la grâce, mais le jugement frêle. — Il n’a que peu d’invention et d’initiative ; mais qu’on lui donne un commencement d’idée ou les trois quarts d’une idée, il excelle à la pousser et à l’achever. […] Il me reste cependant à déclarer que, si quelqu’un s’emparait de ce précédent jugement sur M. de Pontmartin pour m’en faire penser sur son compte plus que je n’en ai dit, je protesterais de même, et que, ces réserves une fois posées, je n’ai plus que des compliments à lui faire.

566. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

En abordant toutefois ce genre d’esquisse, j’ai voulu commencer par un sujet tout à fait sûr, et me prendre à quelqu’un qui ne laissât guère lieu à une diversité de jugements. […] Son jugement tient compte de tout, et vient finalement se résumer sous une forme à la fois complexe et ingénieuse. […] Il venait seulement d’atteindre depuis quatre ou cinq jours cet âge requis pour le vote, lorsque la Chambre des pairs eut à prononcer son jugement sur le maréchal Ney (5 décembre 1815).

567. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

L’écriture, l’orthographe, la danse, à dessiner, à peindre, à travailler de l’aiguille, elle apprit tout, nous dit Conrart, et elle devinait d’elle-même ce qu’on ne lui enseignait pas : Comme elle avait dès lors une imagination prodigieuse, une mémoire excellente, un jugement exquis, une humeur vive et naturellement portée à savoir tout ce qu’elle voyait faire de curieux et tout ce qu’elle entendait dire de louable, elle apprit d’elle-même les choses qui dépendent de l’agriculture, du jardinage, du ménage, de la campagne, de la cuisine ; les causes et les effets des maladies, la composition d’une infinité de remèdes, de parfums, d’eaux de senteur, et de distillations utiles ou galantes pour la nécessité ou pour le plaisir. […] Je ne m’arrêterai pourtant point, Madame, à vous dire quelle fut son enfance : car elle fut si peu enfant, qu’à douze ans on commença de parler d’elle comme d’une personne dont la beauté, l’esprit et le jugement étaient déjà formés et donnaient de l’admiration à tout le monde ; mais je vous dirai seulement qu’on n’a jamais remarqué en qui que ce soit des inclinations plus nobles, ni une facilité plus grande à apprendre tout ce qu’elle a voulu savoir. […] Et ce qu’il y a de rare est qu’une femme qui ne peut danser avec bienséance que cinq ou six ans de sa vie, en emploie dix ou douze à apprendre, continuellement ce qu’elle ne doit faire que cinq ou six ; et, à cette même personne qui est obligée d’avoir du jugement jusques à la mort, et de parler jusques à son dernier soupir, on ne lui apprend rien du tout qui puisse ni la faire parler plus agréablement, ni la faire agir avec plus de conduite.

568. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

L’ordre des jugements à cet égard est exactement renversé. […] Et le jugement s’affirme plus précis de jour en jour ; c’est à cela que le prêtre devrait songer parfois entre deux credo, car il y va de son honneur. […] Il ne peut échapper à l’un de ces deux jugements : insincère et par conséquent malhonnête, profondément méprisable ; ou imbécile, et dès lors discrédité, profondément pitoyable.

569. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PENSÉES ET FRAGMENTS. » pp. 495-496

J’ai réuni, dans les pages qui suivent, quelques fragments de jugements et quelques pensées qui pourront servir à éclaircir, à modifier d’autres points de vue antérieurs.

570. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Bref, on peut énoncer un jugement, qui variera d’une époque, d’une contrée, d’une personne à une autre, qui ne pourra jamais être fixé, témoin les hauts et les bas par lesquels a passé toute réputation.

571. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 489-492

Il faudroit nécessairement conclure de là, que dans l’Encyclopédie on fait aussi peu de cas du jugement que du style, ce qui ne se vérifie que trop par le plus grand nombre des articles.

572. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Ils savent comment l’âme se détache du corps, comment elle monte au ciel ; ils connaissent l’architecture du paradis et le minute du jugement dernier. […] Lemaître modifia son jugement sur M.  […] Ses jugements d’ensemble et ses jugements particuliers sur MM.  […] Je n’en sais rien ; mais c’est elle, je crois, qui gouverne toute sa critique et lui dicte la plupart de ses jugements : Par son âge M.  […] On n’y songe pas assez ; on lui en veut trop de sa sévérité maussade, de ses jugements cassants, de ses violences, de ses partis pris.

573. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Mais ni son esprit ni sa grandeur n’ont pu empêcher qu’on n’en ait fait des jugements bien différents. […] Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Royal de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très-présente aux soins du monde, aux affaires du bel-esprit : ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès. […] Plus rien de ce second paragraphe : « Les uns croient que c’est outrager les hommes, etc. » Après la fin du premier, où il est question des jugements bien différents qu’on a faits du livre, on saute tout de suite au troisième, en ces termes : « L’on peut dire néanmoins que ce traité est fort utile, parce qu’il découvre, etc., etc. » Les autres petits changements ne sont que de style. […] Une chose des plus faites pour étonner, c’est lorsque, venant à retrancher tout ce qui n’est que bonne éducation, bonnes intentions, bonnes manières, jugements appris, on découvre un matin combien de gens au fond sont bêtes.

574. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Si vous montez l’escalier sans marches du Vatican, comme une colline aplanie pour laisser les vieux pontifes monter sans perdre haleine au sanctuaire de leurs oracles ; si vous entrez dans la chapelle Sixtine pour contempler sur ses murs et sur ses voûtes le tableau du Jugement dernier, ce poëme dantesque du pinceau, peint par un géant, où l’imagination, le mouvement, l’expression, la forme, la couleur semblent défier la création par son image, et si vous demandez quelle main de Prométhée moderne a jeté derrière lui ces gouttes d’huile pour en faire des hommes, des anges, des démons, des dieux ? […] Les écrivains florentins décrivent ce carton de Michel-Ange comme un poëme national, prélude du poëme universel de son Jugement dernier, et nullement inférieur à ce prodige du crayon et du pinceau : « Pendant que les soldats sortaient en hâte des ondes ruisselantes sur leurs membres, on voyait parmi eux, dit Vasari, par la main divine de Michel-Ange, la figure d’un vétéran qui, pour s’ombrager du soleil pendant le bain, s’était coiffé la tête d’une guirlande de lierre, lequel s’étant accroupi sur le sable pour remettre sa chaussure que l’humidité de ses jambes empêchait de glisser sur sa peau, et entendant en même temps les cris de ses compagnons et le roulement du tambour appelant aux armes, se hâtait pour faire entrer de force son pied dans sa chaussure mouillée ; en outre, ajoute Vasari, que tous les muscles et tous les nerfs du vétéran se dessinaient en saillie dans l’effort, toute sa physionomie exprimait son angoisse, depuis la bouche jusqu’à l’extrémité de ses pieds. […] Quand on promène ses regards autour de cette salle du Jugement dernier, de la base aux murailles, des corniches à la voûte, on éprouve un vertige des yeux tout à fait semblable à ce vertige de l’âme éprouvé par la pensée, quand, dans une nuit sereine et profonde, on se plonge dans l’infini du firmament, dont les avenues d’étoiles illuminent la voie en reculant sans cesse le fond. […] Bramante voulut en vain obtenir du pape que Raphaël fût admis à peindre dans la chapelle non encore terminée la façade opposée à celle du Jugement dernier.

575. (1772) Éloge de Racine pp. -

C’est chez lui que l’on trouve ce jugement sûr d’une ame éclairée par le sentiment. […] Il semble qu’il ait à se venger d’une surprise faite à son jugement, ou d’une injure faite à son amour-propre ; et le génie a tout le temps d’expier par de longs outrages ce moment de gloire et de triomphe que ne peut lui refuser l’humanité qu’il subjugue en se montrant. […] Ajoutez à tous ces intérêts qui lui étaient contraires, cette disposition secrète qui, même au fond, n’est pas tout-à-fait injuste, et qui nous porte à proportionner la sévérité de notre jugement au mérite de l’homme qu’il faut juger. […] On lui a reproché cette vivacité dans la dispute qui tient à une humeur franche et à une conception prompte, et cette sévérité de jugement qui est la suite d’un goût exquis.

576. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Cela est vrai de l’aveu de Rancé lui-même, et il nous l’exprime à sa manière, quand il dit (lettre du 3 octobre 1675) : « Puisque vous voulez savoir des nouvelles de notre affaire, je vous dirai, quelque juste qu’elle fût, qu’elle a été jugée entièrement contre nous ; et, pour vous parler franchement, ma pensée est que l’Ordre de Cîteaux est rejeté de Dieu ; qu’étant arrivé au comble de l’iniquité, il n’étoit pas digne du bien que nous prétendions y faire, et que nous-mêmes, qui voulions en procurer le rétablissement, ne méritions pas que Dieu protégeât nos desseins ni qu’il les fît réussir. » Il revient en plusieurs endroits sur cette idée désespérée ; son jugement sur son Ordre est décisif : les ruines mêmes , s’écrie-t-il, en sont irréparables . […] La plupart des nouvelles qu’il commente, ou des ouvrages qu’il préconise (voulant toujours savoir le jugement qu’on en porte), n’arrivent point jusqu’à la Trappe ; Rancé se tue à le lui dire avec douceur, avec tranquillité : « Nous n’avons vu ni même ouï parler d’aucun des livres dont vous m’écrivez.

577. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Il s’est mis à l’abri du jugement du goût, en se rendant l’objet du fanatisme populaire. […] Je n’ai pas cité les ouvrages anglais qui traitent de la littérature anglaise, et en particulier la Rhétorique du docteur Blair, parce que le but et les idées de ces écrivains n’avaient aucun rapport avec le plan général que je m’étais proposé dans cet ouvrage, ni avec l’indépendance que je voulais porter dans mes jugements sur les écrivains étrangers.

578. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

C’est d’après la réunion plus ou moins complète de ces moyens d’influer sur le sentiment, l’imagination ou le jugement, que nous pouvons apprécier le mérite des différents auteurs. […] Les idées en elles-mêmes sont indépendantes de l’effet qu’elles produisent ; mais le style ayant précisément pour but de faire adopter aux hommes les idées qu’il exprime, si l’auteur n’y réussit pas, c’est que sa pénétration n’a pas encore su découvrir la route qui conduit à ces secrets de l’âme, à ces principes du jugement dont il faut se rendre maître pour ramener à son opinion celle des autres.

579. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Ceux des littérateurs qui parlent des Grecs et des Romains en parlent avec une connaissance bien superficielle, ou même avec une inintelligence grossière : lisez les jugements de Voltaire et de La Harpe. […] De plus, l’institution des Salons donnait aux artistes un puissant moyen d’action sur la société ; et désormais, dans la formation du goût général, entrera une certaine dose de tendances et de jugements esthétiques.

580. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Larroumet aimait mieux induire lentement de faits multiples, emboiter le pas tranquillement à des jugements antérieurs qu’il reconnaissait vrais, que de jeter des aperçus mal vérifiés, ou d’étaler des fantaisies brillantes. […] Ici encore il s’est effacé ; il a tiré toutes ses idées des documents et des textes ; il a été affranchi de tout point de vue doctrinal : il n’a voulu apporter qu’une méthode, et son jugement.

581. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Gombault fut l’un des académiciens qui, dans la période suivante, fut chargé de revoir le jugement de l’Académie sur Le Cid ; jugement dont Voltaire a confirmé la justesse et loué la décence.

582. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Les passions exagèrent la vue des choses, même pour les meilleurs esprits ; elles détournent, elles amusent ; on a du jugement, mais on le suspend dans les occasions où il nous gêne ; on a le sentiment des ridicules, mais on l’étouffe sous une certaine chaleur d’enthousiasme qui séduit. […] Le nom de Quintilien suffit pour exprimer, dans l’ordre critique, le modèle du scrupuleux, du sérieux, de l’attentif, l’idée du jugement même.

583. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Que si l’on analyse ce qu’était l’opinion au xviiie  siècle, on verra pourtant qu’elle se composait du jugement de plusieurs cercles réguliers, établis, donnant le ton et faisant la loi. […] On eut l’entière liberté, mais avec ses rumeurs confuses, ses jugements contradictoires et toutes ses incertitudes.

584. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

En même temps que reparaissait en France, à la Restauration et depuis, la science et la muse de l’histoire, divers professeurs de la Sorbonne, Cousin notamment pour le XVIIe siècle et Villemain, pour les classiques, joignirent à leurs jugements critiques, des considérations sur la biographie et l’esprit des auteurs qu’ils étudiaient, sur les mœurs de leur temps. […] Pour cela il accumule les faits, associe les anecdotes et les citations, les récits historiques et les caractères littéraires, expose et raconte, généralise et conclut, tente en un mot une démonstration au lieu de prononcer des jugements, de défendre ou d’attaquer une esthétique.

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