Edmond de Goncourt, dont l’amitié qu’il avait des gens n’influençait jamais le jugement critique qu’il avait des œuvres, et qui, souvent, fut d’une loyauté si dure envers ceux qu’il affectionnait le mieux, ne se trompait point quand il saluait, avec enthousiasme, les premiers livres de son jeune et filial ami. […] On pourrait savoir alors ce qui est moral et ce qui ne l’est pas, ce qu’il est permis et ce qu’il est défendu de dire… Nous n’avons là-dessus d’autre critérium que la disposition d’humeur, d’esprit ou d’estomac, plus ou moins passagère, plus ou moins réflexe, d’un des membres de la Ligue contre la licence des rues… Ce n’est pas suffisant, en vérité, et c’est souvent contradictoire, et presque toujours arbitraire… L’artiste et l’écrivain dépendent donc uniquement d’une chose qu’il ignore absolument, d’un malheur privé, d’une perte à la Bourse, d’une infidélité de maîtresse, d’une digestion pénible… de toutes ces choses extérieures qui ont tant d’empire sur le jugement des hommes… Il serait à désirer que la morale ne fût pas exclusivement livrée à la seule appréciation, à la seule fantaisie variable et instable d’un homme ou d’une Ligue, mais que son caractère, et, par conséquent, les garanties de l’écrivain et de l’artiste fussent enfin établies sur des bases solides et fixes, de façon à ce que personne — juges et jugés — ne pût désormais s’y tromper. […] J’ai eu, un de ces soirs derniers, une bonne fortune rare, assez rare pour que je sois tenté d’en fixer le souvenir… J’ai rencontré un homme d’esprit libre et juste, qui se garde, dans ses jugements sur les choses et sur les gens, de toutes exagérations, dans un sens ou dans l’autre, et qui n’a réellement qu’une passion dans la vie : le bien public… Il se nomme W. […] — Et… un esprit… excusez-moi… très dangereux, acheva-t-il, en atténuant par une voix amicale la dureté de son jugement.
J’ai le jugement bien meilleur et l’esprit bien plus large qu’à Paris. […] Avoir son sentiment et son jugement à soi, et non pas le jugement ni le sentiment des autres, professer une opinion parce qu’on l’a, non parce que d’autres l’ont et parce que c’est l’opinion présumée d’une circonscription électorale ou l’opinion affichée d’un groupe parlementaire… Ah !
Ils vont endurer, réclamer, lutter, résister ensemble et avec accord, faire effort aujourd’hui, demain, tous les jours, pour n’être pas tués ou volés, pour ramener leurs anciennes lois, pour obtenir ou extorquer des garanties, et par degrés ils vont acquérir la patience, le jugement, toutes les facultés et toutes les inclinations par lesquelles se maintiennent les libertés et se fondent les États.
Les travers, les vices, les passions que peint la comédie, sont des erreurs du jugement, choquent la raison, et ainsi sont justiciables du rire.
Le Père éternel, le Dieu consolateur, n’est pas : s’il y a un jour du jugement, ce sera le jour où Dieu viendra se justifier devant ceux qu’il a dévoués au mal par la loi de la vie.
Il n’est pas possible que nous n’acceptions pas en principe comme justes, en moyenne, les jugements des tribunaux et des cours d’assises ; comme relativement honnêtes, les fonctionnaires ; comme relativement instruits, les professeurs.
Quand nous croyons réfléchir actuellement sur un fait actuel de notre vie mentale, il y a là simplement des sensations renaissantes accompagnées d’appétitions et d’un jugement par lequel nous assimilons le présent au passé ; c’est donc une combinaison nouvelle de faits mentaux qui succède au fait sur lequel nous croyons réfléchir directement.
Diable, comme jugement de confrère, il est pas mal sévère !
Pour un aperçu du jugement porté sur son œuvre par ses contemporains, on peut se reporter notamment à Ferdinand Brunetière (« Octave Feuillet », Revue des Deux Mondes, février 1891), comme à Jules Lemaître (« Octave Feuillet », Les Contemporains, 3e série, 1887).
S’il n’était pas né, dans la bibliothèque d’un savant, de l’accouplement stérile de l’utopie et du chiffre, il aurait révélé à l’administration publique, au commerce et aux industries, une foule de vérités pratiques dont il était l’importateur en Europe ; mais, au lieu de couver ses vérités en plein air, il les a couvées dans l’isolement des autres idées, et cet isolement lui a faussé le jugement.
L’un est trop surexcité par la presse, porté avec trop de précipitation de spectacle en spectacle, d’émotion en émotion, pour avoir le loisir d’un jugement littéraire désintéressé et indépendant.
Ils admettent qu’elles sont le produit d’une suite de variations ; mais ils refusent d’étendre le même jugement à d’autres formes qui n’en diffèrent que très légèrement.
La raison en est qu’on a confondu deux choses très différentes : la généralité des objets et celle des jugements que nous portons sur eux.
Il avait autrefois occupé un emploi dont il tirait plus d’un profit peu légitime, et maintenant il se trouvait sous le poids d’un jugement. […] Quelle impression cela te fait-il d’être dans l’attente de ton jugement ?
Mais, il ne faudrait pas se faire un jugement définitif sur la poésie de Mme Perdriel-Vaissière, d’après ces vers pathétiques ; ils n’expriment qu’une étape de sa vie et qu’un des aspects de sa sensibilité. […] Peut-être même ces petites épitaphes furent-elles, à ces journalistes, une indication suffisante pour appuyer un jugement, qui n’eut pas le temps de se vérifier.
C’est à quoi n’ont pas songé les gens qui ont tant raillé le dessin de Delacroix ; en particulier les sculpteurs, gens partiaux et borgnes plus qu’il n’est permis, et dont le jugement vaut tout au plus la moitié d’un jugement d’architecte. — La sculpture, à qui la couleur est impossible et le mouvement difficile, n’a rien à démêler avec un artiste que préoccupent surtout le mouvement, la couleur et l’atmosphère.
Je veux dire que là même où les préceptes moraux impliqués dans les jugements de valeur ne sont pas observés, on s’arrange pour qu’ils paraissent l’être. […] Mais ce pouvait aussi bien être un homme que nous n’avions jamais rencontré, dont on nous avait simplement raconté la vie, et au jugement duquel nous soumettions alors en imagination notre conduite, redoutant de lui un blâme, fiers de son approbation.
Passons maintenant en revue quelques jugements particuliers dans ce procès intenté aux poètes par M. […] Avec une intuition qui n’enlève rien à la maturité de ses jugements, il devine le talent encore anonyme et se prend à l’aimer.
De bien trompés ont voulu voir en lui l’apôtre des petits, se rappelant cette morale des Animaux malades de la peste : Selon que vous serez puissant ou misérable Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. […] L’expérience personnelle pouvait les tromper : ils l’ont corroborée par l’expérience universelle, humaine, par les traditions immémoriales et par le jugement de l’homme impeccable que chacun porte en soi et qui est précisément étranger aux rancunes de la personnelle expérience. […] L’art chrétien est mort le jour où un Pape a fait peindre des voiles sur les nudités du Jugement Dernier de Michel Ange. […] Je sais tout ce qu’on peut dire contre cette tentative d’écrire dans un idiome qu’on possède seul et qu’il faut que le lecteur apprenne pour bien l’entendre, et je sais que tout ce qu’on peut dire ne fait, selon le mot de Molière, que blanchir devant ce jugement qu’il faut que toute sincérité éclairée porte sur cette tentative : cela est beau. […] Cependant la bonne foi du dilettante a toutes les meilleures apparences et, pour la solidité du jugement, chaque détail pris en soi en témoigne avec certitude.
Auguste Couat, déjà connu du public par une étude sur Catulle, qui est savante comme la Revue critique, et amusante comme un roman, et par un travail d’ensemble sur la Poésie alexandrine qui fait autorité, quoique écrite par un Français, même au jugement des Allemands, sur cette matière infiniment délicate et jusqu’ici mal débrouillée ; s’est attelé vaillamment à une entreprise qui est la plus rude, mais en même temps la plus intéressante que je sache dans tout le domaine de la littérature, c’est à savoir une étude sur toute la Comédie ancienne. […] Son jugement fût-il favorable, ce serait imprudent. […] Et son jugement est défavorable ! […] J’ai dit qu’il en reste quelque chose, Oui, certes, quelque chose, le jugement indigné de l’honnête homme qui, fort de sa conscience et sûr de son goût, a su dire à l’iconoclaste : « C’est bien à vous, petit ver de terre, petit myrmidon, de vous attaquer à tout ce que les hommes vénèrent !
Or, on a vu que la sensation, après qu’elle a cessé, a la propriété de renaître par son image ; en règle générale, presque toute image nette et circonstanciée suppose une sensation antécédente ; de sorte que, si notre jugement est toujours faux en soi, il est presque toujours vrai par contrecoup.
N’attendez pas qu’elles fassent aucun effort pour échapper à leur jugement ou pour l’abréger.
Malgré la sévérité de ce jugement, vous allez voir que je rends une grande justice à Horace et à votre La Fontaine, bien que je place votre La Fontaine à une immense distance d’Horace : l’un est un homme, l’autre n’est qu’un enfant ; l’un est poète comme Pindare, Alcée et Anacréon ; l’autre ne l’est qu’un peu plus qu’Ésope.
Elles lui cachaient, par un rideau pieux de beautés, de sourires, de caresses, de culte, l’approche de la mort et le jugement beaucoup moins féminin de la postérité.
En résumant notre impression, cette lassitude devient le véritable jugement de ce poème : il est charmant, mais il est trop long ; c’est là son seul défaut, mais c’est le défaut du plaisir : la satiété !
Mais je ne voulus plaider de la plume qu’après le jugement de l’épée, et je ne consentis à publier cette défense que lorsque je pus la signer de la goutte de sang de ce duel d’honneur non personnel, mais national.
» En effet, je l’avoue, ma haine, quelque forte qu’elle fût contre Bonaparte, n’allait pas jusqu’à me faire croire à la possibilité d’un tel forfait. « Puisque vous doutez de ce que je vous dis, me répondit le prince Louis, je vais vous envoyer le Moniteur, dans lequel vous lirez le jugement. » « Il partit à ces mots, et l’expression de sa physionomie présageait la vengeance ou la mort.
Un regard rapide jeté sur le siècle qui vient de s’écouler prouve déjà que, si l’on veut porter un jugement sérieux, il faut, comme toujours, opposer en un tableau bilatéral les pertes et les gains littéraires qu’on peut attribuer à l’orientation politique de la France nouvelle.