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561. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Michelet choisit un couple : une jeune fille de dix-huit ans et un jeune homme de vingt-huit ; il les suppose s’aimant d’un amour égal ; il les isole à peu près (quoi qu’il dise) du monde ambiant ; les suit année par année, jusqu’à la mort, et étudie, aux âges différents, l’action physique et morale de l’homme sur la femme, et inversement : « création de l’objet aimé (c’est-à-dire création de l’épouse par le mari) ; initiation et communion ; incarnation de l’amour (dans l’enfant) ; alanguissement de l’amour ; rajeunissement de l’amour. » Michelet propose un idéal, et qui se trouve être, sur la plupart des points, traditionaliste : il est remarquable que, ayant intitulé son livre l’Amour, Michelet n’y parle que de l’amour conjugal. Mais cet idéal n’est que l’achèvement, par l’esprit, des indications fournies par la nature.

562. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Il nous a donné toute sa poétique dans une de ses plus belles pièces, le Triomphe de Pétrarque, où il s’adresse, en finissant, aux initiés et aux poètes : Sur l’autel idéal entretenez la flamme. […] Ce magicien-roi qui sait tout, à qui toutes les époques et tous les personnages de l’histoire sont familiers, et qui ressuscite les Égyptiennes du temps de Moïse, aussi bien que la lydienne Omphale, a trop souvent caché, derrière son manteau de pourpre, le ferme et délicat rimeur, d’une pureté antique et d’une idéale délicatesse, qui, pareil à un statuaire grec, ne livre pas son Âme, et pudiquement la laisse deviner à peine sous les blancheurs du marbre sacré.

563. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Il faut maintenir la haute et idéale valeur de la science, alors même qu’on vaque à des devoirs actuellement plus pressants. […] Ainsi un régime qui réalisa l’idéal de l’éclectisme passera, dans l’histoire de l’esprit humain, pour une période assez inféconde.

564. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Il est vrai que Marivaux est un second Watteau, au xviiie , et que, s’il n’est pas faux, il est idéal comme Watteau, et tellement idéal que la société de son temps, enchantée, ne se reconnaissait plus dans ses tableaux.

565. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

De plus, il arrivera qu’on fera ainsi le plan d’un ouvrage idéal, non d’un ouvrage possible : on consultera plus ses désirs que ses forces, et l’on échouera forcément dans l’exécution : on aura dessiné un palais de marbre, quand on aura juste de quoi faire une bicoque de moellons.

566. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

Le monde extérieur et banal n’existerait plus et on vivrait une vie de rêve, d’idéal… et de poète.

567. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre III. Partie historique de la Peinture chez les Modernes. »

Or, il est aisé de prouver trois choses : 1º que la religion chrétienne, étant d’une nature spirituelle et mystique, fournit à la peinture un beau idéal, plus parfait et plus divin que celui qui naît d’un culte matériel ; 2º que, corrigeant la laideur des passions, ou les combattant avec force, elle donne des tons plus sublimes à la figure humaine, et fait mieux sentir l’âme dans les muscles, et les liens de la matière ; 3º enfin, qu’elle a fourni aux arts des sujets plus beaux, plus riches, plus dramatiques, plus touchants, que les sujets mythologiques.

568. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

C’est en eux qu’une époque puise son idéal de morale et de beauté. […] Et reconnaître et rendre cette forme idéale, continue-t-il, est la grande tâche du peintre. […] La « forme idéale » est une supposition, et non une perception. […] Il ne peut y avoir d’idéal plus haut que l’accroissement de la connaissance. […] La grande Révolution proclama trois idéals : Liberté, Égalité et Fraternité.

569. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

. —  Ses personnages idéaux. —  Ses paysages vivants. —  Tendance générale de la littérature nouvelle. —  Introduction graduelle des idées continentales. […] Alors paraît la maladie du siècle, l’inquiétude de Werther et de Faust, toute semblable à celle qui, dans un moment semblable, agita les hommes il y a dix-huit siècles : je veux dire le mécontentement du présent, le vague désir d’une beauté supérieure et d’un bonheur idéal, la douloureuse aspiration vers l’infini. […] Dans ce profond changement, l’idéal change ; la vie bourgeoise et rangée, le strict devoir puritain, n’épuisent pas toutes les puissances de l’homme. […] La première consiste à dire ou plutôt à pressentir que notre idéal n’est pas l’idéal : c’en est un, mais il y en a d’autres. […] Dès sa naissance, il eut « la vision » de la beauté et du bonheur sublimes, et la contemplation du monde idéal l’arma en guerre contre le monde réel.

570. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Tous sont importunés de cet idéal de chaque genre que leur présente Boileau, et de cet autre idéal d’une langue parfaite, d’obligation pour tous les genres, sans laquelle il ne s’écrit rien de durable. […] En même temps qu’il opposait à la poésie contemporaine la raison et le vrai, réintégrés pour ainsi dire dans la langue poétique, d’où la mode les avait bannis, il opposait aux mœurs des poètes un idéal formé de toutes les qualités de l’homme de bien. […] Voilà l’idéal au complet : car si la vertu n’est que la raison dans la conduite de la vie, quel poète pourra donner une image plus sensible de la raison, que celui qui, sous le nom de vertu, la prendra pour guide de sa propre vie ? […] Les prescriptions de Boileau ne se bornent ni aux pensées qui peuvent s’exprimer en vers, ni au seul langage de la poésie ; elles s’étendent à toutes les pensées et à toutes les manières de les exprimer, et, par analogie, à tous les arts dont l’idéal est le vrai. […] Aussi est-il d’une injustice puérile de juger Boileau sur ce qu’il n’a pas voulu dire, et de lui opposer une sorte d’idéal formé de traits empruntés à tous les grands poètes de toutes les nations.

571. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Tout ce qui est idéal est aujourd’hui méprisé. […] Puisque l’on contestait les titres de l’idéal, il se proposa de les retrouver. […] Si le modèle idéal n’en existait peut-être nulle part, l’honneur de l’art était de l’avoir inventé. […] Essayons de le préciser et d’en faire sentir la différence avec l’idéal romantique. […] Je remarque du moins que toutes les fois que la séparation s’est opérée, et que l’idéal grec l’a emporté sur l’idéal hébreu, dans l’Italie du xve  siècle, la règle des mœurs a fléchi, les instincts se sont débridés, et l’homme a reparu, pour user encore d’une expression de M. 

572. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

Dites que notre littérature est sans choix, désordonnée, impure, pleine de scandales, d’opium et d’adultères : et l’on va vous citer des œuvres pures, voilées, idéales même avec symbole et quintessence, des amours adorablement chrétiennes, des poëtes qui ont l’accent et le front des vierges.

573. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

Par leurs facultés diverses, souvent opposées, les nations servent à l’oeuvre commune de la civilisation ; toutes apportent une note à ce grand concert de l’humanité, qui, en somme, est la plus haute réalité idéale que nous atteignions.

574. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Montrons à présent que ces vertus du chevalier, qui élèvent son caractère jusqu’au beau idéal, sont des vertus véritablement chrétiennes.

575. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Maintenant, éclairés sur tant de points par la philosophie et par la philologie, nous allons dans ce quatrième livre esquisser l’histoire idéale indiquée dans les axiomes, et exposer la marche que suivent éternellement les nations.

576. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Après avoir observé dans ce Livre comment les sociétés recommencent la même carrière, réfléchissons sur les nombreux rapprochements que nous présente cet ouvrage entre l’antiquité et les temps modernes, et nous y trouverons expliquée non plus l’histoire particulière et temporelle des lois et des faits des Romains ou des Grecs, mais l’histoire idéale des lois éternelles que suivent toutes les nations dans leurs commencements et leurs progrès, dans leur décadence et leur fin, et qu’elles suivraient toujours quand même (ce qui n’est point) des mondes infinis naîtraient successivement dans toute l’éternité.

577. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

En leur intime conscience, ils savent bien qu’ils se sont détachés sans rémission du prestige idéal. […] André Theuriet, à qui la direction du Petit Journal fit appel par deux fois, comme pour une loyale épreuve des dispositions intellectuelles de ses abonnés, s’efforça de leur rendre sensible ce parfum d’idéal dont l’auteur du Secret de Gertrude a su pénétrer le réalisme choisi et savoureux de ses œuvres. […] la divine innocence, l’enfantine sublimité, qu’on entrevoit parfois dans certaines jeunes créatures, mais pour un court moment, comme un éclair du ciel. » C’est un idéal qu’on ne peut espérer d’atteindre, mais qu’il serait bon d’avoir sous les yeux, quand on écrit pour la foule. […] Pour accomplir l’œuvre rêvée : un roman conforme, si peu que ce soit, à un certain idéal d’art, de logique, de psychologie, et de bonne influence morale et sociale, en même temps que tout à fait compréhensible et captivant pour un public illettré, il fallait un immense génie. […] Ne pourrait-on pas, en attendant une nouvelle éclosion littéraire plus conforme à notre idéal, à notre rêve, combattre et atténuer le mal actuel par la publication et la grande diffusion de guides-catalogues destinés à éclairer le public sur les ouvrages parus jusqu’à présent.

578. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

C’est surtout dans la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant. […] Son monde idéal est figuré comme une architecture, parce que son monde réel est une architecture, une nature urbaine, c’est-à-dire une nature qui n’est plus une nature. […] Nous sommes ici en pleine autobiographie, sinon historique, du moins idéale. […] Je n’ai vu personne entrer dans la vie avec moins d’idéal et plus de sang-froid, ni envisager sa destinée d’un regard plus ferme en y comptant moins de ressources ». […] « Je me sens fort isolé de la Genève réelle, mais la Genève idéale me dit encore quelque chose. » Et cette Genève idéale est faite pour lui de neutralité et d’impartialité, d’intelligence et d’indépendance.

579. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Une réalité brillante, un idéal naïf ne sont pas incompatibles. […] Jusqu’alors le roman s’était borné à la peinture d’une passion unique, l’amour, mais l’amour dans une sphère idéale en dehors des nécessités et des misères de la vie. […] Jamais Balzac n’approcha, ne serra de plus près la beauté idéale que dans ce livre : l’ascension sur la montagne a quelque chose d’éthéré, de surnaturel, de lumineux qui vous enlève à la terre. […] Il mourut victime de l’idéal, et cette noble fin on pouvait la prédire. […] Ceux qui se sacrifient à l’idéal sont assez rares pour que leurs orphelins soient sacrés.

580. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

un homme de la race de Confucius, d’Aristote, qui, jetant sur les institutions de l’Europe un regard créateur, infaillible, prophétique, ait cherché dans l’idéal vrai les principes d’amélioration, de perfectionnement, de justice, de nature à les introduire dans les lois sans subvertir le monde et à inoculer au corps social une dose de vérités absolues sans le faire mourir dans son opération médicale ? […] Non, Montesquieu n’a pas été un profond législateur ; il a été ou il a voulu être un simple érudit en législation, et il s’est trompé neuf fois sur dix dans ses prémisses et dans ses conclusions. — Et n’étant échauffé, comme un érudit, par aucune flamme idéale, illusionné par aucun rêve, il a écrit froidement ; il a remplacé par quelques traits d’esprit les généreuses erreurs que le rêve ajoute en ce genre à la vérité ; il a laissé à Platon son idéal, quelquefois brillant, souvent absurde, de sa République ; à J. […] Quelques juristes érudits l’avaient dans leur bibliothèque ; les ignorants avaient entendu parler de son nom ; mais il n’était dans l’idéal ou dans le cœur de personne.

581. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

On leur présente ainsi comme réel un monde idéal, souvent assez puéril, et passablement contradictoire. […] Si les révolutionnaires veulent garder intact et pur leur idéal, il leur faudra conserver aussi leur attitude et rester perpétuellement, quel que soit le régime établi, quel que soit le parti au pouvoir, d’irréductibles opposants. […] On ne conserve son idéal qu’à la condition de n’en pas accepter les réalisations, toujours grossières. […] Cela permet à la société, tout en le formant, en s’en servant, de l’exalter comme l’expression de la libre personnalité, de la personnalité idéale de l’homme — ce qui est vrai en un sens — et de le faire ainsi accepter plus volontiers par la partie égoïste du moi.

582. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Celui qui règle les mœurs, pose des prescriptions, propose un idéal de conduite, l’est également. […] Si vous n’êtes point l’un de ces esprits grossiers qui ne conçoivent rien au-delà de la plus vulgaire réalité, si vous cherchez quelque chose sous les faits ou au-delà des faits, vous entrez dans un monde idéal. […] Si l’on prétend que le psychologue doit écarter toutes ces variations accidentelles pour arriver à la condition dernière et absolue de l’activité mentale, alors on transforme une étude concrète en une étude abstraite, on substitue une entité à une réalité ; on ressemble au zoologiste qui prendrait pour base de ses recherches le type idéal de l’animalité. […] La psychologie doit se garder aussi de la morale, car il est tout différent de constater ce qui est et de prescrire ce qui doit être, de s’en tenir aux faits ou de chercher un idéal.

583. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère. […] Elle aussi, du moment que le champ lui est ouvert, elle a son idéal, c’est de former la parfaite novice et la parfaite dame de Saint-Louis, l’institutrice religieuse et raisonnable par excellence ; elle en propose à ses jeunes maîtresses et en retrace en vingt endroits un portrait admirable : simplicité, droiture de piété, justesse soumise, nulle singularité, nulle curiosité d’esprit, une égalité sans tristesse, un renoncement absolu de soi, et toute une vie tournée à un labeur pratique et fructifiant.

584. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Elle s’aiguise d’une fine ironie, lorsqu’elle touche quelques-uns de nos travers : une douce et noble chaleur anime les endroits où l’idéal du bien nous est proposé. […] Oscar Honoré, de la Société des gens de lettres. — La nouvelle qui a obtenu le second accessit a pour scène les bords de la mer sur les côtes de Normandie, et pour sujet un épisode de la vie de pêcheur : au milieu de figures simplement vraies se détache celle de Pierre, qui donne son nom au récit, et qui est pleine d’idéal et de sensibilité.

585. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

mais Eugénie surtout l’a séduit, l’a enlevé, pauvre savant solitaire, comme ces nobles figures idéales, ces apparitions de vierges et de saintes qui se révélaient dans une vision manifeste à leurs fervents serviteurs ; il l’a aimée, il l’a adorée, il a poursuivi avec une passion obstinée et persévérante les moindres vestiges, les moindres reliques qu’elle avait laissées d’elle : il les a arrachées aux jaloux, aux indifférents, aux timides ; il a copié et recopié de sa main religieusement, comme si c’étaient d’antiques manuscrits, ces pages rapides, décousues, envolées au hasard, parfois illisibles, et qui n’étaient pas faites pour l’impression, il les a rendues nettes et claires pour tous : le jour l’a souvent surpris près de sa lampe, appliqué qu’il était à cette tâche de dévouement et de tendresse pour une personne qu’il n’a jamais vue ; et si l’on oublie aujourd’hui son nom, si quand on couronne publiquement sa sainte44, il n’est pas même remercié ni mentionné, il ne s’en étonne pas, il ne s’en plaint pas, car il est de ceux qui croient à l’invisible, et il sait que les meilleurs de cet âge de foi dont il a pénétré les grandeurs mystiques et les ravissements n’ont pas légué leur nom et ont enterré leur peine : heureux d’espérer habiter un jour dans la gloire immense et d’être un des innombrables yeux de cet aigle mystique dont Dante a parlé ! […] Son idéal au fond, son rêve de bonheur, si elle était libre, si elle n’avait pas son père qu’elle ne peut quitter, ce serait la vie religieuse, celle du cloître ; son vœu secret d’âme recluse lui échappe toutes les fois qu’elle a occasion d’assister à quelque cérémonie de couvent : « Je n’aime rien tant que ces figures voilées, ces âmes toutes mystiques, toutes pétries de dévotion et d’amour de Dieu… Ces robes noires ont quelque chose d’aimanté qui vous attire. » Les plaisirs célestes, les joies mystiques la ravissent quand elle peut en goûter sa part, surtout à Noël, « la plus douce fête de l’année. » Les idées de vocation reviennent la tenter toutes les fois qu’elle va à Albi, au couvent du Bon-Sauveur, ou qu’elle assiste aux offices dans cette belle cathédrale : « Quel bonheur si cela devait durer toujours, si, une fois entrée dans une église, on pouvait n’en plus sortir !

586. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Pour lui son idéal de félicité publique était là, en deçà de 89, et non pas ailleurs, aussi bien que son idéal littéraire.

587. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Le genre idyllique, en effet, peut se concevoir d’une manière plus étendue, plus conforme, même dans son idéal, à la réalité de la vie et de la nature. […] Si idéal, si divin que soit le tableau, il garde encore du réel de la vie.

588. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Telle qu’elle devint trop vile, avec sa technique compliquée et sa froide insincérité, avec l’insuffisance esthétique de son élégance abstraite et de sa banale distinction, que réparait la nature d’une langue chaude et sonore, la poésie provençale n’en avait pas moins un grand prix : c’était la première fois, depuis les Romains, que la poésie était un art, que le poète concevait un idéal de perfection formelle, et se faisait une loi de la réaliser en son œuvre. […] Car, dans le riche et délicat Midi, cette doctrine répondait encore à quelque réalité, à un certain ordre de relations établi entre les hommes et les femmes : mais, dans notre Nord, si rude et si brutal, loin d’avoir son fondement dans la vie, elle restait absolument irréelle, idéale et didactique.

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