Les considérations morales et métaphysiques étant ici mises de côté, voyons comment, au point de vue psychologique, pourra se réaliser l’idéal de l’action libre. […] Si nous pouvions n’agir qu’en vertu de motifs tous parfaitement éclairés, si nous pouvions être pour nous-mêmes comme une sphère de pure lumière, nous nous rapprocherions davantage de l’idéal. […] Il n’est donc pas étonnant que l’idée de liberté morale ou de perfection morale, ainsi entendue, soit un idéal capable d’exercer un attrait sur l’être raisonnable. […] Si je me persuade qu’il dépend de moi de réaliser un idéal que je conçois, j’acquiers du même coup un commencement de force pour le réaliser. […] Plénitude de la connaissance objective et plénitude de la conscience subjective, tel est l’idéal de la volonté.
En attendant, il a gardé du christianisme, et sa vie morale, et, qu’il s’en rende compte ou qu’il l’ignore, son Idéal. […] L’une vient du cœur, et c’est l’Idéal. […] Non ; il les aime, ces écrasés, d’avoir commencé par concevoir un Idéal supérieur de l’existence. Certes, cet Idéal les a déçus, mais le poète les en plaint davantage. […] … Quel vilain mot déjà et quel triste réveil pour un homme qui vient de se griser d’idéal et d’absolu.
Beethoven a construit l’opéra idéal, sacrant ce genre, comme il a sacré tous les genres. […] c’est le poète invoquant l’idéal. […] Mallarmé avait déjà indiqué cette signification idéale de la vie. […] Mallarmé restera toujours la parfaite incarnation du Poète idéal. […] l’éclaire peu, lorsqu’il en fait un « idéal en formation ».
Cet autre esprit d’un ordre élevé, M. de Vigny, depuis des années aussi, et par une préoccupation de chasteté trop idéale qu’il vaincra enfin, nous l’espérons toujours, se tient à l’écart dans un recueillement mystérieux qui a passé en proverbe. […] Il imagine un cosmos plus clair et plus à la française que celui de M. de Humboldt : « Donnez ce livre à un poète, dit-il, à un homme familiarisé avec les ressources du langage, avec la valeur des mots, avec la science des effets, et il vous fera trois volumes plus amusants que tous les romans, plus intéressants que toutes les chroniques, plus instructifs que toutes les encyclopédies. » Cet agréable idéal que M. du Camp réclame, je crois voir qu’un de nos savants des plus lettrés, M. […] À la fin d’une tournée en Écosse, et après en avoir noté en vers les principales circonstances pittoresques, le poète des lacs, revenant au monde du dedans et maintenant à l’esprit sa prédominance vivifiante, disait pour conclusion : Il n’y a rien de doux comme, avec les yeux à demi baissés, de marcher à travers le pays, qu’il y ait un sentier tracé ou non, tandis qu’une belle contrée s’étend autour du voyageur sans qu’il s’inquiète de la regarder de nouveau, ravi qu’il est plutôt de quelque douce scène idéale, œuvre de la fantaisie, ou de quelque heureux motif de méditation qui vient se glisser entre les belles choses qu’il a vues et celles qu’il verra.
Je distinguerai dans les ouvrages de tout grand auteur ceux qu’il a faits selon son goût propre et son faible, et ceux dans lesquels le travail et l’effort l’ont porté à un idéal supérieur. […] Dans l’ordre poétique comme dans l’ordre moral, la grandeur est au prix de l’effort, de la lutte et de la constance ; l’idéal habite les hauts sommets. […] Un organe pur, encore vibrant et à la fois attendri, un naturel, une beauté continue de diction, une décence tout antique de pose, de gestes, de draperies, ce goût suprême et discret qui ne cesse d’accompagner certains fronts vraiment nés pour le diadème, ce sont là les traits charmants sous lesquels Bérénice nous est apparue ; et lorsqu’au dernier acte, pendant le grand discours de Titus, elle reste appuyée sur le bras du fauteuil, la tête comme abîmée de douleur, puis lorsqu’à la fin elle se relève lentement, au débat des deux princes, et prend, elle aussi, sa résolution magnanime, la majesté tragique se retrouve alors, se déclare autant qu’il sied et comme l’a entendu le poëte ; l’idéal de la situation est devant nous. — Beauvallet, on lui doit cette justice, a fort bien rendu le rôle de Titus ; de son organe accentué, trop accentué, on le sait, il a du moins marqué le coin essentiel du rôle, et maintenu le côté toujours présent de la dignité impériale.
Il n’y a rien d’inconscient dans son génie ; il est tout clair, avisé, réfléchi ; et il faut qu’il ait nettement conçu et la qualité de son naturel et le caractère de son idéal pour les réaliser dans des œuvres parfaites. […] L’idéal du poète est un idéal de vie facile, naturelle, instinctive ; c’est quelque chose d’intermédiaire entre Montaigne et Voltaire ; c’est quelque chose d’analogue à la morale de Molière, avec moins de réflexion, de sens pratique et d’honnêteté bourgeoise, avec plus de naïveté, de sensibilité et de sensualité tout à la fois.
C’étaient des traductions d’ouvrages étrangers, des recueils de chants populaires ou d’anciennes poésies, des études d’histoire littéraire, des voyages : toute l’Europe, pour ainsi dire, de la Grèce à l’Écosse, et toutes les œuvres modernes, des troubadours à Byron, investirent l’idéal classique et le dépossédèrent714. […] Le romantisme, à ses débuts, fut tout monarchique et chrétien : Chateaubriand avait établi entre l’idéal artistique et les principes pratiques une confusion qui égara les premiers romantiques : épris du moyen âge chrétien et féodal, ils s’estimèrent obligés d’être en leur temps, réellement, catholiques et monarchistes. […] Hugo ne dit pas, comme les autres, la liberté de l’art, mais la liberté dans l’art, c’est-à-dire la liberté et l’art, être libre, à condition de respecter l’art : comme il dit la liberté dans l’ordre, pour l’union de la liberté et de l’ordre, son idéal politique à cette époque.
Ne vaut-il pas mieux, lorsqu’une émotion universelle s’est produite autour d’un être idéal, ne pas trop en rapprocher l’objet, et se confier au rêve et à l’imagination de tous pour l’achever et le couronner mieux que nous ne saurions faire ? […] Pour moi qui, en qualité de critique, suis de ce lendemain plus que je ne veux, je me demande, après avoir lu Raphaël non pas s’il y a assez de beautés pour nous toucher çà et là et pour ravir les jeunes cœurs avides et qui dévorent tout ; mais je me demande si les esprits devenus avec l’âge plus délicats et plus difficiles, ceux qui portent en eux le sentiment de la perfection, ou qui seulement ont le besoin du naturel jusque dans l’idéal, ne sont pas arrêtés à tout moment et ne trouvent pas, à cette lecture, plus de souffrance de goût que de jouissance de cœur et d’émotion véritable. […] Quand on se met une fois en frais d’idéal, il est plus simple de ne pas s’arrêter à mi-chemin dans ses souhaits d’ambition.
De l’esprit, des nudités et des crudités, du lyrisme, une grâce et une finesse par moments adorable, de la plus haute poésie à propos de botte, la débauche étalée en face de l’idéal, tout à coup des bouffées de lilas qui ramènent la fraîcheur, par-ci par-là un reste de chic (pour parler comme dans l’atelier), tout cela se mêle et compose en soi la plus étrange chose, et la plus inouïe assurément, qu’eut encore produite jusqu’alors la poésie française, cette honnête fille qui avait jadis épousé M. de Malherbe, étant elle-même déjà sur le retour. […] C’est là que M. de Musset déroule sa théorie du Don Juan et oppose les deux espèces de roués qui se partagent, selon lui, la scène du monde : le roué sans cœur, sans idéal, tout égoïsme et vanité, cueillant le plaisir à peine, ne visant qu’à inspirer l’amour sans le ressentir, Lovelace ; et l’autre type de roué, aimable et aimant, presque candide, passant à travers toutes les inconstances pour atteindre un idéal qui le fuit, croyant aimer, dupe de lui-même quand il séduit, et ne changeant que parce qu’il n’aime plus.
On peut, dans un sentiment élevé de compassion, s’éprendre d’un intérêt idéal pour Marie-Antoinette, vouloir la défendre sur tous les points, se constituer son avocat, son chevalier envers et contre tous, s’indigner à la seule idée des taches et des faiblesses que d’autres croient découvrir dans sa vie : c’est là un rôle de défenseur qui est respectable s’il est sincère, qui se conçoit très bien chez ceux qui avaient le culte de l’ancienne royauté, mais qui me touche bien moins chez les nouveaux venus en qui ce ne serait qu’un parti pris. […] Son idéal de bonheur évidemment (chacun a le sien) était, au sortir des scènes de cérémonie qui l’ennuyaient, de trouver un monde aimable, riant, dévoué, choisi, au sein duquel elle parût oublier qu’elle était reine, tout en s’en ressouvenant bien au fond. […] Marie-Antoinette avait cet idéal de vie heureuse qu’elle eût pu réaliser sans inconvénients si elle fût restée simple archiduchesse à Vienne, ou si elle eût simplement régné en quelque Toscane ou en quelque Lorraine.
Au point de vue humain, ne regrettons pas qu’elle soit autre chose ; elle raconte, il est vrai, l’écroulement d’un idéal politique, elle dit les passions, les haines, et aussi la science scolastique d’une époque, mais elle est avant tout l’épopée de l’âme humaine. […] Le Giorno de Parini n’est épique que dans sa forme extérieure ; la satire en est d’esprit nettement dramatique ; et c’est par le théâtre qu’Alfieri prêche à son peuple un pur idéal et que Goldoni lui montre les turpitudes de l’esclavage. […] Ce contraste, c’est la différence qu’il y a entre le lyrisme et l’épopée, entre l’idéal et la réalisation, réalisation d’autant plus brusque qu’elle fut plus longtemps retardée.
Ce président était peut-être partie dans un couple idéal, héros de la cristallisation amoureuse. […] Mais la cristallisation amoureuse et la cristallisation artistique seraient-elles si belles et iraient-elles si haut, si elles n’avaient devant elles, parfois comme leur mur de prison et parfois comme leur image idéale, la cristallisation sociale ? […] Il n’y a pas de cour d’arbitrage, de société de ces nations idéales qui puisse arranger leur conflit, et on ne peut souhaiter ni même supposer, qu’un des trois disparaisse.
L’abstraction et l’idéal, l’exception et le merveilleux s’intronisent sur le théâtre ; ils prennent en main le sceptre de la poésie dramatique : ils ne le quitteront plus. […] À quoi bon m’élever pendant trois heures au-dessus de moi-même, et, me grandissant jusqu’au héros, me faire participer, sous prétexte de leçon, aux impossibilités d’un idéal imaginaire ? Le rideau tiré, je retombe à plat dans ma petitesse, et votre idéal est pour moi sans fruit, parce que je n’y puis atteindre. […] L’idéal choisi par MM. de Goncourt n’est pas, tant s’en faut, celui de M. […] Ce centre de gravité idéal et philosophique n’est pas précisément ce qui manque à la nouvelle de M.
Par quel exemple plus concluant pouvait-il nous convaincre qu’il ne dépend que de nous seuls de transporter l’idéal au sein de la réalité ? […] Un Allemand, qui le voudrait juger comme nous le jugeons, dirait qu’aucun poète n’a plus approché de cet idéal qu’Herder appelait « l’humanitæt ». […] Et dans celui-là, au contraire, que de paroles d’or sur l’idéal, le beau, le « pur humain ! […] À la vérité, Robert ajoute que ce bonheur parfait n’est que dans les biens idéaux. […] Le jeune Antoine, qui assiste à ces spéculations idéales, est bientôt brûlé de la même fièvre.
Mais le progrès du rationalisme ne pouvait être longtemps enrayé, et nous assistons à la fin du siècle à la destruction de l’idéal classique : c’est à cette crise que l’on donne le nom de querelle des anciens et des modernes 446. […] Ce rationalisme mondain tire ses principes de la mode, des convenances, de l’opinion ; il n’admet point de vérité, de beauté hors des choses qui ont cours dans la société polie ; et, comme le mouvement général des idées, en France, à cette date, porte vers l’esprit et vers la science, vers l’exercice exclusif des facultés intellectuelles et discursives, l’idéal mondain est forcément l’exagération de cette tendance.
Il ne s’agit plus d’idéal en présence d’une réalité qui parle aussi haut que l’Idéal lui-même, d’une réalité qu’il faudrait étreindre pour l’exprimer, tâche difficile, tant Napoléon est immense !
Ceci est le pain des forts et le triomphe du spiritualisme ; cruel comme la nature, ce tableau a tout le parfum de l’idéal. […] Molé et de Mme d’Haussonville — de vrais portraits, c’est-à-dire la reconstruction idéale des individus ; seulement nous croyons utile de redresser quelques préjugés singuliers qui ont cours sur le compte de M.
Il l’aime d’un amour à la fois idéal et esthétique. […] L’enfant, comme l’homme, change sans cesse d’idéal. […] Les Hottentots n’ont point d’idéal. […] Ils sont l’un pour l’autre un vivant idéal. […] Elle sera la femme moderne, le nouvel idéal.
C’est à découvrir cet idéal et conquérir cette sûreté de main que La Fontaine a travaillé toute sa vie. […] C’est avec reconnaissance qu’il dénombre les preuves de l’amitié idéale dont ce même Joubert entourait l’isolée. […] Rien ne montre mieux combien cette puissance de se représenter à l’avance un « moi » idéal était souveraine chez Lamartine que l’anecdote rapportée par M. […] L’optimisme de George Sand comporte autant d’idéal que le pessimisme le plus sublime, et c’est précisément un problème d’un grand intérêt pour le moraliste que de savoir comment cet idéal n’a pas fait plaie dans cette âme, ainsi que chez la plupart des enfants du siècle. […] Il fallait cette sorte de style et cette sorte de composition pour répondre à la sorte d’Idéal qu’ils ont conçu.
Cet idéal consiste dans le sentiment qui anime l’artiste, et ce sentiment, c’est la sympathie. La chose qu’il crée n’est pas idéale parce qu’elle est au-dessus de la nature, elle est idéale parce qu’il a aimé son modèle vivant, et que son amour a doublé la beauté qui lui était propre. […] Si c’est là son idéal du prêtre, il est fort acceptable, et les plus difficiles pourraient s’en contenter. […] Toutefois cet idéal a un défaut considérable, c’est sa perfection même. […] On les accusait de renier les sentiments de leur âge, de ne plus faire montre de passions généreuses, de manquer d’idéal.
et s’ils retrouvaient en elle l’idéal de l’époque ? […] Quoi qu’il en soit, cette forme spéciale fut l’idéal de tous les théoriciens du xviie siècle ; voulue ostensiblement par Richelieu, elle eut la faveur de la société lettrée, fut cultivée par une quantité de poètes de talent qui y mirent tout leur art, et quel est le résultat de cet effort immense ? […] À y regarder de près, le siècle fut extraordinairement riche en individualités ; mais les plus grands esprits se soumirent spontanément à la discipline de la raison universelle ; ils sacrifièrent à la société, à un idéal d’autorité, non pas leur vigueur, mais leurs petites « opinions particulières » ; ce n’est pas lâcheté, c’est, je le répète, un sacrifice. […] Chez ceux-là (et je citerais en particulier Verhaeren), le mot qui revient le plus souvent, comme un leit-motiv ou comme un idéal, ce n’est pas l’amour, ni Dieu, ni la science, c’est la vie. […] Cette France, qu’on dit inconstante, obéit héroïquement à la logique des idées ; quand elle souffre, c’est pour l’humanité entière qu’elle souffre ; et si elle devait mourir, elle mourrait d’un idéal surhumain.
Son idéal, qui se compose de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, est-il donc le nôtre ? […] Il nous plaît aussi par le contraste que fait sa profonde douceur avec l’austérité impitoyable de sa doctrine ; et par le biais dont il accommode à un idéal inhumain son âme très humaine. […] Relisez dans le Banquet l’histoire de cette perpétuelle et nécessaire ascension de l’amour, qui toujours dépasse les êtres finis pour monter plus haut, soit à un Dieu personnel, soit à ce qu’on a appelé, faute d’autres mots, la « catégorie de l’Idéal ». […] C’est cette figure d’une femme d’amour devenue sainte que je placerais sur le tombeau de Racine, dans le cimetière idéal des grands poètes. […] L’univers lui est, très exactement, un système de symboles, où il s’applique à saisir les correspondances du réel avec l’idéal, le reflet de Dieu sur les choses.
Des autres raisons — bien incertaines — nous apparaissent : en Wagner, l’influence de Schopenhauer, la native disposition aux théories, le besoin de former au Drame Idéal un Public Idéal : en Tolstoï, l’aspiration slave vers le certain, le nihilisme environnant. […] Wagner, pour mille diverses raisons, n’expose point son idéal social avec une pareille netteté. […] Et ce Sage parfaitement heureux, n’est point le vague Sage idéal des rhéteurs stoïciens. […] L’idéal moral, d’intime séduction, vêt la forme des durs conseils immédiats. […] Notre corps, enlevé par nous au Monde extérieur dont il est une partie, a limité notre Ame ; nous devons rendre au Monde notre corps, le fondre dans l’Unité idéale de l’Univers, afin que nous rendions l’infinie liberté à notre Ame.
De là un embarras comme celui qu’on éprouve quand on veut construire l’espace avec des points indivisibles : le temps ne saurait davantage se construire avec des instants indivisibles ; c’est là vouloir former le concret avec l’abstrait, les choses réelles avec des limites idéales, les contenus avec les enveloppes qui les contiennent. […] Arrivé au ruisseau après une longue course, l’animal voit comme par derrière une série idéale d’impressions de plus en plus affaiblies, indistinctes et incomplètes, répondant à sa course ; la perception du ruisseau est en pleine actualité et complète ; d’autre part, une seconde série idéale s’ouvre en avant, dont le premier terme, l’appétit de boire, monte en intensité au lieu de décroître. […] Remarquons toutefois que le jeu d’images précédemment décrit est toujours simultané dans l’esprit ; c’est une perspective où les termes, sous un même regard, sont distingués comme réels et idéaux, intenses ou faibles, clairs ou obscurs, complets ou incomplets, en ordre de croissance ou de décroissance ; mais ils ne sont pas encore en ordre de succession proprement dite. […] Joint à tous les autres éléments que nous avons déjà indiqués, ce phénomène de mécanique et de logique tout ensemble contribuera à produire l’alignement des images sur une ligne idéale, qui est celle de la succession. […] Vous aurez beau contempler le temps homogène et la série idéale des successions possibles, cela ne vous dira pas ce que vous avez éprouvé en premier lieu et ce que vous avez éprouvé en second lieu, pas plus que cette même idée du temps ne vous renseigne sur ce qui se passe dans Sirius ou Aldébaran.
Ils essaient donc de modeler la réalité sur leur idéal ; leurs écrits sont des actes qui poussent dans le sens de leurs désirs et de leurs opinions. […] C’est à peu de chose près l’idéal de Montesquieu, le premier en date des théoriciens du siècle. […] Victor de Laprade, spectateur écœuré de cet avachissement littéraire, le flétrit en ces termes70 : Le réel avant tout… Fi du vieil idéal ! […] Depuis un siècle sans doute la France, avec une ténacité qui est demeurée inébranlable sous son apparente légèreté, s’est malgré les obstacles et les entraves de toute sorte rapprochée de l’idéal qu’elle avait entrevu au temps de sa grande Révolution. […] Il n’a certes pas manqué d’hommes qui, aimant mieux obtenir le succès que le mériter, se sont abaissés au niveau d’une foule ignorante au lieu de travailler à l’élever jusqu’aux purs sommets de l’idéal humain.
La scène a beau être disposée historiquement avec toute la science et l’application dont le poëte est capable ; ce jour fantastique et prestigieux, qui tombe d’en haut comme dans un souterrain, nous avertit toujours que nous avons affaire à l’idéal amant des régions supérieures. […] Pour emprunter des paroles à l’auteur lui-même, je dirai aussi : Tout cela est très-bien, très-pur, très-dèlicat ; d’un vrai idéal, et à ravir26. […] Il ne faut pas que l’idéal fasse jamais l’effet de la chimère : or il se glisse du chimérique dans l’idéal de M. de Vigny. […] Mme Dorval, à qui il en eut tant de reconnaissance et qu’il s’obstina à voir longtemps sous cette figure idéale.
Ce paysage idéal, il le demandera vainement à la nature : toujours quelque détail disparate y rompra l’harmonie rêvée. […] Je vois au même endroit que le sang de ces hommes Roule En grésillant leur triste idéal qui s’écroule. […] Le dévot aime, sous le nom de Dieu, la beauté et la bonté des choses finies d’où il a tiré son idéal et le chevalier mystique aimait cet idéal à travers et par-delà la forme finie de sa maîtresse. On s’explique maintenant que l’amour divin donne à ceux qui en sont pénétrés la force d’accomplir les plus grands sacrifices apparents, de pratiquer la chasteté, la pauvreté, le détachement ; car ces sacrifices d’objets terrestres, nous les faisons à un idéal qu’une expérience terrestre a lentement composé : c’est donc encore à nous-mêmes que nous nous sacrifions.
C’est l’idéal du sinistre : Eschyle n’a jamais soufflé d’une bouche si violente, d’une si longue haleine, dans ce que Shakespeare appellera plus tard « la trompette hideuse des malédictions ». […] Et quand il tombe, celui que j’ai frappé, il l’ignore, aveuglé qu’il est par son noir délire, et les hommes l’entendent gémir dans sa maison chargée de ténèbres. » V. — Pallas-Athéné. — Ses origines naturelles. — Son type spiritualisé est l’idéal de la Grèce. — La Guerrière. — La Politique. — L’Artiste. — L’Ouvrière. — Pureté de sa légende. — Sa prédilection pour Athènes. — Athènes élève d’Athéné. […] La Grèce saluait en elle l’idéal de sa race et de son génie ; la vertu vaillante, le courage réfléchi, l’activité de l’esprit, la fertilité des idées, le génie multiple des arts. […] Homme par la force et par le génie, femme par l’adresse et par la finesse : Platon n’a pas autrement rêvé son Androgyne idéal que l’instinct primitif ne l’avait conçue. […] L’idéal de la Justice résidait dans ce sénat vénérable, composé de l’élite des anciens Archontes.