Sa vie est celle d’un homme de passion éteinte, mais de goût survivant, qui trompe les heures tantôt avec la philosophie, tantôt avec la poésie, toujours avec la piété et l’amitié. […] Va-t-on consulter le goût des autres pour se nourrir ? […] Ce poème, objet d’une sorte de superstition peu raisonnée en Italie et en France, choquait le goût délicat et le type antique de la poésie homérique ou virgilienne de Pétrarque. […] J’ai passé pour un blasphémateur ; Voltaire, qui n’était pas sans goût, avait blasphémé avant moi et comme moi. […] « Ces gens-là, continue Pétrarque, ressemblent à ces prétentieux arbitres du goût dont parle Cicéron, qui blâment ou approuvent sans pouvoir donner raison de leur admiration ou de leur dégoût.
Lisons ensemble ce simple et magnifique prologue des Soirées ; c’est le premier morceau de plume que l’écrivain me lut à moi-même, pour consulter mon goût inexpérimenté, sous les platanes de Chambéry. […] L’estime réciproque, la conformité de goûts et quelques relations précieuses de services et d’hospitalité avaient formé entre nous une liaison intime. […] Quand il est dans la vérité, nul écrivain ne s’y enfonce plus avant avec un poids d’athlète ; malheureusement il s’enfonce avec la même force et avec le même goût de l’excès dans l’erreur. […] Le goût du paradoxe rendait rétrospectivement cruel en théorie le plus doux et le plus gai des hommes. […] Malheureusement une inégalité continuelle, un goût plus allobroge que français, des saccades fréquentes du sublime au quolibet déparent cette belle nature de style.
Ne serait-ce pas que l’esprit des Romains, exclusivement absorbé jusque-là par le rude exercice de la liberté, qui est un travail, par le jeu des factions populaires, par les guerres civiles, n’avait ni le loisir ni le goût des choses d’esprit, mais qu’au moment où des hommes comme César et Auguste font taire le sénat, les tribuns, la place publique, sous leur éclatante servitude, les esprits se détendent des affaires politiques et se précipitent avec une énergie impatiente de repos dans l’occupation et dans la gloire des lettres ? […] C’est à ces rancunes politiques du jeune tribun des soldats de Brutus contre ses vainqueurs qu’il faut attribuer le goût d’Horace pour la satire personnelle au début de sa vie poétique, car la nature de son tempérament, de son âge et de son génie, le portait plutôt à la poésie gracieuse et anacréontique. […] De plus il était pauvre, il avait le goût du luxe et du plaisir ; il lui fallait grossir (il l’avoue lui-même) son modique revenu par le prix de ses vers ; le public de Rome, comme celui de Paris, achetait avec plus de faveur les livres d’opposition que les livres dictés par les triumvirs ; l’ami de Mécène et d’Auguste commença donc par être le poète badin de l’opposition républicaine. […] Après avoir épuisé à Rome ce goût immoral et immodéré des courtisanes, nous verrons bientôt dans ses odes qu’il avait cherché à s’attacher par un lien plus durable une jeune et belle esclave affranchie, digne d’un attachement sérieux. […] Nous soupions avec lui sans avilir l’encens ; De son goût délicat la finesse agréable Faisait, sans nous gêner, les honneurs de sa table.
il n’était pas un Régulus, et se sentait peu de goût pour être bercé dans un tonneau lardé de pointes ; il n’était pas un Brutus, et frissonnait à l’idée d’enfoncer un poignard dans son pauvre ventre. […] Ils ont continué d’aimer les crises psychologiques dont Corneille et Racine leur avaient donné le modèle, et dont Voltaire avait prolongé le goût et le succès. […] Que de formules dédaigneuses, de la part de lecteurs qui sont figés dans leur goût, et qui ne veulent pas changer leurs habitudes mentales ! […] Poésie misérable, j’en conviens ; mais poésie cependant, puisque toute poésie est relative à son temps, aux goûts des contemporains, à leurs habitudes, à leurs désirs. […] Celui-ci demandait aux saveurs étrangères un remède contre l’usure du goût national.
Nieuwerkerke lui fit l’observation que cette représentation était d’un goût médiocre, et à la barricade, lui donna l’idée de substituer le Retour des Cendres de l’Empereur. […] * * * — C’est une curieuse chose que la spécialité d’aptitudes chez les femmes, dans le travail du goût. […] Au résumé chose étrange, chez nous, la plus absolue différence de tempéraments, de goûts, de caractère, et absolument les mêmes idées, les mêmes sympathies et antipathies pour les gens, la même optique intellectuelle. […] * * * — Les formes les plus distinguées et les goûts les plus populaciers peuvent s’accorder chez la femme ; — chez l’homme, non. […] Le maréchal Vaillant en a trouvé un autre à peu près du même goût.
Elle fixe nos idées, elle détermine nos goûts, elle donne une marche assurée à toutes nos actions. […] Mais le goût latin n’était pas encore formé. […] Franchement, voilà un étrange goût. […] Voilà le goût de l’auteur en matière de sonnets. […] la neutralité, sous prétexte ou sous raison d’un goût ou d’un dégoût, d’un penchant ou d’une répugnance à une couleur ou à un nom !
Goût de ne pas imiter, goût d’isolement, insociabilité, misanthropie, tout cela va toujours ensemble ; ce sont enfants de même lignage. […] Mais je n’ai voulu que mettre en goût. […] En général, l’auteur, comme critique, a un goût extrêmement douteux. […] Ce goût lui était venu de très bonne heure. […] Elle s’en va devant elle sans le moindre espoir et sans le moindre goût à vivre.
Or, à notre avis, la puérilité de l’œuvre du poète a trouvé dans la puérilité du goût public un puissant auxiliaire. […] C’était là, sans doute, un goût dépravé, un goût que les hommes éclairés combattaient de toutes leurs forces ; mais ce goût était celui de la majorité, et la majorité devait applaudir Notre-Dame de Paris. […] Ils s’adressent à des esprits énervés par l’ennui, étrangers par leur éducation, ou par leurs habitudes, à toutes les délicatesses du goût littéraire. […] L’intervention de George Bussy à l’heure où Marianna, désabusée, hésite encore à quitter Henri, ne me paraît pas pouvoir être avouée par le goût. […] Maintenant qu’il a repris goût à la vie, maintenant qu’il est régénéré, elle n’hésite pas à lui avouer sa richesse pour la partager avec lui.
La science ne doit pas se plier à nos goûts ; nos goûts doivent se plier à ses dogmes ; elle est maîtresse et non servante, et si elle n’est pas maîtresse, elle est la plus vile des servantes, parce qu’elle dément sa nature et dégrade sa dignité. […] N’est-il pas curieux de trouver ce goût littéraire dans un ami de Boileau, et ces inclinations politiques dans un professeur de M. le duc ? […] » Sa passion pour les belles choses ressemble à une sorte de démangeaison physique ; c’est une concupiscence sensuelle plutôt qu’un noble goût de l’esprit. […] Un seul goût a régné : le désir de parfaitement parler. […] Mais ce qui contribue surtout à l’affermir, c’est qu’il est au niveau de son peuple par ses facultés, ses défauts, son éducation et ses goûts.
Il était tout Breton, puisque celle qui l’inspirait avait grandi dans la lande, et que celui qui l’éprouvait y mêlait du vague et le goût de la mort.
Je recommande encore, avec une admiration toute particulière : le Sonnet prologue, les vers À Célimène, Un Soir, le délicieux rondel intitulé : Calme plat, Mythologie, où revivent les grandes déesses, Crépuscule, le Retour de Marielle, Vers le jardin, très délicates terzo-rimes, et des vers bien langoureux et bien tristes aussi, la Fleur de larmes et encore le Masque ; presque tout enfin… M. de La Villehervé est un noble poète à qui manquera peut-être un applaudissement bruyant de la foule, mais non pas certes l’estime et l’admiration des gens de goût.
C’est renverser les notions du goût, que de vouloir dégrader les genres pour lesquels on n’a nulle disposition ; & c’est outrager la raison, que d’exhaler contre ses Rivaux les vapeurs de l’envie, qui retournent bientôt sur celui qui les a soufflées.
Un goût universel pour les Beaux-Arts, des talens pour les cultiver avec succès, doivent le faire regarder comme un de ces génies heureux, propres à faire admirer les richesses de la Nature.
Le ton de cette Piece est du meilleur goût, le Dialogue plein d’aisance & de vivacité, le style précis, élégant & varié ; les caracteres en sont saisis, dessinés avec finesse & rendus avec vérité.
Il est cependant un des Auteurs de son Siecle qui ont le plus contribué à étendre le goût des Lettres.
Voiture dut ce travers à un penchant trop marqué pour les Poëtes Italiens : le Marini, qu’il cite presque toujours avec admiration, lui gâta le goût.
Greuse a beaucoup d’esprit et de goût.
Les instruments y sont disposés avec goût ; il y a dans ce désordre qui les entasse une sorte de verve ; les effets de l’art y sont préparés à ravir, tout y est pour la forme et pour la couleur de la plus grande vérité.
Il m’a semblé qu’il y avait du goût, même de la poésie, dans cette composition ; du luxe, de la couleur, qu’une urne dont je n’ai pas parlé et qui est parmi les fruits, et que le vase étaient bien peints ; le vase de belle forme et de belle proportion, le ramage de verdure jetté avec élégance, et les fleurs et les fruits bien disposés pour l’effet.
Il est nue tête, on lui voit le cou et une partie de la poitrine ; voilà du goût.
Ce ne sont point les idées sociales qui se transforment, comme en France, ni les idées philosophiques comme en Allemagne, mais les idées littéraires ; la grande marée montante de l’esprit moderne, qui renverse ailleurs tout l’édifice des conditions et des spéculations humaines, ne parvient d’abord ici qu’à changer le style et le goût. […] En matière de goût, au contraire, ils avaient marché en avant sans reculer. […] Une à une on vit reparaître alors sur la scène littéraire les civilisations anéanties ou lointaines, le moyen âge d’abord et la Renaissance, puis l’Arabie, l’Hindoustan et la Perse, puis l’âge classique et le dix-huitième siècle lui-même, et le goût historique devint si vif que, de la littérature, la contagion gagna les autres arts. […] Jugez par là de ses goûts et de son assiduité d’antiquaire. […] Ni dans sa conduite ni dans sa littérature ses goûts féodaux ne lui avaient réussi, et ses splendeurs seigneuriales s’étaient trouvées aussi fragiles que ses imaginations gothiques.
Pourquoi omet-il ce trait qu’avait ajouté le docte abbé, et qui caractérise un goût de Louis XI : « Il fit venir ses livres de Dauphiné ? […] Louis XIV, tout à la fin de sa vie, s’était pris de goût et d’amitié pour une demoiselle de Chausseraye (ou de La Chausseraye), qui avait de l’esprit qu’elle cachait sous un air d’ingénuité. […] Duclos historien n’a qu’un procédé, il n’est qu’un abréviateur ; il l’est avec trait, je l’ai dit, quand il a affaire à l’abbé Le Grand ; il l’est avec un certain goût et avec un adoucissement relatif quand il a affaire à Saint-Simon ; dans l’un et dans l’autre cas pourtant, il n’a pas toutes les qualités de son office secondaire, et il ne porte au suprême degré ni les soins délicats du narrateur, ni même les scrupules du peintre qui dessine d’après un autre, et de l’écrivain qui observe les tons : il va au plus gros, au plus pressé, à ce qui lui paraît suffire ; c’est un homme sensé, expéditif et concis, et qui se contente raisonnablement ; il a de la vigueur naturelle et de la fermeté sans profondeur ; nulle part il ne marche seul dans un sujet, et jamais il ne livre avec toutes les forces de sa méditation et de son talent une de ces grandes batailles qui honorent ceux qui les engagent, et qui illustrent ceux qui les gagnent.
C’est par impatience de toutes ces fades copies et de ces répétitions serviles qu’Alfred de Musset, dans le préambule de La Coupe et les lèvres, au milieu de cet admirable développement où il s’ouvre à cœur joie sur l’infinie variété et la riche contrariété de ses goûts, s’écriait : Vous me demanderez si j’aime la nature. […] Campaux, qui en juge comme nous, a tiré de cette jolie ballade plus d’une conséquence sur les goûts, sur l’éducation première et les habitudes du poète. […] L’innocence des champs, il faut le dire aussi, devait peu sourire aux goûts qu’on lui connaît ; il ne la pouvait souffrir par les mêmes raisons que le fermier d’Horace.
C’est dans ce conseil de la Commune de Paris, qu’il eut des rapports forcés avec d’autres membres fameux, Camille Desmoulins, Manuel ; il avait déjà des relations antérieures avec Danton qui était son compatriote champenois, et qui avait pour lui un certain goût, une certaine estime, je demande pardon du mot. […] Son visage même accusait cela ; ces sourcils proéminents, ce nez, ce menton… La nature l’avait ébauché à grands traits, et le rabot n’y avait point passé. — Hommes et choses, il n’aimait et n’appréciait que ce qui était à une certaine hauteur et ne connaissait pas même le reste : il avait le goût haut placé. — En l’approchant, on sentait tout d’abord une supériorité naturelle ; aussi tout le monde lui rendait. […] Pasquier, loin de préférer M. de Talleyrand qu’il venait de voir de trop près à l’œuvre en tant que ministre, avait pour M. de Richelieu un tout autre goût et une tout autre estime ; mais il avait cru devoir aux bienséances du nouveau régime constitutionnel qui s’inaugurait, de ne point passer sans intervalle ni transition d’un Cabinet dans l’autre.
Ce futur régent du goût dans les arts était censé avoir étudié la médecine et, par conséquent, l’anatomie ; mais il était trop paresseux et inappliqué pour y réussir. […] Fussiez-vous Horace, il y en a qui vous jetteront à la face la pureté même et les délicatesses de votre goût. […] Figure-toi une délicieuse décoration d’opéra, tout de marbre blanc, et des peintures de couleurs les plus vives d’un goût charmant, des eaux coulant de fontaines ombragées d’orangers, de myrtes, etc. ; enfin un rêve des Mille et une Nuits.
Il eût suffi, en cet endroit, d’un goût littéraire plus sévère et plus vrai pour empêcher Mme Roland de se laisser aller à une phrase, à une simple inadvertance déclamatoire, qui ressemble à un manque de tact moral. […] Il relève avec soin des détails qui tiennent au goût. […] Faugère tire de cette remarque une leçon de goût.
Le vaudeville fut sa première manière ; car à travers sa production incessante et ses diversions croisées sur tous les théâtres, on distingue assez nettement en lui trois manières successives : 1° le vaudeville français pur, simplement chantant et amusant ; 2° la jolie comédie semi-sentimentale du Gymnase, où il est proprement créateur de genre ; 3° la comédie française en cinq actes enfin, à laquelle il s’est élevé dès qu’il l’a fallu, qu’il est en train de modifier selon son goût, et où il n’a pas dit son dernier mot. […] Les Trois Quartiers, votre plus vive nouveauté comique, ne rentrent-ils pas dans ce goût-là ? […] Il la taille au besoin, il la rogne en bien des sens ; mais comme c’est à la mode du jour, comme c’est dans le goût de la dernière saison comme Mlle Palmire, si elle faisait au moral, ne couperait pas mieux, tout passe, et on fait mieux que laisser passer, on applaudit.
Il y a pourtant en érudition, comme partout ailleurs, l’invention, le goût, l’esprit, et, sous l’appareil des doctes mémoires et l’enchâssement des textes, c’est là qu’il faut aller d’abord pour savoir à quoi bon ? […] Comme goût, même dans ce genre spécial, j’aimerais parfois un peu moins de luxe d’érudition en certaines parenthèses, qui font trop souvenir l’irrévérencieux lecteur de ce joli mot de Bonaventure Des Periers : « Que, comme les ans ne sont que pour payer les rentes, aussi les noms ne sont que pour faire débattre les hommes. » Enfin on se passerait très-bien çà et là de quelques petits mouvements comme oratoires, qui sortent de l’excellent ton critique, et qui semblent dire avec Scipion : Montons au Capitole ! […] Si les Nouvelles ecclésiastiques (jansénistes), qui commencent à l’année 1728 et qui n’expirent qu’après 1800, ne donnent que la triste histoire d’une opinion, ou plutôt, à cette époque, d’une maladie opiniâtre, étroite, fanatique, et comme d’un nerf convulsif de l’esprit humain, les Mémoires de Trévoux, dont les portions qui confinent le plus au xviie siècle offrent un fonds mélangé d’instruction et de goût, le vrai monument de la littérature des jésuites en français, et qui, ainsi qu’il sied à ce corps obéissant et dévoué à son seul esprit, n’a porté à la renommée le nom singulier d’aucun membre196.