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716. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Donnez-la pour ce qu’elle est, et n’allez pas faire passer pour un résultat de la science, pour une théorie modelée sur les faits et capable de se remodeler sur eux, une doctrine qui a pu prendre, avant même l’éclosion de notre physiologie et de notre psychologie, la forme parfaite et définitive à laquelle se reconnaît une construction métaphysique. […] Je ne dis pas, notez-le bien, qu’un état d’âme quelconque puisse correspondre à un état cérébral donné : posez le cadre, vous n’y placerez pas n’importe quel tableau : le cadre détermine quelque chose du tableau en éliminant par avance tous ceux qui n’ont pas la même forme et la même dimension ; mais, pourvu que la forme et la dimension y soient, le tableau entrera dans le cadre. […] Je rappelais, au début de cette conférence, comment l’étude des maladies du langage a conduit à localiser dans telles ou telles circonvolutions du cerveau telles ou telles formes de la mémoire verbale. […] Si vraiment mon souvenir visuel d’un objet, par exemple, était une impression laissée par cet objet sur mon cerveau, je n’aurais jamais le souvenir d’un objet, j’en aurais des milliers, j’en aurais des millions ; car l’objet le plus simple et le plus stable change de forme, de dimension, de nuance, selon le point d’où je l’aperçois : à moins donc que je me condamne à une fixité absolue en le regardant, à moins que mon œil s’immobilise dans son orbite, des images innombrables, nullement superposables, se dessineront tour à tour sur ma rétine et se transmettront à mon cerveau. […] Oui, mais la maladie peut tenir aux causes les plus diverses, prendre les formes les plus variées, débuter en un point quelconque de la région cérébrale intéressée et progresser dans n’importe quelle direction : l’ordre de disparition des souvenirs reste le même.

717. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cladel, Léon (1834-1892) »

Cladel est très grande, c’est là sa forte qualité ; son art, minutieux et brutal, turbulent et enfiévré, se restreindra plus tard, sans nul doute, dans une forme plus sévère et plus froide, qui mettra ses qualités morales en plus vive lumière, plus à nu. […] Louis Veuillot Sans négliger la forme, qui n’a pas embelli, M. 

718. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

On ne sait que confusément ce qu’elles étaient en leur forme primitive ; d’où elles émanaient, on le sait moins précisément encore. […] Mais les vocables antiques ne furent admis parmi les mots usuels qu’à la condition de revêtir les formes et d’accepter les règles du langage coutumier. […] la jeune Polonaise faisait-elle bien exprès, tout à fait, de s’exprimer en cette forme ? […] Et, romantique, — le Sonnet sur la couleur des voyelles n’a rien qui me contredise, — il l’est quant à la forme aussi. […] Henri de Régnier fait mine, assez souvent, de retourner vers les formes classiques de la poésie dite romantique ou parnassienne.

719. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

la forme nécessaire, absolue, ne se présentait qu’après l’épuisement des formes approximatives ; sans doute le métal coulait souvent d’un jet plus plein et plus dru, mais il est bien peu de pages dans Balzac qui soient restées identiques au premier brouillon. […] Il lisait d’un œil négligent les blanches strophes de marbre où l’art grec chanta la perfection de la forme humaine. […] La parole lui donnait une forme immédiate, et réalisait à volonté ses conceptions. […] On les reconnaît seulement à leur forme et à leur allure. […] Ici (je veux dire en Syrie), toute la végétation semble avoir été comme brûlée et réduite en cendre, sans perdre sa forme, par le souffle empesté d’un mauvais génie.

720. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Sa manière, sa forme est toujours honorable pour l’homme, quand le fond l’est si peu. […] Le tond en est de morale chrétienne ou de pure civilité et usage de monde ; mais la forme surtout fait défaut ; elle est longue, traînante ; rien ne se termine ni ne se grave. […] On a rassemblé dans les pages suivantes un certain nombre de pensées qui ont paru plus ou moins analogues de forme ou d’esprit aux Maximes. […] Les humeurs et les mœurs sont diverses ; mais elles rentrent toutes dans une certaine quantité de formes qui se reproduisent invariablement. […] L’infirmité de l’esprit humain est telle que les impressions reçues des mêmes objets diffèrent selon les personnes, selon les âges et les moments : la forme ou le fond du vase fait la couleur de l’eau.

721. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

La ligne droite, base fondamentale de ses statues, depuis l’orteil jusqu’au sommet de la tête, est plus longue et plus élancée que la ligne grecque ; les inflexions, plus hardies et plus étranges de cette ligne donnent aux traits, aux formes et aux mouvements de ses statues des nervures, des attitudes, des torsions, des majestés, des hardiesses qui dressent l’homme plus haut sur ses pieds et qui semblent faire escalader l’art jusqu’au ciel. […] Sans rival déjà parmi les sculpteurs du siècle, il rivalisait en se jouant les maîtres de la peinture, indifférent à l’instrument et à la matière, pourvu qu’il reproduisît la forme, l’attitude, le contour ou la couleur en toute chose créée ou pensée. […] En voici une faible traduction : Florence à la Liberté : « Ô femme, tu fus créée pour mille amants, dans la perfection de tes formes angéliques. […] La nature, qui se complaît plus souvent dans les analogies entre l’âme et la forme, se complaît aussi quelquefois dans les contrastes ; mystérieuse en tout, adorable en tout ; cependant le physionomiste qui déchiffre avec intelligence l’hiéroglyphe de la figure humaine, peut facilement ici percer le mystère. […] C’est sans doute dans les deux bustes de Socrate et de Michel-Ange qu’on trouve l’explication de leur rusticité de formes : manœuvres sublimes au bras de fer, pour faire jaillir de la matière rebelle l’impalpable et immatérielle beauté !

722. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Il vit de fèves et de pain bis… Le poète façonne la bouche tendre et balbutiante des enfants ; il défend leur oreille contre les propos grossiers ; il forme leur cœur par de belles maximes ; il leur enseigne l’humanité et la douceur… Il console le pauvre et celui qui souffre. […] Il y a, dans le sentiment qu’elle lui inspire, de la tendresse, de l’amusement à regarder s’agiter une jolie forme, de la pitié et un imperceptible dédain. […] Ses livres laissaient loyalement paraître que le fond du « naturalisme » était la « délectation morose » des théologiens, et que l’attachement même à considérer le laid y était encore une forme détournée de l’impureté. […] À ne considérer (s’il se peut) que la forme, j’ai eu l’impression que sa parole, directe, énergique, vibrante — merveilleusement claire — luttait sans désavantage contre l’énorme flot, épandu en nappe, de l’éloquence de M.  […] J’ai peur que la forme et la mesure de l’intervention de l’État ne soient assez difficiles à fixer dans de telles conditions.

723. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Sans doute ces grands hommes du XVIIIe siècle étaient plus religieux qu’ils ne pensaient ; ce qu’ils bannissaient sous le nom de religion, c’était le despotisme clérical, la superstition, la forme étroite. […] Qu’est-ce que Dieu pour l’humanité, si ce n’est le résumé transcendant de ses besoins suprasensibles, la catégorie de l’idéal, c’est-à-dire la forme sous laquelle nous concevons l’idéal, comme l’espace et le temps sont les catégories, c’est-à-dire les formes sous lesquelles nous concevons les corps 206 ? […] Il faut avouer aussi que le catholicisme, avec ses formes dures, absolues, sa réglementation rigoureuse, sa centralisation parfaite, devait plaire à la nation qui y voyait le plus parfait modèle de son gouvernement. […] J’imagine qu’un dialogue de Platon nous représente réellement une conversation d’Athènes, bien différent des compositions analogues de Cicéron, de Lucien et de tant d’autres, qui ne prennent le dialogue que comme une forme factice pour revêtir leurs idées, sans aspirer à rendre aucune scène de la vie réelle. […] Aussi fut-il peu sympathique, dans sa forme définitive, aux peuples orientaux.

724. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

La poésie eut de bonne heure sa place dans ce concours universel : elle sut se rajeunir et par le sentiment et par la forme. […] Il paraît généralement accordé aujourd’hui que l’école moderne a étendu ou renouvelé la poésie dans les divers modes et genres de l’inspiration libre et personnelle ; et, quelque belle part qu’on fasse en cela au génie instinctif de M. de Lamartine, il en reste une très grande aux maîtres plus réfléchis, qui ont donné l’exemple multiplié des formes, des rythmes, des images, de la couleur et du relief, et qui ont su transmettre à d’autres quelque chose de cette science. […] Théodore de Banville a réuni tous ses précédents recueils (moins un), je me suis dit avec plaisir : Voilà un poète, un des premiers élèves des maîtres, un de ceux qui, venus tard et des derniers par l’âge, ont eu l’enthousiasme des commencements, qui ont gardé le scrupule de la forme, qui savent, pour l’avoir appris à forte école, le métier des vers, qui les font de main d’ouvrier, c’est-à-dire de bonne main, qui y donnent de la trempe, du ressort, qui savent composer, ciseler, peindre. […] J’ai parlé d’art grec : est-il rien qui le rappelle et le représente plus heureusement que ce conseil donné à un sculpteur de se choisir des sujets calmes et gracieusement sévères, comme des hors-d’œuvre à son ciseau, dans les intervalles de la verve et de l’ivresse : Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l’extase, Un marbre sans défaut pour en faire un beau vase : Cherche longtemps sa forme, et n’y retrace pas D’amours mystérieux ni de divins combats.

725. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] Mais, dans toutes ces pièces récentes, louables de pensée, grandioses de forme, sur le bal de l’Hôtel de Ville, sur le gala du budget ; dans ces prières à Dieu sur les révolutions qui recommencent ; dans ces conseils à la royauté d’être aumônière comme au temps de saint Louis ; dans ce mélange, souvent entre-choqué, de réminiscences monarchiques, de phraséologie chrétienne et de vœux saint-simoniens, il n’est pas malaisé de découvrir, à travers l’éclatant vernis qui les colore, quelque chose d’artificiel, de voulu, d’acquis : toute cette portion des Chants du Crépuscule me fait l’effet d’une tenture magnifique dressée tout exprès pour une scène. […] Ce qu’André Chénier avait exprimé sous une forme morale et philosophique, M. […] Hugo a bien mieux apprécié l’auteur des sonnets et sa forme élégamment ciselée ; mais, par suite du défaut signalé tout à l’heure, il s’est glissé, dans les vingt-deux vers consacrés à la louange du mélodieux amant de Laure, deux mots criards qui rompent toute l’harmonie du ton : Je prends ton livre saint qu’un feu céleste embrase.

726. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Une idée seulement de Ramus le rattache à notre sujet : sa Dialectique, opposée à la Logique d’Aristote, fonde le raisonnement oratoire, qui se forme moins par l’exacte application de règles rigoureuses, que par le commerce et l’imitation des chefs-d’œuvre antiques, par le contact en quelque sorte des réalités concrètes où s’est manifestée la faculté discursive de l’esprit humain. […] Cependant deux choses tendent à ramener les ouvrages de science et d’érudition dans notre domaine : la langue française, quand on l’emploie, toute concrète encore et chargée de réalité, et dont les mots apportent, au milieu des abstractions techniques, les formes, les couleurs et comme le parfum des choses sensibles ; ensuite, le tempérament individuel, mal plié encore à la méthode scientifique, et qui jette sans cesse à la traverse des opérations de la pure intelligence l’agitation de ses émotions et les accidents de sa fortune. […] Dans ces causeries d’un érudit, impossible de ne pas entendre l’accent de son tempérament, et de détacher la vérité impersonnelle d’une forme originale de l’esprit qui la présente. […] Il y a aussi dans Palissy un observateur sans illusions comme sans amertume, qui, par sa chimie morale, isole les éléments simples des âmes, et ces principes constitutifs qui sont les passions égoïstes : il y a même en lui un poète sensible aux impressions de la nature, aux formes des choses, et qui mêle aimablement dans son amour de la campagne un profond sentiment d’intime moralité et de paix domestique.

727. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

« Il nous paraît, disait-il, essentiel, dans l’inquiétude actuelle des esprits, de déterminer sous quelle forme l’idée de science peut s’appliquer aux questions psychologiques ou morales. […] Cette survivance indéfinie de leurs propriétés actives, les chefs-d’œuvre littéraires la doivent à la forme, personnelle et belle, dans laquelle l’originalité de l’écrivain s’est réalisée : disons, si vous voulez, au style. […] Les grandes lignes du développement littéraire, les courants d’idées et de sensibilité, la succession des états du goût, les étapes de la formation et de la dissolution des doctrines, des genres et des formes, tous ces faits généraux sont mieux connus, mieux observés, mieux analysés. […] L’acceptation des résultats où conduit la loyale obéissance à cette discipline forme un terrain solide de vérités acquises sur lequel ces hommes venus de tous les coins de l’horizon se rencontrent.

728. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Ce qui, chez l’un, découle d’un amour savant et puissant de la forme est produit, chez l’autre, par l’intensité et par la spontanéité de la passion. […] En rattacherai-je la forme au souvenir de quelque forme littéraire ? […] Or, ce qui distingue Satan, c’est qu’il ne peut ni admirer ni aimer… Baudelaire, comme tous les poètes-nés, dès le début posséda sa forme et fut maître de son style, qu’il accentua et polit plus tard, mais dans le même sens.

729. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

. — Sous toutes ces formes et dans tous ces usages, elle apparaît comme une puissance régulatrice et organisatrice des instincts, des sentiments et des idées, comme le principe directeur de la vie, le guide de la conduite, comme la manifestation la plus haute de la personnalité. […] Elle dépend aussi de la forme particulière de la volonté elle-même, suivant la proportion variable des éléments qui la composent (éléments sensitifs, intellectuels, moteurs) ; suivant la quantité d’énergie vitale de l’individu ; suivant le mode d’action de cette énergie (adaptation ou domination), suivant le caractère modéré et continu ou au contraire violent et spasmodique des réactions de l’individu. […] Sous ses différentes formes et à travers ses différents degrés d’énergie, la volonté peut se mettre au service de la sociabilité ou de la personnalité, au service de l’altruisme ou de l’égoïsme. […] Toutes les formes d’association (et combien il en est de stériles au point de vue de l’accroissement de notre pouvoir sur la nature), réclament de l’individu le sacrifice d’une part de sa liberté ; et il s’en faut de beaucoup que ce sacrifice soit toujours racheté par des avantages correspondants.

730. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Ce qu’elles contiennent, on le voit d’ici ; c’est l’épanchement quotidien ; c’est le temps qu’il a fait aujourd’hui, la manière dont le soleil s’est couché hier, la belle soirée ou le matin pluvieux ; c’est la voiture où le voyageur est monté, chaise de poste ou carriole ; c’est l’enseigne de l’hôtellerie, l’aspect des villes, la forme qu’avait tel arbre du chemin, la causerie de la berline ou de l’impériale ; c’est un grand tombeau visité, un grand souvenir rencontré, un grand édifice exploré, cathédrale ou église de village, car l’église de village n’est pas moins grande que la cathédrale, dans l’une et dans l’autre il y a Dieu ; ce sont tous les bruits qui passent, recueillis par l’oreille et commentés par la rêverie, sonneries du clocher, carillon de l’enclume, claquement du fouet du cocher, cri entendu au seuil d’une prison, chanson de la jeune fille, juron du soldat ; c’est la peinture de tous les pays coupée à chaque instant par des échappées sur ce doux pays de fantaisie dont parle Montaigne, et où s’attardent si volontiers les songeurs ; c’est cette foule d’aventures qui arrivent, non pas au voyageur, mais à son esprit ; en un mot, c’est tout et ce n’est rien, c’est le journal d’une pensée plus encore que d’un voyage. […] Si l’auteur avait publié cette correspondance de voyageur dans un but purement personnel, il lui eût probablement fait subir de notables altérations ; il eût supprimé beaucoup de détails ; il eût effacé partout l’intimité et le sourire ; il eût extirpé et sarclé avec soin le moi, cette mauvaise herbe qui repousse toujours sous la plume de l’écrivain livré aux épanchements familiers ; il eût peut-être renoncé absolument, par le sentiment même de son infériorité, à la forme épistolaire, que les très grands esprits ont seuls, à son avis, le droit d’employer vis-à-vis du public. […] L’essentiel, pour que l’auteur puisse dire, lui aussi : Ceci est un livre de bonne foi, c’est que la forme et le fond des lettres soient restés ce qu’ils étaient. […] Si l’on se reporte aux faits généraux de notre temps, on verra que cette prévision a pu en résulter, même dans la forme précise que le hasard lui a donnée.

731. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Mais Beaumont-Vassy, dont la forme élégante a la pâleur diplomatique, n’a pas littérairement beaucoup plus de style que cette foule d’écrivains qui, au xixe  siècle, savent jeter une phrase dans le moule banal où tout le monde peut aller faire fondre son morceau de plomb… Évidemment, pour que des livres pareils soient lus avec avidité, il faut qu’il y ait absence complète d’œuvres historiques sur la Russie, et, de fait, il n’y en a pas. […] il n’en restait pas moins le seul ouvrage où l’histoire de la Russie, de ce pays ouvert aux voyageurs, mais fermé à la pensée, cette histoire qui ne s’écrit pas, avait été devinée, saisie au vol, et rapportée parmi nous sous la forme la plus individuellement éloquente. […] L’inspiration qui anima ces nouvelles, nous l’avons coudoyée cent fois, et la forme n’est pas plus neuve que l’inspiration. […] il le mêle à la forme, si abrupte et si piquante, des Memoranda de lord Byron.

732. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Il mettait tout sous de certaines formes, combinées et convenues, et c’est par là que la Critique, quand elle l’osera, pourra prendre et secouer son génie. […] Sous une forme moins brillante, sous une forme modeste, sous une forme quelconque, ce serait encore un livre d’un succès certain et avec lequel la Critique devrait compter.

733. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Poésie lyrique sous forme élégiaque. — Chants politiques de Solon. — Chants guerriers de Callinos et de Tyrtée. — Stésichore. Nul doute que ce génie lyrique, si cher il la Grèce, ne s’y trouve et ne puisse parfois se reconnaître sous des formes où la théorie moderne ne le chercherait guère. […] Sous la première inspiration des chants guerriers recueillis par Lacédémone comme par Athènes, la poésie, dans sa forme élégiaque et lyrique, restait la conseillère des peuples, et, après les oracles, la première voix qu’ils écoutaient. […] C’est, dans les formes de l’art, l’image de cette marche régulière et terrible dont les Crétois abordaient lentement, au son de la flute et de la lyre, les bataillons ennemis.

734. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Tout cela ensemble forme un air modeste· et de grandeur qui imprime du respect : elle a d’ailleurs toute la beauté d’âme qu’une personne de qualité doit avoir, et elle ira de pair en mérite avec M. le duc de Saint-Simon son époux, l’un des plus sages et des plus accomplis seigneurs de la Cour. […] C’est donc la totalité des Mémoires qu’il fallait donner dans leur forme originale et authentique. […] Sachons enfin comprendre que la nature est pleine de variétés et de moules divers ; il y a une infinité de formes et de talentsak. […] Une autre forme de talent, je l’ai dit, un autre miroir magique eût reproduit des effets différents, et toutefois celui-ci est vrai, il est sincère, il l’est au plus haut degré dans l’acception morale et pittoresque. […] [1re éd.] il y a une infinité de formes de talents.

735. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

L’écrivain y traduit, sous une forme éclatante, des idées éparses dans Schiller, dans Goethe, dans. […] Ils renferment exactement le même argument, et ils le présentent sous une forme plus faible. […] Mais cette foi se dégage résolument des formes du culte. […] L’idée en était ingénieuse et gracieuse, la forme agréable. […] Il croit aux formes nouvelles de l’art parce qu’il estime que les formes anciennes sont trop arrêtées, trop précises, impropres à exprimer ce qu’il y a de caché dans les choses.

736. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Quelles que soient les formes sous lesquelles doive se reconstituer (nous l’espérons) l’esprit religieux et chrétien dans la société, cette vertu avancée de quelques jeunes cœurs, cette foi et cette modestie, tenues en réserve, aideront puissamment au jour de l’effusion. […] La lecture de M. de Lamartine était toute son étude d’art ; c’est aussi dans cette forme libre et facile que se sont modulés ses premiers chants.

737. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Mais si, par quelques formes de son style. […] Caro Au moins dans la forme d’un sentiment, sinon d’une doctrine, cette philosophie du désespoir a troublé, dans ces dernières années, plus d’une âme qui a cru se reconnaître dans l’accent amer, hautain, d’un poète de grand talent, l’auteur des Poésies philosophiques .

738. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

Haraucourt les revêt d’une forme très haute et très fière. […] Charles Morice Edmond Haraucourt, dans une forme corroborée déjà par des pages de Baudelaire et de M. 

739. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Allegrain » p. 322

Ce n’est qu’après un long silence admiratif qu’elle a dit tout bas, que la perfection de la tête ne répondait pas tout à fait à celle du corps ; cette tête est belle pourtant, ajoutait-elle, beaux enchâssemens d’yeux, belle forme, belle bouche, le nez beau, quoiqu’il pût être plus fin. […] Quelle forme de bras !

740. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Ne laissons pas une lumière, même décevante, s’éteindre sans la rallumer sous une autre forme et, s’il se peut, par un autre flambeau. […] Mon objection, on le voit, porte plutôt sur la forme et la mesure que sur le fond. […] Littré, agissant dans sa seconde forme. […] Et quant à la forme c’est du granit et du ciment. […] Je les donne ici, par exception, sous cette forme qui est, après tout, plus coulante et définitive.

741. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Éloa ou la Sœur des Anges, mystère, parut en 1824, cette fois avec le nom de l’auteur : la forme était religieuse, la forme seule ; pour le fond, on était et l’on nageait en pure poésie. […] Or, cette larme donnée par l’amitié, cette larme divine du Fils, recueillie dans l’urne de diamant des séraphins et portée aussitôt aux pieds de l’Éternel, s’anime sous le rayon de l’Esprit-Saint et devient tout d’un coup une forme blanche et grandissante, un ange, qui répond au nom d’Éloa. […] sans doute, pour le poète, pour l’homme de lettres véritable, dans cette société où nous sommes, la tâche est rude, et il y a pour les talents plus d’une forme de suicide ou de demi-suicide. […] La Bouteille à la mer exprime sous une forme saisissante cette disposition stoïque et funèbre. […] La forme est idéale toujours ; mais elle a comme sa trempe d’amertume ; le vase porte, cette fois, les marques de la flamme.

742. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Est-ce que les sons, les formes, les couleurs, les notes, la lyre, le ciseau, le pinceau, la toile, le marbre ne sont pas les lettres à l’aide desquelles le musicien, le peintre, le sculpteur, l’architecte écrivent ces langues parfaitement intelligibles de la musique, de la peinture, de la sculpture, de l’architecture ? […] L’un est l’art de multiplier les impressions de l’âme par les sons ; l’autre est l’art de multiplier les impressions de l’âme par la vue, par les formes, par les couleurs, par les illusions que le dessin des contours, l’ombre et la lumière, les teintes, les nuances imitées de la nature font sur les yeux. […] Je dirais encore que la peinture est une illusion du pinceau, une comédie sur la toile, qui vous montre des saillies où tout est plat, des formes où il n’y a que des ombres, tandis que la musique est une réalité. […] L’artiste dont les œuvres expriment le plus de ce Sursum corda, de cette réalisation de l’idéal par la parole, les sons, les couleurs, les formes, est le plus véritablement artiste entre tous les artistes. […] Apprécier le génie, c’est le génie aussi sous la forme de l’admiration.

743. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Il y en a sur presque toutes les matières qui peuvent faire l’objet de traités, et recevoir la forme d’un enseignement. […] Il contentait tous les goûts, soit sérieux, soit frivoles, sous une forme qui ne laissait à personne la liberté de s’y intéresser médiocrement. […] L’époque où cette assimilation sera complète verra fleurir la plus belle littérature des temps modernes, ou plutôt la troisième forme de la littérature universelle. […] Villon innove dans les idées et dans la forme. […] Novateur dans les idées, Villon ne l’est pas moins dans la forme ; l’un emporte l’autre.

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