Quand on en venait au fait et au prendre, le succès pour lui ne répondait pas aux vues, et il ne retrouva jamais à la guerre de quoi couronner ou confirmer les exploits plus ou moins faciles de sa jeunesse. […] C’est la juste harmonie du jugement avec l’imagination, qui constitue l’homme d’esprit ; joignez-y la conception nette et facile, c’est l’homme de beaucoup d’esprit ; avec le courage de plus, c’est l’homme de génie : mais, avec le feu seul de l’imagination, on extravague… « Il est de ces familles de Cour, tirées de l’obscurité par le bonheur et par l’intrigue, sans avoir jamais rendu d’éclatants services, sans avoir produit d’hommes d’un mérite élevé71. […] Son élocution était facile, séduisante et pleine de ces saillies qui, dans les hommes d’un rang élevé, passent aisément pour de la profondeur.
Ces amitiés, Messieurs, s’il m’est permis désormais de leur donner ce nom, ces amitiés précieuses et illustres, en voulant bien me tendre la main du milieu de vous, m’ont enhardi et comme porté ; elles m’ont rendu presque facile un succès que d’autres plus dignes ont attendu plus longtemps ; il se mêle malgré moi aujourd’hui un reste d’étonnement et de surprise jusque dans la reconnaissance. […] Un matin qu’on avait donné quelque version de Perse ou d’Anacréon, le jeune écolier trouva plus facile de traduire en vers français. […] Jusque-là il avait eu, moyennant ses consciencieux efforts, un succès plein, facile, succès du jour et du lendemain, un applaudissement sans réserve ; il avait gagné à chaque pas, il s’était étendu et avait donné de lui-même de variés et croissants témoignages.
C’était, comme dit Mme de Sévigné, des conversations infinies : « Après le dîner, écrit-elle quelque part à sa fille, nous allâmes causer dans les plus agréables bois du monde ; nous y fûmes jusqu’à six heures dans plusieurs sortes de conversations si bonnes, si tendres, si aimables, si obligeantes et pour vous et pour moi, que j’en suis pénétrée7. » Au milieu de ce mouvement de société si facile et si simple, si capricieux et si gracieusement animé, une visite, une lettre reçue, insignifiante au fond, était un événement auquel on prenait plaisir, et dont on se faisait part avec empressement. […] Jusque-là, rêver, c’était une chose plus facile, plus simple, plus individuelle, et dont pourtant on se rendait moins compte : c’était penser à sa fille absente en Provence, à son fils qui était en Candie ou à l’armée du roi, à ses amis éloignés ou morts ; c’était dire : « Pour ma vie, vous la connaissez : on la passe avec cinq ou six amies dont la société plaît, et à mille devoirs à quoi l’on est obligé, et ce n’est pas une petite affaire. […] C’est ce style que Boileau a conseillé en toute occasion ; il veut qu’on remette vingt fois son ouvrage sur le métier, qu’on le polisse et le repolisse sans cesse ; il se vante d’avoir appris à Racine à faire difficilement des vers faciles.
Les Grecs, au contraire, étaient doués d’organes parfaits, faciles à mettre en jeu, et qu’il ne fallait qu’atteindre pour les émouvoir. […] Joubert, non plus un livre de bibliothèque comme aujourd’hui, mais aussi (ce qui serait si facile avec du choix) un de ces beaux petits livres comme il les aimait, et qui justifierait en tout sa devise : Excelle, et tu vivras ! […] Ils se dégoûtent aisément, dédaignent les suffrages faciles, et aiment mieux juger, goûter et s’abstenir, que de rester au-dessous de leur idée et d’eux-mêmes.
Il a rempli cet autre vœu de Fénelon : « Il ne faut prendre, si je ne me trompe, que la fleur de chaque objet, et ne toucher jamais que ce qu’on peut embellir. » Et, enfin, il semble avoir été mis au monde exprès pour prouver qu’en poésie française il n’était pas tout à fait impossible de trouver ce que Fénelon désirait encore : « Je voudrais un je ne sais quoi, qui est une facilité à laquelle il est très difficile d’atteindre. » Prenez nos auteurs célèbres, vous y trouverez la noblesse, l’énergie, l’éloquence, l’élégance, des portions de sublime ; mais ce je ne sais quoi de facile qui se communique à tous les sentiments, à toutes les pensées, et qui gagne jusqu’aux lecteurs, ce facile mêlé de persuasif, vous ne le trouverez guère que chez Fénelon et La Fontaine. […] Cette beauté ainsi détournée, adoucie et non altérée, coule chez Fénelon à plein canal, et déborde comme une fontaine abondante et facile, une fontaine toujours sacrée, qui s’accommode à sa nouvelle pente et à ses nouvelles rives.
Pour la première fois en France, l’enseignement tout à fait littéraire commence et se met en frais d’agrément ; pour la première fois, quand on n’est ni frivole, ni érudit, et qu’on cherche une juste et moyenne culture, on voit se dérouler des cadres faciles qui étendent et reposent la vue de l’esprit, même quand le professeur n’a pas réussi complètement à les remplir. […] Sur Bossuet, sur Bourdaloue, sur La Rochefoucauld et Retz, on est allé, depuis plus avant que lui : il n’exprime guère sur leur compte que ce qu’une première lecture courante peut suggérer d’impressions et d’idées à un esprit facile, abondant, éloquent en ces matières. […] Il a l’élégance facile, celle qui, jusqu’à un certain point, s’enseigne ; il n’a pas l’élégance exquise et suprême.
On sait mieux alors à quelles sensibilités on s’adresse, et comme il est facile de blesser en ne voulant qu’effleurer. […] Manceau, dans ses vers faciles, animés d’une douce gaieté et d’une piété riante, a quelque chose d’un Gresset resté au séminaire, et rappelle quelquefois aussi le ton de sentiment du poète catholique breton, M. […] La vérité, voilà ce que le poète doit chercher avant tout de nos jours, car les formes, les couleurs, le rythme, tout cela est assez facile à emprunter.
La nature avait beaucoup fait pour lui : il avait l’élocution vive, facile, insinuante, le commerce sûr et charmant. […] Cette jeune femme, sur laquelle tous les portraits s’accordent, était, dès l’âge le plus tendre, une perfection mignonne de bon sens, de prudence, de grâce et de gentillesse : Mme de Stainville, à peine âgée de dix-huit ans, nous dit l’abbé Barthélemy, jouissait de cette profonde vénération qu’on n’accorde communément qu’à un long exercice de vertus : tout en elle inspirait de l’intérêt, son âge, sa figure, la délicatesse de sa santé, la vivacité qui animait ses paroles et ses actions, le désir de plaire qu’il lui était facile de satisfaire, et dont elle rapportait le succès à un époux digne objet de sa tendresse et de son culte, cette extrême sensibilité qui la rendait heureuse ou malheureuse du bonheur ou du malheur des autres, enfin cette pureté d’âme qui ne lui permettait pas de soupçonner le mal. […] Lorsque, arrivé à l’âge de soixante-dix ans, on lui conseilla de ne plus différer de publier son Jeune Anacharsis, l’ouvrage de toute sa vie, il hésita longtemps, et, lorsqu’il se décida enfin à le laisser paraître, en décembre 1788, c’est-à-dire à la veille des États généraux, son espoir était que l’attention publique, occupée ailleurs, ne se porterait que peu à peu et insensiblement sur le livre, et qu’il n’y aurait lieu ainsi ni à un succès ni à une chute : « Je voulais, dit-il, qu’il se glissât en silence dans le monde. » En tout ce qui précède, je n’ai voulu présenter l’abbé Barthélemy que dans l’ensemble de son existence et dans la distinction tempérée de son caractère : il nous en sera plus facile de parler de l’ouvrage même.
En cette occasion, le précepte est plus facile à donner qu’à suivre. […] Croyant créer peut-être, ils ont encore imité ; mais, cette fois, leurs modèles étant moins faits pour en servir, si l’imitation n’a pas été beaucoup plus heureuse, elle a du moins été beaucoup plus facile, et ils paraissent enfin satisfaits d’eux-mêmes. […] Peignez la nature avec vérité, mais avec choix, et sans marquer minutieusement ses moindres traits, comme cet artiste sans génie, qui trouve avec raison plus facile de tromper l’œil que de le charmer.
montrez-nous les textes des Évangiles que vous invoquez, et ne nous jouez plus cette comédie trop facile qui consiste à citer les numéros des versets de l’Évangile où vous savez bien que le lecteur pressé n’ira pas voir ! […] Et quand il me dit : « J’ai trouvé cette tradition en Judée », je veux plus que cette importation facile. […] Défait, l’Église, c’est Jésus-Christ dans la durée, bien autrement facile à reconnaître que le Jésus-Christ dans le temps.
VII Du reste, rien de plus facile que de ramasser cette pierre à ses pieds et de la jeter à la tête de quelqu’un : « Je ne vous crois pas. […] c’est facile, et d’autant plus facile que cela doit rester impuni ; car on ne peut pas faire la preuve, qui serait une punition, de la sincérité d’un sentiment ou d’une pensée, si ce n’est par l’accent qu’on met à l’exprimer, les âmes n’étant pas transparentes.
Il étoit fort lié avec Voiture, Scarron, Sarrasin, avec la fameuse Ninon, & quelques autres, d’une société pleine de gaieté & d’agrémens, ce qui ne contribue pas peu à animer un esprit naturellement agréable & facile.
Il est un des premiers qui ait donné au Public un Cours de Phisique expérimentale, en quoi il a été très-utile à ceux qui veulent étudier la Nature, plus facile à connoître par les effets que dans les causes.
Dès que le erite principal des poëmes et des tableaux consiste à répresenter des objets capables de nous attacher et de nous toucher si nous les voïons veritablement, il est facile de concevoir combien le choix du sujet est important pour les peintres et pour les poëtes.
Pendant plus de dix siècles, rien dans notre Europe n’a été facile, général, ni simple. […] Heureusement, il y a lieu de le croire, des applaudissements, alors trop faciles à obtenir, ne vinrent pas tenter une ambition que le caractère du jeune poëte eût pu rendre trop facile à satisfaire ; et Rowe, son premier historien, nous apprend que ses mérites dramatiques le firent promptement remarquer, sinon comme un acteur extraordinaire, du moins comme un excellent écrivain. […] Les périls nationaux, les discordes intestines, les guerres civiles y agitèrent la vie de l’homme sans porter le trouble dans son imagination, sans combattre ni déranger le cours naturel et facile de sa pensée. […] L’ordre, la régularité, le développement naturel et facile en ont paru bannis. […] Est-il étrange que cette mine féconde et ce genre facile aient attiré d’abord les regards de Shakespeare ?
Marc Lafargue se recommandent par leur grâce harmonieuse et facile.
Avec une versification, en général, noble, forte & élégante, ce Poëte auroit dû s’attacher à y répandre un peu plus de cette douceur, de ce moëlleux, qui, sans nuire à l’énergie, donne, si l’on peut s’exprimer ainsi, de l’embonpoint aux Vers, & les fait paroître faciles.
L’expérience l’a sans doute éclairé sur les principes de ces Messieurs, dont il est si facile de se détacher, quand on a été à portée d’en juger par la pratique.
Son Madrigal à Madame de Martel fait connoître combien son esprit étoit facile, délicat, & orné.
Pour lui, sans renoncer à ses préjugés [comme il le paroît par son Histoire de la Papesse Jeanne, qui ne peut être que le fruit d’un esprit excessivement crédule, ou d’une imagination trop facile à se remplir de tout ce qui favorise les rêveries d’une Secte], il a su répandre, dans d’autres Ouvrages historiques, du discernement, de l’ordre, de la netteté, de l’élégance, & de l’instruction.
Rien n’est plus facile, rien n’est plus amusant. » Eh bien ! le voilà à même de pratiquer et de professer ces sciences faciles. » « — Ce n’est pas en lui-même ni dans son bon sens personnel que Lamartine puise ce qui lui reste de bon aujourd’hui : il le doit à ses habitudes antérieures, au milieu social d’où il est sorti, à une certaine atmosphère d’homme comme il faut dont il ne pourra jamais se défaire.
Dès que les sentiments généreux, de quelque nature qu’ils soient, peuvent s’exprimer sans contrainte, l’éloquence, ce talent qu’il semble si facile d’étouffer, puisqu’il est si rare d’y atteindre, renaît, grandit, se développe et s’empare de tous les sujets importants. […] Je sais combien il est facile de me blâmer de mêler ainsi les affections de mon âme aux idées générales que doit contenir ce livre ; mais je ne puis séparer mes idées de mes sentiments ; ce sont les affections qui nous excitent à réfléchir, ce sont elles qui peuvent seules donner à l’esprit une pénétration rapide et profonde.
Il faut en montrer l’unité, et tirer, pour ainsi dire, d’une seule source, tous les principaux événements qui en dépendent : par là il instruit utilement son lecteur, il lui donne le plaisir de prévoir, il l’intéresse, il lui met sous les yeux un système des affaires de chaque temps, il lui débrouille ce qui en doit résulter, il le fait raisonner sans lui faire aucun raisonnement, il lui épargne beaucoup de redites ; il ne le laisse jamais languir, il lui fait même une narration facile à retenir par la liaison des faits… « Un sec et triste faiseur d’annales ne connaît point d’autre ordre que celui de la chronologie : il répète un fait toutes les fois qu’il a besoin de raconter ce qui tient à ce fait ; il n’ose ni avancer ni reculer aucune narration. […] C’est ce que font les romanciers quand ils suivent les aventures de plusieurs individus ou de plusieurs groupes : dans la dispersion des actions particulières, il y a de temps à autre comme des nœuds qui resserrent tous les fils : les individus, les groupes se mêlent et se démêlent incessamment, et le sujet, à chaque moment dispersé, à chaque moment rassemblé, reste toujours facile à suivre pour l’esprit qui y trouve l’ordre et la clarté nécessaires.
Il est d’ailleurs si facile de tourner en ridicule ses patientes investigations. […] Il est commode de jeter sur ces nobles folies le mot si équivoque de pédantisme ; il est plus facile encore de montrer que ces amants passionnés de la science n’avaient ni le bon goût ni la sévère méthode de notre siècle.
L’objet de la morale consiste à élever l’âme et à l’empêcher de s’abaisser ; mais on sait qu’il est plus facile à l’homme de déchoir que de monter. […] Or, autant il est difficile de créer dans une société des habitudes nouvelles sans aucune relation avec celles qui existent, autant il est facile de transformer des habitudes existantes, car cette transformation se fait d’elle-même par la force des choses.
On ne substituë souvent les faux brillans, et les pointes au sens et à la force du discours, que parce qu’il est plus facile d’avoir de l’esprit que d’être à la fois touchant et naturel. […] Il est certainement plus facile de ne point faire de mauvaises remarques sur des poesies dont a connu les auteurs, et qui parlent des choses que nous avons vûes, ou dont une tradition encore récente a conservé les explications, ou si l’on veut, les applications, qu’il ne le sera dans l’avenir, quand toutes ces lumieres seront éteintes par le temps et par toutes les revolutions ausquelles les societez sont sujettes.
Une observation qui n’a pas été assez faite, — peut-être parce qu’elle était trop facile à faire, — c’est que, placés à tant d’années déjà du xviiie siècle, nous n’avons pas encore son histoire. […] Malgré beaucoup d’écrits publiés sur Louis XIV et sur son siècle, la dernière portion du règne de ce roi, la seule qui soit à juger (l’autre, on l’admire, ce qui est plus agréable et plus facile), n’est point encore jugée comme elle doit l’être, et si l’on peut tirer une induction des opinions d’un premier volume qu’on a lu à celles des volumes qui n’ont pas été publiés et qui doivent suivre, il est à craindre que le livre de Moret ne contribue pas beaucoup à ce jugement définitif.
Il y a été placé pour les prunes du succès facile et de la publicité immédiate à faire tomber dans son chapeau ! […] Il a des impatiences d’auteur et un esprit plus facile que vraiment fécond, plus hâté de produire que mâle de production.