/ 2025
488. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

L’espèce de fatuité qu’on attribuait à l’auteur d’Adolphe, qui, disait-on, avait dans ce roman écrit sa propre histoire et peint la fatigue d’une liaison qui justifiait le mot fameux des Liaisons dangereuses : « on s’ennuie de tout, mon ange », ne tient plus devant le ton de ces lettres écrites par le plus maltraité des hommes qui aiment, — par le plus patito des patiti qui aient jamais existé ! […] L’homme résista, mais la force qui sert à aimer avec cette exclusion sublime, la force du cœur, en lui, n’existait plus… VI Ces cent soixante et une lettres, qui ne sont pas un livre, — qui ne sont pas de la littérature, — intéresseront au plus haut degré tous ceux qui, par compassion ou par mépris, prennent quelque souci de l’âme humaine… il y a là deux choses qui vont souffleter bien des esprits.

489. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Kant, Fichte, Jacobi, Schelling, n’existent plus… que dans Tennemann. […] Vera, qui se connaît en pensée, appelle Hegel le plus prodigieux des penseurs qui ait jamais existé.

490. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Sous peine de retomber dans les redites de la vulgarité, un grand homme est presque nécessaire pour juger un grand homme… Du moins, un certain plain-pied doit-il exister entre l’historien et son héros, pour que l’histoire soit entendue. […] Aussi, dans son livre, quoique vous y voyiez passer les figures qui sont les éternelles tentations des peintres d’histoire : Richelieu, Mazarin, Louis XIV, le Grand Condé, saint Vincent de Paul, — j’allais presque dire saint Turenne, car ce grand converti de Bossuet, avant qu’un boulet de canon l’envoyât à Dieu, pensait à y aller autrement en se retirant à l’Oratoire, — tous ces personnages, tous ces grands hommes, n’y existent que dans le rapport qu’ils ont directement avec Bossuet.

491. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

L’homme du matérialisme positiviste n’existait pas encore en lui, — et du système physiologique à l’aide duquel il explique tout dans le talent des hommes, il n’avait, à ce moment, pris que ce qu’il en faut pour que ce soit une idée juste. […] Je ne dis pas qu’elle ne puisse exister dans une autre littérature que la nôtre, puisque je viens de parler de Walter Scott, mais elle y est excessivement rare, — et jamais, jamais dans la proportion qu’elle a dans La Fontaine.

492. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

À une époque encore où les poètes les plus chrétiens d’inspiration introduisent dans leur Christianisme poétique je ne sais quel lâche élément épicurien, car la douleur elle-même a sa sensualité, rien de plus frappant que de voir ce que jusque-là on n’avait pas vu : le Stoïcisme en poésie nous écrivant, par la main la plus douce qui ait jamais existé, des vers de cette virilité d’idées et de cette simplicité d’expression : Hélas ! […] Elles ne donnent pas enfin deux raisons d’exister à la Gloire.

493. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Sandeau appartient à cette moralité bourgeoise qui n’a pas de croyance solide et profonde, mais qui ne veut pas qu’on lui vole ses chemises ou qu’on les lui chiffonne, et qui, comme Voltaire, trouve que, si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer… pour les domestiques. […] Ce fut son mérite, et cela devint intellectuellement son honneur, de montrer, par une suite d’ouvrages, qu’après la rupture d’une collaboration éclatante, il n’était pas, du coup, entièrement brisé, — qu’il était par lui-même, — qu’il existait, — qu’il avait enfin une individualité littéraire, et que, pour la délicatesse des sentiments et l’adoucissement des touches amollies, la plus femme des deux n’était pas la femme.

494. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Dans la religion réformée, les sacrements pour lesquels le prêtre serait indispensable n’existent pas. […] Mais il existe dans les devenues, en Poitou, en Saintonge, des communautés huguenotes du plus pur terroir.

495. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Cet heureux matérialisme, où se serait complu l’espèce humaine sous le joug égal de Rome, ce sommeil des âmes dans une servitude affermie, n’exista jamais. […] N’essayez donc pas de prétendre, ne vous flattez pas, même dans le passé, qu’il ait pu jamais exister un grand état de société humaine dépouillé de tout instinct d’agitation généreuse, déchu de l’indépendance sous toutes ses formes, s’enfermant avec quiétude et bonheur dans le cercle de la conquête, et n’aspirant qu’au pain du jour, dans l’égalité de l’esclavage.

496. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

On a vu des Curtius du bien public, mais ce Curtius du crime n’exista certes jamais que dans l’imagination des imbéciles ou des pédants. […] « Jamais, dit Machiavel, le roi de France n’aurait dû consentir à affaiblir ou à laisser absorber ces petites puissances, parce que, tant qu’elles auraient existé, elles auraient empêché les ennemis de la France devenus trop puissants de trop grandir. […] La France et l’Espagne seules viennent immiscer leur épée et leurs prétentions entre ces deux maîtres de l’Italie, les papes et les empereurs d’Allemagne ; mais l’Italie elle-même n’existe que par tronçons sous leurs pieds, comme les serpents coupés par le soc de ces laboureurs d’hommes. […] Les ossements mêmes n’en existaient plus, ils blanchissaient sur les collines de Constantinople, d’Aquilée ou de Ravenne. […] La constitution espagnole fut proclamée sur parole, car il n’en existait pas même un exemplaire à Naples.

497. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

C’est que ces acteurs, c’est nous : la même disproportion existe entre Alceste et nous qu’entre eux et lui. […] Il faut un rapport d’humeur (qui n’existe guère dans l’inégalité des conditions, et ainsi la raison sociale se réduit à une raison naturelle) ; c’est folie de vouloir marier le pédant Trissotin à la simple Henriette, l’hypocrite Tartufe à la candide Marianne, le cuistre Diafoirus à la douce Angélique. […] Où l’amour existe, la raison existe, et rien n’a droit de résister. […] En somme, au-dessous de lui, après lui, la comédie continue son développement presque comme s’il n’eût pas existé.

498. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

» Dans cette solitude de Port-Royal, au sein de fortes études théologiques et littéraires, il concentra toutes ses pensées sur ce sujet vivant, l’homme, dont il portait en lui toutes les grandeurs et toutes les misères : non pas l’homme tel que Montaigne le peint, arrivant par le doute universel à ne croire qu’à lui-même ; ni l’homme selon Descartes, qui se contente de savoir qu’il y a un Dieu, qu’il existe une âme distincte du corps, et qui s’arrange dans ce monde de façon à y vivre le plus agréablement et le plus longtemps possible ; mais l’homme tel que le christianisme l’a expliqué, l’homme dont Montaigne n’avait pas vu toute la grandeur, ni Descartes toute la petitesse. […] S’il n’existe pas de vérités intermédiaires qui m’en rapprochent et me les rendent plus présentes, que puis-je faire de cette inaccessible philosophie ? […] Que m’importe de croire que j’existe, quand la mort va faire disparaître la seule partie visible de moi-même ? […] Descartes m’avait appris que j’existe, parce que je pense : Pascal va m’enseigner quel usage je dois faire de ma pensée. […] Pascal cherchera si ce Dieu n’a pas parlé en nous par une voix plus claire encore, et s’il n’y a pas quelque marque plus sensible à laquelle non seulement nous connaissons qu’il existe, mais nous sentons qu’il est présent : il nous fera voir sa trace sur cette terre où nous vivons ; il nous fera ouïr ses paroles ; il le rapprochera de nous sans l’abaisser.

499. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

L’expression de la peur, traduction du mental en mécanique chez un être vivant, aboutit à la retraduction du mécanique en mental par un autre être vivant qui la ressent à son tour : il existe donc ici comme un circuit social. […] Les animaux les plus rudimentaires, voisins de la vie purement végétative, dépourvus de système nerveux et musculaire, n’avaient probablement pas la faculté de se mouvoir d’un point à l’autre dans leur lieu d’habitation ; mais il devait cependant exister, jusque chez ces espèces primitives, certaines tendances à une surexcitation ou à un affaissement de l’activité générale, selon l’approche ou le départ des objets avantageux ou nuisibles. […] Le soleil empêche de discerner les rayons des étoiles, mais ne les empêche ni d’exister ni de produire leur effet propre dans la lumière du jour ; cet effet, toujours le même, devient manifeste dans la nuit. […] La raison de ces affinités qui existent entre les sensations diverses, c’est qu’elles viennent se ramener à une fondamentale unité : elles sont toutes, au fond, des excitations et des réactions sympathiques du même appétit primordial. […] C’est qu’il existe une antithèse fondamentale entre le plaisir et la douleur, entre l’acceptation par la volonté et la répulsion par la volonté.

500. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Cicéron, le plus littéraire de tous les hommes qui ont jamais existé sur la terre, a écrit une phrase magnifique, à immenses circonvolutions de mots sonores comme le galop du cheval de Virgile, sur les utilités et les délices des lettres. […] VI Je compris ainsi à demi qu’il existait par ces livres, sans cesse feuilletés sous ses mains pieuses le matin et le soir, je ne sais quelle littérature sacrée, par laquelle, au moyen de certaines pages qui contenaient sans doute des secrets au-dessus de mon âge, celui qu’on me nommait le bon Dieu s’entretenait avec les mères, et les mères s’entretenaient avec le bon Dieu. […] VII Bientôt les premières études de langues commencées sans maître dans la maison paternelle, puis les leçons plus sérieuses et plus disciplinées des maîtres dans les écoles, m’apprirent qu’il existait un monde de paroles, de langues diverses ; les unes qu’on appelait mortes, et qu’on ressuscitait si laborieusement pour y chercher comme une moelle éternelle, dans des os desséchés par le temps ; les autres qu’on appelait vivantes, et que j’entendais vivre en effet autour de moi. […] Elle finit aussi avec elle : dès qu’un peuple ne sait plus ni chanter, ni écrire, ni parler, il n’existe plus. […] De tous ces hommes multiples qui vécurent en moi, à un certain degré, homme de sentiment, homme de poésie, homme de tribune, homme d’action, rien n’existe plus de moi que l’homme littéraire.

501. (1922) Gustave Flaubert

Ce texte existe encore sans doute dans les brouillons de Flaubert. […] Le bal du château lui a montré que ce monde des keepsakes et des romans existe, et elle l’identifie avec la richesse. […] Elle subit le supplice que Mézence infligeait à ses prisonniers, quand il les liait à un cadavre : supplice de la femme qui n’a rien d’autre chose à reprocher à l’homme que d’exister, d’exister avec un poids terrible. […] Il me semble, au contraire, que j’ai toujours existé, et je possède des souvenirs qui remontent aux Pharaons. […] Mais il ne peut exister qu’en s’attachant à d’autres.

502. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Hors ce cas exceptionnel, la pensée discursive existe pour elle-même, et, dès lors, il y a lieu de la concevoir comme une chose qui peut avoir un signe et qui, si elle a un signe, doit s’en distinguer par quelque caractère. […] Entre le bruit d’un arbre agité par le vent et le mot arbre, il existe toujours cette analogie que ce sont des sons, et pourtant il est difficile de trouver deux sons plus dissemblables. […] Entre les deux derniers sens, l’équivoque est fréquente aujourd’hui encore ; entre les deux premiers elle a dû exister en son temps, de même qu’au temps d’Homère le sens des mots […] et […]42 restait indécis entre l’acception biologique et l’acception psychologique274. […] Il n’est pas moins inexact de prétendre que la pensée discursive ne peut jamais se passer d’un langage intérieur ; le mot n’est pour elle qu’un accessoire, et nullement indispensable, utile, s’il est impartial, mais alors seulement, pour maintenir la généralité des idées générales, nuisible dans le cas contraire ; il n’existe aucune raison de penser que les faits d’expérience ne pourraient, sans les mots, se grouper en idées générales. […] Tant que le signe n’est pas impartial, cette division n’est pas rigoureuse, car il existe des intermédiaires entre l’état le plus vif et les états les moins intenses ; mais la transition du signe analogique au signe arbitraire par les signes métaphoriques se fait à son tour, et elle complète la séparation commencée dès les origines de la pensée.

503. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLIX » pp. 193-194

Un misanthrope disait l’autre jour : « On croit qu’il y a liberté de la presse en France, elle n’est que sur le papier, elle n’existe pas.

504. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

» me dit un jour Bruant ; « mais ça existe donc, des Parisiens ? […] Je ne suis pas de vraie race grecque ; et je crois d’ailleurs qu’il n’en existe plus de représentants. […] Croyez qu’il n’existe pas de passe-temps plus délicieux que de bâtir des systèmes en l’air. […] Ce malentendu existe aussi pour Renard. […] « En réalité, il n’existe donc point d’opposition.

505. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il a donc existé, il existe de tout temps des Espèces sociales, comme il y a des Espèces zoologiques. » Et Balzac ajoute : « Si Buffon a fait un magnifique ouvrage en essayant de représenter dans un livre l’ensemble de la zoologie, n’y avait-il pas une œuvre de ce genre à faire pour la Société ?  […] « Il a existé, il existera de tous temps, écrit-il, des espèces sociales comme il existe des espèces zoologiques. » La Comédie humaine devait être, dans sa pensée, une histoire naturelle de ces espèces sociales. […] Le monde existe, et l’homme. […] Son « moi » existe, et c’est même la seule réalité qu’il atteigne directement. […] Qu’auraient-ils dit s’ils avaient reçu l’effroyable leçon de 1914, et constaté qu’il peut exister, qu’il existe une barbarie scientifique, dont l’avion, distributeur de bombes, est l’atroce image ?

506. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Ces Rose-Croix se rattachaient sans doute à la société de frères que Bacon dit avoir existé à Paris, et dont il raconte une séance228. […] J’allais ajouter qu’il y a une chose à laquelle il n’a rien compris et dont il ne s’est jamais douté, pour peu qu’elle existe encore, c’est l’autre science, celle du Saint et du Divin ; et qu’il semble tout à fait se ranger à cet axiome volontiers cité par lui et emprunté des jurisconsultes : Idem judicium de iis quae non sunt et quae non apparent, Ce qu’on ne peut saisir est comme non avenu et mérite d’être jugé comme n’existant pas232. […] Sa passion à lui, son idéal, ce fut la bibliothèque, une certaine bibliothèque comme il n’en existait pas alors, du moins en France. […] Il existe, au tome X de la Correspondance manuscrite de Peiresc (Bibliothèque du Roi), une lettre de Naudé qui semble donner un bien triste démenti à ces témoignages publics, à cet échange de bons offices et de magnifiques démonstrations entre lui et Campanella. […] Une sorte de publicité existait dès les années précédentes : la bibliothèque s’ouvrait tous les jeudis aux savants qui se présentaient : il y en avait quelquefois de quatre-vingts à cent qui y étudiaient ensemble (Mscurat, page 244). — Voir aussi, dans les Lettres latines de Roland Des Marels, la 31e du livre II ; il y remercie Naudé en souvenir de quelque séance.

507. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Il sortit son fusil à la main ; mais il tournait à peine l’angle de l’hôtel de Nantes, maison isolée et pyramidale qui existait seule sur le Carrousel, qu’un coup de feu de hasard vint l’atteindre en pleine poitrine ; il tomba philosophe, on le releva héros. […] Je ne dis pas que Dieu existe, je ne dis pas qu’il n’existe pas, je dis seulement que je n’en sais rien, que cette idée me paraît avoir fait aux hommes autant de mal que de bien, et qu’en attendant que Dieu se révèle, je crois que son premier ministre, le hasard, gouverne aussi bien ce triste monde que lui. […] Je sens que je suis honnête homme, et qu’il me serait impossible de ne pas l’être, non pour plaire à un Être suprême qui n’existe pas, mais pour me plaire à moi-même, qui ai besoin de vivre en paix avec mes préjugés et mes habitudes, et pour donner un but à ma vie et un aliment à mes pensées. […] Tes amis te considèrent : tu fais souvent leur joie, et il semble à ton cœur qu’il ne pourrait exister sans eux. […] On a supposé que ce morceau du IIIe livre des Géorgiques y avait été inséré après coup par le poète, et lorsque déjà il s’occupait de l’Énéide ; il y a des détails qui semblent en effet avoir été ajoutés un peu plus tard ; mais le cadre premier existait, je le crois, et le sens général, selon l’opinion de Heine, est plutôt prophétique qu’historique.

508. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

La femme montée sur un tabouret, et atteignant le paquet des vêtements de sa vie libre, et lisant les deux dates de son entrée et de sa sortie, de sa sortie qu’elle sent être dans un lointain, où elle n’existera plus. […] Jeudi 8 mai Un jeune médecin parlait, ce soir, du mal, mal dont on ne se doute pas, que faisaient les corps comme l’Académie, comme l’Institut, ces aristocraties qui, Dieu merci, n’existent pas en Allemagne. […] Vendredi 9 mai Plus j’existe, plus j’acquiers la certitude que les hommes nerveux sont autrement délicats, autrement sensitifs, autrement frissonnants, au contact des choses et des êtres de qualité inférieure, que les femmes qui au fond n’ont que la pose de la délicatesse. […] » Lundi 19 mai Ce soir, le docteur Martin soutenait que la division du travail avait détruit l’ambition du bien faire, et à l’appui de sa thèse, la maîtresse de maison disait : « Comment voulez-vous qu’il existe l’amour-propre d’une robe chez un couturier ou une couturière, où les manches, le corsage, la jupe sont faits par trois ouvrières différentes ? […] Oui, je le répète, je n’en ai nulle honte, car depuis que le monde existe, les mémoires un peu intéressants n’ont été faits que par des indiscrets, et tout mon crime est d’être encore vivant, au bout de vingt ans qu’ils ont été écrits — ce dont humainement je ne puis avoir de remords.

509. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

II Toute diplomatie avait cessé d’exister pour M. de Talleyrand du jour où Napoléon, promu à l’empire par sa propre volonté et par les victoires de ses armées, avait résolu de substituer les conquêtes aux alliances, et de détruire au profit de la France tout l’équilibre européen. […] VIII Ces six mois écoulés, la monarchie d’Orléans n’existait plus. […] Si elle répondait par le principe des nationalités, on lui répliquerait par un sourire ; il n’y a pas un de ses appels aux nationalités qui ne soit une dérision de ce qu’elle invoque contre ce qu’elle a fait depuis qu’elle existe et contre ce qu’elle fait en ce moment les armes à la main, le sophisme sur les lèvres. […] L’Espagne, autrefois si militaire, si navale, si terrible par son infanterie et par ses flottes, n’existait plus, comme Espagne, qu’en Amérique ; en Europe, elle était notre alliée à tout prix contre la maison d’Autriche dépossédée du midi ; les Pays-Bas autrichiens n’étaient pour ainsi dire qu’une colonie continentale, trop séparée de l’Autriche pour tenir longtemps à l’Empire ; les Italiens des papes étaient les ennemis naturels et invétérés de l’Autriche, vieux Italiens de souche, détestant le joug des Germains, toujours pour eux des barbares ; le beau royaume de Naples et de la Sicile était devenu espagnol bourbonien, et par conséquent français ; la Toscane appartenait encore à un dernier des Médicis, Parme à l’Espagne, Venise et Gênes s’appartenaient à elles-mêmes ; le Piémont, puissance alors insignifiante, oscillait entre l’Autriche et nous, toujours plus entraîné vers le plus fort.

510. (1904) En méthode à l’œuvre

dominera : et telle elle sera, savante et suggestive en partant des données des Sciences à leurs points d’identité, en une langue savamment multisonnante, — ou elle n’a plus droit d’exister. […] *** À en s’aimant, s’aimer, — d’où se savoir : qui éternellement se pénètre du désir Mâle et Femelle pour, éternellement le Fruit en qui elle se saura, selon l’Ellipse devient et se transmue la Matière en mouvement de meilleur devenir… Dans un laps d’éternel : quand, suite de sa suite, luèrent en point d’illimité des atomes denses de la Matière, et que virèrent elliptiques et les agglomérats engendrant les soleils et les soleils générateurs de leurs planètes : il exista en un avènement solaire un astre terraqué. […]   Il exista en un avènement solaire un astre terraqué. […] Mais aussi, qui peut n’exister pas, s’il est utile de passer sous silence la dite mesure, — ou, tout à l’heure qui en insistant marquera des temps, de toute l’intensité du son se répondant en puissances de suggestion.

511. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Il existe un vice plus radical dans le style de ce roman d’En 18.. […] Et mon ambition, je l’avoue, serait que mon livre donnât la curiosité de lire les travaux sur la folie pénitentiaire 9, amenât à rechercher le chiffre des imbéciles qui existent aujourd’hui dans les prisons de Clermont, de Montpellier, de Cadillac, de Doullens, de Rennes, d’Auberive ; fît, en dernier ressort, examiner et juger la belle illusion de l’amendement moral par le silence ; que mon livre enfin eût l’art de parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs. […] Répétons-le, le jour où n’existera plus chez le lettré l’effort d’écrire, et l’effort d’écrire personnellement, on peut être sûr d’avance que le reportage aura succédé en France à la littérature. Tâchons donc d’écrire médiocrement, d’écrire mal, même plutôt que ne pas écrire du tout ; mais qu’il soit bien entendu qu’il n’existe pas un patron de style unique, ainsi que l’enseignent les professeurs de l’éternel beau, mais que le style de La Bruyère, le style de Bossuet, le style de Saint-Simon, le style de Bernardin de Saint-Pierre, le style de Diderot, tout divers et dissemblables qu’ils soient, sont des styles d’égale valeur, des styles d’écrivains parfaits.

512. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

S’il existait quelque cabale, elle ne pouvait être que contre nous. […] Maintenant que l’expérience doit les avoir détrompés, et qu’il ne leur reste de leurs chimères de fortune que quelques lambeaux de décoration et les vieux habits tout neufs du moyen âge16, ils se rappelleront (car le malheur ramène bien des souvenirs) qu’il existait avant vous des hommes de lettres qui, sans frais, sans dépense, aidés du talent de cinq ou six acteurs et par le seul ascendant de leur esprit et de leur éloquence, contribuaient tout à la fois à la fortune et à la gloire du Théâtre-Français. […] Il n’existe aucune rivalité entre nous ; et si vous vous êtes avisé de tourner vos pas vers le théâtre, nous y avons marché sur des routes si différentes, que nous n’avons jamais dû nous y rencontrer. […] Pour prévenir une cabale classique qui n’existait pas, on fit paraître un pamphlet dans lequel on prétendait que les auteurs (perruques) s’entendaient avec la police pour faire tomber Hernani.

513. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

c’est précisément à Bossuet, au biblique et à l’homérique Bossuet, c’est-à-dire à un grand écrivain de nature humaine, qu’il ose comparer ce Pindare qui, hors de son rythme et de son haillon de couleur locale, disparaît et n’existe plus. […] L’art de la parole n’existe pas en soi. Ce n’est pas une rhétorique, c’est une faculté, et qui n’existe que quand on l’applique à quelque chose qui n’est pas elle. […] XII Et si, moi, j’ai parlé de Fox avec cette insistance, c’est que de toutes les notices isolées que Villemain, à la vue courte et à la plume courte, prend pour de l’histoire, la sienne est la plus importante, la plus intéressante, — parce qu’après tout, Fox, qui ne fut point un homme d’État, est une des gloires incontestables de la tribune anglaise, quoique ce n’en soit pas non plus la plus grande gloire… Si ce que les rhéteurs comme l’était Villemain appellent l’art oratoire n’existe qu’appliqué à de grands sujets, on peut se demander ce qu’était Fox, l’homme le plus naturellement éloquent, quand dans toute sa vie d’orateur, sur les sujets qui l’inspirèrent, il n’a jamais vu juste et s’est toujours brillamment, mais déplorablement trompé… L’homme d’entrailles chez lui n’avait que des entrailles, et ce n’est pas avec cela qu’on mène les nations, Il est mort à temps, comme Mirabeau, pour l’honneur de sa renommée.

514. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Les lettres de Mme Roland à ses jeunes amies me démontrent la vérité de cette idée : l’être moral parfait en nous, s’il doit exister, existe de bonne heure ; il existe dès vingt ans dans toute son intégrité et toute sa grâce.

515. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

On a sur lui de bons et d’éloquents éloges : une histoire complète de sa vie et de ses ouvrages n’existe pas. […] Montesquieu (car c’est lui ici qui parle, ainsi qu’il parlera en son nom jusqu’à la fin de sa vie), tâche d’y établir en quoi cette idée de justice ne dépend point des conventions humaines : « Et quand elle en dépendrait, ajoute-t-il, ce serait une vérité terrible qu’il faudrait se dérober à soi-même. » Montesquieu va plus loin : il tâche même de rendre cette idée et ce culte de justice indépendants de toute existence supérieure à l’homme ; il va jusqu’à dire, par la bouche d’Usbek : Quand il n’y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la justice, c’est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet Être dont nous avons une si belle idée, et qui, s’il existait, serait nécessairement juste. […] On a dans ces paroles la mesure de la croyance de Montesquieu et de son noble désir : jusque dans l’expression de ce désir, il se glisse toujours cette supposition que, même quand la chose n’existerait pas, il serait mieux d’y croire.

/ 2025