On ne l’a pas assez remarqué : les Indiens sont, dans l’ordre intellectuel, des espèces de somnambules sans lucidité, des cataleptiques aux yeux retournés, tombés, depuis des siècles, dans la contemplation de leur moi imbécille, mais des cataleptiques qui sentent les coups malgré leur extase ; car ils tremblent devant le bambou qui les a toujours menés, dans quelque main de conquérant qu’il ait passé, depuis Alexandre jusqu’à Clive. […] » Cependant, tel que le voilà traduit, ce livre bizarre, c’est un événement, et non pas seulement pour l’Académie des inscriptions et belles-lettres ; car il atteste, ce que l’on commençait bien d’entrevoir, il est vrai, et ce qu’il faudra bien finir par proclamer tout haut, que les païens de toute espèce, battus par les doctrines chrétiennes, qui voulaient faire sortir de l’Inde une poésie et une philosophie pour les opposer à tout ce que le Christianisme a créé dans l’ordre du beau et du vrai parmi nous, n’ont trouvé, en somme, ni l’une ni l’autre.
Après l’avoir lu, personne ne contestera que ce livre ne soit une espèce d’apothéose du double sentiment d’Héloïse et d’Abailard. […] Oddoul, en les vantant outre mesure, leur a communiqué une espèce d’innocence, l’innocence d’une forme grotesque et de sa propre nullité.
Ribot publia, comme on vient de le voir, une espèce de traduction du système de l’allemand Schopenhauer, non seulement j’ai dit sur ce système les quelques mots de mépris qu’il méritait, mais je crus que ce ne serait là qu’un système de plus à mettre au tas de tous ceux que produit l’Allemagne et qui font l’effet, dans sa littérature, des amoncellements du sable, au désert. […] Mais les pessimistes de la science et de la pensée, qui veulent supprimer le mal absolu, le mal ontologique de la vie, sont je ne sais quels êtres innommables, abstraits, sans principes, sans entrailles, des espèces de boîtes à logique comme il y a des boîtes à musique !
Auraient-ils, eux, ces libres penseurs, qui répètent, avec le calme stupide des bêtes devant la mort, le mot imbécilement oraculaire de Goethe : « La nature se moque bien de l’individualité humaine ; elle ne se préoccupe que de la conservation des espèces », auraient-ils, eux, s’ils étaient à sa place, une personnalité égale en soulèvements et en incompressibilité à celle de ce phtisique, qui voit sa vie tomber par morceaux autour de lui et qui ne se résigne pas une seule minute à mourir ? qui n’entend pas du tout se fondre, lui, si aisément que cela, dans l’espèce ?
L’illuminisme nègre, le culte du Vaudoux, son initiation, cette espèce de franc-maçonnerie africaine à laquelle Soulouque était affilié, tout cela est analysé avec une entente merveilleuse. De cet illuminisme qui domine la tête de Soulouque, et de la vanité du nègre (la vanité du nègre est quelque chose de sans nom) blessée par les classes éclairées, qui se moquèrent de son fétichisme dès les premiers moments de son avènement, l’historien fait sortir le Soulouque méchant enté sur le bon nègre, l’espèce de Tibère cafre qui, tout omnipotent qu’il soit, et féroce, sacrifie au préjugé des procédés judiciaires, et, trait de caractère, se sert un jour, pour condamner à la mort qu’il a résolue, de commissions militaires qu’il pourrait ne pas invoquer dans l’état absolu de sa puissance, mais qu’il invoque, nous dit d’Alaux avec une profondeur spirituelle, « pour ne pas être volé d’une seule de ses prérogatives ».
Enfin, il y a ici la question même du génie, c’est-à-dire de l’espèce d’imagination du dessinateur. […] Or, telle est précisément l’espèce d’organisation de Doré.
J’ai dans ma vie vu bien des êtres creux, coupes et cruches, bassins de toute espèce, imbécilles, ouverts et béants à toutes les choses qu’on jette dans leur vide, mais de capacité à tenir tout un homme, et quel homme ! […] Les vers, pour lui, n’étaient qu’une espèce de calligraphie supérieure.
L’abbé Julio de la Clavière, brochurier et journaliste, est une espèce de Jean Huss rabougri à la taille du xixe siècle, que l’abbé Trois-Étoiles aurait pu faire brûler secrètement dans la cour fermée de l’Inquisition (puisqu’elle aurait été fermée !) […] Sur ces entrefaites, une mission faite par un capucin mystique auquel Julio, qui hait les ordres religieux et généralement toute espèce de moine, montre une blessante froideur, achève le mal commencé par la calomnie.
Son caractère avait cette espèce de physionomie antique que nous ne connaissons plus. […] Son éloge d’Agésilas est divisé en deux parties ; la première n’est qu’une espèce de récit historique ; l’orateur parcourt toutes les grandes actions de ce prince, ses guerres, ses victoires et les principaux événements de sa vie.
L’espèce de grandeur qu’on croit apercevoir d’abord n’est qu’une grandeur de décoration ; d’ailleurs la marche est uniforme. […] Un autre défaut de cet éloge, et qui en diminue l’effet, c’est qu’on ne démêle pas bien l’espèce de sentiment qui anime l’orateur : il a l’air, quand il loue, de s’être commandé l’admiration ; mais l’admiration commandée est froide ; et ce sentiment, comme on sait, ne se communique jamais que par enthousiasme.
Presque toutes ses opérations de finance se réduisirent à des emprunts et à une multitude prodigieuse de créations d’offices, espèce d’opération détestable qui attaque les mœurs, l’agriculture, l’industrie d’une nation, et qui d’une richesse d’un moment fait sortir une éternelle pauvreté. […] Il ne sera pas mis non plus parmi ces grands hommes d’état nés pour être conquérants et législateurs, puissants par leur génie, grands par leur propre force, qui ont créé leur siècle et leur nation, sans rien devoir ni à leur nation ni à leur siècle : cette classe des souverains n’est guère plus nombreuse que la première ; mais il en est une troisième qui a droit aussi à la renommée : ce sont ceux qui, placés par la nature dans une époque où leur nation était capable de grandes choses, ont su profiter des circonstances sans les faire naître ; ceux qui avec des défauts ont déployé néanmoins un esprit ferme et toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, ont su rassembler autour d’eux les forces de leur siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie pour les rois ; ceux qui, désirant d’être utiles, mais prenant l’éclat pour la grandeur, et quelquefois la gloire d’un seul pour l’utilité de tous, ont cependant donné un grand mouvement aux choses et aux hommes, et laissé après eux une trace forte et profonde.
S’il est vrai que la Métaphysique soit une espece d’anatomie du cœur & de l’esprit humain, cet Académicien peut être regardé comme le Physiologiste le plus profond & le plus lumineux.
Un Livre de cette espece, pour être bon, auroit dû être le fruit des travaux d’un seul Rédacteur.
Il est une autre espèce de gaieté triste et fausse qui n’est pas l’ironie, et qui, non plus que l’ironie, ne doit être confondue avec la gaieté comique. […] Quant aux caractères, deux espèces de gaieté comique peuvent s’y développer : le comique d’observation qui n’égaye que le spectateur, le comique avoué qui rend gai et joyeux le personnage lui-même57. […] Ce luxe ne convient qu’à une autre espèce d’avare, à celui qui veut soutenir l’éclat d’un certain rang, sans faire les dépenses que ce rang exige. […] Mais elle est rare partout ailleurs, et à part un ou deux autres traits mordants de la même espèce, une gaieté douce règne dans ce petit poème, exempt de fiel et parfaitement inoffensif113. […] Les personnages historiques ne sont jamais chez lui qu’un symbole ; ils désignent une espèce.
Dès la première récitation, nous reconnaissons à un vague sentiment de malaise telle erreur que nous venons de commettre, comme si nous recevions des obscures profondeurs de la conscience une espèce d’avertissement 9. […] Ce qui était aboli, c’était donc une certaine espèce de reconnaissance, que nous aurons à analyser, mais non pas la faculté générale de reconnaître. […] Si notre analyse est exacte, les maladies de la reconnaissance affecteront deux formes profondément différentes et l’on constatera deux espèces de cécité psychique. […] Elle nous révèle l’existence de deux espèces absolument distinctes de cécité et de surdité psychiques, de cécité et de surdité verbales. […] Mais le fait s’éclaircira si l’on admet avec nous que les souvenirs, pour s’actualiser, ont besoin d’un adjuvant moteur, et qu’ils exigent, pour être rappelés, une espèce d’attitude mentale insérée elle-même dans une attitude corporelle.
Préface On peut considérer l’homme comme un animal d’espèce supérieure, qui produit des philosophies et des poëmes à peu près comme les vers à soie font leurs cocons, et comme les abeilles font leurs ruches.
Machiavel surtout enseignant une politique destructive de toute espece de bonne foi, méritoit plutôt d’être réfuté que traduit.
Les Principes pour la lecture des Poëtes, forment une espece de Poétique, où se trouvent exposés, d’une maniere nette & facile, les préceptes des Grands Maîtres.
Ce n’est pas que quelques-uns de ces présens n’aient pu être acceptés avec une espece de reconnoissance.
C’étoit une espece de Rabelais, sans avoir le même génie pour la plaisanterie ; son ame seule étoit d’une trempe semblable à celle du Curé de Meudon.
Ses démêlés avec M. de Voltaire lui ont donné une espece de célébrité dans les Lettres, qu'il n'eût jamais acquise par ses Ecrits.
Là on aurait vu des hommes de tout âge, de tout sexe, de tout état, toutes les espèces de douleurs, et de passions, une infinité d’actions diverses, des âmes emportées, d’autres qui [seraient] retombées ; celles-ci se seraient élancées ; celles-là auraient tendu les mains et les bras.
Ribot sur Schopenhauer est fort agréable à lire, d’abord parce qu’il est bien écrit, ensuite parce que Schopenhauer est un philosophe d’espèce rare. […] Le plus savant ornithologiste de la ville me dit qu’il n’existait pas dans le pays d’oiseaux de celle espèce. […] Il cherchait des types frustes et intacts, « par une curiosité inépuisable de toutes les variétés de l’espèce humaine », et formait dans sa mémoire une galerie de caractères vivants, la plus précieuse de toutes ; car les autres, celles des livres et des édifices, sont des coquilles jadis habitées, maintenant vides, dont on ne comprend la structure qu’en se figurant, d’après les espèces survivantes, les espèces qui ont vécu. […] Mais il y a plusieurs formes de l’art, et l’art de George Sand, fondé sur un principe contraire, est aussi d’espèce supérieure. […] Il faut que la figure peinte ou dessinée soit d’une espèce supérieure à la nôtre ; mais il faut aussi qu’en la regardant on arrive vite à la croire vivante.
Les tempéraments de cette espèce, surtout lorsque la maladie les complique, sont en quelque sorte voués aux contradictions : Rousseau en fourmille. […] Ils se croyaient alors inspirés, et ils étaient fous ; leurs accès étaient précédés d’une espèce d’abrutissement, qu’ils regardaient comme l’état de l’homme sous la condition de nature dépravée. […] Le docteur Huffland, qui connut Mozart, raconte une curieuse conversation de ce grand musicien, au sujet des diverses espèces de voix humaines : Je n’ai, lui disait Mozart, qu’à jeter un coup d’œil sur un homme ou sur une femme pour savoir quelle espèce de voix ils ont. […] Les nègres, cette espèce d’hommes si différente de la nôtre, sont tellement nés pour leur patrie, que des milliers de ces animaux noirs se sont donné la mort, quand notre barbare avarice les a transportés ailleurs. […] Ils y ajoutèrent ensuite le goût de la réalité, — sans aucune espèce d’idéal.
C’est l’intempérance des opinions, l’intrépidité des consciences, c’est l’ardeur immodérée des ambitions et des vanités de toute espèce. […] M., en preuves sonnantes de son amitié, environ 15 000 fr., sans compter les approvisionnements de toute espèce, une quantité innombrable de moutons, de poules, de sacs d’orge, de riz et de farine, et, comme il l’écrit plaisamment, « une charge de cachemires à faire trembler tous les maris ». […] Ainsi, dans le Mhairwarra, tandis que les habitudes civiles pliaient sous le joug, les mœurs domestiques, les préjugés de la famille ont résisté ; là une femme est un être impur que les hommes regardent à peine comme appartenant à leur espèce. […] Il existe quelque part, en Allemagne, une espèce de mariage qui ressemble assez à l’alliance contractée par la princesse de Cavalcanti ; c’est le mariage de la main gauche. […] Lui seul comprend sa maîtresse et sait la juger : « De telles femmes, dit-il, devraient être marquées au front d’un zéro, pour montrer qu’elles sont en dehors de l’espèce humaine, et qu’il faut les traiter comme des abstractions.
Cette espece de Journal offre quelques Analyses faites avec beaucoup de goût & de précision : telle est celle où il rend compte de la Poétique de M.
On peut donc le regarder comme une espece de prodige.
Grille est une espèce de Tallemant des Réaux de notre époque.