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2011. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Ses premiers essais furent blâmés par son patron, qui n’entendait pas que ses employés perdissent leur temps la plume à la main. […] Et n’est-il pas clair que, tout en partant du « milieu empesté des faubourgs », l’auteur n’entend pas dire par là que la classe ouvrière est universellement gangrenée, ou même l’est en majorité ? […] Ulbach parce qu’il est le type bien net des romanciers qui passent pour écrire des romans littéraires ; on entend par là des analyses, par opposition aux romans feuilletons, qui sont baclés sans aucun souci de la grammaire ni du bon sens. […] … (Il boit une gorgée, puis il entend les pas de Gervaise, et se précipite avec la bouteille dans la pièce voisine.) […] On prétend qu’il bannit l’idéal : il ne le fait que si par idéal on entend le vain caprice, la fantaisie mensongère ; le rêve trompeur et malsain d’une imagination qui croit s’élever : comme si l’on pouvait s’élever en quittant la vérité pour l’erreur !

2012. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

si bien qu’un jour il a été tout près de la tuer, et si près qu’au moment où il marchait sur elle, il a eu comme une hallucination de sa poursuite : « Oui, oui, j’ai entendu craquer sous moi les bancs de la cour d’assises !  […] Et je l’ai entendu de mes oreilles, ces années-ci, demander chez Rochoux ce que c’était qu’une gravure avant les armes, et aujourd’hui, j’apprends qu’il pousse le goût de la propreté de l’art, jusqu’à faire gratter la patine des bronzes antiques de sa collection. […] J’entends un colloque à la porte entre la femme de ménage et le portier. […] Oui, un Tallemant des Réaux qui, ici et là, noterait tout ce qu’il entendrait sur les personnages excentriques de la province, ferait un amusant bouquin. […] Le roi de Hanovre, qui est aveugle, entend le rire de l’enfant, se le fait amener, le prend dans ses bras, puis soudain, à un mot dit par son aide de camp, le laisse brusquement retomber à terre.

2013. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

C’est ainsi que Victor Hugo, en nous montrant Les ronds mouillés que font les seaux sur la margelle, nous fait voir d’un coup le puits et fait entendre le crépitement de l’eau tombant des seaux jusqu’au fond obscur. […] M. de Banville, on s’en souvient, pose cet axiome : « On n’entend dans un vers que le mot qui est à la rime. » Le paradoxe est ingénieux ; mais, pour ne citer qu’un exemple, dans le retour de Jocelyn que son chien accueille, il est difficile de n’entendre que les mots à la rime : « Ô pauvre et seul ami, viens, lui dis-je, aimons-nous ! […] S’il était vrai que l’on entend seulement le mot à la rime, on pourrait ne lire des poètes que les derniers mots de chaque vers. […] J’entends ta voix dans le retentissement des cymbales. […] C’est mal comprendre cette évolution que d’écrire délibérément en prose poétique, si on entend par là une prose ornementée et à la recherche des images, comme celle de Chateaubriand dans ses mauvaises pages.

2014. (1875) Premiers lundis. Tome III « Armand Carrel. Son duel avec Laborie »

Conséquent dans ses doctrines, il a réclamé pour tous l’usage et la protection des lois ; il entendait que chacun pût librement exprimer son amour ou sa haine, et que la faction même qui avait voulu anéantir la presse s’en servit pour sa défense.

2015. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

Bourget doit à ses préoccupations psychologiques de rares qualités de pénétration et d’analyse, sensibles jusqu’en ces poèmes d’une langue à ce point discrète et musicale, qu’on croit entendre le dialogue aérien de Miranda et d’Ariel.

2016. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

Entre les notes si diverses que fait entendre la poésie du siècle, celle qui résonne dans ces vers est d’un charme pénétrant.

2017. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

Dans cette importante discussion, tout est appuyé sur les preuves les plus incontestables ; on cite, dans les Langues originales, les passages qui viennent au secours des assertions ; on les traduit le plus souvent en faveur de ceux qui n’entendent pas les Langues savantes.

2018. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 343-347

& l’on étoit surpris d’entendre raconter les anecdotes littéraires & politiques du temps par un homme que les Grecs, les Romains, les Celtes, les Chinois, les Péruviens, auroient pris pour leur Compatriote & leur Contemporain ».

2019. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Sur les murailles on voyait des peintures, à demi effacées, représentant la vie de saint Bruno ; un cadran était resté sur un des pignons de l’église ; et dans le sanctuaire, au lieu de cette hymne de paix qui s’élevait jadis en l’honneur des morts, on entendait crier l’instrument du manœuvre qui sciait des tombeaux.

2020. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

» tantôt, assis dans la grotte de Fingal, près des soupiraux de l’Océan, ils croyaient entendre cette voix qui disait à Job : « Savez-vous qui a enfermé la mer dans des digues, lorsqu’elle se débordait en sortant du sein de sa mère ; Quasi de vulva procedens 212  ? 

2021. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

Vous connaissez les bons auteurs français ; vous entendez les poètes latins ; que ne les lisez-vous donc ?

2022. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Je ne l’ai point vu ; mais j’entends dire qu’il y a quelques beaux groupes, et j’en suis bien aise.

2023. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Ils établirent des Ecoles publiques, où ils se plaisoient à venir entendre les leçons des Gaulois. […] C’est par lui qu’ils reçurent une nouvelle vie : ses progrès réparèrent avec rapidité les pertes des siècles précédens, & les bons Auteurs, multipliés par l’impression, trouvèrent bientôt une foule de lecteurs, en état de les entendre & de les lire avec fruit. […] Telle étoit l’éloquence qu’on admiroit autrefois, bien différente de cette fausse éloquence, qu’on nous fait entendre aujourd’hui, toujours guindée, souvent enflée, séche ou puérile, dénuée de graces, de sentiment, de noblesse & d’ingénuité. […] Tandis que l’homme de mérite, souvent abandonné de la fortune, souffre, gémit ; veille, travaille, & n’entend autour de lui que les sifflemens de l’envie irritée, & quelquefois les hurlemens affreux de la calomnie ! […] N’est-il pas aussi plaisant que ridicule, de les entendre, on ne dit pas se comparer modestement à Corneille, à Racine, à Molière, mais se mettre hardiment au-dessus d’eux ?

2024. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Limites de l’axiome ainsi entendu et démontré. — Principe du parallélogramme des vitesses et des forces. — Énoncé exact de l’axiome. — La coexistence d’un second mouvement dans le même mobile est sans influence ou nulle, par hypothèse. — Passage de l’idée de vitesse à l’idée de force. […] On entend par là qu’il a, par lui-même, la propriété d’être accompagné, suivi ou précédé par l’autre ; voilà tout. […] Qu’entend-on en effet par une ligne moins courte ou plus grande qu’une autre ? […] L’axiome, ainsi démontré et entendu, notez sa portée restreinte. […] Bien entendu, je parle seulement des doctrines qui ont un rôle sur la scène du monde, et des philosophes qui ont construit leurs doctrines sans autre souci que celui de la vérité. — Des deux réponses principales, Kant a fait la première.

2025. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Je montrerais aisément que notre Fletcher si admiré n’entendait ni l’art de bien nouer une intrigue, ni ce qu’on appelle les bienséances du théâtre. […] Mais c’est par le style qu’ils pêchent le plus. « Dans Shakspeare, beaucoup de mots et encore plus de phrases sont à peine intelligibles, et de celles que nous entendons, quelques-unes sont contre la grammaire, d’autres grossières, et tout son style est tellement surchargé d’expressions figurées qu’il est aussi affecté qu’obscur699. » Ben Jonson lui-même a souvent de mauvaises constructions, des redondances, des barbarismes. « L’art de bien placer les mots pour la douceur de la prononciation a été inconnu jusqu’au moment où M. Waller l’introduisit700. » Enfin tous descendent jusqu’aux calembours, aux expressions populacières et basses. « C’est que, outre le manque de savoir et d’éducation, ils n’avaient pas le bonheur d’entendre la bonne conversation. […] Il faut que l’auditeur ait réfléchi ou senti avec énergie ou délicatesse pour entendre des pensées énergiques ou délicates, et jamais Hamlet ou Iphigénie ne toucheront un viveur vulgaire ou un coureur d’argent. […] Mais quel brave cœur, et comment on entend, lorsqu’il est seul avec Antoine, le mâle accent, la profonde voix qui a tonné dans les batailles !

2026. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Entendons-nous d’abord sur le sens des mots. […] J’entends bien que vous ne faites pas du hasard une force agissante. […] C’était une dame logée dans un hôtel de San Francisco, à laquelle l’idée d’un tremblement de terre ne vint que lorsqu’elle se fut trouvée dans la rue et qu’elle entendit donner cette explication. […] C’est à mi-chemin entre ces deux extrémités que se situe ordinairement la prière, telle qu’on l’entend dans le polythéisme. […] Nous avons maintes fois expliqué ce qu’il faut entendre ici par intention.

2027. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Chacun de nous ne les entend guère qu’avec la signification que tous leur ont donnée et qui fait leur efficacité morale. […] Ce verbe, il suffit peut-être de se taire et on l’entend. […] On est entré dans un génie vaste où les pas résonnent sur les dalles d’écho en écho : la multiplicité des sons pourrait empêcher qu’on ait bien entendu ce que des voix disent tout bas derrière les piliers. […] Qu’il s’évade donc de ses méthodes et surtout de sa dangereuse instrumentation ; guidé par ses seules forces naturelles, il entendra et nous fera entendre plus clairement les métamorphoses De la voix humaine dans la voix des roseaux. […] Quand je parle, on ne m’écoute pas, parce que ma voix est si puissante qu’on l’entend sans l’écouter : on n’écoute pas le tonnerre.

2028. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Depuis, dévot et à Coppet, elle l’en plaisantait agréablement devant Mme Récamier : « Voyez, Mathieu, lui disait-elle, maintenant nous ne demanderions pas mieux que de vous entendre. » Benjamin Constant devint épris de Mme de Staël, lorsqu’elle était le plus en douleur de l’infidélité de M. de Narbonne (septembre 1794) : elle l’aime peu d’abord, mais il fait tant de désespoirs et de menaces de se tuer qu’il triomphe d’elle.

2029. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

Les uns et les autres sentaient le besoin de s’affranchir de formules surannées et de réformer la prosodie, mais les Décadents n’entendaient pas faire table rase du passé.

2030. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Ce que nous entendions par la vérité, en effet, c’était bien la science.

2031. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

L’Épopée porte la Tragédie et la Comédie, comme deux fruits jumeaux, et on les entend vagir dans ses vastes lianes.

2032. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface de 1833 »

D’ailleurs, puisque l’auteur, si peu de place qu’il tienne en littérature, a subi la loi commune à tout écrivain grand ou petit, de voir rehausser ses premiers ouvrages aux dépens des derniers et d’entendre déclarer qu’il était fort loin d’avoir tenu le peu que ses commencements promettaient, sans opposer à une critique peut-être judicieuse et fondée des objections qui seraient suspectes dans sa bouche, il croit devoir réimprimer purement et simplement ses premiers ouvrages tels qu’il les a écrits, afin de mettre les lecteurs à même de décider, en ce qui le concerne, si ce sont des pas en avant ou des pas en arrière qui séparent Han d’Islande de Notre-Dame de Paris.

2033. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre II. Du Chant grégorien. »

L’office des morts est un chef-d’œuvre ; on croit entendre les sourds retentissements du tombeau.

2034. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

Elle publie de beaux recueils que personne n’achète et ne lit, parce que personne ne les entend ; de ces recueils il en passe au loin quelques exemplaires qui ne compensent pas les dépenses, et la nation reste au même point d’ignorance ou d’instruction.

2035. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Je me souviens d’avoir entendu dire à un amateur de peinture que l’audition de je ne sais plus quel morceau lui inspirait des images précises de personnages dansants, de mouvements rythmés. […] Il ne s’agit point, bien entendu, de confondre l’intelligence avec la volonté, et la création intellectuelle avec la volition. […] Je pense qu’il faut entendre par là qu’on ne peut le fermer pour le rouvrir encore, ce que rien n’implique, au contraire. […] Il ne faut pas oublier que l’originalité ainsi entendue n’est qu’une partie du génie. […] Je parle bien entendu de l’instinct amené à l’automatisme, de ce qu’il y a de plus et de mieux organisé dans les instincts.

2036. (1914) Une année de critique

Quand elle est belle, il laisse entendre, sans entasser d’inutiles épithètes, qu’il l’a trouvée belle. […] C’est là matière délicate où l’on s’entend à demi-mot, et sur quoi l’on ne saurait insister sans offenser gravement la pudeur sentimentale. […] Il s’agit de fautes, vous entendez ; n’allez pas parler de crimes, de la félonie de Bayonne ou de l’assassinat du duc d’Enghien ! […] Et il est piquant d’entendre ce hardi homme de lettres, ce duelliste redoutable, raisonner exactement comme une femme. […] J’entends bien.

2037. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Il nous déplaît qu’un poète traîne à son pied, comme un boulet, le commentaire perpétuel de Marc-Antoine Muret ou de Pierre Marcassus ; et, pour entendre un livre français, nous ne voulons pas commencer par apprendre le latin. […] Il devait être facile de s’entendre ; et, après quelques tâtonnements, c’est de cette entente qu’est sortie la pensée de l’Académie française. […] Qui ne l’entend encore quand il oppose « les évidences de la raison » aux « vérités de notre religion » ; et qui ne voit ou qui ne devine quel est son objet ? […] — La gauloiserie de La Fontaine ; — et ce qu’il faut entendre par ce mot [Cf.  […] Les Époques du théâtre français] ; — et comment il y trouve moyen d’inventer. — Que Molière et que La Fontaine ont entendu l’invention de la même manière ; — et c’est de quoi leur en veut Fontenelle quand, comme il le dit de Racine, il les trouve « bas à force d’être naturels ».

2038. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Que faut-il entendre par là ? […] Erreurs accidentelles s’ils ont lu de travers en copiant, ou mal entendu en écrivant sous la dictée, ou fait involontairement des lapsus calami. […] Surtout il faut se demander quand il a noté ce qu’il a vu ou entendu. […] Et c’est sur quoi les historiens ne s’entendent pas entre eux. […] L’élève devait écouter en écrivant (c’est ce qu’on appelait « prendre des notes ») et rapporter par écrit ce qu’il avait entendu (c’était « la rédaction »).

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