Un individu humain quelconque, bien organisé toutefois, pris au hasard dam l’époque présente ou dans toute autre époque, et se traitant lui-même par la méthode expérimentale intérieure, découvrira, autant qu’il est donné à l’homme de le faire, sa destinée propre, et la destinée des autres hommes ses semblables, et la destinée de l’espèce tout entière ; il saura déterminer, autant que cela nous est possible, la loi du passé et de l’avenir de l’humanité. […] La destinée de l’humanité n’est aucunement donnée par la destinée d’un individu humain quelconque à une époque quelconque ; de plus, la destinée de l’individu ne peut pas se déterminer directement et par l’analyse abstraite du moi, indépendamment de l’action et de la réaction perpétuelle qui lie cet individu à la nature et à l’humanité. […] Il ne serait pas difficile de le surprendre en contradiction avec lui-même dans le cours de ses développements ; le sentiment profond et sympathique qui appartient à sa nature d’artiste donne le démenti à son rationalisme dès qu’il aborde la réalité. […] Il ne faut pas prendre ici l’expression actif dans le sens que lui donnent les psychologistes. […] Une pareille vue de la nature humaine est évidemment fausse et incomplète : car elle ne peut donner le passage du moi à la nature extérieure.
Ménager les convenances morales, c’est respecter les talents, les services et les vertus ; c’est honorer dans chaque homme les droits que sa vie lui donne à l’estime publique. […] comment donnerez-vous de l’enthousiasme aux hommes qui ne craignent ni n’espèrent rien de la renommée, et ne reconnaissent plus entre eux les mêmes principes pour juges des mêmes actions. […] Cette élévation n’ôte rien à la vivacité des sentiments, à cette ardeur si nécessaire à l’éloquence, à cette ardeur qui seule lui donne un accent, une énergie irrésistibles, un caractère de domination que les hommes reconnaissent souvent malgré eux, que souvent ils contestent, mais dont ils ne peuvent jamais se défendre. […] Ce sentiment de mélancolie que chaque siècle doit développer de plus en plus dans le cœur humain, peut donner à l’éloquence un très grand caractère. […] Le raisonnement, dans ses formes didactiques, ne suffit point pour défendre la liberté dans toutes les circonstances ; lorsqu’il faut braver un danger quelconque pour prendre une résolution généreuse, l’éloquence est seule assez puissante pour donner l’impulsion nécessaire dans les grands périls.
On se laisse tromper à l’apparence ; on prend pour réel ce qui ne l’est pas, comme dans l’histoire de la dont d’or, et l’on donne la raison de ce qui n’existe pas. […] Ou bien on se presse trop de généraliser ; par légèreté, par impatience, on ne se donne pas la peine de ramasser un grand nombre d’observations, et sur deux ou trois exemples, sur un seul parfois, et qu’on n’étudie pas à fond, on pose une règle générale qui se trouve fausse. […] Je n’ai point vu de roman anglais ou russe, en dépit de l’impartiale observation des auteurs, où l’on donnât d’un Français autre chose qu’une charge ; et l’on peut croire que nous agissons de même à l’égard des étrangers. […] On ne saurait trop distinguer aussi à quel ordre appartient le sujet que l’on traite : de là dépendent les principes sur lesquels on peut s’appuyer et la preuve qu’il y faut donner. […] Il faut lire et méditer là-dessus les règles que donne Pascal dans son fragment de L’Art de persuader : nul n’a mieux connu que lui l’art de raisonner, nul n’a mieux raisonné.
Selon l’étendue que vous pourrez donner à l’œuvre, chaque section aura plus ou moins de développement : mais, quelles que soient les dimensions qui vous seront imposées ou que vous choisirez, les proportions ne varieront pas. […] C’est son mérite singulier : et c’est par là qu’il a été un incomparable artiste : il a, sans l’altérer, sans la travestir, ni la farder, donné une forme souverainement aimable à une matière rude et sévère. […] De là vient aussi la prolixité stérile des écrivains qui s’abandonnent à leur facilité naturelle : ils reçoivent dans leurs ouvrages tout ce que leur présente leur fantaisie agitée, mais ils ne remarquent pas qu’elle leur envoie toujours les mêmes idées diversement habillées, comme au théâtre on fait passer et repasser sans cesse les mêmes figurants sur la scène pour donner l’illusion des grandes armées. […] L’ordre qu’on donne à ses idées doit être tel, en résumé, que ce qu’on dit, à chaque moment s’explique pleinement par ce qui a été dit déjà : ne demandez jamais de crédit au lecteur, ni pour donner la preuve d’une proposition, ni pour expliquer la possibilité d’un fait. N’ayez jamais recours à ces avertissements, qui sont comme les béquilles d’une composition boiteuse : « On verra plus tard pourquoi. — J’en donnerai la preuve tout à l’heure. » Ne cherchez pas à piquer la curiosité aux dépens de la clarté, à faire du mystère pour frapper un coup plus grand.
Oui, elles savent lire, au sens de l’école primaire, interpréter les signes imprimés ou manuscrits, en donner plus ou moins grossièrement le sens. […] Le ministère, après l’épreuve décisive de l’enseignement de l’histoire littéraire, leur donna raison, et l’explication française devint officiellement un des exercices réguliers et importants de la classe de français. […] Dans l’exercice littéraire, cela conduirait à penser qu’il est vain de chercher un sens aux Essais ou aux Pensées, et qu’on ne peut que constater, sans le contester jamais, le sens que leur donne M. X. et le sens que leur donne M. […] Et il ne serait peut-être pas exagéré de penser que le sens de l’auteur est tout de même, un sens privilégie, auquel je puis donner une attention particulière.
Nous ne reprochons pas l’aiguillon à qui nous donne le miel. […] Il m’a paru que dans notre siècle cet exemple de bêtise était bon à donner. […] À Pégase donné, je ne regarde point la bride. […] Il donne à l’art ses ordres, dans les limites de son œuvre, bien entendu. […] Allume les cerveaux, enflamme les âmes, éteins les égoïsmes, donne l’exemple.
Pour arracher de l’homme la vérité, il faut à tout moment donner le change à la passion, en empruntant des termes généraux et abstraits. […] Il lui a plu de nous faire bons, et de nous donner le visage du méchant ; ou de nous faire méchants et de nous donner le visage de la bonté. […] Si l’âme d’un homme ou la nature a donné à son visage l’expression de la bienveillance, de la justice et de la liberté, vous le sentirez, parce que vous portez en vous-même des images de ces vertus, et vous accueillerez celui qui vous les annonce. […] Je rajeunis de deux mille ans, pour vous exposer comment dans les temps anciens ces artistes influaient réciproquement les uns sur les autres, comment ils influaient sur la nature même, et lui donnaient une empreinte divine. […] Attendez, mon ami : peut-être que ce qui suit donnera quelque vraisemblance à des idées qui ne vous ont amusé jusqu’à présent que comme un rêve agréable, que comme un système ingénieux.
Problème singulier dont le livre de Renée donne le mot plus que tout autre livre. […] Sans Richelieu, — qui paraît tout à coup dans sa vie et dont la confiance donne du sérieux à ce singulier capitaine qui, devant Casal, vole la croix du légat et fait faire la paix à force de coups de chapeau et en criant : La paix ! […] Pendant de longues années il donna à la France, qui n’y comprenait rien, le spectacle d’un mariage à l’italienne. […] Sans parler des équipées des nièces de Mazarin, qui gardèrent toujours un peu l’air aventurier de monsieur leur oncle, il y a telle anecdote dans cette piquante histoire qui donne une idée singulière du ton et du goût du grand siècle dans sa jeunesse. […] Tous ceux qui voudront ajouter à leurs notions sur le grand siècle devront consulter cet ouvrage, où l’érudition brille et fourmille sous les douces lueurs d’un esprit qui a les grâces que donne la vie, et qui est, comme toutes les supériorités expérimentées, tout à la fois désabusé et charmant.
Bref, ce qui est réellement donné est une réciprocité de déplacement. […] Il allait même bien au-delà de la science de son temps, au-delà de la mécanique newtonienne, au-delà de la nôtre, formulant un principe dont il était réservé à Einstein de donner la démonstration. […] Descartes posait que tout ce qui relève de la physique est étalé en mouvement dans l’espace : par là il donnait la formule idéale du mécanisme universel. […] Certes, rien n’empêchera de supposer, à un moment donné, que le système de référence est lui-même en mouvement. […] Mais alors elle oscille entre les deux, les immobilisant tour à tour par des allées et venues si rapides qu’elle peut se donner l’illusion de les laisser en mouvement l’un et l’autre.
Il parvint d’abord à en imiter parfaitement le style ; mais dans la suite, il y ajouta ces grâces piquantes que donne la cour, et ces beautés mâles que donne la philosophie. […] Les princes et tous ceux qui, sans être princes, ont ou croient avoir quelque supériorité sur les autres, sont sujets à porter le despotisme jusque dans l’amitié ; ils exigent beaucoup et donnent peu. […] Photius lui reproche de laisser trop apercevoir dans ses discours l’empreinte du travail, et d’avoir éteint, par un désir curieux de perfection, une partie de ces grâces faciles et brillantes que lui donnait la nature lorsqu’il parlait sur-le-champ. […] L’indignation que le vice donne aux âmes dignes d’éprouver ce sentiment affermit quelquefois son style, et lui communique un degré de force qu’il n’a pas toujours. […] On sait que dans l’Europe et l’Asie ensemble, jamais il n’y eut autant de mouvement dans les esprits qu’il y en avait alors ; les progrès du christianisme, et le choc de ceux qui combattaient pour la religion de l’empire, avaient donné cette secousse.
La guerre seule pouvait donner plein essor à cette jeunesse : elle éclata. […] Mais dans les épreuves multipliées, dans les vicissitudes de chaque jour, les incapables étaient vite balayés, tandis que les hommes de talent, une fois promus et dans des postes élevés, prenaient de l’ascendant, acquéraient l’habileté que donne la guerre ; ils sauvèrent le pays en s’illustrant. […] Quelques lettres du général Desaix à Friant, dans cette guerre de la Haute Égypte, en établissent bien le caractère et donnent le ton des généraux entre eux. […] Alors il tire son épée, chose unique dans sa vie ordinaire, fait battre un ban, reconnaît lui-même le général Friant et lui donne l’accolade. Le ban fermé, les officiers sont appelés à venir former le cercle, et l’empereur leur dit : « Officiers des grenadiers de ma Garde, voilà le chef que je vous donne. » Puis se tournant vers le nouvel élu : « Général Friant, c’est la récompense de vos beaux et glorieux services. » Et plus familièrement, il ajouta : Mon cher Friant, vous ne prendrez ce commandement qu’à la fin de la campagne ; ces soldats-ci vont tout seuls, et il faut que vous restiez avec votre division, où vous aurez encore de grands services à me rendre.
Sabbatier ne craint pas de s’exprimer : « Quant à l’ouvrage de M. de Barante, des considérations particulières avaient bien pu lui faire accorder une mention, mais ne pouvaient donner à personne l’idée de le mettre en parallèle avec un écrit de Victorin Fabre ! […] Mais savez-vous bien que cela donne envie à quelques-uns de ceux qui ont connu Victorin Fabre et qui voudraient d’ailleurs observer le respect dû à sa mémoire (et je suis du nombre), que cela leur donne envie de dire tout net que cet écrivain de talent était surtout un écrivain de labeur, qu’il pensait peu, hormis dans les sillons déjà tracés, que sa rhétorique, pour ne s’être pas faite à temps au collége, se prolongea trop longtemps dans les concours académiques, que ces concours académiques où il triompha coup sur coup en vers et en prose ne firent jamais de lui qu’un magnifique écolier, que son front de lauréat ploya, à la lettre, sous le poids de ses couronnes, et que, dès qu’un premier échec l’eut jeté hors de l’arène des concours, on ne retrouva plus en lui, devant le grand public, qu’un talent fatigué et non pas un esprit supérieur ? […] Si, en le lisant, il verse des larmes d’admiration et de douleur, s’il rougit d’avoir été couronné, s’il jette, s’il dépose cette couronne aux pieds du vaincu, alors il donnera de hautes espérances ; s’il continue à se croire vainqueur, il restera, à peu près, aussi petit que son discours. » O Garat, Garat ! […] Or (Université à part), il est remarquable que le suffrage qui se retira de Victorin Fabre, et qui donna le signal d’arrêt, ait été précisément celui de Fontanes, du plus homme de goût de ce temps-là. […] Sabbatier ne soient que celles de l’auteur même, traduites par un disciple et plutôt grossies que dénaturées, il n’est pas moins à regretter que le biographe se soit donné ainsi pleine carrière, et que sa misanthropie, en s’ajoutant aux humeurs noires d’Auguste Fabre et de Victorin, vienne aujourd’hui compromettre, sous une teinte aussi fâcheuse et trois fois morose, une publication qui, présentée sous un meilleur jour et ne réclamant que d’équitables éloges, eût mérité de tous indulgence et sympathie.
Il a semblé à l’éminent écrivain que tout un côté de la question était à remettre en lumière et à traiter avec cette sévérité d’analyse et cette autorité de raison qui lui appartiennent, et dont il a donné tant de preuves en ses autres écrits. […] Troplong, dans un premier chapitre publié il y a déjà quelques mois (31 août 1855), avait très-bien marqué ce qui manque aux historiens latins, même aux plus distingués, pour nous expliquer à fond leur société et pour nous donner la clef de ses progrès ou de son abaissement. […] Son portrait de Lucain est sévère et juste : il caractérise l’ensemble de ce poëme de la Pharsale avec l’impatience que ces enflures et ces ambitions de pensée donnent à tout esprit net et sain. […] Je ne connais vraiment pas de rôle plus commode que celui d’être pompéien sous un ferme et généreux César : on jouit de toutes les sécurités, de toutes les garanties contre les guerres civiles, et l’on se donne un air de vertu ou même une fraîcheur de souffle populaire. […] Le célèbre auteur de l’Histoire des Girondins nous a donné, il y a quelques mois, celle de César.
L’existence subalterne qu’on accordait aux gens de lettres dans la monarchie française, ne leur donnait aucune autorité dans les questions importantes qui tiennent à la destinée des hommes. […] Ce sont leurs lumières et leurs talents dans la carrière civile qui les ont rendus chers à la postérité, et leur ont fait obtenir, pendant leur vie, l’obéissance de l’admiration, cette obéissance qui donne au pouvoir absolu le plus bel attribut des gouvernements libres, l’assentiment volontaire de l’opinion publique. […] L’on est un grand écrivain dans un gouvernement libre, non comme sous l’empire des monarques, pour animer une existence sans but, mais parce qu’il importe de donner à la vérité son expression persuasive, lorsqu’une résolution importante peut dépendre d’une vérité reconnue. […] L’être moral d’un grand homme doit présenter cette organisation, cette balance, cette compensation, qui seule donne l’idée, dans les caractères comme dans les gouvernements, du repos et de la stabilité. […] La république doit donner beaucoup plus d’essor que tout autre gouvernement à ce mobile d’émulation ; elle s’enrichit des travaux multipliés qu’il inspire.
Le Romantique. — Prenez garde à ce que vous dites, Monsieur, vous me donnez un avantage immense ; vous convenez donc que le spectateur peut se figurer qu’il se passe un temps plus considérable que celui pendant lequel il est assis au théâtre. […] En Angleterre, depuis deux siècles ; en Allemagne depuis cinquante ans, on donne des tragédies dont l’action dure îles mois entiers, et l’imagination des spectateurs s’y prête parfaitement. […] Un homme qui aurait à faire sa réputation de littérateur instruit, se donnerait bien de garde d’être si clair et de raisonner d’une manière si précise. […] Chénier, Lemercier, Delavigne, eussent osé s’affranchir des règles dont on a reconnu l’absurdité depuis Racine, ils nous auraient donné mieux que Tibère, Agamemnon ou les Vêpres siciliennes. […] Nous avons des habitudes ; choquez ces habitudes, et nous ne serons sensibles pendant longtemps qu’à la contrariété qu’on nous donne.
L’esprit bourgeois triomphait partout, tout positif, fait de bon sens et de raison pratique, mais desséché, démoralisé par le spectacle de la forme qu’avaient donnée au monde ces grandes puissances de l’Église et de la noblesse, tourné vers la défiance railleuse, vers la négation hostile, tirant du train des choses une leçon de ruse et d’égoïsme, le culte du fait et du succès, voué enfin à la poursuite des jouissances matérielles. Il avait fait la littérature à son image : une littérature pauvre d’idées, de sentiment vulgaire et cynique, de forme aisée et légère sans grandeur, à laquelle les érudits des cours féodales n’étaient arrivés qu’à opposer une littérature vide, de forme compliquée, capable seulement de donner le sentiment d’un immense effort évanoui dans le néant des résultats, dans le néant même des intentions. […] Le xive et le xve siècle auraient fait la Renaissance, si l’antiquité seule avait suffi pour donner au génie français l’impulsion efficace et définitive. […] La secousse décisive était donnée ; tous les germes qui dormaient épars dans la décomposition de l’ancienne France commencèrent d’évoluer. […] Leur esprit plus ouvert veut qu’on l’amuse avec le jeu étincelant des idées, non plus avec le cliquetis baroque des mots ; et ils demandent aux lettres la même sensation de nette et lumineuse élégance, que leurs nouveaux palais, leurs tableaux, leurs habits même et leurs armes leur donnent.
Un cavalier de la ville l’ayant été voir, elle lui enleva du cou un joyau qui renfermait le portrait d’une très belle dame, donné par celle-ci à ce cavalier nommé Oratio. […] Le mari, qui se nommait Pantalon, demeura surpris, faisant de grandes instances à la comédienne pour savoir le nom de celui qui lui avait donné ce portrait. […] Flaminia lui donne quelques paoli et se retire. […] Arlequin répond qu’un nommé Flavio la lui a donnée pour remettre à une dame. […] Puis, Oratio répétant ce qu’il vient de dire à Pedrolino, elle l’appelle traître et lui dit qu’elle n’ignore pas qu’il aime la comédienne et qu’il lui a donné son portrait à elle.
que par les songeurs et les poètes ; donner une figure à cette leçon des sages ; faire de cette abstraction philosophique une réalité dramatique, palpable, saisissante, utile. […] Après avoir, comme il vient de l’indiquer et sans dissimuler d’ailleurs son infériorité, ébauché ce poëme dans sa pensée, l’auteur se demanda quelle forme il lui donnerait. […] La loi véritable, la voici : tout ouvrage de l’esprit doit naître avec la coupe particulière et les divisions spéciales que lui donne logiquement l’idée qu’il renferme. […] Ces trois sentiments donnaient à l’ouvrage sa division naturelle. […] Faire constamment effort vers le grand, donner aux esprits le vrai, aux âmes le beau, aux cœurs l’amour ; ne jamais offrir aux multitudes un spectacle qui ne soit une idée : voilà ce que le poëte doit au peuple.
Nous n’avons donc pas à nous étonner ni à nous plaindre qu’un éminent critique, le seul qui nous ait donné une histoire complète de la littérature française, M. […] Nous transportons ces vues dans la littérature et dans les beaux-arts ; nous pensons que c’est l’initiative individuelle qui a trouvé le beau, que l’idéal n’est passé dans la réalité et n’est devenu sensible que par la création libre des grands artistes et des grands écrivains, dont chacun lui a donné la couleur de son âme. […] En cela, elle n’a qu’à suivre les indications que lui donne l’opinion elle-même, un instant attachée à de fausses beautés, mais qui finit toujours par s’en dégager, et ne conserve dans ses admirations que ce qui est solidement vrai et solidement beau. […] Il poursuit toutes les fausses beautés partout où il les rencontre, et nous donne les raisons pour lesquelles elles ont succombé. […] L’imagination (et j’entends par là tout mouvement donné à la pensée) n’est donc pas une condition accessoire ou subordonnée dans les œuvres littéraires : elle y est essentielle, comme la couleur en peinture.
Or saint Augustin dit positivement qu’il étoit en usage de son temps, de donner le nom de rithme à tout ce qui regloit la durée dans l’execution des compositions. Rien n’est si commun dans toutes les langues que le nom de l’espece donné au genre et le nom du genre attribué à l’espece en stile ordinaire. […] Montrons donc en premier lieu que modulatio ne signifioit proprement que la mesure et le mouvement, que ce qui est appellé rithme dans Porphyre, et montrons en second lieu que malgré cela les romains ont souvent donné le nom de modulation à toute la composition musicale. […] Voila pourquoi la plûpart des auteurs grecs et latins qui ont écrit sur la musique, traitent fort au long de la quantité des sillabes, des pieds et des figures du vers ; ainsi que de l’usage qu’on en peut faire, pour donner plus d’agrément et plus d’expression au discours. […] Nous apporterons ci-dessous un de ces passages dans lequel Quintilien parle fort au long du soin qu’avoient ces artifices pronuntiandi, de donner à chaque comedien un masque assortissant au caractere du personnage qu’il devoit representer.
Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti ! […] et qui est officier dans l’armée anglaise, on ne sait pourquoi, si ce n’est pour porter un joli uniforme, s’est donné la mission de vivre pour les autres. Impérieuse vocation qui ne se donne pas, mais qu’on reçoit des mains de Dieu ! […] le sort des femmes qui se vouent au bas-bleuisme, c’est de se donner beaucoup de mal pour arriver au niveau du premier homme médiocre qui écrit, et qui, pour être médiocre, ne se donne pas tant de peine que cela. […] que du pays de l’amour, vient indécemment chez l’homme qu’elle aime, et qui craint, le vertueux garçon, les petites sensations qu’elle lui donne, essayer de ces petites sensations-là et provoquer le baril de poudre à sauter, avec des coquetteries d’étincelle… J’ai assez dit, dans ce chapitre, de duretés à Mme Haller pour ne pas lui avouer que j’ai trouvé cette scène charmante, et autrement dans sa main, qui n’est pas celle d’une prude anglaise, que les frigidités vertueuses et protestantes de son roman.
Lecoy de la Marche, qui a écrit l’histoire de René d’Anjou, un contemporain de Louis XI, et qui n’est pas plus content des histoires qui ont précédé son histoire que Legeay des histoires qui avaient précédé la sienne, nous donne-t-il à son tour cette chose plus rare qu’une histoire de plus et que Legeay nous a donnée ?… Nous donne-t-il un historien ? […] Dieu ne leur a pas donné pour consigne de faire le ménage des peuples, mais le leur. […] Louis XI lui donna la haute main dans sa guerre de Bretagne ; le défiant se confia, et le loyal René le méritait. […] Seulement, il n’a point assez insisté, selon moi, sur le contraste du malheur et du mérite de René d’Anjou, qui donne à cette figure d’histoire une originalité si mélancolique.
Il adore Buffon, et depuis trente ans il lui a donné probablement bien plus de vie qu’il n’en a reçu de ce grand-homme. […] Ce furent l’abbé Bexon, Gueneau de Montbéliard, Daubenton, ses lieutenants en histoire naturelle, auxquels il découpait le monde pour leur en donner à chacun une province à lui décrire et à lui rapporter. […] Très jeune à l’âge où les autres jeunes gens se dissipent, à l’âge des coups d’épée (il en donna un), il se fait rendre compte judiciairement par son père de la gestion de sa fortune, en proie aux plus affreuses dilapidations, rachète la terre de Buffon que ce bourreau d’argent avait vendue, et le garde tendrement chez lui, ce bourreau qui se remarie, et dont il garde également et élève les enfants ! […] ce n’est pas lui qui aurait quitté sa Bourgogne et Montbar pour venir se faire couronner à Paris par des cabotines et pour donner des bénédictions déclamatoires au marmot de Franklin. […] Mais la loi abstraite, la méthode qui donne tout dans un seul procédé, disons-le hardiment, ne pénétrait pas en cette tête pompeusement éprise de généralités, de différences et de coloris.
Se croyant philosophe, peut-être parce qu’elle est athée, elle doit certainement être plus-fière de l’adjectif que du substantif dans le titre qu’elle a donné à ses poésies. […] Elle donne horreur de l’implacable Erreur qu’elle chante et à laquelle elle ne fait pas croire, quoique, pour elle, ce soit la Vérité. […] Vous n’avez pas toutes les cordes de sa lyre, comme on dit séculairement, mais vous avez le son que donne le bois harmonieux. […] elle avait passé le milieu de la vie déjà quand parurent ces poésies, et elle ne nous a donné que quelques pièces de vers après tout, phénix consumé peut-être, et absorbé, en tout cas, par la philosophie, qui n’a jamais rencontré de poète lui appartenant si exclusivement· En donnera-t-elle encore ? N’en donnera-t-elle plus ?
Saint-Simon donna à plein dans le piège tendu par la royauté : trouvant les voies de l’ambition fermées, il se jeta furieusement dans celles de la vanité. […] Mais la nature l’a fait curieux, elle lui a donné des yeux aigus, qui ramassent tous les ensembles et tous les détails, une mémoire étonnante pour rappeler les images dans toute la fraîcheur de la sensation première. […] Son cas est singulier : injuste et partial jusqu’à la férocité, il ne voit jamais trouble ; la passion donne à son regard une vigueur plus perçante. […] De là vient qu’il nous donne plusieurs portraits de Fénelon, de la duchesse de Bourgogne, de Mme de Maintenon : et combien d’études du grand Roi ! […] Son récit est grouillant de vie, et l’impression a cette netteté qu’un art supérieur peut seul donner.
La pièce fut donnée en 1637. […] L’auteur s’y donne pour un homme de grande considération dans le monde, fêté dans les meilleures compagnies, tenant à la cour par sa naissance, & connu de l’univers entier par ses poësies. […] Il sollicita vivement le corps pour donner son avis & prononcer entre Scudéri & Corneille. […] Ce poëte au-dessus de la critique, comme au-dessus de son siècle & de ses rivaux, donna son consentement. […] Le roi garda le silence, &, dès le même jour, il fit donner au moribond une somme d’argent.
pourquoi lui donner cette mauvaise opinion des enfans de son âge ? […] Quant à M. le duc du Maine, il est fâcheux que l’assemblée des dieux ait oublié à son égard un article bien important ; c’était de lui donner un peu de caractère ; cette qualité lui eût épargné bien des dégoûts. […] Il choisit une nuit libérale en pavots : Il n’a été donné qu’à La Fontaine de jeter, au milieu d’un récit très-simple, des traits de poésie aussi nobles et aussi heureux. […] Le dieu Faune l’a fait, La vache Io donna le lait : La Fontaine brille toujours dans cet usage plaisant et poétique qu’il fait de la Mythologie. […] Mes arrière-neveux me devront cet ombrage : Hé bien, défendez-vous au sage De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Auguste Vitu nous donne un volume. […] J’aurais par là donné plus d’intérêt, plus de profondeur d’intérêt à mes volumes, en leur donnant à chacun un ensemble et une unité. […] IV Mais, encore une fois, si cette biographie d’un homme qui a droit, sinon à la statue en pied de l’histoire au moins à la médaille de la biographie, si tout ce travail sur François Suleau est très élevé de renseignement, de vue et d’accent, et si l’écrivain qui l’a publié y a montré des aptitudes et des facilités vers l’histoire, grave ou tragique, telle qu’elle est le plus généralement conçue et réalisée par MΜ. les historiens ordinaires, je ne m’en opiniâtre pas moins à croire, ainsi que je l’ai dit au commencement de ce chapitre, que le vrai génie spécial de l’auteur Ombres et vieux murs, que son originalité la plus vive, serait, son genre d’esprit donné, la mise en scène ou en saillie de l’élément comique ou ravalant qui ne manque pas dans l’histoire, et qu’il saurait fort bien en dégager, ainsi que l’attestent les excellentes variétés historiques qu’il nous a mises sous les yeux, titres réveillants en tête : La Lanterne, Le Rhum et la Guillotine, Le Lendemain du massacre, etc., tous épisodes ou mosaïques d’anecdotes dont il faut juger par soi-même en les lisant et dont l’analyse, d’ailleurs, ne donnerait qu’une très imparfaite idée. […] Il ne nous a donné là que des variétés historiques, mais je suis sûr qu’il pourrait nous donner une fort rare variété d’historien.