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2012. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Il devenait ainsi le conservateur à main armée et le champion du droit public en Allemagne. […] Le comte Haugwitz devint contrôleur général de ses finances ; sous son administration, les revenus de l’impératrice montèrent à trente-six millions de florins ou vingt-quatre millions d’écus. […] Enfin, pour ne rien négliger de ce qui pouvait avoir rapport au militaire, l’impératrice fonda près de Vienne un collège où la jeune noblesse était instruite dans tous les arts qui ont rapport à la guerre ; elle attira d’habiles professeurs de géométrie, de fortification, de géographie et d’histoire, qui formèrent des sujets capables, ce qui devint une pépinière d’officiers pour son armée.

2013. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il s’en tira d’ailleurs dans le temps par un mot, et tandis qu’un autre, en apprenant le meurtre du duc d’Enghien, disait cette parole devenue célèbre : « C’est pire qu’un crime, c’est une faute22 », Talleyrand répondait à un ami qui lui conseillait de donner sa démission : « Si, comme vous le dites, Bonaparte s’est rendu coupable d’un crime, ce n’est pas une raison pour que je me rende coupable d’une sottise23. » Quant à l’affaire du Concordat et aux négociations qui l’amenèrent, il y poussa et y aida de toutes ses forces ; il y avait un intérêt direct, c’était de taire sa paix avec le pape et de régulariser son entrée dans la vie séculière ; ce qu’il obtint en effet par un bref. […] Cela deviendra plus sensible lorsqu’on aura sous les yeux les fameux Mémoires. […] Répondant dans cet écrit à ses ennemis et ses détracteurs, il disait : « Ils osent affirmer que c’est moi qui ai aliéné de nous les États-Unis, lorsqu’ils savent bien qu’au moment précis où ils impriment cet étrange reproche, des négociateurs américains arrivent en France, et qu’ils ne peuvent ignorer la part qu’il m’est permis de prendre dans cet événement, à raison du langage plein de déférence, de modération et j’ose dire aussi de dignité, que je leur ai adressé au nom du Gouvernement français… » Il sut les attirer en effet par d’adroites paroles ; mais comment les actes et les procédés y répondirent-ils, et que devint cette dignité de ton en présence des faits ?

2014. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Dès les premières lignes du livre, M. de La Mennais remarque que « le temps fuit de nos jours avec une telle rapidité, qu’en quelques années l’on voit s’accomplir ce qui jadis eût été l’œuvre d’un siècle ou même de plusieurs. » Cette idée sur la rapidité du temps et la multiplicité de ce qui s’y passe, qui est juste et même banale à un certain degré, devient propre à M. de La Mennais par la singulière préoccupation qu’elle a toujours formée dans son esprit. […] M. de La Mennais, en raisonnant ici comme le public, comme les philosophes et comme le sens commun, en se faisant lui-même juge du moment décisif pour l’humanité, est devenu semblable à presque tous, à part la supériorité du génie. […] Il fallait l’entendre raconter comment, retenu au lit pendant quarante jours par une jambe cassée, il revint à Rome juste à temps pour ne pas trouver sa femme remariée : ce n’est pas que sa douleur eût été inconsolable, si le second mariage avait rompu le premier ; car, libre alors, peut-être serait-il devenu cardinal, peut-être pape, qui sait ?

2015. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

L’observation indirecte devient vite surabondante, confine parfois au fatras, déchoit jusqu’au degré infime de la vulgarisation scientifique, qui nous semble, en matière de science, l’exact répondant du feuilleton quotidien, pitance littéraire d’une importante partie de notre société. […] Ses ivresses deviennent mauvaises et brutales, durent jusqu’à trois jours de rang (p. 330). […] Pourquoi devient-elle, en certaines pages du Docteur Pascal, indigeste et verbeuse ?

2016. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Buffon a traduit la théorie des fluxions de Newton, la statique des végétaux par Hales ; il devient à la fois ou tour à tour métallurgiste, opticien, géographe, géologue et à la fin anatomiste. […] C’est de là qu’ils partent pour enseigner à l’homme ce qu’il est, d’où il vient, où il va, ce qu’il peut devenir, ce qu’il doit être. […] Par ce déplacement et par cette soudure, elles deviennent des sciences.

2017. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Sans pose, avec des silences, elle allait d’elle-même aux régions élevées que visite la solennité. » « Un silence, ajoute Henri de Régnier, puis le geste hiératique devenait familier. […] Joachim Gasquet le compare à Prométhée : « Mallarmé, écrit-il, par le spectacle d’un immense génie fourvoyé, nous a donné le goût de l’héroïsme et l’impérieux besoin de la victoire. » Ainsi donc, le Mallarmisme a cessé d’être une doctrine littéraire pour devenir une religion. […] Ce vers primitif de Mallarmé est devenu par la suite : Aboli bibelot d’inanité sonore.

2018. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Cygneroi revient donc, plus que jamais prêt à passer sur le berceau de son enfant, pour suivre sa maîtresse devenue drôlesse. […] L’homme pâlit de rage, ses yeux s’injectent, sa voix devient rauque : « L’amant ? […] Ce gentilhomme faux et froid, dont nous ne connaissions jusqu’ici que la dissimulation correctement boutonnée, se débraille tout à coup et devient cynique.

2019. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

La Fontaine vint à Paris, plut à Fouquet, bon juge de l’esprit, et le voilà transporté tout d’un coup au milieu de la société la plus brillante, devenu le poète ordinaire des merveilles et des magnificences de Vaux. […] Il fut bon pour La Fontaine que la faveur de Fouquet l’initiât à la vie du monde, et lui donnât toute sa politesse ; mais il lui fut bon aussi que ce cercle trop libre ne le retînt pas trop longtemps, et qu’après la chute de Fouquet il fût averti que l’époque devenait plus sérieuse et qu’il avait à s’observer davantage. […] Car la vie de La Fontaine est devenue comme une légende, et il suffit de commencer à raconter de lui une anecdote pour que tout lecteur l’achève aussitôt.

2020. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Si les classes les plus élevées perdent quelque chose de leur élégance, les plus basses perdent de leur grossièreté ; un esprit de cordialité et de familiarité, plus vulgaire, mais plus humain, remplace la politesse des anciens temps ; les mœurs deviennent plus douces et plus fraternelles. […] Le bien-être, l’utile et le frivole deviennent la règle du bien et du beau. […] Avant lui, beaucoup d’autres avaient dit déjà que nul pouvoir humain ne doit être absolu, que la toute-puissance est en soi une chose mauvaise et dangereuse, au-dessus des forces de l’homme, que la démocratie a une tendance naturelle à devenir despotique, et qu’il faut par conséquent la tempérer, la limiter, la contenir par les lois.

2021. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

On y apprendra comment l’amour de l’égalité devient la ruine de l’égalité même, s’il ne sait pas se renfermer dans ses vraies limites, si, non contents d’être égaux comme citoyens, nous voulons l’être comme fils et comme pères, comme jeunes et comme vieux, comme sujets et comme magistrats ; on apprendra encore combien l’obéissance à la loi est nécessaire dans un pays où la loi est faite par les citoyens eux-mêmes, comment la modération est le salut de tous les gouvernements, mais surtout des gouvernements populaires, enfin combien la probité est indispensable aux magistrats dans ces sortes de gouvernement. […] La critique novatrice elle-même, devenue sceptique avec le temps, serait à peine plus sensible que la sienne à toutes ces nouvelles beautés. Et même, à mesure que l’on s’éloigne de ces grands noms qui ont troublé et passionné nos pères, ils semblent eux-mêmes devenir à leur tour comme des classiques qui ont quelque besoin d’être protégés par la tradition contre les attaques irrespectueuses des nouvelles générations.

2022. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

On y devient mélancolique de leur mélancolie, mais on n’en est jamais saturé. […] L’animosité s’accroissait de part et d’autre, et ce fâcheux état de choses menaçait de devenir encore plus grave. […] Ainsi le fidèle Pierre devenait nécessaire aux deux époux. […] Elle devint l’objet de leurs sarcasmes, de leurs facétieux commentaires. […] Mais voilà que le tiraillement recommence et devient plus fort ; Guérassime se lève, regarde.

2023. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Simple harmonie et nouée au sens dans la prose, cette musique verbale devient, dès qu’elle s’est imposée au poète, une véritable incantation. […] « tout qui est un », ou plutôt qui devient un, dès que la poésie s’en est emparée, comme tout devient rose au crépuscule du matin. […] le langage est précis, ou il devient verbiage. […] Un nom propre ne ferait pas l’affaire : la tête de turc que l’on choisirait serait trop ridiculement chétive pour devenir un épouvantail national. […] Et quand il est sorti dans la nuit, et la tempête, que devient-il ?

2024. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Cette note fort curieuse montre quelle sorte d’autorité — toute morale — avait, jusqu’en ces années d’art à la belle étoile, celui qui allait devenir Molière. […] Musnier de Troheou, payeur des États de Bretagne ; ne serait-il point, demandait Beffara, devenu propriétaire de ces manuscrits ? […] Ensuite, si je quittais mon théâtre, que deviendraient ces pauvres gens que j’ai amenés de si loin ?  […] Que devient ainsi la théorie émise récemment par M.  […] Les représentations ne devinrent quotidiennes qu’après la mort de Molière.

2025. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Vous êtes devenu plus pur en devenant plus familier et sans retrancher rien du pittoresque et de la richesse des premières années. […] Bonneau, les amoureux deviennent ce qu’ils peuvent, il les a complètement oubliés. […] Que devient alors l’œuvre d’art ? […] J’ai failli devenir un écrivain de Revue, un littérateur considérable… Ah ! […] Que devient la critique, combinée avec l’amour du prochain ?

2026. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

C’est à la suite d’une lecture qu’on devient écrivain. […] La description trop longue devient monotone et ennuie. […] L’antithèse devient alors haïssable. […] Quelques-unes de ses idées sont devenues des institutions. […] Cette adaptation devient détestable chez certains orateurs.

2027. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Ils n’ont aucune bonne opinion d’eux-mêmes tant qu’ils n’ont pas fait quelque chose, et ils ne deviennent invincibles que dès qu’ils sont sûrs d’eux-mêmes. […] Voyons un peu ce qu’est devenu le drame de Shakespeare dans la traduction de M.  […] Si la pensée d’un tel ouvrage fût tombée dans le cerveau d’un homme de génie d’une tournure d’imagination lugubre, il serait très facilement devenu un chef-d’œuvre. […] Sterne était déjà avancé en âge lorsque la fantaisie lui prit de devenir auteur. […] Longtemps après, devenu archevêque, il se souvint de sa vieille université et la gratifia d’une rente annuelle de 40 livres pour l’éducation de quatre étudiants.

2028. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Buffenoir, Hippolyte (1847-1928) »

C’est ainsi que ses cris d’admiration deviennent des cris d’orgueil.

2029. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — O — Olivier, Juste (1806-1876) »

Il a donné, il y a quelques années, un récit cadencé, Héléna ; aujourd’hui, c’est Donald (1865), l’histoire d’un employé, d’un industriel intelligent devenu un homme politique probe, incorruptible, au cœur d’or et d’airain, qui résiste à toutes les tentations, à force de conscience.

2030. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 444

Ce trait de satire, devenu proverbe en naissant, fit une telle impression sur l’Abbé Cassagnes, qu’il en perdit la tête & fut enfermé à S.

2031. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 50

A force d’imprimer & de vendre des Vers, il prit du goût pour la Poésie, & devint un sectateur si opiniâtre des Muses, qu’il fit des Vers jusqu’à sa mort.

2032. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 539

Il ne faut pas s’étonner que ces Ouvrages, aussi bien que son Appendix de Düs & Heroïbus Poëticis, soient devenus des Livres classiques.

2033. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 172

Un de ces Hommes devenus célebres à force de ridicule.

2034. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 232

Rien de plus propre que cette invention à contribuer aux progrès des Sciences & des Lettres ; aujourd’hui elle leur est devenue inutile, même nuisible, par la multiplicité de ces sortes d’Ouvrages, & par l’abus que font les Journalistes de leurs éloges & de leurs critiques.

2035. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Doyen » p. 102

Cet homme deviendra un grand artiste ou rien.

2036. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

L’Italie cherchait les occasions de devenir libre et grande. […] Ma monarchie, jusqu’ici de troisième ordre et presque inaperçue dans la famille des monarchies, va grandir en un moment, non pas comme une puissance régulière et par un accroissement progressif, mais à la manière des explosions révolutionnaires, jusqu’à la proportion de trente millions d’âmes, d’un trône composé des ruines de cinq ou six trônes, et d’une armée de cinq ou six cent mille hommes qui deviendront mon armée. […] Empêcher l’Autriche d’empiéter sur les États italiens, piémontais ou autres dont les traités ont garanti l’indépendance, afin que l’Italie, destinée à être libre, ne devienne pas une monarchie autrichienne, trop pesante sur ces peuples libres, et trop pesante aussi contre nous-mêmes au midi de l’Europe. […] Ce droit des boulets et des bombes sur la tête des rois, des femmes, des enfants, des jeunes princesses d’une maison royale avec laquelle on n’est pas en guerre, est-il devenu le droit des rois contre les rois de la même famille ? […] XXIII Ainsi encore, qu’un jeune roi de Naples, à peine échappé à la tutelle ombrageuse de son père, élevé, dans la solitude royale de Caserte, à cultiver un jardin royal pour toute instruction politique, monte, encore enfant, sur le trône et s’y tienne à tâtons pendant un orage ; qu’ensuite il jette une constitution hasardée à ses peuples pour apaiser l’insurrection de Sicile, comme on jette un à un ses vêtements royaux derrière soi pour retarder la poursuite de la révolution pendant qu’elle les ramasse ; Qu’il décompose lui-même son armée par les conseils de ministres incapables ou perfides ; Que ses oncles même abandonnent ce malheureux neveu pour aller se joindre à ses ennemis ; Qu’il sorte de sa capitale pour en écarter les bombes et les obus des Piémontais ; qu’il reprenne courage dans l’honneur et dans le désespoir ; qu’il s’abrite avec ses derniers défenseurs, avec sa mère, ses frères, ses jeunes sœurs, dans une ville de guerre pour tomber au moins avec la majesté, le courage du soldat, sur le dernier morceau de rocher de sa patrie ; et que le Piémont, étranger à cette question entre les Napolitains et leur jeune roi, avec lequel le patriotisme et la liberté les réconciliaient, entre, sans querelles, sans déclaration de guerre, avec ses armées dans le royaume, et vienne, auxiliaire de l’expulsion, écraser de ses boulets les casemates de Gaëte devenues le dernier palais d’un dernier Bourbon : quel droit peut alléguer contre son parent innocent le roi de Piémont, pour s’emparer du trône démoli par ses canons ?

2037. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il se sentit soulagé de la confusion de ses idées et de l’incertitude de ses jugements par ce mode de dialogue ; et, bien qu’il soit resté sensible, et qu’il soit devenu homme d’esprit par la longueur de ses détentions, et par ses pensées retournées en dedans à force de rêveries, il fut heureux de n’avoir pas à faire lui-même le triage formidable de sensations et de raisonnements dont il avait eu peur à ma première proposition, et il me dit : « Parlez, Monsieur ; je ne saurais pas parler, mais je saurai peut-être répondre. » « — Eh bien ! […] D’ailleurs, en admettant qu’un jury, sauvage appréciateur des circonstances, de l’urgence, de la pitié du misérable, l’eût condamné à cinq ans de travaux forcés pour cette bonne action d’un oncle devenu un moment fou de miséricorde pour sa famille, quand la loi de 1795 ne le condamnait qu’à un an de prison ; quand on l’aurait ensuite condamné à mort pour le vol d’une pièce de quarante sous à un enfant qui n’avait de témoin que ses larmes ; quand toutes ces pénalités romanesques seraient aussi vraies qu’elles sont heureusement fausses, y avait-il là quelque chose qui fût de nature à changer en bête féroce un pauvre homme injustement condamné, et à en faire un assassin d’occasion du seul homme de Dieu qu’il eût rencontré à son premier pas sur sa route, l’évêque de Digne ? […] « Quand l’évêque releva la tête, la face du « conventionnel était devenue auguste. […] Celui qui était peuple dans un siècle n’est-il pas devenu, par la rotation des choses et des races, aristocrate dans un autre siècle ? […] Misère du cœur qui s’attache et qui se brise en se sentant enlever ce qu’il aime plus que la vie ; misère du sage qui se dessèche et qui s’effeuille comme une racine de cyprès sur une tombe, et qui ne végète plus que par l’écorce ; misère de l’amour qui est séparé de l’amour par les impitoyables obstacles de la vie, qui meurt ou qui voit mourir tout ce qui fait passer l’homme sur la dure nécessité de vivre ; misère de la condition dans laquelle Dieu nous a fait naître, comme des mineurs dans l’onde humide et froide des puits de métal ou de charbon où il faut aller puiser le salaire, pain du soir ; misère du dénuement qui menace tous les jours de la faim du lendemain le salarié quelconque qui se sent gagné par la vieillesse ou l’infirmité, comme l’homme qui s’enfonce dans le sol du marécage qui va l’étouffer ; misère de l’inexorable maladie paralysant sur son grabat le jeune travailleur, qui ne peut répondre aux larmes de sa femme et aux cris affamés de ses petits enfants qu’en tordant ses bras désespérés et qu’en maudissant l’imprudence qui l’a poussé à devenir père ; misère de l’homme sans ressources, chassé par ses créanciers impitoyables du toit qui l’a vu naître, de l’ombre qu’il a plantée, pour aller errer sans asile, sans pain, sans tombeau et sans berceau sous des cieux inconnus !

2038. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Cette préoccupation des choses wagnériennes est enfin devenue générale : la masse du public s’intéresse aujourd’hui à tout ce qui touche les œuvres de Wagner : cela est évident par les journaux. […] Iseult, devenue subitement Vénus impudique par les mystères de la mouche cantharide, provoque la première son collaborateur. […] Le plus grand nombre est allemand, mais il y a quantité de spectateurs venus de toutes les parties du monde, des Russes d’abord, et aussi beaucoup d’Américains, force Anglais et quelques Français, plus que notre renommée d’ennemis des voyages ne le ferait supposer. — Mais c’est encore là une vieille observation que tous répètent sans la vérifier, et, défait, les Français sont devenus, depuis la guerre, un des peuples les plus cosmopolites qui soient. — Les costumes les plus variés se rencontrent dans cette vaste salle de restaurant où les délices de la bière et du tabac alternent avec ceux de la musique. […] L’ironie qui préside à toute manifestation de la vie humaine a voulu que le lieu de dévotion des vrais fanatiques de Wagner devint ainsi une sorte d’étape dans un voyage hygiénique à quelque ville de bains allemande. […] Comme artiste, il aura enrichi dans une proportion énorme l’arsenal où les compositeurs viendront puiser leurs inspirations et leurs armes. » La prédiction s’est déjà vérifiée, et combien de musiciens dans le monde ont tâché de s’approprier ses formules, son style, en un mot le côté matériel de l’œuvre d’art de Richard Wagner, qui n’avaient malheureusement pas son génie et qui, n’ayant rien pu produire avec cet appareil emprunté, se sont retournés contre le novateur dès qu’ils l’ont vu gagner tant soit peu de terrain en France et devenir, sinon une menace immédiate, à tout le moins un lointain danger !

2039. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Après la mort, elle est peut-être quelque chose de mieux, puisqu'elle devient un objet d'émulation pour la Postérité, qui, sans elle, retomberoit dans la barbarie. […] Graces à ses Ouvrages, notre Langue deviendra classique, comme celle des Grecs & des Romains. […] Elles ont vu les Idoles de leur culte profanées, leurs Prophetes décriés, leurs Ecrivains favoris persiflés, les voilà aussi-tôt devenues des Euménides ; car, si j’en crois les rapports, elles ne peuvent entendre prononcer mon nom, sans entrer dans des convulsions de zele qui prouvent que leur Philosophie n’est rien moins que douce & tolérante. […] Je ne vous dirai point qu’il est peu de mes adversaires avec qui je ne pusse combattre à armes égales sur cet article ; je vous ferai seulement remarquer combien cette Philosophie, qui affiche la sublimité des sentimens, devient extravagante, quand elle se sent blessée. […] Un ton imposant, un style dogmatique, un jargon maniéré, des phrases sentencieuses, des sentimens enthousiastes, des expressions systématiques, la répétition perpétuelle de ces mots parasites, humanité, vertu, raison, tolérance, bonheur, esprit philosophique, amour du genre humain, & mille autres termes qui sont devenus la sauvegarde des inepties qu’on a avancées, à la faveur de ces mots, ont pu éblouir quelque temps les esprits faciles.

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