/ 1650
292. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

On était alors dans la première année de la Régence ; Mazarin essayait son pouvoir, et ce fut pour lui la première occasion de démêler les intrigues de cour, de mettre de côté les amis de Mme de Montbazon, Beaufort et les Importants : Mme de Motteville déduit tout cela en perfection. […] Vers le même temps, la paix finale se conclut (octobre 1652) ; la cour et le Mazarin triomphent ; la jeunesse fuit, et sans doute aussi la beauté commence à suivre : tout manque donc à la fois ou va manquer à Mme de Longueville. […] Elle quitte Bordeaux par ordre de la cour, s’avance jusqu’à Montreuil-Bellay, domaine de son mari, en Anjou, et de là jusqu’à Moulins. […] De nouvelles atteintes s’ajoutaient à chaque instant aux anciennes ; la moindre annonce de quelque succès de M. le Prince, qui avait passé aux Espagnols, et qui n’y était en définitive que par suite des suggestions de sa sœur, ravivait tous les remords de celle-ci, et prolongeait l’équivoque de sa situation par rapport à la cour. […] « C’étoit au contraire faire sa cour auprès d’elle, que de parler de tout le monde avec équité et sans passion, et d’estimer en eux tout ce qu’ils pouvoient avoir de bon.

293. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

La cour y venait d’arriver. […] Bien plus : il avait reçu les intimes confidences de la dame, et bien avant la cour même il avait eu le secret des amours de Louis XV. […] C’était avec délices qu’il respirait cet air de cour. […] Et le charme avait été si puissant, la séduction si enivrante, que, en quittant la cour de Versailles et de Fontainebleau, ce fut à la petite cour de Sceaux qu’il alla chercher asile, chez la duchesse du Maine193, de la cour de Sceaux à la cour de Nancy194, chez le bon roi Stanislas, et de la cour enfin de Stanislas, quand il eut perdu Mme du Châtelet, à la cour de Berlin. […] Et pourquoi l’écho ne s’en serait-il pas prolongé jusqu’à la cour, pour y apprendre à Trajan de quel serviteur il s’était sottement privé ?

294. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

Elle juge en 1825 la philosophie et la Révolution, comme on aurait pu faire en 1788 au couvent ou à la cour. […] A Naples, elle ravit par les sons de sa harpe toute la cour, et surtout la reine, qui lui baisa la main ; elle y vit aussi des lazarroni tout nus, des ananas et des figues superbes ; et c’est ainsi que finit le voyage d’Italie.

295. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Tristan fait ses premières armes en Cornouailles, à la cour du roi Marc’h, son oncle, quand un chevalier irlandais, appelé Morhoult, n’y présente, réclamant un tribut des Bretons. […] Peu de jours après les noces, le sénéchal, puis le nain de la cour, s’aperçoivent de la liaison coupable de Tristan et d’Iseult ; ils en informent le roi et lui ménagent l’occasion de les surprendre ; mais Tristan déjoue leurs ruses. […] Tristan vit s’avancer la cour du roi de Cornouailles. […] Quand la cour fut près du ruisseau, Tristan se mit à jouer du flageolet de tout son souffle. […] Quoique l’innocence d’Iseult soit reconnue, son amant n’est point rappelé à la cour.

296. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

L’Académie française avait été, dans le principe, un hochet littéraire de la vanité de Richelieu, puis un luxe de cour, puis un moyen de discipliner les lettres et de dorer le joug que voulait leur imposer le despotisme. […] Aussi nous paraît-il tout à fait erroné de rechercher aujourd’hui les causes de cette révolution dans tel ou tel abus ou dans tel ou tel vice de constitution, d’administration, de répartition d’impôt, de luxe de cour, de mesquines jalousies entre un clergé, une noblesse, des parlements, une bourgeoisie, un peuple demandant à la monarchie quelques réformes administratives ou quelques satisfactions de vanités réciproques au moyen desquelles tout ce grand mouvement des esprits et des âmes se serait apaisé comme une mauvaise humeur d’enfant qui brise un de ses hochets pour qu’on lui en donne un autre ! […] Sans doute il fallait bien que le fanatisme de quelque bénéfice immédiat matériel et palpable enflammât d’un égoïste enthousiasme chacune des classes, même privilégiées, qui allaient conspirer leur propre ruine en croyant conspirer leur propre avantage ; que le clergé inférieur s’ameutât contre l’opulence et la tyrannie de ses pontifes ; que la noblesse militaire des provinces s’indignât contre les favoris de la cour ; que les favoris de cour se soulevassent contre l’arbitraire du favoritisme royal ; que le parlement se constituât en espérance corps représentatif souverain, rival de la royauté ; que la bourgeoisie se révoltât contre ces prétentions ambitieuses des parlements, et le peuple enfin des campagnes contre l’orgueil des ennoblis et des bourgeois. […] Qu’importait donc à l’Europe que la cour, le clergé, les parlements, la noblesse, le peuple se donnassent en France telle ou telle égalité, ou telle ou telle supériorité réciproque, qui ne touchait en rien aux intérêts personnels ou matériels des différents États du continent ? […] Est-ce que ces écrivains, ces orateurs, ces philosophes, ces poètes, étrangers à nos petits débats de cour, de noblesse et de clergé, de parlement et de bourgeoisie ou de peuple, auraient été saisis sur leurs tribunes ou sur leurs trépieds de cet enthousiasme véritablement européen et fatidique, pour quelques misérables réformes d’abus fiscaux ou administratifs en France ?

297. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Il fut recherché de la cour sans s’y livrer ; il honora dans Louis XIV l’autorité souveraine et la majesté du règne sans flatter dans le roi d’autre faiblesse que celle de la gloire. […] Sans doute Ronsard était mille fois plus poète que Boileau ; il y avait, dans ce gentilhomme de cour et d’épée, du Tasse, du Pétrarque, de l’Arioste, presque du Pindare ; il y avait aussi de l’Horace. […] Boileau entremêle si habilement et si indissolublement les louanges du roi aux mépris contre les mauvais écrivains que l’enthousiasme emporte avec lui l’épigramme, et qu’il est impossible de supprimer une invective contre les poètes de cour sans supprimer dans le même vers une magnifique apothéose du roi. Ce début, qui caressa délicieusement les oreilles de Louis XIV, valut du premier coup à Boileau l’amnistie de la cour sur tout ce qu’il pourrait écrire contre les rimeurs en crédit du temps. […] Boileau, Molière et Fénelon sapaient en pleine cour l’institution qui peuple les cours.

298. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Louis XIV voulut cette même année (1699) entendre l’orateur à la Cour, et Massillon y prêcha l’Avent. Massillon prêcha une seconde fois à la Cour en 1701, et cette fois ce fut le Carême ; il l’y prêcha encore en 17043. […] Un homme de la Cour allait à l’Opéra, et voyant son carrosse arrêté par la file de ceux qui allaient à l’église où Massillon devait prêcher, il se dit qu’un spectacle en valait bien un autre, et il entra dans l’église : il n’en sortit que touché au cœur. […] [NdA] Le père Bougerel, dans son exacte notice sur Massillon (Mémoires pour servir à l’histoire de plusieurs hommes illustres de Provence), ne parle que du Carême de 1704 prêché à la Cour par Massillon et ne dit rien du Carême de 1701.

299. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Pris d’une passion très vive pour une personne qu’il a chantée et qu’il ne pouvait obtenir, il quitta son pays pour se distraire et passa en Angleterre à la cour de la reine Philippe de Hainaut, femme d’Édouard III. […] Le premier soin de Froissart et son plus grand plaisir au milieu de cette cour, dans la fréquentation de ces nobles et grands seigneurs et de leurs écuyers, fut de s’enquérir avec détail de tous les événements mémorables et de toutes les particularités qui pouvaient lui servir à dresser son histoire. […] C’est ainsi qu’en 1388 il profite d’une paix qui venait de se conclure dans le Nord, pour aller dans le Midi à la cour de Gaston Phœbus, comte de Foix et de Béarn : car il sait qu’il trouvera là nombre de guerriers qui lui apprendront les choses d’Espagne, de Portugal et de Gascogne, dont il a affaire. […] Mais avant d’arriver à Orthez, à cette cour de Gaston, Froissart a fait route (il nous le dit un peu plus loin dans son histoire) avec un bon chevalier, messire Espaing de Lyon, qui lui procure à la fois sûreté et agrément par sa compagnie.

300. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Appelé souvent à prêcher devant la Cour à dater de 1662, ayant à parler dans les églises ou dans les grandes communautés de Paris, Bossuet y acquit en un instant la langue de l’usage, tout en gardant et développant la sienne ; il dépouilla entièrement la province : celle-ci, dans un exercice et une discipline de six années, l’avait aguerri ; la Cour ne le polit qu’autant qu’il fallut. […] Prenons maintenant tout autre sermon prêché depuis à la Cour, celui Sur l’ambition (1666), Sur l’honneur (1666), Sur l’amour des plaisirs (1662), des beautés du même ordre éclatent partout. […] Tu arrêtes cette eau d’un côté, elle pénètre de l’autre, elle bouillonne même par-dessous la terre… Après tout, Bossuet est un orateur ; si peu qu’il cherche son art, il en possède et en connaît toute la pratique comme un Démosthène ; ce beau morceau, qui a l’air d’être brusque et soudain, il sait bien qu’il est beau, il le garde et le met en réserve pour le répéter dans l’occasion. — On remarque aussi, jusque dans ses sermons de la grande époque, des expressions non pas surannées, mais d’une énergie propre et qui n’est pas de l’acception commune : « Notre siècle délicieux, qui ne peut souffrir la dureté de la croix » ; pour notre siècle ami des délices. — « C’est vouloir en quelque sorte déserter la Cour que de combattre l’ambition. » Déserter, c’est-à-dire dévaster, rendre déserte (solitudinem facere). — « Il y a cette différence entre la raison et les sens, que les sens font d’abord leur impression : leur opération est prompte, leur attaque brusque et surprenante. » Surprenante est pris ici au sens propre et physique, et non dans le sens plus réfléchi d’étonner et d’émerveiller.

301. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Cependant, jeune, à la cour de Charles IX, et ensuite auprès de Henri III, pendant la captivité du roi de Navarre, d’Aubigné était compté au premier rang des beaux esprits galants et à la mode ; il composait pour les divertissements de cour des ballets, mascarades ou opéras ; il avait mille ingénieuses inventions ; il était de cette Académie royale de Charles IX et de son successeur, qui, dans ses beaux jours, s’assemblait au Louvre, dont plusieurs dames faisaient partie, et où l’on traitait des questions platoniques et subtiles. […] Sayous) nous fait voir Henri III juge délicat des choses de l’esprit : Henri III savait bien dire quand on blâmait les écrits qui venaient de la cour de Navarre de n’être pas assez coulants : « Et moi, disait-il, je suis las de tant de vers qui ne disent rien en belles et beaucoup de paroles ; ils sont si coulants que le goût en est tout aussitôt écoulé : les autres me laissent la tête pleine de pensées excellentes, d’images et d’emblèmes, desquels ont prévalu les anciens. […] Il comprend la dignité du genre qu’il traite ; il est des particularités honteuses ou incertaines que l’histoire doit laisser dans les satires, pamphlets et pasquins, où les curieux les vont chercher : d’Aubigné, qui aime trop ces sortes de pasquins ou de satires, et qui ne s’en est jamais privé ailleurs, les exclut de son Histoire universelle, et, s’il y en introduit quelque portion indispensable, il s’en excuse aussitôt : ainsi en 1580, à propos des intrigues de la cour du roi de Navarre en Gascogne, quand la reine Marguerite en était : J’eusse bien voulu, dit-il, cacher l’ordure de la maison ; mais, ayant prêté serment à la vérité, je ne puis épargner les choses qui instruisent, principalement sur un point qui, depuis Philippe de Commynes, n’a été guère bien connu par ceux qui ont écrit, pour n’avoir pas fait leur chevet au pied des rois… Quand il s’étend longuement sur certaines particularités purement anecdotiques, il s’en excuse encore ; il tient à ne pas trop excéder les bordures de son tableau ; il voudrait rester dans les proportions de l’histoire : mais il lui est difficile de ne pas dire ce qu’il sait de neuf et d’original ; et d’ailleurs, s’il s’agit de Henri IV, n’est-il pas dans le plein de son sujet, et n’est-il pas en droit de dire comme il le fait : « C’est le cœur de mon Histoire ? 

302. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Ce n’est pas ma faute si le tableau fidèle de la Cour en ces années du vieux Fleury et du jeune Louis XV laisse une impression si chétive, si flétrissante. […] Cependant il pensait toujours à s’avancer et une alliance en Cour lui était indispensable. […] Et ce qu’il a eu encore de plus admirable et comme particulier en lui, c’est d’avoir approché les rois sans médiateur, d’avoir amassé des richesses sans avarice, d’être parvenu aux grandes charges sans ambition, d’avoir bâti une bonne maison avec peu de matière, d’avoir eu beaucoup de prospérité sans orgueil, d’avoir, aimant la douceur et la tranquillité, vécu trente-cinq ans de suite dans la Cour, fait sa retraite vingt ans avant de mourir, sans aucune disgrâce précédente, d’avoir vécu soixante et seize ans d’une santé très parfaite, rarement troublée de maladies, d’avoir joui en repos des biens qu’il avait amassés, d’avoir reçu de l’honneur aux charges qu’il a exercées, d’avoir fait grande quantité d’amis et point d’ennemis, d’avoir habité les maisons qu’il avait bâties, s’être promené à l’ombre des bois qu’il avait plantés, d’avoir reçu de ses enfants le contentement qu’il en pouvait espérer. […] Ce que vous m’écrivez même de la sédition qui a failli plusieurs fois s’exciter à Angers est une preuve du bien que causait le seul nom et la seule autorité de cet incomparable ministre… Dix-huit mois environ après que cette lettre était écrite, le cardinal Mazarin, que d’Ormesson nous montre, la première fois qu’il le voit au conseil, « grand, de bonne mine, bel homme, le poil châtain, un œil vif et d’esprit, avec un grande douceur dans le visage », avait si bien fait son chemin et assuré son crédit auprès de la reine, qu’il avait la Cour à ses pieds. « Les pièces de médisance commençaient à courir (décembre 1644), et l’on se plaignait du gouvernement : on regrettait celui du cardinal de Richelieu.

303. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Ce n’est plus cette fois, ni un Saint-Simon qui nous fait assister à tous les ressorts cachés, à tous les dessous de cartes, dans cet immense jeu d’une Cour à laquelle il laisse du moins, au milieu d’un fouillis sans pareil, son mouvement imposant et sa grandeur ; ce n’est plus un Dangeau nous annotant jour par jour les allées et venues, les entrées et les sorties, les mille détails et incidents du cérémonial ; ce n’est plus une princesse Palatine, duchesse d’Orléans, nous écrivant de Versailles des crudités à faire frémir, sur les princesses du sang qui boivent et fument dans les corps de garde, sur les gênes, les cuissons et les tortures intestines de l’étiquette, et nous donnant le gros menu d’un dîner du Roi ; ce n’est plus même un homme de l’art racontant les détails de la grande opération faite à Sa Majesté en 1686 : ceci est un Journal de la santé, des maladies et des incommodités de Louis XIV, dressé dès son enfance et allant jusqu’en 1711, c’est-à-dire quatre ans avant sa mort. […] Je ne sais si l’on a assez noté que ce roi, réputé le plus beau de sa Cour et de son temps, était assez fort gravé de la petite vérole. […] Bientôt se déclare la première atteinte d’un mal singulier qui tourmenta Louis XIV toute sa vie, le tint perpétuellement en échec, et qu’il ne parvint à dissimuler qu’à force de bonne contenance et d’empire sur lui-même, devant sa Cour et aux yeux de son entourage : ce sont des vapeurs, « une douleur de tête sourde et pesante, avec quelques ressentiments de vertiges, maux de cœur, faiblesse et abattement. » C’est en 1662 que les premiers signes de cette indisposition inquiétante apparaissent. […] De même, lorsque Fagon fut devenu premier médecin, Fontenelle remarque« que toutes les maladies de Versailles lui passaient par les mains : on croyait faire sa cour de s’adresser au premier médecin, on s’en faisait même une espèce de loi ; mais, heureusement pour les courtisans, ce premier médecin était aussi un grand médecin. » Fagon, qui était depuis quelques années dans la confiance de Mme de Maintenon, supplanta d’Aquin en 1693.

304. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

. — Notions sur les rapports de la littérature avec les mœurs de la cour en 1677 et 1678. — Boileau en 1677. — Racine. — Incidents relatifs à Phèdre. — Méprise des écrivains qui imputent les critiques de Phèdre a la société de Rambouillet. — Autre méprise sur la satire de Boileau à l’occasion de Phèdre. — Fausseté de l’assertion que madame de Sévigné protégeait Pradon et n’aimait pas Racine. — Relations de madame de Sévigné avec Molière, La Fontaine, Boileau et Racine. […] Après avoir entendu que Néron excellait dans la danse, Excellait à conduire un char dans la carrière, À se donner lui-même en spectacle aux Romains, il cessa de danser dans les ballets de sa cour, et fit Racine gentilhomme de sa chambre. […] Entre les sociétés que j’ai citées comme formées de la composition de l’ancienne maison Rambouillet, je n’ai eu garde de citer ni l’hôtel de Nevers, ni l’hôtel de Bouillon, ni l’hôtel de Soissons, qui formèrent une coterie à part, incompatible avec les précieuses, encore plus avec la bonne compagnie, une coterie trop diffamée pour la cour même, et qui appartenait à la classe des sociétés dissolues de la capitale. […] Lorsque les deux pièces occupaient les amateurs du théâtre, madame Deshoulières, alors âgée de trente-neuf ans, voulant faire la cour au duc de Nevers et à ses sœurs, composa contre la Phèdre de Racine le fameux sonnet : Dans un fauteuil doré, Phèdre tremblante et blême, etc.

305. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Il a fallu rester huit jours avec toutes les dames de la Cour en ce déplorable état, parce que nos hardes sont dans le garde-meuble de la reine, à Léopold. […] Chaulieu put s’apercevoir, dès lors, de ce que valent, au fond, les protections et les promesses de cour : Tout le monde, écrit-il à sa belle-sœur, va à son intérêt, sans songer à ceux des autres ; et les services et les bienfaits ne sont, ma belle dame, que de fort méchants titres pour obliger les gens à faire quelque chose qui choque, de fort loin seulement, le moindre de leurs desseins. […] Mme de Grignan, la lieutenante générale, réunit chez elle les dames de la province, et il semble croire, en homme un peu glorieux, qu’il n’aurait, dans cette assemblée, qu’à jeter la pomme : « Le favori du gouverneur, dit-il, en réputation d’un bel esprit et d’homme de cour, serait bientôt ici un dangereux rival. » Il nous donne un échantillon des plaisanteries à la provençale qu’il adresse à l’une de ces dames ; la plaisanterie nous semble, avouons-le, de toute énormité, et on y revient à deux fois avant d’oser comprendre. […] Il peint avec énergie la jeunesse du Grand Siècle, celle qui ne sait plus plaisanter avec esprit, qui joue tout le jour avec fureur et qui s’enivre ouvertement ; il indique et assigne en moraliste et en politique les causes de ce changement général à la Cour.

306. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz nous le dira d’un mot : « La véritable aristocratie respecte et maintient les lois ; la noblesse se regardait comme au-dessus des lois. » L’esprit de la noblesse de robe est finement distingué de celui de la noblesse d’épée et de la noblesse de cour : « Les magistrats regardaient les militaires comme des machines obéissantes ; ils se jugeaient plus indépendants, plus instruits, plus désintéressés que les gens de cour ; et ils avaient en morgue ce que ceux-ci avaient en vanité. » Toutes les nuances d’inégalité qui composaient l’Ancien Régime, et qui causaient des froissements si sensibles à l’amour-propre, à mesure que l’ambition s’éveillait dans tous les rangs, sont fidèlement analysées par l’historien ; et il n’est pas moins attentif à indiquer les causes de rapprochement entre les classes, les signes précurseurs de l’avènement prochain du tiers état. […] Grâce à lui, ce qu’il appelle les trois phases de la vie politique de Mirabeau depuis 89 jusqu’à sa mort, les circonstances particulières et les vicissitudes de ses relations avec la Cour, sont aussi éclaircies désormais qu’il est permis de l’espérer22, et, quelque jugement qu’on porte sur le caractère de l’homme, le génie de Mirabeau en ressort plus grand, il est piquant de voir cet esprit juste, droit et pur de M.  […] Ce point important de l’histoire a depuis reçu le dernier degré de lumière par la publication des lettres mêmes et des notes de Mirabeau adressées à la Cour (1851).

307. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Il connut la femme d’un homme qui avait à la Cour un office subalterne ; elle l’aima, et, le mari étant mort, il eut la charge en épousant, le 27 novembre 1756, cette veuve qui avait nom Marie-Madeleine Aubertin. […] Il avait pourtant à la Cour cette petite charge, qui lui donnait un pied chez les plus grands. […] Nous retrouvons, peu après, Beaumarchais propriétaire d’une autre charge en cour, ayant acheté moyennant quittance des lettres de noblesse, et ayant titre : écuyer, conseiller-secrétaire du roi, lieutenant général des chasses au bailliage de la varenne du Louvre, dont le duc de La Vallière était capitaine. […] Le soir de cette condamnation, le prince de Conti venait s’écrire chez Beaumarchais, et l’invitait à passer chez lui la journée du lendemain : « Je veux, disait-il dans son billet, que vous veniez demain ; nous sommes d’assez bonne maison pour donner l’exemple à la France de la manière dont on doit traiter un grand citoyen tel que vous. » Toute la Cour suivit l’exemple du prince et s’écrivit chez le condamné.

308. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Mme de Bregy, une nièce du savant Saumaise, une précieuse des plus qualifiées, auteur d’un petit volume de pièces galantes, félicitant un jour Mme de Sablé sur son esprit à la fois et sur son potage qui était en renom, trouvait moyen de lui dire qu’elle quitterait volontiers tous les mets du plus magnifique repas de la Cour pour une assiettée de ce potage, à la condition de l’écouter tout en en mangeant ; cela est flatteur et spirituel, mais elle le lui écrivait en ces termes impossibles, dont je ne veux rien dérober : … Aujourduy la Rayne et Mme de Toscane vont à Saint-Clou don la naturelle bauté sera reausé de toute les musique possible et d’un repas manifique don je quiterois tous les gous pour une ecuele non pas de nantille, mes pour une de vostre potage ; rien n’étan si delisieus que d’an manger an vous ecoulan parler. […] Duclos, le philosophe cynique, soutenait un jour qu’on pouvait se permettre bien plus de libertés en paroles devant les honnêtes femmes que devant celles qui ne le sont pas ; il était alors entre deux femmes de la Cour, et il se mit à leur faire un conte si fort et si salé que l’une d’elles s’écria : « Ah !

309. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Amédée Renée, publie en ce moment un volume, non plus de récit épisodique, mais de véritable histoire politique sur un sujet bien connu, tant de fois étudié, mais qui n’est jamais épuisé : Louis XVI et sa Cour 62. […] C’est ainsi qu’on en vint aux grands remèdes sans presque se douter de la difficulté, ou du moins en la voyant tout entière d’un seul côté, dans l’obstacle qu’opposaient les privilégiés et la Cour.

310. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

On le voit arriver, à titre de poëte lauréat, dans la cour de Polycrate, tyran de Samos, tandis que Pythagore attristé s’en éloigne. […] Déjà, sur le fumier de Villon, au milieu des obscénités de taverne, on aperçoit quelques-unes de ces fleurs qu’on croirait tombées d’une couronne antique Mais dans Clément Marot, dont la muse s’était épurée à la cour de François Ier et de Marguerite de Navarre, la ressemblance devient frappante.

311. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

On regarde, on observe, on s’imagine, on croit voir des rayons de lumière sur des visages que l’on trouvait indignes, il y a un mois, d’être comparés aux autres. » Ces on là, c’est la cour. […] Une lettre de madame de Sévigné, du 6 novembre, raconte avec sa grâce ordinaire comment le roi, sous le nom d’un certain Langlée, espèce d’aventurier qui tenait un jeu à la cour, lui donna la plus belle robe dont on eut jamais eu l’idée : « M. de Langlée a donné à madame de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait cet ouvrage en secret.

312. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Avant le moment de sa conversion, Rancé fut député du second ordre à l’Assemblée générale du Clergé qui se tint dans les années 1655-1657 ; il y eut un rôle assez actif et même d’opposition à la Cour, au moins en ce qui concernait les intérêts du cardinal de Retz, son ami, qu’on voulait déposséder. […] On raconta donc qu’étant à la campagne lorsque arriva cette mort imprévue de la plus belle personne de la Cour, et qui le préférait à tous les autres, il revint sans en être informé, et que, montant tout droit dans l’appartement dont il savait les secrets accès, il trouva l’idole non-seulement morte, mais encore décapitée ; car les chirurgiens avaient, dit-on, détaché cette belle tête pour la faire entrer dans le cercueil trop court. […] « Lorsqu’il venait à considérer que cette créature qui brilla a la Cour avec plus d’éclat qu’aucune femme de son siècle n’était plus, que ses enchantements avaient disparu, que c’en était fait pour jamais de cette personne qui l’avait choisi entre tant d’autres, il s’étonnait que son âme ne se séparât pas de son corps.  […] Dom Gervaise faillit tout perdre ; Saint-Simon nous a raconté les détails longtemps secrets et vraiment étranges qui amenèrent le nouvel abbé à une démission forcée ; il fut lui-même trop employé à la Cour dans cette affaire pour qu’on puisse douter des circonstances qu’il affirme et qu’il n’a aucun intérêt, ce semble, à surcharger. […] En des endroits, on voudra faire un peu de cour aux bénédictins, en d’autres aux jésuites, en d’autres aux religieux en général.

313. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Etant allée rejoindre son mari dans les Pays-Bas espagnols, elle y trouva le prince de Condé et toute une cour à Bruxelles. […] Disons seulement qu’elle fut fidèle aux souvenirs et aux admirations de sa jeunesse, à l’ancienne et galante cour, comme elle l’appelait ; elle remontait ainsi en idée jusqu’aux Bellegarde et aux Bassompierre : tout ce qui survenait de nouveau, même à Versailles, lui paraissait peu poli ; elle ne s’y mêlait que malgré elle, et se croyait au moment de perdre les seuls derniers auditeurs auxquels volontiers elle s’adressait : Que ferez-vous alors ? […] Voltaire, si plein de tact en courant quand il est désintéressé, nous indique du doigt, dans son Temple du Goût, « le doux mais faible Pavillon, faisant sa cour humblement à Mme Des Houlières, qui est placée fort au-dessus de lui. » Pour revenir à l’école même qu’elle représente, et que nous avons montrée un peu jetée de côté dans le dix septième siècle, il semble qu’elle ait eu sa revanche au dix-huitième ; je veux dire que, même sans qu’on s’en rendît compte, cette manière avant tout spirituelle, métaphysique, moraliste et à la fois pomponnée, de faire des vers prévalut et marqua désormais au front la poésie du siècle, avec quelques différences de rubans et de nœuds seulement. […] La cour de Sceaux s’y complut trop pour en sortir. […] Il faut encore que vous empêchiez une chose, qui est que cent contes que quelques méchants railleurs de votre cour font de moi ne soient sus par la personne qui y a intérêt, car cela feroit le même effet que le reste.

314. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Ou bien cet autre : Tristan, banni de la cour du roi March, apprend qu’Yseult doit traverser la forêt où il s’est retiré : il jette sur le passage de la reine une branche de coudrier autour de laquelle est roulé un brin de chèvrefeuille ; et sur l’écorce il a gravé ces mots : Belle amie, ainsi va de nous : Ni vous sans moi, ni moi sans vous : La reine voit, comprend, entre sous bois. […] Mais Arthur n’a plus rien du chef celtique les que fées ont emporté dans l’île d’Avallon : c’est un roi brillant, digne de prendre place entre Alexandre et Charlemagne, et dont la cour est le centre de toute politesse, un idéal séjour de fêtes somptueuses et de fines manières. […] De sa cour parlent d’abord, à sa cour reviennent enfin les chercheurs d’aventures : il est là pour leur donner congé, pour leur souhaiter la bienvenue, majestueux, gracieux, inerte. Le plus fameux auteur, en ce genre, est Chrétien de Troyes57 qui écrivait, comme je l’ai dit, à la cour de Champagne, dans la seconde moitié du xiie  siècle.

315. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Jusqu’à l’époque où nous sommes, l’histoire a fait sa cour. […] Chaudon, autre biographe, caractérise ainsi l’auteur du mot à Louis XV cité plus haut : « Une dame de la cour, madame Du Barry. » L’histoire accepte pour attaque d’apoplexie le matelas sous lequel Jean II d’Angleterre étouffe à Calais le duc de Glocester. […] Rien n’est petit de la guerre, du guerrier, du prince, du trône, de la cour. […] Une question d’étiquette, une chasse, un gala, un grand lever, un cortège, le triomphe de Maximilien, la quantité de carrosses qu’avaient les dames suivant le roi au camp devant Mons, la nécessité d’avoir des vices conformes aux défauts de sa majesté, les horloges de Charles-Quint, les serrures de Louis XVI, le bouillon refusé par Louis XV à son sacre, annonce d’un bon roi ; et comme quoi le prince de Galles siège à la chambre des lords, non en qualité de prince de Galles, mais en qualité de duc de Cornouailles ; et comme quoi Auguste l’ivrogne a nommé sous-échanson de la couronne le prince Lubormirsky qui est staroste de Kasimirow ; et comme quoi Charles d’Espagne a donné le commandement de l’armée de Catalogne à Pimentel parce que les Pimentel ont la grandesse de Benavente depuis 1308 ; et comme quoi Frédéric de Brandebourg a octroyé un fief de quarante mille écus à un piqueur qui lui a fait tuer un beau cerf ; et comme quoi Louis Antoine, grand-maître de l’Ordre teutonique et prince palatin, mourut à Liège du déplaisir de n’avoir pu s’en faire élire évêque ; et comme quoi la princesse Borghèse, douairière de la Mirandole et de maison papale, épousa le prince de Cellamare, fils du duc de Giovenazzo ; et comme quoi mylord Seaton, qui est Montgomery, a suivi Jacques II en France ; et comme quoi l’empereur a ordonné au duc de Mantoue, qui est feudataire de l’Empire, de chasser de sa cour le marquis Amorati ; et comme quoi il y a toujours deux cardinaux Barberins vivants, etc., etc., tout cela est grosse affaire. […] Dans la cour modèle de Louis le Grand, il y a les quatre historiens comme il y a les quatre violons de la chambre.

316. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Louis XIV lui fit une pension de mille francs pour l’attacher à la cour. […] Molière s’imagina que toute la cour, toute la ville en voulaient à son épouse. […] Toute la cour était révoltée. […] À Dorilas, qu’il est trop importun, Et qu’il n’est, à la cour, oreille qu’il ne lasse À conter sa bravoure et l’éclat de sa race ? […] Qu’ils ne brûlent pour vous que d’un honnête amour, Et que pour vos vertus ils vous font tous la cour ?

317. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Aux années où il prêchait devant la Cour, il disait à quelqu’un qui lui parlait de ses sermons : « Quand on approche de cette avenue de Versailles, on sent un air amollissant. » Cet air avait fini par agir sur son éloquence même, et, prélat, il en avait aussi emporté quelque chose. […] Par ces traits tout spirituels, elle n’est pas moins une petite Palestine pour nous et une figure du ciel que par ses figues, ses muscats, ses olives, ses oranges, etc. » — On voit que cet ami de Racine n’était pas sans avoir l’imagination quelque peu riante. — Il est moins question dans les toutes dernières lettres que nous avons de lui des deux prédicateurs émules ; la Cour les enlève à la ville ; Versailles et le monde, ce sera peu à peu l’écueil de l’illustre Massillon : « (23 mars 1700).

318. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

C’est en 1607, deux ans et demi après le départ des Gelosi, que fut jouée la petite pièce dont l’Estoile rend compte dans les termes suivants : « Le vendredi 26 de ce mois (de janvier), fut jouée à l’Hôtel de Bourgogne une plaisante farce, à laquelle assistèrent le roi, la reine et la plupart des princes, seigneurs et dames de la cour. […] « Sur ces entrefaites, voici arriver un conseiller de la Cour des aides, un commissaire et un sergent, qui viennent demander la taille à ces pauvres gens, et, à faute de payer, veulent exécuter.

319. (1864) Études sur Shakespeare

Mais le temps de la puissance des puritains n’était pas encore venu, et, pour obtenir un succès décisif, c’était trop d’avoir à dompter à la fois le goût national et celui de la cour. La cour d’Élisabeth aurait bien voulu être classique. […] La cour de France se soumit aux gens de lettres, et la nation disséminée, indécise, dépourvue d’institutions qui pussent donner de l’autorité à ses habitudes et du crédit à ses goûts, se groupa, se forma, pour ainsi dire, autour de la cour. […] De 1599 à 1605, l’ordre chronologique des œuvres de Shakespeare ne nous offre que des comédies, et Henri VIII, ouvrage de cour et de fête. […] La Restauration amena ensuite en Angleterre un goût étranger, que ne partageait pas toute la nation, mais qui dominait avec la cour.

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