Il y en a une bien plus importante, et qui est dans la conscience même des uns et des autres. […] La conscience que l’idée prend d’elle-même par la philosophie peut s’éclaircir de plus en plus et lui révéler beaucoup de choses que Hegel n’a pas aperçues. Qui sait même si l’idée ne découvrira pas un jour qu’elle n’avait pas besoin de Hegel, ni même d’aucun esprit humain, pour prendre conscience d’elle-même, et que cette conscience lui est coéternelle, coessentielle, consubstantielle ?
Il en a bien un peu conscience, et au moment de lâcher les volumes dont il s’est acquitté comme d’une tâche, il écrit à la princesse : « Tout est fini et j’ai environ dix siècles à mettre à vos pieds ; j’aimerais mieux y être moi-même. […] Si la raison l’écrase et l’avilit, le sentiment intérieur le relève et l’honore… Quoiqu’il en soit, nous sentons au moins en nous-même une voix qui nous défend de nous mépriser ; la raison rampe, mais l’âme est élevée. » Sans discuter ici cette distinction si absolue entre la raison et l’âme, distinction qu’il ne maintiendra pas toujours à ce degré, il est clair que Rousseau, au lendemain de ses peines et de ses sacrifices dans la tendre passion qu’il ressentait, ne veut chercher de bonheur ou de consolation que dans la paix du cœur et dans la voix de sa conscience.
Dans mes leçons, — dans les écrits qui sont sortis ou qui sortiront de mes leçons —, on a pu voir et l’on verra que je m’acquitte de ma fonction non seulement avec conscience, mais de tout cœur, avec zèle et sincérité. […] Eh bien, à la longue, elle n’a pas échappé au vice littéraire le plus commun et le plus triste : l’envie, vers la fin, s’y était nichée, et, un jour, mon cher directeur, ma probité même et ma conscience d’écrivain y ont été incriminées… Pourquoi ?
Il est de ceux qui ont le plus vivement senti alors et embrassé avec le plus de conscience et de labeur l’œuvre d’une régénération poétique en France. […] Quel que soit le jugement définitif qu’on porte à ce propos, il faut rendre hommage à tant de conscience et d’étude dans un homme qui est, du reste, évidemment poëte, qui a un sentiment profond des choses, l’amour de la gloire, et le foyer des fortes passions.
Je sais que l’exactitude de ces vues trop générales est presque toujours sujette à caution ; mais, de même que la poésie un peu débordante et confuse de la Renaissance païenne s’est comme épurée et calmée au XVIIe siècle (à partir de Malherbe), ne pourrait-on pas dire que la Renaissance romantique, qui apportait, elle aussi, un monde d’idées et de sentiments nouveaux, est arrivée, dans la seconde moitié de ce siècle, à la pleine conscience d’elle-même et, plus réfléchie, s’est éprise d’une perfection plus étroite ? […] José-Maria de Heredia est donc, pour conclure, un excellent ouvrier en vers, un des plus scrupuleux qu’on ait vus, et qui apporte dans son respect de la forme quelque chose de la délicatesse de conscience et du point d’honneur d’un gentilhomme.
Fruit d’un mouvement des âmes parfaitement spontané, dégagé à sa naissance de toute étreinte dogmatique, ayant lutté trois cents ans pour la liberté de conscience, le christianisme, malgré les chutes qui ont suivi, recueille encore les fruits de cette excellente origine. […] Un état où l’on dit des choses dont on n’a pas conscience, où la pensée se produit sans que la volonté l’appelle et la règle, expose maintenant un homme à être séquestré comme halluciné.
Ici, c’est la conscience elle-même qui proteste. […] Paul Bourde est le conseiller intime, l’inspirateur habituel de l’éminent auteur dramatique qui vient de faire représenter, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, ce drame poignant : Nos Deux Consciences.
Ils avaient au fond de leur conscience un soulèvement d’idées mystérieuses ; l’ébranlement intime des fausses certitudes leur troublait l’âme ; ils sentaient trembler, tressaillir, et peu à peu se lézarder leur sombre surface de monarchisme, de catholicisme et d’aristocratie. […] Je suis le valet de ma conscience ; elle me sonne, j’arrive.
Dans l’état normal, ce même fait se reproduit souvent : nous sentons notre esprit traversé par des idées fortuites, accidentelles, qui rompent la suite de nos conceptions ; mais nous avons la force de les écarter pour suivre un certain ordre d’idées, ou, si nous nous y livrons, c’est avec conscience, et sans prendre des rapports tout subjectifs pour des rapports réels. Dans la folie au contraire, les idées s’entraînent l’une l’autre sans notre participation, et sans que nous ayons la conscience de cet entraînement.
Baillarger, une femme qui ne peut nommer aucun des objets les plus usuels ; elle ne peut même dire son propre nom… Elle a conscience de son état et s’en afflige… Cependant elle prononce une foule de mots incohérents, en les accompagnant de gestes très expressifs qui prouvent que derrière cette incohérence il y a des idées bien déterminées qu’elle veut exprimer61. » M. […] Je m’étonne que les médecins n’aient pas vérifié ce fait d’une manière plus précise, en demandant aux malades qui ont conservé, par exemple, la faculté de l’écriture, s’ils ont conscience de penser par le moyen des mots, et si l’impuissance de trouver ces mois est intérieure aussi bien qu’extérieure.
La liberté de conscience ! […] Ici se présente une considération que je voudrais en quelque sorte cacher à mes lecteurs, à cause des réclamations trop vives qu’elle peut exciter chez la plupart d’entre eux ; mais, sans la développer, je l’énoncerai du moins, quand ce ne serait que pour acquitter un devoir de conscience, et afin que les sages en fassent leur profit.
Pour eux, en effet, — le comédien et la comédienne, — la critique retrouve de la conscience. […] Demandez pourtant au christianisme, demandez à l’Église, et à la conscience qu’elle pénètre de son esprit, si elle ne voit nul inconvénient à ces amusements artistiques et littéraires, si c’est simplement insignifiant et destiné à nous faire passer agréablement quelques heures que ces comédies de société, qui tuent la société, et que des mères jouent devant leurs filles, quand elles ne les jouent pas en camaraderie avec elles ?
Le hasard seul d’une trouvaille de bibliothèque, le bonheur de quelque carton à renseignements découvert, a pu lui faire mettre la main précisément sur ce sujet d’étude, si éloigné des préoccupations de ce temps, et travaillé, du reste, je le reconnais, avec une conscience qui devrait être du talent, pour sa peine, mais qui malheureusement ne l’est pas toujours… L’auteur de cette récente histoire du roi René l’a proprement nettoyée de tous les récits légendaires qui l’obstruaient, car la Légende s’était enroulée comme une liane autour de ce vieux chêne qu’elle avait fini par cacher. Mais une conscience, même doublée de science, ne suffisait pas pour écrire l’histoire de cet homme, qui fut un si beau et si héroïque jeune homme, de ce brillant roi de batailles et de pas d’armes qui avait du François Ier avant François Ier, et dont l’Histoire, qui l’a trop bonhomisé, ne se souvient que comme d’un « roi d’intérieur » et d’un vieillard occupé de frivolités littéraires et de bric-à-brac artistique.
Camille Rousset est un de ces assassins, du plus grand mérite, qui nous tuent d’ennui, et j’admirais avec quelle peine, quel labeur, quelle conscience, quelle correction et quelle perfection, il avait obtenu celui de son livre, qui véritablement est de première qualité. Eh bien, c’est cette peine, ce labeur, cette conscience et cette perfection dans l’ennui, dans cet ennui que l’on tire de l’histoire la plus intéressante avec une force de plusieurs chevaux, qu’Hippolyte Babou n’a pas voulu prendre à sa charge !
Il en est de même de la vie publique et privée de Saint Louis, jointes ensemble, comme les morceaux de la Croix qu’il adorait, dans sa pratique et sa conscience de fort chrétien. […] « La liberté de conscience — dit-il — n’était dans l’esprit de personne au xiiie siècle… » Et il a l’air de le regretter.
Dans ce misérable passé qu’abhorre naturellement l’ancien rédacteur de La Presse, les lettres ont tenu trop de place, et elles en tiendront trop peu dans l’avenir qu’il rêve pour qu’en conscience et de bonne foi il estime beaucoup cette vieille amusette des sociétés qui eurent de l’âme et de nobles loisirs. […] La première condition d’une œuvre littéraire, c’est le temps, le sérieux, l’effort, la conscience, le respect de soi et du public, auquel on ne jette pas les bavures de son portefeuille à la tête.
Il était fils de ministre, de ce Robert Walpole, le Robert-le-Diable de la corruption, qui savait le taux des consciences de son temps et qui les achetait, ces laides filles, comme si elles avaient été belles et qu’il eût été un marchand turc… Horace Walpole était un lettré sur toutes les coutures. […] C’était le temps, dit-il, de la gravité en conscience .
À côté de la niaiserie du bon sens pipé et de l’invention d’une bourgeoise sagesse, à côté de cette religion naturelle qui est, au fond, si on creuse bien, toute leur doctrine, ils dressent de grands mots qui font rêver les imaginations sans guide et ils pataugent dans l’Infini… Nous ne savons personne plus digne de pitié que ces espèces de philosophes qui n’ont pas même une philosophie complète pour remplacer une religion qu’ils n’ont plus, — qui prennent les ondoyantes et capricieuses lueurs de leur propre sentimentalité pour la ferme lumière de la conscience et vivent en paix avec eux-mêmes. […] Par ses convictions, en effet, par son éducation, par ses idées, c’est un philosophe qui a parfaitement conscience de lui-même, tandis que, par ses facultés, c’est un catholique qui s’ignore.
Il faut bien le dire : il a diminué la notion du roman, de cette chose complexe et toute-puissante, égale au drame par l’action et par la passion, mais supérieure par la description et par l’analyse, car le romancier crée son décor et descend, pour l’éclairer, dans la conscience de ses personnages, ce que le poëte dramatique ne fait pas et ne peut pas faire. […] En mon âme et conscience, je le crois, de nature, un romancier qui pourrait être grand, mais un romancier qui s’est compromis dans un genre, non pas faux (entendez-moi bien !)
Même, il avait, en ces moments-là, volontiers une sorte de gaminerie, justement celle des consciences irréprochables et qui ont du loisir. […] Ces années-là, Rod apparut comme l’un des directeurs de conscience que souhaitait une époque alarmée. […] Il a conscience de ne pas vivre dans les contingences de la réalité. […] Si nous étions réduits à l’aide que nous donne notre claire conscience, nous serions bien dépourvus ! […] Et puis, il a fallu rabattre de ce trop grand honneur qu’on faisait aux foules et à la conscience populaire d’une époque.
La conscience ne se développe pas, ne se déploie pas, ne s’entraîne pas. […] Au moins elle a mis sa conscience en un demi-repos, et l’on sent qu’elle sera fière de n’avoir pas de reproche trop dur à se faire. […] Il existe en France une doctrine artistique suivant laquelle l’artiste n’est pas tenu d’être un prédicateur ou un directeur de conscience ! […] Ces leçons successives le corrigeraient s’il en avait conscience. […] Sans qu’on puisse, en conscience, rien affirmer à cet égard, cette manie ou cette adresse était singulièrement fâcheuse.
Hippolyte Babou Il est impossible de ne pas estimer et de ne pas aimer Chênedollé : c’est un esprit élevé, une imagination enthousiaste et sympathique, une conscience pure, une âme céleste.
J’ignore si je les ai bien jugés ; du moins j’ai la conscience qu’au moment où ces pages ont reçu leur dernière forme, il ne m’était resté aucun ressentiment de l’usage qu’on avait fait des erreurs de ces écrivains contre les vérités conservatrices de la société humaine.
Car il faut reconnaître que la conscience individuelle est toujours pour une bonne part le reflet des mœurs et des opinions de son milieu, même quand elle est en réaction contre ces opinions et ces mœurs.
La tentation de Faust, permise par Dieu comme la tentation de Job, et le voyage en enfer ne sont, dans la conscience populaire, autre chose qu’une exhortation à bien vivre. […] Quel ébranlement de la foi, quel trouble dans les consciences ! […] Saint Dominique visait à l’empire des consciences par un dogmatisme absolu et par une logique implacable. […] La muse de Klopstock réveillait d’un long sommeil la conscience allemande. […] On la voudra supérieure à toute sanction, et trouvant son bonheur dans la seule conformité aux lois de la conscience intime.
En cette grande épopée littéraire, où le génie, chose qu’on n’avait point vue encore, disons-le à l’honneur de notre temps, ne se sépare jamais de l’indépendance, Frédéric Soulié était de ceux qui ne se courbent que pour prêter l’oreille à leur conscience et qui honorent le talent par la dignité.
Institution sociale d’abord, elle est devenue par la suite un simple fait de conscience individuelle ; un état d’âme, une idée et un sentiment intérieurs ; elle s’est individualisée de plus en plus57.
Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre.