/ 1968
393. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

J’appelle donc des causes morales de la perfection des arts, la condition heureuse où se trouve la patrie des peintres et des poëtes lorsqu’ils fournissent leur carriere ; l’inclination de leur souverain et de leurs concitoïens pour les beaux arts ; enfin, les excellens maîtres qui vivent de leur temps, dont les enseignemens abregent les études et en assurent le fruit ? […] l’aisance devoit être naturellement très-grande pour les citoïens de toute condition durant les jours heureux de la Grece ?

394. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Il a l’empêchement dirimant, le vice rédhibitoire de sa condition d’académicien quand il s’agit d’une histoire de l’Académie. […] Lorsque le cardinal de Richelieu l’organisa, il ne s’exagéra pas les conditions de son existence.

395. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Lacombe a signalé les changements profonds introduits par le Christianisme dans la vie générale des peuples et dans la condition humaine. […] Nous ne voulons en aucune façon nier l’amélioration que le temps doit toujours apporter dans la condition humaine.

396. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 470

Le Recueil qu’il se propose d’en donner pourra être très-piquant, à condition qu’il en écartera certains Contes trop libres, répandus sous son nom dans les Sociétés.

397. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Cette dernière condition est justement celle de certaines définitions a priori. […] Si la connaissance vaste et la science profonde du théâtre comique nous suggère une idée telle du comique parfait, qu’elle puisse nous servir de criterium unique et absolu pour juger et pour classer toutes les œuvres, cette idée, quelles que soient les conditions empiriques de sa formation, renferme une part d’a priori, j’entends le principe même de nos jugements et de notre classification. […] Mais, par quel excès de petitesse veulent-ils exclure Molière du chœur des poètes, parce qu’il a été poète à sa manière et sans remplir les conditions de leur programme ? […] Par quelle raison démonstrative et convaincante décident-ils enfin que la poésie a telles et telles conditions positives, négatives, et de quelle autorité lui disent-ils : Jusqu’ici, mais pas plus loin ? […] Ses maîtres lui avaient rempli la tête d’idées fausses, puériles, sur les conditions de la tragédie parfaite, et elle ajoutait foi à ces doctorales niaiseries non seulement avec candeur et soumission, mais avec l’ardeur fanatique d’un jeune esprit encore très ignorant, qui, ne voyant qu’une chose, plaint un peu et méprise beaucoup ceux qui ne la voient point.

398. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

En faisant de l’état cérébral le commencement d’une action et non pas la condition d’une perception, nous rejetions les images perçues des choses en dehors de l’image de notre corps ; nous replacions donc la perception dans les choses mêmes. […] Certes, l’entreprise serait chimérique de vouloir s’affranchir des conditions fondamentales de la perception extérieure. Mais la question est de savoir si certaines conditions, que nous tenons d’ordinaire pour fondamentales, ne concerneraient pas l’usage à faire des choses, le parti pratique à en tirer, bien plus que la connaissance pure que nous en pouvons avoir. […] Alors, au lieu de reconnaître que la tortue fait des pas de tortue et Achille des pas d’Achille, de sorte qu’après un certain nombre de ces actes ou sauts indivisibles Achille aura dépassé la tortue, on se croit en droit de désarticuler comme on veut le mouvement d’Achille et comme on veut le mouvement de la tortue : on s’amuse ainsi à reconstruire les deux mouvements selon une loi de formation arbitraire, incompatible avec les conditions fondamentales de la mobilité. […] Mais si vous supprimez ma conscience, l’univers matériel subsiste tel qu’il était : seulement, comme vous avez fait abstraction de ce rythme particulier de durée qui était la condition de mon action sur les choses, ces choses rentrent en elles-mêmes pour se scander en autant de moments que la science en distingue, et les qualités sensibles, sans s’évanouir, s’étendent et se délayent dans une durée incomparablement plus divisée.

399. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Les grâces et les qualités rares de cette jeune personne, sa distinction naturelle, l’avaient mise, même dans ce monde de cour, sur un pied tout différent de celui où la plaçaient sa condition et sa naissance. […] Le Tellier qu’elle aimait beaucoup mieux demeurer Marianne que d’être duchesse de Lorraine aux conditions qu’on lui proposait ; et que, si elle avait quelque pouvoir sur l’esprit de M. de Lorraine, elle ne s’en servirait jamais pour lui faire faire une chose si contraire à son honneur et à ses intérêts ; qu’elle se reprochait déjà assez le mariage que l’amitié qu’il avait pour elle lui faisait faire. […] Je suis demeuré seul sur la terre… Quand on a connu le plaisir d’aimer et d’être aimé par une personne qui ne vivait que pour vous, et pour qui seule on vivait, on ne veut plus de la vie à d’autres conditions.

400. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il se sert de tous les avantages que sa condition et son existence sociale lui fournissent, pour se perfectionner, non pour se dissiper et se corrompre. […] Ajoutant ainsi continuellement à son acquis, à son fonds de comparaisons et d’idées, assouplissant et gouvernant avec une dignité de plus en plus aisée sa noble manière, semblant justifier en lui cette définition, que le génie (une haute intelligence étant supposée comme condition première), c’est la patience, il est arrivé, sur les plus grands sujets qu’il soit donné à l’œil humain d’embrasser, à la plénitude de son talent de peintre et d’écrivain. […] Buffon, avec un dédain superbe, commença le premier à attaquer Linné sur ses méthodes artificielles, et, même lorsqu’il en fut venu à reconnaître par expérience la nécessité des classifications, il ne lui rendit jamais pleine et entière justice : « Buffon antagoniste de Linné, que toujours il avait combattu, nous dit Linné lui-même dans des fragments de Mémoires, est obligé, bon gré mal gré (nolens, volens), de faire arranger les plantes du Jardin du roi d’après le système sexuel. » Buffon, en ce point, ne céda pas si aisément que le croyait Linné ; il ne consentit jamais, nous dit Blainville, à laisser entrer dans le jardin de botanique la méthode et la nomenclature de Linné, enseignes déployées ; « il permit seulement d’inscrire les noms donnés par Linné, mais à condition (chose incroyable si le génie n’était humain !)

401. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

On trouverait de quoi justifier l’une et l’autre de ces opinions, à condition que la première l’emportât en définitive, et que le génie de Bossuet, là comme ailleurs, gardât le plus haut rang. […] Mais, malgré ces traits à noter et bien d’autres, ce second sermon pour la Toussaint est pénible, je le répète, un peu obscur, et, si l’on veut retrouver Bossuet tout à fait grand orateur, il faut passer au troisième : ou plutôt, dans une lecture bien faite et bien conseillée de cette partie des œuvres de Bossuet, on devra omettre, supprimer et le premier sermon et le quatrième, qui ne sont que des canevas informes, ne pas s’arrêter à ce second, qui est difficultueux, et alors on jouira avec fraîcheur de toute la beauté morale et sereine de cet admirable troisième sermon prêché en 1669 dans la chapelle royale, et où Bossuet réfutant Montaigne, achevant et consommant Platon, démontre et rend presque sensibles aux esprits les moins préparés les conditions du seul vrai, durable et éternel bonheur. […] Pour donner une forte idée des plaisirs véritables dont jouissent les bienheureux, l’orateur se dit ainsi qu’à ses auditeurs : « Philosophons un peu avant toutes choses sur la nature des joies du monde. » Et il va tâcher de faire sentir par ce qui manque à nos joies ce qui doit entrer dans celles d’une condition meilleure : « Car c’est une erreur de croire qu’il faille indifféremment recevoir la joie de quelque côté qu’elle naisse, quelque main qui nous la présente.

402. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

ne m’approchez pas moi-même, lorsque, considérant d’un humble désir ce petit tableau hollandais, ce paysage de Winants, cette cabane de bûcheron à l’entrée d’un bois, Pauperis et tugurî congestum cespite culmen, une émotion dont je ne sais pas bien la cause me gagne et me tient là devant à rêver de paix, de silence, de condition innocente et obscure. […] Je me trouve fort bien de ce marché ; à cette condition, je les défie de me tromper. […] [NdA] Saint Paul, parlant le langage de la grâce, a dit, pour marquer cette diversité des conditions et des vocations : « Chacun tient de Dieu son don propre, l’un d’une façon, l’autre d’une autre. » (Première épître aux Corinthiens, chap. 

403. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Sa personne n’était pas extrêmement bien faite : cependant il faisait profession ouverte de galanterie, mais d’une galanterie universelle, puisqu’il est vrai que l’on peut dire qu’il a aimé des personnes de toute sorte de conditions. […] Le prince de Condé disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Si Voiture était venu un siècle plus tard, on ne peut trop dire ce qu’il aurait fait, et de quel côté se serait tournée cette vocation décidée de réussir et de plaire. […] Mais je ne puis même alors, et même les conditions sociales, les excitations d’alentour étant si changées, me décider à faire de lui un autre Voltaire.

404. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

À l’occasion de ce dernier, il nous a offert une définition complète de tout ce que comprend et qu’exige la charge de lieutenant de police, de préfet de police, comme nous dirions ; de même Cuvier, en louant Daru, a rassemblé, sous un point de vue exact, toutes les conditions et les qualités nécessaires à un intendant en chef des armées. […] Vallot a très bien remarqué tout d’abord que l’apparence de force et de vigueur de Louis XIV en sa jeunesse tenait à ce que la bonté du tempérament héroïque de sa mère avait rectifié et corrigé en partie les mauvaises impressions qu’avait dû laisser dans l’enfant le tempérament affaibli d’un père valétudinaire ; mais cette force et cette vigueur n’étaient qu’à la condition d’éviter les excès et d’observer bien des précautions pour se soutenir. […] C’était, en résumé, un cordial et un tonique, même un dépuratif, qui, à la condition d’être pris à petite dose, pouvait utilement corriger l’effet du vin de Champagne, purement excitant.

405. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M.  […] Développons, autant qu’il est en nous, l’intelligence, la moralité, les habitudes de travail dans toutes les classes de la société française ; cela fait, nous pourrons mourir tranquilles ; la France sera libre, non de cette liberté absolue qui n’est point de ce monde, mais de cette liberté relative qui seule répond aux conditions imparfaites, mais perfectibles, de notre nature. » C’est fort sensé, et du moins, on l’avouera, très spécieux ; mais cela ne satisfait point peut-être ceux qui sont restés entièrement fidèles à la notion première et indivisible de liberté, et je ne serai que vrai en reconnaissant qu’il subsiste, toutes concessions faites, une ligne de séparation marquée entre deux classes d’esprits et d’intelligences : Les uns tenant ferme pour le souffle de flamme généreux et puissant qui se comporte différemment selon les temps et les peuples divers, mais qui émane d’un même foyer moral ; estimant et pensant que tous ces grands hommes, même aristocrates, et durs et hautains, que nous avons ci-devant nommés, étaient au fond d’une même religion politique ; occupés avant tout et soigneux de la noblesse et de la dignité humaines ; accordant beaucoup sinon à l’humanité en masse, du moins aux classes politiques avancées et suffisamment éclairées qui représentent cette humanité à leurs yeux. […] C’était infaisable, en effet, dans les conditions, d’alors.

406. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Chacun se retrouve lui-même dans le poète, et, en réalité, il y a autant d’Homères qu’il y a de lecteurs d’Homère, comme un paysage est aussi divers qu’il y a de divers spectateurs. » Mais que de conditions ne sont-elles pas nécessaires pour bien lire, pour lire du plus près possible, et en se rapprochant de l’esprit qui les a inspirés, ces antiques poèmes, pour se dépouiller des sentiments acquis ou perfectionnés qui, à tout instant, font anachronisme avec ceux des personnages héroïques, et qui viennent créer comme un malentendu entre eux et nous ! […] que de conditions pour arriver à goûter de nouveau ce qu’on a senti une fois ! […] » vous qu’un sang généreux pousse aux nouvelles et incessantes conquêtes de l’art et du génie, et qu’impatiente, qu’ennuie à la fin cet éternel passé qu’on déclare inimitable, veuillez y songer un peu : les Anciens, si vantés qu’ils soient, ne doivent pas nous inspirer de jalousie ; trop de choses nous séparent ; la société moderne obéit à des conditions trop différentes ; nous sommes trop loin les uns des autres pour nous considérer comme des rivaux et des concurrents.

407. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

On peut donc aspirer à un progrès, non à un résultat définitif ; et voici les conditions de ce progrès : Il faudrait étudier l’évolution ascendante des émotions à travers le règne animal ; rechercher celles qui apparaissent les premières et coexistent avec les formes les plus inférieures de l’organisation et de l’intelligence. […] Par suite, il n’a pas étudié le rire isolément, en lui-même ; il l’a rattaché à ses causes, à ses conditions ; il l’a considéré comme le moment d’un tout, dont on ne peut le séparer. […] Toute société qui ne remplit pas ces conditions disparaît, se détruit par un vice inhérent à sa nature même.

408. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Ce fut quand Charles eut la preuve qu’au même moment où le roi venait pour le leurrer de belles paroles et le faire revenir sur les conditions onéreuses du traité juré, il excitait sous main les Liégeois révoltés contre lui. […] Il fit prévenir à temps le roi de l’excès du danger et de la nécessité d’en passer à tout prix par les conditions qu’on exigerait. […] Il pose les conditions extrêmes, humiliantes pour Louis XI.

409. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

À l’occasion de chacun de ces écrivains célèbres, la partie biographique, anecdotique, viendrait très à propos, à la condition qu’on choisirait non pas l’anecdote futile, mais celle qui caractérise. […] On est, dans ce cas, presque toujours obligé de citer le trait saillant et d’abréger le reste, c’est-à-dire qu’on est ramené insensiblement à y mettre du sien comme dans un cours ; et, une fois les conditions bien posées, je ne vois pas grand mal à cela. […] Après la prise de Corinthe, le général romain, pour distinguer les enfants de condition libre d’avec les autres, ordonna à chacun d’eux de tracer quelques mots.

410. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Mais si la société a changé et s’est améliorée dans quelques-unes de ses conditions réelles, le caractère de la nation n’a point changé, et ce caractère a été parfaitement connu et décrit par Mallet du Pan, qui, en sa qualité d’étranger, était plus sensible qu’un autre aux légèretés, aux imprévoyances et aux inconstances françaises. […] Son honneur à lui, c’est de n’avoir jamais, même aux moments les plus désespérés et les plus amers, cédé d’un point sur les conditions qu’il jugeait essentielles au rétablissement de la monarchie en France : « Il est aussi impossible de refaire l’Ancien Régime, pensait-il, que de bâtir Saint-Pierre de Rome avec la poussière des chemins. » Consulté de Vérone par Louis XVIII, et d’Édimbourg par le comte d’Artois, dans leurs projets excentriques de restauration, il ne cesse de leur redire : « Il faut écouter l’intérieur si l’on veut entreprendre quelque chose de solide… Ce n’est pas à nous à diriger l’intérieur, c’est lui qui doit nous diriger. » Dans une note écrite pour Louis XVIII en juillet 1795, Mallet du Pan lui pose les vrais termes de la question, que ce roi ne paraissait pas comprendre entièrement alors, et qu’il fallut une plus longue adversité pour lui expliquer et lui démontrer : La grande pluralité des Français ayant participé à la Révolution par des erreurs de conduite ou par des erreurs d’opinion, écrivait Mallet, il n’est que trop vrai qu’elle ne se rendra jamais à discrétion à l’ancienne autorité et à ses dépositaires ; il suffit de descendre dans le cœur humain pour se convaincre de cette vérité. […] Il s’est vu durant la Révolution de tels observateurs sagaces et capables, mais qui l’étaient dans des conditions et dans des inspirations toutes différentes.

411. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Ce Boris était de ces hommes d’énergie et d’autorité qui, en voulant régner et se satisfaire, veulent aussi civiliser à tout prix une nation ; c’était une sorte de Pierre le Grand anticipé et incomplet, venu dans des conditions moins favorables. […] Allemands dans ses États pour donner réveil à l’industrie ; il envoyait de jeunes gentilshommes étudier en Allemagne, en France, en Angleterre ; il combattait l’ivrognerie, ce vice national, en attribuant au gouvernement le monopole de l’eau-de-vie ; il touchait par des règlements nouveaux à la condition des serfs et à leurs rapports avec les maîtres. […] Mais, nulle part peut-être, on ne surprend ce procédé d’imposture dans des conditions plus favorables que celles où se produisit en Russie le faux Démétrius : il y avait la distance des lieux, la difficulté des communications, la crédulité superstitieuse des peuples, le prestige du nom, cette alliance et cette connivence secrète établie à l’avance au cœur de tous les mécontents ; ce n’était réellement pas tromper leur religion que de dire : Me voilà !

412. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Enfin, et surtout, les rapports de l’évolution littéraire avec les conditions sociales et politiques apparaîtront avec une évidence telle, que les faits littéraires seront en quelque sorte le graphique du développement des nations, et le témoignage le plus sûr des crises et des renaissances morales de l’humanité. […] Croce me semble faire à plus d’une reprise ; il étend aux genres littéraires et à leurs conditions psychologiques (lois) la critique méritée par les formes et par les règles. […] Je les mettrais tous, au commencement ou à la fin de chaque période, dans un chapitre consacré aux idées et aux conditions générales, et je ne les nommerais ailleurs, dans les chapitres consacrés à l’art, que très brièvement.

413. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Deuxième vérification : si le dépérissement est une cause, lorsque d’espèce à espèce une de ses conditions change, les opérations doivent changer précisément de manière à ce qu’il puisse encore s’accomplir. […] Troisième vérification ; si ce dépérissement est une cause, lorsque dans le même individu les conditions changent, les opérations doivent changer précisément de manière à ce que la décomposition puisse encore s’accomplir. […] Donc, quand les conditions changent, la nécessité du dépérissement détermine des changements appropriés dans les opérations et dans les organes.

414. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

N’est-il pas certain qu’on peut avoir telle ou telle opinion, plus ou moins hypothétique ou fondée, sur l’origine et la nature des choses (de natura rerum) sur la formation première du monde, sur la naissance ou l’éternité de l’univers, sur l’organisation même du corps humain, sa structure, les lois elles conditions des diverses fonctions (y compris celles du cerveau), sans être pour cela ni moins honnête homme, ni moins bon citoyen, ni moins irréprochable dans la pratique des devoirs civils et sociaux ? […] D’autre part des élèves peu éclairés sur les conditions mêmes de la nomination au professorat, qui n’implique point la nécessité de l’agrégation, croyaient devoir hautement protester. […] Claude Bernard, dont le nom a été invoqué dans cette discussion et qui s’est fait respecter des deux parts, dit un mot qui me paraît la règle la plus sage : « Quand je suis dans mon laboratoire, je commence par mettre à la porte le spiritualisme et le matérialisme ; je n’observe que des faits, je n’interroge que des expériences ; je ne cherche que les conditions scientifiques dans lesquelles se produit et se manifeste la vie. » Ce sont là des principes de conduite qui font renseignement scientifique irréprochable à tous les points de vue. […] Mais ici, en France, les conditions ne sont pas égales ; le clergé catholique jouit de quantité de faveurs, avantages et immunités. […] Dans de telles conditions, il ne saurait être raisonnable de faire au clergé cette concession exorbitante dont il userait aussitôt moins dans le sens de la science même que dans l’intérêt de sa propre influence à lui.

415. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Victor Hugo, qui a, dit-on, une charmante épouse, des fils de talent, des filles de vertu dans sa famille, voulût accorder leur main aux fils ou aux filles de son héros Jean Valjean, si Jean Valjean, malgré son trésor dont le premier centime était l’argenterie de son évêque ou la pièce de quarante sous du pauvre enfant qui lui avait servi de guide, était de condition égale à la condition d’un honnête homme de génie. […] Misère du cœur qui s’attache et qui se brise en se sentant enlever ce qu’il aime plus que la vie ; misère du sage qui se dessèche et qui s’effeuille comme une racine de cyprès sur une tombe, et qui ne végète plus que par l’écorce ; misère de l’amour qui est séparé de l’amour par les impitoyables obstacles de la vie, qui meurt ou qui voit mourir tout ce qui fait passer l’homme sur la dure nécessité de vivre ; misère de la condition dans laquelle Dieu nous a fait naître, comme des mineurs dans l’onde humide et froide des puits de métal ou de charbon où il faut aller puiser le salaire, pain du soir ; misère du dénuement qui menace tous les jours de la faim du lendemain le salarié quelconque qui se sent gagné par la vieillesse ou l’infirmité, comme l’homme qui s’enfonce dans le sol du marécage qui va l’étouffer ; misère de l’inexorable maladie paralysant sur son grabat le jeune travailleur, qui ne peut répondre aux larmes de sa femme et aux cris affamés de ses petits enfants qu’en tordant ses bras désespérés et qu’en maudissant l’imprudence qui l’a poussé à devenir père ; misère de l’homme sans ressources, chassé par ses créanciers impitoyables du toit qui l’a vu naître, de l’ombre qu’il a plantée, pour aller errer sans asile, sans pain, sans tombeau et sans berceau sous des cieux inconnus ! […] est-ce elle, enfin, qui a fait l’inégalité, inexplicable mais organique, des natures et des conditions ? […] Il a aggravé la condition malade, au lieu de la consoler et de la guérir en ce qu’elle a de guérissable.

416. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Il semblait subordonner sa soumission comme sujet aux conditions exprimées par la Bible et le psautier sur le plat de l’offrande. […] VIII Rizzio était un jeune Italien d’une naissance infime et de condition presque domestique, doué d’une figure heureuse, d’une voix touchante, d’un esprit souple tant que son sort fut de plier devant les grands ; devenu habile à jouer du luth, à composer et à chanter cette musique langoureuse qui est une des mollesses de l’Italie, Rizzio avait été attaché à Turin, comme musicien serviteur de la maison de l’ambassadeur de France en Piémont. […] L’étude de son art et l’infériorité même de la condition de Rizzio couvraient, aux yeux de la cour d’Holyrood, l’assiduité et les familiarités de ce commerce. […] Le musicien élevé rapidement par elle de sa condition domestique au sommet du crédit et des honneurs, devint, sous le nom de secrétaire d’État, le favori plus que le ministre de sa politique. […] Elle laisse les conjurés à Craig Millur ; elle se rend, contre toute convenance et contre toute vraisemblance, à Glascow, elle y trouve Darnley convalescent de la petite vérole ; elle le comble de tendresse ; elle passe les jours et les nuits au chevet de son lit ; elle renouvelle les scènes d’Holyrood après le meurtre de Rizzio ; elle consent aux conditions conjugales que Darnley implore.

417. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

On en sait plus sur les conditions du poème épique qu’au temps d’Homère. […] A ce compte, Chapelain, qui a beaucoup plus pensé qu’Homère aux conditions du poème épique, doit être supérieur à Homère. […] Mais il fallait l’universalité de Fontenelle pour faire valoir cette idée, et pour apprendre à l’Europe savante quelle était sa part dans ce travail si divers, par lequel s’améliore incessamment la condition matérielle de l’homme. […] Destinée unique, vie qui recommence après un demi-siècle, et pour un demi-siècle encore ; je ne m’étonne pas que, de tant de conditions heureuses, il soit sorti un livre à beaucoup d’égards parfait, par la convenance de l’entreprise au but et de l’œuvre à l’ouvrier. […] Enfant du dix-huitième siècle, je serais ingrat si je ne rapportais à ses écrivains ma part dans les biens de l’ordre moral qui ont élevé la condition humaine au dix-neuvième.

418. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Toutefois cette dernière condition n’est pas indispensable. […] Elles sont d’autant plus comiques que la scène répétée est plus complexe et aussi qu’elle est amenée plus naturellement, — deux conditions qui paraissent s’exclure, et que l’habileté de l’auteur dramatique devra réconcilier. […] Chacune des séries intéressant chacun des personnages se développe d’une manière indépendante ; mais elles se sont rencontrées à un certain moment dans des conditions telles que les actes et les paroles qui font partie de l’une d’elles pussent aussi bien convenir à l’autre. […] Mais cette dernière condition ne sera pas indispensable. […] Nous nous proposons, en effet, d’étudier les caractères comiques, ou plutôt de déterminer les conditions essentielles de la comédie de caractère, mais en tâchant que cette étude contribue à nous faire comprendre la vraie nature de l’art, ainsi que le rapport général de l’art à la vie.

419. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 174

Aubert voulut être encore utile d’une autre maniere à ses Concitoyens : il fit présent à la ville de Lyon de sa bibliotheque, qui étoit considérable, à condition qu’elle seroit ouverte à tout le monde.

420. (1904) Zangwill pp. 7-90

Au nord »,… Circuit, le mot n’est pas de moi, le mot est de Taine ; cette méthode est proprement la méthode de la grande ceinture ; si vous voulez connaître Paris, commencez par tourner ; circulez de Chartres sur Montargis, et retour ; c’est la méthode des vibrations concentriques, en commençant par la vibration la plus circonférentielle, la plus éloignée du centre, la plus étrangère ; en admettant qu’on puisse obtenir jamais, pour commencer, cette vibration la plus circonférentielle ; car on voit bien comment des vibrations partent d’un centre, connu ; on ne voit pas comment obtenir la vibration la plus circonférentielle, ni même comment se la représenter, si le centre est par définition non connu, et si un cercle ne se conçoit point sans un centre connu ; pétition de principe ; c’est le contraire de ce qui se passe pour les ondes sonores, électriques, optiques, pour toutes les ondes qui se meuvent partant de leur point d’émission ; c’est le contraire de ce qui se passe quand on jette une pierre dans l’eau ; c’est une spirale commencée par le bout le plus éloigné du centre ; à condition qu’on tienne ce bout ; ce sont les vastes tournoiements plans de l’aigle, moins l’acuité du regard, et le coup de sonde, et, au centre, la saisie ; je découpe ici mon exemplaire, et je cite au long, pour que l’on voie, pour que l’on mesure, sur cet exemple éminent, toute la longueur du circuit : « Au nord, l’Océan bat les falaises blanchâtres ou noie les terres plates ; les coups de ce bélier monotone qui heurte obstinément la grève, l’entassement de ces eaux stériles qui assiègent l’embouchure des fleuves, la joie des vagues indomptées qui s’entre-choquent follement sur la plaine sans limites, font descendre au fond du cœur des émotions tragiques ; la mer est un hôte disproportionné et sauvage dont le voisinage laisse toujours dans l’homme un fond d’inquiétude et d’accablement. — En avançant vers l’est, vous rencontrez la grasse Flandre, antique nourrice de la vie corporelle, ses plaines immenses toutes regorgeantes d’une abondance grossière, ses prairies peuplées de troupeaux couchés qui ruminent, ses larges fleuves qui tournoient paisiblement à pleins bords sous les bateaux chargés, ses nuages noirâtres tachés de blancheurs éclatantes qui abattent incessamment leurs averses sur la verdure, son ciel changeant, plein de violents contrastes, et qui répand une beauté poétique sur sa lourde fécondité. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. […] La nature ne fait rien que de viable dans les conditions générales ; mais la science pourra étendre les limites de la viabilité. […] Car vraiment si l’historien est si parfaitement, si complètement, si totalement renseigné sur les conditions mêmes qui forment et qui fabriquent le génie, et premièrement si nous accordons que ce soient des conditions extérieures saisissables, connaissables, connues, qui forment tout le génie, et non seulement le génie, mais à plus forte raison le talent, et les peuples, et les cultures, et les humanités, si vraiment on ne peut rien leur cacher, à ces historiens, qui ne voit qu’ils ont découvert, obtenu, qu’ils tiennent le secret du génie même, et de tout le reste, que dès lors ils peuvent en régler la production, la fabrication, qu’en définitive donc ils peuvent produire, fabriquer, ou tout au moins que sous leur gouvernement on peut produire, fabriquer le génie même, et tout le reste ; car dans l’ordre des sciences concrètes qui ne sont pas les sciences de l’histoire, dans les sciences physiques, chimiques, naturelles, connaître exactement, entièrement les conditions antérieures et extérieures, ambiantes, qui déterminent les phénomènes, c’est littéralement avoir en mains la production même des phénomènes ; pareillement en histoire, si nous connaissons exactement, entièrement les conditions physiques, chimiques, naturelles, sociales qui déterminent les peuples, les cultures, les talents, les génies, toutes les créations humaines, et les humanités mêmes, et si vraiment d’abord ces conditions extérieures, antérieures et ambiantes, déterminent rigoureusement les conditions humaines, et les créations humaines, si de telles causes déterminent rigoureusement de tels effets par une liaison causale rigoureusement déterminante, nous tenons vraiment le secret du génie même, du talent, des peuples et des cultures, le secret de toute humanité ; on me pardonnera de parler enfin un langage théologique ; la fréquentation de Renan, sinon de Taine, m’y conduit ; Renan, plus averti, plus philosophe, plus artiste, plus homme du monde, — et par conséquent plus respectueux de la divinité, — plus hellénique et ainsi plus averti que les dieux sont jaloux de leurs attributions, Renan plus renseigné n’avait guère usurpé que sur les attributions du Dieu tout connaissant ; Taine, plus rentré, plus têtu, plus docte, plus enfoncé, plus enfant aussi, étant plus professeur, surtout plus entier, usurpe aujourd’hui sur la création même ; il entreprend sur Dieu créateur. […] Il y a bien de la fabrication dans Renan, mais combien précautionneuse, attentive, religieuse, éloignée, ménagée, aménagée ; c’est une fabrication en réserve, une fabrication de rêve et d’aménagement, entourée de quels soins, de quelles attentions, délicates, maternelles ; on fabriquera ce Dieu dans un bocal, pour qu’il ne redoute pas les courants d’air ; on lui fera des conditions spéciales ; cette fabrication de Renan est vraiment une opération surhumaine, une génération surhumaine, suivie d’un enfantement surhumain ; et l’humanité de Renan, ou la surhumanité de Renan, si elle usurpe les fonctions divines, premièrement, nous l’avons dit, usurpe les fonctions de connaissance divine, les fonctions de toute connaissance, beaucoup plutôt que les fonctions de production divine, de toute création, deuxièmement, et ceci est capital, usurpe aussi, commence par usurper les qualités, les vertus divines ; cette première usurpation, cette usurpation préalable, pour nous moralistes impénitents, excuse, légitime la grande usurpation ; nous aimons qu’avant d’usurper les droits, on usurpe les devoirs, et avant la puissance, les qualités ; enfin l’accomplissement de cette usurpation est si lointain ; et les précautions dont on l’entoure, justement par ce qu’elles ont de minutieux, par tout le soin qu’elles exigent, peuvent si bien se retourner, s’entendre en précautions prises pour qu’il n’arrive pas ; une opération si lointaine, si délicate, si minutieuse, ne va point sans un nombre incalculable de risques ; Renan, grand artiste, a évidemment compté sur la sourde impression que l’attente et l’escompte de tous ces risques produiraient dans l’esprit du lecteur ; lui-même il envisage complaisamment ces risques ; ils atténuent, par un secret espoir de libération, de risque, d’aventure, et, qui sait, de cassure, disons le mot, de ratage, cette impression de servitude mortelle et d’achèvement clos ; ils effacent peut-être cette impression de servitude ; et quand même ils effaceraient cette impression glaciale ; l’auteur sans doute s’en consolerait aisément ; il ne tient pas tant que cela aux impressions qu’il fait naître ; ces risques soulagent également le lecteur et l’auteur ; par eux-mêmes Renan n’est point engagé au-delà des convenances intellectuelles et morales ; lui-même les envisage complaisamment ; dans cette institution de la Terreur intellectuelle que nous avons passée, la remettant à plus tard, « mais ne pensez-vous pas », dit Eudoxe : « Mais ne pensez-vous pas que le peuple, qui sentira grandir son maître, devinera le danger et se mettra en garde ?

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