Quand on considere l'étendue de son travail, les difficultés qu'il avoit à vaincre, la gêne impitoyable de la rime, l'insuffisance de notre Langue, comparée à celle du Poëte dont il est l'interprete, on conçoit aisément que les beautés de sa Traduction tournent bien plus à sa gloire, que les endroits foibles, qui sont en petit nombre, ne peuvent lui faire de tort.
Il a fait de Fabrice un Italien de pur sang, tel qu’il le conçoit, destiné sans vocation à devenir archevêque, bientôt coadjuteur, médiocrement et mollement spirituel, libertin, faible (lâche, on peut dire), courant chaque matin à la chasse du bonheur ou du plaisir, amoureux d’une Marietta, comédienne de campagne, s’affichant avec elle sans honte, sans égards pour lui-même et pour son état, sans délicatesse pour sa famille et pour cette tante qui l’aime trop. […] Celui-ci a tout simplement parlé de Beyle romancier comme il aurait aimé à ce qu’on parlât de lui-même : mais lui du moins, il avait la faculté de concevoir d’un jet et de faire vivre certains êtres qu’il lançait ensuite dans son monde réel ou fantastique et qu’on n’oubliait plus. […] Tous deux ne différaient pas moins par la manière dont ils concevaient la forme et le style, ou la façon de s’exprimer.
L’Histoire de la Littérature anglaise est un livre qui se tient d’un bout à l’autre : il a été conçu, construit, exécuté d’ensemble ; les premiers et les derniers chapitres se répondent. […] Il conçoit la plus haute des beautés idéales, mais il n’en conçoit qu’une.
Je conçois qu’on ne mette pas toute la poésie dans le métier ; mais je ne conçois pas du tout que, quand il s’agit d’un art, on ne tienne nul compte de l’art lui-même, et qu’on déprécie à ce point les parfaits ouvriers qui y excellent. […] Quand Ajax (dans Homère) s’efforce de lancer quelque énorme quartier de rocher, le vers aussi travaille et les mots marchent pesamment : autre chose, quand la légère Camille (chez Virgile) rase la plaine, vole sans les courber sur la tête des épis, ou effleure la cime des vagues. » De tels morceaux, on le conçoit, sont intraduisibles ; et quand Delille, avec sa grande habileté, imitant ce passage au quatrième livre de l’Homme des Champs, vient nous dire : Peignez en vers légers l’amant léger de Flore ; Qu’un doux ruisseau murmure en vers plus doux encore…, il manque tout d’abord à la précision et à la sobriété de Pope qui dit Zéphyr tout court et non pas l’amant de Flore.
La puissance productive de la vie peut se concevoir comme infinie et universelle. […] A partir de cet endroit l’auteur, l’orateur éloquent qui plaide pour sa cause, combine et entrelace sans scrupule et avec beaucoup d’habileté les deux ordres de raisonnement, les possibilités indiquées par la science, les désirs conçus par le cœur, les conceptions imaginées par la philosophie. […] vous avez répandu sur nos têtes l’inspiration que les Muses d’un autre temps ne peuvent plus nous donner… » Le spectacle de la nuit, ainsi conçu, est entièrement transfiguré.
Personne, en France, avant Boileau, n’avait nettement conçu ni formulé ce grand principe de l’imitation de la nature, et tous les mots dont on se servait : vérité, bon sens, avaient en soi un air d’abstraction ou un sens subjectif, qui faisaient glisser la littérature dans la sèche logique, ou l’abandonnaient à la tyrannie du goût individuel et de la mode. […] Horace lui avait montré dans le bon sens, qui n’est en somme que le sens précis de la réalité, la qualité maîtresse du poète dramatique : mais surtout il lui avait fait concevoir quel art délicat, assortissant toutes les pièces d’une tragédie, donne à l’ouvrage une perfection charmante, dont l’agrément est infini. […] On conçoit dès lors combien il était difficile à Boileau de tout repousser dans la thèse que soutenait Perrault ; à quelles chicanes, à quelles subtilités, ou à quelles contradictions brutales et sans preuves il était réduit, pour justifier les anciens et condamner Perrault sans réserve et sans nuances.
La Perse, depuis une époque ancienne, conçut l’histoire du monde comme une série d’évolutions, à chacune desquelles préside un prophète. […] Mais son idée d’un royaume profane d’Israël, lors même qu’elle n’eût pas été un anachronisme dans l’état du monde où il la conçut, aurait échoué, comme le projet semblable que forma Salomon, contre les difficultés venant du caractère même de la nation. […] Jésus vit peut-être ce Juda, qui conçut la révolution juive d’une façon si différente de la sienne ; il connut en tout cas son école, et ce fut probablement par réaction contre son erreur qu’il prononça l’axiome sur le denier de César.
Elle a toujours cru que les ressources étaient plus grandes qu’on ne disait, si les hommes ne se décourageaient pas ; elle ne conçoit rien à ces généraux (comme Tessé) qui se méfient d’eux-mêmes et qui ont toujours l’air de compter d’avance sur une défaite. […] Mme des Ursins ne laisse pas tomber ce mot : « On dit pourtant, remarque-t-elle, que c’est plutôt le peuple qui en a été irrité, que la plupart des seigneurs. » On conçoit par une telle disposition de cœur combien, dans de si périlleuses conjonctures, Mme des Ursins dut être utile alors à Madrid pour y soutenir et y fortifier les résolutions royales ; car ce fut là l’honneur de cette maison de Bourbon à son avènement en Espagne, ce fut son vrai sacre, pour ainsi dire, de ne jamais désespérer au plus fort de la crise, de sentir la main de Louis XIV prête à se retirer et presque à se retourner contre elle, sans se laisser abattre : « Le roi est tout occupé du soin de se défendre seul, au cas que le roi, son grand-père, lui retire les secours dont il l’a assisté », écrivait Mme des Ursins. […] Le bon et judicieux esprit de cette dernière reprend ici tous ses avantages ; ce n’est jamais elle dont la modestie eût conçu une telle ambition si hors de mesure, et dont la justesse eût commis une telle faute si hors de propos.
Le duc de Savoie (Charles-Emmanuel), politique habile et rusé, lui sut toujours mauvais gré de ces liaisons intimes qu’il avait contractées à la cour de France, et des distinctions singulières dont il avait été l’objet ; il en conçut de la méfiance contre celui qui n’avait pourtant aucune vue d’ambition mondaine, et qui disait en son gracieux langage : « Je suis en visite bien avant parmi nos montagnes, en espérance de me retirer pour l’hiver dans mon petit Annecy où j’ai appris à me plaire, puisque c’est la barque dans laquelle il faut que je vogue pour passer de cette vie à l’autre. » Henri IV, de son côté, ne cessa d’avoir l’œil sur l’évêque de Genève. […] On conçoit, dans le temps, le succès d’un tel livre qui prenait les cœurs par la tendresse, attirait l’esprit par les belles images, et satisfaisait la raison par le fruit moral qu’on en recueillait34. […] les conceptions descendraient et pleuvraient dru et menu ainsi que les neiges y tombent en hiver. » En ce moment saint François de Sales concevait l’idéal de la vie contemplative comme saint Anselme, et il l’exprimait naïvement comme Homère.
qui, du milieu des astres circulant au ciel, peuples la mer chargée de vaisseaux et la terre couverte de moissons ; car c’est par toi que toute race vivante est conçue, et visite en naissant la lumière du jour : ô déesse ! […] C’est une étude de grand peintre, plutôt qu’une œuvre originale et librement conçue. Concevrait-on autrement que la fable si poétique d’Ariane n’occupe qu’un coin du tableau, et figure dans le récit comme une légende retracée sur les tapisseries qui paraient la salle de noces des deux époux ?
D’où vient que M. de Souza réalise si faiblement ce qu’il conçoit avec une si rare habileté ?
Ce titre sembleroit d’abord annoncer un systême conçu d’après l’idée attachée ordinairement au terme de Synonymes : au contraire, l’Auteur prouve très-évidemment que notre Langue n’a pas deux mots qui signifient précisément, & dans un égal degré de nuance, la même chose.
Dès que le erite principal des poëmes et des tableaux consiste à répresenter des objets capables de nous attacher et de nous toucher si nous les voïons veritablement, il est facile de concevoir combien le choix du sujet est important pour les peintres et pour les poëtes.
Si l’Homère de l’Odyssée avait cette idée bornée de l’enfer, il devait concevoir du ciel une idée analogue, une idée conforme à celle que s’en était faite l’Homère de l’Iliade.
Elle diffère en cela des autres combinaisons mentales par lesquelles nous concevons les objets réels ; elle ne court pas chance, comme celles-ci, de présenter des lacunes, de laisser de côté quelque caractère important inclus dans l’objet réel, d’omettre l’intermédiaire explicatif qui attache à l’objet réel la propriété énoncée ; affranchie de cette obligation, elle est exempte de ce risque. […] Par l’influence combinée de l’état antérieur et des aptitudes et facultés héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment donné ; par l’influence combinée de cet état nouveau et des mêmes aptitudes et tendances héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment postérieur, et ainsi de suite, soit en remontant le cours des temps depuis l’époque contemporaine jusqu’aux plus anciennes origines historiques, soit en descendant le cours des temps depuis les plus anciennes origines historiques jusqu’à l’époque contemporaine. — On conçoit que dans cette prodigieuse évolution, qui s’étend depuis la formation du système solaire jusqu’à celle de l’homme moderne, les lacunes soient grandes et nombreuses ; elles le sont en effet, et souvent nous n’avons pour les combler que des conjectures. […] Selon lui, nous ne pouvons concevoir le monde autrement. Nos yeux ne peuvent percevoir l’étendue que comme colorée ; de même, notre intelligence ne peut concevoir les faits que comme explicables. […] Car, par définition, l’espace pris en lui-même, du moins l’espace tel que nous le concevons, est absolument uniforme, et la durée prise en elle-même, du moins la durée telle que nous la concevons, est absolument uniforme.
On peut dégager ces centres d’attraction, introduire par là plus de clarté dans ce qui a été conçu suivant la méthode instinctive et confuse du génie. […] Pour lui, l’intelligence trouve à la fois son « éclipse » et sa « preuve » dans le mystère éternel, qu’elle ne peut pénétrer et que cependant elle conçoit. […] » Mais l’idéal infini que l’homme conçoit a-t-il une existence réelle, en dehors de notre esprit ? […] Selon Hugo, la personnalité est la condition même d’une infinité réelle. « Si l’infini n’avait pas de moi, le moi serait sa borne. » C’est-à-dire que la conscience humaine, se concevant sans être conçue par l’être infini, le limiterait ; de plus, la volonté humaine pourrait, en niant l’idéal, lui enlever quelque chose de sa réalité au moins pour elle, le chasser d’elle-même. « Il ne serait donc pas infini ; en d’autres termes, il ne serait pas. […] Aimer, « voilà la seule chose qui puisse occuper et remplir l’éternité184. » La prière, c’est l’élan de l’amour et en même temps de la pensée vers un mystère qui est conçu comme le mystère même du bien final : « Etre impuissant, c’est une force.
Voici les textes : « L’homme pense sa parole avant de parler sa pensée. » — Variante : « L’être intelligent conçoit sa parole avant de produire sa pensée. » — « La parole extérieure n’est que la répétition et, pour ainsi dire, l’écho de la parole intérieure. » « Parler une langue étrangère est traduire, puisque c’est parler avec certains mots ce qu’on pense sous d’autres mots, qui cependant sont les uns et les autres une seule expression d’une même idée. […] Un son intérieur ou extérieur est nécessaire pour concevoir des idées, comme une image ou une sensation de la vue est nécessaire pour connaître ou pour concevoir des corps ; mais l’imagination n’est qu’une forme inférieure de la pensée ; la pensée proprement dite est l’idée ; à toute idée correspond un son ; un son qui exprime une idée s’appelle une parole ou un mot ; il y en a d’autres qui sont de vains bruits, car tous les sons ne sont pas accompagnés d’idées ; mais toute idée consciente est nécessairement accompagnée d’un son. […] Il admet pourtant, non pas dans la Législation primitive mais dans les Recherches philosophiques, que l’idée qui attend et demande son expression « ne se montre pas encore pleinement à l’esprit », mais se montre déjà ; il admet que parfois « on se souvient vaguement, faute d’un mot » que les esprits distraits et lents conçoivent souvent leurs pensées imparfaitement durant un certain temps avant d’en trouver l’expression, qu’un écolier intelligent « devine à peu près le sens d’un passage » avant de le bien comprendre. […] L’idée précède le mot, comme la conception précède la naissance46, c’est-à-dire comme l’être vivant conçu et caché précède l’être vivant né au jour et visible ; elle ne voit la lumière, elle ne paraît, qu’avec le mot et par lui. […] De Bonald paraît avoir conçu son système philosophique entre 1796 et 1802, date de la publication de la Législation primitive.
Écoutez, par exemple, ce sonnet (d’Arvers), et dites-moi s’il n’est pas dommage que ces choses-là se perdent et disparaissent comme des articles de journaux : Ma vie a son secret, mon âme a son mystère : Un amour éternel en un moment conçu ; Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire, Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.
Le succès de cette Compilation impie, mal conçue, indigeste, n'a pas été heureux.
S’il est aisé de concevoir pour une nation libre un gouvernement meilleur, il est encore plus aisé d’en concevoir un pire.
Le propre ici de la préciosité consiste à ne concevoir d’autre supériorité dans l’usage des mots que de détourner ou de compliquer l’expression : ce qui suppose la subtilité de l’esprit et chez celui qui parle et chez celui qui écoute. […] La première séance fut celle du 13 mars 1634 : le Parlement, inquiet et jaloux de la constitution d’un nouveau corps, dont il ne concevait pas nettement les attributions, refusa pendant longtemps d’enregistrer les lettres patentes qui établissaient l’académie ; il ne céda qu’au bout de trois ans, le 10 juillet 1637.
Cette manière de concevoir la religion, qui a été celle des esprits les plus éclairés et les plus élevés, Lessing, Schleiermacher, Benjamin Constant, Mme de Staël, ne laisse pas que de soulever des difficultés considérables, lorsqu’au lieu de l’appliquer au passé on l’applique à l’avenir, et qu’on cherche à se faire une idée de la destinée religieuse de l’humanité. […] La même transformation pourrait se faire évidemment et plus facilement encore dans le judaïsme, et par là pourrait se concevoir dans l’avenir la réunion de la synagogue et du temps chrétien.
Il faut être juste : la philosophie, qui se moque des hypocrites religieux et qui a les siens, les révolutions, qui ont détruit les grandes fortunes et rendu la vie si exiguë, ne devaient-elles pas arriver à ce résultat de nous pousser l’imagination, de toute la force de l’ennui enragé qu’elles ont créé pour les peuples modernes, vers le temps passé des grandes existences et des plaisirs largement conçus et splendidement réalisés ? […] Alors on sent profondément ce que sont les Mémoires, même les plus passionnés, même les plus suspects, pour la complète intelligence de la réalité historique, et on conçoit nettement tout ce qui manquerait si on ne les avait pas.
En ces quatre volumes, en effet, qu’on nous donne aujourd’hui, sous prétexte d’accroissements pour l’histoire, l’histoire dont les éditeurs se réclament, n’est jamais conçue que comme pourraient la concevoir ou un tapissier, ou un huissier, ou un maître à danser, ou un valet de chambre.
Grâce à Fréron et à Grimm, l’un dans son Année littéraire, l’autre dans sa Correspondance, le journalisme était né en littérature ; mais pour qu’il devînt le journalisme politique, le journalisme tel que le conçoit et l’a réalisé l’esprit moderne, il fallait que la Révolution éclatât. […] Il est peut-être, dans sa simplicité forte, plus moralement qu’intellectuellement beau, mais il est beau encore, et je conçois que M.
Si l’amour qu’elles inspirent est la gloire de la vie pour les femmes, on ne conçoit pas très bien le scrupule de convenance qui, pendant trente ans, a empêché la publication de ces lettres… Au point de vue de leur contenu et de la morale vulgaire, la seule que généralement on invoque, elles sont sans aucun inconvénient pour la mémoire de Madame Récamier, qui reste en ces lettres ce qu’elle fut toute sa vie, c’est-à-dire la plus pure et la plus vertueuse des mondaines de son siècle. […] « Je suis bien malheureux si ma manière de vous interpréter ou de vous parler vous blesse… Je ne le conçois pas.
Il n’y a pas longtemps, nous avons eu une vie d’André Chénier par un monsieur de Chénier, heureux de l’être (je le conçois !) […] Je conçois que vous, vous son frère, vous ne l’ayez pas donné… Mais pourquoi une biographie ?
Par respect pour les égarements d’un talent immense, je me tus sur ces incroyables Odelettes, quoiqu’elles m’inquiétassent pour l’avenir du poète ; car si je conçois jusqu’à un certain point qu’Hercule, imbécillisé par l’amour, file aux genoux d’Omphale, je ne le conçois plus si, en filant, il ne casse pas tous ses fuseaux.