Debout sur l’estrade improvisée, comme en une fête de village, le barde Léon Durocher, entre deux sonneurs de biniou, donnait le signal des chansons de Bretagne, et tandis qu’on chantait là quelque refrain d’Armorique, l’Angelus de la mer, ou le Gilet breton, de Durocher, la Ronde des Châtaigniers, de Théodore Botrel, ou la Boîte de Chine, de Yann Nibor, il me semblait, regardant les spectateurs attablés autour du cabaret en plein air, que j’assistais vraiment à quelque Pardon de Bretagne.
Aristocrate d’origine et d’inclination, mais indépendante de nature, loyale et cavalière à la façon de Montrose et de Sombreuil, elle se retourna vers le passé, l’adora, le chanta avec amour, et s’efforça dans son illusion de le retrouver et de le transporter au sein du présent ; le moyen âge fut sa passion, elle en pénétra les beautés, elle en idéalisa les grandeurs ; elle eut le tort de croire qu’il se pouvait reproduire en partie par ses beaux endroits, et en cela elle fut abusée par les fictions de droit divin et d’aristocratie prétendue essentielle qui recouvraient d’un faux lustre le fond démocratique de la société moderne. […] Redescendu avec regret des hauteurs du moyen âge, il s’était trop habitué à considérer la terrasse commode de la Restauration comme une sorte de terrasse royale de Saint-Germain, comme un paisible et riant plateau où l’on pouvait rêver et chanter sous des ombrages, se promener ou s’asseoir à loisir sans essuyer la chaleur du jour et la poussière ; et il se contentait de voir, de temps à autre, le peuple et le gros de la société se presser confusément au bas, dans la grande route commune, où, à part le nom bien cher de Béranger, ne retentissait aucun nom de vrai poète.
D’un autre côté, il y a certainement, dans ces Révoltés contre la mort, bien des sceptiques qui doutent de leur doute, mais qui ne doutent pas de leur effroi : depuis Pascal, qui, pour ne pas douter, s’abêtit dans son pot d’eau bénite, croyant y noyer l’Enfer et trouver au fond le Paradis, jusqu’à ce de Vigny, précisément, qui a chanté le silence du loup, de Vigny, l’irréprochable Stoïque de peau et de posture, mort inconsolable de n’avoir ni foi ni espérance. […] Georges Caumont n’est pas un poète comme Joseph Delorme, qui avait pour muse, disait-il, la même maladie : Elle chante parfois.
Hier, il chantait des barcarolles sur le Lido ; ce matin, il rythmait des pagaies rouges sur le fleuve jaune d’un Japon vert, et, pourtant, cette nuit, il errait dans Athènes, autour du palais de Thésée.
Quand on a fait le Voyage aérien, le Message et l’Improvisateur de Sorrente, on est digne de les chanter.
L’importance de son rôle à cette époque nous est attestée par d’illustres témoignages : Victor Hugo lui a dédié une ode ; Sainte-Beuve a chanté à lui et pour lui ; et tout le monde connaît les vers que lui a adressés Alfred de Musset dans les Contes d’Espagne et d’Italie.
Il a été un des protégés de M. de Voltaire, & peut-être un des plus reconnoissans ; car il n’a cessé de chanter ses louanges & ses bienfaits, dans plusieurs Odes assez froides, & dans la Préface d’une édition qu’il a donnée de la Henriade, où son Génie tutélaire est célébré avec enthousiasme.
Pour sentir le mérite de la première, il ne faut que des oreilles et du bon sens ; mais la comédie chantée paraît être faite pour l’élite des gens d’esprit et de goût. […] Le duo, ou le duetto, est donc un air dialogué, chanté par deux personnes animées de la même passion ou de passions opposées. […] Il serait également faux de faire alternativement parler et chanter les personnages du drame lyrique. […] Si vous laissez prendre une fois à vos personnages le ton de la déclamation ordinaire, vous en faites des gens comme nous ; et je ne vois plus de raison pour les faire chanter, sans blesser le bon sens. […] Il est reçu de chanter les plaintes, la joie et la fureur ; mais la musique, faite pour toucher, ne raisonne pas.
Mallat Victor d’Auriac chante les blondes matinées ensoleillées, les taillis criblés de traits d’or et les nids énamourés.
. — Chanson à Lison, Chantez les gas !
Duvauchel, un de ceux qui, à l’exemple d’Albert Mérat, ont le mieux chanté la grâce spéciale et printanière de nos environs parisiens.
Il a chanté Versailles et les Trianons en sonnets admirables.
Champfleury d’avoir été proprement les peintres des paysans et des pauvres gens : « Les Le Nain, dit-il, chantent la vie de famille. (Ce mot de chanter n’est-il pas un peu trop lyrique ?) […] Il y en a de bien des sortes en tout pays, de gaies, de gaillardes, de grivoises, de crues et de grossières (le peuple n’est pas toujours délicat), de légères aussi, de mélancoliques et de tendres : celle-ci par exemple, qui se chante dans le Bourbonnais, mais qui, par sa douceur et le nom de la rivière qui y est nommée, sent aussi bien son Berry ou sa Touraine ; j’y laisse les liaisons contraires à l’orthographe que la prononciation villageoise y a semées : que n’y puis-je noter la tendresse du chant, qui y infuse une ravissante et mélancolique langueur !
Il voudrait avant tout que le poëte eût débuté autrement ; car les Anciens commencent d’ordinaire par définir leur sujet, par dire : Je chante tel homme ou telle chose. […] remy, à retrouver, dans un sujet où le poëte a entrepris de faire chanter Homère, quelques-unes des beautés empruntées aux poèmes de son héros ? […] La prose plus souvent vient subir d’autres lois, Et se transforme, et suit mes poétiques doigts : De rimes couronnée, et légère et dansante, En nombres mesurés elle s’agite et chante.
Le même sol chanté avec la même force par une clarinette, une flûte, un violon, un cor, un basson, s’empreint, selon les divers instruments, d’un caractère spécial ; il est plus perçant dans le violon, plus éclatant dans le cor, plus doux dans la flûte, plus mordant dans la clarinette, plus étouffé dans le basson. […] En outre, les mathématiques montrent que, dans les deux séries d’ondes produites par deux sons chantés à l’unisson, les condensations s’ajoutent et deviennent deux fois plus fortes ; ce qui explique pourquoi, dans les sensations de son ainsi produites, les intensités s’ajoutent et deviennent deux fois plus grandes. […] Une même note chantée par divers instruments de timbre différent n’est pas un son simple, mais un composé de sons, dont le principal, le même pour tous les instruments, est la note fondamentale, et dont les autres, variables selon les divers instruments, sont des notes supplémentaires plus faibles, nommées harmoniques supérieures, constituées par des vibrations deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix fois plus rapides que celles de la note fondamentale.
A Noël, on chante avant l’Introït : Quem quaeritis inpraesepe, pastores dicite ? […] Un monologue, un dialogue même n’est pas un « drame » : mais un conteur ou un chanteur qui revêt le caractère et l’habit du personnage dont il conte ou chante quoi que ce soit, devient un « acteur », et emprunte au théâtre un des éléments essentiels de sa définition, celui même par lequel il sort du domaine de la littérature, le « spectacle » (ὂῳιϛ, disait Aristote). […] On voit Marion, Robin, leurs amis et amies manger du fromage, des pommes ou du lard, jouer aux petits jeux, pas toujours innocents, chanter de joyeuses et vertes chansons, goguenarder, cabrioler, danser, jusqu’à ce qu’une sorte de farandole les enlève de la scène.
C’est un caprice auquel je ne comprends rien, dit-il, mais il m’est de toute impossibilité de la chanter jusqu’à la fin sans être arrêté par mes larmes. J’ai cent fois projeté d’écrire à Paris pour faire chercher le reste des paroles, si tant est que quelqu’un les connaisse, encore : mais je suis presque sûr que le plaisir que je prends à me rappeler cet air s’évanouirait en partie, si j’avais la preuve que d’autres que ma pauvre tante Suzon l’ont chanté. […] — Nous venons là de reconnaître la première forme des pensées et presque des phrases de René, de ces paroles devenues déjà une musique et qui chantent encore à nos oreilles : Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal.
Mlle Clairon était alors à Ferney ; on lui ménagea une surprise pour sa fête, de galants couplets que vinrent lui chanter un petit berger et sa bergère. […] Une jeune fille, vêtue de même, soutenait avec moi une grande corbeille pleine de fleurs. » Le petit Florian chanta ensuite avec sa bergère une chanson en dialogue, composée par Voltaire en l’honneur de Mlle Clairon : Je suis à peine à mon printemps, Et j’ai déjà des sentiments… Mais ne voilà-t-il pas, dès l’entrée, toute une vie qui se dessine ? […] Il l’aborda de préférence par le genre des pastorales et des nouvelles, et lui emprunta Galatée (1783), qu’il traita avec liberté d’ailleurs, et qu’il accommoda selon le goût du temps, en y donnant une teinte plus récente de Gessner : « J’ai tâché, écrivait-il à ce dernier, d’habiller la Galatée de Michel Cervantes comme vous habillez vos Chloés : je lui ai fait chanter les chansons que vous m’avez apprises, et j’ai orné son chapeau de fleurs volées à vos bergères. » Ce roman pastoral, mêlé de tendres romances, réussit beaucoup : toutes les jeunes femmes, tous les amoureux en raffolèrent ; les sévères critiques eux-mêmes furent fléchis : « C’est un jeune homme d’un esprit heureux et naturel, écrivait La Harpe parlant de l’auteur de Galatée, et qui aura toujours des succès s’il ne sort pas du genre où son talent l’appelle. » Il est vrai que, peu de temps auparavant, le chevalier de Florian avait adressé au même M. de La Harpe des vers d’enthousiasme, au sortir de la représentation de Philoctète : Je ne sais pas le grec mais mon âme est sensible ; Et, pour juger tes vers, il suffit de mon cœur !
C’est à peu près comme si l’on disait : Il n’y a plus de roses, le printemps a rendu l’âme, le soleil a perdu l’habitude de se lever, parcourez tous les prés de la terre, vous n’y trouverez pas un papillon, il n’y a plus de clair de lune et le rossignol ne chante plus, le lion ne rugit plus, l’aigle ne plane plus, les Alpes et les Pyrénées s’en sont allées, il n’y a plus de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes, personne ne songe plus aux tombes, la mère n’aime plus son enfant, le ciel est éteint, le cœur humain est mort. […] La poésie écrite et chantée commence son œuvre, déduction magnifique et efficace de la poésie vue. […] On enseignait hier, on enseigne aujourd’hui, on enseignera demain, on enseignera toujours le : Chante, déesse, la colère d’Achille.
Théophile Gautier La nature des tropiques souvent décrite, rarement chantée, revit dans ces paysages, presque tous empruntés à l’Île Bourbon, l’Île natale du poète, l’une des plus belles des mers de l’Inde.
Il est fait pour des rêveries qu’on chantera et les évocations de petites gentillesses ».
Emmanuel Signoret Paul Claudel a écrit Tête d’or et a chanté d’héroïques jardins sous la nuit tombante : — À l’heure où les faneurs relèvent leurs râteaux.
Avec quelle joie émue, il les a chantés sous la triple incarnation familière, légendaire, satanique, — car, parfois, il en prend un au coin du foyer pour le conduire à la messe noire — s’attendrissant sur les vieux chats abandonnés à qui manque le mou mis en pâtée par les bonnes vieilles, donnant des conseils aux plus jeunes, prenant paradoxalement parti pour eux contre leurs victimes ordinaires, le poisson rouge et le serin, les adorant en toute candeur quand ils sont dieux, composant à leur intention des cantiques, des litanies et songeant aux chats obstinément — car la féminité ne perd jamais ses droits — pour un rire félin de brune ou un bâillement rose de blonde.
J’ai beaucoup aimé les poèmes d’André Magre, je les ai souvent relus et, dans ma mémoire, le livre fermé, chantent encore ces strophes d’une si délicieuse mélancolie : Tu viens, je te connais, ne me dis pas ton nom ; L’ombre est chaude, il fait bon rêver de mois de femme.
Le poète y chante le labeur sacré des hommes, plus soucieux, semble-t-il, d’en exalter l’éternité que d’en constater, selon un récent procédé, l’apparence et d’en énumérer les détails.
Le Peuple Protestant a pu chanter quelque temps ces Cantiques bizarrement travestis ; mais le bon sens a toujours rejeté des Productions, où le naïf s’efforce en vain d’atteindre au sublime, qui n’a rien de commun avec lui.
Le fleuve cherche son niveau, l’oiseau cherche sa région. » « — Quelle carrière pour Lamartine depuis le jour où il chantait dans l’Isolement : Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil tristement je m’assieds ! […] « Pour le bien comprendre et pour deviner dans le poëte tout l’homme qui en est sorti, il faut lire le passage de Novissima verba : Aux faux biens d’ici-bas nous dévouons nos cœurs,… et les Préludes : Non, non, brise à jamais cette corde amollie… Ce qu’il disait là et ce qu’il chantait encore, il l’a fait depuis. » « — J’ai fait autrefois ce vers que je crois très-juste : Lamartine ignorant, qui ne sait que son âme.
Barrès, c’est quelquefois Sosie qui chante. […] Qu’il veuille chanter « le culte du moi » ou « l’énergie nationale », il jette toujours, en des romans mal faits et exsangues, quelques pages d’autobiographie ou d’histoire où ne frémit plus, passionnante, la vie multiforme.