Il se tentait dans l’art, dans la poésie, dans les diverses branches de la pensée, quelque chose de nouveau à quoi le public n’était pas encore accoutumé ; il a fallu bien des efforts pour qu’il y fût définitivement conquis.
Dites que l’art de nos jours est sans but, sans foi en lui-même, sans suite et sans longue haleine en ses entreprises : et l’on vous objectera, parmi nos poëtes, le plus célèbre et le plus opiniâtre exemple, toute une vie donnée à la restauration de l’art.
Notre nation, ce me semble, est moins sensible que sensuelle et moins sensuelle qu’intellectuelle : plus capable d’enthousiasme que de passion, peu rêveuse, peu poétique, médiocrement artiste, et, selon le degré d’abstraction et de précision que comportent les arts, plus douée pour l’architecture que pour la musique, curieuse surtout de notions intelligibles, logicienne, constructive et généralisatrice, peu métaphysicienne ni mystique, mais positive et réaliste jusque dans les plus vifs élans de la foi et dans les plus aventureuses courses de la pensée.
[Études de littérature et d’art (1895).]
J « Fleurs de luxe, de charme et de beauté, que l’on cultive encore aujourd’hui et qui seront bientôt les seuls vestiges du Japon splendide d’autrefois, … artificielles princesses choisies parmi les beautés les plus rares, élevées dans tous les raffinements du goût aristocratique, instruites des rites et de l’étiquette, savantes, virtuoses en tous les arts, jeunes, passionnées, enivrantes et… accessibles », ces Princesses d’amour, dans la cité d’amour, content et vivent des histoires d’amour évoquant les précieux décamérons et les merveilleuses « Mille et Une nuits ».
Ses amis pouvaient à leur aise réaliser avec l’art secondaire de la peinture ; lui se contentait de presser doucement son cœur pour en faire jaillir de tendres souvenirs.
Un ton noble & mesuré dans l’exorde, des gradations bien amenées dans le cours du discours, une chaleur qui naît de la force des raisons, des réflexions vives & pénétrantes, un pathétique qui acheve, dans la péroraison, de subjuguer le cœur, après avoir captivé l’esprit, sont des ressorts qu’il manie toujours avec un succès, fruit du génie, de l’art de le modérer & de lui donner l’essor à propos.
Avec un Livre à la main, vous êtes transporté dans des siéges & dans des batailles ; c’est l’Orateur qui vous charme, & vous n’êtes occupé que du Héros ; c’est Fléchier qui parle, & vous ne voyez que le grand Turenne ; l’Art cache l’Orateur, & ne montre que le grand Capitaine ou le grand Magistrat ».
Prêtresses de ce Sanctuaire, La Paix, la Piété sincére, La Foi, Souveraine des Rois, Du Très-Haut Filles immortelles, Rassemblent en foule autour d’elles Les Arts animés par leurs voix.
Quelle comparaison entre un Ouvrage marqué au coin du génie, conduit avec un art qui enchante, enrichi de tableaux & de sentimens qui attachent & pénetrent l’ame, embelli par des peintures qui ravissent l’imagination & la captivent !
Racine le fils, sur les Tragédies de son pere ; sa Traduction des Dialogues de Lucien, celle des Tragédies d’Eschyle sur-tout, sont autant de travaux qui déposeront en faveur de son génie, de son savoir, de ses lumieres, de son zele pour le progrès des Arts, contre les esprits jaloux qui l’ont attaqué sans le valoir ; contre les esprits superficiels qui l’ont jugé sans le connoître ; contre les Philosophes qui l’ont décrié sans pouvoir lui nuire ; ils prouveront encore, avec ses autres Ouvrages, l’énorme différence qu’il y a entre l’Honnête homme qui sait faire un noble usage de ses talens, & l’Ecrivain dangereux qui en abuse pour dépriser ceux de ses Rivaux.
Le résultat de l’art ainsi compris, c’est l’adoucissement des esprits et des mœurs, c’est la civilisation même.
Voyez avec quel art Racine et Voltaire les ont introduits !
Mais quand on veut transporter à l’histoire cet art des détails, les rapports changent ; les petites nuances se perdent dans de grands tableaux, comme de légères rides sur la face de l’Océan.
L’esclave un peu basanée avec son nez large et un peu aplati, ses grandes lèvres vermeilles, sa bouche entrouverte, ses grands yeux noirs, est une coquine qui a bien la physionomie de son métier et l’art de faire valoir sa denrée.
Un homme né avec du genie voit la nature, que son art imite avec d’autres yeux que les personnes qui n’ont pas de genie.
Chacun opine donc en supposant, comme une chose décidée, que la partie de la peinture qui lui plaît davantage est la partie de l’art qui doit avoir le pas sur les autres, et c’est en suivant le même principe, que les hommes se trouvent d’un avis opposé.
Ils disent encore qu’Eschyle fut le premier poète tragique, et Pausanias raconte qu’il reçut de Bacchus l’ordre d’écrire des tragédies ; d’un autre côté, Horace qui dans son art poétique commence à traiter de la tragédie en parlant de la satire89, en attribue l’invention à Thespis, qui au temps des vendanges fit jouer la première satire sur des tombereaux.
. — Il en est de même de l’Inde, vouée en général aux arts de la paix. — La Perse et la Turquie ont mêlé à la mollesse de l’Asie les croyances grossières de leur religion.
Son plus grand désir était que je pusse devenir un jour un excellent joueur de flûte ; et mon plus grand chagrin était de lui entendre dire que, si je le voulais, je serais dans cet art le premier homme du monde. […] Mon père fut appelé auprès de lui, mais il refusa de s’y rendre ; et, pour l’en punir, le gonfalonier Salviati lui ôta sa place de flûteur au palais. » IV Le père de Benvenuto, le destinant au métier d’orfèvre, qui tenait à l’art de la sculpture par la ciselure, le plaça bientôt après chez un charbonnier, père du fameux statuaire Bandinello. […] Il finit cependant par le fléchir, et put obtenir de son père qu’on le laisserait aller dessiner chez un fameux bijoutier, Henri Pierino. — Et moi aussi, lui dit son vieux père en le conduisant chez Pierino ; « Moi aussi, me répondit mon père, j’ai été un bon dessinateur ; mais pour l’amour de moi, qui suis ton père, qui t’ai mis au monde, qui t’ai nourri, élevé dans les arts et dans tous les principes de la vertu, ne voudras-tu pas, mon cher fils, prendre quelquefois ton cor et ta flûte, pour me récompenser de toutes mes peines, et charmer les derniers instants de ma vie ? […] Jacomo : il est orfèvre, et il travaille admirablement dans son art ; ce qui lui vaut mieux que d’être musicien. […] Instruit et exercé dans l’art, encore récent, de l’artillerie, Benvenuto s’enferme dans le château Saint-Ange, citadelle des papes attenante au Vatican.
est souvent l’art de faire illusion sur les faiblesses de la pensée. […] La passion politique, qu’on n’éteint pas en soi, mais qu’on y doit garder en la surveillant dans l’intérêt de son talent même, la passion politique l’éclaire maintenant plus qu’elle ne l’enflamme, et il peint ce qu’il hait et ce qu’il méprise — ce qu’il est en droit de haïr et de mépriser — avec ce grand air de désintéressement qui est l’art consommé de l’historien et que les sots prennent pour de l’impartialité impossible. […] Mais elle le dira plus durement que lui, car Cassagnac (est-ce délicatesse d’art ou de sentiment ?) […] XI Du reste, ni les citations que nous venons de faire, ni celles qu’avec plus d’espace devant nous nous aurions pu multiplier, ne donneraient l’idée accomplie et de l’art et du faire de Cassagnac comme portraitiste dans l’histoire. […] Puisqu’il est grand, cet art est varié comme ses modèles, tout en restant individuel comme l’artiste qui lui fait exprimer sa pensée.
C’est dans cet état de choses en France, quand, la renommée et l’influence de Shakespeare grandissant par toute l’Europe, les livres de critique s’accumulaient sur son génie, ses procédés, son art, sa science encyclopédique et infuse, sa philosophie et jusque sur sa médecine (la médecine de Shakespeare !) […] Idée commune, d’ailleurs, à tous les esprits sans véritable profondeur, qui croient que la sensibilité dans les arts ou dans l’expression littéraire des sentiments est la même que la sensibilité dans la vie, et qui fait, par exemple, s’éprendre de tant de poètes secs, tant de pauvres filles par trop tendres ! […] Inconscient de sa force et de son art, lui, Shakespeare ? […] Inconscient de son art, grand Dieu ! […] Mais, qu’on me permette de le dire, j’oserais croire qu’il y a dans Lear un arrangement d’art plus profond des articulations plus formidables, et que jamais Shakespeare n’a campé debout de création plus forte et qu’il ait fait marcher de ce pas-là devant nos esprits confondus !
X Après ce livre, il écrivit, autant par délassement que par patriotisme, les sept livres de l’Art de la guerre, ouvrage dirigé contre les condottieri, ces troupes sans patrie de l’Italie ; il y invente la conscription militaire, cette institution des nationalités qui veulent rester nations ou rester libres. […] Machiavel, dans ce livre, écrivit de la politique pour la politique ; il fit ce qu’on appelle aujourd’hui de l’art pour l’art ; il fut maître d’escrime, il ne fut pas un assassin. […] L’habile diplomatie de Florence se tenait en équilibre entre ces puissants voisins ; la mer avait créé Gênes, Venise et Pise ; le commerce, l’industrie, les lettres, les arts, maintenaient Florence au premier rang des capitales de l’Italie, mais Florence aussi était étrusque et non romaine.
Alexandre de Humboldt ; Un Allemand, un Prussien, un homme d’une prodigieuse instruction, un voyageur en Amérique et en Europe, un écrivain, non pas de premier ordre, car sans âme il n’y a pas d’écrivain, mais un homme d’un talent froid et suffisant à se faire lire ; un homme, de plus, qui, par son industrieuse habileté dans le monde, par ses amitiés intéressées avec tous les savants étrangers, et par l’art de les flatter tous, est parvenu à les coïntéresser à sa gloire par la leur, et à se faire ainsi une immense réputation sur parole : réputation scientifique, spéciale, occulte, mathématique, sur des sujets inconnus du vulgaire ; réputation que tout le monde aime mieux croire qu’examiner ; gloire en chiffres, qui se compose d’une innombrable quantité de mesures géométriques, barométriques, thermométriques, astronomiques, de hauteurs, de niveau, d’équations, de faits, qui font la charpente de la science, et dont on se débarrasse comme de cintres importuns quand on a construit ses ponts sur le vide d’une étoile à l’autre ; espèce de voyageur gratuit, non pour le commerce, mais pour la science, au profit des savants pauvres et sédentaires à qui il ne demandait pour tout salaire que de le citer. […] Nous ne l’explorerons pas, comme le fait la philosophie de l’art, pour distinguer ce qui dans nos émotions appartient à l’action des objets extérieurs sur les sens, et ce qui émane des facultés de l’âme ou tient aux dispositions natives des peuples divers. […] Pour embrasser l’ensemble de la nature, il ne faut pas s’en tenir aux phénomènes du dehors ; il faut faire entrevoir du moins quelques-unes de ces analogies mystérieuses et de ces harmonies morales qui rattachent l’homme au monde extérieur ; montrer comment la nature, en se reflétant dans l’homme, a été tantôt enveloppée d’un voile symbolique qui laissait entrevoir de gracieuses images, tantôt a fait éclore en lui le noble germe des arts. […] Il y a autant de charme pittoresque dans la peinture de chaque phénomène que d’art dans la composition didactique de l’ensemble.
En effet, l’art comique est là : et la réalité ne peut prendre forme d’art, selon la loi de la comédie, qu’en devenant capable d’exciter le rire. […] Mais elle est aussitôt réprimée par le poète, et il vaudrait la peine d’étudier avec quel art, quelle finesse de composition il fait toujours dominer l’impression comique, chargeant Sganarelle d’atténuer don Elvire, don Luis et don Juan, Dubois d’effacer le trouble pathétique du IVe acte du Misanthrope, Dorine de jeter sa belle humeur à travers les scènes pitoyables de Tartufe, Argan enfin de contrepeser l’odieux de Béline et le charme attendrissant d’Angélique. […] Comme il n’avait pas apporté une théorie nouvelle, ni une forme nouvelle de son art, et que les qualités personnelles de son génie faisaient la valeur de son œuvre, il n’exerça pas l’influence qu’on aurait pu croire.
Elle reste telle au moyen âge : en dehors d’elle, il n’y a que les mathématiques et ce qui s’y rattache ; et des arts, comme la médecine et l’alchimie. […] Sans doute cette science tiendra toujours beaucoup de la nature de l’art ; mais ne sera-t-elle point d’une exactitude suffisante pour en légitimer l’emploi ? […] On accordera que cette hypothèse n’est nullement chimérique, si l’on veut bien remarquer que les esprits pénétrants opèrent cette reconstitution par instinct, par une intuition rapide et sûre, quoiqu’elle n’ait rien de scientifique ; qu’il existe un art particulier qu’on appelle la connaissance des hommes. La question est de savoir si cet art ne peut pas devenir une science ; c’est-à-dire si au lieu d’être livré à l’arbitraire, il ne peut pas être formulé en lois applicables à un très grand nombre de cas et vérifiées le plus souvent.
Et de la nourriture, la conversation va aux vins, et Tourguéneff avec ce joli art du récit à petites touches de peintre qu’il possède, comme pas un de nous, fait le récit de la lampée d’un extraordinaire vin du Rhin, dans une certaine auberge d’Allemagne. […] si j’étais plus jeune, le beau roman à recommencer sur le monde de l’art, et à faire tout dissemblable de Manette Salomon, avec un peintre de l’avenue de Villiers, un peintre-bohème, vivant dans le grand monde et la high life, comme Forain, un raisonneur d’art, à la façon de Degas, et toutes les variétés de l’artiste impressionniste. […] C’est là, je crois, un symptôme de la mort de la littérature et de l’art, chez les hommes du vingtième siècle.
Diderot, j’ose croire que personne ne sera assez hardi pour s’y opposer. » L’idée du Dictionnaire de l’Académie auquel Diderot, auteur de toute la partie des arts et métiers dans le Dictionnaire encyclopédique, pourrait coopérer très utilement, s’offre à l’esprit de Voltaire comme prétexte et moyen efficace : Ne pourriez-vous représenter ou faire représenter combien un tel homme vous devient nécessaire pour la perfection d’un ouvrage nécessaire ? […] La relation de Duclos est d’un genre particulier et a mérité l’estime des voyageurs : n’y cherchez pas ce qui est dans de Brosses, le sentiment des arts, la grâce et la fertilité du goût, tout ce qui est des muses ; mais sur les hommes, sur les mœurs, sur les gouvernements, Duclos a de bonnes observations et s’y montre à chaque pas sensé, modéré, éclairé.