/ 1878
430. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Ces aplaudissemens ne vaudroient-ils pas bien ceux que l’on reçoit devant quelques personnes choisies & disposées à admirer d’avance la couleur & le ton de l’école. […] On admire presque involontairement, & l’on se sent pénétré comme d’une chose vraiment nouvelle. […] Son cœur n’attend pas l’examen pour bondir de joie, la regle pour pleurer d’attendrissement, le goût pour admirer. […] S’ils ont été admirés par une nation ingénieuse & sensible, pourquoi ôser y porter témérairement la faulx ? […] On s’accommode mieux du commerce de ceux que l’on aime, que de la société de ceux qu’on admire.

431. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

432. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cros, Charles (1842-1888) »

Mais, pour le juger, pour l’admirer dans toute sa puissance de bon et très bon poète, es menester, comme dit l’Espagnol, de se procurer l’unique recueil de vers de Charles Cros, le Coffret de santal, et de se l’assimiler d’un bout à l’autre, besogne charmante mais bien courte, car le volume est matériellement mince et l’auteur n’y a mis que ce que, bien trop modeste, il a cru être tout le dessus de son magique panier.

433. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

Après avoir admiré le romancier, on va pouvoir juger du poète.

434. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Son indolence l’empêchait de produire lui-même des œuvres achevées, mais il était capable de tout ce qu’il admirait.

435. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 157-161

Dans ses Controverses contre le Ministre Claude, on admire une dialectique profonde, une méthode lumineuse, un enchaînement de preuves, une variété d’images, une force d’expression, qui captivent l’esprit & l’attachent agréablement.

436. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Il faut donc admirer la beauté aux grandes lignes calmes et nobles, ainsi que de symbole de la grandeur morale ; mais non la gentillesse fardée.

437. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300

Il y a à gauche un escalier où les enfans jouent ; ces enfans et le perron sont à plusieurs toises d’enfoncement, ce qui se fait admirer.

438. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

C’est que les caractères poétiques dont Horace admire dans ses ouvrages l’incomparable vérité, se rapportèrent à ces genres créés par l’imagination (generi fantastici), dont nous avons parlé dans la métaphysique poétique.

439. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Il faut admirer M.  […] On m’admirait : je trouvais juste Qu’on m’obéît les yeux fermés. […] Votre aïeule Catherine nous admira et nous aima. […] Profondément admirée des ouvriers et des petits bourgeois, elle représentait, au café-concert, la littérature morale et élevée. […] Je vois avec plaisir que vous admirez M. le maréchal de Mac-Mahon (page 5).

440. (1913) Poètes et critiques

Ce n’est pas une raison, parce que l’on admire Villon, et qu’il a écrit Les Repues franches, pour s’imposer un travail également bizarre, et pour infliger aux lecteurs l’étude d’une trentaine de rébus. […] Il a assisté au bal d’étudiants d’Upsal, et il nous a représenté ce qu’il y admira : la jeunesse de la Suède, dans les costumes anciens, dansant les vieilles danses. […] N’est-ce pas limiter trop jalousement le domaine de la poésie que de n’admirer pas résolument, dans son impeccable expression, le légitime orgueil de l’Art pour l’Art ? […] Le catholicisme libéral, qu’il professait à vingt ans, qu’il admirait encore récemment chez Melchior de Vogüé, reste sa foi. […] Mais, au rebours des autres hommes, il n’a pas admiré, il n’a pas adoré ces fantômes évanouis ; il les a tous pris en pitié, ou même en aversion.

441. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Tels Pascal, La Rochefoucauld, Retz, Molière, La Fontaine, madame de Sévigné, Saint-Simon, Voltaire, — et ceux de notre temps, que vous nommez tous et que nous étudierons à leur tour : car, si nous admirons vivement les trois grands siècles précédents, nous avons de bonnes raisons aussi d’admirer le nôtre, qui n’est certes pas moins grand. […] Et nous, lorsque nous admirons ces héros et ces héroïnes, la sympathie qui nous émeut ne rend-elle pas, du moins pour un moment, nos âmes semblables aux leurs ? […] Par eux je me maintiens et m’affranchis d’outrage ; En plaignant leur erreur, j’admire leur courage. […] Sylvie Il est vrai, j’admirais la hauteur de ces bois. […] Le climat différent veut une autre méthode ; Ce qu’on admire ailleurs est ici hors de mode.

442. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Il se trouve de la sorte que les poëtes, certains poëtes, et de ceux qui avaient le plus enlevé nos premières amours, peuvent sembler moins bien traités en définitive que des critiques, des historiens, des hommes que nous estimons et que nous admirons sans doute, mais dont tous pourtant ne sont pas à beaucoup près placés au même degré que les premiers dans notre évaluation des talents.

443. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Note qu’il faut lire avant le chapitre de l’amour. »

On admire la conception du rôle de Phèdre, on se croit dans la situation d’Aménaïde.

444. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Il faut admirer et encourager l’opiniâtre et très consciencieux travailleur qui a assumé la lourde tâche de mettre en français ces sept grands drames wagnériens, et qui a jusqu’à présent réussi à nous donner en somme les plus sérieux et les plus honorables essais de traduction musicale qui aient encore été chantés sur nos théâtres. […] On ne sait, après audition, de Tristan, ce qu’il faut admirer le plus en Wagner, de la conception ou de l’exécution : c’est le génie, en tout cas, dans ce qu’il peut avoir de plus audacieux et de plus puissant. […] Il n’y a que deux alternatives à l’audition de cette œuvre, de l’aveu même de ceux qui l’admirent le plus : il faut la subir ou la repousser entièrement. […] A cela on peut répondre : tout ce qui est grand est difficile et rare ; ou mieux encore, pour parler avec Berlioz : « Il serait vraiment déplorable que certaines œuvres fussent admirées par certaines gens. » Ces critiques-là ne sont plus nombreux aujourd’hui ; mais comme ils font tout ce qu’il faut pour justifier le mot si cruel de Berlioz !

445. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Mais soyez critique : entretenez-moi de poètes déjà connus, admirés, préconisés : je me laisserai prendre au titre de l’ouvrage, sinon à ceux de l’auteur. […] Je les admire quand ils parcourent en quelques semaines le vaste champ de l’intelligence, passant de l’histoire à la poésie, de la métaphysique à l’économie sociale, toujours à l’aise dans chaque sujet nouveau, toujours en apparence sur leur propre domaine. […] Serait-il donc vrai que chaque lecteur ne les admire que dans ce qu’il ignore, et que leur science universelle n’est composée que d’une multitude d’insuffisances ? […] Quelques-uns ont du talent ; mais ils manquent du plus fécond de tous, celui d’admirer à propos.

446. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Le premier devoir, en effet, la première vérité à observer en ces sortes d’études, c’est la mesure et la nuance de ton, la discrétion de détails, le sentiment toujours attentif et un peu mitigé, qui règnent dans le commerce du critique avec les contemporains qu’il honore et qu’il admire. […] Un prêtre illustre qui est plus à nos yeux qu’un écrivain, et dont le saint caractère grandit en ce moment dans l’humilité du silence  ; un philosophe méconnu , qui avait doté notre siècle de naturelles et majestueuses peintures ; puis des poëtes admirés du monde et surtout préférés de nous, comme celui que nous abordons en ce moment : ce sont là nos seuls choix jusqu’ici, et désormais nous n’en prévoyons guère d’autres. […] Enfant gâté du dessert, on lui passait ses crudités, ses goguettes de langage, mille familiarités sans conséquence, à titre de chanson ; dès qu’on l’admirait, c’était d’un visage tout d’un coup sérieux, à titre d’ode.

447. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

— Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin. […] Quand on songe que celui qui a écrit ce précis est un ministre protestant, et non pas un protestant socinien et vague, mais un biblique rigoureux, un croyant à la divinité du Christ, à la rédemption, à la grâce, on admire sa tolérance et sa compréhension si étendue, qui ne dégénère pourtant jamais en relâchement ni en abandon. […] Quant aux deux discours sur l’Étude sans terme, nous y pourrions louer longuement le moraliste, et même, dans le premier discours, admirer des traits d’imagination et de pensée colorée, plus forts, plus grands que le didactique du genre n’en permet d’ordinaire à M.

448. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Enfin, quand il fut tout à fait certain que sa vie était finie, il se démit du cardinalat : humilité que le public admira, et qui découvrit au malin Bussy le secret du personnage. […] Il nous aide à nous figurer l’état d’esprit de ce public qui admirera un peu pêle-mêle Benserade, La Fontaine, Perrault, Boileau, plus sensible aux qualités effectives des œuvres qu’aux principes spéculatifs des théoriciens, plus sensible surtout à la convenance qu’à l’art, à la vérité qu’à la poésie, et parfaitement satisfait de toute œuvre qui parle clairement à son intelligence : il ne cherche dans les livres que des idées, et ses idées ; il ne se préoccupe guère des anciens. […] On a peut être trop admiré jadis les lettres étourdissantes où elle déploie sa virtuosité : la lettre aux épithètes, la lettre des foins, etc.

449. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Néanmoins le mot essentiel est dit : ce prélat « admire » Molière et le trouve « grand ». […] Fénelon admire les anciens : mais il ne fonde pas son admiration sur des règles absolues et évidentes ; il nous donne des impressions plutôt qu’il ne formule des règles ; c’est son sens individuel qui admire les anciens.

450. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Je l’ai profondément et religieusement admiré dans mon adolescence et ma première jeunesse. […] Le relief des détails, la plasticité de l’expression est telle que j’ai assez à faire d’admirer ce perpétuel prodige. […] La vérité, c’est que nous avons tous admiré également et tour à tour ces trois merveilleux poètes, selon nos âges et selon les journées.

451. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Encore qu’elle séduise par des beautés certaines, sa vision légendaire ne me satisfait qu’à demi ; elle n’a pas assez de verdeur ni de bonne foi crédule, on la devine trop vite maîtresse de soi, raison née, volontaire, telle qu’on la voit dans les ballades de Hugo ; d’une forme très pure, elle manque de naïveté soit innée, soit acquise, et j’en admire l’expression sans qu’elle me touche en mon intimité ; je la voudrais plus proche des contes de Perrault. […] Mais la suprême Beauté ne suppose point qu’on les sépare : De tout notre instinct et de toute notre énergie nous devons aimer et poursuivre le premier, — admirer le second par tout ce que notre esprit contient de jugement et de lumineuse raison, — mais infrangiblement les unir si nous voulons que notre œuvre soit vivante et sacrée, tressaillante et surnaturelle. […] Ils ne sont pas ceux que l’on aime ou que l’on admire : ils suscitent à la fois l’élan vierge du cœur avec l’assentiment de la hautaine intelligence dont ils agenouillent le respect. — Or nous tous, voyageurs qui gravissons l’âpre montagne, si quelque fierté d’âme convie notre faiblesse à ne point nous trahir, nous ne pourrons nous arrêter à l’aube par crainte des brûlants midis torrentiels.

452. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Un pieux lettré, qui, à la fin du dix-septième siècle, commentait cette inspiration des premiers temps, disait « qu’au prix de ce cantique, Virgile lui paraissait tout de glace » ; malheureusement, il glaçait lui-même de ses analyses ce qu’admirait sa foi. […] Gardons-nous cependant de conclure que son génie nous échappe, et que Bossuet lui-même, en la célébrant, ait admiré des contresens. […] Mais comment, à si longue distance, susciter en nous l’image de cette poésie sublime, extraordinaire, transmise dans de faibles versions, demeurée pour nous plus insolite qu’admirée, et aujourd’hui délaissée de cette flamme, de cette vie croyante qui donnait tant de force à ces chants, dans leur origine inspirée, et lorsqu’ils étaient répétés par la première ferveur du culte évangélique les divinisant de nouveau ?

453. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

— Enfin on a publié depuis lors (1856) les Mémoires mêmes, si souvent cités et invoqués, et le Journal tout entier de l’abbé Ledieu, ce secrétaire de Bossuet, dont le nom et le renom valent mieux que la personne, qui n’est pas l’exactitude ni la délicatesse même, mais qui aimait, somme toute, son évêque, qui l’admirait, et qui, ayant songé de bonne heure à tirer parti de son intimité pour écrire ce qu’il voyait et ce qu’il entendait, nous a rapporté bien des choses qui se ressentent du voisinage de la source, et que rien ne saurait suppléer. […] Tout hébraïque qu’il était d’esprit et de vocation précoce pour le Temple, Bossuet ne savait pas et ne sut jamais l’hébreu ; il en devinait le génie : quelquefois même il en admirait les contresens.

454. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Si j’ignorais leurs noms, et je croyais leurs livres composés par des hommes, je les admirerais davantage. […] Mais si je suis obligé d’admirer la force et la gravité de leur pensée, quel désordre !

455. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Avec sincère et plein renoncement à toute critique, sans autre souci que d’admirer et de jouir, j’aime Verlaine en bloc, comme on doit aimer, me semble-t-il, un grand poète qu’on aime vraiment. […] Celui qui les a écrits est un maître, un père de notre art, et je l’aime comme je l’admire.

456. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Il admire également la clarté brillante d’un jour pur & serein, & les nuages orageux portés sur les aîles des tempêtes, & le calme auguste de la Nature qui se tait dans le fond des Forêts, & l’écho du Tonnerre qui du haut de son trône terrible & ténébreux, gronde avec majesté sous un Ciel déchiré par l’éclair, & le fleuve majestueux qui promenant lentement ses eaux, répete ses bords enchantés, & les vagues mugissantes qui frappent & blanchissent d’arides rochers de leur écume, & l’aspect magnifique d’un vaste & superbe Palais, & les débris antiques des colomnes renversées & rongées par la lime des tems. […] L’éloge d’un homme de génie, n’est-il pas la plus douce récompense d’un autre homme de génie dites c’est mon frere qu’on admire, qu’on loue, qu’on persécute, je dois le consoler, le défendre, puisque les méchans le punissent d’être éclairé & vertueux ; pour jouir de l’estime de mes contemporains, il me faudra un jour passer par les mêmes épreuves.

457. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

On l’admirait, on le choyait, on trouvait qu’il parlait bien et que ses raisons étaient convaincantes. […] À Césarée, il vit la célèbre grotte du Panium, où l’on plaçait la source du Jourdain, et que la croyance populaire entourait d’étranges légendes 413 ; il put admirer le temple de marbre qu’Hérode fit élever près de là en l’honneur d’Auguste 414 ; il s’arrêta probablement devant les nombreuses statues votives à Pan, aux Nymphes, à l’Écho de la grotte, que la piété entassait déjà en ce bel endroit 415.

/ 1878