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394. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Le désillusionnement systématique, le pessimisme absolu, le jargon de rouerie, de socialisme ou de religiosité, la prétention aristocratique naturelle aux jeunes démocraties et aux brusques fortunes, cette manie de régence et d’orgie à froid, la brutalité très-vite tout près des formes les plus exquises, il a exprimé tout cela avec vie souvent et avec verve dans ses personnages. […] Quoi qu’il en soit, dans la préface d’Arthur, et auparavant dans celle de Latréaumont, l’auteur semble près de s’amender ; il ne croit plus au mal absolu ni à son triomphe inévitable sur le bien ; du point de vue plus élevé d’où il juge, « les illusions du vice lui paraissent, dit-il, aussi exorbitantes à leur tour que lui paraissaient jadis celles de la vertu. » L’auteur arrive évidemment à sa maturité d’éclectisme et de scepticisme. […] Sue semblait en voie de rétracter ses précédentes assertions pessimistes trop absolues, il lui arrivait, peut-être à son insu, de ne pouvoir s’en débarrasser du premier coup et de s’en tirer par un détour.

395. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Trois tendances générales se sont tour à tour déclarées et accomplies : sous les deux premières races, tendance générale vers l’indépendance, qui finit par l’anarchie féodale ; sous la troisième, tendance générale vers l’ordre, qui finit par le pouvoir absolu ; et après le retour de l’ordre, tendance générale vers la liberté, qui finit par la révolution. » C’est de cette idée que M ignet partira bientôt pour entamer son Histoire de la Révolution ; l’Introduction qu’il mit en tête de celle-ci ne fait que développer la visée première ; même lorsqu’il aborda le sujet tout moderne, il ne le prenait pas de revers ni à court, comme on voit, il s’y poussait de tout le prolongement et comme de tout le poids de ses études antérieures. […] Cette application à bout portant était absolue de sa part, elle était inflexible. […] Si quelquefois, en d’autres écrits, il a paru faire trop étroite la part des intentions et des influences personnelles dans l’histoire, s’il les a souvent encadrées et un peu écrasées dans une formule absolue et inflexible, ici elles reprennent tout leur espace et tout leur champ ; on a la revanche au complet.

396. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Mais la seconde est encore plus absolue que la première, et, dans le couvent démocratique que Rousseau construit sur le modèle de Sparte et de Rome, l’individu n’est rien, l’État est tout. […] Ce que désormais il sera et aura ne lui sera dévolu que par la délégation du corps social, propriétaire universel et maître absolu. […] Les peuples sont à la longue ce que le gouvernement les fait être : guerriers, citoyens, hommes quand il le veut, populace, canaille quand il lui plaît », et c’est par l’éducation qu’il les façonne. « Voulez-vous prendre une idée de l’éducation publique, lisez la République de Platon447… Les bonnes institutions sociales sont celles qui savent le mieux dénaturer l’homme, lui ôter son existence absolue pour lui en donner une relative, et transporter le moi dans l’unité commune, en sorte que chaque particulier ne se croie plus un, mais partie de l’unité, et ne soit plus sensible que dans le tout.

397. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le genre humain n’est point de niveau, Dieu ne l’a point fait ainsi ; la démocratie absolue est une chimère, l’égalité est une utopie. […] La supériorité n’est point un abus, c’est une loi de Dieu, volontaire et mobile dans la démocratie, immobile et tyrannique dans la monarchie absolue. […] Côme II fut forcé de régner, et régna avec un titre plus absolu, mais sur les principes de Laurent.

398. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Il indique une voie nouvelle et féconde en découvertes, lorsqu’il établit le rapport des institutions et de la littérature, et qu’il rend compte par la monarchie absolue de l’absence d’éloquence politique en France. […] Fénelon admire les anciens : mais il ne fonde pas son admiration sur des règles absolues et évidentes ; il nous donne des impressions plutôt qu’il ne formule des règles ; c’est son sens individuel qui admire les anciens. […] Féodal, il est révolté — du moins au fond du cœur et dans le secret de ses écrits — contre l’absolue domination de Louis XIV.

399. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Enfin l’espace absolu est un non-sens, et il nous faut commencer par le rapporter à un système d’axes invariablement liés à notre corps (que nous devons toujours supposer ramené à une même attitude). […] Comme je l’ai expliqué, il ne s’agit pas de comparer les positions des objets A et B dans l’espace absolu ; la question n’aurait alors manifestement aucun sens ; il s’agit de comparer les positions de ces deux objets par rapport à des axes invariablement liés à mon corps, en supposant toujours ce corps ramené à la même attitude. […] — Mais bien entendu, répondra-t-on, il faut qu’on suppose que ces parois restent immobiles. — Oui, mais il est évident que moi, j’ai le droit de bouger ; et alors les parois que nous supposons en repos absolu seront en mouvement relatif par rapport à moi. — Oui, mais un pareil mouvement relatif ne peut pas être quelconque, quand des objets sont en repos, leur mouvement relatif par rapport à des axes quelconques est celui d’un corps solide invariable ; or, les mouvements apparents que vous imaginez ne sont pas conformes aux lois du mouvement d’un solide invariable. — Oui, mais c’est l’expérience qui nous a appris les lois du mouvement d’un solide invariable ; rien n’empêcherait d’imaginer qu’elles fussent différentes.

400. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Mais Emma Bovary entend que l’amour absolu, tel qu’elle imagine l’éprouver, tel qu’elle imagine l’inspirer, produise ses derniers effets ; elle veut s’enfuir avec son amant dont la passion vulgaire ne comporte pas de telles conséquences. […] Seuls quelques esprits supérieurs échappent à cet empire : pour le vulgaire, sa foi scientifique est absolue et on l’en voit témoigner avec fanatisme en toute occasion où la science conclut à des applications pratiques. […] La foi populaire en l’absolu de la science repose donc sur une croyance latente en l’existence d’une cause première d’où l’ordre phénoménal pourrait être déduit dans son entier.

401. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

À vrai dire, dans cette hypothèse qui distingue d’une façon absolue le bien de l’agréable, il semble que la plupart des hommes souhaiteront que l’inclination vers le plaisir soit chez eux la plus forte et l’emporte sur l’autre : le sentiment du devoir risquera de devenir à leurs yeux le mauvais principe. […] Mais où le spectacle éclate dans son étrangeté, c’est précisément où la croyance à la liberté humaine semble entrer en composition avec la croyance contraire : à la place de ce défaut de liberté absolu, qui assimile tout homme à l’acteur récitant un drame conformément au texte, exécutant fidèlement les jeux de scène prescrits, et ne pouvant, par aucune intervention personnelle, modifier son personnage, la société, représentée par ses tribunaux, et l’individu, au for de sa conscience, ont imaginé des distinctions et des nuances. […] Il n’est pas permis de nos jours de conclure à l’inefficacité absolue de la médecine et il faut accorder, qu’en nombre de cas particuliers, des malades auraient succombé, que l’intervention des médecine a conservés.

402. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

À nos yeux cinq ou six de ceux que nous venons de nommer sont légitimement illustres ; ils ont même mêlé quelque chose de bon à leur ravage ; leur total définitif embarrasse l’équité absolue du penseur, et ils pèsent presque du même poids dans la balance du nuisible et de l’utile. […] Dans l’histoire, telle qu’elle se fera sur le patron du vrai absolu, cette intelligence quelconque, cet être inconscient et vulgaire, le Non pluribus impar, le sultan-soleil de Marly, n’est plus que le préparateur presque machinal de l’abri dont a besoin le penseur déguisé en histrion et du milieu d’idées et d’hommes qu’il faut à la philosophie d’Alceste, et Louis XIV fait le lit de Molière. […] Ce grand juge, nous autres, Nous Tous, ayant désormais pour mètre la notion claire de ce qui est absolu et de ce qui est relatif, les défalcations et les restitutions se feront d’elles-mêmes.

403. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

» Ce n’est rien moins que le fait d’une morale primitive, d’une vérité absolue, c’est-à-dire la base même de tout droit. […] Par là, si nous pressons les termes du parallèle, se découvrirait encore plus d’une ressemblance entre la politique du poëte thébain et celle que Bossuet a parfois tirée des Livres saints, non pour imposer aux peuples le pouvoir absolu, mais pour imposer au pouvoir une absolue justice.

404. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Soustrait à toute inspection, à tout contrôle officiel, le régime intellectuel des grands séminaires est celui de la liberté la plus complète : rien ou presque rien n’étant demandé à l’élève comme devoir rigoureux, il reste en pleine possession de lui-même ; qu’on joigne à cela une solitude absolue, de longues heures de méditation et de silence, la constante préoccupation d’un but supérieur à toutes les considérations personnelles, et on comprendra quel admirable milieu de pareilles maisons doivent former pour développer les facultés réfléchies. […] Ce jugement n’est pas tout sans doute ; l’humanité n’est qu’un interprète souvent inexact de la justice absolue.

405. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

La passion de la gloire ne peut être trompée sur son objet ; elle veut, ou le posséder en entier, ou rejeter tout ce qui serait un diminutif de lui-même ; mais l’ambition a besoin de la première, de la seconde, de la dernière place dans l’ordre du crédit et du pouvoir, et se rattache à chaque degré, cédant à l’horreur que lui inspire la privation absolue de tout ce qui peut combler ou satisfaire, ou même faire illusion à ses désirs. […] Ce qui est grand et juste d’une manière absolue, n’est donc plus reconnu ; tout est estimé dans son rapport avec les passions du moment : les étrangers n’ont aucun moyen de connaître l’estime qu’ils doivent à une conduite que tous les témoins ont blâmée ; aucune voix même, peut-être, ne la rapportera fidèlement à la postérité.

406. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Vos amoureuses adultères sortent broyées de leur aventure ; et, si vous avez paru reconnaître le droit absolu de la passion, ce n’est que de celle qui est « plus forte que la mort » et qui la fait souhaiter ou mépriser. […] Pourquoi n’ont-elles presque jamais atteint, dans leurs vers, à la beauté absolue de l’expression ?

407. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Où lisais-je donc que, faute de base scientifique pour ériger un système de critique absolue, il fallait s’en remettre à la divination des écrivains de valeur, qui se prouvaient tels par les vers ou la prose, et sur ce garant accepter avec plaisir, avec recueillement un peu, les opinions qu’ils émettent et comme une sténographie de leurs conversations ? […] Mais l’autre avait tort aussi bien, et ses propres articles le condamnaient : sans doute la vie littéraire n’était pour lui qu’un prétexte à causeries d’histoire et mœurs, mais tout de même lui advenait-il de parler des livres et, bon gré mal gré, de les juger, soit de leur assigner non leur valeur absolue (ce qui n’a pas de sens), mais celle qu’ils prenaient à ses yeux.

408. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Avons-nous atteint enfin la rigueur absolue ? […] On peut dire qu’aujourd’hui la rigueur absolue est atteinte.

409. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Il faut conserver la liberté de ses mouvements, ne point gêner la naturelle allure de l’esprit, en lui imposant une direction trop rigoureuse, en l’emprisonnant dans des divisions trop absolues : il resterait stérile et ne trouverait rien.

410. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Pour ses proses, dont Arène et Daudet ont traduit les plus curieuses, elles sont l’expression absolue et parfaite de l’âme de sa race.

411. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VII. Le Bovarysme essentiel de l’existence phénoménale »

Il reste à montrer que cette conception chimérique de soi-même et des choses ne peut être évitée, qu’elle reconnaît à son principe une nécessité absolue et qu’il existe un antagonisme irréductible entre ces deux faits : existence et connaissance.

412. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Le poète a voulu faire reparaître ici la nature et le caractère orgueilleux de Gusman : l’intention dramatique est heureuse ; mais prise comme beauté absolue, le sentiment exprimé dans ce vers est bien petit, au milieu des hauts sentiments dont il est environné !

413. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

La peinture n’était pas encore trouvée, ce qui s’explique naturellement : l’art du fondeur abstrait les superficies, mais il en conserve une partie par le relief ; l’art du graveur ou ciseleur en fait autant dans un sens opposé ; mais la peinture abstrait les superficies d’une manière absolue ; c’est, dans les arts du dessin, le dernier effort de l’invention.

414. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Affranchissement des règles et des traditions, « liberté », c’est-à-dire spontanéité absolue. […] Qu’est-ce que ces absolus dans un monde où rien n’existe et ne se conçoit que limité et balancé par autre chose ? […] Cette aspiration, en apparence si généreuse, il : un absolu de vérité, ne cache-t-elle pas aussi quelque secrète ruine de l’âme ? […] Que l’inquiétude de l’Absolu n’est pas une inquiétude intellectuelle. […] On se jure l’absolu, l’éternité, et l’on dévore le fruit d’une saison.

415. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

C’est cette indépendance absolue qui mérite au sens strict le nom de Naturalisme. […] « Il n’y a qu’un farceur qui ne voie pas que le rire et le pleurer, ces deux émotions de l’âme, ont dans le fond la même origine, qu’elles se touchent, qu’elles se fondent ensemble, qu’elles ne sont ni un signe absolu de joie, ni un signe absolu de tristesse. »« Poètes, dit-il ailleurs, qu’avez-vous fait ? […] L’éclectisme politique s’imposa à la longue aux gouvernements les plus absolus en apparence. […] Selon eux, quand l’art représente un événement contemporain, ce doit être avec une exactitude absolue, et cela en vue du bien à faire aux âmes. […] Le réalisme a été plus dur pour elle que l’idéalisme classique : il l’a rendue sujette et serve de l’observation, jadis son humble auxiliaire, même au temps de l’empire le plus absolu de la raison.

416. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Tout ce qui écrit ou pense est, aujourd’hui, partisan de la liberté absolue de conscience et d’allure dans les arts. […] Ils ne sont réellement consacrés qu’après l’épuisement des réactions contraires ; et alors, on sent pour eux une indulgence absolue, qui n’est que justice absolue. […] Il est absolu, il est éternel, il est indestructible en tant que la loi de création et de renouvellement. […] Toute aberration est permise quand on prétend embrasser l’absolu à votre manière. […] Vous me direz en vain que sans le laid le beau n’existerait pas, et réciproquement : je tiens pour le beau absolu comme pour le bien absolu dans l’idée divine.

417. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Ce caractère est celui d’une objectivité absolue. […] Qui dit exactitude absolue dit absence de style, et qui parle de style suppose une part nécessaire d’inexactitude. […] Des adeptes d’une telle intransigeance de doctrine, vous n’en trouverez pas plus que des fidèles de l’optimisme absolu. […] À moi qui tentai de transfigurer mon être en absolu, il redonnerait peut-être l’ardeur si bonne vers l’absolu… Ah ! […] … Quel vilain mot déjà et quel triste réveil pour un homme qui vient de se griser d’idéal et d’absolu.

418. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

C’est cette philosophie qui lui prit la pensée, à Diderot, dès qu’il put penser, et qu’il poussa jusqu’à ce matérialisme absolu que ses œuvres expriment avec une impudence superbe. […] C’est le cynisme, le cynisme absolu. […] Je suis de ceux qui ne croient point aux certitudes dont la philosophie se vante et qui dédaignent cette vaine recherche de l’absolu par la science humaine. L’absolu est ailleurs pour moi qu’où les philosophes l’ont placé. […] Diderot, comme critique d’art, fut le contraire de tout ce qu’on pouvait attendre d’un matérialiste aussi fanatiquement absolu que lui.

419. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Cet orgueil, d'après le Moraliste, se cache avec tant de subtilité dans notre cœur, y conserve un empire si absolu sur tous ses mouvemens, qu'il n'est pas possible que toutes nos actions ne soient un effet de ce vice plus ou moins caché, & qu'elles ne se rapportent toutes à lui.

420. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Si c’était le titre de citoyen, plutôt que celui de sujet qui fit exclusivement l’historien, pourquoi Tacite, Tite-Live même, et, parmi nous, l’évêque de Meaux et Montesquieu, ont-ils fait entendre leurs sévères leçons sous l’empire des maîtres les plus absolus de la terre ?

421. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Depuis l’exemple donné par Louis XIV, il n’y a eu que deux conditions honorables pour les écrivains : ou cette dépendance à l’égard du roi, par des libéralités régulières et méritées ; ou l’indépendance absolue, par la faveur du public qui enrichit l’écrivain, et par des lois justes qui l’appellent aux premiers rangs dans l’Etat. […] Le sérieux et la profondeur de ses passions adoucirent les jugements qui furent portés sur ses désordres, où d’ailleurs ne parut jamais l’odieux du pouvoir absolu, et où le roi ne prit que ce qu’on offrait à l’homme : témoin la Vallière, qui mourut pour le monde le jour où elle cessa d’être aimée. […] Telle était encore la violence de sa passion, que le grand évêque ne lui enjoint pas, au nom du devoir chrétien, d’en triompher en un instant : « Ce serait, écrivait-il au roi, vous demander l’impossible. » Il l’invite seulement à « tâcher de la diminuer un peu ; à craindre de l’entretenir. » Mais, dans une autre lettre écrite plus tard, « avec une indépendance absolue, aussi bien qu’avec un zèle et une ardeur extrêmes », il l’en pressait au nom des peuples souffrants. […] Et c’est ainsi qu’en un temps de pouvoir absolu, il put jouir de la douceur de penser tout haut, parce que, d’humeur comme de principe, par instinct comme par réflexion, il s’était rendu comme incapable de ne pas penser juste. […] Pour Fénelon, rien ne devait plus déplaire au monarque absolu que ce mélange de subtilité et d’inquiétude, dans un esprit supérieur porté aux chimères, et dans un homme d’église occupé de plans de gouvernement.

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