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716. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Voltaire dit quelque part d’Iphigénie que c’est le chef-d’œuvre de l’esprit humain. […] Je le trouve dans Littré appliqué par Voltaire à Chapelain avec le sens de mendiant. » Sur ce dernier point un mot. […] C’est-à-dire que, si l’on n’était pas sûr du texte et des dates, on serait convaincu que Brutus a été écrit en 1793 par un habile pasticheur (d’autant plus que rien n’est facile comme de pasticher les vers tragiques de Voltaire) et donné sous le nom de Voltaire aux grands comédiens. […] Pour eux, Voltaire était un républicain austère et farouche. […] — Probablement : 1° parce que — ne perdez jamais ce point de vue ; il est la clef de bien des choses — parce que le théâtre de la rue Richelieu et le théâtre de l’Odéon étaient les théâtres des imitateurs de Voltaire, et que le fond même de toutes les doctrines et idées des romantiques était qu’il ne fallait pas ressembler à Voltaire.

717. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

C’était même le point qu’on se vantait d’avoir gagné sur l’esprit du xviiie  siècle ; et, tout en faisant profession d’incroyance, on ne laissait pas de reprocher aux Voltaire, aux Diderot, aux Condorcet, la violence injurieuse de leur polémique antichrétienne, la déloyauté de leur argumentation, et l’étroitesse de leur philosophie2. […] L’avenir lui saura surtout gré de s’être souvenu que le christianisme a commencé par être une religion de pauvres, et que, selon l’insolente et cruelle expression de Voltaire, « la plus vilecanaille l’avait seule embrassée pendant plus de cent ans ». […] C’est ce que Renan, dans sa jeunesse, — quand il n’était encore l’auteur que de ses Études d’Histoire religieuse et même de sa Vie de Jésus, — ne laissait pas échapper une occasion de dire ; et Voltaire en ce temps-là ne lui était guère moins odieux que Béranger lui-même, avec son Dieu des bonnes gens ! Mais quand il se fut aperçu qu’en somme les conclusions de ses Origines du christianisme ressemblaient beaucoup à celles de Voltaire, il changea d’opinion, ce qui fait honneur à sa loyauté, et dans son Histoire d’Israël on vit le mépris d’autrefois se changer en une émulation d’assez basses plaisanteries, qui fait moins d’honneur à son goût.

718. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Voltaire n’a pas tout à fait tort de trouver que les vifs dégoûts littéraires sont le prix des plus délicieuses jouissances littéraires, et que, pour bien aimer certaines choses, il faut savoir haïr vigoureusement leurs contraires.

719. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Ce sont des Philosophes qui ont mis Lucain au dessus de Virgile, Despréaux au dessous de Quinault, la Motte à côté de Rousseau, Voltaire au dessus de Corneille & de Racine, Perrault, Boindin & Terrasson au dessus de tous les Ecrivains du siecle dernier.

720. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Voltaire est le premier qui ait ameuté contre lui tout le Corps des Pygmées Littéraires qui combattoient sous ses ordres.

721. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Il y a dans Virgile, dans Voltaire, dans Tacite même, telle phrase de sentiment que je préférerais à toute cette chaleur physique ; malgré tout l’effet qu’elle produit sur moi, elle ne fait que m’agiter, et la véritable expression du sentiment laisse dans mon âme une impression douce et délicieuse.

722. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Quoi qu’il en puisse être à cet égard, l’historien — qui est un critique très agile dans l’explication et le rapprochement des textes, et qui se livre à un examen fort approfondi de la fameuse inscription de Si-Ngan-Fou, attribuée par Voltaire aux jésuites avec cette moqueuse superficialité d’érudition qui distinguaitle grand perfide, — n’hésite plus quand il s’agit d’affirmer que la propagation de la loi chrétienne existait dans la Haute-Asie de 636 à 781.

723. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Pour me faire ouvrir un pareil paquet, à bon droit suspect de lourdeur, il ne me faudrait rien moins que l’affirmation de Voltaire, et encore je me dirais qu’il se moque de moi !

724. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Dans Les Aventures de Bianca, il se croit ironique comme Voltaire, parce qu’il se moque de la vraisemblance, de nous et de lui-même, avec un entassement d’événements impossibles et en nous ouvrant sous le nez trente-six tabatières à surprises.

725. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Voltaire lui-même, le moins lyrique des poëtes, était saisi d’admiration à ce contraste si prolongé du sommeil de tous les êtres avec l’agitation d’un cœur tourmenté.

726. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Une autre ode qu’il adressa à la même époque à Étienne Colonna, et que Voltaire appelle la plus admirable de ses poésies lyriques, éleva sa renommée au-dessus de tous les poètes du temps. […] On ne vit, dans les temps modernes, de triomphe intellectuel comparable qu’au retour de Voltaire dans Paris, après une absence de quarante ans, pour être couronné et pour mourir. […] Voltaire lui-même, ravi d’admiration pour cette ode amoureuse, a tenté de la traduire et a échoué ; il faut une âme tendre pour manier une langue pétrie de larmes et de soupirs.

727. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Aujourd’hui, selon notre habitude de ne caractériser les littérateurs que par leur chef-d’œuvre, nous allons vous introduire dans le théâtre allemand par l’analyse du Faust de Goethe, drame qui contient, dans l’imagination d’un poète aussi philosophe que Voltaire, aussi mélodieux que Racine, aussi observateur que Molière, aussi mystique que Dante, tout le génie de la littérature allemande et tout le caractère du peuple allemand. […] Voltaire était le missionnaire de cette poésie et de cette philosophie chez les Allemands. […] Rousseau que de Voltaire, fut le livre de Werther.

728. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Tout m’enveloppe d’accueil et de joie autour de moi, et ma première soirée sur mon propre domaine est du plus heureux présage. » — « Avant-hier, répond Goethe, j’ai fait visite à Wieland (le Voltaire érudit et gracieux de l’Allemagne) ; il habite une jolie et vaste maison dans la plus laide contrée du monde. […] C’était une de ces organisations frêles et maladives qui ne résistent pas, comme celle de Goethe ou de Voltaire, organisations de chêne robuste, aux secousses de leur âme et aux secousses de la vie. […] Notre théorie, à nous, comme la théorie des anciens, c’est l’art pour le beau ; c’était la théorie d’Homère, la théorie de Platon, la théorie de Virgile, de Cicéron, celle de Milton, de Corneille, de Racine, de Voltaire, du Tasse, de Pétrarque, de Byron, de Chateaubriand, d’Hugo, dans les premières splendeurs matinales de leurs beaux génies.

729. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

des Brutus d’un Voltaire ? […] Le temps fera voir à qui de nous il appartenait de revendiquer un tel sujet de tragédie, ou de moi, ou d’un Français, qui, né du peuple, a pendant plus de soixante et dix ans signé : Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi. […] XIV Au sein de ce repos, Alfieri, devenu plus royaliste que républicain, depuis le triomphe de ses opinions républicaines en France, s’occupait à élever, à l’exemple de Voltaire, un théâtre dans sa maison pour y jouer ses tragédies.

730. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

On n’a jamais mieux défini Voltaire dans sa qualité d’esprit spécifique et toute française qu’il ne l’a fait ; on n’a jamais mieux saisi dans toute sa portée la conception buffonienne des Époques de la Nature ; on n’a jamais mieux respiré et rendu l’éloquente ivresse de Diderot ; il semble la partager quand il en parle : « Diderot, s’écrie-t-il avec un enthousiasme égal à celui qu’il lui aurait lui-même inspiré, Diderot est Diderot, un individu unique ; celui qui cherche les taches de ses œuvres est un philistin, et leur nombre est légion. […] V On connaît Goethe, le Voltaire et le Cuvier allemand dans un même homme, le créateur de la lumière, l’idolâtre de l’art ! […] Vous, par exemple, vous devriez écrire la Mort de César, et d’une façon digne du sujet, avec plus de grandiose que Voltaire.

731. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Voltaire. […] Gassendi leur enseigna la philosophie d’Épicure, « qui, bien qu’aussi fausse que les autres, a dit Voltaire, avait du moins plus de méthode et plus de vraisemblance que celle de l’école, et n’en avait pas la barbarie ». […] L’opinion que nous émettons ici est aussi celle de Voltaire et de Palissot. […] Nous pèserons plus tard les accusations du « critique de Nicolas », comme l’appelait Voltaire ; mais ce que nous voulons attaquer ici, c’est une tradition aussi ridicule qu’invraisemblable. […] Voltaire disait que la première lecture de cette pièce le fit rire de si bon cœur qu’il se renversa sur sa chaise, tomba en arrière et faillit se tuer.

732. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Peut-être a-t-il manqué à Voltaire, à Molière de savoir parfois regarder les nuages et écouter les oiseaux. […] Voltaire n’a que des velléités d’audace, Fontenelle, circonspect comme toujours, se réserve ; Diderot s’aventure, puis revient tout assagi. […] Il plut à Voltaire. […] Il accoutuma la statuaire à descendre du type au portrait réel ; et pour faire pétiller la malice de son fameux Voltaire, il sculpta dans le marbre tout le détail de la prunelle des yeux. […] Voltaire s’en soucie davantage.

733. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Et plus peut-être que les autres, de Maistre et Bonald ont, en combattant Voltaire et Rousseau, le tour de pensée l’un de Voltaire, l’autre de Rousseau, si bien, succès douteux et sans grand effet, que de Rousseau et Voltaire ils donnent moins une réfutation qu’une contre-partie. […] Les esprits de ce genre, Montaigne par certains côtés, Pascal plus souvent qu’on ne croit, Voltaire quelquefois, ont cela de terrible que, même après leur mort, on n’ose pas discuter avec eux ; on sent qu’ils vont nous rire au nez. […] A chaque instant, le joli mot de Scherer, « Voltaire retourné », revient à l’esprit en le lisant. […] Quand de Bonald, comme Voltaire, a ri consciencieusement de l’idée que le premier ancêtre de l’homme pourrait bien être un poisson, il croit avoir broyé l’adversaire. […] Qu’un Voltaire soit l’expression du monde des gens de lettres qu’il inspire et dont il s’inspire, cela est si vrai que c’est un peu trop incontestable ; et pour un homme qui verra dans ce monde-là un peuple tout entier, qui dira de lui, comme Saint-Simon disait de Versailles : « Toute la France », que Voltaire soit la France même, cela s’explique.

734. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il y parle du grand peintre Murillo dont il a les types présents sous les yeux, et dont il voit le dernier ouvrage ; il le juge, je dois le dire, beaucoup trop à la française, et comme un disciple de Voltaire ferait de Shakespeare. […] Mais, de grâce, ne te dénature pas ; ne sacrifie jamais ta fibre première, essentielle, fondamentale, ta corde sensible, celle qui vibrait chez Voltaire quand il écrivait ses charmants vers sur le siège de Philisbourg.

735. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

La littérature légère, la philosophie éclectique, les sciences naturelles, les arts, la société intime avec Voltaire, Rousseau, plus tard avec les de Maistre de Savoie, avec madame de Staël, avaient encore illustré les Huber. […] Sayous son biographe, l’objet de son livre intitulé la Religion essentielle à tous les hommes, livre dont Voltaire eut connaissance et dont il parle avec estime, livre qui fut communiqué à J.

736. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je fus chargé, en dehors de toute controverse religieuse, de faire un article sur Voltaire dans un des premiers numéros de la Revue. […] C’était aisé, son écriture était très-belle et très-lisible ; elle ressemblait à celle de Voltaire, quoiqu’un peu plus fine.

737. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Un peu d’argent qui lui arrive de sa famille, des travaux de librairie, des traductions le sauvent, le font vivoter, pendant qu’il compose et fait imprimer son confus et indigeste Essai sur les Révolutions : c’est alors, et pour cet ouvrage qu’il complète son instruction ; il lit les historiens de l’antiquité ; surtout il se nourrit de Rousseau, de Montesquieu, de Voltaire : il a encore l’esprit du siècle qui finit. […] Il a lu Voltaire, Diderot, Rousseau, l’Encyclopédie : voilà d’où il tire toutes ses idées, par un très simple procédé de conversion : il tourne leurs affirmations en négations, et inversement.

738. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Socrate, Diogène, Pascal, Voltaire sont appelés philosophes ; Homère, Aristophane, Lucrèce, Martial, Chaulieu et Lamartine sont appelés poètes, sans qu’il soit facile de trouver le lien de parenté qui réunit sous un même nom des esprits si divers. […] Quand l’avenir réglera les rangs dans le Panthéon de l’humanité d’après l’action exercée sur le mouvement des choses, les noms de Pétrarque, de Voltaire, de Rousseau, de Lamartine précéderont sans doute ceux de Descartes et de Kant.

739. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Voltaire, [Marie-François Arouet de] de l’Académie Françoise, & de presque toutes les Sociétés Littéraires de l’Europe, né à Paris en 1694, mort dans la même Ville en 1778. […] Les Scythes sont évidemment les enfans des Chérusques, Tragédie connue auparavant sous le titre d'Arminus, dont l'Auteur n'auroit peut-être pas obtenu la représentation [quoique reçue depuis quatre ans, si la Piece de M. de Voltaire eût réussi.

740. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Voltaire, en lui écrivant à ce propos, et en le félicitant par une de ses formules favorites (« Voilà un jeune homme qui écrira comme on faisait il y a cent ans !  […] Il s’y montre un disciple affaibli de Racine dans Bajazet et de Voltaire dans Zaïre.

741. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

… Et Voltaire est immortel et Diderot n’est que célèbre. […] Voltaire a enterré le poème épique, le conte, le petit vers, la tragédie.

742. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Si les jeunes hommes de la génération de Bénédict lisaient et savaient Voltaire, il n’aurait pas manqué de se redire à lui-même, en voyant danser à ce bal de mai Mlle de Raimbault, ces vers noblement voluptueux qui eussent rassemblé pour lui comme de flottants souvenirs :  L’étranger admirait dans votre auguste cour  Cent filles de héros conduites par l’Amour,  Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes,  Ces piquantes Bouillons, ces Nemours si touchantes,  Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs.

743. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Rousseau nous semble un admirable et savant écrivain, un vigoureux philosophe, plutôt qu’un grand poète ; Voltaire, comme artiste, ne triomphe plus que dans la moquerie, c’est-à-dire dans un genre de poésie qui est antipoétique par excellence.

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