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856. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Le jeune homme ne revint en France que vers 1791 ; il avait près de vingt ans. […] Un autre roman ou nouvelle de lui, intitulée Eugénie (1803), est aussi l’histoire d’une jeune Anglaise restée en France pendant la Révolution, et y aimant presque à contrecœur un jeune Français qu’elle finit par épouser à travers les discordes et les guerres qui séparent les deux nations. […] Le premier, il introduisit en France ce genre de grandes biographies à l’anglaise, qui a remplacé la notice sèche et écourtée dont on se contentait auparavant. […] En tête de sa petite nouvelle d’Eugénie (1803), où il ne veut qu’intéresser par une simple histoire touchante et vertueuse, il dit, dans la préface, que « la scène ne se passe ni en Russie, ni en Hongrie, ni au xive  siècle, mais en France et de nos jours.

857. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Anselme se dirigea à travers la Bourgogne et la France, et on le trouve en Normandie, à Avranches, en 1059 ; il n’avait que vingt-cinq ans. […] Quoi qu’il en soit, voici un rôle que j’aime à concevoir pour l’un de ces hommes à la fois politiques et littéraires qu’a frappés la dernière tourmente, et qui ne se sentent coupables que d’avoir voulu sauver la France à leur manière, d’une manière qui s’est trouvée insuffisante et fragile en face d’une autre méthode plus héroïque et plus souveraine. Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles. […] que je voudrais que M. de Rémusat fût déjà rentré parmi nous en France ! 

858. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Il vit la France et l’Italie. C’est en France qu’il composa ce Sentimental Journey, que, pour mon compte, je mets bien au-dessus de Tristram Shandy, et dont l’observation est si fine et si voluptueusement délicate qu’elle échappe absolument aux gros yeux de congre cuit des sots. […] Un ouvrage, inconnu en France, de l’auteur du Tristram Shandy, du Voyage sentimental et des Lettres à Elisa Draper, oui ! […] De tous les hommes qui ont jamais écrit, — Sterne, en Angleterre, comme La Fontaine, en France, — n’est-il pas le plus facile à reconnaître ?

859. (1925) Portraits et souvenirs

Il se sentait à l’aise dans ce décor d’ancienne France, comme il se plaisait dans l’antique logis de l’Arsenal. […] A son retour en France, il chercha à tirer parti de ce qu’il avait appris d’anglais au cours de ses pérégrinations londoniennes. […] Il avait régné soixante ans sur les jardins de France, car c’était une royauté qu’il avait exercée durant cette longue période. […] Quant à mon grand-père, il précéda ses parents, en France, de quelques mois. […] Il s’agit là d’une partie du plus large Recueil de rapports sur les progrès des lettres et des sciences en France.

860. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Michelet, Histoire de France ; Louis XV] ; et grâce aux femmes, et pour s’emparer d’elles, la sensibilité s’émancipe de la tutelle étroite et soupçonneuse où l’avaient retenue les maîtres de l’âge précédent. […] Elles ont faire croire à l’Europe et au monde que « toute la France en hommes » n’était que le peu qu’on en rencontrait à leur table ou dans leur salon. […] Barni, Histoire des idées morales et politiques en France au xviiie  siècle, Paris, 1865 ; — P. Janet, Histoire de la science politique, Paris, 1858 ; et 2e édit., 1872 ; — Robert Flint, La Philosophie de l’histoire en France, trad. française, Paris, 1878 ; — H. […] — Retour en France. — Publication de Cleveland, 1731 ; — Le Pour et Contre, 1733. — Prévost aux gages des libraires ; — Le Doyen de Killerine, 1735. — Prévost devient « aumônier du prince de Conti ».

861. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Mais de nos jours, dans notre France constitutionnelle, sous la Charte de Louis XVIII, et avec la solidité assise et les progrès croissants de nos institutions perfectibles, qu’y aurait-il de pareil à redouter d’un drame historique ? […] Las des querelles de parti, presque saturés des discussions parlementaires, bien des esprits, jeunes, ardents et généreux, sans déserter leurs devoirs comme citoyens et sujets, ressentent un vif besoin de ces distractions nobles et légitimes, qui se sont liées de tout temps à la gloire de la France et à la splendeur du trône.

862. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Pourtant, il faut le dire, toute cette renaissance grecque du xvie  siècle, en France, fut érudite, pédantesque, pénible ; le seul Amyot, par l’élégance facile de sa traduction de Plutarque, semble préluder à La Fontaine et à Fénelon. […] 3º Au xviiie  siècle, en France, on est moins près du sentiment grec que jamais.

863. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord On reproche, en France, à la littérature du Nord de manquer de goût.

864. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Partant de la vieille et banale comparaison d’un peuple libre à un cheval sauvage, Barbier a traduit dans les images qui montrent l’animal dompté, enlevé, poussé, crevé par son écuyer, l’histoire de la France asservie par Bonaparte, lancée à travers l’Europe, épuisée de guerres, et agonisante enfin avec lui. […] que ta France était belle            Au grand soleil de Messidor !

865. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

1841 Quelque dégagé qu’on veuille paraître des considérations traditionnelles et des doctrines dites classiques, on ne peut nier que le plus clair et le plus solide de la richesse poétique de la France ne soit dans le genre dramatique et sous la forme de tragédie. […] En France, parmi les journalistes même les mieux placés, la méprise avait eu lieu ; les critiques, dès le premier moment, n’avaient pas manqué de retrouver dans l’ode en question les qualités, les défauts surtout du grand lyrique d’alors : il fallut décompter. […] Représentons-nous bien l’état littéraire de la France aux abords de l’année 1820. […] Ils descendent du Nord, ils volent vers la France. […] De retour en France en 1821, il publia, vers septembre, un poëme lyrique sur la mort de Napoléon, morceau étendu, plein d’harmonie, de souffle et d’émotion.

866. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Prenons les plus beaux rameaux de notre poésie classique depuis Malherbe ; rien, absolument rien n’y est passé, rien ne s’y reconnaît de cette verte sève qui tenait aux racines mêmes de la vieille France. […] Le conte, après avoir fait le voyage d’Italie, repassait en France et n’en paraissait que meilleur ; la circulation ne cessait pas. […] Combien de fois en France la plus grande poésie, à une époque donnée, a-t-elle ainsi passé avec armes et bagages, et à la rime près, du côté de la prose ! […] Au lendemain de Marot et dans le court intervalle qui le sépare de Ronsard et de Du Bellay, une nouvelle décadence d’école (car les écoles se succèdent vite en France) se faisait déjà sentir. […] En France, le procédé invariable de chaque école poétique à son début est de rompre net avec celle qui précède, de réagir contre et de n’en pas vouloir hériter.

867. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Il s’étudia à mériter des savants et des écrivains célèbres en France et en Allemagne des enthousiasmes et des adulations qu’il avait mérités d’avance par ses propres citations intéressées. […] Mais en étudiant d’un peu près ce grand homme cosmopolite, cet Anacharsis prussien s’imposant à la France, on devinait facilement le subterfuge de cette fausse grandeur. […] La Prusse, alors en guerre avec la France, subissait le choc des plus douloureux événements. […] Il cessa d’affecter alors avec le roi le libéralisme bonapartiste qu’il affectait à Paris avec ses amis les libéraux de France. […] Il eut alors, pendant deux ans et plus, une correspondance secrète mais avouée avec sa cour sur l’état des affaires de France.

868. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Paul Deschanel Son dernier discours est affiché, à l’heure qu’il est dans toutes les communes de France. […] Sans doute, dans les passages proprement « éloquents », j’ai cru retrouver quelque reste d’artifice quand il y parlait au nom du sentiment ; et j’eusse aimé mieux (quoique le morceau ait été acclamé) qu’il évoquât les « chers paysans de France » autrement que par prosopopée. […] Et ainsi, elle a su faire le plus bel accueil au dernier des autocrates, rien qu’en faisant saluer les trois siècles de la très jeune Russie par quatorze cents ans d’histoire de France. (Car je ne pense pas qu’on fasse plus de tort à la Russie en la datant d’Ivan le Terrible, qu’à la France en la datant de Clovis.) […] Ce ne serait pas le moindre bienfait de la visite du Czar que d’avoir réconcilié Marianne avec l’histoire de France.

869. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Vous étiez vêtu — ma gravure en fait foi — à la dernière mode de France. […] Elle va dévorer la France, l’Europe et le monde. […] De là l’amitié qu’il inspire à tout ce qui sait lire en France. […] Rentré en France en 1814, il se rallia à la monarchie constitutionnelle. […] La liberté individuelle y est plus grande qu’en France.

870. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Maturin n’est guère connu en France comme un écrivain littéraire. […] Il fonde le collège de France. […] Il pense que le temps des épopées héroïques est passé pour la France et pour l’Europe. […] On s’en est occupé en Allemagne beaucoup plus qu’en France. […] le colonel est ruiné, il veut quitter la France.

871. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Il ne s’agit pas de la réhabilitation de Balzac, quoique Bayle, qui l’appelle « l’une des plus belles plumes de France », la lui ait promise. […] Il écrit à une dame huguenote, qu’il aimait, « que les huguenots n’ont fait de bon qu’elle ; mais qu’à cela près, ce sont les plus grands ennemis de la France. » Tous les deux ont une grande vanité ; mais la vanité de Balzac, quoiqu’en ait dit Descartes, allait beaucoup au-delà de l’impression forte qu’un homme de mérite reçoit de sa supériorité sur les autres. […] Quand on considère l’état de la France alors, les guerres entre la royauté et la noblesse, entre le roi et sa mère, les meurtres et les intrigues, un gouvernement sans cesse contesté et flottant, quel genre d’écrit pouvait être plus goûté que des lettres, dont les plus longues l’étaient moins que le plus court traité ? […] Ses critiques n’imaginaient rien de plus fort à lui dire, sinon que toute la France était empuantie de son éloquence, reconnaissant ainsi ce grand succès en le calomniant. […] Ce sujet, c’était en effet le prince, mais le prince considéré au point de vue de l’unité monarchique, dans la réalité des besoins de la France à cette époque.

872. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Je savais mieux que personne en France, après M.  […] Je ne suis à l’aise qu’à l’Institut et au Collège de France, parce que nos employés sont tous des hommes très bien élevés et nous témoignent une haute estime. […] Les deux seules ambitions que j’aie avouées, l’Institut et le Collège de France, ont été satisfaites. La France m’a fait bénéficier des faveurs qu’elle réserve à tout ce qui est libéral, de sa langue admirable, de sa belle tradition littéraire, de ses règles de tact, de l’audience dont elle jouit dans le monde. L’étranger même m’a aidé dans mon œuvre autant que mon pays ; je mourrai ayant au cœur l’amour de l’Europe autant que l’amour de la France ; je voudrais parfois me mettre à genoux pour la supplier de ne pas se diviser par des jalousies fratricides, de ne pas oublier son devoir, son œuvre commune, qui est la civilisation.

873. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

La révolution de 1830 a trouvé l’art en France à un certain état de développement qu’elle est venue du premier abord troubler et suspendre ; mais cette perturbation ne peut être que passagère : les destinées de l’art ne sont pas un accident qu’un autre accident supprime ; elles vont reprendre leur cours selon une pente nouvelle et se creuser un autre lit à travers la société plus magnifique et plus fertile. […] Tandis que la France, encore tout éperdue des secousses de sa Révolution religieuse et politique, s’occupait d’en développer ou d’en restreindre les conséquences, et, avant d’avoir recouvré son sang-froid, tâchait de faire la part des bienfaits et celle des erreurs ; tandis que, saisie d’une enivrante fièvre de combats, elle se précipitait à travers l’Europe et dépensait son surcroît d’énergie par des victoires, la révolution dans l’art se préparait au dedans, peu comprise, inaperçue ou moquée à l’origine, mais réelle, croissante, irrésistible. […] La Restauration prit la France sur ces entrefaites ; les trois ou quatre premières années en furent peu littéraires ; les factions politiques, les débats orageux et hostiles, les luttes renaissantes de l’ancien régime et de la Révolution tuèrent toute cette frêle poésie delillienne ; mais ce n’est guère qu’en 1819 qu’on voit une poésie nouvelle éclore sur les hauteurs de la société, dans les endroits les plus abrités du souffle populaire et les moins battus de la foule.

874. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Si rien, chez M. de Tocqueville, n’annonce un regret, ni encore moins une antipathie contre cette loi de développement qu’il reconnaît et proclame comme providentielle, si dans le savant tableau qu’il nous retrace des États-Unis et du principe qui y triomphe, il se laisse aller parfois à un sentiment d’admiration grave, tel que le philosophe politique peut en exprimer, nous devons dire qu’il paraît moins rassuré en ce qui concerne l’Europe et la France. […] La centralisation administrative, qui certainement ajoute de la force à l’autre, mais aux dépens de la vie même de chacun des membres de la nation, existe en France plus absolue aujourd’hui que jamais, plus entière que sous Louis XIV, qui, tout en disant avec raison : l’État, c’est moi, le pouvait dire à titre de gouvernement bien plutôt qu’à titre d’administration. […] S’il devait arriver en France que la monarchie ou la république (peu importe), en s’armant de ce mot de centralisation mal entendu, fissent prévaloir, constamment la régularité administrative, soit douce, soit rigoureuse, sur la vie réelle, morale, animée de chaque point du pays ; si l’on ne parvenait enfin à introduire et à fonder parmi nous les institutions démocratiques en ce qu’elles ont d’essentiel, d’élémentaire et de vivace, c’est-à-dire l’existence communale, M. de Tocqueville paraît craindre qu’une des chances naturelles de cette égalité croissante ne fût un jour, tôt ou tard, l’assujettissement de tous par un seul, du moment qu’on n’aurait plus à espérer le gouvernement de tous par eux-mêmes.

875. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

S’il n’existait plus en France de femmes assez éclairées pour que leur jugement pût compter, assez nobles dans leurs manières pour inspirer un respect véritable, l’opinion de la société n’aurait plus aucun pouvoir sur les actions des hommes. […] Jamais les hommes, en France, ne peuvent être assez républicains pour se passer entièrement de l’indépendance et de la fierté naturelle aux femmes. […] Le danger très rare de rencontrer une femme dont la supériorité soit en disproportion avec la destinée de son sexe, doit-il priver la république de la célébrité dont jouissait la France par l’art de plaire et de vivre en société ?

876. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Défauts de l’enseignement supérieur en France. […] La France n’entend rien en religion. Pourquoi la France est restée catholique, tandis que l’Allemagne est devenue protestante.

877. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

N’oublions pas non plus que les publicistes et les jurisconsultes en France, et hors de France, discutaient fort librement les droits de Louis XIV au trône d’Espagne. […] Les publicistes pouvaient, sans inconvénient, contester au roi de France ses titres à la couronne d’Espagne, parce que personne ne s’avisait de douter de ses droits au trône de France.

878. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Ces affreuses petites cours d’Allemagne, gouvernées par des évêques mariés (comme l’évêque d’Osnabruck, qui devint plus tard électeur de Hanovre), préludaient fort bien, et mieux que la France elle-même, à ce xviiie  siècle qui allait commencer et qui devait achever l’œuvre de dissolution de Henri IV et de Louis XIV. […] Toujours rêveuse et toujours imitatrice, l’Allemagne se rêvait France quand elle imitait les vices de la cour du grand roi, et elle en exagérait le scandale, comme, plus tard, elle prit les idées de la philosophie française, et en exagéra les conséquences pour s’en faire une originalité. […] Eh bien, c’est à ce moment singulier de l’histoire du xviie  siècle que s’accomplit dans une des cours de cette Allemagne, jalouse de la corruption de la France, un crime effroyable, fruit d’une de ces passions terribles qui n’étaient pas — il faut bien le reconnaître !

879. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Et, d’ailleurs, la France a le droit d’être tout ce qu’elle veut, comme les femmes qu’on aime et qui savent qu’avec un mot ou un sourire elles peuvent toujours tout effacer ! […] À qui peut la juger il est évident que cette œuvre, qui a demandé tant d’années, ce hardi et magnifique travail exécuté sur la cathédrale de France la plus effrayante de beauté et la plus désespérante pour qui oserait se charger d’y porter la main, peuvent faire pressentir à la critique un architecte créateur pour plus tard, un architecte, enfin, pour le propre compte de son génie ! […] La vérité qui se cherche, qui se veut à tout prix, la vérité même contre soi ; car, pour la première fois, il a donné l’exemple en France, et a élevé à la rigueur d’une règle de conduite, d’ouvrir les vastes espaces de sa revue à ses adversaires d’idées sur toutes les questions qu’ils seraient tentés d’y discuter.

880. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Poète personnel, il ne dit pas, comme lord Byron dans le plus personnel de ses poèmes (le Don Juan), il ne dit pas, avec le cant de l’orgueil anglais : « Quand je ris, c’est pour ne pas pleurer », mais, avec la grâce et la franchise de France : « Je ris en pleurs », et, par cette naïveté de génie, il a traduit tout son génie ! […] Villon a toujours gardé en lui l’amour de sa mère, cet amour qui nous embaume si mélancoliquement la vie quand notre mère n’est plus, la foi ardente du Moyen Âge au Dieu crucifié, le sentiment de l’honneur de la France, et la fidélité dans l’amour, — même dans l’amour coupable et trahi — l’immortelle fidélité des âmes fortes ! […] Campaux le compare, lui, aux peintres flamands, mais aux peintres flamands qui n’ont pas fait de paysages, car, particularité de son génie, par ce côté frappé de sécheresse, Villon, le racleur des pavés de Paris, qui avait voyagé pourtant de l’une à l’autre frontière de cette France qui eût pu lui apprendre et lui faire aimer la nature, n’en remarqua jamais la magnifique plasticité.

881. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Aubineau a montré le courage le plus rare en France : le courage de marcher sur le ridicule, ce fantôme qui, du reste, s’évanouit toujours, le lâche ! […] La catholique France du roi très chrétien était devenue, ma foi ! […] La France f… ichait son camp, comme le café du maître.

882. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

L’idéalité de la politique de Lamartine a été moins comprise que ne l’avait été l’idéalité de sa poésie ; car la France de ce temps-là, qui valait mieux que celle de ce temps-ci, fut littéralement enivrée, quand elles parurent, de l’éther pur de cette poésie inconnue des Méditations, qu’on n’avait jamais respirée. […] Rentré en France, il allait entrer dans la célébrité, qui n’est belle que quand on est jeune, mais il venait de dépasser ces vingt-cinq ans regrettés de Byron et le livre finit tout à coup… Ce n’est que quelques pages où l’auteur n’est jamais, mais où il y a Lamartine et Lamartine tout entier. […] À l’émeute, entre Lamoricière et Changarnier, il était Lamartine, comme il l’était en veste grise et en pantoufles jaunes, le soir, dans son salon, où toute l’Europe venait encore lorsque la France républicaine, aux reins flexibles, redevenue le second Empire, n’y venait plus.

883. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Il y a de tout temps en France deux tendances qui se combattent, pour ne réussir à se concilier que dans les très grands écrivains. […] La doctrine, chassée de France, condamnée à Rome, se répandit en Suisse, en Hollande, en Allemagne, en Angleterre. […] La cour de France n’est pas la cour du roi de Gérare. […] C’est à peine s’il a mis le pied sur la terre de France qu’il se trahit déjà comme un observateur malveillant. […] Le voilà, le vrai Diderot, le créateur en France de la critique d’art !

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