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177. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Il le consulta sur ses premiers essais, & lui envoya, dans les pays étrangers, deux odes composées pour le prix de poësie de l’académie Françoise : elles ne furent point couronnées. […] Il gâta sur-tout le sien dans le pays étranger.

178. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Or un acteur de comédie, qui dans sa déclamation imiteroit la prononciation et la gesticulation d’un peuple étranger, pécheroit contre la regle que nous avons rapportée. […] Si les comédiens d’un païs plaisent plus aux étrangers que les comédiens des autres païs, c’est que ces premiers comediens seront formez d’après une nation, qui naturellement aura plus de gentillesse dans les manieres, et plus d’agrément dans l’élocution, que les autres nations.

179. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ce n’était qu’une bande, et à ce titre, épousant les femmes du pays, il faisait entrer dans ses enfants la séve étrangère. […] Le besoin de rire est le trait national, si particulier que les étrangers n’y entendent mot et s’en scandalisent. […] C’est pis en Angleterre, où il est plus extérieur et plus mal appliqué qu’en France, où des mains étrangères l’ont plaqué ; et où il n’a pu recouvrir qu’à demi la croûte saxonne, où cette croûte est demeurée fruste et rude. […] Mais en dépit de ces vains fantômes étrangers, le corps du poëme est national et vivant. […] La Renaissance et la Réforme, qui sont les deux explosions nationales, sont encore lointaines, et la littérature du temps va garder jusqu’au bout, comme la haute société anglaise, l’empreinte presque pure de son origine française et de ses modèles étrangers.

180. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Ils ne songèrent pas que ce suffrage ne bénéficierait qu’à cinq millions de paysans, étrangers à toute idée libérale. […] Une nation ainsi faite peut arriver au comble de la prospérité matérielle ; elle n’a plus de rôle dans le monde, plus d’action à l’étranger. […] Étrangère à toute idée de politique savante, elle ne sortait pas de l’ornière du superficiel radicalisme français. […] Il n’y a jamais eu de révolution française qui n’ait eu son contrecoup à l’étranger. […] Versez cette dévorante activité sur des pays qui, comme la Chine, appellent la conquête étrangère.

181. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il en était de même à l’étranger. […] Les Etrangers. […] Les Étrangers. […] l’étranger lui-même envahit alors le sol français. […] Victor Hugo n’a pas été étranger à ce mal.

182. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Le sentiment se complique envers cet étranger, émerveillement, enthousiasme, vénération, aussi d’un malaise à la notion que tout soit fait, autrement qu’en irradiant, par un jet direct, du principe littéraire même. […] Et tous ces menus détails, le palais, le lac, la grande salle d’hôtel remplie de figures étrangères et résonnante d’une langue que je comprenais mal, tout cela se perd dans le rayonnement de la représentation dont les moindres détails sont demeurés gravés en moi. […] À Bayreuth, au contraire, on est pour ainsi dire forcé de sortir de soi-même, on sent comme un lien mystérieux entre soi et ces étrangers, arrivés de tous pays pour se chauffer à la même flamme, qui dégagent autour de vous le fluide de leur admiration. […] Et ce Livre, où sa double pensée, pleinement, était signifiée, le Livre, ce tout puissant suggestif de l’Idée, ce Livre qui contenait son Œuvre de Poésie et de Théologie, — Wagner le lisait, l’impérieux créateur, et, seul, dans le calme silence de son rêve, parcourant des yeux les pages multiples, et des yeux suivant les Signes, — la lettre, la note et le trait, — il voyait et il entendait, manifestement suggérés par les Signes, vivre en lui, en le merveilleux et suprême théâtre de son Imagination, le drame réel et symbolique. — Peut être, quelques uns, lisant, lisant les partitions d’orchestre, peuvent voir et entendre le Drame musical, ainsi que, tous, nous voyons et entendons, le lisant seulement, le drame littéraire, ainsi que, tous, par la seule lecture, nous suscitons, en notre esprit, les tableaux que le roman décrit ; or, ces quelques uns aussi, lisant, jouiront dans le Livre, sans obstacle et sans divertissement, des splendeurs, magiquement évoquées, du Théâtre Wagnérien idéal ; et, pure vision non troublée par les étrangères matérialités, impudentes ou hypocrites, des salles théâtrales, — en la complète vérité d’un monde imaginatif, le Sens Religieux leur apparaîtra… Le Livre serait le lieu de Représentation, au Drame métaphysique et naturaliste. […] Et, parmi les hommes aux langages, aux costumes variés, qui sont là, et se croisent, dans la gare, dans les rues, un souffle plane, d’où s’exhale, entre ces étrangers et ces inconnus, une fraternelle et joyeuse Communion.

183. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Des étrangers notons : Liszt, qui n’a pu assister qu’aux deux premières représentations, le prince Wilhelm de Hessen, le prince héritier de Hohenlohe-Langenburg, les princes de Meiningen, M. de Puttkamer, la princesse Werra de Würtemberg, le prince et la princesse Wilhelm de Würtemberg. […] Un grand nombre des artistes du théâtre et d’étrangers ont été à la gare au devant du train ; un orchestre de cuivres réuni parmi des artistes de bonne volonté jouait la marche de Tannhaeuser ; les Viennois débarquèrent au milieu des acclamations. […] Ainsi, vous vous voyez — peut-être pour la première fois de votre vie d’artistes, — appelés à vouer vos forces à un but idéal d’art, c’est-à-dire à montrer au public allemand ce dont l’Allemand est capable en son art, et en même temps à montrer aux étrangers, desquels nous avons vécu jusqu’à présent, une chose qu’ils ne pourront pas imiter. […] L’étranger : Wagner et l’étranger (L.

184. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Il aima son pays ; il le servit de ses efforts, pour la concorde au dedans et contre l’étranger. […] Surtout il maudit ce que les grands papes du moyen âge avaient tant combattu, et ce que Milan avait imprudemment réclamé, l’invasion ou le secours des armes étrangères ; nobles et vains accents, qu’il suffit de redire : « Italie, ma chère Italie ! […] et attendris-les… — Vous à qui la fortune a mis en main le gouvernement de ces belles contrées, dont il semble que vous n’ayez nulle pitié, que font ici tant d’épées étrangères ?  […] De ce génie des arts, déjà levé sur l’Occident, la Turquie n’empruntait encore que des instruments de force matérielle, l’artillerie, la construction des forts et quelques notions de marine appliquées par des renégats ; mais, loin que la confiance des Turcs fut diminuée par ce besoin de secours étrangers, elle devenait plus ambitieuse et plus hautaine, comme se sentant prédestinée à prendre captive la chrétienté tout entière, avec ses richesses et ses arts. […] « Ce superbe tyran, plein de confiance en l’appareil de ses navires, qui tient courbées les têtes de nos frères et fait travailler leurs mains au service injuste de sa puissance, abat de ses bras redoutables les cèdres à la plus haute cime et l’arbre qui se dresse le plus droit, buvant des eaux étrangères et foulant avec audace notre territoire inviolable.

185. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

J’entends le son des armes et des chars, et des voix et des timbales ; dans les contrées étrangères tes fils combattent. […] les glaives italiens combattent pour la terre étrangère. […] Oberman, étranger à toute ivresse, promène sur le monde son lent regard gris et désolé. […] Seul et presque étranger aux lieux où je suis né, Je passe le printemps qui m’était destiné. […] Il ne se trouve pas cette année à Rome de philologues étrangers de réputation.

186. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Depuis deux siecles que les anglois aiment la peinture autant qu’aucune autre nation, si l’on en excepte l’italienne, il ne s’est point établi de peintre étranger en Angleterre, qui n’ait gagné trois fois plus qu’il n’auroit pû gagner ailleurs. […] Les peintres qui fleurirent en Angleterre sous Henri VIII et sous Charles I étoient des peintres étrangers qui apporterent dans cette isle un art que les naturels du païs ne sçurent point y fixer. […] Mais ils n’ont pas sçû jusques ici se rendre propre le goût de dessein que quelques ouvriers étrangers qui se sont établis à Londres, y ont porté. […] Aussi toutes ces traductions, qui ne se réimpriment gueres, n’ont qu’une vogue passagere qu’elles doivent à l’air étranger de l’original, et à l’amour inconsideré que bien des gens ont pour les choses singulieres. […] Depuis mil quatre cens quatre vingt quatorze jusqu’en mil cinq cens vingt-neuf, l’Italie fut presque toujours en proïe à des armées, composées en grande partie de soldats étrangers.

187. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Le même air s’appliquait tour à tour aux paroles étrangères et nationales. […] Ce soin des étrangers pour l’apprendre, dut servir à le perfectionner. […] Les étrangers y apprenaient le français et s’exerçaient à l’écrire, comme un beau et savant langage. […] Le tenant était un étranger, jeune encore, d’une physionomie haute et grave. […] Cet étranger était le Dante, qui, banni de son pays, voyageait alors en France pour son instruction.

188. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il ne se vit jamais écrivain plus étranger à Vaugelas et au bon usage. […] Pendant que d’Argenson était intendant en Hainaut, Law traversa la province pour fuir à l’étranger ; d’Argenson le fit arrêter et le retint à Valenciennes jusqu’à ce qu’il eût reçu les ordres de la Cour. […] Les Français se livrent volontiers aux étrangers, et même plus volontiers qu’à leurs compatriotes ; ils font à l’étourdie les honneurs d’eux-mêmes, « de sorte que ce goût frondeur, qui domine principalement dans la bonne compagnie, ayant porté nos Français à dire mille maux de la faiblesse de la nation, de la nonchalance insurmontable du ministère pour se porter à la guerre, de l’état prétendu désespéré de nos finances, de la mollesse de nos jeunes gens », en un mot de l’abaissement de la France, il n’était pas extraordinaire que les étrangers eussent rapporté dans leur pays ces impressions puisées dans la meilleure compagnie de Paris, et eussent répandu l’idée qu’on pouvait nous braver impunément, ne plus compter avec nous.

189. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Quand notre visite eut assez duré, elle et moi nous le quittâmes, et nous étions déjà dans le passage intérieur du Temple, lorsque tout d’un coup nous entendîmes un bruit comme un tonnerre : c’était Johnson, qui, à ce qu’il paraît, après un instant de réflexion, s’était mis en tête qu’il devait faire les honneurs de sa résidence littéraire à une dame étrangère de qualité, et qui, tout empressé de se montrer galant, se précipitait du haut en bas de l’escalier dans une violente agitation. […] Sans le vouloir, elle passe à la Cour, a la ville, chez l’étranger, et dans la République des Lettres pour une des premières femmes de sa nation et de son siècle. […] Si elles reçoivent des lettres de l’étranger, elles n’oseront les décacheter ; elles les enverront au Comité de surveillance d’Auteuil, lequel, à son tour, jaloux de faire acte de zèle, les déposera dans les bureaux de la Convention : « Comité de surveillance d’Auteuil, 1793, 3 octobre. […] 5° Dans les premiers jours de son retour d’Angleterre (27 avril 1792), on a vu venir chez elle ses anciennes connaissances, ce qui a duré peu de temps… puis elle a vécu très-retirée avec sa fille (bru), son petit-fils, âgé de huit ans et demi, un instituteur réputé bon citoyen, et une Anglaise qui lui est attachée depuis trente-trois ans, veuve d’un Florentin, qui est en état d’arrestation chez elle, avec un garde, depuis la loi sur les étrangers.

190. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

On n’avait qu’à en appliquer les articles à tout le monde, aux morts comme aux vivants, aux étrangers comme aux gens du pays. […] — Prendrons-nous alors pour guide l’opinion des nations étrangères  ? […] De plus, sans compter les œuvres dont la renommée n’a jamais franchi les frontières de leur pays natal, il n’est pas rare que certains auteurs soient peu goûtés à l’étranger, précisément parce qu’ils sont trop originaux, parce qu’ils contiennent comme une quintessence de l’esprit national. […] Chaque hommage qui lui vient de l’étranger peut passer pour une consécration nouvelle de son mérite.

191. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Admis plus tard au jeu du roi, traité en pays étranger avec considération par les gouverneurs et les souverains, il est le premier à rappeler la médiocrité et plus que médiocrité de sa condition première ; il s’en souvient, ce qui fait que chacun l’oublie volontiers en lui parlant. […] Des années se passent, et ce même Gourville, devenu l’homme du roi à l’étranger, initié dans les intérêts et les caractères des personnages les plus influents des Pays-Bas et de la Hollande, est l’un des premiers à deviner le jeune prince Guillaume d’Orange, futur roi d’Angleterre, à lui donner des conseils, à le voir venir dans sa lutte couverte contre M. de Witt et à l’y applaudir ; et plus tard, quand l’habile prince a pris le dessus et est devenu seul arbitre dans son pays, Gourville, qui le visite au passage et qui en est très caressé, sait lui tenir tête en dissimulation, ne se livrer qu’autant qu’il faut, l’écarter doucement avec badinage et respect, comme il convient à celui qui représente désormais des intérêts contraires. […] Dans cette disposition peu chagrine, Gourville passe en pays étranger, il réside successivement à Bruxelles, en Angleterre, en Hollande, accueilli et recherché partout des princes et des premiers de l’État, donnant à chacun en particulier de bons conseils, et honorant le nom français par son esprit, par un excellent cuisinier (article essentiel qu’il n’oublie, jamais), et par son solide jugement. […] En pays étranger, il a l’œil à tout ; dans sa curiosité de s’instruire, il a remarqué à la fois la bizarrerie des mœurs, le naturel des peuples, le talent et la portée d’esprit des gouvernants, le fort et le faible de chaque branche d’administration ; et, tout en faisant rire dans ses relations pleines de vivacité et de saillies, il instruit l’homme d’État ou même l’homme de guerre qui l’interroge.

192. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

L’avare et l’étranger. […] Afin que le lecteur puisse contrôler les sources étrangères auxquelles je me référerai au cours de ce travail, je les indique ci-dessous en une brève notice biographique. […] Influences étrangères possibles. […] Comme contes simplement humoristiques ou satiriques, je citerai entre autres : Hâbleurs bambara. — L’avare et l’étranger ; ceux qui racontent les exploits de quelques joyeux sacripants : tels que Fountinndouha (les méfaits de Foutinndouha). — Les fourberies de M. 

193. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Si d’autres peuples ont été plus heureux, si, à l’étranger, plusieurs habitations politiques sont solides et subsistent indéfiniment, c’est qu’elles ont été construites d’une façon particulière, autour d’un noyau primitif et massif, en s’appuyant sur quelque vieil édifice central plusieurs fois raccommodé, mais toujours conservé, élargi par degrés, approprié par tâtonnements et rallonges aux besoins des habitants. […] Des lettres et journaux de voyageurs étrangers contrôlent et complètent, par des peintures indépendantes, les portraits que cette société a tracés d’elle-même.

194. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Le sentiment ne sçauroit juger de cette partie du mérite d’un poëme ou d’un tableau, qu’on peut appeller le mérite étranger, mais c’est parce que la peinture et la poësie elles-mêmes sont incapables d’en décider. […] S’il se trouve des peintres et des poëtes capables de déceler sur ce que nous avons appellé le mérite étranger dans les poëmes et dans les tableaux, c’est qu’ils ont d’autres connoissances que celles de l’art de la peinture et de l’art de la poësie.

195. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

La plus belle, la plus faible, la plus entraînante et la plus entraînée des femmes ; créant sans cesse, par une irrésistible attraction autour d’elle, un tourbillon d’amour, d’ambition, de jalousie, où chacun de ses amants est tour à tour le motif, l’instrument, la victime d’un crime ; passant, comme l’Hélène grecque, des bras d’un époux assassiné dans les bras d’un époux assassin ; semant la guerre intestine, la guerre religieuse, la guerre étrangère sous tous ses pas et finissant par mourir en sainte, après avoir vécu en Clytemnestre ; puis laissant une mémoire indécise, également défigurée par les deux partis : protestants et catholiques, les uns intéressés à tout flétrir, les autres à tout absoudre, comme si ces mêmes factions qui se l’arrachaient pendant sa vie devaient encore se l’arracher après sa mort ! […] De plus, l’Écosse, sans cesse menacée de domination ou d’envahissement par l’Angleterre, avait besoin de puissantes alliances étrangères, en Europe, pour l’aider à conserver son indépendance et pour lui fournir l’appui moral et l’appui matériel nécessaires pour contre-balancer l’or et les armes des Anglais. […] Les étrangers que cette femme nous amène ne courent-ils pas la nuit dans la bonne ville d’Édimbourg, ivres et perdus de débauche ? […] Le mariage de la reine d’Écosse était donc une question qui intéressait essentiellement Elisabeth ; selon que la princesse écossaise épouserait un prince étranger, un Écossais ou un Anglais, le sort de l’Angleterre pouvait être influencé puissamment par le roi que Marie associerait à ses couronnes. […] Le jeune Darnley, fils du comte Lenox, exclurait les princes étrangers dont la domination menacerait l’indépendance de l’Écosse et plus tard peut-être de l’Angleterre ; il donnerait à la reine un gage de bonne harmonie intérieure et de foi commune au catholicisme ; il plairait aux Anglais, car sa maison avait des biens immenses en Angleterre et habitait Londres ; enfin, il conviendrait aux Écossais, car il était Écossais de sang et de race, et les nobles d’Écosse se surbordonneraient plus volontiers à un de leurs plus grands compatriotes qu’à un Anglais ou à un étranger.

196. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Il n’est pas étranger à ce sentiment ; car il est homme ; mais il est, de tous les hommes peut-être, le plus étranger à ce sentiment. […] L’une des deux était-elle « étrangère » ou amie de l’étranger, ou cosmopolite ? […] Elles obéissent, elles sont tenues d’obéir à un mot d’ordre étranger. […] Il n’y a aucune popularité à se faire avec la politique étrangère. […] A l’étranger on dit : « Qu’est-ce que c’est que la France ?

197. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Ni en six mois ni en six ans on n’atteint à ce qu’il y a d’essentiel dans l’âme étrangère. […] Dans son clair génie, il n’y a nulle infiltration du génie étranger. […] Il possède avec presque autant de sûreté les grandes littératures étrangères. […] C’est ce guide qui nous fait défaut quand il s’agit d’une histoire étrangère. — La difficulté se double d’une autre quand ce pays étranger est un ennemi, et cet ennemi, un vainqueur. […] Lavisse se multiplie dans Paris ; il se transporte on province ; il va à l’étranger : il voyage.

198. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Ces pièces des étrangers, surprises et lues, donnèrent dès lors à Henri IV une idée juste de la conduite du président Jeannin, et il le lui dira plus tard. […] Quoi qu’il en soit de cette explication, l’esprit de Paris s’était fort modifié depuis lors ; les Seize et les zélés purent jusqu’à la fin y faire leurs jeux, parades et démonstrations publiques, sous la protection des étrangers, « le reste de la ville était las d’eux et de la guerre ». Choisir Paris pour le lieu de la tenue des États était donc un coup de maître ; c’était choisir un milieu relativement modéré, empêcher l’assemblée de se trop émanciper si elle en avait envie, et si elle était tentée de faire une royauté irréconciliable et non nationale ; c’était empêcher une armée étrangère de s’emparer du lieu où les États siégeaient et de les tenir en sujétion ; c’était à la fois brider Paris, en y étant présent, et pouvoir aviser à tout.

199. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

L’intime pensée des hommes n’est point l’objet de leur inquiétude ; le suffrage des étrangers n’enflamme point leurs désirs ; le pouvoir, c’est-à-dire, le droit d’influer sur les pensées extérieures et d’être loué partout où l’on commande, voilà ce qu’obtient l’ambition. […] Dioclétien peut quitter le trône, Charles II peut le conserver en paix ; l’un est un philosophe, l’autre est un Épicurien ; ils possèdent tous deux cette couronne, objet des vœux des ambitieux ; mais ils font du trône une condition privée, et leurs qualités, comme leurs défauts, les rendent absolument étrangers à l’ambition dont leur existence serait le but. […] Ce qui est grand et juste d’une manière absolue, n’est donc plus reconnu ; tout est estimé dans son rapport avec les passions du moment : les étrangers n’ont aucun moyen de connaître l’estime qu’ils doivent à une conduite que tous les témoins ont blâmée ; aucune voix même, peut-être, ne la rapportera fidèlement à la postérité.

200. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Aux anciens se joindront les étrangers : les Anglais, avec Shakespeare, Milton, Macaulay, quelques romanciers et poètes du xixe  siècle ; les Allemands, avec quelques œuvres de Goethe et de Schiller, et sans Klopstock. […] Quelques bons ouvrages de critique féconde et d’érudition sans vétilles aideront à comprendre les anciens et les étrangers, comme aussi à s’orienter dans la littérature française. […] Enfin je voudrais ouvrir largement le xixe  siècle aux jeunes gens, sans exclure aucun genre et sans craindre d’accueillir des œuvres que la postérité ne recueillera pas ; ils y trouveront, sous une forme nouvelle et appropriée à leur façon de sentir, de penser et de parler, la plupart des idées qu’ils auront précédemment tirées des anciens, des étrangers et des classiques.

201. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Vous vous rappelez les propos mélancoliques de Fantasio sur un monsieur qui passe : « … Je suis sûr que cet homme-là a dans la tête un millier d’idées qui me sont absolument étrangères ; son essence lui est particulière. […] Je pourrai les admirer ; ils me communiqueront peut-être ou me suggéreront des idées des sentiments que je n’aurais pas eus sans eux ; mais j’ai, du premier coup, la certitude que je ne les aimerai jamais, que je n’aurai jamais avec eux aucune intimité, aucun abandon, et qu’ils seront éternellement pour moi des étrangers. […] C’est un maître écrivain, éloquent, abondant, magnifique, précieux, à panaches, à fusées, extraordinairement dénué de simplicité… Avec cela, il m’est plus étranger qu’Homère ou Valmiki.

202. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Une telle idée était profondément étrangère à l’esprit juif ; il n’y en a nulle trace dans les évangiles synoptiques 692 ; on ne la trouve indiquée que dans des parties de l’évangile de Jean qui ne peuvent être acceptées comme un écho de la pensée de Jésus. […] Jésus paraît être resté étranger à ces raffinements de théologie, qui devaient bientôt remplir le monde de disputes stériles. […] Mais le développement qu’a pris la doctrine du Minokhired chez les Parsis est moderne et peut impliquer une influence étrangère.

203. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Elle cassa ensuite le vase, selon un vieil usage qui consistait à briser la vaisselle dont on s’était servi pour traiter un étranger de distinction 1048. […] Un petit événement, comme l’entrée d’un étranger quelque peu célèbre, ou l’arrivée d’une bande de provinciaux, ou un mouvement du peuple aux avenues de la ville, ne pouvait manquer, dans les circonstances ordinaires, d’être vite ébruité. […] Jérusalem, ces jours-là, appartenait aux étrangers.

204. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Un homme, un étranger s’était pendu à l’Arbre. […] Il se méfie des étrangers, et son mal empire à ce point qu’il va jusqu’à préférer le suicide aux tortures que lui inflige l’indifférence de Neele. Toutes les nuits, il est hanté par le souvenir du pendu, qui le poursuit dans ses rêves comme dans ses veilles, jusqu’au lugubre soir d’hiver où il imite l’exemple maudit de l’étranger. Les étrangers sont repartis, mais la consternation règne dans l’île. […] Alors, celle-ci avoue, dans la violence de son émotion ; elle avoue qu’elle a été séduite par un des étrangers, qu’elle s’est donnée à lui, et qu’elle est grosse.

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