Le moment. […] Selon qu’on prend la table à un moment ou à un autre, l’empreinte est différente ; et cela suffit pour que l’effet total soit différent. […] La question posée en ce moment est celle-ci : Étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui la produit ? et quelles sont les conditions de race, de moment et de milieu les plus propres à produire cet état moral ? […] À ce moment et dans ces pays, les conditions se sont trouvées remplies pour un art, et non pour les autres, et, une branche seule a bourgeonné dans la stérilité générale.
Mais nos parterres, ni même nos orchestres, ne sont pas tout à fait composés de Talleyrands : le dialogue paraît donc suffisamment vrai ; s’il étonnait par moments, on se dirait : C’était comme cela alors. […] Le moment où, écrivant au roi pour son compte, elle laisse reconnaître au duc son écriture, et répond à ses étonnements, sans cesser d’écrire, par ce brusque : Vous ne devinez pas ! ce moment et cette parole achèvent le caractère. […] Il y a dans le rôle de très beaux moments, dont mademoiselle Mars tire le parti qu’elle sait toujours tirer et quelquefois créer : je ne fais que rappeler le Vous mentez ! […] » Le duc, tout ému qu’il est lui-même en ce moment, a dû sourire à ce brevet de meilleur ami qui lui tombe dans une bénédiction nuptiale, peut-être y aurait-il un petit acte purement comique à ajouter au drame : Deux Ans après.
C’était drôle, ce memento mori qu’on heurtait, à tout moment, dans cette petite fête, autour du monde. […] la critique d’art du moment ! […] Et pour plaire, en ce moment, où l’on avait une chemise, lavée à la diable par un brosseur, c’était difficile. […] Daudet est, dans le moment, tout pris, tout absorbé, tout dominé par la lecture des Entretiens d’Eckermann avec Gœthe. […] Un moment, elle parle de la force nerveuse, que donnent les planches, et de sa crainte de jeter dans l’orchestre, la grande Adèle, quand elle la bouscule, à la fin du tableau des fortifications.
Un moment elle espéra avoir trouvé ce chantre divin dans M. […] On s’est trop habitué de nos jours à mettre l’idée de force dans le coup de collier d’un moment et dans un va-tout ruineux. […] Il y eut des moments difficiles. […] Il a donné pour nœud à sa pièce le moment décisif où un jeune orateur politique, idolâtre de l’opinion, et arrivé au comble de la faveur populaire, se trouve tout d’un coup en demeure de choisir entre cette orageuse faveur et son devoir. […] C’est donc le moment ou jamais, pour les talents purs, d’être tout entiers eux-mêmes.
Cette âme droite, juste et noble, s’était de bonne heure fixée, et, à aucun moment depuis, elle ne vacilla. […] Si jusque-là la timidité de Louis XVI auprès de sa jeune épouse avait été extrême, sa passion à ce moment ne l’était pas moins, et cette enfant, qui en était le premier fruit, devait être en grande partie son image. […] L’opinion de la ville lui était toute favorable et dévouée ; c’étaient les troupes et la garnison qui semblaient incertaines, du moment que l’aigle et le grand capitaine reparaissaient. […] Depuis ce moment de 1815, on ne saurait remontrer Mme d’Angoulême dans aucun acte politique proprement dit, et toute sa vie fut de famille et d’intérieur. […] Dans les moments où le malheur faisait trêve autour d’elle, on remarquait qu’elle aurait eu volontiers dans l’esprit ou dans l’humeur une certaine gaieté dont elle n’eut, hélas !
Sans doute il y aura un moment de bruit, de mouvement, de tumulte, de flux, de reflux, d’ondulations ; c’est le moment où chacun ne pense qu’à soi, et cherche à se sacrifier la république entière. […] Et le moment du tumulte et le moment du repos ont cela de commun que chacun s’y montre ce qu’il est. […] Cependant, comme sur un visage où régnait la douleur et où l’on a fait poindre la joie, je retrouverai la passion présente confondue parmi les vestiges de la passion qui passe, il peut aussi rester au moment que le peintre a choisi, soit dans les attitudes, soit dans les caractères, soit dans les actions, des traces subsistantes du moment qui a précédé. […] J’aimerais donc mieux, s’il était possible, reculer le moment de l’action, pour être énergique, et me débarrasser des paresseux. […] Ceux-ci regardent les premiers comme des têtes étroites, sans idées, sans poésie, sans grandeur, sans élévation, sans génie, qui vont se traînant servilement d’après la nature qu’ils n’osent perdre un moment de vue.
J’avais un moment imaginé de le faire jouer au billard. […] Un moment c’est un affolement. […] » C’est la consolation du moment. […] Que voulez-vous dans ce moment ! […] En ce moment une grande mortalité à Paris.
On a déjà dit qu’il pleuvait, et puis le Diable en personne s’en était mêlé ce jour-là, et du moment que le Diable s’en mêle, c’est assez. […] Elle ne comprend pas toute la puissance du désir qu’elle inspire ; elle ne le ressent pas : tout au plus elle daignera par moments faire semblant de le partager et de le ressentir. […] Il y a des moments où il exprime ce vœu avec une énergie qui devait dépasser le but et faire reculer celle qu’il ne pouvait convertir et entraîner : « Je voudrais faire de l’amour un autre monde où rien ne fût de celui-ci. […] lui disait Michel en ces moments, je hais pourtant la vulgarité plus que vous peut-être ; mais je la vois ailleurs et là où vous ne la voyez pas… Tout est relatif ; ce qui vous manque à vous, Marie, c’est de la vulgarité. » Il y a d’autres moments où Michel est plus dans le possible avec elle, où il entre mieux dans-ce qui peut atteindre un cœur de femme et le toucher. […] ne vous souvenez-vous pas avec quelque joie au cœur de ce doux moment qui a commencé nos rapports, de cette soudaine et délicieuse intelligence… Mais les femmes ne veulent croire qu’à l’amour parlé ; il faut leur chanter les désirs, il faut prêcher quand le cœur bat.
Le moment sera affreux, mais j’ai du courage, et pourvu que les honnêtes gens nous soutiennent sans s’exposer inutilement, je crois avoir assez de force en moi pour en donner aux autres. […] Le beau moment moral de la reine — un long moment — commence avec les journées d’octobre, c’est-à-dire avec sa captivité. […] Rappelle à ton mari qu’il me dit au mois de juillet que j’étais à peu près la seule qui vît juste dans ce moment. […] Ce fut vers ce moment que l’idée de recourir à Mirabeau germa dans les têtes royales, soit qu’elle y vînt d’elle-même, soit qu’elle eût été suggérée. […] On aurait plus d’une explication de ce genre à demander… Mais nous ne sommes en ce moment qu’un simple lecteur ; les historiens à venir seront, j’en avertis, plus curieux et plus exigeants.
Et en ce moment que fait-il encore ? […] Supposez que, dans le poème de l’Iliade, une syllabe soit douée, un moment, d’âme et de vie : cette syllabe, placée comme elle l’est, pourrait-elle comprendre le sens et le plan général du poème ? […] Comme s’il n’y avait pas des moments d’ailleurs où, pour défendre Rome, il faut aller attaquer Carthage ! […] Chez les historiens modernes, qui se sont élevés à des considérations générales et toutes raisonnées, la Providence intervient seulement par endroits et, si l’on peut dire, dans les grands moments. […] Pour moi, je crois que, du moment qu’elle y regarde, il lui suffit d’un seul regard et d’une seule mesure pour tous.
Ici la volonté peut beaucoup, et l’on serait coupable de choisir, pour se décourager et se ralentir, le moment où l’activité de tous, au signal et à l’appel d’un seul, reprend l’essor et se déploie. […] Il a eu, en paraissant, un succès prodigieux, qui a fait un moment concurrence aux premiers événements de la Révolution, et qui a duré tant qu’ont vécu nos pères. […] Les détails où il faut entrer sans cesse, et qui recommencent chaque jour, ne le lassent point ; loin d’être jamais un ennui, ils lui paraissent une source de plaisirs : Consacrons à l’amitié, dit-il, les moments dont les autres devoirs nous permettent de disposer ; moments délicieux qui arrivent si lentement et qui s’écoulent si vite, où tout ce qu’on dit est sincère, et tout ce qu’on promet est durable ; moments où les cœurs à découvert et libres de contrainte savent donner tant d’importance aux plus petites choses, et se confient sans peine des secrets qui resserrent leurs liens ; moments enfin où le silence même prouve que les âmes peuvent être heureuses par la seule présence l’une de l’autre ; car ce silence n’opère ni le dégoût ni l’ennui. […] Cette bonne grâce fit un moment la nouvelle de tout Paris (novembre 1762). […] Pendant le ministère du duc de Choiseul, les pensions, les bénéfices, les sinécures, ne cessèrent de pleuvoir sur lui, au point de lui faire à un moment un revenu total annuel d’environ 40 000 livres.
Son âme, qui se formait à ce moment, y contracta pour jamais ce quelque chose de libéral, mais de sage, qui ne cessa pas d’être sa mesure au milieu des orages qu’il eut à traverser. […] Il y a ainsi un moment dans chaque vie distinguée où tout s’accumule et conspire, et ne demande qu’à éclore. […] Il tendait à substituer aux jugements passionnés et contradictoires une critique relative, proportionnée, explicative, historique enfin, mais qui n’était pas dénuée de principes ; loin de là, une sorte d’austérité y mesurait à chaque moment l’indulgence. […] Que ce soit un habit de savant, et qui même n’ait jamais été à aucun moment taillé dans le dernier goût, c’est très-vrai encore. […] Il est des moments, rares, il est vrai, mais indiqués, où l’historien intervient à bon droit dans le fait et le prend en main ; et, quand le lecteur sent qu’il a affaire à une pensée ferme et sûre, il aime cela.
Nouvelle défense et interdiction au dernier moment, en raison du procès pendant de Beaumarchais devant le Parlement. […] Il a tout son esprit à tous les instants ; il le dépense, il le prodigue, il y a des moments même où il en fait, c’est alors qu’il tombe dans les lazzis, les calembours ; mais le plus souvent il n’a qu’à suivre son jet et à se laisser faire. […] Il y a des moments où il semble que la société tout entière réponde aux avis du docteur comme Figaro : « Ma foi ! […] Les pauvres camarades de son mari, touchés de son triste sort, se sont tous cotisés pour la faire vivre un moment. […] Son plus beau moment était passé.
Il semble, à certains moments, hésiter entre sa première vocation aventureuse, et sa seconde et dernière vocation qui est d’écrire. […] Je conjecture que ce moment de crise bizarre n’est pas éloigné de celui où il écrivait cette jolie lettre, qu’on vient de lire, à M. […] Je ne me plaindrai point, monsieur, du ton que vous avez pris avec moi, parce que je ne veux pas vous aigrir dans un moment où vous vous égarez. […] Vous êtes bon, simple, modeste, et il y a des moments où vous semblez avoir pris pour modèle votre ami Jean-Jacques, le plus vain de tous les hommes. […] Il y a un moment où le souvenir encore fidèle s’idéalise et s’enflamme
On assure qu’en allant choisir à ce moment le père Lacordaire, dont elle aurait pu se souvenir plus tôt, elle a songé à autre chose encore ; je veux dire qu’elle a désiré voir appliquer ce beau talent d’orateur à un sujet qui lui était particulièrement cher, au panégyrique d’un éminent académicien mort avant l’âge et enlevé dans la ferveur de ses œuvres. […] Lacordaire a pu hésiter un moment avant d’accepter les avances de l’Académie (et on assure qu’il a hésité en effet), il y a quelque chose qui a dû le décider plus que tout, lui orateur et depuis quelques années réduit au silence ; c’est la pensée d’une telle joute, la perspective d’une telle journée. […] Guizot a parlé ; et, en tout, cet improvisateur ardent, hasardeux, assujetti cette fois au débit académique, me faisait l’effet d’un oiseau de haut vol, attaché et retenu par un fil ; il y avait des moments où l’on aurait dit qu’il allait prendre son essor ; mais le fil était court, l’essor se brisait, et l’on n’avait qu’un vol saccadé. […] Ç’a été le sujet d’un long parallèle, dans lequel tous les avantages, toutes les vertus, toutes les piétés ont été libéralement reconnus ou octroyés au démocrate américain ; quant à l’européen, il a été si maltraité que j’aurais vraiment envie de dire quelque chose en sa faveur et à sa décharge, si c’était le moment et le lieu. […] Guizot a pourtant voulu le prolonger encore et l’agrandir ; ces éloquences faites pour de plus vastes théâtres débordent à tout moment leur cadre.
Le moment politique est grave : personne ne le conteste, et l’auteur de ce livre moins que personne. […] Sans doute, en un pareil moment, au milieu d’un si orageux conflit de toutes les choses et de tous les hommes, en présence de ce concile tumultueux de toutes les idées, de toutes les croyances, de toutes les erreurs, occupées à rédiger et à débattre en discussion publique la formule de l’humanité au dix-neuvième siècle, c’est folie de publier un volume de pauvres vers désintéressés. […] Sans doute il y a des moments où les affaires matérielles de la société vont mal, où le courant ne les porte pas, où, accrochées à tous les accidents politiques qui se rencontrent chemin faisant, elles se gênent, s’engorgent, se barrent et s’embarrassent les unes dans les autres. […] Hâtons-nous de déclarer ici, car il en est peut-être temps, que dans tout ce que l’auteur de ce livre vient de dire pour expliquer l’opportunité d’un volume de véritable poésie qui apparaîtrait dans un moment où il y a tant de prose dans les esprits, et à cause de cette prose même, il est très loin d’avoir voulu faire la moindre allusion à son propre ouvrage. […] Il attend pour le publier un moment plus littéraire.
Dans ce moment de malédiction contre Charles X, le quatrième acte, défendu par Charles X, leur semblait promis à un succès de réaction politique. […] C’est quelque chose, c’est beaucoup, c’est tout pour les hommes d’art, dans ce moment de préoccupations politiques, qu’une affaire littéraire soit prise littérairement. […] Le public, cela devait être et cela est, n’a jamais été meilleur, n’a jamais été plus éclairé et plus grave qu’en ce moment. […] Certes, selon nous, jamais moment n’a été plus propice au drame. […] tout est toujours possible à tous les moments donnés, et jamais plus de choses ne furent possibles qu’au temps où nous vivons.
Oubliant pour un moment ses petites compositions qui me fourniront des choses agréables à lui dire, j’en viens tout de suite à son tableau de la Piété filiale, qu’on intitulerait mieux : De la récompense de la bonne éducation donnée. […] Tout est rapporté au principal personnage et ce qu’on fait dans le moment présent, et ce qu’on faisait dans le moment précédent. […] Le moment qu’ils demandent est un moment commun, sans intérêt ; celui que le peintre a choisi, est particulier. […] Ce tableau est beau et très beau, et malheur à celui qui peut le considérer un moment de sang-froid !
Nous-même, en ce moment, nous n’irons pas avec lui au delà du romancier. […] Arthur lui-même, à part ces cruels moments, est accompli de façons et presque charmant de cœur ; et cependant, le dirai-je ? […] Villars, vainqueur d’Hochstedt, y fut employé, et y parut tenu en échec un moment. […] Mais, à partir de ce moment, on entre dans la guerre civile, dans les représailles sanglantes et sans issue. […] Cette dévouée Toinon, qui ne songe qu’à sauver son beau capitaine Florac, a par moments quelques faux airs de la Esmeralda suivant son Phœbus.
Mais, au moment d’attaquer le problème, je n’ose trop compter sur l’appui des systèmes philosophiques. […] ce moment ne viendra jamais. […] Je vous défie de prouver, par expérience ou par raisonnement, que moi, qui vous parle en ce moment, je sois un être conscient. […] Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? […] je le crois, mais je n’insisterai pas là-dessus pour le moment.
. — La représentation, conception ou idée reconnue comme telle n’est que le même fait en ses deux moments, à l’état d’illusion et à l’état d’illusion réprimée. — Procédé commun par lequel s’édifient toutes nos espèces de connaissances. […] À ce moment, complétée par des détails précis, et confrontée avec les images abréviatives par lesquelles nous résumons une journée, une semaine, elle a glissé une seconde fois en arrière, au-delà de la journée présente, de la journée d’hier, de la journée d’avant-hier, de la semaine, plus loin encore, au-delà de la masse mal délimitée que constituent nos souvenirs prochains. […] À ce moment, nous la déclarons simple image, et la rectification est complète. — De ce genre sont tous ces événements intérieurs que l’on nomme pures conceptions, pures imaginations, et en général pures idées. […] Ils arrivent à se donner des moments d’hallucination ; mais ce ne sont que des moments. […] Nous la dédoublons parce qu’elle a deux moments, le premier, dans lequel elle paraît objet extérieur ou événement passé, rideau de peupliers ou sensation visuelle antérieure, le second, dans lequel, étant rectifiée, elle paraît événement interne et présent, fantôme optique actuel et inclus en nous-mêmes.
je ne sais, — je le priais de m’attendre, un moment, dans le passage des Panoramas, il m’a dit devant la grille du boulevard : « C’est là, n’est-ce pas ? […] si l’on pouvait lire ce qui se passe dans une cervelle, en ces moments-là ! […] Ce n’a été qu’un bien court moment. […] … Un autre a repris : « C’est le moment, si Monsieur a quelque souvenir à mettre dans la bière ? » J’ai dit au jardinier : « Allez couper toutes les roses du jardin, qu’il emporte là-bas au moins cela de cette maison, qu’il a un moment tant aimée !
Quelques-uns à peine survivent, dispersés et inconsolés aujourd’hui ; et ceux qui n’ont fait que traverser un moment ce monde d’élite, ont le droit et presque le devoir d’en parler comme d’une chose qui intéresse désormais chacun et qui est devenue de l’histoire. […] Mais la solennité de ce cercle Rambouillet convient peu à l’idée que je voudrais réveiller en ce moment, et j’irais plutôt chercher dans des coins de monde plus discrets et plus réservés les véritables précédents du genre de salons dont le dernier sous nos yeux vient de finir. […] Pour être vrai, j’ai besoin de baisser un peu le ton, de descendre un moment de cette hauteur idéale de Laure et de Béatrix où l’on s’est accoutumé à la placer, de causer d’elle enfin plus familièrement et en prose. […] Ève est dans cet extrême moment d’innocence où l’on joue avec le danger, où l’on en cause tout bas avec soi-même ou avec un autre. […] C’est de ce moment que date le vif sentiment de Bernadotte pour elle ; il ne la connaissait point auparavant.
Elle occupait alors un appartement dans l’hôtel où M. de Lavalette habitait aussi ; le rencontrant dans le premier moment où la nouvelle éclatait, elle lui exprima énergiquement ses craintes. […] Quelle fut, dans le premier moment, l’impression de Mme de Staël à la nouvelle de ce changement de système et de cette complète adhésion qu’y donnaient plusieurs de ses amis ? […] Craufurd, ministre des États-Unis à Paris, qui, en ce moment, quittait ce poste pour aller occuper celui de secrétaire d’État de la guerre dans le cabinet de Washington. […] J’aimerais à accepter l’augure, mais il n’y a que l’avenir pour savoir ces choses : je me borne à observer, non sans crainte, que le moment actuel est périlleux et critique pour cette gloire qui nous est chère. […] J’ai en ce moment présente à l’esprit une épreuve à laquelle je les ai vues bien souvent soumises et dans fort peu de cas résister.
Talleyrand est donc rentré en France sous le Directoire ; l’ancien constituant a été amnistié, et mieux qu’amnistié ; mais du moment qu’il a remis le pied dans Paris, ce n’est pas pour y rester observateur passif et insignifiant : partout où il est, il renoue ses fils, il trame, il intrigue ; il faut qu’il soit du pouvoir, et il en sera. […] Recevez-en mon compliment de cœur, mon général ; les expressions manquent pour vous dire tout ce qu’on voudrait en ce moment. […] Les choses du devant en souffrent : il n’y a pas de vraie grandeur possible avec cela, et on ne peut même, à ce prix, être un grand politique que par éclairs et dans de rares moments. […] — À quoi on peut répondre : Les plus avisés se trompent quelquefois ; Talleyrand put avoir ce jour-là un excès de zèle ; les Bourbons étaient bien loin en 1804, et Talleyrand était homme, à ce moment, à parier tout à fait et à risquer son va-tout du côté de l’Empire. […] Ce moment de faiblesse le frappa, et à dîner et pendant toute la soirée, il ne cessait de répéter entre ses dents : « Général Bonaparte, cela n’est pas correct. » Montrond était plus aguerri pour certaines choses que Napoléon lui-même : c’était un Talleyrand à cheval.
Dans le premier moment, sa mère furieuse accourut et se jeta sur la gouvernante qu’elle voulut tuer ; elle accusa les employés du tsar et les hommes de Boris qui avaient fonction de surveillance dans la maison. […] Tous les ordres de l’État le supplièrent donc de régner : le peuple même, effrayé de la menace d’une invasion tartare, surmonta un moment son aversion et fit entendre ses prières. […] À voir par moments tous ces faux personnages sortir çà et là, on dirait quelque chose comme une épidémie. […] Du moment qu’il a passé la frontière en armes, il semble que l’imagination nationale salue en lui le fantôme qu’elle s’est créé, et qu’elle a baptisé du nom de son vengeur. […] Les Polonais imposent un tsar, fils de leur roi Sigismond ; on dirait que la Pologne, sortie de ses plaines, déborde à ce moment sur la Russie.
On ne vous mandera pas que par ma contenance je donne lieu de croire que je le trouve tel ; mais on passe de mauvaises nuits. » Fénelon n’était pas dans le secret de ces mauvaises nuits, et il en restait sur l’air d’audace et de fête du personnage, sur ses allures de bal et de plaisir aux plus graves moments. […] Cependant Villars ne cessait de représenter les inconvénients du misérable système qu’on suivait et le terme fatal où il devait aboutir, du moment que la paix n’était qu’un leurre et qu’elle reculait toujours. […] Le roi rêva un moment et lui répondit : « On ne croira jamais que, sans m’en avoir demandé permission, vous parliez de ce qui s’est passé entre vous et moi. […] Enfin il l’aperçoit, et lui voit faire sa disposition pour l’attaquer ; et dans le moment, il jugea le retranchement perdu et forcé. […] Mignet, à qui il a dû l’idée et en partie les éléments de son travail, s’est inscrit en faux contre le mot de Napoléon en l’honneur de Villars, et s’est appliqué à montrer que du moment que la paix se faisait avec l’Angleterre, il n’y avait plus de danger réel pour la France.
Il y a un moment où la nature des choses se révolte et fait payer cher au génie lui-même ses abus de puissance et de bonheur. […] Le tout, pour cette race de mortels à part, est de bien prendre son moment, de bien proportionner son audace, et de faire valoir encore dans une certaine juste mesure le droit du lion. […] Ceux-là, si leur position devenait mauvaise un moment, on avait le temps d’accourir à leur aide et de les sauver ! […] En apprenant ce désastre du général Dupont, Napoléon, qui était alors à Bordeaux, entra en fureur ; dans le premier moment de colère, il parlait de le faire fusiller, lui et tous les auteurs de la capitulation. […] Tout lecteur attentif devient un moment le prince Berthier.
Mlle de Lespinasse, à un certain moment, s’est brouillée à mort avec Mme Du Deffand, après avoir vécu dix années dans l’intimité avec elle. […] La lutte commence, elle ne cessera plus un moment. […] C’est ici qu’il est impossible, avec un peu d’attention, de ne pas noter un moment décisif, le moment qu’il faudrait voiler, et qui répond à celui de la grotte dans l’épisode de Didon. […] À partir de ce moment, la passion est au comble, et, durant les deux volumes, il n’y a plus une page qui ne soit de flamme. […] Le pauvre d’Alembert, qui demeure sous le même toit, essaie vainement de la consoler, de l’entretenir ; il ne peut comprendre qu’elle le repousse par moments avec une sorte d’horreur.
Il y a un moment touchant, c’est celui où M. de Suhm, nommé par la cour de Dresde envoyé extraordinaire en Russie, quitte Berlin pour Pétersbourg (novembre 1736). […] c’est dans ce moment que je sens toute la force du doux lien qui m’attache au plus aimable, au plus vertueux des mortels que la bonté du ciel m’ait fait rencontrer sur la terre pendant le pèlerinage de mes jours. […] c’est dans ce moment que je sens tout ce qu’il m’en coûte à rompre ce lien. […] Ce n’est qu’avec bien de la peine que j’apprends, par votre lettre du 12, que vous touchez à votre dernier moment. […] ne dure qu’un moment : c’est assez, pour honorer une âme, qu’il l’ait une fois embrasée purement dans les années fécondes.
L’unique question, ici, est de savoir si l’événement a bien eu lieu à tel moment déterminé du temps, en tel point déterminé de l’espace, et comment il s’est produit. […] Or, au moment même où le mari tombait, la femme eut la vision de la scène, vision précise, de tous points conforme à la réalité. […] Je n’ai que faire de la comparaison du nombre des « cas vrais » à celui des « cas faux » ; la statistique n’a rien à voir ici ; le cas unique qu’on me présente me suffit, du moment que je le prends avec tout ce qu’il contient. […] Eh bien, le moment est venu de regarder cette hypothèse en face et de se demander ce qu’elle vaut. […] Encore ne tenons-nous pas compte de la coïncidence dans le temps, c’est-à-dire du fait que les deux scènes dont le contenu est identique ont choisi, pour apparaître, le même moment.
Et dans les moments de repos, une longue contemplation du profil en bronze de mon frère, posé sur la table de travail, de mon frère si ressemblant, par moment, sous des coups de jour cherchés par moi, et qui me le font revoir dans la vie de son joli et spirituel visage. […] Mais va te faire fiche… dans le moment elle ne fait plus du tout de vers. […] ce pauvre Nord est-il battu en ce moment par le Midi ! […] Ce matin, un moment d’endormement trouble, dans lequel j’ai rêvé ceci. […] Un moment, Daudet a été joliment verveux.
Je n’oserais affirmer le contraire, et pourtant, du moment qu’on en veut juger en toute connaissance de cause, comme c’est la prétention de la critique, voilà l’interminable voyage qui recommence. […] Je fais mon métier avec conscience, avec goût même ; mais il y a des moments où les tracas de cette boutique me font regretter, comme le barreau à Cicéron, les champs, le loisir des Muses et les entretiens d’amis à Tusculum. […] Et chez La Fontaine, quels vers à tout moment délicieux et d’une image insensible ! […] Mais le ménagement a manqué ; l’innovation, par moments, est allée jusqu’à la gageure ; il semble que le poëte se soit amusé à outrer les coups. […] On s’y met tout entier ; on s’en exagère la valeur dans le moment même, on en mesure l’importance au bruit, et si cela mène à mieux faire, il n’y a pas grand mal après tout.
Charmant petit Persée, tu me procureras un moment bien agréable. […] Et, après un moment, il se trouva que c’était vous. […] Le moment de l’intérêt et de la curiosité a passé trop vite. […] Je vois, j’écoute, et jusqu’à ce moment je n’envie pas les plaisirs du grand monde. […] Laboulaye et Lanfrey n’en font pas moins un très-grand citoyen à ce même moment.
A quel moment précis ses convictions religieuses reçurent-elles modification et atteinte ? […] Daunou, dans l’Oratoire, une grande réputation d’écrivain, que venait confirmer au même moment un accessit remporté à l’Académie de Berlin. […] Daunou à ce moment est une Épître à Fléchier, imprimée dans le Journal encyclopédique (juin 1789). […] Il faut choisir : nous nous bornerons à le prendre à deux ou trois moments qui nous le peindront. […] Quelques faits toutefois permettront le doute un moment.
A ce moment précis je sais ma leçon par cœur ; on dit qu’elle est devenue souvenir, qu’elle s’est imprimée dans ma mémoire. […] Au contraire, l’enregistrement, par la mémoire, de faits et d’images uniques en leur genre se poursuit à tous les moments de la durée. […] Il en commence le dessin en un point quelconque, vérifiant à tout moment s’il reste d’accord avec le modèle. […] Mais le moment est venu de sortir de ces généralités. […] Pourtant il faudra bien rétablir, sous une forme ou sous une autre, à un moment ou à un autre, la continuité rompue des trois termes.
Un moment, elle regarde de mon côté, sans me voir, et je retrouve la vie ardente de son œil, mêlée à cette ironie diabolique, indéfinissable chez cette femme honnête. […] Cette vie, la voilà, telle qu’il me la conte, la coupant, à tout moment, de petits rires silencieux, un peu extravagants. […] Il y en a encore de plus reculées, qui ne sont éclairées que par la lune, mais où pénètrent, à tout moment, des danseurs. […] » Et après un moment de réflexion : « Quatre même ! […] Et, à ce moment, les choses que vous lui dites, pour arriver à lui, semblent parcourir des distances immenses.
C’est curieux dans ce moment l’influence du café-concert, et la prise de possession des cervelles par la chansonnette. […] Et il arrivait, un moment, où les deux hommes parlaient de leurs anciennes amours. […] » C’était la doctrine du moment. […] Ç’a été un peu comme ça, tout le long de ma carrière littéraire, mais dans ce moment-ci vraiment la malchance a pris des proportions grandioses, une intensité suicidante. […] Il m’entretient de sa fatigue, de sa lassitude de corps, que chasse, un moment, son heure d’armes de tous les matins.
Moment unique et rapide qu’il a essayé de ressaisir plus d’une fois, de retracer dans ses vers, et qui nous en marque aujourd’hui les plus doux passages. […] Ses poésies et ses inspirations, du moment qu’elles cessent d’être intimes, ne sont pour la plupart que le reflet ardent et mélangé, le conflit des divers éclairs qui se croisaient orageusement alors dans l’atmosphère politique. […] C’était le moment du grand succès de Barthélemy, et sa Némésis produisait çà et là des imitations et des contrefaçons où il n’entrait guère que des violences. […] Il produit dans un moment donné tout son effet. […] Tout poète doit obéir au souffle, mais que ce soit surtout à celui du dedans. — Et pour résumer, non pas mon jugement (ce serait prématuré), mais tout mon vœu sur lui, je dirai : Il a en ce moment la vogue, il a ce que tant d’autres, et des plus dignes, ont vainement attendu toute leur vie, l’attention et le regard du public ; il a le cri du moment, comme dit le poète ; il chante pendant des heures, et on l’écoute, on l’applaudit ; il a de l’action.
Cette fois, il menaçait assez nettement de déserter à l’ennemi : il en eut sans doute regret dans le second moment. […] Il eut un beau moment en 1716 et qui sembla tout réparer. […] Le courant de l’opinion était pour lui en ce moment ; c’était un souffle général de faveur. […] Il y eut même un moment (30 novembre 1738) où il se vit exilé en Asie. […] Il y avait des moments pénibles où l’homme de la famille, de la patrie, je n’oserais dire de la religion, se réveillait en lui.
Mais je n’insisterai pas là-dessus pour le moment. […] Je me rappelle en ce moment le livre du marquis d’Hervey sur les rêves. […] » Réveil brusque à ce moment. […] Ta vie, à l’état de veille, est donc une vie de travail, même quand tu crois ne rien faire, car à tout moment tu dois choisir, et à tout moment exclure. […] Tu ne t’en rends pas compte sur le moment, pas plus que tu ne sens la pression de l’atmosphère.
C’est ce moment, — le vraiment beau moment de M. […] Le principe et le mérite du romantisme, selon sa définition familière et entre amis, est « d’administrer à un public la drogue juste qui lui fera plaisir dans un lieu et à un moment donnés » ; ce qui ne veut pas dire du tout que la drogue qui a réussi en un cas et dans un pays réussira également ailleurs. […] Et c’est ainsi qu’écrit un homme qui se fait juge des styles à ce même moment ! […] C’était le moment ou jamais, l’heure critique. […] Étienne, qui apercevait une paille dans l’œil de son voisin Ballanche, ne voyait pas une poutre dans le sien au même moment.
Hervé semblait s’y attendre en ne venant pas, ou par moments il venait en vain. […] Christel trembla ; elle pria, à ce moment, sa mère de s’appuyer plus fort sur son bras, sans crainte de la lasser. […] Que fait donc à certains moments le cœur, et quelles sont ses distractions étranges ! […] Christel avait d’affreux moments, des moments durs, humiliés, amers ; la langueur et la rêverie premières étaient bien loin ; le souvenir de ce qu’elle était la reprenait et lui faisait monter le sang au front ; elle se demandait, en se relevant, pour qui donc elle se dévorait ainsi. […] Car l’amour en soi n’est rien de tout cela, et, en de certains moments étranges, il s’en passerait.
Toute âme forte et grande, aux moments où elle s’anime, peut se dire maîtresse de la parole, et il serait bien étrange qu’il n’en fût pas ainsi. […] Les natures simples des gens du peuple, dans les moments de passion, le prouvent assez ; ils ont le mot juste et souvent le mot unique. […] Annibal, les légions romaines, Alexandre, il les cite au moment qu’il faut, et n’en abuse pas ; ce sont choses à lui familières. […] Du moment qu’arrêté à Saint-Jean-d’Acre, Napoléon se vit refoulé dans sa première conquête, il s’y sentit à l’étroit. Bientôt les nouvelles de France lui montrèrent qu’un rôle tout nouveau l’attendait : « Tout lui annonçait, dit-il, que le moment désigné par le Destin était arrivé. » Eh !
Germain, après les premiers moments de silence, commence à deviser avec la petite Marie. […] Bref, il faut bien prendre le parti de s’arrêter et de bivouaquer, d’autant plus que la Grise, dans un moment d’impatience, a cassé ses sangles et s’est sauvée seule, au galop, à travers la forêt. […] Germain, à partir de ce moment, ne se fait plus faute de la bercer et de la retourner en cent façons. […] Le moment où, des deux jumeaux, celui qui passe pour le cadet, Landry, se détache, prend le dessus, et se met décidément à devenir l’aîné, à voler de ses propres ailes et à se faire homme, est admirablement saisi. […] Le moment, pour la critique, d’embrasser ce puissant talent dans son cours, et de le pénétrer dans sa nature, n’est pas venu, selon moi ; il faut le laisser courir encore.
Ses Mémoires, du moment qu’il se décidait à les publier de son vivant, ne pouvaient avoir qu’un caractère public et non secret : ne vous attendez pas à des révélations bien rares sur les personnes ou sur les choses. […] Mais je ne discute pas en ce moment, j’analyse. […] Il faut que, pour votre compte, vous cherchiez et que vous répétiez au Gouvernement de chercher les moyens de guérir un tel mal… Je ne puis trop vous prier de réfléchir que nous ne sommes pas dans un moment de raison, où les moyens tout raisonnés du système représentatif suffisent… Je suis persuadé qu’une guerre serait utile, bien entendu si l’on ; parvenait à la limiter. » Et il terminait par une épigramme, selon sa manière : « La France est, pour le moment, dans le genre sentimental bien plus que dans le genre rationnel. […] C’est le grand moment, l’âge héroïque du régime. […] La monarchie de Juillet avait reçu du fait de la Coalition un coup funeste dont ses partisans, acharnés qu’ils étaient désormais à se supplanter et à se combattre, ne mesurèrent pas la portée dans le moment.
Il y a un moment unique où toutes les pensées, tous les rêves chastes et poétiques à la fois, se rencontrent dans l’âme de la jeune fille, de la jeune femme ; c’est à la veille ou au lendemain du jour qu’embaume pour elle la fleur d’oranger. […] Il faut la ranger parmi ces derniers ; c’est vers le passé volontiers, vers le moment évanoui, qu’elle se retourne, dès que sa tâche lui en laisse le loisir. […] Il y a des moments aussi où l’on sent sous l’emblème la personne même de l’auteur, et la plainte naturelle de cette muse forcée trop souvent de quitter la robe d’azur de la poésie pour le rude vêtement de la prose. […] Elles sont courtes, parce que la douleur trop vraie n’a qu’un cri, parce qu’une aile saignante, à peine élancée, retombe, parce qu’il a fallu les quitter vite pour les pages monotones et laborieuses, un moment disparues sous une larme. […] Nous avons pu surprendre le poëte en un moment de plainte ; mais il ne faut rien exagérer, et il n’est pas nécessaire pour l’intérêt du portrait de trop prolonger ce court moment dans toute l’habitude d’une vie.) — Depuis que ceci est écrit, Mme Tastu a de plus en plus persévéré dans cette voie toute de raison et de devoir.
Un tel moment de crise est-il donc arrivé pour la littérature, et ce qui devrait être la source et le refuge des idées élevées, des nobles rêves ou des travaux studieux, n’est-il donc plus dorénavant que le plus envahi, le plus éhonté des carrefours ? […] Ce court moment dont nous parlons, et où la philosophie elle-même souriait au roman, c’était, en un mot, la lune de miel de la critique et de la poésie à la Revue des Deux Mondes, et là, comme ailleurs, les lunes de miel ne luisent qu’une fois. […] C’est alors que la critique et la poésie comme ncèrent à tirer chacune de leur côté, et, quelles qu’aient pu être les incertitudes et les déviations à certains moments, l’honneur véritable du directeur de la Revue est de n’avoir jamais laissé rompre l’équilibre aux dépens de la critique, et d’avoir maintenu, fait prévaloir en définitive l’indépendance des jugements. […] Il ne suffit pas d’être de ses collaborateurs ou d’avoir un moment passé dans leurs rangs pour être à l’instant et à tout jamais loué, épousé, préconisé, comme cela se voit ailleurs : on a pu même trouver à cet égard que la Revue a souvent exercé jusque sur elle-même une justice bien scrupuleuse. […] (voir les volumes de Portraits contemporains), on peut bien juger en quel sens et dans quelle mesure l’auteur a cru devoir se déclarer, à certains moments, pour le parti de la conservation en littérature et de la résistance.
Je sais les difficultés d’en parler convenablement : le temps des illusions et des complaisances est passé ; il faut absolument dire des vérités, et cela peut sembler cruel, tant le moment est bien choisi. […] Au dernier moment, et par respect, dit-il, pour l’ombre de sa mère, de son père, de ses sœurs, il n’a pas hésité : L’acte était sur la table. […] Je pourrais lui répondre à mon tour que l’écrivain, pour se peindre, a besoin de plus de travail moral, de plus de réflexion et de préméditation que le peintre proprement dit, et que, du moment que le moral intervient, un autre ordre de délicatesse commence. […] c’était un rêveur comme lui, épris comme lui de la solitude, du silence des bois, du charme de la mélancolie, et par moments aussi raffolant de Platon. […] La seule conséquence que je veuille tirer de cette date récente, est toute littéraire ; elle porte sur un défaut qui affecte désormais la manière de M. de Lamartine, même à ses meilleurs moments.
Puisque la ligne de lumière est toujours pour nous du temps, nous dirons que le moment A₁ n’est plus le milieu de l’intervalle de temps O₁A₁O′₁, alors que le moment A était le milieu de l’intervalle OAO. […] Elles lui équivalent, justement parce que la réalité vraie est l’égalité primitive, c’est-à-dire la simultanéité des moments indiqués par les deux horloges, et non pas la succession, purement fictive et conventionnelle, qu’engendreraient le mouvement simplement pensé du système et la dislocation des lignes de lumière qui s’ensuivrait. […] Évidemment non, car si l’égalité des lignes de lumière O₁B₁, et O₁″B₁, nous avertit que les moments O″₁ et B₁ sont bien contemporains, si donc O₁″B₁, conserve bien le caractère d’une ligne d’espace rigide, si par conséquent O″₁B₁, représente bien l’un des bras de l’appareil, au contraire l’inégalité des lignes de lumière O₁A₁, et O₁′A₁, nous montre que les deux moments O₁″ et A₁, sont successifs. La longueur O″₁A₁, représente par conséquent le second bras de l’appareil avec, en plus, l’espace franchi par l’appareil pendant l’intervalle de temps qui sépare le moment O₁″ du moment A₁. […] Quant à l’espace franchi par l’appareil dans l’intervalle de temps compris entre les moments O₁″ et A₁, on l’évaluera tout de suite en remarquant que cet intervalle est mesuré par le retard de l’horloge située à l’extrémité d’un des bras de l’appareil sur l’horloge située à l’autre, c’est-à-dire par équation .
Après les jeux de la passion que devinait cette enfance, elle-même pourtant elle vint, la passion en personne : nous le savons ; elle éclaira un moment ce génie si bien fait pour elle, elle le ravagea. […] Il y eut dans cette vie rapide un favorable moment où, pendant l’intervalle et au lendemain des crises, la fatigue déjà venue laissait pourtant à la parole d’Alfred de Musset toute sa fraîcheur, en même temps qu’il s’y mêlait une finesse nouvelle de pensée, une ironie, une légèreté moqueuse, la plus aisée et la plus française peut-être depuis Hamilton et Voltaire. Ce moment fut court, avec Musset tout se menait vite et courait ; mais ce fut un moment unique et bien précieux où il donna l’idée et l’espérance à quelques-uns de ses amis qu’il pouvait mûrir et se transformer. […] Lui, il n’a su que haïr la vie, du moment, pour parler son langage, qu'elle n’était plus la jeunesse sacrée. […] Un jour, un de ses amis les plus dévoués et dont la perte bien récente a dû lui porter un coup, lui être d’un fâcheux présage, Alfred Tattet, que je rencontrais sur le boulevard, me montra un chiffon de papier sur lequel étaient quelques vers tracés au crayon, et qu’il avait, le matin même, surpris sur la table de nuit de Musset, en ce moment à la campagne chez lui, dans la vallée de Montmorency59.
On y saisit bien à son point de départ et à son origine la moderne école philosophique qui est devenue plus tard l’éclectisme, et qui n’était encore à ce moment que le spiritualisme. […] Il y a même des moments où j’ai tant de respect pour la philosophie, que je crois qu’elle n’existe véritablement que chez celui qui la trouve, et qu’elle ne saurait ni se transmettre ni s’enseigner. Quoi qu’il en soit, la doctrine du xviiie siècle en était à ce moment extrême et définitif où l’on se croit le plus sûr de soi et où l’on est le plus près d’être frappé. […] Aussi l’éclectisme, qui tint toujours à honneur de le proclamer et de le révérer, eut-il sans doute, en certains moments, quelque peine à lui faire accepter toutes les aventures et les conquêtes dont l’éclat devait être réversible jusque sur lui. […] Qui dit éclectisme suppose la curiosité des opinions du dehors et le goût des voyages intellectuels. 1816 se trouvait un moment bien choisi pour inoculer ce goût en France à l’élite de la jeunesse.
» Est-il donc impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de disparaître derrière ses personnages, se tiendrait cache sous leur masque, prompt à intervenir à tout moment dans leurs paroles et dans leurs gestes par un feu roulant d’allusions malignes, d’épigrammes lancées contre ses adversaires, de conseils sagement fous donnés à un public ami ? […] Ce sont moins des écoles que trois différents esprits de la critique, et, pour ainsi dire, trois moments par lesquels doit passer successivement la pensée de tout homme qui, dans ce siècle où chaque chose est mise en question, examine la question de la critique littéraire : 1º le moment dogmatique (l’esprit humain affirme d’abord) ; 2º le moment critique (c’est vraiment la crise de l’intelligence ; nous ne croyons plus : resterons-nous sceptiques ?) ; 3º le moment historique (nous retrouvons une croyance, des principes, une méthode : mais cette nouvelle doctrine n’est pas encore une synthèse ; elle n’est évidemment qu’un dernier fragment de la vérité totale, de cette inconnue que nous cherchons). Ce livre est l’histoire d’un esprit qui a passé par ces trois moments.
Le premier de ces trois discours est l’Apologie ; qu’on se peigne un vieillard de soixante-dix ans, qui toujours a été vertueux et juste, paraissant dans les tribunaux pour la première fois ; intrépide et simple devant ses juges, comme il l’était dans les actions ordinaires de sa vie, dédaignant l’artifice et les vains secours de l’éloquence, n’en connaissant d’autre que la vérité, et jurant de parler son langage jusqu’au dernier moment, priant ses juges avec l’autorité d’un vieillard et d’un homme de bien, d’examiner si ce qu’il va leur dire est juste ou ne l’est pas, parce que c’est là leur fonction, comme la sienne est de dire la vérité, parlant de ses accusateurs sans colère comme sans dédain, du reste, tranquille sur son sort, qu’il soit condamné ou qu’il soit absous, abandonnant à Dieu le succès, et se justifiant pour obéir à la loi : tel paraît Socrate dans son début. […] Tout à coup il personnifie les lois, et suppose qu’au moment même où il va mettre les pieds hors de la prison pour s’enfuir, les lois lui apparaissent et lui crient : « Socrate, que fais-tu ? ne sens-tu pas que dans ce moment tu anéantis, autant qu’il est en toi, et les lois et la patrie ? […] La mort d’un homme juste est un objet sublime par lui-même ; mais si ce juste est opprimé, si l’erreur traîne la vérité au supplice, si la vertu souffre la peine du crime, si en mourant elle n’a pour elle-même que Dieu et quelques amis qui l’entourent, si cependant elle pardonne à la haine, si de l’enceinte obscure de la prison où elle meurt, ses regards se tournent avec tranquillité vers le ciel, si, prête à abandonner les hommes, elle emploie encore ses derniers moments à les instruire, si enfin, au moment où elle n’est plus, ce soit le crime qui l’a condamnée qui paraisse malheureux et non pas elle, alors je ne connais point d’objet plus grand dans la nature : et tel est le spectacle que nous présente Platon, en décrivant la mort de Socrate ; il y joint tous ces détails qui donnent de l’intérêt à une mort célèbre et qui en reçoivent à leur tour. Nous suivons Socrate de l’œil ; nous ne perdons pas un de ses mouvements, pas un de ses discours ; nous le voyons quand on lui amène ses deux enfants, quand il donne ses derniers ordres pour sa maison, quand il fait éloigner les femmes ; quand ses amis mesurent avec effroi la course du soleil, qui bientôt va se cacher derrière les montagnes, et quand la coupe fatale arrive, et lorsqu’avant de la prendre, il fait sa prière au ciel pour demander un heureux voyage, et l’instant où il boit, et les cris de ses amis dans ce moment, et la douceur tranquille avec laquelle il leur reproche leur faiblesse, et sa promenade en attendant la mort, et le moment où il se couche sur son lit dès qu’il sent ses jambes s’appesantir, et la mort qui monte et le glace par degrés, et l’esclave qui lui touche les pieds que déjà il ne sent plus, et sa dernière parole, et son dernier, et son éternel silence au milieu de ses amis qui restent seuls.
Entraîné par ces autorités, Milton a eu un moment le mauvais goût de mesurer son Satan ; mais il se relève bientôt d’une manière sublime. […] Il ne méritait pas un pareil retour, lui qui m’avait fait ce que j’étais dans un rang éminent… Élevé si haut, je dédaignai d’obéir ; je crus qu’un pas de plus me porterait au rang suprême et me déchargerait en un moment de la dette immense d’une reconnaissance éternelle… Oh ! […] Satan se repentant à la vue de la lumière qu’il hait, parce qu’elle lui rappelle combien il fut élevé au-dessus d’elle, souhaitant ensuite d’avoir été créé dans un rang inférieur, puis s’endurcissant dans le crime par orgueil, par honte, par méfiance même de son caractère ambitieux ; enfin, pour tout fruit de ses réflexions, et comme pour expier un moment de remords, se chargeant de l’empire du mal pendant toute une éternité : voilà, certes, si nous ne nous trompons, une des conceptions les plus sublimes et les plus pathétiques qui soient jamais sorties du cerveau d’un poète. Nous sommes frappé dans ce moment d’une idée que nous ne pouvons taire.
Je voudrais bien que Mr le professeur [me dît] quel est le moment qu’il a choisi. […] Il n’y a que deux mauvais moments, et c’est précisément l’un des deux que vous prenez. […] Mais auparavant j’observerai qu’à parler à la rigueur un peintre quelquefois par un tour de tête particulier préférera un moment tranquille à un moment agité [.]
Mais dans le moment, comme toute la salle, j’ai la préoccupation du retour, plus que de tout le reste. […] Il choisit bien son moment. […] Il serait à la Trappe, dans le moment. […] » Whistler demeure, dans ce moment, rue du Bac, dans un hôtel, qui donne sur le jardin des Missions Étrangères. […] Un moment Sarah parle de son hygiène, des haltères qu’elle fait le matin, d’un bain chaud d’une heure, qu’elle prend tous les soirs.
Au moment même où j’ai la sensation A, j’ai l’image-souvenir de la sensation B ; de là la perception d’un rapport de succession. […] L’image de cette appréhension totale subsiste dans l’appréhension du second moment empirique ; celle-ci, plus la première, subsiste à son tour dans l’appréhension du troisième moment empirique. […] Au moment même où je satisfais ma faim, je discerne le malaise qui diminue de force, et le bien-être qui augmente de force. […] Combinaison des trois états dans l’état général de conscience à ce moment. […] Ce premier moment est ce que Herbart appelle une série à l’état d’« involution ».
À partir de ce moment, les chances de la guerre tournent et deviennent défavorables. […] On publie en ce moment le recueil des dépêches et des lettres d’État du cardinal de Richelieu. […] Mais il ne s’agit pas d’être fort un moment, il faut l’être de suite et dans tous les points. […] Pénétré de l’idée qu’il faut une unité de direction, un premier mobile, un Premier ministre de fait, au titre près, il s’abuse jusqu’à croire un moment que ce pourra être lui, et que Mme de Pompadour n’a rien de mieux à désirer, sinon que ce soit un ami à elle qui gouverne. […] Choiseul est fait duc (août 1758) ; Bernis va être cardinal : c’est à ce moment que l’accord ministériel médité par ce dernier, et sur lequel il compte, doit se sceller et s’accomplir.
Son instinct supérieur lui faisait dès ce moment entrevoir les combinaisons qui pourraient lui ouvrir le chemin de la fortune et du pouvoir. […] Marmont, à ce moment, est lié à toutes les vicissitudes de la fortune naissante de Bonaparte. […] Cet événement fatal, surtout dans un moment où il n’y avait pas une minute à perdre pour réparer les fautes, mit de la confusion dans les mouvements. […] L’incertitude et le décousu qui résulta de cette succession ou plutôt de cette absence de direction principale, n’échappa point au duc de Wellington, qui devint moins circonspect, et qui saisit le moment de combattre. […] Vers midi, l’affaire, un moment très compromise, se rétablit encore.
Or, il n’y a pas de communication instantanée ; et, du moment que toute transmission prend du temps, on a dû choisir celle qui s’effectue dans des conditions invariables. […] Alors, que se passera-t-il quand des opérateurs respectivement placés en O et en A voudront mesurer la vitesse de la lumière en notant, sur les horloges accordées ensemble qui sont en ces deux points, le moment du départ, le moment de l’arrivée, le temps par conséquent que met la lumière à franchir l’intervalle ? […] Consultant d’ailleurs à ce moment une des horloges de son système immobile, il trouvera que le temps t marqué par elle est bien ce nombre. […] des horloges situées aux points H₁′, H₂′, H₃′ indiquent toutes trois la même heure alors qu’il y a trois moments différents ? […] Mais peu importe pour le moment.
Quand les grands ennuis font un moment trêve dans notre existence, il semble qu’un hasard méchant, et d’une imagination diabolique, met son ingéniosité à nous tourmenter par des persécutions insupportables, ironiques et bêtes. […] Dans ce moment elle ne se connaît plus, ne raisonne plus ; elle vous jetterait les meubles à la figure, et est prise d’un véritable désespoir, presque comique par sa bonne foi. […] Des moments de désespoir de notre santé, où nous nous disons : « Embrassons-nous, ça nous donnera du courage ! […] Elle est généralement, à ce moment, matinalement gaie, vive avec un éveil de santé, volontiers plaisantante, fouettée par les lettres reçues, par les lettres écrites, par les nouvelles de la presse. […] En ce moment elle est fort occupée des albums japonais, dont elle transporte les fleurs et les oiseaux, sur les feuilles d’un paravent de soie.
En tous ces points, Massillon est à la fois un moraliste consommé et un indicateur prévoyant : il sent très bien, à son moment, où est le péril pour la foi, et par quelle brèche morale elle est en voie de s’écouler des cœurs. […] À tout cela ajoutez ces moments cruels où la passion moins vive nous laisse le loisir de retomber sur nous-même et de sentir toute l’indignité de notre état ; ces moments où le cœur, né pour des plaisirs plus solides, se lasse de ses propres idoles et trouve son supplice dans ses dégoûts et dans sa propre inconstance. […] » Par moments, il a l’air de souffrir de ces éloges. […] Y eut-il un moment où Massillon ne fut point assez en garde contre ce monde malicieux et perfide qui l’entourait, et qui ne demandait que prétexte à raillerie ? […] Il est possible qu’à ce moment où il entrait dans la célébrité, il ait commis quelque imprudence de ce genre, et les railleurs à l’affût, ne pouvant ôter à sa parole puissante de son onction et de son charme, essayèrent de lui ôter de son autorité.
Santeul fut l’auteur de choix qu’on employa dans cette œuvre de réparation, disait-on alors, — d’altération, dit-on aujourd’hui, — et il en porte en ce moment la peine. […] Dès ce moment, la guerre était déclarée, et le pauvre Santeul remis en cause. […] Comme cette physionomie un moment au repos est impatiente et prête à partir ! […] Voilà bien Santeul tout frais le matin, au premier moment où on le rencontre, où il écoute encore, où il ne fait que préluder, et avant que toute sa personne ait commencé la danse et l’orgie sacrée. […] Santeul avait son public de collège et de quartier qui lui suffisait, et, à défaut de public, il se serait par moments suffi à lui-même.
On a fort discuté pour savoir si Lamennais, à un moment de sa jeunesse, et avant d’entrer dans l’état ecclésiastique, avait cessé entièrement de croire. […] La science, pour lui, ne venait qu’après, à l’appui de sa foi, de celle qu’il avait pour le moment, et comme pièce de démonstration. Il a retourné sa foi à un moment, mais il en a toujours eu une (sauf à de bien rares instants). […] M’est-il permis de dire, sur ce moment décisif de sa vie, quelque chose que je sais bien ? […] Seulement, à un moment de l’impression, un passage du chapitre XXXIII, où est décrite une vision, me parut passer toute mesure en ce qui était du Pape en particulier et du catholicisme.
car il est allé choisir exprès ces deux grands noms (tome I, page 40). imaginez, au contraire, que, tout à côté, les lettres de Béranger remettent les choses à leur juste point : cet homme de sens, tout coquet qu’il est par moments, ne se surfait pas d’une ligne en politique ni en littérature. […] S’il me fallait diriger un seul homme, surtout s’il était jeune, je ne l’oserais faire dans un pareil moment. […] Au reste, dans ce moment, je suis tout à mon poëme, et je ne suis point tenté de paraître comme chansonnier. » Voilà le partage égal ; il croit avoir deux genres à sa disposition, deux cordes à son arc. […] Non-seulement il ne devait plus jamais retrouver sa belle, comme on dit, mais il rencontrait : à tout coup le contraire ; pour prix d’un heureux et magnifique moment, il semblait voué au guignon, au contre-temps perpétuel ; il portait malheur à tout ce qu’il touchait. […] Rouget de Lisle avait eu, à un moment, une idée funeste, où il se mêlait du bizarre.
Quoi qu’il en soit, cette singularité de sa démission, bien qu’assez peu comprise dans le moment, est devenue après coup une preuve de très-vive clairvoyance. […] proféré dans le premier moment. A vingt jours d’intervalle, pour ceux qui ne réfléchissent pas, cela semblait une contradiction : c’est que les jours et les heures, à certains moments, comptent plus que, dans le courant ordinaire, les années et les demi-siècles. […] A un moment, M. […] Veuillot a dit en parlant de M. de Girardin à ce moment où il était si seul et à la tête de la résistance : « Ce fut sa belle époque, non-seulement honorable, mais glorieuse, et qu’il ne retrouvera pas.
Pour ce nouveau-venu de même, ce moment est plus pénible qu’il ne saurait le dire, et il sent avec angoisse combien il lui sera difficile de se faire pardonner sa témérité. […] On la reconnut dépendante de toutes les circonstances qui gouvernent son auteur, du milieu, du pays, du climat, du moment, de la race. […] et quelles sont les conditions de race, de moment et de milieu les plus propres à produire cet état moral ? […] À ce moment et dans ces pays, les conditions se sont trouvées remplies pour un art et non pour les autres, et une seule branche a bourgeonné dans la stérilité générale. […] Sans désespérer de réaliser plus tard la première et la plus difficile partie de ce programme, nous nous en tiendrons, pour le moment, Messieurs, à la seconde.
À aucun moment, depuis vingt-deux ans, ils n’ont songé à reparaître dans leurs chaires. […] Y a-t-il eu en réalité un moment où l’un ou l’autre de ces trois maîtres ait pu ainsi reparaître dans nos écoles avec opportunité, avec convenance ? […] Mais s’ils en ont eu à quelque moment l’idée ou la velléité, ils n’ont pas osé ; ils n’ont pas assez aimé la pure chose universitaire jour cela. […] Il y a des moments où la plume politique reparaît à l’improviste, et non à contretemps, jusque dans ces appréciations plus légères. […] Vous paraissez vous plaindre que l’esprit ait le dessous en ce moment.
Lu, ce n’est pas un moment admissible ; bien joué, il suffit que cela amuse. […] C’est à ce moment que le succès éclatant de la comédie des Deux Gendres vint le désigner, d’autre part, comme un successeur presque direct de Molière. […] Ces vers qui s’étaient fort multipliés dans les récits qu’on faisait au premier moment de la découverte, s’étaient successivement réduits. […] Étienne, disait-on dans Le Moniteur, paraît ne pas douter qu’il ne doive à cette communauté d’un moment les imitations qui lui sont reprochées. » Là-dessus, M. […] De tous mes déplaisirs ce moment me console : Le roi m’a plusieurs fois adressé la parole.
C’était le moment du plus grand enthousiasme et de la croisade chrétienne universelle contre les Turcs. […] Un moment, même après Isly, Abd el-Kader recommence à se remuer. […] Le directeur de l’artillerie turque s’était couché devant la porte et attendait le moment fatal. […] Dieu ne me retirera pas sa grâce au moment où elle me sera le plus nécessaire. […] Il y a des moments où mon âme entière se révolte et se soulève.
Villehardouin, au moment du départ, est un homme mûr et qui a passé le milieu de la vie ; la ride s’est faite à son front ; il sait le poids des choses et les difficultés de tout genre ; il est dans le conseil des chefs, et l’un des plus prudents à prévoir ; il a peu d’illusions, comme nous dirions aujourd’hui. […] Dès ce moment, vous auriez pu voir le canal Saint-Georges tout flori (émaillé) en remontant de nefs, de vaisseaux, de galères, de bâtiments de transport. […] Quand on lit Nicétas sur les chefs-d’œuvre dont il déplore la perte et que rien n’a pu réparer, je le répète, on est navré avec lui, on est de sa patrie un moment, de cette patrie qui a été, dans un temps, celle du genre humain. « N’importe, peuple usé ! […] passons à d’autres », dit la Fortune ; et le Génie de la civilisation, se voilant un moment et la suivant à regret, parle bientôt comme elle. […] C’est lui qui, à un certain moment, négocie la réconciliation entre l’empereur Baudouin et le marquis de Montferrat, prêts à s’ulcérer et à en venir à une rupture.
Ce n’est pas à dire qu’en aucun de ces difficiles moments ni lui ni son cheval n’aient bronché. […] Mais à ce début, il y eut de longs moments d’acheminement, d’embarras, de composition inévitable. […] Cet ensemble, soit dit entre nous, en vaut bien un autre ; tenons-nous-y, sans caresser l’opinion quelconque du moment. […] Cela n’empêche pas qu’on ne l’ait vu, à un certain moment, mécontent de l’œuvre à laquelle il avait aidé ; il se crut joué, il se repentit. […] En quoi Boileau a tort et raison en cela, je ne le recherche pas pour le moment ; je reprendrai cette thèse ailleurs.
Ces simples et vives décisions du goût ont pu être un moment obscurcies ; elles reprennent rang aujourd’hui, ce me semble, et elles subsistent en se combinant avec les travaux positifs et les progrès de la philologie qui, à elle seule, n’est pas tout. […] oissonade cette fine parole du Comique ancien : « Non, tu ne me persuaderas pas, non, quand même tu me persuaderais. » L’interruption des études causée en France par la Révolution y ramena une sorte de renaissance ; l’antiquité un moment refoulée et comme anéantie reparut avec un éclat et une autorité qu’elle n’avait pas eus à la veille de la catastrophe. […] A un certain moment de la Restauration, le goût des littératures étrangères et de ce qu’on nomma la couleur locale vint aider collatéralement pour ainsi dire et prêter son reflet à l’entière explication des beautés classiques, en ce que celles-ci avaient gardé de singulier quelquefois et d’étrange. […] La structure des vers lyriques, la cadence des vers dramatiques, échappent volontiers, et je n’oserais répondre qu’à force d’application l’oreille des érudits l’ait en effet reconquise ; le vers d’Homère, large et régulier, est d’une mesure aussitôt intelligible et sensible à tous ; l’harmonie, cette portion si essentielle du poëte, ne reste pas un seul moment absente avec lui : en le lisant, nous l’entendons chanter. […] Il me semble qu’à un certain moment, et par réaction contre les quatre siècles classiques de Périclès, d’Auguste, de Léon X et de Louis XIV, dont on se sentait rebattu, on est devenu soudainement crédule aux poésies dites populaires ; on y a été crédule comme certains athées le sont aux molécules organiques et aux générations spontanées.
Pourquoi, à un moment donné, celui-ci et non celui-là ? […] Pourquoi ces deux flammes soufflées au même moment ? […] Elles se comportent par moments comme si elles savaient. […] Il se détache par moments de ces âmes une vérité qui brille sur les questions où elle tombe. […] Les sérénités absolues pourraient, à de certains moments, être inquiètes du manque de moyens de l’infini !
C’était fait d’un je ne sais quoi de cocasse dans le moment, qui s’est évaporé. […] À ces conditions, aucun des amateurs du moment présent, ne dépenserait 50 francs pour un objet d’art, fût-il le plus parfait des objets d’art. […] Oui, en ce moment-ci, mon petit Daudet, est comme un poulpe aux tentacules, cherchant à pomper tout ce qu’il y a de vivant en tout et partout dans Paris, et il grandit, grandit, grandit. […] » De là, on passe à la question du Tonkin, et quelqu’un dit ceci : « Du moment qu’on laisse pénétrer près du Gouvernement un membre de la Société de géographie, on a la guerre. […] Dieudonné vient causer un moment avec Mme Daudet.
Il y a un moment dans la vie de l’artiste où, muni de toute sa science et riche de tous ses matériaux, fort de son entière expérience et encore en possession de toute sa force, mais pressentant qu’elle pourrait bien faiblir un jour et lui échapper, il se lance à fond de train, se déploie, s’abandonne avec fureur et sans plus de réserve comme s’il voulait s’épuiser et laisser son âme dans son œuvre : c’est le moment décisif, c’est celui qui, dans une grande bataille rangée, décide et achève la victoire. […] Bien avant que ce moment soit arrivé, et au milieu de nos dernières ondées de soleil, un brusque pressentiment l’annonce quelquefois, et les plus gais, les plus rieurs se surprennent à rêver. […] Les événements de 1843 dérangèrent fort la vie et, un moment, la carrière d’Horace Vernet. […] Il sentait lui-même qu’il avait eu tort de se décourager un moment, et dans des lettres d’un accent pénétré, d’une intention élevée et soutenue, il s’attachait bientôt, au contraire, à remonter le moral de son gendre et ami Paul Delaroche. […] Mais, je le crains, le moment de faire un Horatiana est déjà passé.
Si notre hypothèse est fondée, cette perception apparaît au moment précis où un ébranlement reçu par la matière ne se prolonge pas en réaction nécessaire. […] Que l’augmentation graduelle de l’excitant finisse par transformer la perception en douleur, c’est incontestable ; il n’en est pas moins vrai que la transformation se dessine à partir d’un moment précis : pourquoi ce moment plutôt qu’un autre ? […] Revenons maintenant à notre hypothèse, et montrons comment l’affection doit, à un moment déterminé, surgir de l’image. […] Notre perception pure, en effet, si rapide qu’on la suppose, occupe une certaine épaisseur de durée, de sorte que nos perceptions successives ne sont jamais des moments réels des choses, comme nous l’avons supposé jusqu’ici, mais des moments de notre conscience. […] Au contraire la matière, telle que le réalisme la pose d’ordinaire, évolue de façon qu’on puisse passer d’un moment au moment suivant par voie de déduction mathématique.
Un moment, le maître semble approuver ceux qui se mutileraient en vue du royaume de Dieu 873. […] On dirait que, dans ces moments de guerre contre les besoins les plus légitimes du cœur, il avait oublié le plaisir de vivre, d’aimer, de voir, de sentir. […] Transportée dans un état calme et au sein d’une société rassurée sur sa propre durée, cette morale, faite pour un moment de crise, devait sembler impossible. […] La grandeur de ses vues sur l’avenir était par moments surprenante. […] Ses disciples par moments le crurent fou 898.
Il a le sentiment de la mission et de la gravité de l’histoire ; il se reproche à un certain moment (en termes assez obscurs) d’en être descendu, d’y avoir dérogé. […] Ainsi, Froissart ne se paie pas de ce qui contenterait Joinville : il en est, par moments, à vouloir connaître les causes secondes. […] C’est alors que le prince de Galles et Jean Chandos montent à cheval et s’élancent du vignoble retranché, sentant que le moment décisif est venu : « Sire, dit Jean Chandos au prince, Sire, chevauchez avant ; la journée est vôtre. […] Il y a une bien forte peinture de la mêlée à ce moment : Là eut grand froissis et grand boutis, et maints hommes renversés par terre. […] À ce moment Froissart semble se ralentir et s’oublier un peu : il tient à ne rien omettre, et c’est difficile.
… Ce qu’il y a de plus terrible dans mon affaire, c’est que le misérable état de situation qui en est le prétexte arrivait sans doute à Dresde au moment même où le courrier qui vient de me déshonorer aux yeux de l’armée en partait. […] Il se croyait plus résolu intérieurement qu’il ne l’était : il eût suffi jusqu’au dernier moment sans doute d’un retour de justice pour l’arrêter et faire rebrousser le cours de ses pensées. […] On lui attribua ainsi qu’à Moreau un principe que les Alliés parurent s’être fait dès ce moment, à savoir, de combattre le moins possible Napoléon en personne, mais d’attaquer partout ses lieutenants en son absence. […] » À partir de ce moment (décembre 1813), il ne songea plus qu’à servir les intérêts de la Suisse, sa patrie, auprès de l’empereur Alexandre. […] Le correspondant de Jomini veut parler, sans doute, de la campagne d’Ulm en 1805, et du mouvement de Ney sur la rive gauche du Danube, maintenu malgré l’intervention de Murat et à travers l’hésitation même de Ney, qui fut un moment ébranlé.
si Dieu m’avoit appelé en ce moment ! […] Avant le moment de sa conversion, Rancé fut député du second ordre à l’Assemblée générale du Clergé qui se tint dans les années 1655-1657 ; il y eut un rôle assez actif et même d’opposition à la Cour, au moins en ce qui concernait les intérêts du cardinal de Retz, son ami, qu’on voulait déposséder. […] Dans les premiers moments de sa retraite à Veretz, vers 1658, il avait bien pu borner ses vues à mener une vie innocente, confinée en une solitude exacte et entretenue de pieuses lectures ; mais il n’avait pas tardé, disait-il, à comprendre qu’un état si doux et si paisible ne convenait pas à un homme dont la jeunesse s’était passée dans de tels égarements. […] À un certain moment, comme il jugea l’affaire perdue, il se crut inutile, et, laissant le reste de la conclusion à son confrère, il s’échappa dans l’impatience de retrouver sa chère solitude. […] Vers 1672, la Trappe était arrivée à sa haute perfection, à sa pleine renommée monastique, et un monument original de plus s’ajoutait dans l’ombre à l’admirable splendeur qui éclaire ce moment de Louis XIV.
Un prêtre illustre qui est plus à nos yeux qu’un écrivain, et dont le saint caractère grandit en ce moment dans l’humilité du silence ; un philosophe méconnu , qui avait doté notre siècle de naturelles et majestueuses peintures ; puis des poëtes admirés du monde et surtout préférés de nous, comme celui que nous abordons en ce moment : ce sont là nos seuls choix jusqu’ici, et désormais nous n’en prévoyons guère d’autres. […] Le théâtre mis de côté, la satire, qui lui traversa l’esprit un moment, repoussée comme âcre et odieuse, il prit une grande et solennelle détermination : c’était de composer un poëme épique, un Clovis. […] Il songea un moment à la vie active, aux voyages, à l’expatriation sur la terre d’Égypte, qui n’était pas abandonnée encore : un membre de la grande expédition, qui en était revenu deux ans auparavant , le détourna de cette idée. […] Du moment en effet qu’il y avait jour pour Béranger de faire entrer sa pensée entière en chanson, que lui fallait-il de mieux ? […] C’est après une incubation plus ou moins longue qu’au moment souvent où il n’y vise guère, la nuit surtout, dans quelque court réveil, un mot, inaperçu jusque-là, prend flamme et détermine la vie.
Sa liaison avec le roi était déjà arrangée, et il ne s’agissait plus que du moment de la déclarer publiquement. […] Elle leur avait offert sa paix à un certain moment ; ils refusèrent les avances contre leur usage. […] Elle a prouvé dans ses derniers moments que son âme était un composé de force et de faiblesse, mélange qui, dans une femme, ne me surprendra jamais. […] Les arts ressentirent avec douleur la perte de Mme de Pompadour, et consacrèrent sa mémoire ; ils avaient espéré un moment sa convalescence, et ils ne firent que se montrer reconnaissants. […] Dans ce moment, je sais que je chasse en quelque sorte sur ses terres ; mais ce n’est pas sans lui en avoir demandé l’agrément.
encore un moment, et pour toujours j’abandonne tes autels ! […] Dans le moment il n’éprouva qu’une joie furieuse et délirante. […] Du moment que vous aspirez à gouverner les hommes et à devenir le pilote de la société, sachez du moins le vouloir avec suite et sérieusement. […] Les nécessités du moment avaient fait considérer Fouché comme l’homme essentiel et unique dans cette crise périlleuse. […] À dater de ce jour, il rentra dans l’opposition, pour n’en plus sortir qu’un moment, pendant le court ministère de M. de Martignac.
Je ne veux point désirer en ce moment aucune autre félicité ; je suis votre ami ; je veux l’être : j’en remplirai les devoirs avant de prononcer un nom plus doux. […] Vous n’êtes que pour un moment à Pontarlier, et je ne sais point aimer pour un moment. […] Elle dirait volontiers avec un poète : Si l’austère Pudeur voile un moment sa joue, Que sa ceinture d’or jamais ne se dénoue ! […] J’ai sous les yeux une espèce de lettre d’elle à Mirabeau, écrite à ce moment, et de sa meilleure écriture, d’une écriture d’enfant, sans orthographe, mais avec un caractère visible d’ingénuité. […] Ajoutez qu’elle garde de lui et qu’elle emporte une tache morale, une crudité sensuelle qu’il lui a inoculée, qui est la plaie de tout le siècle, et qui dépare, qui dégrade par moments cet amour, à le voir même du seul côté romanesque.
Daudet apparaît un moment. […] Il s’interrompt un moment, puis reprend : « Ah ! […] * * * — C’est fabuleux ce que demande, dans ce moment, le ministère des Beaux-Arts aux peintres, chargés de commandes pour le Panthéon. […] En ce moment la porte s’ouvre, un gros homme entre, et butant, tombe en plein sur l’armée française, qu’il écrase et démolit presque entièrement. […] Des moments difficiles, des moments durs, des moments de misère, pendant lesquels Delâtre, qui tirait ses eaux-fortes, et auquel, un jour, il demandait à emprunter cent sous, lui disait qu’il allait lui faire vendre ses planches.
Elle est sur mon cœur, cachée à tous les yeux, sentie à tous les moments et souvent baignée de mes larmes. […] L’abbé Combalot, à un moment, était son guide (entre nous, elle en eût pu choisir un meilleur et de meilleur sens). […] L’amitié plus clairvoyante a pu donner un moment raison à la piété filiale, mais ne saurait se régler sur elle. […] Et puis la légende tend sans cesse à pousser dans ces émouvants récits comme une herbe folle : il faut, à tout moment, l’en arracher. […] Beugnot, chargé par Clavière d’une commission pour elle, épia le moment où elle sortirait de sa chambre et l’alla joindre au passage : « Elle attendait à la grille qu’on vînt l’appeler.
Nous sommes au beau moment pour Jomini. […] Jomini, dès ce moment, se qualifia colonel, et c’était ainsi qu’on le désignait habituellement. […] Jomini, qui était un politique aussi, eut l’idée de raisonner à ce moment, de confier son raisonnement au papier, et de faire une tentative auprès de l’Empereur. […] Napoléon suivait ces péripéties du haut du cimetière qui dominait une partie du champ de bataille, attendant le moment de faire donner les réserves de la Garde qui l’entouraient. […] Corbineau, tué un moment plus tard, arrive au même instant et s’écrie précipitamment : Les Russes !
Nous préparons des matériaux à l’histoire littéraire future, nous notons les émotions sincères et variées de chaque moment. […] Ses premières poésies attirèrent l’attention dans le moment ; un peu antérieures, par la date de leur publication, à l’éclat de la seconde école romantique de 1828, on les trouva pures, sensibles, élégantes ; on ne les jugea pas d’abord trop pâles de style et de couleur. […] A un certain moment, la jeunesse s’éloignant déjà et les premiers bonheurs expirés, il s’est dit : Est-ce donc tout ? […] Soit dans le fond, soit pour la forme, en quoi peut-il nous flatter, nous séduire, nous irriter si l’on veut, nous toucher enfin pour le moment, sauf à réunir ensuite les conditions immortelles ? […] Guizot pour toute réponse cita ces deux vers de Loyson : C’est pour périr bientôt que le flambeau s’allume, Mais il brûle un moment sur les autels des Dieux !
Comme la représentation, l’émotion réelle de chaque moment est un tout concret et original, si bien que nous n’avons jamais deux fois la même émotion. […] Nous n’avons point seulement une somme de représentations du moment précédent qui coexisterait immobile avec celles du moment présent, car ce total de représentations coexistantes et actuelles ne nous donnerait pas ridée du passé ou du futur, ni celle du potentiel, qui en est inséparable. […] Les sensations de chaque moment ont beau se mêler aussitôt au continuum sensoriel, elles n’en ont pas moins, à leur apparition, des qualités tranchées qui leur confèrent une sorte d’individualité. […] Elle constitue donc un complet processus psychique avec ses trois moments inséparables : 1° modification subie et sentie par un discernement immédiat, 2° plaisir ou peine, 3° réaction vers l’objet ou à l’opposé de l’objet. […] Le moment où un navire est en tension sous vapeur et le moment où il se met en marche ne peuvent pas ne pas se distinguer.
» Il nous ouvrit alors une porte qui, de cette cour, nous jeta sur une terrasse. « Tenez, ajouta-t-il, vous venez au bon moment ; regardez et taisez-vous. » Je regardai en effet et de longtemps je n’ouvris la bouche. […] s’écrie l’historien, dont le ton s’élève un moment jusqu’à l’hymne ; à quelle époque notre patrie fut-elle plus belle et plus grande ? […] Ce ne fut là qu’un moment :mais il n’y a que des moments dans la vie des peuples, comme dans celle des individus. […] Notez bien cette pensée : « Il n’y a que des moments dans la vie des peuples, comme dans celle des individus ; » cela ne rappelle-t-il pas la belle description de la vallée d’Argelez vue de Saint-Savin, par où M. […] Mais ce n’est pas la théorie que je discute en ce moment ; je n’ai voulu que prendre sur le fait l’idéal de simplicité et de réalité de M.
Le comte Xavier de Maistre, ce charmant et fin attique, y arrive en ce moment, pour la première fois de sa vie, à l’âge de soixante-seize ans. […] Je ne sais où je prends tout ce que je te dis ; car avant ce moment je n’y avais jamais pensé. […] Au bout de quelques moments, elle est allée vers la porte sans se retourner, et elle est sortie. […] « Au moment que nous nous approchions de Mme de La Prise pour la saluer, sa fille est rentrée. […] Meyer a demandé un moment pour se remettre du coup ; il sort de la salle, agitant en lui la douleur, la honte, et même, faut-il le dire ?
Aujourd’hui même le moment ne me semble pas encore venu pour chercher et pour donner la clef de cette organisation d’artiste et de poëte qui est assurément la plus extraordinaire et la plus inattendue qu’ait vue paraître la littérature française . Que si ma pensée se reporte, non plus sur le poëte, mais sur l’homme auquel tant de liens de ma jeunesse m’avaient si étroitement uni et en qui j’avais mis mon orgueil, ressongeant à celui qui était à notre tête dans nos premières et brillantes campagnes romantiques et pour qui je conserve les sentiments de respect d’un lieutenant vieilli pour son ancien général, je me prends aussi à rêver, à chercher l’unité de sa vie et de son caractère à travers les brisures apparentes ; je m’interroge à son sujet dans les circonstances intimes et décisives dont il me fut donné d’être témoin ; je remue tout le passé, je fouille dans de vieilles lettres qui ravivent mes plus émouvants, mes plus poignants souvenirs, et tout à coup je rencontre une page jaunie qui me paraît aujourd’hui d’un à-propos, d’une signification presque prophétique ; je n’en avais été que peu frappé dans le moment même. […] Et pourtant, lorsque après les événements de juin 1832, à la suite de l’insurrection, Paris fut mis en état de siège, quand on put craindre à un moment une réaction sanglante et qu’il fut question d’insérer dans le National une protestation revêtue de signatures, Victor Hugo, que j’avais prévenu de la part de Carrel, me répondit par cette lettre, à laquelle je ne change pas un seul mot : « Je ne suis pas moins indigné que vous, mon cher ami, de ces misérables escamoteurs politiques qui font disparaître l’article 14 et qui se réservent la mise en état de siège dans le double fond de leur gobelet ! […] Je travaille beaucoup en ce moment. […] « 12 juin 1832. » Tout l’avenir d’un homme marquant est contenu à l’avance dans chaque moment de sa vie : il ne s’agirait que de le dégager.
Rousset nous en fait mieux apprécier que personne la nécessité, la justesse, la grandeur, et c’est à ce même moment qu’il se montre sévère ou un peu dédaigneux pour le monarque, lui si judicieux et si équitable envers tous ceux qui l’ont servi. […] On a recherché quel pouvait être près de lui, aux différents moments, celui qui tenait la plume et qui avait l’honneur d’être le secrétaire. […] On avait déjà des Mémoires de Louis XIV sur d’autres moments de cette guerre, notamment sur la dernière année qui précéda la paix de Nimègue (1678). […] Avec quel respect Louis XIV y parle de Condé et d’un moment d’oubli où le parent et le soldat remportent sur le général ! […] » Ce mot proféré par Louis XIV, au plus beau moment de sa jeunesse et dans la plus grande ivresse de la conquête, me paraît répondre dignement à un autre mot prononcé par lui au moment le plus triste et le plus critique de son règne, sous le coup des plus grands désastres.
Ainsi mise en demeure, et au dernier moment, elle recula devant ce qu’elle-même avait semblé proposer. […] S’il se sentait un moment découvert, il rentrait aussitôt dans son labyrinthe. […] Par moments, il a l’air de ne s’occuper en rien de la politique générale : on le croirait décidément un homme de plaisir. […] Louis XIV, en l’apprenant, s’en étonne comme s’il n’avait pas dû s’y attendre : il compte jusqu’au dernier moment sur un repentir. […] On le voit plus tard, généralissime de notre armée, se battre au premier rang comme soldat et nous trahir au même moment comme général, en communiquant nos plans à l’ennemi.
On se fait par moments l’illusion de tout comprendre en le lisant. […] Du temps de Fontenelle, il en était autrement ; le moment était décisif. […] Ainsi Fontenelle, sous cette forme frivole, a rendu, à un moment donné, un notable service à la raison. […] Comme à tout moment, par une similitude frappante et lumineuse, il étend la vue et nous fait faire le tour des choses ! […] Dès ce moment, ce n’est plus à un traité populaire d’astronomie que nous avons affaire chez M.
I La Correspondance régulière du maréchal de Noailles avec Louis XV commence à un moment décisif, au moment de la mort du cardinal de Fleury ou même quelques mois auparavant. […] Les sentiments sont tout purs, tout désintéressés, ce qu’ils doivent être du moment qu’ils s’expriment ; les raisonnements généraux, de la manière dont ils sont présentés, paraissent justes ; ils s’appuient à d’excellentes maximes politiques : nous ne sommes pas très bons juges de l’application ni de bien des détails. […] Son langage, même dans les meilleurs moments, est bien peu celui d’un roi : « Peut-être ne prend-on pas assez de précautions : mais je vous réponds qu’on en prend. […] Le maréchal de Noailles, en cette crise troublante, ne fait rien qui vaille en Alsace, et s’il est vrai que Louis XV ait dit au comte d’Argenson : « Écrivez de ma part au maréchal de Noailles que, pendant qu’on portait Louis XIII au tombeau, le prince de Condé gagna une bataille » ; si ce mot, qui a tout l’air de ceux qu’on fait après coup et qu’on prête aux rois, n’est pas de l’invention de Voltaire, le maréchal répondit mal à l’appel ; il ne répondit certainement pas à l’intention ; il a manqué là le moment rapide, le moment illustre ; il n’est pas Turenne, et dès cet instant le prestige de son grand crédit s’évanouit. […] , page 122) ; et au moment décisif, il est pris d’incertitudes et d’indécisions en face de l’ennemi.
Je m’y glissai sans rien dire avant le moment où le bargello allait la fermer. […] On marchait lentement, à cause du vieux moine mon confesseur, qui me faisait des exhortations à l’oreille que je n’entendais pas, et qui s’arrêtait de moment en moment pour me faire baiser le crucifix. […] Les soldats me mirent en joue ; à ce moment, le bourreau, qui était derrière moi, un peu à l’abri par un angle du mur, se jeta tout à coup sur moi, et, m’arrachant d’une main rapide et violente le capuchon et la robe de pénitent jusqu’à la ceinture, me découvrit presque nue aux yeux des soldats et de la foule. […] Depuis ce moment, je ne vis plus rien, j’étais dans un autre monde. […] Quand elle m’eut regardée un moment et interrogée sur mon état de grossesse, qui rendait ma présence au couvent suspecte et inconvenante, sa figure se rembrunit : — Non, dit-elle, mon enfant, la duchesse n’y a pas pensé !
Une véritable étude sur le romancier célèbre qui vient d’être enlevé, et dont la perte soudaine a excité l’intérêt universel, serait tout un ouvrage à écrire, et le moment, je le crois, n’en est pas venu. […] Il y a eu un moment où, à Venise, par exemple, la société qui s’y trouvait réunie imagina de prendre les noms de ses principaux personnages, et de jouer leur jeu. […] À notre arrivée, la châtelaine et ses dames de compagnie s’empressent ; une de ces dernières quitte, dès le premier moment, le salon pour aller nous chercher des rafraîchissements. […] Ses personnages ne vivent pas d’un bout à l’autre ; il y a un moment où ils passent à l’état de type. […] Tout l’édifice de la civilisation raffinée, telle qu’il l’avait rêvée toujours, semblait s’écrouler ; l’Europe un moment, son Europe à lui, allait lui manquer comme la France.
Il a tout à fait oublié en ce moment sa sœur la vitrière, à l’acte de mariage de laquelle (31 mars 1764) il se garda bien de signer. […] Le genre des héroïdes était en vogue pour le moment ; Colardeau l’avait mis à la mode par son Épître d’Héloïse à Abélard. […] N’oublions pas qu’une grande partie de l’originalité de ses critiques a péri ; joignons-y toujours la personne même de l’Aristarque qui y faisait commentaire, sa véhémence de geste et de ton, ce qu’il y avait de piquant (et même de choquant) à le voir se retourner sur des amis, des camarades de la veille, du moment qu’il y croyait le bon goût intéressé. […] Ceux qui ont été habitués dès l’enfance à entendre parler de La Harpe comme d’un oracle, d’un dictateur du goût, et du Quintilien français, seront étonnés de voir à quel degré de discrédit il était tombé à ce moment. […] L’idée religieuse aussi l’illumina en ce moment comme dans un éclair : il tomba à genoux et il pleura.
On sent à tout moment qu’elle excède son cadre de surintendante de l’intérieur royal, et elle ne craint pas de paraître en sortir, de laisser voir quelque chose de l’autorité politique dont elle tient les ressorts. […] Les lettres de Mme des Ursins, même dans la fuite et les disgrâces, ne respiraient que courage et espérance ; mais, à partir de ce moment, elles prennent une teinte marquée d’enjouement et de raillerie brillante, qui nous la montre dans tout son beau. […] Pour Monseigneur le duc de Bourgogne, qui est, je crois, un peu sujet aux distractions, je m’étonne que, dans les premiers moments de sa joie, il ne prît pas quelque dame pour une bille, et qu’il ne lui donnât pas un coup du billard qu’il avait à la main. […] Or, un moment vient où la France désespère, où le ministère surtout incline pour une paix à tout prix, et où Mme de Maintenon accablée la prêche ou l’insinue. […] Mais c’est bien à Mme des Ursins qu’il me paraît ressembler en effet dans les bons moments, au moins par les principaux traits et notamment par celui d’une raillerie qui enferme une louange.
Le pouvoir, honteux de ce qui s’était fait dans un moment de dépit, recula. […] Son règne dans l’opinion finit véritablement à ce moment-là (1785-1786). […] S’il gagna ce procès-là devant le Parlement, il le perdit devant le public : Beaumarchais est accablé de libelles et généralement haï en ce moment, écrivait Mallet du Pan à cette date (1787). […] En ce moment de licence effrénée où le peuple a beaucoup moins besoin d’être excité que contenu, ces barbares excès, à quelque parti qu’on les prête, me semblent dangereux à présenter au peuple, et propres à justifier les siens à ses yeux. […] Je n’oublierai jamais cet homme ni ce moment-là.
Je puis dire ce qui en est, moi qui, connaissant l’un et l’autre, n’ai jamais regretté, dans mes moments de tristesse, que le sourire de mes parents, pour me servir des expressions d’un poète. […] Courier a vingt et un ans ; il travaille, il s’occupe de ses lectures chéries, et il a aussi des moments d’entraînement vers les sociétés et les coteries, comme il les appelle. […] » Il y a des moments pourtant où, voyant tant de choses réelles et mémorables se faire alentour, l’artiste en lui s’éveille et se dit : Je suis peintre aussi ! […] Il est impossible de découvrir en lui, à ce moment, celui qui bientôt dira au peuple qu’il est sensé et sage, et qu’un bon gouvernement n’est qu’un cocher à qui tout le monde a le droit de dire : Mène-moi là. Je ne prétends pas décider auquel des deux moments il eut le plus raison, mais je tiens à bien noter les deux moments dans sa vie.
Ce moment est celui où sa Correspondance avec lui a le plus de douceur et respire une intimité touchante. […] Mériterais-je l’amitié dont vous m’honorez, si je négligeais en ce moment les devoirs qu’elle impose ? […] Des offres de service d’argent les plus délicates à insinuer s’y glissaient par moments. […] N’étant pas, quant à présent, dans ce cas, je vous envoie ci-jointe la lettre de change, en attendant le moment de m’en prévaloir. […] Il tient comme un diable à l’opinion du moment, qu’on est tout étonné de le voir abandonner le quart d’heure d’après, sans qu’on l’eu prie.
Il y a deux moments dans la présence de l’image : l’un affirmatif, l’autre négatif, le second restreignant en partie ce qui a été posé dans le premier. Si l’image est très précise et très intense, ces deux moments sont distincts : au premier moment, elle semble extérieure, située à telle distance de nous quand il s’agit d’un son ou d’un objet visible, située dans notre palais, notre nez, nos membres quand il s’agit d’une sensation d’odeur, de saveur, de douleur ou de plaisir local. […] Cette phrase même indique la reconnaissance et la correction d’une erreur, partant une erreur préalable ; au premier moment, nous nous étions trompés, puisque au second moment nous découvrons que nous nous étions trompés. […] Elle comprend deux moments, le premier où elle semble située et extérieure, le second où cette extériorité et cette situation lui sont ôtées. […] À partir de ce moment, le malade ne vit ces fantômes qu’à de longs intervalles, et au bout de quelques jours ils disparurent complètement.
Mais Mme de Sévigné, Mme de La Fayette rejetèrent de bonne heure et bien vite tout soupçon de préciosité, si tant est qu’elles en aient été un moment atteintes. […] Je ne sais si Mme de Créqui n’en fut pas attaquée un moment ; on le dirait du moins, à voir son vif intérêt pour la personne de Rousseau et pour ses écrits. […] Il est vrai que le moment d’après on riait de soi et des autres, et on ne s’en aimait que mieux. […] C’est ce même monde dont Mme de Créqui répète à tout moment qu’on n’y pouvait plus vivre. […] C’est le moment où l’on a cessé de causer à loisir, à demi-voix, et de s’entretenir d’une manière désintéressée ; le bruit de l’Assemblée et celui de la rue absorbaient tout.
Alquier, homme d’esprit et d’une finesse piquante, put se flatter à un moment de prendre quelque ascendant sur elle et de l’arracher à la politique qui la perdit. […] Lefebvre eut cessé de parler, elle leva la tête et tourna vers lui ce visage sillonné moins encore par le temps que par les soucis du trône : son regard avait, en ce moment, quelque chose de dur et de sinistre qui semblait dire que toutes ces explications arrivaient trop tard. […] C’est par la littérature et par des publications récemment faites en Allemagne2 que nous avons à ce moment de ses nouvelles. […] Thiers, et si heureusement distribués par lui, pouvait, d’un moment à l’autre, déjouer les explications ou les rendre inutiles : il fallait attendre et laisser passer le vaste flot triomphant. […] Il faisait comme un général habile et prudent qui, se sentant coupé ou débordé par des forces supérieures et hors d’état pour le moment de tenir campagne, occupe les points essentiels, quelques places fortes, et abandonne le reste du pays, sauf à rejoindre plus tard ses garnisons et à rétablir ses communications dès qu’il le pourra.
Mignet a repris d’ensemble ce beau sujet et en a composé un récit complet, grave, serré, intéressant et définitif, qu’il publie en ce moment. […] C’est en ce même moment que, sous main, elle faisait don du royaume tout entier par un acte de bon plaisir et de pleine puissance. […] La femme, telle que Marie Stuart, mobile, ardente et entraînée, avec le sentiment de sa faiblesse et de son abandon, aime à trouver son maître et par moments son tyran dans celui qu’elle aime, tandis qu’elle méprise vite en lui son esclave et sa créature, quand il n’est rien que cela ; elle aime mieux un bras de fer qu’une main efféminée. […] Aux prises sans défense avec une rivale cauteleuse et ambitieuse, sujette à tous les contrecoups du dehors, victime d’une politique avare et tenace qui ne lâche point sa proie et qui met un si long temps à la torturer sans la dévorer, elle ne s’abandonne pas un seul moment, elle se relève. […] Du moment d’ailleurs que Marie Stuart est prisonnière, qu’on la voit accablée, privée de tout ce qui console, infirme, hélas !
Frochot, né à Dijon en 1761, marié fort jeune, établi prévôt royal et notaire dans le bourg d’Aignay-le-Duc, avait vingt-huit ans au moment du grand mouvement de 89 : il en partageait les vœux et les espérances, et il fut porté comme député aux États-Généraux. […] « Si je revenais à la vie, disait Mirabeau, je ferais un bon mémoire sur l’art d’être garde-malade : c’est Frochot qui m’en a suggéré l’idée. » Et à un moment où, la fièvre s’apaisant au matin, Mirabeau faisait approcher son lit de la fenêtre, il dit à Frochot en regardant le soleil qui commençait à luire : « Mon ami, si ce n’est pas là Dieu, c’est son cousin germain. » Et le priant de lui soulever la tête : « Je voudrais pouvoir te la laisser en héritage. » Frochot refusa tout legs testamentaire. […] Le secret des négociations avec la Cour était resté entre Mirabeau et le comte de La Marck, et celui-ci avait retiré, dans les derniers moments de son ami, toutes les traces et les preuves du traité. […] Il y reparaît un moment, après le 18 fructidor. […] Il y eut un revirement et un tour de faveur au dernier moment : l’ombre même de Mirabeau, le souvenir de cette illustre amitié, joint à une réputation intacte de patriotisme et de sagesse, désigna Frochot au choix du Premier Consul.
Déterminisme littéraire : la race, le milieu, le moment. […] La littérature est déterminée par trois causes générales, la race, le milieu (physique ou historique), le moment (poids du développement antérieur, pression de ce qui est sur ce qui veut être). […] Elle ne tient pas compte de la nature individuelle : non pas du caractère, qui est résolu en influences composées de la race, du milieu et du moment ; mais du génie, de la précision de la vocation, et de l’intensité de la création. […] Dans ses belles études sur la Philosophie de l’art, Taine, procédant toujours, comme il a dit, en naturaliste, suit dans la sculpture grecque, dans la peinture et la sculpture italiennes, dans la peinture des Pays-Bas, l’action déterminante de la race, du milieu et du moment. […] Il note très finement les caractères généraux que la race, le milieu, le moment déterminent ; il explique la nette opposition de l’art flamand et de l’art hollandais ; il voit dans chaque groupe les éléments communs, ce qui rapproche, par exemple, Paul Potter, Ruysdael et Rembrandt.
Aussi, dans un pareil moment, sa figure n’exprimait ni indécision ni inquiétude ; tous les regards se portaient sur lui, personne n’osait l’interroger. […] À un moment, les restes de son régiment, à l’arrière-garde de Ney, se trouvent coupés et perdus de nuit dans un bois de sapins. […] La direction était donc assurée, et cette découverte donna aux soldats un moment de joie dont je profitai pour les encourager et leur recommander le sang-froid qui seul pouvait nous sauver. C’est ainsi qu’avec des prodiges de vigueur et de constance, qu’il fallait renouveler à chaque pas, on rejoignit Ney, et qu’avec Ney on rejoignit enfin l’armée, au moment même où, désespérant de le revoir, elle allait quitter Orcha. […] Des feux allumés sur la glace éclairent leurs derniers moments.
A ce moment était placé dans la salle, un sergent de ville, malade d’une fluxion de poitrine, mourant, presque agonisant. […] Un moment Montégut a tiré tant de coups de revolver qu’on ne peut plus respirer. […] Il se met à parler de la situation politique, du désarroi du moment, de l’avènement futur de Boulanger. […] … Pourquoi sommes-nous réunis dans ce moment ? […] Il s’étonne un moment avec moi du snobisme de quelques-uns de nos écrivains très célèbres.
Aussi bien, le moment n’est-il pas arrivé de parler de M. de Musset autrement que l’encensoir à la main ? […] Le beau moment du dix-septième siècle dans la guerre et les lettres ! […] Ce moment qui le met en présence des réalités brutales le corrige-t-il des utopies décevantes ? […] Il prend l’âme à ce moment rapide où elle s’absorbe en ce Dieu dont elle émane, et il fixe ce moment pour en faire l’état normal permanent, officiel, dogmatique, de cette âme. […] Ici, j’ai bien envie d’abandonner un moment la littérature pour l’arithmétique.
Elle peut s’éclipser un moment, mais c’est pour reparaître au premier instant de calme. […] Il suffit que l’orage politique ait fait trêve, pour que la société revienne à ce qui l’intéressait dans ses bons moments. […] Le Constitutionnel n’a jamais cessé de songer à l’intérêt littéraire ; mais il croit que le moment est venu d’y insister plus particulièrement.
Joséphine, qui, par surcroît de bonne grâce, était présente, assise sur l’un des bancs de bois de la classe, au rang d’en bas, près des élèves, souriait par moments du brusque professorat de Napoléon. […] Ulysse est de cette famille ; mais, suivant la très-juste remarque de Charles Nodier, un moment continuateur de Geoffroy au feuilleton des Débats. […] Delavigne, ni celui d’aucun autre tragique du moment, n’offraient dans la même nuance. […] laisse-moi du moins, Soulevant un moment ma chaîne douloureuse, Rêver que je suis libre et que je suis heureuse. […] A la dernière scène de la pièce, au dernier vers, au moment du coup fatal, le Ah !
Ce qui eût été contradiction dix ans plus tôt s’assortissait en ce moment à merveille. […] La fortune de l’illustre absent, à cette époque, n’était pas à beaucoup près aussi nette que nous la jugeons aujourd’hui ; son astre lointain semblait par moments près de s’éclipser. […] xi) : l’idéal de la conversation passée, lorsqu’on veut en fixer le beau moment, recule et s’enfuit à l’horizon comme tous les âges d’or. […] Quand on regrette si vivement les plaisirs de la conversation (c’est comme pour les scrupules en morale), on est bien près de mériter l’exception heureuse et de rattraper quelques bons moments. […] Le petit roman des deux jeunes émigrés, qui date de 1814, exprime assez bien, dans plusieurs détails, cette espèce de teinte bourbonienne que prirent à ce moment ses pensées.
Dupin ne se déconcerte guère, comme on sait ; il rougit malaisément, d’habitude ; les embarras ne s’y lisent jamais : sa lèvre, en ces moments-là, est seulement un peu plus arrogante que de coutume, sa parole plus décidée, sa probité de langage plus austère. […] Mais ceci n’était plus qu’une jactance oratoire, une morgue de faux homme de bien, du moment que, magistrat investi des plus hautes fonctions du ministère public, on avait fait taire dans une circonstance décisive son devoir suprême, sa conscience légale, ses antécédents notoires, et jusqu’à ces instincts entraînants de parole, seconde conscience de l’orateur. […] Arrivant à parler de lui-même et de l’éloquence de barreau et de tribune, l’orateur, que la froideur de l’auditoire semblait de plus en plus gagner, s’est retrouvé un moment : il caractérisait l’improvisation, il la montrait inégale, incorrecte peut-être, mais indispensable, irrésistible dans les luttes publiques, toujours sur la brèche, le glaive acéré et nu : « L’orateur, s’est-il écrié alors, n’a pas un cahier à la main, il ne lit pas, son œil ne suit pas des lignes, son geste n’y est pas enchaîné ; mais il vit, il regarde, il s’anime de l’impression universelle, etc., etc. » Et, tout en parlant ainsi, son doigt froissait le papier, son regard le dédaignait, et, l’oubliant durant quelques minutes, il s’est mis à lancer de rapides étincelles que le public lui a rendues en longs applaudissements. […] Et puis ce paysan du Danube qui, devenu bourgeois et avocat, sait encore si bien régenter l’illustre sénat assis pour l’écouter, a des moments singuliers où il lui prend une fluxion ou un mal de gorge, comme à Démosthènes, duquel on disait alors qu’il philippisait, et il garde ces jours-là un silence aussi prudent que celui que garda toute sa vie l’académicien Conrart.
Si sobre qu’il fût d’écritures comme de paroles, il y avait de rares moments où il savait s’expliquer autant qu’il le fallait, et où il avait presque l’air de s’épancher. […] Le brouillon revu par lui fut trouvé bon à Rome ; mais, quand il en revint, M. de Talleyrand le garda dans son secrétaire, décidé à ne le signer qu’au dernier moment. […] On se trouve à la fin de la journée, sans avoir eu un moment de langueur. […] C’est aux exécuteurs testamentaires, aux éditeurs désignés, s’ils sont libres, de bien flairer le moment et d’imiter leur auteur en saisissant l’à-propos. […] Il est bien certain qu’à un moment de l’Empire, Talleyrand a pensé que c’en était assez de guerres comme cela et de conquêtes.
Elle aurait eu, à ses moments de vertige et d’obscurcissement, ces savants et sûrs docteurs des âmes, un saint François de Borgia, un vénérable Pierre d’Alcantara, un saint François de Sales. […] elle n’est plus recouverte à mes yeux d’un voile funèbre… En reprenant mes facultés, en recouvrant mes souvenirs, ma pensée a volé vers vous200… Quelle est votre existence dans un moment de troubles si universels ? […] Elle y revint après plusieurs voyages à travers l’Europe, en 1801, à ce moment de paix et de renaissance brillante de la société et des lettres. […] Le malheur de certaines âmes, le tort de Mme de Krüdner n’est peut-être que d’avoir conçu le beau dans les choses humaines à un certain moment décisif et terrible, où il suffisait, en effet, d’un grand homme pour l’opérer. […] Ayant obtenu, à un moment, la permission de se rendre à Saint-Pétersbourg, elle en fut bannie peu après pour s’être déclarée en faveur des Grecs, et elle mourut en 1824 en Crimée, où elle essayait de fonder une espèce d’établissement pénitentiaire.
. — Moment de l’expérience ; épreuve de la démocratie […] Il eut là un moment de pureté encore, d’enthousiasme, mais aussi d’effort sur lui-même, qui lui laissa un vif et parfait souvenir : Je restai donc enthousiaste, dit-il. […] C’est alors, dans ce second moment d’un enthousiasme plus tranquille, qu’il se remet à embrasser de ses regards l’ensemble de la société et qu’il se fortifie dans ses premières vues. […] C’est tout ce que la presse pouvait se permettre en un tel moment. […] C’était aussi au moment que l’ennemi envahissait le territoire et menaçait d’apporter en France la vengeance implacable et l’extermination des hommes qui avaient pris les armes en 1789.
Dans cette jeune école, en effet, au sein de laquelle fut un moment le centre actif de la poésie d’alors, il y avait des exclusions et des absences qui devaient embarrasser. […] Or, depuis ce moment, l’expédition collective fut manquée ou accomplie, selon qu’on veut l’entendre, et chaque chef, poussant individuellement de son côté, poursuit à travers le siècle, par des voies plus ou moins larges, sa destinée, ses projets, la conquête de la glorieuse Toison. […] Du moment en effet qu’il s’agissait de fonder, non pas une poésie dans le xixe siècle, mais la poésie du xixe siècle lui-même ; du moment qu’on s’était mis en marche, non pour jeter quelque part une colonie furtive, mais pour faire une révolution réelle dans l’art, la pensée dramatique avait toute raison de prévaloir ; l’épreuve décisive était et elle est encore dans cette arène ; quiconque ne l’y met pas désespère plus ou moins de cette aimantation poétique du siècle en masse, qui a été le rêve des avant-dernières années. […] Jugez quand ce fut lui, quand l’idéal un moment fut trouvé ; alors les orageuses amours commencèrent, la vie devint errante. […] plus d’obscurité par moments et de manière.
Quand je viens en parler aujourd’hui, ce n’est point toutefois pour y chercher aucune application politique, ni pour y pratiquer aucune perspective selon les vues du moment ; j’aime mieux les prendre d’une manière plus générale, plus impartiale, et plus en eux-mêmes. […] Il semble par moments que M. […] Et puis il y a, nous le savons, de certains moments où des maladies de même nature éclatent à la fois dans divers pays : cela est vrai des maladies physiques et aussi des épidémies morales. […] La manière élevée dont Retz apprécie à ce moment le prince de Condé et ses intentions premières, avant qu’elles eussent dévié et se fussent aigries dans la lutte, mérite qu’on la lui applique à lui-même. […] Lui-même il a pris soin de nous indiquer le moment précis, très voisin de cette conversation, dans lequel il se détermina à se livrer tout à fait à sa passion et à sa haine contre Mazarin (janvier 1649) : « Quand je vis, dit-il, que la Cour ne voulait même son bien qu’à sa mode, qui n’était jamais bonne, je ne songeai plus qu’à lui faire du mal, et ce ne fut que dans ce moment que je pris l’entière et pleine résolution d’attaquer personnellement le Mazarin… » À partir de ce jour, tous les moyens lui sont bons pour réussir, les armes, les pamphlets, les calomnies.
Dès ce moment il est perdu pour sa religion, pour sa race, pour son père. Le moment où le vieux Tarass apprend d’un Juif qu’Andry est dans la place et qu’il figure dans les rangs des seigneurs polonais, sa stupéfaction à cette nouvelle, ses questions réitérées, toujours les mêmes, toujours empreintes d’une opiniâtre incrédulité, ce sont là des traits naturels, profonds, et tels qu’on est accoutumé à en admirer dans les scènes de Shakspeare. […] Toute la tendresse et l’espoir du vieux Cosaque se concentrent dès ce moment sur son noble fils Ostap. […] Ce moment qui suit la séparation est très-bien peint, et les couleurs qu’y a employées l’écrivain devenu poëte nous font entrer dans le génie de la race : « Tarass voyait bien que, dans les rangs mornes de ses Cosaques, la tristesse, peu convenable aux braves, commençait à incliner doucement toutes les têtes. […] Dès ce moment, le père n’a plus qu’une idée, qu’un deuil fixe, opiniâtre, où luit un désir inextinguible : délivrer son Ostap, s’il se peut, ou, sinon, le revoir du moins et puis le venger ; car aux mains de tels ennemis, s’il ne s’échappe, on sait trop quels tourments l’attendent.
D’après un auteur contemporain42, c’est dans les moments où le génie sommeille que l’artiste perd de son inconscience, et que, par là même, il permet le mieux au critique d’apercevoir ses procédés de facture et de composition. Dans ces moments-là, le maître devient, pour ainsi parler, son propre disciple. […] Quant à espérer mieux comprendre le génie d’un auteur dans les moments où ce génie même ne se manifeste cela semble un plus, peu étrange. […] Hugo ont, même dans leurs mauvais moments, une allure qui est encore géniale ; ce ne sont point les fautes de la médiocrité, mais des chutes de géant. […] Il y a ici deux termes en présence, l’auteur et le lecteur, qui peuvent se convenir l’un à l’autre sans être plus vrais tous les deux : à certains moments l’histoire, la vie sociale tout entière a été factice et fausse.
À la vérité, surtout quand il s’agit d’un Bossuet, l’homme d’action peut admettre, en quelque sorte, chez lui, à certains moments, l’artiste et faire de très belles œuvres d’art ; mais il n’en est pas moins vrai que la plupart de ses écrits seront des actes. […] Croyez-vous que je travaille en ce moment-ci ? […] Quand le moment viendra d’aller trouver les morts, J’aurai vécu sans soins et mourrai sans remords. […] Tu changes tous les jours de manière et de style ; Tu cours en un moment de Térence à Virgile : Aussi rien de parfait n’est sorti de tes mains. […] quand reviendront de semblables moments ?
Cependant, quelquefois j’entendais distinctement les cris de tous les trois retentir au même moment ; alors, l’idée me vint qu’ils sortaient originairement du même nid. […] car il me semble le voir lui-même en ce moment, prêt à prononcer son jugement contre moi, pour un tel forfait. […] À partir de ce moment, nous fîmes tranquillement route ensemble à travers les bois. […] Un observateur pourra reconnaître ce moment, en voyant les parents passer et repasser au-dessus de l’extrémité du tuyau sans y entrer. […] De moment en moment, son cri semble exhorter le mâle à la patience.
c’est elle qui nous séduit, elle qui n’est que trouble et qu’agitation, qui ne tient à rien, qui fait autant de pas à sa fin qu’elle ajoute de moments à sa durée, et qui nous manquera tout à coup comme un faux ami, lorsqu’elle semblera nous promettre plus de repos. […] Ne pourrai-je aujourd’hui éveiller ces yeux spirituels et intérieurs, qui sont cachés bien avant au fond de votre âme, les détourner un moment de ces images vagues et changeantes que les sens impriment, et les accoutumer à porter la vue de la vérité toute pure ? […] Ampère, dans ses leçons du Collège de France, voulant caractériser ces trois grands moments de l’éloquence de la chaire parmi nous, le moment de la création et de l’installation puissante par Bossuet, le moment du plein développement avec Bourdaloue, et enfin l’époque de l’épanouissement extrême et de la fertilité d’automne sous Massillon, y rattachait les antiques noms devenus symboles qui consacrent les trois grands moments de la scène tragique en Grèce. […] … Éternelle poétique, principe, entretien et règle supérieure des vrais talents, vous voilà établie en passant dans un sermon de Bossuet, au moment même où Despréaux essayait de vous retrouver de son côté dans ses Satires. […] Il tonnait un peu dans le vide en ces moments, ou plutôt dans un espace trop étroit : sa voix était trop forte pour le vaisseau.
C’est pour cela que j’amène les Atlantes qui, sous la conduite de Bacchus ou d’Osiris, forcent le passage par leur multitude, détruisent en un moment un grand empire et l’ouvrage des sciences. […] Je considérais que j’avais joui jusqu’alors d’une réputation littéraire qui m’avait coûté des années à acquérir, et que, placé dans un jour et dans un éclat que je n’avais point cherché, j’allais la perdre en un moment. […] Telle était l’âme de Bailly dès qu’elle retrouvait un moment de calme et de repos. […] Les beaux jours de Bailly sont passés, il n’aura plus désormais que des instants ; il le reconnaît lui-même, du moment qu’il est nommé maire et premier magistrat de la capitale, « ce jour-là, mon bonheur a fini ». […] Cette disposition ne produit pas les emportements de la folle gaieté, mais une douceur égale qui cependant peut devenir gaieté pour quelques moments ; et de tout cet ensemble se forme, se compose un air de dignité qui n’appartient qu’à la vertu et que les dignités mêmes ne donnent pas.
C’est son plus beau moment, où sa générosité, sa fierté d’âme, son courage et ses ressources d’esprit se déploient avec bien de l’avantage, et tournent au bien public comme à son honneur. « Laissez faire, disait quelque temps auparavant un spirituel étranger54 aux nobles Espagnols irrités contre elle ; si l’on touche à l’Espagne, elle sera plus Espagnole qu’aucun de vous. » Elle justifia ce pronostic. […] Son rôle éminent, viril et glorieux par moments (quelle que fût la petitesse des moyens employés), ne méritait pas cette fin burlesque. […] Cousin ; mais on ne commencerait point par là ; on ne se piquerait pas d’emblée d’être érudit avant d’avoir été tout uniment instruit (le grand et détestable travers du moment et le danger littéraire de l’avenir !) […] Du moment que la nouvelle reine d’Espagne est une princesse de Savoie, il est indispensable d’avoir pour soi le père, le duc de Savoie, de qui même la proposition, ce semble, doit venir : il ne s’agit que de la lui souffler, et, pour cela, voici la machine que Mme des Ursins arrange et construit (janvier 1701) : Il est certain que le succès de tout cela dépend de M. le duc de Savoie ; vous m’en avez assez écrit pour le comprendre, et, outre cela, la chose se dit elle-même. […] La seule difficulté qui reste est pour me faire aller jusqu’à Madrid, car peut-être que Sa Majesté ne voudra pas ôter aux dames espagnoles le plaisir et l’honneur de servir leur reine dès le moment qu’elles le pourront faire.
Du moment qu’on déclare que l’humanité, dans ses diverses manifestations historiques, a tout fait, mais en même temps a tout bien fait, et qu’on se révolte, comme si c’était un sacrilège, à l’idée qu’elle a pu commettre en masse quelque grosse sottise, il est difficile de ne pas admettre un plan auquel, même à son insu, elle obéit : il y a un Dieu là-dessous. […] C’est même pour lui une des conditions de la critique complexe et nuancée telle qu’il l’entend : « L’esprit délicat et dégagé de passion, critique pour lui-même, voit, dit-il, les côtés faibles de sa propre cause et est tenté par moments d’être de l’avis de ses adversaires. » Le contraire lui paraît presque de la grossièreté, de la violence à l’usage seulement des hommes d’action, des chefs de secte ou de parti, non des penseurs. […] Renan lui-même, si complexe et si fuyant quand on le presse et qu’on veut l’embrasser tout entier, ce serait moins un article de critique qu’il conviendrait de faire sur lui comme en ce moment, qu’un petit dialogue à la manière de Platon. […] De tous les côtés j’aboutis à la même conclusion : à un certain moment, au bout de chaque allée, au sommet de chaque étude, avec M. […] À peine, aux moments douteux, un frémissement léger (car toute foule est vivante) a-t-il averti le professeur qu’il vient d’effleurer une partie délicate et tendre de la conscience humaine et qu’il à à redoubler de délicatesse : et il est homme plus que personne à le sentir et à en tenir compte.
A un moment décisif, près de devenir époux et père de famille, il se vit même obligé de signer une espèce de rétractation, afin de ne pas se fermer tout avenir, à lui et aux siens. […] Exalté pour les femmes, mais en toute délicatesse et pureté, Deleyre, à un moment, devint passionnément amoureux et se maria ; il dut dès lors compter avec la société, avec ces mêmes préjugés dont il avait horreur, et subir des chaînes. […] » Et confondant un moment ses douleurs avec celles du maître, mêlant ses larmes aux siennes à l’occasion de la mort de M. de Luxembourg : « Soyons hommes et point philosophes, lui disait-il, malheureux même s’il le faut, pour être plus humains ! […] Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Je ne peux ni sentir sur parole, ni écrire d’après autrui… » Poète, il n’aspire qu’à manifester la nature dans ses ouvrages en vers, et il ne s’aperçoit pas qu’il ne la manifestera jamais plus pleinement, avec plus de couleur et de chaleur, qu’à ce moment même où il en forme le dessein et où il en parle ainsi. […] « Il faut, mon ami, que je me prive pour le moment du plaisir de vous voir et de confondre mes larmes avec les vôtres, car vos entrailles ne manqueraient pas de s’émouvoir à la vue d’un père et d’un ami malheureux.
Il dut, avant tout, sonder la France, alliée de l’Autriche, pour s’assurer qu’elle n’épousait point la politique de Vienne ; et, de son côté, Marie-Thérèse, changeant un moment de rôle auprès de sa fille et passant du ton de mentor à celui de solliciteuse, essaya par elle de peser sur les déterminations de Louis XVI. […] Mais, en écrivant à Marie-Antoinette, elle dissimule presque entièrement cette différence d’esprit et de vues, et elle la réduit à n’être, à un moment, qu’une altercation légère qui portait moins sur le fond de l’affaire que sur la forme ou les moyens, tandis que la dissidence était radicale et profonde. […] On était engagé, d’ailleurs, dans un vaste conflit maritime contre l’Angleterre ; le moment eût été bien mal choisi pour s’en aller tenter croisade au-delà du Rhin. […] Le prince Henri pouvait, à un moment, tomber sur l’ennemi, « pour peu qu’il l’eût voulu » : il ne le fit pas. […] Marie-Antoinette était enceinte en ce moment.
Ne sommes-nous pas, sous l’aspect littéraire et moral, à l’un de ces moments dont il y aurait à tirer parti ? […] Il a eu pourtant son éclair bien flatteur, bien chatoyant, son moment de sirène : Subdola quum ridet placidi pellacia ponti. Ce moment-là ne pouvait venir qu’entre deux vagues, dans un intervalle de mélange et de confusion. […] , je penserais que c’est le moment ou jamais, pour tous les hommes qui ont cette conservation à cœur et qui ne sont pas disposés à se confier immédiatement aux ressources de l’inconnu, — que c’est le moment pour eux de s’unir, de comprendre que la chose publique s’en va dans un morcellement misérable d’intrigues, dans une diminution sans terme de tous les pouvoirs et de toutes les fonctions. […] Des existences ainsi ne se dissiperont pas, d’autres se régleront ; de nobles esprits retrouveront de ces emplois dont l’effet durable, après des années, se revoit aux moments de réflexion avec le plaisir du sage.
« On peut assurer, dit-il, que l’Académie changea de face à ce moment ; de peu connue qu’elle étoit, elle devint si célèbre, qu’elle faisoit le sujet des conversations ordinaires. »— Perrault, en effet, avait bien vu ; cet homme d’esprit et d’invention, ce bras droit de M. […] Étienne, une vogue littéraire des plus animées, et finalement une mêlée des plus curieuses et des plus propres à faire connaître l’esprit du moment. […] Le faible ou le commun, qui se retrouve si vite au-delà de la première couche chez cet auteur spirituel, a été, en général, l’écueil de la littérature de son moment. […] Molé n’y a pas manqué ; le ton s’est élevé avec le sujet ; la grandeur méconnue du cardinal était vengée en ce moment non plus par l’académicien, mais par l’homme d’État. […] Molé, parlant au nom de l’Académie, a donné un bel exemple : « Le moment n’est-il pas venu, s’est-il écrié en finissant, de mettre un terme à ces disputes ?
Ce n’est pas ce côté pratique de la question qui m’occupera ici, d’autant qu’il me semble que c’est cause gagnée pour le moment. […] Brienne nous a très bien raconté le moment décisif où, grâce à elle, Mazarin fixa de nouveau et plus solidement que jamais le nœud de sa fortune. Ce moment doit répondre aux premiers instants de la régence ou peut-être aux derniers jours de la maladie de Louis XIII. […] Tous les avantages que le roi m’avait donnés par sa déclaration, je les abandonne dès ce moment. […] — C’est moi, monseigneur, qui attendais le moment de parler à Votre Éminence… — Approchez, approchez », me dit-il d’un ton fort dolent.
Ils ont chacun leur moment ; car une nation ne peut pas toujours faire de grandes choses : il lui faut se reposer de temps en temps et reprendre haleine sous la main des spirituels diseurs de riens. […] On fera un jour, nous l’espérons bien, un recueil des principaux morceaux de Carrel ; nous souhaitons qu’on le fasse sans préoccupation politique, admettant tout ce qui caractérise la pensée de l’homme à ses divers moments, et ne songeant qu’à éviter le trop d’uniformité. […] Pour couper court, je dirai qu’il y eut, selon moi, un moment décisif que Carrel manqua, et où il aurait dû comprendre que la partie, telle qu’il l’avait engagée et qu’il l’aurait voulu prolonger, était sans issue. […] Disons-le donc en concluant, et sans craindre d’offenser ses mânes, il a fait fausse route à un certain moment ; il s’est trompé, non pas tant en manquant le succès, ce qui peut arriver à tout homme noble et sensé, mais en s’obstinant dans une voie sans issue et dans une cause pleine de pièges et de ténèbres. […] Carrel a pu paraître un moment ce Sertorius de la presse ; il l’a été jusqu’en 1833, par son habileté de tactique, son audace calculée et ses ruses ; mais bientôt l’obstination s’est montrée trop à nu, et malgré ses habiletés d’intérieur, dont les gens de son parti avaient seuls le secret, il n’a plus paru au-dehors que comme Charles XII à Bender, soutenant à peu près seul un siège dans sa maison.
C’est un meurtre, oui, mais dont on peut douter s’il tue de la vie, et quelle espèce de vie : car les médecins ne savent pas à quel moment le germe de ce qui sera un homme devient en effet une créature humaine, et les théologiens ne savent pas à quel moment il reçoit une âme. […] Délivrer la femme, avec son consentement et par des moyens qui, dans ce premier moment, ne présentent aucun danger pour elle, c’est supprimer un je ne sais quoi de pas encore vivant ou qui, dans l’échelle de la vie, occupe le plus bas degré, est tout proche de la vie purement végétative ; et c’est, d’autre part, conjurer une terrifiante possibilité d’angoisse et de souffrance, épargner à la mère et au père putatif de ce je ne sais quoi des années de géhenne, et de ces douleurs sans recours, qui rendent injuste et méchant. […] Il ne devient crime qu’à partir du moment où il est dénoncé.
Le beau tableau, si le peintre avait su faire des montagnes au pied desquelles la Vierge eût passé ; s’il eût su faire ses montagnes bien droites, bien escarpées et bien majestueuses ; s’il eût su les couvrir de mousses et d’arbustes sauvages ; s’il eût su donner à sa Vierge de la simplicité, de la beauté, de la grandeur, de la noblesse ; si le chemin qu’elle eût suivi eût conduit dans les sentiers de quelque forêt bien solitaire, et bien détournée ; s’il eût pris son moment au point du jour ou à sa chute. […] Le moment est mal choisi. […] C’est, mon ami, comme je crois vous l’avoir déjà dit, que tout l’effet d’un pareil tableau, dépend du paysage, du moment du jour, et de la solitude ; si des déesses viennent déposer leurs vêtements et exposer leurs charmes les plus secrets aux yeux d’un mortel, c’est sans doute dans un endroit de la terre écarté. […] Qu’il soit jeune, vigoureux, et d’une beauté rustique ; qu’il soit assis sur un bout de rocher ; que de vieux arbres qui ont pris racine sur ce rocher et qui le couronnent, entrelacent leurs branches touffues au-dessus de sa tête ; que le soleil penche vers son couchant ; que ses rayons, dorant le sommet des montagnes et la sommité des arbres viennent éclairer pour un moment encore le lieu de la scène ; que les trois déesses soient en présence de Paris ; que Venus semble de préférence arrêter ses regards ; qu’elles soient toutes les trois si belles, que je ne sache moi-même à qui accorder la pomme ; que chacune ait sa beauté particulière ; qu’elles soient toutes nues ; que Venus ait seulement son ceste, Pallas son casque ; Junon son bandeau.
mais s’il eût été bien loin, comme le choix du moment l’exigeait, qui est-ce qui aurait reconnu Cleopatre. C’est que le choix du moment est vicieux ; il fallait prendre celui où cette femme altière déterminée à tromper l’orgueil romain qui la destinait à orner un triomphe, se découvre la gorge, sourit au serpent, mais de ce souris dédaigneux qui retombe sur le vainqueur auquel elle va échapper et se fait mordre le sein. […] Le choix du moment où elle expire ne donne point une Cleopatre, il ne donne qu’une femme expirante de la morsure d’un serpent.
Celui-ci, dès ce moment, travailla secrètement avec Tallien, et lui prêta sa rédaction, ses idées. […] À ces moments de réveil, l’opinion n’avait rien de vague, d’incertain ; il n’y avait pas de place pour l’indifférence ; tous les courants étaient rapides et dessinés. […] C’était le moment où Mme de Staël publiait son livre De l’influence des passions sur le bonheur. […] Il y eut là un moment à jamais mémorable, et que nul mieux que lui ne peut nous aider à ressaisir et à admirer. […] Nul n’osera interrompre son silence avec indiscrétion, non que l’on craigne un moment de mauvaise humeur, mais uniquement parce qu’on sent qu’il existe, pour ainsi dire, entre lui et soi, une grande pensée qui l’occupe et le défend d’une approche familière.
C’est à ce moment qu’un homme simple, un saint homme, tout de bien et de pratique, un confesseur à la Vincent de Paul, se rencontre sur son chemin. […] en ce moment même, je ne le sens que trop, si ma volonté tout entière n’était pas entre les mains de mon père bien-aimé, si ses conseils ne me soutenaient pas, si je n’étais pas complètement résolu à obéir sans hésiter à ses ordres salutaires, oui, en ce moment même je retomberais dans mes premières incertitudes et dans l’abîme sans fond d’où sa main charitable m’a retiré. […] La verge qui nous châtie en ce moment sera brisée à son tour. […] C’est à ce moment aussi, dans les derniers mois de 1815 et les premiers de 1816, qu’il a fixé l’accomplissement de son sacrifice. […] Peyrat pense et parle en ministre de la Religion réformée) ; mais il se relâchait, il s’abandonnait par moments avec Béranger.
Toujours, au contraire, je l’ai remercié ; jamais je ne l’avais touché de plus près que dans ces moments-là. […] Dieu, pour me soutenir, m’avait réservé pour ce moment un vrai événement intellectuel et moral. […] Et je vais peut-être me couper les bras ; car les prêtres feront beaucoup en ce moment ; peut-être faudra-t-il être prêtre pour y pouvoir quelque chose ; Ronge et Czerski étaient prêtres. […] Ce sont là mes vrais domiciles et ceux où je passe les moments les plus agréables. […] Venez donc avec moi, cher ami, et nous passerons ensemble d’agréables moments.
. ; il l’applaudit, il la gourmande, il essaie de la contenir dans les voies de la morale et de la raison ; il se donne du moins à lui-même et à tous les honnêtes gens la satisfaction d’exprimer tout haut ses sentiments sincères, et, à certains moments plus vifs, il est entraîné, il s’avance et se compromet auprès des principaux personnages, jusqu’à mériter pour un temps prochain leur désignation et leur vengeance. […] Ce premier moment qui nous laisse voir André Chénier dans la modération toujours, mais pas encore dans la résistance, se distingue par quelques écrits, dont le plus remarqué fut celui qui a pour titre : Avis aux Français sur leurs véritables ennemis, et qui parut d’abord dans le numéro XIII du Journal de la Société de 89. […] Il tâche d’élever les âmes, de les animer au bien par la grandeur des circonstances : « La France n’est point dans ce moment chargée de ses seuls intérêts ; la cause de l’Europe entière est déposée dans ses mains… On peut dire que la race humaine est maintenant occupée à faire sur nos têtes une grande expérience. » À côté de l’honneur insigne de la réussite, il déroule les suites incalculables d’un revers. […] … élevez donc la voix, montrez-vous… Ce moment est le seul qui nous reste : c’est le moment précis où nous allons décider de notre avenir… La perte d’un poste est peu de chose, mais l’honneur de la France a été plus compromis par de détestables actions qu’il ne l’avait été depuis des siècles. […] La langue est noble, pure, ferme, pas très éclatante : elle pourrait même, par moments, l’être plus, sans le paraître trop.
Gavarni ne dîne-t-il pas dans ce moment à la Poissonnerie anglaise, absolument parce que le maître du restaurant lui révèle les différents trucs avec lesquels les filous volent dans les cafés. […] Et, à tout moment, les carreaux tintent, et trois enfants joufflus, comme des derrières d’anges, collent leurs visages aux vitres, et, à tout moment, la porte s’ouvre et les trois enfants roulent dans les jambes de l’homme qui prépare la planche, et ressortent. […] Et que personne de ceux qui sont morts ne soit revenu dans le rêve d’un vivant, à ce moment où il est délié de la vie, un père pour avertir son fils, une mère, une mère ! […] Ç’a été une douleur au cœur, et le sang si fort à la tête que je craignais à tout moment de tomber. […] Et bientôt, sous le coup des émotions de la soirée, de l’ébranlement des nerfs de chacun, l’embrassade devient générale, et de bonne foi dans le moment.
… » Une autre nuit, dans un vallon perdu, j’ai entendu un rossignol chanter si merveilleusement que sa voix nous a fait taire longtemps… La nature me console ; elle est mon amie, je suis dans son intimité ; j’ai épié tous les moments de la nuit et du jour. […] Le matin, je tâche de m’échapper sur les coteaux pour prier et, le soir, je vais me recueillir un moment dans l’église. […] Je commande en ce moment deux sections : aussi ai-je beaucoup à faire. […] pour bien vous défendre, et défendre avec vous toutes les jeunes filles de France qui se dévouent en ce moment pour leurs frères du front ; bien me battre pour vous épargner l’odieux contact des barbares que nous contenons ici, un bataillon contre deux, depuis un mois et demi. […] Cette élite en ce moment est tenace, vaillante ; elle conduit la guerre et saura la mener à bonne fin, car les masses sont, en définitive, endurantes, patientes, susceptibles d’être noblement excitées et lancées au combat.
On rassemble leurs moindres vestiges, on rapproche et on discute les plus légers témoignages ; la conjecture n’a plus ensuite qu’à jouer et à s’ébattre ; c’est ce qu’il est difficile qu’elle ne s’accorde point à de certains moments. […] Et puisque c’est un rêve qui se dessine à ma pensée en ce moment, qu’on me laisse continuer d’y rêver. — C’était, je vous assure, un lamentable spectacle que celui de toutes ces ombres une fois illustres, et qui elles-mêmes en leur temps, à des époques éclairées et florissantes, avaient paru distribuer la gloire et l’immortalité, — de les voir aujourd’hui découronnées de tout rayon, privées de toute parole sonore, et essayant vainement, d’un souffle grêle, d’articuler leur propre nom, pour qu’au moins le passant pût le retenir et peut-être le répéter. […] Je crois bien que si, à de certains moments, on avait été dire en pleine Memphis, en pleine Rome, en pleine Athènes, à la face de ces civilisations jusqu’alors incomparables : « Vous mourrez, et d’autres, en d’autres lieux, succéderont à votre gloire, à vos plaisirs, à vos lumières », je crois bien qu’on eût été mal venu, médiocrement écouté, et sifflé, sinon lapidé d’importance. […] Bref, par une cause ou par une autre, à un certain moment, il nous arrivera, à nous Modernes, comme à l’antiquité, un peu moins si vous le voulez ; le temps l’a décimée, on nous triera. […] Puis, à un certain moment, on ne vous réimprime plus, et alors c’est l’affaire du ver qui ronge le chiffon en plus ou moins de temps ; même sans inondation et sans incendie, on périt de sécheresse ou d’humidité.
Quand nous intervenons, nous d’une génération déjà autre, au milieu des jeunes gens avec nos souvenirs, nous faisons plus ou moins l’effet de Nestor revenant avec ses éternels combats des Épéens et des Pyliens, au moment le plus intéressant de l’action entre les Troyens et les Grecs, et coupant l’intérêt qui ne demande qu’Achille et qu’Hector. […] Il me semble voir, parmi la race nageante des poissons, cette espèce particulière qu’on appelle poissons volants, et qui ne sortent un moment du milieu commun que pour aussitôt y retomber. […] Et pourtant que de moments faciles et gais, insensiblement heureux, dus au printemps, au soleil de chaque matin ! […] Il vient un moment triste dans la vie, c’est lorsqu’on sent qu’on est arrivé à tout ce qu’on pouvait espérer, qu’on a acquis tout ce qu’on pouvait raisonnablement prétendre. […] il me semble qu’un moment encore je fais asseoir ma Jeunesse à mes côtés.
Il faut recourir aux procédés des classifications naturelles : rapprocher, comparer les œuvres littéraires nées à différents moments ; constater les caractères principaux qu’elles présentent ; noter à quelle date apparaissent ceux-ci et disparaissent ceux-là. […] Ainsi l’on peut bien dater le commencement de notre ère classique du moment où Du Bellay et Ronsard entrent en jeunes conquérants dans la carrière littéraire. […] Si l’on cherche un point d’arrêt naturel, un moment critique qui marque un changement grave dans les mœurs et la marche de la nation, force est de pousser jusqu’en 1715. […] Puis, dans la vie même d’un seul peuple, comme dans celle d’un individu, il y a des moments de croissance rapide et des moments de stabilité relative.
Ce qu’il fallait à Goethe à ce moment, c’était surtout un informateur. […] Les choses n’en étaient pas tout à fait là encore à ce moment du voyage en Allemagne, mais déjà la paix et l’harmonie régnaient dans les cœurs. […] Guizot est venu hier à mon banc me demander si, lorsque le moment sera venu, vous consentirez à être présenté au roi. […] Le moment de crise (et je ne crois pas en avoir éprouvé une pareille dans toute ma vie) est d’ailleurs passé. […] Mlle Cuvier était au moment d’épouser M.
Nous nous acharnons en ce moment à attendre des légions de grands hommes par l’instruction obligatoire. […] Dès ce moment je commence à juger par là de ton amour pour moi. […] Pourtant je te vois, et sous une forme aussi palpable que celui que je tire en ce moment. […] Je vous rejoins dans un moment. […] Notre hôtesse garde sa place d’honneur ; mais dans un moment favorable nous lui demanderons sa bienvenue.
Sur le cérémonial de Louis XV, sur les questions de révérences, de tabourets, de pliants, de carreaux, qui reviennent à tous moments, — sur le droit que prétendent avoir les ducs d’avoir à l’église des carreaux, non pas devant le roi, mais derrière ; — sur tout cela, je passe. […] Quelques moments après, ayant trouvé M. de Nangis et l’ayant appelé, il lui dit qu’il avait pensé à ce qu’il lui avait demandé, qu’il lui en savait bon gré parce que ce n’était pas une chose amusante, qu’il lui accordait cette grâce à deux conditions : la première, qu’il n’en parlerait point qu’il ne l’eût permis, la seconde qu’il en userait modérément. […] Dans le dîner burlesque de la satire de Boileau, on voit à un certain moment l’un des campagnards relevant sa moustache Et son feutre à grands poils ombragé d’un panache : il dînait donc le chapeau sur la tête, bien qu’on fût dans une salle fort chaude et en plein été. […] Un mois ou six semaines après M. de Tessé étant prêt de se coucher, et son cuisinier étant dans sa chambre dans ce moment, il lui demanda s’il ne pourrait donc point lui faire découvrir le seigneur espagnol à qui il avait tant fait de questions. […] Un jour qu’il est allé masqué au bal de l’Opéra en compagnie du comte de Noailles, il en parle au cardinal et lui dit que c’est M. de Noailles qui, pour dépister les curieux, a fait le rôle du roi et a fort bien joué tout le temps son personnage. « Oui, sire, reprend le cardinal ; mais j’ai ouï dire qu’il avait fait Votre Majesté un peu trop galante. » Le roi piqué fut un moment sans répondre, et il dit ensuite d’un ton sec : « J’en suis content, il n’a fait que ce que je lui ai ordonné. » Et il tourna le dos à son ancien précepteur qui croyait l’être toujours.
Ils m’ont vu huit jours de suite, par une pluie affreuse, ne prendre jamais un moment de repos, les conduire intrépidement au feu, les encourager dans leurs malheurs, et seul de l’état-major, ne les jamais quitter. — J’ai été instruit de ma réforme, écrit-il encore, dans un moment où, honoré de la confiance des généraux, je commandais le point essentiel de la première division de droite, avec huit et même douze bataillons, et à l’une des plus sanglantes affaires qui eurent lieu à l’armée d’Italie, à Melognoo. […] Il eut un moment d’hésitation avant d’accepter ; il le dit à son père dans une lettre datée de quelques jours après, et où il se montre bien à nous dans l’élan et la poursuite de la victoire : Sous Ceva, 30 novembre 1795. […] arrêtons-nous un moment : car c’est surtout le caractère moral de Joubert que nous étudions. […] Nous avons joui un moment de leur embarras bressan.
Dans cette incessante variabilité des modes et des vogues littéraires, les traductions, notamment, sont chose essentiellement relative et provisoire ; elles servent à l’éducation des esprits, elles en sont la mesure, et il n’y a rien d’étonnant qu’à un moment venu, ils s’en passent on en veuillent d’une autre sorte et d’une autre marque. […] Je ne pèse pas les mérites, je noie les moments. […] Il n’est pas invitant de s’aller engager dans un long combat, dans une joute inégale, non seulement avec la certitude d’être finalement vaincu, mais de plus avec l’assurance qu’on sera déclaré inférieur à tous les moments du duel. […] Mais ce n’est pas ici le moment de se livrer à cet examen. […] C’est à ce moment que cette sœur éplorée s’étant approchée imprudemment trop près de la flamme, Pamphile éperdu, hors de lui, s’élance, déclarant en cet instant tout cet amour si longtemps caché ; il accourt, il saisit la femme par le milieu du corps : « Ma chère Glycère, s’écrie-t-il, que fais-tu ?
Eugénie, plus âgée que Louise, l’aime beaucoup, l’aime comme une jeune sœur, la croit par moments un peu inégale en amitié, ne cesse pourtant de la chérir, et doucement, la voyant si légère avec sa couronne de seize ans, la sermonne un peu jusqu’à ce que Louise, à son tour, finisse par devenir elle-même sérieuse, posée, recueillie, et se laisse entrevoir à nous dans un coin du salon lisant par goût du saint Jérôme. […] À peine j’eus ouvert les yeux et fait le signe de la croix du réveil que votre souvenir vint me trouver sur mon chevet et me dire que dans ce moment vous pensiez aussi à moi, et que, si nous ne pouvions pas nous voir, nos prières et nos vœux se rencontraient dans le chemin du Ciel. […] Mlle Eugénie de Guérin, cette fleur discrète de l’enclos du Cayla, a eu, je le sais, deux moments dans sa triste et longue jeunesse, le premier plus renfermé, plus doux, plus faible, plus enfant (si l’on put jamais lui appliquer un tel mot), avant d’avoir lu Lamennais, avant d’avoir lu Pascal, avant d’avoir souffert ; puis le second moment où elle est tout à fait mûre, avertie, fortifiée, frappée et brisée ; mais même dans ce second et plus ferme moment elle conserve quelque chose de parfaitement doux, de résigné et d’un peu effacé ; elle se dérobe à dessein : elle vient la dernière dans la procession des vierges. […] Elle raconte à son amie Louise tous les glas de jeunes filles que sonne la cloche de la paroisse rurale ; ses lettres, par moments, sont comme un nécrologe continu. […] On dit que tout ce que demande à Dieu la religieuse lui est accordé on ce moment.
Le vrai moment social de M. […] Je sais toutes les exceptions qu’on peut faire, elles me reviennent et se lèvent devant moi en ce moment : je salue tous ces grands beaux hommes spirituels ; mais en fait il n’en est pas moins vrai que cela semble une singularité de trouver l’esprit d’un abbé Galiani dans le corps d’un grenadier. […] Beugnot crut retrouver sous les Bourbons, en ces premiers moments, une renaissance de ce gouvernement paternel qui lui avait souri dans sa jeunesse sous Louis XVI. […] Ce fut même lui qui eut l’honneur de rédiger le fameux préambule : il s’en était remis d’abord pour la composition au talent élevé, mais trop oratoire, de Fontanes : il lui fallut tout refaire au dernier moment. […] Il vous avait paru sans conséquence de le lâcher à un certain moment : lui, il vous a suivi, il vous a saisi et mis à jour avec vos vices nonchalants, vos légèretés incroyables, vos débauches d’esprit dans les graves instants, votre complaisance et votre assujettissement à vos familiers et à vos entours.
Ne faut-il pas jouer avec la vie jusqu’au dernier moment ? […] La singulière douceur de cette philosophie tout horatienne demande grâce, un moment, pour la légèreté qui s’y mêle encore, et qui continuera de s’y mêler longtemps. […] Voltaire, en cela moins humain qu’il ne convient, se met à rire par moments de voir le roi de Prusse, son ancien ingrat, sur les dents, et la lutte acharnée des chasseurs et du sanglier : « Riez et profitez de la folie et de l’imbécillité des hommes. […] Mais Voltaire est tenté, à tout moment, d’envoyer à Bernis autre chose encore que des tragédies ; il veut lui envoyer ses contes, ses légèretés, Ce qui plaît aux dames : « Mais je n’ose », ajoute-t-il en se retenant à peine. […] Bernis, ayant compris dans les derniers jours du conclave que le cardinal Ganganelli avait l’appui des cardinaux espagnols, se rallia à lui et contribua dans le dernier moment à lui procurer l’unanimité.
Roederer ne cessait point pour cela d’être conseiller d’État et président de section ; mais cette direction nouvelle, en le mettant aux prises avec des difficultés et des amours-propres de tout genre, hâta le moment où il y eut arrêt dans sa faveur. […] C’était le moment où Bonaparte, nommé consul à vie (août 1802), instituant la Légion d’honneur, créant les sénatoreries, faisait subir à la première Constitution consulaire une modification essentielle qui l’inclinait dans le sens monarchique. Dès ce moment, à bien juger de la portée des actes, l’Empire était fait, il l’était en principe ; ce qui vint après ne devait plus être qu’une consécration, une conséquence. […] C’est, en effet, le moment pour nous de bien fixer le caractère littéraire et philosophique de Roederer. […] (Il était en ce moment près de minuit.
On suit le captif depuis le moment de son arrestation à Smyrne, où on l’envoya prendre pour l’amener à Constantinople et l’enfermer d’abord aux Sept-Tours, où il se flattait de rester. […] La première se rapporte à l’époque la plus florissante de l’Empire, peu après le moment où Napoléon écrivait à M. […] Son état a empiré aujourd’hui ; hier au soir il avait perdu les esprits, et dans ce moment il n’est point encore revenu à lui. […] L’ennemi n’a certainement pas, dans ce moment-ci, six vaisseaux en état de combattre. […] A certains mots hardis que Jean-Bon profère en des moments où il n’est qu’à deux pas de l’Empereur (par exemple, dans la scène du bateau sur le Rhin), on dirait que Beugnot, en les rapportant, s’amuse à les mettre en saillie pour mieux faire ressortir ses propres frayeurs à lui-même, frayeurs dont il avait pris le parti de rire, ne pouvant les maîtriser.
Nous en sommes à la période ascendante de la gloire de Catinat et au plus beau moment de sa carrière militaire. […] Catinat, qu’on avait laissé en sentinelle à la frontière durant tout l’hiver, ne reçut que plus tard les dernières instructions de Louis XIV écrites au pied levé et au moment même où le roi partait pour l’armée de Flandre (10 mai). […] C’est alors que Catinat, qui avait employé le temps à se mettre en mesure, sentit que le moment était venu de prendre sa revanche et de jouer vaillamment de l’épée. […] Du moment que notre attaque fut indiquée par notre marche et le feu des décharges, toute la ligne s’ébranla comme en même temps et marcha dans le plus bel ordre que l’on saurait dire à Votre Majesté et avec une telle furie qu’elle enfonça tout. […] Un rayon brille sur ce point de la vie de Catinat, un beau rayon d’automne ; c’est l’endroit le plus lumineux de sa carrière, son moment de plein éclat.
Moyennant ce biais, Malouot se trouva chargé de la motion dont personne au dehors ne soupçonnait la portée ; le secret en fut gardé jusqu’au dernier moment entre M. de Montmorin, M. de Clermont-Tonnerre, l’abbé et lui. […] On l’avait fait imprimer à l’avance, et toute l’édition, à l’abri de la saisie, attendait chez Malouet le moment de s’envoler ; les initiés comptaient sur un immense succès d’opposition et de surprise. […] Ce moment inspira sans doute un vif intérêt à tous ceux qui aiment la Constitution, et qui ont étudié les causes de la Révolution à qui nous en sommes redevables. […] Un moment Malouet a la pensée de partir pour Saint-Domingue, où l’insurrection vient d’éclater, et où des intérêts de fortune l’appellent. […] A un moment il put se flatter d’avoir fait accepter de Louis xvi un plan de défense tout intérieur et sans complication de l’étranger.
C’est de cette seule époque de notre poésie que j’ai à parler en ce moment. […] Ce petit livre représente un moment de la langue. […] Du Bellay, à son moment, est un classique dans toute la force du terme, un classique qui veut qu’on invente à demi, qu’on transplante, qu’on greffe et qu’on perfectionne à la française. […] Les piquantes ballades de Villon et ses refrains spirituels n’avaient fait que rompre un moment la tradition monotone. […] Le moment étant donné, l’honneur des jeunes et vigilants esprits est alors de ne pas rester en arrière et de se lever des premiers, en faisant appel à tous.
C’était le moment où des troubles commencèrent à éclater dans cette province, et l’on passa vite à la rébellion ouverte. […] Elle le croyait un moment ; mais le lendemain elle revenait à la charge, et disait : « Hier, dans mon amour de vingt ans, je croyais qu’il n’y a rien d’impossible, de la part d’un homme qui aime, pour l’objet aimé. […] Il y avait des moments plus sombres et comme désespérés, quand le silence de Mme de Pontivy, après une lettre tendre qu’il avait écrite, se prolongeait trop longtemps. […] Cette nature sensible, à côté de l’autre nature plus passionnée mais lassée, lui rendait en ce moment tous les rayons pleins de chaleur qu’il en avait longtemps reçus, et elle le regardait avec larmes : « Eh bien ! […] pour un tort indéfinissable et dont on ne saurait marquer le moment !
M. de Ségur nous fait toucher en mainte page de ses Mémoires la réunion de circonstances favorables qui rendait comme unique dans l’histoire ce moment d’illusion et d’espérance. […] Aimable, jeune, empressé de plaire, il était naturel que M. de Ségur traversât à un moment l’idée auguste et mille fois conquérante. […] Dans un intéressant ouvrage publié en 1801 sur les dix années de règne de Frédéric-Guillaume, M. de Ségur a touché les circonstances de cette négociation délicate où il crut pouvoir se flatter, un très-court moment, d’avoir réussi. […] Le moment était arrivé où dans ce déchaînement de passions violentes et de préventions aveugles, il n’y avait certes aucun déshonneur pour les hommes sages, pour les esprits modérés, à se sentir inhabiles, et impuissants. […] Plus d’une fois, m’assure-t-on, dans les moments d’urgence, il prêta sa plume aux discours de Boissy-d’Anglas et de ses autres amis.
Il ne fut, à aucun moment, ébloui ni séduit sous l’Empire. […] Les dernières années de la Restauration furent un beau et heureux moment pour M. de Broglie. […] Humann, ministre des Finances, en présentant son budget à la Chambre en janvier 1836, avait brusquement déclaré, sans avoir consulté ses collègues, que le moment était venu, selon lui, de réduire l’intérêt de la rente. […] Depuis lors M. de Broglie était rentré au sein de ce qu’on pouvait appeler la plus honorable retraite, et il ne reparut qu’à de rares moments dans l’action politique. […] Il n’y a point pris jusqu’ici la parole, et il doit s’y sentir par moments un peu dépaysé.
Du moment que Mirabeau est arrêté et enfermé dans le donjon de Vincennes, on peut le suivre jour par jour dans sa longue et rigoureuse captivité. […] Elles ont, pour la plupart, le faux goût, le faux ton exalté du moment, les fausses couleurs ;·le Marmontel et le Fragonard s’y mêlent, et, bien qu’exprimant un sentiment véritable, elles sont plus faites aujourd’hui pour exciter le sourire que l’émotion. […] Dans l’admirable Mémoire ou Lettre justificative adressée à son père, le ton est tout oratoire et atteint par moments à la haute éloquence. […] Dans Mirabeau écrivain, j’aperçois à tout moment l’orateur à demi penché, en avant et au-dessus de sa phrase. […] Mirabeau, après sa sortie, courut la voir un moment en juillet 1781.
Dieu veuille amener bientôt le moment où elle ne propagera que ce que nous aimons ! […] Mais qu’il y a pour lui de rudes moments d’agonie, d’attente et de labeur ! […] M. de Maistre, à un certain moment, désira voir Bonaparte et s’aboucher avec lui au sujet des intérêts de son maître le roi de Sardaigne, alors si écrasé. […] La nature a donné à son esprit ce coup d’œil à distance, cette prévision merveilleuse qui saisit et devance les moments décisifs, et il en abuse. […] Mais il abuse aussi de ce rire, et il y a des moments où il l’introduit d’une manière déplacée.
Villemain redouble, nous dit-on, de vivacité et d’esprit ; il est comme ces coursiers généreux qui, ayant bronché un moment, se redressent et reprennent le galop avec plus de frémissement et de vigueur. […] Qu'on ne s’étonne donc point que, même à son moment le plus glorieux, il y ait eu des âmes élevées, des âmes d’élite, amies de la justice et du droit, qui se soient dit entre elles comme Cicéron à Atticus : Sibi habeat suam fortunam. […] Patin a parlé à merveille sur sa tombe, bien qu’avec l’extrême indulgence qui est de rigueur en de tels moments. […] Sa Clytemnestre, moins pompeuse, laissera plus de souvenir ; elle a marqué un moment dans les fastes dramatiques de la Restauration.
J’ai eu l’honneur d’être autrefois un élève de cette Faculté de médecine si attaquée en ce moment dans la personne de ses plus excellents maîtres. […] Voyons les choses, pour le moment, comme étant à l’état normal et régulier, et telles qu’elles se dessinent généralement aujourd’hui, en écartant certains incidents récents, qui feraient trouble et complication à notre regard. […] Je serais presque tenté de le croire, car du moment qu’il y a un lien d’association comme dans l’Ordre de la franc-maçonnerie par exemple, oh ! […] Sée, ferme et impassible, attendait que le moment de parler fût venu. […] Un danger en ce moment nous menace, et une grande partie de la France est inquiète.
C’était, je l’ai dit, le moment de la ruine complète. […] Il m’est bien clair, quand je tiens ce volume-là, de cette date, qu’elle n’avait pu lire encore Lamartine, dont les Méditations ne paraissaient qu’au moment même. […] Depuis un certain moment, cette âme, ce talent de tendre poëte a eu peine évidemment à se faire aux saisons décroissantes d’une vie qui va flétrissant, chaque jour, ses premières promesses. […] J’ai des moments où je croule, mais je me sens toujours soutenue par cette main divine qui nous a faits frère et sœur pour nous aider et nous chérir, mon bon Félix. […] Souvent dans ses vifs chagrins et ses moments d’abattement, elle entrait dans une église pour prier le Dieu de son cœur ; mais c’était toujours aux heures où toute cérémonie était terminée, et la nef déserte et muette.
Laissons les comparaisons : il ne s’agit pour le moment que de bien définir, par un caractère général qui l’honore, ce groupe littéraire de Collin d’Harleville, d’Andrieux, de Picard, d’Alexandre Duval (avant la brouille), de Roger (avant l’esprit de parti), de Campenon, Lémontey et autres. […] L’année 1806 fut le moment de l’élévation rapide de M. […] Picard, à cette date, se trouvait à un moment critique et décisif pour son talent ; il était dans sa meilleure veine : par Monsieur Musard, un petit chef-d’œuvre, par Les Marionnettes, par Les Ricochets, il atteignait à toute la vérité de ce talent gai, vif, léger et naturel. […] Et, à partir de ce moment, ce sont des lettres de quatre et huit pages d’une écriture serrée, dans lesquelles Picard expose à M. […] Sages paroles, et qui peuvent se lire dans le même moment qu’on a entre les mains les Épîtres d’Horace.
Transportons-nous un peu en idée à ce moment-là et demandons-nous quelles étaient les conditions d’une publication pareille. […] Remarquez que Mme Roland, quand elle écrivait ainsi ses confidences et qu’elle notait ses souvenirs, ne pouvait prévoir le moment exact où on les publierait ; elle pouvait juger ce moment beaucoup plus éloigné qu’il ne devait l’être en effet. […] À un moment, un ami s’était joint à eux, Lanthenas, une de ces âmes tendres et de ces têtes peu sûres d’elles-mêmes qui ont besoin de s’appuyer et de se donner. […] Un moment, à la veille et à l’entrée de la politique, elle noua une espèce de lien de cœur, elle fila une espèce de petit roman sentimental avec Bancal des Issarts. […] Dans les pages d’adieux intitulées Mes dernières Pensées, et qu’elle écrivit à un moment où elle avait pris le parti de ne point attendre l’échafaud et de se donner la mort, après une apostrophe à son mari, à sa fille, elle continuait ainsi, à l’adresse de Buzot fugitif et persécuté : « Et toi que je n’ose nommer !
A travers toute la bagarre de fabrique littéraire qui, par moments, rompt la vue ; au milieu de toute cette boue fréquente, hideuse, qui nous éclabousse les pieds, et que l’avenir, j’espère, ne verra pas, voilà des signes originaux qui distingueront peut-être assez noblement ce siècle, si préoccupé entre tous de son ambitieuse destinée. […] Dès ce moment, études, voyages sur les traces de la sainte, manuscrits à consulter, renseignements et traditions populaires à recueillir, l’auteur fervent ne négligea rien ; il embrassa cette chère mémoire : il se fit le desservant, après des âges, de cette gloire séraphique oubliée. […] Le style de ce livre est grave, nombreux, élevé, élégant ; il prend, par moments, avec bonheur, les accents de l’hymne. […] J’essayai, sans le flatter, de le dépeindre par les meilleurs côtés, et les plus acceptables, de sa brillante et militante éloquence : si l’on veut lion se reporter au moment et songer que c’était dans le Constitutionnel que paraissait cet article à son sujet, on y verra doublement le désir de lui ètre agréable. […] Il n’est pas très-honnête à M. de Montalembert de traduire et de falsifier ainsi les faits, au gré de sa colère et de sa haine du moment.
Messieurs, C’est un grand moment dans la vie de tout homme de lettres que celui où il entre à l’Académie : c’en est un surtout bien imposant et tout à fait décisif pour l’écrivain dont les débuts étaient loin de se diriger vers un prix si glorieux et pouvaient même sembler s’en détourner quelquefois ; qui eût considéré, il y a peu de temps encore, ce but solennel comme peu accessible, et qui a eu besoin, pour y aspirer sérieusement, de l’indulgence de tous et de l’encourageante bienveillance de quelques-uns. […] Un moment vient où le jeune homme, qui jusqu’alors avait paru suivre la leçon des devanciers et des maîtres, se croit sûr de lui. […] L’École des vieillards fut un grand moment dans les fastes dramatiques d’alors. […] La famille comprenait tout cela, on lui ménageait des loisirs, on faisait silence autour de lui ; il pouvait être rêveur et distrait à ses moments. […] Une de ces bonnes, de ces excellentes, de ces enviables ou regrettables manières consiste (et la nature de notre versification semble y convier les rares élus) à revêtir sa pensée d’harmonie continuelle et d’élégance, à oser par moments, et par moments à se dérober, à préparer l’énergie, à voiler l’audace, à semer de grâces insensibles, de tours ingénieux, de figures heureuses et appropriées un tissu net, flexible et brillant.
La nouvelle édition qui se publie en ce moment m’en fournira l’occasion et peut-être le moyen. […] M. de Chateaubriand, à ce beau moment de sa vie (ce beau moment, pour moi, est le moment littéraire, et s’étend depuis Atala, par René, par Les Martyrs, jusqu’au Dernier des Abencérages), M. de Chateaubriand eut alors, comme poète, un bonheur que bien peu obtiennent : il rencontra deux amis, deux critiques à part, Fontanes et Joubert, faits tout exprès pour lui, pour l’avertir ou pour le guider. […] conservez-vous, ménagez-vous, et revenez quelque jour parmi nous, ne fût-ce que pour me donner un seul moment l’inexprimable plaisir de vous revoir. […] J’y ai joint, pour étendre un peu l’horizon à ce moment, quelques considérations sur l’esprit de Goethe et sur le goût anglais de Coleridge. […] Pourtant, si je ne m’abuse, et si je vois clair à de certains symptômes, le moment approche où sa haute renommée aura à supporter une de ces insurrections générales auxquelles n’échappent jamais, en fin de compte, les longues monarchies, les monarchies universelles.
c’était une affaire d’État alors, et l’avenir d’un homme en dépendait.) — « Il faut à tout moment, s’écrie-t-elle, le sauver de lui-même, et j’emploie plus de politique pour le conduire que tout le Vatican n’en emploie pour retenir la chrétienté dans ses fers. » Ce dernier trait est au moins solennel et peut sembler disproportionné, mais c’est ainsi que raisonne la passion. […] Dans un moment elle s’exagère les périls ; son imagination va jusqu’à se représenter Voltaire peu en sûreté même en Hollande : « Je ne sais, écrit-elle à d’Argental, si vous daignerez me rassurer sur cette crainte, vous penserez que je deviens folle. Je suis un avare à qui l’on a arraché tout son bien, et qui craint à tout moment qu’on ne le jette dans la mer. […] Je vous avoue que je suis outrée… C’est là une plainte d’amante qui est dans son droit ; mais, au même moment, elle l’aime ; elle l’appelle « une créature si aimable de tout point » ; elle ne voit que lui dans l’univers, et le proclame sans trop de prévention « le plus bel ornement de la France ». […] Je ne sais quelle ambition diplomatique, la tentation d’une autre carrière, peut-être le simple attrait de la nouveauté, le tiennent à ce moment ; il part, il court les petites principautés ; il va de Berlin à Brunswick, à Bayreuth (octobre 1743) : « Il est ivre absolument, il est fou des cours et d’Allemagne. » Le roi de Prusse est évidemment le grand rival de Mme du Châtelet à cette heure ; singulier rival, ajoute-t-elle amèrement.
Il est des moments, sans doute, où, en lisant de ses vers ou de sa prose, on croirait qu’elle a complètement accepté la Réforme ; elle en reproduit le langage, et même le jargon. […] Les sujets sont ceux du temps, et il y a un moment où l’on s’écrie avec dame Oisille : « Mon Dieu ! […] Le beau moment est celui où, par une inclinaison soudaine de la saison, les lumières et l’esprit se répandant tout d’un coup d’une manière plus riche et plus égale sur toute une génération d’esprits vigoureux, l’on revient vivement au naturel et où l’on peut s’y abandonner sans contrainte. Ce beau moment date du milieu du xviie siècle, et l’on ne se figure rien de comparable aux conversations de la jeunesse des Condé, des La Rochefoucauld, des Retz, des Saint-Évremond, des Sévigné, des Turenne. […] De tout temps, les honnêtes femmes ont dû écouter et entendre plus de choses qu’elles n’en disent ; mais le moment décisif et qui est à noter, c’est celui où elles ont cessé de dire elles-mêmes ces choses inconvenantes, et de les dire au point de les fixer ensuite par écrit sans songer qu’elles manquaient à une vertu.
On y célèbre sa bonté ; et dans quel moment ! […] Quiconque, dans des moments d’orage, n’est pas un grand homme, paraît même au-dessous de ce qu’il est. […] Il semble, en s’occupant de lui, en suivant ses actions, en pénétrant dans son cœur, qu’on respire un air plus doux, et que le calme et la sérénité se répandent, du moins pour quelques moments, sur ce globe infortuné qu’on habite. […] Un moment après, son fils accourt, pâle, les yeux en pleurs, et palpitant d’effroi. […] Au reste, les louanges prodiguées à la mémoire de Henri IV, à l’instant de sa mort, ne furent point semblables à tant d’éloges de princes ou d’hommes puissants qui, après avoir retenti sous les voûtes des temples dans une cérémonie funèbre, semblent le moment d’après aller se perdre et s’ensevelir avec eux dans la tombe qui les attend.
Il y a un moment de cette campagne où Joubert voit tout en noir et ne présage que malheurs. […] Cependant le moment approchait où il allait se dégager du second rang et être appelé à se produire en première ligne. […] Bon officier dans l’ordinaire, s’acquittant bien des emplois réguliers, il s’est trouvé au-dessous du poste de guerre qui lui a été confié dans le Tyrol, et sa retraite a dégénéré un moment en déroute. […] Cette dernière ne se démasqua qu’au dernier moment. […] Il n’eut jamais de plus beau moment.
La pensée sérieuse et élevée de cet ouvrage le distingue de tant d’autres productions romanesques du moment, et mérite une attention que soutient le talent de l’auteur. […] Il était en tête de ceux que l’humanitarisme semble avoir le plus atteints, et qui, non contents d’un ensemble d’inspiration délicate ou généreuse, en poursuivent à tous les moments et dans tous les détails l’intention accusée et l’expression voulue. […] Fortoul, jeune, atteint, j’imagine, un moment par le romantisme, s’était bientôt retourné contre, et avait emprunté à un système, qu’il jugeait plus large et plus fécond, des principes qui ne valent pourtant que pour ce qu’on y met de particulier et de correctif perpétuel dans l’application. […] Il semble même, plus tard, que l’exemple de Rousseau, et ses succès, revenant jusqu’au sage ami, aient réveillé la tentation dans son cœur et jeté une ombre d’un moment sur sa félicité longtemps inaltérable. […] Mais ce qui me paraît certain, c’est que l’auteur y a outre-passé les conditions de vraisemblance et d’intérêt, parce qu’à ce moment il a perdu de vue ses personnages en eux-mêmes pour s’adresser à la galerie.
D… avait le bonheur de vous voir souvent : il connaît aussi M. de Vigny et je présume qu’en ce moment il vous a déjà amené le poète-guerrier. […] Je constate la vogue et le succès : ce n’est pas le moment de discuter ici la théorie. […] Une circonstance particulière et que j’allais oublier avait contribué, dès les premiers moments du discours de M. […] L’heure, le moment, l’attitude, sont décrits par un poète qui a retrouvé ses plus jeunes pinceaux. […] Chez quelques-uns, il n’existe et ne se dégage que dans la jeunesse, à l’état de vive flamme, et il ne luit dans son plein qu’un moment.
A ce moment, le romantisme a rouvert les canaux de la sève, — et le romantisme dure encore. […] Si on la considère à des moments distants d’un demi-siècle, on trouve toujours que le dernier moment est en état de transformation, ou, puisqu’on pose le mot en principe, de déformation ; comparée au moment précédent, la période ultime semble bien plus bouillonnante, bien plus désordonnée. […] Le mot aujourd’hui en usage est assez récent, et récent aussi le verbe charcuter, qui n’a pu être fait qu’à un moment où ses éléments n’avaient plus de sens direct. […] Évier rappelle le lointain moment de la langue où aqua était devenu eve. […] L’usage impose échiner et maligne ; il impose aussi cligner, mais clin (d’œil) témoigne qu’à un moment de la langue on a dit cliner.
J’étais au moment, sans attendre la décision de la Chambre sur la censure, de la donner à Antoine. […] Vraiment, il y a dans le moment, en ce monde, trop de méchanceté, trop de méchanceté chez l’artiste, chez le jeune, chez l’homme politique, pour que ce ne soit pas la fin d’une société ! […] C’était lors du siège de Sébastopol, et à ce moment, où l’on avait organisé des représentations théâtrales, pour tenir un peu en joie les marins de la flotte. […] Lorrain racontait spirituellement, drolatiquement, que son père, étant armateur, avait voulu un moment tenter l’élevage des bestiaux. […] s’écrie-t-il, à un moment, un mot admirable du fils Meissonier, enfant.
Jules Roche parle un moment des hauteurs et des abaissements des événements du xviiie siècle. […] Ce banquet, ce banquet contre l’Institut, donné à Ribot, se trouve aussi un peu donné à moi ; et dans les coins, où je me blottis, des jeunes dont je connais vaguement le nom, se font, à tout moment, présenter à moi, et veulent bien saluer dans le vieux Goncourt : le grand littérateur indépendant. […] Il me semble vivre, un moment, dans les fonds fauves d’une de ces vieilles toiles, dont les maîtres vénitiens entourent un couple d’amoureux, pâlement enfiévrés, et aux lèvres, aux regards de sang. […] Et soudain, et à tout moment, la femme disparaissant dans la pièce voisine, où l’on entend un bruit sec, le bruit de ses genoux qui cognent le plancher, suivi du bruissement de baisers. […] dans le monde, il se prépare, en ce moment, des tristes, et c’est fini de la rigolade de la jeunesse d’autrefois.
Or, nous sommes menacés de ne plus penser : nous touchons à l’un de ces moments « où l’humanité énervée n’aspire qu’à se reposer et à jouir, où la science, passant surtout des théories aux applications, s’expose à perdre sa force inventive en laissant éteindre le souffle spirituel qui la lui avait donnée ». […] On est induit à penser que ce sont des citoyens de satisfaction facile et des philosophes qu’excite encore mieux le succès d’un moment que la recherche et le tourment de la vérité. […] Les heures de la nuit s’écoulaient et je ne m’en apercevais pas ; je suivais avec anxiété ma pensée, qui de couche en couche descendait vers le fond de ma conscience, et dissipant l’une après l’autre toutes les illusions qui m’en avaient jusque-là dérobé la vue, m’en rendait de moment en moment les détours plus visibles. […] Ce moment fut affreux, et quand, vers le matin, je me jetai épuisé sur mon lit, il me sembla sentir ma première vie, si riante et si pleine, s’éteindre, et derrière moi s’en ouvrir une autre sombre et dépeuplée, où désormais j’allais vivre seul, seul avec ma fatale pensée qui venait de m’y exiler et que j’étais tenté de maudire… Si M. […] Tout l’effort de ses actives années porta sur ce point, et il crut un moment, dans son orgueil de jeunesse, y avoir réussi.
lui qui reproche à d’autres de s’être laissés séduire par Napoléon, n’avait-il pas désiré un moment se mettre à cette rude épreuve, et s’exposer au péril d’être séduit à son tour en se flattant de le persuader ! […] Mais tout cela était bien loin en 1811 ; de Maistre était redevenu irréconciliable, et, à le prendre pour tel, rien ne saurait être plus intéressant que de saisir ses vues, ses impressions de chaque jour dans la terrible partie qui se joue sous ses yeux et où lui-même est en cause. « Depuis vingt ans, dit-il, j’ai assisté aux funérailles de plusieurs souverainetés ; rien ne m’a frappé comme ce que je vois dans ce moment, car je n’ai jamais vu trembler rien de si grand. » On tremblait, en effet, à l’heure où il écrivait cela, on faisait ses paquets là où était de Maistre, et la joie bientôt, et l’ivresse fut en raison de cette première crainte. […] Il y a un moment très difficile à fixer avec précision où, dans ces luttes du héros nouveau, de ce grand diable d’homme (comme il l’appelle) contre les souverains des vieilles races, le fer insensiblement se transmute et acquiert de l’or : laissons les figures ; il y a un moment où le fait devient droit, où l'utilité publique, la grandeur nationale, l’immensité des services rendus et à rendre, le prestige qui rayonne et ne se raisonne pas, se confondent pour sacrer un homme nécessaire et une race qui fait souche à son tour. […] Il s’est demandé, par exemple, comment Guillaume d’Orange étant (selon lui) un usurpateur, il n’en était pas moins vrai que Georges III régnait en souverain légitime : « À quel moment, se disait-il, entre ces deux points extrêmes la légitimité a-t-elle commencé ? […] Au lieu de l’enfant miraculeux, on aura l’éternel vieillard, l’antique monde patriarcal soudainement réintégré ; il y compte ; c’est là le coin mystique : « Il viendra un moment, dont la date seule est douteuse, qui changera tout en un instant. » Après tout, il n’y a pas trop d’hommes qui soient tout d’une pièce, surtout en ces époques de révolutions qui brisent souvent les meilleurs en plusieurs morceaux.
Il y a une trentaine d’années, un poëte naturel, sorti des rangs du peuple, Jasmin, est venu remettre à la mode, étendre et comme renouveler cette flore du Midi, restée longtemps si morcelée et si locale : homme d’esprit et de sensibilité, artiste habile, acteur et poëte, vrai talent, il avait su, par ses heureuses combinaisons et par ses récitations chaleureuses, remettre en honneur le vieux patois, nécessairement altéré, et faire accroire un moment à toutes les populations du Midi qu’elles s’entendaient entre elles, puisqu’elles l’entendaient, lui, et qu’elles l’applaudissaient. […] Lauréat des académies, et en particulier de l’Académie française en 1837 pour son Ode de l’Arc de triomphe de l’Étoile, cette date marquée d’un clou d’or dans sa vie avait été son plus brillant moment. […] Nul livre n’exprime mieux une mode, une des formes maladives de l’imagination à un moment. […] Boulay-Paty, nous te saluons une dernière fois, brave et digne poëte, fidèle jusqu’à la fin au vœu de toute ta vie, qui as eu, même en expirant, le rêve et l’illusion de la postérité, comme si cette postérité avait le temps de s’arrêter un moment, de se retourner, de regarder quiconque ne la suit point au pas de course ou ne la précède pas ! […] — Mais il faut finir ; il y a un moment où, en tout sujet, on doit prononcer la clôture : Claudite jam rivos… Et la meilleure raison pour s’arrêter en pareille matière est celle qu’a donnée le roi des lyriques, Pindare : « On se rassasie même du miel, même des fleurs. » 55.
Et voilà pourquoi, de moment en moment, éclatent comme des pétards des affirmations soudaines, absolues, déconcertantes, jetées avec d’autant plus d’assurance qu’elles sont plus contestables, et jetées presque toujours au courant et au détour d’une phrase, comme si ces assertions aventureuses étaient vérités reconnues et indiscutables. […] Mais, si son impression du moment le pénètre et le possède au point d’opprimer et de chasser presque ses souvenirs ; si toutes ses admirations sont, ou peu s’en faut, égales, étant toutes sans limites, il en est du moins quelques-unes qui le ressaisissent plus fréquemment et qui nous révèlent certaines préférences décidées et foncières. […] Il a d’ailleurs repris maintes fois et résumé ce chapitre célèbre : … Le second Augier (celui desEffrontés, desLionnes pauvres, etc. ) est le produit d’un moment spécial de nos mœurs et de nos idées, et d’un moment triste. Ça été le moment du positivisme dur et brutal dont nous ne sommes pas sortis et qui a été l’un des fruits de la révolution de 1851. Ce moment s’est marqué dans Madame Bovary, dans les Faux bonshommes, le Demi-Monde, le Fils naturel, les écrits philosophiques et historiques de M.
Madame devient la reine du moment, et ce moment durera jusqu’à sa mort ; elle donne le ton à toute cette jeune cour, dispose de toutes les parties de divertissements : Elles se faisaient toutes pour elle, et il paraissait que le roi n’y avait de plaisir que par celui qu’elle en recevait. […] Cette affaire me coûta beaucoup de peine et d’argent ; mais, bien loin d’y avoir regret, je m’en tins trop payé par le gré que Madame me témoigna. » Cette affaire lia plus particulièrement Cosnac avec Madame, et, dès ce moment, on le vit, en toute occasion, épouser ses intérêts et la servir. Ce fut le moment aussi où il agit avec le plus de zèle sur l’esprit de Monsieur pour le porter à devenir un prince digne d’estime et à la hauteur de sa naissance. […] Morte à vingt-six ans, et ayant été pendant neuf ans le centre de l’agrément et des plaisirs, Madame marque le plus beau ou du moins le plus gracieux moment de la cour de Louis XIV. […] La duchesse de Bourgogne, élève chérie de Mme de Maintenon, et qui la désolait quelquefois par ses désobéissances, appartenait déjà à cette génération de jeunes femmes qui aimaient démesurément le plaisir, le jeu, par moments la table ; enfin elle était bien faite pour être la mère de Louis XV.
C’est cette génération, accoutumée au pouvoir durant dix-huit ans, pleine encore de force, de capacité, d’intelligence, se ramifiant dans les classes élevées et dans les moyennes, qui, frappée à son tour, est malade en ce moment du genre d’irritation que je signale. […] Dans ce moment, même, qu’ils daignent, je les en prie, ne pas prendre ou donner le change sur ma pensée : je ne viens pas ici conseiller d’épouser le pouvoir, mais simplement de ne pas le nier avec obstination, de ne pas bouder la société qui l’a ratifié, le fond et le vrai de la société de notre temps. […] En effet, le pouvoir, considéré au point de vue moral, et sous sa forme la plus générale, consiste à ne pas s’appartenir un seul moment, à faire de grandes choses peut-être, mais à être envahi aussi par les petites, à n’avoir pas une minute à soi dès le réveil : tel est le plaisir. […] On m’assure qu’il y a pour le moment des protestants français qui croient à la révocation de l’édit de Nantes ; il y a des universitaires qui croient ou qui crient à l’invasion du Moyen Âge : eh bien ! […] Je suis bien aise de voir l’État respirer un moment, et je souhaite que le remplacement de nos ministres fasse un bon effet dans les affaires, que ceux qui leur succéderont soient meilleurs et ne deviennent pas pires.
Je ne veux pas trop presser ses défauts, on les sent trop bien aujourd’hui ; mais il eut, à son moment, sa grâce et son utilité relative. […] On peut dire que, par l’abbé Barthélemy, la Grèce, à un moment, fit fureur dans les salons et dans les boudoirs. […] Il avait dit, à un autre endroit, en célébrant l’invention de l’imprimerie, et en sacrifiant légèrement aux idées enthousiastes du moment : « Un jour éternel s’est levé, et son éclat toujours plus vif pénétrera successivement dans tous les climats ! […] Nous en sommes au point de ne devoir songer ni au passé ni à l’avenir, et à peine au moment présent. […] Le ministre de l’Intérieur Paré, dans une lettre honorable écrite en style d’Anacharsis, s’empressa d’annoncer à Barthélemy, pour réparer cette rigueur d’un moment, qu’il était nommé garde général de la Bibliothèque.
Pierre III avait rompu presque entièrement avec elle ; il avait une maîtresse ambitieuse, arrogante, et ne s’appartenait plus : l’envie pouvait lui prendre d’un moment à l’autre, dans l’ivresse d’une orgie, de la déclarer Impératrice, en répudiant Catherine et en désavouant le fils qu’elle lui avait donné pour héritier. Le moment de son élévation était donc aussi, pour Catherine, l’instant le pluscritique qu’elle eût encore traversé. […] Mais il y eut quelque chose de plus efficace et de plus puissant à produire cette révolution, que toutes les intrigues particulières ; ce fut, à un moment donné, le concert universel et la conspiration véritable de tous, le mépris profond dans lequel était tombé Pierre III, l’intérêt qu’inspirait Catherine, et la faveur populaire qui n’avait cessé de la suivre pendant des années jusque dans sa disgrâce. […] » On ne pouvait jamais (c’est le prince de Ligne qui nous l’apprend) dire du mal de Pierre le Grand ni de Louis XIV en sa présence, et il eut bien de la peine, un jour, à se faire pardonner une remarque qu’il avait faite aux dépens de Louis XIV : « Au moins, lui dit-il, Votre Majesté conviendra qu’il fallait toujours à ce grand roi une allée bien droite de cent vingt pieds de large, à côté d’un canal qui en avait autant, pour s’y promener ; il ne savait pas, comme vous, ce que c’est qu’un sentier, un ruisseau et une prairie. » Ils étaient à se promener en ce moment dans quelque allée de jardin. […] Je suis persuadée que si j’avais été comme les femmes de mon pays qui y vont en voyageant, on ne m’y aurait jamais donné à souper. » C’est ce souper de Paris qu’elle se donnait par lettres avec Voltaire, et il y a des moments où ils ont l’air en effet de se griser légèrement l’un l’autre de leurs paroles et de leurs louanges.
Mais ce n’est pas un parallèle que nous faisons ; nous n’avons voulu que nous justifier de réunir ici l’un à côté de l’autre deux jeunes poëtes si divers au premier abord, jumeaux dans leur apparition, unis d’ailleurs entre eux par une étroite amitié, et en ce moment même compagnons heureux de voyage vers la belle et toujours nouvelle Italie. […] Jusqu’à ce moment ses palettes incertaines se chargeaient de couleurs, ses imaginations se heurtaient sans prendre corps, sa muse ne trouvait pas jour ; il attendait. […] Et pour répondre d’abord aux timorés qui vous diront avec Boileau qu’ils fuient un effronté qui prêche la pudeur, nous maintenons qu’il est dans la société actuelle, et derrière le vernis fragile de nos mœurs, des vices, des désordres, une corruption radicale qu’on peut ignorer à toute force, et, par là même, éluder avec bon goût dans la satire littéraire, mais qui, du moment qu’on y pénètre et qu’on les remue, salissent inévitablement le vers comme la plaie hideuse qu’il sonde salit le doigt de l’opérateur. […] Il faut en conclure seulement, peut-être, que par moments, dans le détail de l’expression, il s’est laissé aller en pur artiste à un caprice d’énergie exorbitante qui distrait et donne le change sur l’ensemble de sa pensée ; mais l’intention générale, la philosophique moralité de son inspiration n’est pas douteuse ; elle ressert manifestement de ses compositions les plus importantes, de la Curée, de la Popularité, de l’Idole, de Melpomène ; elle est écrite en termes magnifiques, au début et à la fin du volume, dans les pièces intitulées Tentation et Desperatio ; car ce livre, né de la révolution de Juillet, pour plus grande analogie avec elle, entr’ouvre le ciel d’abord et nous leurre des plus radieuses merveilles ; puis de mécompte en mécompte, il tourne au désespoir amer et crève sur le flanc comme un chien. […] J’introduis dans cette édition quelques articles de date ancienne que je n’avais point recueillis tout d’abord dans les volumes de Portraits contemporains : c’étaient, à proprement parler, des articles d’annonce, et en partie de citations, le coup de trompette y domine, mais aussi on y sent quelque chose du premier entrain et du souffle qui animait toute notre jeune génération au moment du départ pour la poétique croisade.
On ne trouvera pas que ce soit trop d’en rassembler encore une fois les traits si regrettables et plus que jamais présents à tous, en ce moment de mystère et de deuil où le moule se brise, où la forme visible s’évanouit. […] Plus sa destinée continua depuis ce premier moment de s’établir et de se consolider, plus aussi son talent gagna en vigueur, en louable et libre emploi. […] Ce qu’il avait entrepris et déjà exécuté de travaux et d’articles pour le nouveau Dictionnaire historique de la langue française ne saurait être apprécié en ce moment que de ceux qui en ont entendu la lecture ; ce qui est bien certain, c’est qu’il gardait, jusque dans des sujets en apparence voués au technique et à une sorte de sécheresse, toute la grâce et la fertilité de ses développements ; il n’avait pas seulement la science de la philologie, il en avait surtout la muse192. […] Entouré de la famille la plus aimable et la plus aimée, d’une famille que l’adoption dès longtemps n’avait pas craint de faire plus nombreuse, de ses quatre petits-enfants qui Jouaient la veille encore, ne pouvant rien comprendre à ces approches funèbres, de sa charmante fille, sa plus fidèle image, son œuvre gracieuse la plus accomplie, Nodier a traversé les heures solennelles au milieu de tout ce qui peut les soutenir et les relever ; si une pensée de prévoyance humaine est venue par moments tomber sur les siens, elle a été comprise, devinée et rassurée par la parole d’un ministre, son confrère, l’ami naturel des lettres193. […] L’intérêt public, celui du monde proprement dit celui du peuple même ; on l’a vu aux funérailles de Nodier cet intérêt d’autant plus touchant ici qu’il est plus désintéressé, éclate de toutes parts ; le nom de celui qui n’a rien été, qui n’a rien pu, qui n’a exercé d’autre pouvoir que le don de plaire et de charmer, ce nom-là est en un moment dans toutes les bouches, et tous le pleurent.
. — Le premier moment du processus est la conscience d’une construction la plus simple par laquelle nous concevons des volontés autre que notre volonté. — Est-il vrai que la conscience ne puisse se dépasser soi-même. […] Le premier moment du processus est la conscience d’une appétition identique et d’un état identique. […] Nous avons ainsi ce système : Premier moment : appétition restant la même ; mêmes modifications. Deuxième moment : même appétition ; autres modifications, — par exemple une morsure jointe à la vue d’une gueule ouverte — ; ce qui donne la distinction du même et de l’autre, conséquemment de l’un et du plusieurs, ainsi que la distinction du volontaire et de l’involontaire. […] Et comme l’animal ne peut placer en imagination sa propre volonté devant la morsure qu’il éprouve, il en résulte la conséquence suivante : Troisième moment : autres modifications ; autre volonté.
Au 17 septembre, elle écrit : « Mon mari a passé la nuit sur les cartes. » Au 19 décembre, au moment le plus palpitant, le plus étouffant de cet horrible siège, elle note comme un fait consolant pour elle et digne de la situation, que Berthall a fait aujourd’hui la photographie de son mari. […] et pourtant il a la bronchite dans ce moment-là, le grand Edgar Quinet ! […] À ce moment je regarde l’horloge du chemin de fer. […] C’est à ce moment que la notion de l’éternité apparaît distincte. […] Là, tu me dis en regardant l’horizon, et je veux garder tes paroles : “Quoi qu’il arrive, n’oublions pas ce moment.
Pour Thureau-Dangin, ce jeu, sans fin en ce moment encore, aurait eu son accomplissement et son triomphe sans les partis extrêmes qui à toutes les époques ont tout empêché, tout bouleversé, rendu tout impossible ; et c’est contre les partis extrêmes qu’il élève son livre. […] Et l’auteur du livre que voici, et qui a bien choisi son moment pour le publier, l’a montré avec une évidence que personne ne sera tenté de nier. […] Prenez-le, de Montesquieu qui en fut le précurseur, et de Louis XVIII qui en fut le parrain et lui donna possession d’état par sa Charte, jusqu’à ce misérable moment où, mutilé dans son organisation même, éclopé par la République, il va, si on n’y remédie (et on a senti la nécessité d’y remédier !) […] Louis XVIII, condamné au règne d’un moment par sa vieillesse et voulant à tout prix ce règne d’un moment, n’obéissait pas, en octroyant sa Charte, qu’aux idées et aux goûts philosophiques de sa jeunesse.
C’est un moment solennel dans l’histoire de l’humanité. […] Depuis ce moment, l’instrument fut toujours supérieur à ses œuvres. […] L’écriture dépasse donc de beaucoup l’imprimerie en importance et le moment humain qui la vit naître est donc un moment plus grand et plus beau. […] En ce moment, pour tuer le temps, on lui fait suivre des cours. […] En de tels moments tout travail nous est non seulement aisé, mais agréable ; les premiers moments de l’ivresse légère procurent parfois des états pareils.
Ce que je veux dire, c’est que Bernis, en ses moments les meilleurs, a une certaine langueur harmonieuse qui a un faux air du premier Lamartine en ses plus faibles moments. […] Il n’a tout son prix qu’adressé par un très jeune homme à un Premier ministre très vieux, et qui l’oubliait un peu trop en ce moment. […] Il est presque toujours dangereux de vouloir les forcer ; on n’y gagne que des tourments qui s’accroissent à mesure que nos espérances semblent s’éloigner, et c’est ainsi que l’on passe sa vie, sans y trouver un moment de satisfaction. […] Ce fut le moment où l’alliance se noua étroitement entre la France et l’Autriche, et où se conçut et se discuta secrètement le traité de Versailles. […] Lamartine en ses plus faibles moments, la note tendre se perd vite et se noie dans un gazouillement brillanté et insipide
Elle est l’honnêteté même, la vertu, la fidélité, l’honneur, mais aussi par moments la crudité, la grossièreté personnifiée. […] Il se glisse ainsi par moments, sous la plume et dans l’expression de Madame, une veine naturelle de Rabelais et de grotesque. […] Mais laissons pour un moment la plaisanterie française et cette facilité de badiner sur tout et de chercher finesse à tout. […] En vérité, si Madame, à un moment, avait été réellement éprise de Louis XIV, et si elle avait haï en Mme de Maintenon la rivale qui l’aurait supplantée, elle ne s’exprimerait pas autrement. […] Malgré des efforts qui purent être un moment sincères, les situations et les répugnances furent les plus fortes ; les antipathies se redressèrent et prévalurent.
Il l’avait prouvé en se faisant calviniste à un moment et en s’engageant on ne sait trop pourquoi dans un parti qui véritablement n’était guère le sien, et qui permettait peu de liberté à un commentateur d’Aristophane, de Sapho ou d’Anacréon. […] C’était le moment où Louis XIV et ceux qui étaient de son Conseil unissaient tous leurs efforts pour convertir les protestants en masse ; l’édit de Nantes n’était pas encore révoqué, mais il allait l’être. […] Qu’il soit permis à une mère affligée de se livrer ici un moment à sa douleur. […] Il nous restait une fille très aimable, qui était toute notre consolation, qui avait parfaitement répondu à nos soins et rempli nos vœux, qui était ornée de toutes les vertus, et qui, par la vivacité, l’étendue et la solidité de son esprit, et par les talents les plus agréables, rendait délicieux tous les moments de notre vie ; la mort vient de nous la ravir. […] J’ai perdu une amie et une compagne fidèle ; nous n’avions jamais été séparées un seul moment depuis son enfance.
Au moment du départ, et lorsque le prince était encore en Suède, Frédéric lui écrivait (12 août 1770) : « Vous apprendrez à connaître là bien des gens dont nous avons besoin. […] Ce moment est celui où le prince Henri fut le plus utile et le plus cher à Frédéric. […] Il lui écrivait, le 18 février 1776 : Mon très cher frère, on ignore le moment de sa mort ; mais on est obligé à prévenir tant que l’on peut les malheurs qui peuvent arriver dans la suite. […] Je serais dans ce dernier cas, si, dans ce moment-ci, je ne prenais pas les mesures les plus sérieuses pour n’être pas pris au dépourvu ; car voilà de quoi il s’agit. […] À un moment, Frédéric s’étant plaint de n’être pas bien secondé, le prince, piqué, envoie à son frère sa démission.
M. de Harlay, serviteur zélé du monarque, portait plus qu’aucun prélat de ce temps le poids et la responsabilité de la Déclaration du Clergé ; les critiques qu’elle souleva au premier moment lui attirèrent des injures personnelles, des libelles sans nombre. […] M. de Harlay sentait que le moment n’était pas venu ; il ne faut pas arborer toutes ses voiles contre le vent en plein orage. […] Chez tous on distingue une grande douceur, de la finesse, un air de persuasion ; l’œil est riant, la lèvre est entr’ouverte et belle ; mais dans celui de Nanteuil en particulier, le plus naturel des trois, on sent la force, quelque chose de mâle dans la douceur, et de capable, à un moment, d’imposer, d’éblouir et de remplir les yeux. […] Ce fut au point qu’on ne trouva pas sur le moment un prédicateur pour prononcer purement et simplement l’oraison funèbre. […] Cette dame, à un moment, crut ou fit semblant de croire que son royal amant la redemandait, et elle retourna en Angleterre (juillet 1678) ; mais Charles II la renvoya en disant qu’il était fort surpris qu’elle eût quitté la France où elle avait de si bons amis, et il nomma le chevalier de Cluitillon et l’archevêque de Paris.
Alfieri, comme une âme rigide qui se fige pour jamais en un moment décisif et en un sentiment unique, nous voua dès lors une malédiction immortelle, et emporta en son cœur la haine de la France et des « singes-tigres », comme il les appelait, qui y avaient usurpé la domination. […] Aimez donc votre sujet, épousez-le, embrassez-le, biographe ou peintre ; et, s’il y a doute et conflit, prenez parti pour, plaidez pour : ne rendez pas les armes dès le premier moment. […] Je suis restée avec lui jusqu’au dernier moment. […] , ne m’a pas donné un moment de chagrin, que celui que les circonstances nous ont procuré à l’un et à l’autre. […] Du moment qu’elle vivait, elle dut arranger sa vie.
On n’a pas plus exactement le journal de la santé de Louis XIV qu’on n’a présentement le journal des espérances ou des déceptions de Marie-Antoinette pour cette grossesse toujours reculée : on en suit tous les moments, on sait les époques. […] Mais il n’y avait pas moyen d’en agir ainsi ; la France aime les coups de théâtre, les changements à vue, et il y a des moments irrésistibles. […] On convient bien que le feu roi a laissé les choses en très-mauvais état, mais les esprits sont divisés, et il sera impossible de contenter tout le monde dans un pays où la vivacité voudrait que tout fût fait dans un moment (30 juillet 1774.) » Bien vite, en effet, les nuages reviennent et les difficultés se prononcent. […] Il vient tôt ou tard un moment où le monde vous quitte, où le public qui vous avait porté se désenchante de vous, se retire de vous ; qu’au moins il n’y ait rien de notre faute. […] L’auguste mère voudrait donc qu’auprès du roi il y eût une épouse, compagne constante, amie fidèle, confidente sûre, entendue aux affaires, capable de raisonner de tout avec lui, et, au besoin, de le soulager, peut-être même de prendre à certains moments un ascendant salutaire.
Patience un moment encore ! […] C’était le moment de la ballade du roi Jean et de la ballade à la Lune, le lendemain de la Ronde du Sabbat et la veille des Djinns. […] Il avait plus d’un rapport, en ces moments, avec le peintre paysagiste La Berge, mort d’épuisement sur une herbe ou sur une mousse. […] Un moment il sembla que l’existence de Bertrand allait se régler : il devint secrétaire de M. le baron Rœderer, qui connaissait de longue main sa famille, et qui eut pour lui des bontés. […] Encore un printemps, — encore une goutte de rosée qui se bercera un moment dans mon calice amer, et qui s’en échappera comme une larme.
La seule chose sérieuse qui ait l’air de s’agiter en ce moment est la querelle toujours très-vive entre l’Université et le clergé au sujet de la liberté de l’enseignement. […] Mais ce sera un parti considérable, formidable même, qu’on aura longtemps en présence et avec lequel il faut s’attendre avoir à compter ou à lutter, selon les moments et selon le courage. […] Guizot, Salvandy, Cousin, Villemain, n’aient témoignés et eus aux divers moments pour les personnes et les établissements ecclésiastiques. […] — Il peut paraître bizarre et il n’est qu’exact de dire que, dans le moment, l’indifférence même des croyances et le manque de convictions morales tournent plutôt au profit du clergé.
Ce jour-là, je me demandai plus sérieusement que jamais s’il n’y avait rien de mieux à faire que de consacrer à l’étude et à la pensée tous les moments de sa vie, et, après avoir consulté ma conscience et m’être raffermi dans ma foi à l’esprit humain, je me répondis très résolument : « Non. » Si la science n’était qu’un agréable passe-temps, un jeu pour les oisifs, un ornement de luxe, une fantaisie d’amateur, la moins vaine des vanités en un mot, il aurait des jours où le savant devrait dire avec le poète : Honte à qui peut chanter, pendant que Rome brûle. […] Ne donner à l’étude et à la culture intellectuelle que les moments de calme et de loisir, c’est faire injure à l’esprit humain, c’est supposer qu’il y a quelque chose de plus important que la recherche de la vérité. […] J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique.
Il sembla véritablement alors qu’une ère nouvelle allait s’ouvrir ; il y avait partout, en ces premiers moments, plus de vivacité dans l’air, et dans les âmes un sentiment de soulagement et d’espérance ; la suite y répondit trop peu. […] J’abonde dans mon faible peut-être, mais il me semble que ces témoignages, nés au moment même de la naissance des livres et avec eux, les font mieux sentir et rafraîchissent l’admiration. […] Son grand moment de vogue et son règne, pour ainsi dire, fut sous la Régence et dans les années qui suivirent, avant que Voltaire philosophe et historien se fût tout à fait déclaré et eût pris le sceptre à son tour. […] Il y eut, peu après ce moment, un nouvel assaut, et sinon un échec, quelque atteinte du moins portée en réalité à la réputation de Fontenelle, à cette existence considérable qui nous paraît de loin si tranquille et si établie. […] En voici un qui « depuis des années fait son capital, comme disait d’Olivet, des petites nouvelles courantes » et en parlant de Montesquieu, en concevant l’idée de se porter un moment contre lui, il paraît tout à fait ignorer de quelle grandeur vraiment nouvelle et imminente il s’agit, à quelle originalité il a affaire, à quel esprit du premier ordre.
Au moment des révolutions, le soir des journées sanglantes, elle allait, inaperçue, ramassant les blessés des divers partis et les cachant dans son magasin à paille. […] Mme Navier a été en rapport avec la mère des trois Scheffer, femme profondément respectable, qui a eu dans sa vie des moments douloureux. […] En conséquence, et tout naturellement, votre Commission est d’avis à l’unanimité qu’elle ne rentre dans aucun des cas prévus par l’article 26 de la Constitution et que rien ne s’oppose à ce que, si longtemps attendue, préparée, élaborée, passée, si je puis dire, au creuset jusqu’au dernier moment elle soit promulguée et reçoive enfin son application. […] Tout est relatif ; la société et le moment sont ce qui détermine l’abondance de la production. […] Se figure-t-on, à la mort du mari, cette femme qui a assisté à la composition de l’œuvre, qui y a prêté son attention, quelquefois sa plume, qui a été la confidente, l’auxiliaire, le secrétaire par moments d’un mari distingué ou illustre, se la figure-t-on privée d’un droit utile et cher, et voyant un étranger s’en emparer légalement après un laps de temps déterminé ?
Les gouvernements n’ont jamais plus à veiller que du moment où, l’impression d’une précédente révolution s’affaiblissant, la moyenne de la nation n’en redoute plus le retour. […] Le journal le Commerce qu’il essaya de patronner un moment, en 1844, n’a laissé aucune trace ni aucun souvenir. […] Je suis l’homme du monde le moins propre à remonter avec quelque avantage contre le courant de mon esprit et de mon goût ; et je tombe bien au-dessous du médiocre, du moment où je ne trouve pas un plaisir passionné à ce que je fais. […] N’y a-t-il donc pas, dans la vie des nations, des moments et des heures où il est bon et utile d’être conduit ? […] Cet incident bizarre, malgré la gravité du moment, prêta au ridicule.
Mais il y revint bien autre qu’il n’y était d’abord : « Un savant homme, a-t-il dit quelque part, qui essuie la censure d’un ennemi redoutable, ne tire jamais si bien son épingle du jeu qu’il n’y laisse quelque chose. » Bayle laissa dans cette première école qu’il fit tout son feu de croyance, tout son aiguillon de prosélytisme ; à partir de ce moment, il ne lui en resta plus. […] Un jour à Coppet, en 1672, c’est-à-dire à vingt-cinq ans, dans son moment de plus grande galanterie, il prêta à une demoiselle le roman de Zayde ; mais celle-ci ne le lui rendait pas : « Fâché de voir lire si lentement un livre, « je lui ai dit cent fois le tardigrada, domiporta et ce qui s’ensuit, avec quoi on se moque de la tortue. […] Une conversation gaie lui revenait fort par moments, et on aurait été près alors de le loger dans la classe des rieurs. […] Le moment le plus actif et le plus fécond de cette vie si égale fut vers l’année 1686. […] En supposant (ce qui me paraît fort possible) que l’abbé d’Olivet ait été bien informé, et que son récit, consigné dans les Mémoires de D’Artigny, mérite quelque attention, il en résulterait que Bayle, âgé de vingt-huit ans alors, dérogea un moment, auprès de la femme avenante du ministre, aux habitudes de son humeur et au régime de toute sa vie.
La carrière publique de Malesherbes s’ouvrit donc en 1750, et, à partir de ce moment, il faudrait le diviser lui-même sous plusieurs aspects et sous plusieurs chefs pour le suivre et l’étudier convenablement. […] Nous sommes aujourd’hui dans un moment peu favorable pour bien sentir les avantages de la liberté de la presse. […] continuait Malesherbes ; les disgrâces qu’il a déjà éprouvées et celle qu’il éprouve encore, puisque l’entrée des Académies lui est interdite pour le moment présent, ne sont-elles pas suffisantes ? […] Grimm, après coup, a rendu justice aux bons offices de Malesherbes ; mais d’Alembert, dans le moment, se plaignait à lui avec une sécheresse et une aigreur des plus vives d’être sacrifié à Fréron. […] Des deux côtés, il y a un moment où la folie commence.
Pour un moment, je suis roi de la terre ; Tremble, méchant, ton bonheur va finir ! […] Vers la fin, il semble par moments que l’auteur se forme. […] Pauvre Louis XVI, accusé d’avoir tiré l’épée au moment même où il la rendait ! […] On ne cite de lui aucune parole depuis le moment de la défaite, durant ces dernières heures d’insulte et d’agonie ; il n’exprima ni indignation, ni regrets, ni remords. […] Il y a des moments pour l’humanité.
Depuis, chaque fois qu’au gré des funèbres jeudis de la cour de cassation, il arrivait un de ces jours où le cri d’un arrêt de mort se fait dans Paris, chaque fois que l’auteur entendait passer sous ses fenêtres ces hurlements enroués qui ameutent des spectateurs pour la Grève, chaque fois, la douloureuse idée lui revenait, s’emparait de lui, lui emplissait la tête de gendarmes, de bourreaux et de foule, lui expliquait heure par heure les dernières souffrances du misérable agonisant, — en ce moment on le confesse, en ce moment on lui coupe les cheveux, en ce moment on lui lie les mains, — le sommait, lui pauvre poëte, de dire tout cela à la société, qui fait ses affaires pendant que cette chose monstrueuse s’accomplit, le pressait, le poussait, le secouait, lui arrachait ses vers de l’esprit, s’il était en train d’en faire, et les tuait à peine ébauchés, barrait tous ses travaux, se mettait en travers de tout, l’investissait, l’obsédait, l’assiégeait. C’était un supplice, un supplice qui commençait avec le jour, et qui durait, comme celui du misérable qu’on torturait au même moment, jusqu’à quatre heures. […] Nous l’avons espéré un moment. […] C’est la veine noire dans le marbre blanc ; elle circule partout, et apparaît à tout moment à l’improviste sous le ciseau. […] Nous ne demandons cependant pas pour le moment une brusque et complète abolition de la peine de mort, comme celle où s’était si étourdiment engagée la Chambre des députés.
Fut-elle jamais en péril d’avoir un moment d’oubli avec son cousin Bussy, comme M. […] Elle disait elle-même, en se souvenant d’un ancien ami : « J’ai vu ici M. de Larrey, fils de notre pauvre ami Lenet, avec qui nous avons tant ri ; car jamais il ne fut une jeunesse plus riante que la nôtre de toutes les façons. » Sa beauté un peu irrégulière, mais réelle, devenait rayonnante en ces moments où elle s’animait ; sa physionomie s’éclairait de son esprit, et l’on a pu dire, à la lettre, que cet esprit allait jusqu’à éblouir les yeux. […] Les restes de ménagements que son mari avait eus pour elle ne tenaient qu’à sa fortune, et, du moment qu’il y eut une preuve légale suffisante pour la lui ravir, il ne ménagea plus rien. […] Réfugiée à Genève, elle put séduire un moment, par sa grâce et son hypocrisie charmante, nobles, bourgeois et syndics, les plus graves calvinistes eux-mêmes. […] Une comparaison s’établit naturellement entre elle et la duchesse de Mazarin, cette nièce du cardinal avec laquelle elle avait été fort liée, qu’elle avait eue un moment pour compagne de réclusion, pour rivale ensuite, et qui est si connue elle-même par ses aventures conjugales, ses procès, sa fuite et ses pérégrinations galantes.
reprenait Boris après un moment de silence. […] Le temps s’écoulait ainsi jusqu’au moment du déjeuner. […] murmura Étienne ; puis, après un moment de silence, il ajouta : — Mauvaise sentence ! […] Mais en ce moment-là, comme nous l’avons dit, tout lui souriait. […] Il y eut un moment de silence.
Le ciel qui veut ma mort, et qui l’a suspendue, Mon père, en ce moment, m’amène à votre vue. […] J’ai fait jusqu’au moment qui me plonge au cercueil, Gémir l’humanité du poids de mon orgueil. […] ………………………………………………… J’ai fait jusqu’au moment qui me plonge au cercueil, Gémir l’humanité du poids de mon orgueil.
… Il ne se doute, pas un moment, de ce qu’était l’homme. […] Il se déclare vraiment, dans le moment, une passion curieuse pour le bric-à-brac vermoulu et la loque d’atelier. […] Quelques instants après, arrivait le sculpteur, occupé dans ce moment, du buste en marbre de la maîtresse de l’hôtel. […] Fumer, en regardant vaguement des choses d’art, ce serait, en ce moment, toute l’ambition de ma vie. […] Or le propriétaire, un ami, était dans le moment en train de tourner au dix-huitième siècle.
Tous les ouvrages qui tirent un mérite quelconque des circonstances du moment, ne conservent point une gloire inaltérable. […] Vient ensuite le moment d’examiner les objets de front ; puis enfin de s’en rendre maître. […] Du moment où la littérature commence à se mêler d’objets sérieux ; du moment où les écrivains entrevoient l’espérance d’influer sur le sort de leurs concitoyens par le développement de quelques principes, par l’intérêt qu’ils peuvent donner à quelques vérités, le style en prose se perfectionne. […] Il trouvera des idées, des expressions que l’ambition du bien peut seule faire découvrir ; il sentira son génie battre dans son sein, il pourra s’écrier un jour avec transport, en relisant ce qu’il aura écrit, ce qu’il aura dit dans un tel moment, comme Voltaire en entendant déclamer ses vers : « Non, ce n’est pas moi qui ai fait cela. » Ce n’est pas, en effet, l’homme isolé, l’homme armé seulement de ses facultés individuelles, qui atteint de son propre essor à ces pensées d’éloquence dont l’irrésistible autorité dispose de tout notre être moral : c’est l’homme alors qu’il peut sauver l’innocence, c’est l’homme alors qu’il peut renverser le despotisme, c’est l’homme enfin lorsqu’il se consacre au bonheur de l’humanité : il se croit, il éprouve une inspiration surnaturelle.
Rappelez-vous le moment de l’entrée dans la célébrité de Mme de Girardin, alors Mme Delphine Gay. […] Elle a peint ce moment de sa jeunesse dans des vers que M. […] Cet orgueil aux yeux baissés, cette orgueil jeune fille est superbe et n’avait jamais été exprimé d’un trait plus profond et plus vrai… Certainement, rien n’a jamais valu ni pour elle, ni pour personne, ni au point de vue de la galerie et du succès, ni au point de vue de son émotion intérieure, ce moment unique… ce premier coup d’archet de l’ouverture d’une existence qui ressembla, hélas ! […] Et aux yeux de la Critique elle-même, aux yeux de la Critique qui vient trente ans après faire tomber de son doigt glacé la poudre rose, or et argent qui saupoudre encore ce que Delphine Gay a écrit, pour voir le vrai de ce qui est tracé sous cette poussière étincelante, ce moment est aussi le meilleur de sa pensée, et ce moment de Delphine Gay, Mme de Girardin a pu le regretter sans cesse, car elle ne le retrouva jamais !
Je fus le fauconnier de ce faucon… Depuis ce moment-là, qui a été son plus beau moment, M. […] L’auteur de La Chanson des gueux, qui se chauffe avec les ossements des tombes et des têtes de morts tant il est affamé de flamme et de tableaux d’un tragique effréné, l’écrivain moins puissant, mais non moins ardemment épris de choses physiques, qui a écrit Les Morts bizarres et Les Caresses, et qui couve, en ce moment, comme le Chaos et la Nuit couvèrent l’Amour dans une terrible mythologie, l’œuf monstrueux de ses Blasphèmes, vient de nous faire, en Madame André, le livre le plus retenu, le plus contenu, le plus rassis, le plus didactique, le plus sage de la sagesse humaine, et le plus en dissonance et en contraste avec ce qu’il nous avait donné le droit de croire ses incoercibles instincts. […] Par exemple, ce n’est pas un naturaliste du moment, comme ils le sont tous, ces singes qui prouvent bien leur descendance ! […] vous l’avez vu, il n’y a qu’un moment, le moraliste, dans M.
C’est à ce moment qu’il eut connaissance des chants patriotiques de Théodore Koerner, qui était le héros du jour. […] Il m’avait hier, sur ma demande, indiqué midi comme le moment où il pourrait me recevoir. […] Goethe, en redingote bleue et en souliers, entra peu de moments après […] — Je l’ai écrite au temps de la première Révolution, et on peut la regarder comme ma profession de foi politique à ce moment. […] Goethe a causé avec moi de la continuation de sa biographie, à laquelle il travaille dans ce moment.
Et dès ce moment il ne cesse de penser sérieusement à mettre ce drame en musique. […] Au premier moment, dans la lutte qui s’établissait entre Wagner et la foule, les partisans de Wagner n’ont pas eu le temps de s’entre-regarder, il s’agissait de courir au plus pressé. […] En ce moment nous trouvons le parti groupé autour de M. […] Je sais combien à certains moments se dressèrent de haines et de passions contraires. […] La mélodie du « Charme du Vendredi-Saint » dans Parsifal est du même moment !
Il y a dans ce moment-ci un curieux type de filles de la haute volée, se faisant une clientèle de petits hommes, encore au collège, se préparant ainsi, chez les enfants de parents riches, de futurs entreteneurs. […] Je reste là jusqu’à onze heures… Le goût de la campagne chez l’homme, à certains moments, est le besoin de mourir un peu. […] Elle a par moments des absences, qui ressemblent à l’endormement d’un paysan conduisant une charrette, les yeux ouverts. […] Un moment elle a tiré l’œillet de sa poitrine, l’a longuement senti de ses narines ouvertes, puis me l’a passé, comme une chose qu’elle aurait presque baisée, et m’a dit : « Sentez, j’adore cette odeur. […] Il a donné un second coup qui a coupé les chairs… le ventre est devenu tout rouge… un troisième… À ce moment, ma chère, ont disparu les mains à M.
Le conseil donné et agréé du roi, il n’y avait pas un moment à perdre, car le mariage était près d’être consommé. […] Marianne ne balança pas un moment, et elle répondit à M. […] Il n’y a plus rien dans le monde pour moi ; je n’ai d’espérance qu’en la mort ; elle seule peut finir mes maux, il n’est pas au pouvoir de tous les hommes de me donner un moment de plaisir ; la plus aimable personne du monde n’est plus ; une personne qui ne vivait que pour moi, que la perte de la vie n’a pu occuper un moment en mourant, et qui n’a senti que la douleur de me quitter ; qui était si parfaite, que mon imagination ne me saurait fournir un endroit par où je me puisse consoler ; je ne la verrai plus. […] Au moment de la première charge, voyant qu’on ne s’ébranlait pas, ils s’arrêtèrent à vingt ou trente pas des escadrons et bataillons allemands, sauf un petit nombre qui poussèrent à fond : Dans ce moment, dit Lassay, nos petites pièces de canon ayant commencé à tirer, et les bataillons à faire un feu prodigieux, on leur vit faire un mouvement quasi pareil à celui que fait le blé qui est agité par le vent ; et ensuite ils tournèrent, mais assez lentement ; toute notre ligne s’ébranla pour les suivre, mais fort lentement aussi, craignant de se rompre… En un mot, toutes les particularités et les circonstances de cette victoire de Gran se comprennent à merveille par le récit de Lassay. […] Puis, après ces devis d’embellissements et profitant du cadre trouvé, il en revenait au roman : « Vivre en paix dans un beau séjour avec une personne qui ne vit que pour vous, y avoir une compagnie de gens qui vous conviennent, est une vie qui n’est propre qu’à un fainéant comme moi. » Ce dernier mot était un trait indirect à l’adresse de M. de Torcy, en qui il entrevoyait pour le moment un rival, mais trop occupé, selon lui, et trop destiné à la politique pour être longtemps et parfaitement amoureux.
Le moment allait venir où les fonctions publiques manqueraient à M. […] Après les Cent-Jours, durant lesquels il avait repris le ministère de l’administration de la guerre, il reçut l’ordre de se retirer à Bourges, et, dans les premiers moments de la réaction, le séquestre fut mis sur ses biens. […] Il n’y avait, entre le vice-roi et le gouvernement vénitien, qu’une brouillerie simulée, une guerre simulée, une conjuration faite à la main et filée à plaisir, le tout afin de masquer le jeu et de mieux se donner la main au moment décisif. […] Il n’en était plus à ce moment où, son ami le noble général Drouot quittant l’armée de la Loire et prenant congé de lui pour venir se constituer prisonnier à Paris, il lui offrait de l’accompagner et de le défendre devant le conseil de guerre : ce que Drouot refusait délicatement, mais dont il garda toujours le souvenir. […] Dans cette ligne politique qu’il suivait avec réserve et dignité, on me dit qu’il eût pu, en de certains moments et à de certaines conditions, rentrer au ministère de la Guerre : peut-être lui-même, dans quelque combinaison qui lui eût paru utile et favorable, y eût-il consenti.
Quand mes frères donnent le bon exemple aux autres, ce m’est la plus sensible joie du monde, et quand cela n’est pas, j’oublie en ce moment toute parenté pour faire mon devoir, qui est d’entretenir tout en ordre pendant ma vie. […] Qui n’a qu’un moment à vivre n’a rien à dissimuler. […] Frédéric n’est pas tel envers son frère ; il l’aime, il s’impatiente (après en avoir souffert) de son système compassé de froideur et de bouderie ; il ne demanderait pas mieux que de se l’attacher, et il se donne de la peine pour y parvenir ; il le flattera même par moments et le caressera d’exquises louanges. […] Frédéric, au contraire, était d’avis qu’à la guerre il y a un moment où, quand on a assez fait pour ôter au hasard tout ce qu’on peut par la prudence, il faut risquer le coup, et que « quiconque n’entreprend rien après avoir bien réfléchi à sa besogne, ne sera jamais qu’un pauvre sire ». Il y a un moment de maturité où l’on ne peut plus éviter de combattre, « et où il est d’une nécessité absolue que les choses en viennent à quelque affaire décisive : sinon, on sèche sur pied, et on se consume soi-même ».
Si, au lieu de regarder du parterre, on se suppose déjà au paradis, le point de vue est renversé, et, à tout moment, il en est ainsi chez Mme Swetchine. […] Leur théorie ne laisse pas d’éprouver de secrets échecs, et il y a bien des moments où le corps a raison de l’esprit. […] Elle se fait, croyez-le bien, les objections ; elle se rend bien compte que, pour lui donner raison, il faut commencer par tourner le dos à la nature et se placer « dans la partie la plus providentielle des desseins de Dieu. » Aussi tous ceux qui feront ce chemin sous sa conduite et en fils dociles passeront-ils légèrement sur ses défauts pour se récrier à tout moment sur la beauté des points de vue. […] Le moment de la transformation, de la cristallisation en Dieu, si l’on peut ainsi parler, se fait très distinctement sentir. […] Seulement si ses amis sont sages, ils la loueront avec un peu plus de sobriété qu’ils ne font depuis quelque temps ; ils exigeront pour elle un peu moins qu’ils ne sont en train de réclamer ; car le public français qu’on mène si loin et qui, par moments, se laisse faire le plus docilement du monde, a ses brusques impatiences et ses retours.
Tous ces noms se pressaient et se rencontrèrent un moment dans le cercle des trois années d’études que comprend l’École. […] Il me faut pourtant dire un mot de sa méthode et y revenir ; je ne vise en ce moment qu’à le faire mieux connaître dans son ensemble et à discourir sur lui dans tous les sens. […] Le voyageur qui glisse sur cette eau changeante a tort de regretter ou de mépriser les spectacles qu’il quitte, et doit s’attendre à voir disparaître en quelques heures ceux qui passent en ce moment sous ses yeux. » Admirable et agréable page ! […] Pardon, dirai-je à l’auteur, votre conclusion est excessive, ou du moins elle ne dit pas tout ; critique, vous avez raison dans ces éloges si bien déduits et motivés, tirés des circonstances générales de la société à ses divers moments ; mais vous avez tort, selon moi, de ne voir absolument, dans les délicatesses que vous admirez et que vous semblez si bien goûter, qu’un résultat et un produit de ces circonstances. […] Nous arriverons la prochaine fois à parler du grand ouvrage (l’Histoire de la Littérature anglaise) qui partage en ce moment les esprits, qui a tenté d’abord et puis qui a fait reculer l’Académie française.
Ce que je fais en ce moment n’est pas de la politique, c’est de l’histoire morale et littéraire. […] « Le moment semblait donc venu pour le premier Consul de se recueillir dans sa pensée, de s’entourer de toutes les lumières de son vaste esprit, et d’éviter à son pays des chances si redoutables. […] Armand Lefebvre, et qui n’a pas été assez remarqué dans l’histoire de cette fameuse lutte, c’est que la paix qui a suivi les victoires de Marengo et de Hohenlinden a été pour la France et pour ses ennemis un moment décisif. […] Sa politique extérieure prit, dès ce moment, ce caractère extraordinaire qui la sépare de toutes les traditions de l’ancienne monarchie et qui rompt entièrement avec les pratiques du passé. […] Armand Lefebvre, c’est que l’Empire, passé un certain moment qui remonte même jusqu’au temps du Consulat, ne put jamais fermer son cercle : ce cercle à peine rejoint se rompait et se rouvrait toujours, condamné à s’élargir de plus en plus, et par conséquent de plus en plus sujet à fragilité.
Venu dans les premiers moments de l’innovation romantique en France, il semble n’avoir voulu, pour son compte, en accepter et en aider que la part vigoureuse, énergique, toute réelle et observée : à d’autres la théorie ou le chant, la vapeur et le nuage ; lui, ennemi du convenu, se méfiant de la phrase, pratiquant à la fois le positif et le distingué, il s’attacha tout d’abord à circonscrire ses essais pour mieux les creuser et les asseoir. […] L’auteur put sourire tout bas : ce n’était pas, en effet, pour ce public ordinaire qu’il prétendait faire ses preuves dans le moment. […] Mérimée à travers les détails de cette stratégie savante, difficile, à tout moment coupée ; il la rend pour la première fois claire, vraisemblable, et se complaît dès lors, on le conçoit, à la faire saisir. […] C’est un beau moment que celui de l’aveu, quand elle soigne Orso blessé dans le mâquis, et lorsqu’au retour, à la simple question de son père, « Vous êtes donc engagée avec Della Rebbia ? […] » Il voyage dans ce moment en Grèce, et visite ce pays des souvenirs redevenu nouveau.
Né, en 1621, à Château-Thierry en Champagne, il reçut une éducation fort négligée, et donna de bonne heure des preuves de son extrême facilité à se laisser aller dans la vie et à obéir aux impressions du moment. […] , et La Fontaine, dès ce moment, se crut appelé à composer des odes : il en fit, dit-on, plusieurs, et de mauvaises ; mais un de ses parents, nommé Pintrel, et son camarade de collège, Maucroix, le détournèrent de ce genre et l’engagèrent à étudier les anciens. […] Si faut-il qu’à la fin de tels pensers nous quittent ; Je ne vois plus d’instants qui ne m’en sollicitent : Je recule, et peut-être attendrai-je trop tard ; Car qui sait les moments prescrits à son départ ? […] C’est qu’en effet ces fadeurs et ce faux goût n’en sont plus, du moment qu’ils ont passé sous cette plume enchanteresse, et qu’ils se sont rajeunis de tout le charme d’alentour. […] A la mort de cette dame, elle recueillit le vieillard, et l’environna d’amitié jusqu’au dernier moment.
Sa description de l’homme moral nous reporte au plus beau moment de la philosophie spiritualiste du dix-septième siècle. […] C’est encore un trait commun à Buffon et à Descartes, qu’au milieu de spéculations qui semblent si étrangères à la science de la vie, il leur arrive par moment de jeter sur le monde moral un rapide et sûr regard. […] Il avait sous la plume le mot nature ; s’il écrit « l’auteur de la nature », c’est qu’à ce moment-là, l’explication des beautés de l’ordre suprême par une force aveugle et impersonnelle ne satisfait pas son esprit. […] L’idée de Dieu se présente à Buffon en certains moments de clairvoyance supérieure ; mais elle disparaît avant d’être devenue un sentiment et une croyance. […] De l’idéal de ses prédécesseurs, Buffon a gardé et consacré de nouveau les grands traits ; mais, par l’excès même de précision de ses règles, et la superstition de l’analyse, cet idéal descend par moments jusqu’au procédé.
Il est, dans ces crises de salut, un premier moment où l’on peut tout, et qu’il s’agit de ne point manquer : Il faut venir avec un plan fait, qui serait adopté dans le premier moment qui sera celui de la lassitude, et qui ne le serait plus dans le second. Dans le premier moment, les ambitieux se taisent, la masse seule se meut et compte ; dans le second, la masse disparaît, et les ambitieux ou les raisonneurs reprennent l’empire. […] Mais en les lisant, même sans être en rien du métier, on sent l’esprit général qui a présidé à ce code de prudence et d’équité : ce n’est pas une compilation, mais bien une composition qu’il y faut voir ; un conseil de sages enhardis par un héros profita du moment décisif où la nation, profondément remuée, se trouvait tout à coup replacée sous un meilleur génie et associait la vigueur d’un nouveau peuple à la maturité d’un peuple ancien. […] Investi de toute l’estime et de toute la confiance de Napoléon, qui lui témoignait de l’attachement même, Portalis mourut, après une courte maladie, le 25 août 1807, à l’âge seulement de soixante et un ans, mais plein de services et d’œuvres, et ayant même un moment recouvré la lumière, assez pour voir ses petits-enfants. […] Elle se couronna, en finissant, d’honneurs proportionnés à ses mérites : comme il était le premier des grands fonctionnaires civils qui mourut sous l’Empire, de magnifiques obsèques lui furent décernées, et leur solennité presque triomphale ne fit qu’égaler le sentiment profond d’estime qui, à ce moment suprême, s’exhalait unanimement de tous les cœurs.
Cette difficulté, comme c’est l’ordinaire des natures généreuses, ne fait que l’enhardir ; il s’ingénie, il repousse, il détrône pour se faire jour ; par moments il tâche d’ignorer, ou de restaurer à d’autres moments. […] Ce qu’il dit de la responsabilité, de l’abnégation, est d’une belle et sombre profondeur ; il a touché, en sceptique respectueux, en artiste pathétique, à des mystères de morale qui ont par moments troublé sans doute bien des cœurs guerriers. […] Je conçois tout à coup un plan : je perfectionne longtemps le moule de la statue, je l’oublie, et, quand je me mets à l’œuvre après de longs repos, je ne laisse pas refroidir la lava un moment. […] Le directeur de la Revue et moi, nous profitâmes donc d’un moment où il était absent de Paris pour brusquer en apparence et faire passer l’article, dont il n’aurait ensuite qu’à prendre son parti. […] Il m’arrive à chaque instant d’être emporté par elle et d’aller jusqu’à la fin en soupirant et en gémissant de ses maux… Dans ce moment encore, en vous écrivant, mon ami, je suis forcé de m’interrompre pour lire la Demoiselle infortunée.
S’il a un moment d’hésitation, tout est à recommencer. […] Alors, quand viendra le moment du rappel, on redescendra du sommet de la pyramide vers la base. […] Il obtient ainsi une représentation du tout qui lui permet, à un moment quelconque, de visualiser les éléments. […] Je pense en ce moment à un long voyage que je fis autrefois. […] A ce moment précis l’invention a pris corps : la représentation schématique est devenue une représentation imagée.
Ce nom de Villon qu’il portait et qu’il a rendu célèbre n’était pas le sien ; il l’avait emprunté, et il l’a tellement popularisé qu’il l’avait fait entrer un moment dans la langue : on disait villonner comme pateliner, lambiner, et depuis comme escobarder, guillotiner. […] je vois le moment où tout cela vous sera compté à plus grand honneur que si vous aviez mieux conduit votre talent et mis en œuvre tout votre généreux esprit ; et nos neveux diront en vous lisant : « Tant pis pour nous, là où nous ne saisissons pas ! […] Celui-ci a donc découvert et imaginé que toute la veine satirique, railleuse, irrévérente et sensuelle de Villon lui venait de son père, et que la veine tendre et religieuse qu’on lui suppose par moments, ses velléités du moins et ses retours de mélancolie venaient de sa mère. […] Villon ne s’en tint pas là : il vint un moment où il descendit jusqu’à une Margot, dont il nous ouvre le bouge, et il s’y montre installé comme chez lui, — mieux que chez lui. […] Faut-il croire qu’en passant à Blois il y connut Charles d’Orléans, et qu’il fut accueilli un moment à la cour de cet aimable prince, son rival et son associé en renom dans l’avenir ?
Il eut horreur de 93, et, à son arrivée à Paris, il se lia avec les Talliénistes et les républicains le plus en vue à ce moment, avec Riouffe, Louvet, Chénier, Daunou. […] On a révoqué en doute l’existence de ces lettres : elles valurent pourtant à l’auteur, dans le premier moment, un succès de mode, de salon, et les félicitations même d’une députation d’écrivains, parlant au nom du parti ultra-thermidorien, et qui, le croyant des leurs, l’invitaient à coopérer au rétablissement de la royauté : « Cette invitation, disait-il, me fit sauter en l’air. […] Napoléon n’a ni colère ni rancune ; il prend les hommes pour ce qu’ils sont, selon leur utilité réelle et leur aptitude à la chose présente, selon qu’ils peuvent se prêter et servir à son dessein du moment. […] Chateaubriand en fait son livre le plus éclatant, qui va redorer de son rayon, pour plus d’un demi-siècle, la grille du sanctuaire et le balustre des autels ; Benjamin Constant, à ses moments perdus, entre la maison de jeu et la tribune, refait et retouche sans cesse un livre plus vrai peut-être, plus religieux et plus philosophique que celui de l’autre ; mais sa poudre est restée trop longtemps en magasin, elle est mouillée ; il n’y a pas, comme pour Le Génie du Christianisme, feu d’artifice et illumination soudaine. […] Benjamin Constant, populaire, mais peu considéré, dut souffrir de cette mésestime hautement témoignée par un homme si considéré qu’il en parut un moment quasi populaire.
Viollet-Le-Duc, en étudiant de près la construction des édifices de cette époque, qu’il eut plus d’une fois à rebâtir à son tour, a très bien vu et démontré qu’il n’y avait pas à chercher si loin une explication dont la clef est dans la nature même des choses ; que cet art gothique s’était formé graduellement et avait été, pour ainsi dire, commandé par la nécessité, du moment qu’on ne s’arrêtait pas et que le progrès continuait. […] La philosophie, distincte de la théologie, perce elle-même à ce moment ; elle a des visées bien hautes. […] Viollet-Le-Duc a poussé ce genre de curiosité plus loin que personne avant lui ; par sa science précise de détail, il est véritablement contemporain de chaque moment du Moyen-Âge ; il est l’hôte familier de chaque classe et de chaque maison. […] Viollet-Le-Duc, par cette série de travaux neufs, exacts, scrupuleux, incontestables, que je ne fais en ce moment qu’effleurer, est parvenu à s’acquérir l’opposition et presque l’inimitié des savants artistes et architectes qui se sont partagé, pour les cultiver, d’autres domaines de l’art. […] Et puis, il faut le dire, il y a eu un moment et un jour où les chemins se sont croisés, et où l’on a dû se rencontrer, se heurter et se contrecarrer très nettement.
Elle ne se serait pas si bien souvenue après coup de tant de circonstances flatteuses dans Valérie, si elle n’y avait fait attention au moment même. […] Elle n’a pas alors moins de trente-sept ans ; elle les déguise avec art sous une grâce divine que les femmes mêmes sont forcées d’admirer ; mais elle sent que le moment est venu d’appeler à son aide les succès de l’esprit et de prolonger la jeunesse par la renommée. […] Mais elle ne voulait pas y revenir comme une simple mortelle, et puisqu’elle avait été forcée de le quitter au moment d’obtenir son succès littéraire, elle voulait que le retard servît du moins à rendre le retour plus éclatant. […] « Lézay prétend (dit Chênedollé) que Mme de Krüdner, dans les moments les plus décisifs avec son amant, fait une prière à Dieu en disant : Mon Dieu, que je suis heureuse ! […] Du moment surtout qu’elle eut découvert en elle cette faculté merveilleuse de prédication qui pouvait lui rendre l’action et l’influence, tout fut dit, elle eut un débouché pour son âme et pour son talent ; sa vocation nouvelle fut trouvée.
Quel délicieux moment ! […] Quand elle fut morte, mon ami, qui la vit au dernier moment, me remit mes lettres. […] Après un moment de silence : — Eh bien ! […] Il fallait prendre garde : c’était un de ces moments où l’on ne s’engage pas impunément. […] Il y avait à cette époque (1800-1803) divers salons renaissants, les cercles brillants du jour, ceux de madame de Staël, de madame Récamier, de madame Joseph Bonaparte, des reines du moment, non pas toutes éphémères, quelques-unes depuis immortelles !
C’est encore sa personne, mais sur un théâtre, ou plutôt du haut de cette chaire bâtarde près de laquelle il n’y a point d’autel, et où l’on se croit par moments à la comédie. […] Comment ne pas tenir compte à Gresset de ses petits vers, quoique moins légers, par moments, de tour que de choses ; à Florian d’être resté avec esprit si inférieur à la Fontaine ? […] Rousseau, on a par moments bonne envie de trouver un poète dans le courageux compagnon d’échafaud d’André Chénier. […] Elles se sentent de l’improvisation dans un moment de trouble. […] André Chénier est devenu païen, parce qu’il est poète, et nous le sommes un moment avec lui, parce que là où le vrai poète met son âme il y attache la nôtre.
Aujourd’hui je n’y mets rien, je l’avoue, qu’un sincère désir de voir et de montrer les choses et les personnes telles qu’elles sont, telles du moins qu’en ce moment elles me paraissent. […] On frise à tout moment le mot vif, le mot propre, et on s’arrête à temps. […] Je dis rachète, car, du moment que nous ne chantons plus et que nous lisons, le faible, le commun, le recherché et l’obscur nous apparaissent même dans ces petites trames si bien ourdies. […] Or, on la sent à tout moment dans les chansons à refrain, dès que le poète veut s’élever ; il y a, tous les six ou huit vers, un hoquet qui lui coupe l’haleine. […] si j’avais l’honneur, pour mon compte, d’être non pas un membre, mais la majorité entière de l’Académie un seul moment, oh !
Le temps qui s’écoula depuis la mort de Louis XIII jusqu’à la Fronde (1643-1648) fut un brillant moment pour Mademoiselle. […] Telle était cette princesse romanesque qui dit d’elle-même toute chose naturellement, sincèrement, avec une sorte de bravoure dans la sincérité, et avec une franchise qu’on dirait par moments cordiale jusque dans l’orgueil. […] Quand elle revint peu après à Paris, tout le peuple sortit à sa rencontre ; elle était l’héroïne du moment. […] On disserte des deux côtés là-dessus, et Mademoiselle, dans la discussion, fait preuve d’un esprit romanesque assez fin et distingué, élevé même par moments ; mais en tout, ici comme dans la Fronde, c’est le sentiment de la réalité, c’est le bon sens et la justesse qui lui manquent. […] Lauzun reçut le coup en courtisan accompli et comme s’il eût dit : « Le roi me l’avait donnée, le roi me l’a ôtée, je n’ai qu’à le remercier et à le bénir. » Sa faveur parut même un moment sur le point de s’en accroître.
On peut croire qu’il choisit bien ses points d’attaque ; les vers les plus étranges ne lui échappent pas ; il décrit spirituellement, et avec une verve railleuse assez légère, ce public des premières représentations d’Hernani, dont nous étions nous-même, public fervent, plein d’espérance et de désir, et qui mettait toute sa force en ce moment à tenter une révolution non pas précisément dans l’État, mais dans l’art. […] Mais, en réalité, il eût suffi, pour le rallier à ce moment, d’une position supérieure, à Paris, et qui ne marquât point de distance injuste entre lui et ses collaborateurs de la veille au National. […] Et c’est ainsi que, malgré son hésitation et même sa circonspection à l’origine, il s’est trouvé engagé peu à peu sur un terrain qui, à partir d’un certain moment, allait se rétrécissant toujours sous ses pas, jusqu’à ce qu’il fût acculé sans retour dans cette sorte de presqu’île républicaine de Quiberon où il était quand il mourut. […] Il se hasarde (12 septembre) à demander la prorogation de la Chambre, disséminée à ce moment et incomplète. […] Il ne s’agit point pour nous de suivre Carrel dans cette série d’articles des premiers mois de 1831, ni dans le tous-les-jours de cette marche, où il se rencontrerait plus d’un accident et d’un retour : ce qui nous importe, c’est de noter les moments où la manœuvre change, et où il donne un coup au gouvernail.
En sortant de cette ville d’Angers où il avait passé les années de sa preuve et studieuse jeunesse, il se retourna un moment en arrière, salua les toits ardoisés qui brillaient dans le lointain, et pleura. […] Ce moment, pour lui solennel, du départ, fut aussi celui où il changea le nom de Boisgirais qu’il avait porté jusque-là en celui de Volney qu’il allait rendre célèbre. […] Il déclame peu ou point dans son Voyage, et diffère honorablement en cela des auteurs de son moment. […] Quel moment pour la méditation ! De combien de peines et de privations de semblables moments ne dédommagent-ils pas !
N’exigeons pas non plus qu’elle vienne au secours de ces institutions, parce que nous pourrions l’accuser de leur chute lorsque le moment de la caducité serait venu. […] Cet anathème n’est-il pas venu troubler, dans l’orgueil de ses pensées, l’heureux soldat, au moment même où il remportait la dernière de ses victoires ? […] Toutefois le vénérable prisonnier ne fut-il pas sur le point de se laisser éblouir aussi par cette terrible fascination à qui il fut donné d’exercer jusqu’au dernier moment une si grande et si funeste influence ? […] Le moment est donc arrivé où nous devons nous entendre sur les croyances générales et unanimes.
Même en acceptant pour un moment les grêles proportions de son livre, est-ce vraiment une histoire de la Sorcellerie qu’il a voulu écrire, ou une de ces dissertations prétendues rationnelles, qui passent par-dessus les faits et les questions un regard si rapide qu’il ne les voit plus ? […] Or, sans se préoccuper en ce moment du fond des choses, c’est-à-dire des jugements et des conclusions de l’auteur, nous affirmons qu’indépendamment de toute conclusion et de tout jugement il y avait là une grande et intéressante histoire à écrire, et que jamais moment n’aurait été mieux choisi pour la publier. […] Nous avions entendu là-dessus le petit sifflet de Voltaire et la parole de cet autre grand génie qui se croyait positif et qui disait : « Cela pourrait être, mais cela n’est pas. » Et voilà qu’à ce moment même, au moment où le rationalisme prenait compendieusement ses conclusions souveraines, la pensée moderne retournait sous d’autres formes à des questions qui paraissaient épuisées, qui paraissaient n’en être plus !
Un tableau ne représente jamais qu’un moment d’une action, tandis que la mise en scène doit s’adapter à des moments successifs. […] L’action se divisait en général en cinq actes qui représentaient cinq moments successifs. […] Nous avons pris l’action dans un moment particulier. […] Le moment approche où il n’y aura plus un seul théâtre de province vivant de sa vie propre. […] À un moment donné, un train de chemin de fer traversait la scène à l’arrière-plan.
La pièce est bien, elle est conduite conformément à l’histoire, et raisonnablement ; il y a d’assez beaux vers et il n’en est pas qui choquent ; la couleur locale, les apostrophes aux dieux lares, les allusions aux coutumes romaines, la farine et le miel, l’orge et le sel, tout cela est assez à point employé ; mais ce qui donne le caractère dramatique, c’est l’accent de mademoiselle Rachel en deux ou trois moments, c’est son attitude simple, noble, virginale, dans toute la pièce ; elle est belle comme certaines figures des vases antiques. — Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que toute cette couleur d’André Chénier romain, où la scène se retrempe et rajeunit tant bien que mal sa teinte en ce moment, a été pour la première fois essayée et appliquée par un poëte peu connu, M. […] Voilà comment deux pièces estimables, dont l’une (Lucrèce) est très-supérieure à l’autre, mais dont aucune ne réalise le moins du monde l’idéal moderne qu’on avait, à un moment, entrevu, voilà comment ces deux pièces qui ne sont que de très-nobles essais de poëtes qui sembleraient à peine encore émancipés de la plus excellente des rhétoriques, ont été presque un événement : il y a vingt-cinq ans, à une époque qui comptait parmi les juges de la tentative dramatique, non-seulement les jeunes esprits sérieux de la France, mais des témoins attentifs et des juges européens, tels que Goethe, Walter Scott et Manzoni, en eût-il été de la sorte ?
C’est un peu là l’histoire de notre littérature et de l’effet qu’elle nous produit, à nous citadins et casaniers, et de l’effet, certainement différent, bien qu’impossible à déterminer, qu’elle produira sur nos neveux, voyageurs hâtés qui retourneront un moment vers nous leurs regards du haut de leurs collines. […] Dites que cette littérature est ignorante, sans critique, se jetant à l’étourdie à travers tout, pleine de méprises, de quiproquos et de bévues que personne ne relève, ne prenant les choses et les hommes graves du passé que dans un caprice du moment ; s’en faisant une contenance, un trait de couleur, un sujet de charmante et folle fantaisie ; et quand il s’agit d’être érudite, l’étant d’une érudition d’hier, toute de parade, soufflée et flatueuse : et voilà qu’on peut vous nommer, même dans les jeunes, des esprits patients, analytiques, circonspects, en quête de l’antique et lointaine érudition, de celle à laquelle on n’arrive qu’à travers les langues, les années et les préparations silencieuses d’un régime de Port-Royal. […] Je crois pouvoir affirmer que tout écrivain qui a ce qu’on appelle du succès, c’est-à-dire qui réunit des lecteurs autour de son œuvre ; que tout homme qui est assez heureux, assez malheureux veux-je dire, pour être en butte à l’admiration, aux éloges, à la haine et aux critiques, n’a pas un moment laissé reposer sa plume sur ses compositions… Dans mon enfance on m’a montré, comme un glorieux témoignage du génie de Bernardin de Saint-Pierre, la première page de Paul et Virginie, écrite quatorze fois de sa main.
C’était le moment que j’avais résolu de prendre. Mais ce moment a duré pour moi jusqu’au jour où nous sommes, et je le traînerai toute ma vie comme un boulet. […] Elle nous regarda un moment, trembla longtemps, me sourit un peu, et se remit à jouer. […] Tout y était en confusion, c’était le moment d’une alerte. […] Je l’ai vu d’abord avec incertitude, et, dans le premier moment, je n’y ai pas cru.
Pour le moment, ce qu’il y a de certain, c’est que ce sont des vers très agréables, et un couplet qui mérite de sauver le poème du Quinquina de l’oubli. […] Il s’agit de deux amants qui, au moment d’entrer dans le port, ont eu le malheur d’être frappés par le ciel. On les allait unir ; tout concourait pour eux ; Ils touchaient au moment, l’attente en était sûre : Hélas ! […] A un moment, on voit arriver Ragotin poursuivi par un charretier, qui n’est pas le charretier embourbé, mais un charretier très en colère. […] De moment en moment enjambant l’intervalle, Enfin, ils feront tant, au milieu du dédale, Qu’imperceptiblement ensemble ils se rendront, Et malgré vos efforts, mon fils, ils se joindront : C’est un coup sûr.
Dans son morceau sur l’influence méridionale, sur la sonorité harmonieuse et un peu vaine de la langue et de la mélopée des troubadours, dans les hautes questions qu’il a posées sur les conditions d’une véritable et vivante épopée, dans sa définition brillante et presque flatteuse du peintre exclusif et du coloriste, il s’est montré un juge supérieur jusqu’au sein du panégyrique, et en même temps la plus religieuse amitié n’a pas eu un moment à se plaindre ; car s’il a eu le soin de maintenir et comme de suspendre ses critiques à l’état de théorie, il a mis le nom à chacun de ses éloges. […] Je ne me risquerai pas à repasser en ce moment sur des traits qui ont été touchés à la fois avec discrétion et largeur. […] Cette faveur du public à laquelle il est accoutumé et qui avait accueilli avidement son précédent discours, qui avait comme saisi ce discours au premier mot, si bien que c’était à croire (pour employer l’expression du moment) qu’on venait de lâcher l’écluse, — cette faveur ne lui a point fait défaut cette fois sur une surface plus unie et dans des niveaux plus calmes. […] À un moment, lorsqu’il a dit, par allusion à M. […] » — Soumet était, caressant et malin, un peu creux d’idées, voulant par moments faire croire à je ne sais quelle métaphysique qu’il ne possédait pas, très-aimable quand il ne parlait que de vers, pourtant très-comédien toujours, même dans les moindres circonstances de la vie, ne s’étant jamais consolé de la fuite de la jeunesse, et en prolongeant l’illusion jusqu’à la fin.
Madame Récamier reprit son sang-froid un moment troublé ; elle écrivit au prince pour retirer la parole écrite qu’elle lui avait donnée d’être à lui. […] … » Ainsi fut rompue cette liaison ; elle paraît avoir été, au premier moment, passionnée dans madame Récamier, puis languissante et mignarde, et aboutissant enfin à de vaines et froides coquetteries épistolaires. […] C’était le moment où l’empereur Napoléon, son frère, s’écroulait jour à jour sous l’amas de sa fortune et de ses conquêtes. […] « Ce moment de trouble violent ne dura pas. […] Ballanche avait accompagné madame Récamier à Rome ; il était allé, de là, visiter un moment Naples.
C’est le moment de citer ici quelques réflexions qui s’imposent à mon esprit. […] Je ne puis rien vous dire en ce moment qu’adieu. […] Au moment du mariage de Charlotte, les lettres se multiplient. […] — doit alors renoncer à toucher aux choses du moment. […] Et quel heureux moment que celui où ils se réveilleront tous deux !
Montluc, tout faible qu’il était, sut être sur pied et dans l’action partout où il le fallait, et, après le premier moment de surprise, l’ennemi fut repoussé. […] Il s’adressait d’ailleurs à une population déjà exercée et aguerrie ; dès avant son arrivée et au premier cri de cette indépendance menacée, la population de Sienne, et les femmes les premières, avaient eu l’idée de s’organiser pour la défense et d’y aider de leurs mains : à ce souvenir et à la pensée de ce que lui-même a vu de bonne grâce généreuse et patriotique en ce brave et joli peuple, Montluc s’émeut ; son récit par moments épique redouble d’accent ; quelque chose de l’élégance et de l’imagination italienne l’ont gagné : Il ne sera jamais, dames siennoises, que je n’immortalise votre nom tant que le livre de Montluc vivra : car, à la vérité, vous êtes dignes d’immortelle louange, si jamais femmes le furent. […] Dans un moment où le soupçon régnait et où la discorde était près d’éclater parmi eux, il s’adressa à la dévotion italienne et fit diversion aux querelles moyennant des processions publiques et des prières : « Car de jeûnes, dit-il gaiement, nous en faisions assez. » Ces jeûnes étaient poussés aux dernières limites du possible : « Ni la ville ni nous ne mangeâmes jamais, depuis la fin de février jusques au vingt-deuxième d’avril, qu’une fois le jour : je ne trouvai jamais soldat qui en fît plainte. » Lui-même et les autres chefs ne mangeaient plus, depuis la fin de mars, qu’un petit pain, un peu de pois avec du lard et des mauves bouillies, et une fois le jour seulement : Le désir que j’avais d’acquérir de l’honneur, dit-il, et de faire souffrir cette honte à l’empereur (Charles Quint) d’avoir arrêté si longuement son armée, me faisait trouver cela si doux qu’il ne m’était nulle peine de jeûner. […] Après être allé quelques semaines voir sa maison et sa famille en Gascogne, avant la fin de l’année, Montluc retourne en Italie chercher de nouveaux hasards : dès les premiers moments, il s’y expose en soldat ; il va à cheval reconnaître une ville qu’on doit assiéger, à moins de cinquante pas et en plein jour. […] — Dans l’action enlin, il était prompt à saisir le joint et le moment, et à marquer l’instant décisif de donner sans perdre une minute.
Le cinquième volume paraît en ce moment. […] Ce n’est plus l’âge des La Vallière, des Soubise, des Montespan, dansant avec Louis ou autour de Louis « sous des berceaux de fleurs » ; mais c’est encore le beau moment des promenades des dames sur le canal de Versailles, des collations de Marly, de Trianon, et les enchantements n’ont point cessé. […] À force d’être curieux et soupçonneux, il y a des moments où Saint-Simon devient crédule : Restons dans les limites sévères de l’histoire. […] Dangeau, qui dans le premier moment de la nouvelle l’appelle le combat d’Enghien, nous dit : « Samedi 9 août, à Versailles. — M. le comte de Luxe arriva ici ; il apporta au roi une relation fort ample de M. de Luxembourg de tout ce qui s’est passé au combat. […] Ce sont là de rares moments dans sa vie de roi trop asiatique et trop idolâtré : il n’est que plus juste d’en tenir compte.
c’est ce dont il fait le plus de cas : « Ce monde, pense-t-il, appartient à l’énergie. » Lui si moral, si tempéré, il semble même par moments tout près de vouloir cette énergie à tout prix, tant il est l’ennemi de la mollesse et de l’indifférence : « À mesure que je m’éloigne de la jeunesse, écrivait-il à M. […] Il faut voir avec quelle anxiété, avec quelle conscience émue il aborde le moment, pour lui solennel, de la rédaction et de la mise à exécution, après que le plus gros de ses recherches est terminé. […] Je vous assure que je vois arriver ce moment avec une grande anxiété et une sorte de terreur. […] Comme il est très sincère, il se montre à ses amis tel qu’il est, selon les moments : Ma santé, écrit-il à M. […] Ne croyez point pourtant que je sois de ceux qui ne commencent à estimer Brutus que du moment où il a dit : « Vertu, tu n’es qu’un nom !
Mais ce n’est point la vie de M. de Talleyrand que sir Henry Bulwer a eu dessein de retracer ; il a choisi exclusivement l’homme public, et chez celui-ci les principaux moments, et pas tous ces moments encore au même degré. […] Supposant même que, dans des moments de crise, elle ait triomphé des résolutions, est-ce toujours un bien ? […] Des deux associés de l’évêque d’Autun, l’un au moins hésita jusqu’au dernier moment. […] Son influence vint de ce qu’il proposa des mesures importantes et raisonnables au moment opportun, et cela dans un langage singulièrement clair et élégant ; ce qu’avait d’élevé sa situation sociale ajoutait encore à l’effet de sa conduite et de son intervention. […] Dumont, qui le vit beaucoup à ce moment, nous l’a peint au physique et au moral avec vérité : « Je ne sais s’il n’avait pas un peu trop l’ambition d’imposer par un air de réserve et de profondeur.
On peut considérer même que le moment présent et propice était tout trouvé. […] Despréaux, c’est-à-dire la conscience littéraire, éleva la voix, et l’on eut à son moment le Misanthrope. […] Quel moment en effet dans une société que celui où des sentiments si nobles, si délicats, disons même si subtils, et qui courraient presque risque de nous échapper aujourd’hui, étaient saisis unanimement par un cercle avide qu’ils occupaient aussitôt et passionnaient ! […] La lutte du cœur plutôt que celle des faits, tel est en général le champ de la tragédie française en son beau moment, et voilà pourquoi elle fait surtout l’éloge, à mon sens, du goût de la société qui savait s’y plaire. L’idée de reprendre Bérénice devait venir du moment que mademoiselle Rachel était là ; et qu’à défaut de rôles modernes, elle continuait à nous rendre tant de ces douces émotions d’une scène qui élève et ennoblit.
En tous ces morceaux, l’émotion se redouble du contraste de ce qui précède ou de ce qui va suivre, du bruit lointain des combats ou des naufrages, et du cercle environnant de toutes les calamités humaines un moment suspendues. […] Le genre idyllique, du moment qu’il se circonscrit, qu’il s’isole et se définit en lui-même, devient à l’instant quelque chose de bien moins élevé et de moins fécond. […] Il ne vit plus désormais, il attend l’heure du soir, la fin de la journée, le moment de la réunion future avec ce qu’il a perdu. […] Celui qui fit Werther domine sa propre émotion et semble, du haut de son génie, regarder sa sensibilité un moment brisée, comme le rocher qui surplombe regarde à ses pieds l’écume de la cascade insensée. […] C’est à ce moment que, le marquis de Sainte-Croix ayant succédé comme ministre plénipotentiaire à M.
Le poète n’est parvenu qu’à évoquer, à revêtir un moment par sa magie une abstraction impossible. […] Son talent tout à coup s’y épura, s’y ennoblit ; à un moment la flamme sacrée parut rejeter tout alliage impur. […] La muse de M. de Musset aura toujours de ces retours, même à ses moins bons moments, mais nulle part cette fraîcheur naturelle ne se marie heureusement comme ici avec la passion saignante et la douleur sincère. […] Tout le monde n’a pas le bonheur de rencontrer des obstacles qui vous retardent et vous contiennent jusqu’au moment juste où l’on peut montrer le fruit déjà et encore la fleur. […] En est-il donc moins vrai que la lumière existe, Et faut-il l’oublier du moment qu’il fait nuit ?
On regrette qu’un observateur aussi impartial et aussi supérieur n’ait pas tracé un pareil portrait de la reine aux divers moments de son existence, jusqu’à l’heure où elle devient une grande victime, et où ses hautes qualités de cœur éclatent assez pour frapper et intéresser tout ce qui est humain. […] Si Louis XVI avait été autre, et s’il avait offert quelque prise à une impulsion active énergique, il n’y a nul doute qu’à un moment ou à un autre, sous l’inspiration de la reine, il ne se fût tenté quelque entreprise qui aurait bien pu être un coup de tête, mais qui peut-être aussi aurait rétabli pour quelque temps l’ordre monarchique ébranlé. […] Comme lui innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments. […] On sait que Marie-Antoinette fit preuve, quelques heures après, de ce calme et de cette fermeté qu’elle espérait avoir au suprême moment, et le procès-verbal des bourreaux reconnaît lui-même qu’elle monta sur l’échafaud avec « assez de courage ». […] La noble mère de Marie-Antoinette, de qui elle tenait ce nez d’aigle et ce port de reine, lui imprima le cachet de sa race ; mais ce caractère impérial, qui reparaissait aux grands moments, n’était pas celui de l’habitude de son esprit, de son éducation et de son rêve ; elle ne se retrouvait la fille des Césars que par saillies.
Mais chacun lit avec son humeur et avec son imagination encore plus qu’avec son jugement, et ce qui est si bien raconté séduit, bien que la chose racontée soit fort laide, et que le narrateur, après le premier moment d’enthousiasme passé, ne prétende pas à l’embellir. […] On y lit le vœu et le programme de ces premiers moments. […] Après que la première Fronde fut apaisée, et avant que la seconde éclatât, Retz semble avoir eu par moments des intentions sincères de se ranger, de redevenir honnête homme et fidèle sujet ; mais sa réputation passée pesait sur lui autant que les habitudes prises, et le rengageait bientôt dans les voies de la sédition. […] Il était trop aisé d’en tirer parti contre lui à la Cour et de le présenter comme traître et relaps, au moment même où il ne faisait qu’employer les moyens à son usage pour un but caché qui valait mieux. […] On lui en sut peu de gré, et, sa réputation passée s’attachant à lui, non sans cause, on le traita purement en politique, c’est-à-dire qu’après s’être servi de lui dans le premier moment, on l’emprisonna dans le second.
Ces faits nus, ou accompagnés de considérations et de narrations, qu’ils résument et qu’ils prouvent, ces faits soigneusement choisis, renseignant sur toutes les phases des personnages, arrivant aux moments essentiels de leur vie fictive, forment toute la contexture des romans de M. de Goncourt, sans lien presque qui les aligne, sans transition qui les assemble et les dénature par une relation logique. […] Il excelle, à un tournant de sa fabulation, à un moment psychologique de ses personnages à montrer cette évolution et cette transformation par un fait brutal, net, dont la conclusion est laissée à tirer au lecteur. […] C’est par une suite d’incidents et de tableaux de ce genre que M. de Goncourt depeint en leurs moments caractéristiques de larges périodes de l’existence de ses créatures, l’enfance de Chérie et l’enfance de celle qui sera la fille Elisa, la vie errante des frères Zemganno avant leurs débuts à Paris, et la vie amoureuse, traversée d’inconscients regrets, de la Faustin au bord du lac de Constance. […] II Mais de même que parmi les faits multiples que présentent les choses et qui constituent les sciences, certains sont attirés à l’étude de la matière morte, certains autres à celle du monde organique, et parmi ces derniers certains par la matière vivante en ses éléments, certains par les ensembles que forment ces unités, il intervient chez les hommes de lettres réalistes un biais individuel, une prédisposition de l’œil à voir, une aptitude de la mémoire à retenir, un ordre de faits particulier, un caractère dans les phénomènes, un moment dans les physionomies, les gestes, les émotions, les âmes. […] Quand on y songe… Le mystère de l’enfantement leur a été confié et peut-être le comprennent-elles… Peut-être y a-t-il un moment solennel où si le mari ne dormait pas d’un sommeil stupide, il verrait la femme tenir entre ses mains son âme palpable et en déchirer un morceau qui sera l’âme de son enfant… » Les Goncourt faisaient de même des numéros entiers du Paris, qui ne contenait alors, outre le feuilleton et le Gavarni, qu’une nouvelle comme les admirables Lettre d’une amoureuse, et Victor Chevassier.
Depuis ce moment, après ce moment, et encore aujourd’hui, vivre sans toi m’est impossible. […] Polyphème parle du cœur, et l’on ne se doute pas un moment que ses soupirs ne sont que l’imitation d’un poète.
J’aurais choisi, comme vous voyez le moment qui eût précédé la blessure de Venus ; Mr Doyen au contraire a préféré le moment qui suit. […] Le moment qui précédait la blessure eût offert le contraste du terrible et du délicat ; Venus, la déesse de la volupté, toute nue, au milieu du sang et des armes, secourant son fils contre un homme terrible qui l’eût menacée de sa lance.
Le duc d’Ormond le remplaçait dans le commandement des troupes anglaises ; mais les négociations avec l’Angleterre avançant chaque jour, le moment approchait où il se séparerait du prince Eugène. […] Les Anglais, à dater de ce moment, cessèrent de prendre part aux opérations, et l’armistice entre eux et nous était publié le 17 juillet. […] Mais tout, à la guerre, dépend de l’occasion et du moment. Personne, dans les officiers généraux de l’armée, ne paraît avoir cru cette attaque praticable à ce premier moment antérieur à l’investissement de Landrecies. […] C’est à ce moment extrême et décisif (ô fortune aléatoire de la guerre !)
Je rassemble en ce moment bien des torts et des griefs épars durant sa vie. […] Au retour de ces détachements, le prince me faisait rendre compte des détails et de la nature du pays que nous avions parcouru ; il commença à me marquer de la confiance et beaucoup de satisfaction de mon zèle et de mon activité. » C’est à ce moment que le comte de Clermont fut pris d’une maladie qu’on ne désigne pas, mais si violente qu’au départ du camp de Walheim il fut impossible de le transporter. […] Le prince, à souper, s’était égayé sur le compte des mœurs plus que galantes du maréchal : c’était bien affaire à lui ; mais enfin le propos, rapporté et envenimé à dessein, avait irrité le maréchal, qui, depuis ce moment, n’épargnait pas, dans les ordres journaliers de service, les petits dégoûts au prince. […] J’entendis toute cette dispute, et le pauvre prince fut comme un écolier qui laisse toujours parler son gouverneur. » Le grief contre Lœwendal, on le sent, était qu’il n’était pas Français, et on le lui faisait à tout moment sentir. Ce qu’on n’osait pas dire au maréchal de Saxe, on le lui disait. — La vérité est que l’ordre d’aller en avant n’arriva pas pour le moment : le comte d’Estrées ne put donner son coup de collier que plus tard.
Cette rage singulière, par moments risible et misérable, par moments sublime dans ses éclats de Juvénal, redonne souvent à son génie d’écrivain toute sa coloration et toute sa trempe. […] Une seule pensée m’absorbait ; je comptais avec impatience les moments. […] On se demande quelle idée traverse l’esprit du narrateur, en ce moment où il devrait être tout entier à la chaste douleur du souvenir. […] Mais ici, chez René, c’est plus que de la tristesse sentie, c’est une sorte de rage ; l’idée de l’éternité s’y mêle ; il voudrait engloutir l’éternité dans un moment. […] Il aurait bien désiré que l’aimable personne à qui il s’adressait, et que les Mémoires, qui parlent de tant d’idoles, ne mentionnent pas, le vînt rejoindre à ce moment même.
Le moment présent n’est pas très favorable à Rousseau, à qui l’on impute d’avoir été l’auteur, le promoteur de bien des maux dont nous souffrons. […] Rousseau écrira sans sourciller : Comme que je fasse, comme que ce fut, etc., au lieu de dire : De quelque manière que je fasse, de quelque manière que ce fût, etc. ; il articule fortement et avec âpreté : il a par moments un peu de goitre dans la voix. […] Ce moment des Charmettes, où il fut donné à ce cœur neuf encore de s’épanouir pour la première fois, est le plus divin des Confessions, et il ne se retrouvera plus, même quand Rousseau sera retiré à l’Ermitage. […] Je ne prévoyais pas que j’aurais des idées ; elles viennent quand il leur plaît, non quand il me plaît. » Ainsi, dans tout ce qu’il a raconté depuis, nous n’aurions, à l’en croire, que des ressouvenirs lointains et des restes affaiblis de lui-même, tel qu’il était en ces moments. […] S’il lui manque par moments une plus chaude lumière et les clartés d’Italie ou de la Grèce ; si, comme autour de ce beau lac de Genève, la bise vient quelquefois refroidir l’air, et si quelque nuage jette tout à coup une teinte grisâtre aux flancs des monts, il y a des jours et des heures d’une limpide et parfaite sérénité.
Le moment est bon pour Mme de Maintenon. Le goût s’est vivement reporté à toutes les choses du siècle de Louis XIV, et, du moment qu’on y entrait surtout par le côté de l’esprit, elle était sûre d’y être comptée pour beaucoup et d’y tenir un des premiers rangs. […] Il y a des moments même où l’on dirait qu’elle charme ; mais, dès qu’on la quitte, ce charme ne tient pas, et l’on reprend de la prévention contre sa personne. […] Il y eut donc pour Mme Scarron un moment critique après la mort de son mari, mais tous ses amis s’empressèrent à la servir et y parvinrent. […] Il n’y eut pas un seul moment d’abandon de cœur dans toute la vie de Mme de Maintenon ; là est le secret de l’espèce de froideur qu’elle inspire.
Elle a beaucoup écrit, et, en ce moment, je n’ai guère moins d’une quarantaine de volumes d’elle rangés sur ma table, romans, contes, comédies, esquisses de société, souvenirs de salons, et tout cela se fait lire, quelquefois avec un vif intérêt, toujours sans ennui. […] Ce fut un moment de grande confusion et de désordre, mais aussi de sociabilité ; la joie d’être ensemble, le bonheur de se retrouver et de se prodiguer les uns aux autres, dominait tout. […] Il a l’air de sacrifier Mme de Rosbel, et il croit à ce moment préférer Léonie. […] Il y avait donc des moments où Alfred était tout à fait au-dessous de lui-même et des autres, quand ces autres étaient tout simplement un petit cercle de gens instruits et aimables ; il le sentait, il en souffrait et en devenait de mauvaise humeur et maussade, par conséquent ennuyeux. […] Qui a lu Le Moqueur amoureux (1830), Un mariage sous l’Empire (1832), La Duchesse de Châteauroux (1834), ne s’est aperçu en rien que ce ne fût pas à un auteur du moment, et du dernier moment, qu’il ait eu affaire.
La Renommée, ce monstre infatigable, du même vol dont elle a touché les ruines des empires, s’arrête à cette chose aimable, s’y pose un moment ; elle en revient, comme la colombe, avec le rameau. […] Dans son anxiété croissante, et les moments du péril approchant, la jeune femme recourut à Mme de Villette, qui, depuis un an ou deux ans, avait pris nom lady Bolingbroke. […] Aussi quiconque a du mérite peut attendre du Chevalier quelques moments de sensibilité. […] Ce que je vous ai dit cent fois, je vous le répéterai : dès le moment que je vous ai connue, j’ai senti pour vous la confiance et l’amitié la plus forte. […] À la manière dont elle parle d’elle et de sa personne, on serait par moments tenté de lui croire des charmes médiocres et de chétifs agréments.
dans ces courts moments consacrés à l’étude, Combien je chérissais ma docte solitude ! […] Son imagination se passionnait en ces moments extrêmes ; il ressaisissait en idée la gloire. […] Les miens auraient l’air trop intéressés dans ce moment pour qu’ils fussent dignes de vous et de moi. […] Nous n’avons plus qu’un moment pour le trouver encore simple homme de lettres : il est vrai que ce court moment ne fut pas perdu et va nous le montrer sous un nouveau jour. […] « Les inspecteurs, dans ce moment, sont donc vos ouvriers les plus essentiels.
Mais, dans le moment même, d’autres sentiments publics, d’autres pensées que celle de la reconnaissance prévalaient dans le cœur des vaincus. […] Il n’avait pas moins de quarante ans ou bien près, à ce moment où il y vint pour la première fois. […] Sismondi était très-préparé sur ce sujet par le Cours qu’il avait professé à Genève sur les littératures du Midi, et qui s’imprimait à Paris dans le moment même (1813). […] Cependant la ligne de séparation avait été trop prononcée à un certain moment pour s’effacer désormais : le commerce de pensées en souffrit. […] C’était, par moments, à faire sourire de lui en même temps qu’à le faire mieux aimer.
L’influence des femmes se fait notablement sentir à ce moment de la langue, et l’on voit à quel point Vaugelas dut compter avec elles. […] Il faut bien pourtant, si l’on veut être impartial et juste, s’y arrêter un moment. […] Homme de sens, sans supériorité d’ailleurs, il avait tant lu de choses qu’il savait que tout a été dit et pensé, et il en concluait que toute opinion a sa probabilité à certain moment, que la diversité des goûts et des jugements est infinie. […] Il put vraiment faire la grimace à quelque moment de la lecture. […] Le moment actuel est, à certains égards, tout l’opposé de celui de Vaugelas.