Mérimée, sans phrases, sans système, avec ce sentiment continu de la réalité et ce besoin qu’il a en tout de s’expliquer les choses comme elles se sont passées, nous a donné un récit instructif, enchaîné, attachant, et qui jette, chemin faisant, la plus grande clarté sur l’ensemble de l’organisation romaine. […] Les vexations croissantes, tous les genres de griefs sourdement accumulés, les tâtonnements législatifs impuissants, et les tentatives tribunitiennes coupées de tragique, remplissent quarante années préliminaires, durant lesquelles les guerres contre les Cimbres viennent jeter une puissante diversion, mais aussi de nouveaux ferments pour l’avenir. […] » Et il se passe l’épée à travers le corps. — Un autre chef, Judacilius, s’étant jeté dans Asculum aux abois, voit d’abord qu’il ne peut s’y défendre, et que les habitants sont à bout. […] Le matin on a suivi Rob-Roy en son Écosse ; on se fait Klepte tout un soir, et l’on se jette dans le mâquis du fond de son fauteuil. […] » elle répond par un oui simple en rougissant. « Puis elle leva les yeux, et, n’apercevant sur la physionomie de son père aucun signe de courroux, elle se jeta dans ses bras et l’embrassa comme les demoiselles bien élevées font en pareille occasion. » Toujours un peu d’ironie, on le voit, mais qui ne fait que mieux valoir les sentiments choisis et naturels.
J’ai jeté quatre ou cinq lignes sur un morceau de papier. […] La bière est jetée à terre, et les trois porteurs se couchent à plat ventre. […] » Cette réponse me jette dans une inquiétude mortelle. […] Aucun ne semble informé du cri jeté sur la place de la Concorde. […] Je me jette dessus tout habillé.
Par un sûr et prophétique instinct de leur destinée, ils tremblaient qu’elle ne ressuscitât dans le monde avec la liberté ; ils en jetaient au vent les moindres racines à mesure qu’il en germait sous leurs pas, dans leurs écoles, dans leurs lycées, dans leurs gymnases, surtout dans leurs noviciats militaires et polytechniques. […] M. de Châteaubriand, génie alors plus mélancolique et plus suave, mémoire harmonieuse et enchantée d’un passé dont nous foulions les cendres et dont nous retrouvions l’âme en lui ; imagination homérique jetée au milieu de nos convulsions sociales, semblable à ces belles colonnes de Palmyre, restées debout et éclatantes, sans brisure et sans tache, sur les tentes noires et déchirées des Arabes, pour faire comprendre, admirer et pleurer le monument qui n’est plus ! […] Enfin, nous touchâmes aux premiers blocs de marbre, aux premiers tronçons de colonnes que les tremblements de terre ont secoués jusqu’à plus d’un mille des monuments même, comme les feuilles sèches jetées et roulées loin de l’arbre après l’ouragan. […] Pendant que nos Arabes plantaient en terre autour de la maison les chevilles de fer pour y attacher par des anneaux les jambes de nos chevaux et que d’autres allumaient un feu dans la cour pour nous préparer le pilau et cuire les galettes d’orge, nous sortîmes pour jeter un second regard sur les monuments qui nous environnaient. […] Mais quelle qu’ait été, quelle que puisse être encore la diversité de ces impressions jetées par la nature dans mon âme, et par mon âme dans mes vers, le fond en fut toujours un profond instinct de la divinité dans toutes choses ; une vive évidence, une intuition plus ou moins éclatante de l’existence et de l’action de Dieu dans la création matérielle et dans l’humanité pensante ; une conviction ferme et inébranlable que Dieu était le dernier mot de tout !
Parlant des honnêtes gens, des gens bien intentionnés et sincères qui se trouvèrent d’abord jetés de part et d’autre dans les deux camps : Et c’est ainsi que Dieu travaille, a dit lui-même le président Jeannin, quand il veut nous châtier sans nous perdre, quand il ne veut pas que la guerre finisse par le feu, le sang, la désolation générale, la ruine entière et le changement d’un État. […] Et le rôle de ces derniers est alors de tempérer autant qu’ils peuvent, de détourner et de rompre les mauvais desseins de ceux qui attisent toujours le feu avec l’épée et qui jettent le vinaigre sur les plaies. […] le propre de l’homme politique est de ne point casser même aux plus rudes rencontres, de ne jamais jeter, comme on dit, le manche après la cognée. […] L’ambassadeur d’Espagne (le duc de Feria), dans une dépêche à Philippe II qui fut interceptée, donnant la liste des députés qui assistaient à la conférence de Suresnes, et ajoutant au nom de chacun une note et un signalement distinct, disait de tel et tel : « Celui-ci est neutre. — Celui-là agira dans son intérêt. » Et du président Jeannin il disait : « Il fera tout ce qui lui paraîtra avantageux au duc de Mayenne. » Les auteurs d’éloges et de discours académiques, Saumaise, plus tard Guyton de Morveau, ont couru un peu rapidement sur ce point, et se sont trop attachés à montrer dans le président Jeannin un ligueur qui avait hâte de sortir de la faction où il avait été jeté, et qui, « sans trahir son parti, en défaisait la cause ». […] Le président se jeta résolument au fort de ces difficultés, qui n’eurent d’autre effet sur lui que de le rendre « plus attentif à sa fortune et plus vigoureux au travail : Ce qu’il montra bien au voyage, nous dit Saumaise, et me souviens que séjournant à Calais pour attendre le vent, et craignant que cette longueur ne lui fît préjudice, il se fut embarqué contre vent et marée, si le pilote craintif l’eût osé hasarder.
Il nous parle quelque part, dans un de ses livres, des conscrits qui, à l’armée, se jettent dans le feu par peur du feu. […] Seulement, ce n’est pas par peur de l’affectation qu’il se jette dans l’affectation : c’est par peur de la vulgarité. […] Mais lorsque la creuse vague humaine aura cessé de jeter le peu de bruit et d’écume qu’elle jette toujours sur l’écueil d’une tombe quand un homme vient tout récemment d’y descendre, la gloire de Stendhal ne sera guères saluée dans l’avenir que par les esprits plus ou moins analogues au sien par la force. […] Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cet amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société à âme de soixante-dix ans dont il avait écrit encore cette autre phrase : « À Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’immoralité, comme l’athéisme, comme les révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent à mourir.
Il nous parle quelque part, dans un de ses livres, des conscrits qui, à l’armée, se jettent dans le feu par peur du feu : il ressemble un peu à ces conscrits-là. Seulement, ce n’est pas par peur de l’affectation qu’il se jette dans l’affectation : c’est par peur de la vulgarité. […] Mais, lorsque la creuse vague humaine aura cessé de jeter le peu de bruit et d’écume qu’elle jette toujours sur l’écueil d’une tombe, quand un homme vient tout récemment d’y descendre, la gloire de Stendhal ne sera guère saluée dans l’avenir que par les esprits plus ou moins analogues au sien par la force. […] Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cette amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante, pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société, à âme de soixante-dix ans, dont il avait écrit encore cette autre phrase : « A Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’Immoralité, comme l’Athéisme, comme les Révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent de mourir.
Jeté dans les déserts de la Sibérie, il avait ; comme les anciens philosophes, ouvert une école sur la terre de l’exil. […] » Et avec une vivacité inouïe à son âge, elle jette sa quenouille, renverse son rouet et se précipite dans ses bras. […] Dans quelles angoisses vous nous avez jetées ! […] Les câbles de son avant rompirent ; et, comme il n’était plus retenu que par une seule ansière, il fut jeté sur les rochers à une demi-encablure du rivage. […] Tous les matelots s’étaient jetés à la mer.
qui ne jettent au vent que l’argent des usuriers. […] Et ce sont mille souvenirs qu’il évoque dans cette promenade, où il jette, de temps en temps, des poignées d’ironies, des croquis, des paysages, des villes trouées de boulets, saignantes, éventrées, des ambulances où les rats entament les blessés. […] La causerie va à Proudhon et à son livre, dont Saint-Victor jette des morceaux au vent, et Charles Edmond parle curieusement de l’homme qui se cache derrière cette plume révoltée, et de la tendresse et de la sensibilité de ce rude pamphlétaire. […] » Et il s’approchait de l’élève pour le jeter dehors, mais, voyant le bambin se mettre en état de défense, on l’entendait s’écrier : « Madame Cerceau ! […] Et il narre qu’un individu est mené à la pêche par un ami, qui jette l’épervier et retire une pierre sur laquelle est écrit : Je n’existe pas.
Non, ce n’est plus une lettre de cachet d’un ministre tyrannique qui vous jette dans un cachot, mais c’est le jugement d’un tribunal correctionnel, qui est aux ordres d’un ministère rétrograde et imbécile. […] … Ça jetterait un froid dans le dîner que les Charpentier donnent, ce soir, en l’honneur de l’apparition du livre. […] Il n’en est rien, et je m’attends à ce que la dernière pelletée qu’on jettera sur mon cercueil, sera une pelletée d’injures. […] Cependant après dîner, tout-à-coup interrompant ses nœuds, et comme sortant d’une longue rêvasserie, l’Altesse me jette : « De Goncourt, est-ce que vous pouvez être poursuivi ? […] Il se jette sur mes mains pour les mordre, quand je fais mine de lui ôter ce fouet, qu’il me fourre à la fin dans le derrière, en manière de me demander une cigarette.
Chaque auteur, si jeune, si plein d’avenir qu’il soit, du moment qu’il a levé la tête et que son nom a été prononcé dans la cohue, est comme un ambitieux qui, se sentant miné d’une fièvre lente et voulant arriver au ministère, fait œuvre, sur l’heure, de toutes ses ressources, accumule et jette aux yeux tous ses expédients, et blanchit en deux ou trois chétives saisons plus qu’autrefois Sully en quarante ans. […] Une fois dans ce riant paysage du Berry, sous les érables si frais de la Vallée noire, à deux pas de l’Indre qui n’est là qu’un joli ruisseau, après le premier regard de connaissance jeté à la famille Lhéry et aux jeunes habitants de la ferme Grangeneuve, j’oubliai tout le reste, je me laissai vivre et aller au cours des choses ; je me sentais introduit dès l’abord dans un monde facile et nouveau. […] Les moindres motifs, dont aucun n’est oublié, sont jetés, chemin faisant, sans affectation ; c’est quelque chose de mystérieux et d’aventureux dès l’abord, et toutefois pas une circonstance forcée, pas un hasard invraisemblable, pas un anneau de la chaîne qui fasse obstacle sous le doigt et qui crie. […] Après l’intérieur de la ferme et le bal champêtre qu’un critique très-spirituel, dans la Revue des deux Mondes, a comparés à quelque tableau malicieux et tendre de Wilkie, on a, au retour, cette nature si fleurie et si odorante, sur laquelle la nuit jette ses ombres grandioses et que la lune éclaire avec beauté ; on a, dans ces solitudes suaves, un chant mélodieux de jeune homme qui arrive tout d’abord au cœur d’une amazone égarée comme Herminie.
Et si on s’est culbuté autour de la chaire de la Trinité, comme on s’était jeté à la lecture de Nana ou de la Question du Divorce de M. […] Et puisque c’est ce principe de la Révolution, — le principe du nombre, — le principe de la démocratie, — la même chose sous trois noms différents, — qui sont la trinité du vrai pour le monde moderne, — ces principes, qui ont retourné l’histoire bout pour bout et jeté toutes les traditions par les fenêtres, se devaient à eux-mêmes de supprimer le mariage indissoluble d’une législation où il traînait comme la queue d’un temps disparu. […] Comme moraliste, à La Rochefoucauld et à Chamfort ; comme conversation et mot lancé, à Rivarol, mais à Rivarol un peu constipé, il est vrai ; car le mot qu’il jette a été travaillé avant de jaillir. […] C’est que, littérairement, quand on est un écrivain acéré, souple, vibrant, élégant, presque aristocratique, il ne fait pas bon de se jeter aux idées révolutionnaires !
Quand on ne sait pas tirer parti des réalités, on s’impatiente contre les sociétés, et on se jette dans ces violences de l’esprit qu’on appelle le radicalisme. […] Qui sait ce que sont devenus ces fils de Thérèse jetés aux gémonies tout vivants par la barbarie d’un père insensé ? […] Il se le reproche, il jette quelque modique aumône dans cette main qui a tenu autrefois son cœur. […] Le caractère de Rousseau se révèle tout entier dans les motifs d’égoïsme qui le jetèrent dans cette demi-solitude au milieu de sa vie. […] C’était un singulier contraste dans Rousseau qu’un homme écrivant un traité d’éducation pour le genre humain de la même main qui venait de jeter et qui jetait encore à cette époque ses enfants à l’hôpital des enfants trouvés pour y recevoir l’éducation de la misère, du hasard, et peut-être du vice et du crime.
Il jette la discorde dans le cœur de Mme de Nucingen et de Mme de Restaud, en disant qu’il connaît leur père, un vieillard nommé Goriot. […] Peut-être eût-elle cultivé cette nature inerte, peut-être y eût-elle jeté l’intelligence des choses du monde et de la vie. […] « Cette fois M. de Chessel la crut franche et me jeta des regards complimenteurs. […] Aussi plaisait-elle sans artifice, par sa manière de s’asseoir, de se lever, de se taire ou de jeter un mot. […] Non, dans les noires dispositions où me mettait le malheur, j’aurais plié le genou, j’aurais baisé ses brodequins, j’y aurais laissé quelques larmes, et je serais allé me jeter dans l’Indre.
C’est la société qui le jette dans le brasier. […] jeté en prison ! […] Il jette sur ses épaules la couverture de son lit. […] Il jette au feu tous ses papiers. […] Il jette au feu tous ses papiers.
Voici, dans les pages qui vont suivre, les observations qu’il pourrait leur opposer ; voici sa fronde et sa pierre ; mais d’autres, s’ils veulent, les jetteront à la tête des Goliaths classiques. […] Quelques-uns de leurs philosophes jetaient parfois sur les objets de faibles lumières qui n’en éclairaient qu’un côté, et rendaient plus grande l’ombre de l’autre. […] Tantôt il jette du rire, tantôt de l’horreur dans la tragédie. […] Il l’a jeté en vers, parce que cela lui a plu ainsi. […] C’est le chêne qui jette une ombre immense avec des milliers de feuilles exiguës et découpées.
Mais, comme un excès amène toujours son contraire, le petit nombre de celles qui échappèrent à la corruption se jetèrent dans la métaphysique sentimentale et se firent précieuses ; de là l’hôtel de Rambouillet2. […] Quand son fils, pour fournir à de folles dépenses, fait jeter bas les antiques bois de Buron, elle s’émeut, elle s’afflige avec toutes ces dryades fugitives et ces sylvains dépossédés ; Ronsard n’a pas mieux déploré la chute de la forêt de Gastine, ni M. de Chateaubriand celle des bois paternels. […] Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre. Cette province est un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes, de ne leur point dire d’injures et de ne point jeter de pierres dans leur jardin ; » et enfin : « Vous me parlez bien plaisamment de nos misères : nous ne sommes plus si roués ; un en huit jours seulement pour entretenir la justice : la penderie me paroît maintenant un rafraîchissement. » Le duc de Chaulnes, qui a provoqué toutes ces vengeances, parce qu’on a jeté des pierres dans son jardin et qu’on lui a dit mille injures dont la plus douce et la plus familière était gros cochon, ne baisse pas pour cela d’un cran dans l’amitié de Mme de Sévigné ; il reste toujours pour elle et pour Mme de Grignan notre bon duc à tour de bras ; bien plus, lorsqu’il est nommé ambassadeur à Home et qu’il part du pays, il laisse toute la Bretagne en tristesse. […] Avant de s’ajuster exactement aux différentes espèces d’idées, le langage est jeté à l’entour avec une ampleur qui lui donne l’aisance et une grâce singulière.
je vous répondrai que je n’en sais rien, et qu’il faut le demander à celui qui a fait les sens et l’oreille de l’homme plus voluptueusement impressionnés par la cadence, par la symétrie, par la mesure et par la mélodie des sons et des mots, que par les sons et les mots inharmoniques jetés au hasard ; je vous répondrai que le rythme et l’harmonie sont deux lois mystérieuses de la nature qui constituent la souveraine beauté ou l’ordre dans la parole. […] Il se transporta donc de Magnésie dans une autre ville neuve et peu éloignée de Magnésie, où cette vallée, déjà trop peuplée, jetait ses essaims. […] Il semble qu’Homère, le plus merveilleux des hommes, fût prédestiné à ne pas connaître son père, comme si la Providence avait voulu jeter un mystère sur sa naissance afin d’accroître le prestige autour de son berceau. […] Soit qu’Isménias fût trop pauvre pour nourrir la mère et l’enfant, soit que la naissance de ce fils sans père eût jeté quelque ombre sur la réputation de Crithéis, il la congédia de son foyer. […] La poésie est un cri : nul ne le jette bien retentissant s’il n’a été frappé au cœur.
Que la presse, dans ses plus mauvais jours, ait recélé, dans ses bas-fonds, des faux monnayeurs de scandale, que la publicité ait eu ses bandits, comme le grand chemin a les siens, que la calomnie ait jeté parfois ses lettres anonymes dans la boîte d’un journal borgne, comme la délation jetait les siennes dans la bouche du lion de Venise, cela peut être : toute armée a ses goujats, toute profession ses pervers. […] A cette menace, le banquier tremble, il entend dans le lointain la Conscience publique hurler contre lui, et, pour apaiser sa colère, il jette sa fille à son directeur ! […] La baronne n’a qu’à lui jeter une mielleuse œillade pour l’éprendre de sa beauté mure et confite. […] Giboyer, qui faisait peur, fait pitié ; cette âme difforme devient presque belle ; on sait gré au poète d’avoir jeté un sentiment pur dans ce tas de boue. […] Cependant, Fernande, qui veut, à tout prix, quitter sa belle-mère, consent à épouser le comte d’Outreville ; mais la baronne a jeté son dévolu sur le hobereau ; il lui faut un mari titré et borné : le jeune comte réunit ces deux conditions.
De l’impériale, on lui jette sa petite malle, et sa grosse boîte à couleurs, qui s’ouvre en tombant, et dont les pinceaux et les couleurs se répandent dans le ruisseau. […] C’est exaspérant dans ces enterrements, la présence de tout ce monde du reportage, avec ses petits papiers dans le creux de la main, où il jette des noms de gens et de localités, qu’il entend de travers. […] Et l’eau bénite jetée sur la bière, tout le monde assoiffé dévale vers la ville avec des figures allumées et gaudriolantes. […] Quand les malheureux descendent, les autres coqs se jettent sur eux, et assouvissent leurs passions antinaturelles. […] Les notes jetées, j’ai été empoigné par l’intérêt de la chose représentée, et surtout par le travail à l’effet de la mettre au point.
Après Montaigne et quand on eut vu son succès, il prit sans doute envie à plus d’un gentilhomme campagnard de jeter par écrit ses fantaisies sans beaucoup d’ordre, et de devenir auteur à ses moments perdus sans cesser de courir le lièvre. […] En obéissant à son goût naturel et réfléchi, M. de Latena cependant ne s’y est point laissé aller comme un simple amateur ; il n’a pas jeté au hasard et sans suite les remarques que lui suggérait l’étude de l’homme ou le spectacle de la société, et, sans enchaîner précisément toutes ses notes et ses aperçus dans une combinaison de chapitres se succédant avec méthode et transition, il a tenu à y établir un ordre général qui maintient la liaison des principales parties ; il a fait et voulu faire un ouvraget ; il a eu tout le respect du sujet qu’il traitait. […] … Le seul livre que j’aie constamment médité est celui qui est ouvert à tous, c’est-à-dire l’homme agissant sous les influences qui le dominent sans cesse, ses intérêts et ses passions ; et si quelquefois j’ai jeté un coup d’œil rapide sur La Bruyère et sur La Rochefoucauld, je ne l’ai fait que pour être certain de ne pas laisser de simples réminiscences se glisser parmi mes propres observations. » De cette manière de composer il est résulté quelquefois, en effet, que le lecteur, familier avec les écrits soit de Sénèque, soit de La Rochefoucauld et de La Bruyère, soit de Massillon, de Montesquieu et du comte de Maistre, sent se réveiller en lui des traces de pensées connues, en lisant tel passage de M. de Latena.
Je suis tenté d’aller chez vous et de jeter par les fenêtres ce bloc de terre mort qui y est. […] Comme cette draperie de tête est jetée !
Quand donc un homme livré au journalisme n’a pas de facultés plus hautes que son métier, et n’apporte pas la main souveraine et incontestable d’un maître dans le pétrissage de cette pensée qu’il jette sur la place tous les jours, il est bientôt dévoré par sa fonction même, et le temps n’est pas loin où il sera oublié. […] Armand Carrel n’est sérieusement ni un penseur, ni un écrivain, ni un esprit politique, ni un historien, quoique une fois dans sa vie il ait touché à l’histoire, à ces pierres d’un passé en ruines qui nous écrasent quand nous voulons les détacher pour les jeter à nos ennemis. […] En 1833, Carrel avait trente-trois ans, l’âge de la force juvénile sur laquelle la réflexion doit commencer de jeter ces ombres qui sont une lumière. […] Bonapartiste avant l’heure et sans patience, trompé dans ses ambitions les plus légitimes quand il se comparait à Thiers et Mignet, il se jeta, de dépit et de colère, dans une opposition qui l’entraîna de la gauche triomphante à la gauche souffrante, et de là à la république.
Yégor leva la tête, me jeta un regard, et considéra attentivement mon chien. […] Une gélinotte répondit bientôt, et je la vis se jeter dans un épais sapin. […] Je baissai la tête sous une secrète terreur, comme si j’avais jeté un regard dans un endroit où il est défendu à l’homme de regarder. […] C’était avec le plus grand zèle qu’il attachait les vermisseaux à l’hameçon, et jetait lui-même la ligne en se donnant des airs gracieux. […] Il se mit au piano, jeta un regard fier et grave autour de lui et commença.
Remontée dans sa voiture, elle jetait à un ami : « Demain, n’est-ce pas, à quatre heures ? […] Après beaucoup de tentatives, d’essais, de pointes poussées dans tous les sens, il s’est énamouré du moderne, et dans le moderne, il a jeté son dévolu sur les blanchisseuses et les danseuses. […] Là, est le métier à tapisserie, où elle se jette au sortir du dessin et de l’aquarelle. […] cette bête de Julie, en faisant le salon, n’a-t-elle pas jeté la bestiole dans la cheminée. […] Il semble que, dans leur cervelle, dansent toutes les corrections de toutes les épreuves, jetées sur la table du portier.
Il ne rencontrait pas un enfant pauvre sans lui jeter la petite monnaie kesitha ; il était « le pied du boiteux et l’œil de l’aveugle. » C’est de cela qu’il a été précipité. […] La nature et l’humanité se mêlent dans le hurlement attendri que jette Ézéchiel. […] Il se cache, on le découvre, on l’arrache de son trou et on le jette terrifié sur le trône. […] Un homme ayant été surpris lisant l’histoire de Caligula par Suétone, Commode fit jeter cet homme aux bêtes. […] Les religions, ayant besoin de ce livre, ont pris le parti de le vénérer ; mais, pour n’être pas jeté à la voirie, il fallait qu’il fût mis sur l’autel.
Homme politique ou destiné à l’être, il jette ses études dans l’histoire. […] Rien n’était plus juste : des victimes aussi illustres, quoiqu’elles eussent compromis leur pays, méritaient des hommages ; mais il suffisait de jeter des fleurs sur leur tombe, il n’y fallait pas de sang. […] L’auteur tient encore, et avec raison, à cet ancien travail dans lequel il jeta ses propres idées sur les banques. […] Quand je dis qu’il le jette, je me reprends, il saura bien en garder toujours quelque chose. […] Thiers est un esprit toujours prêt, qui se jette en pleine idée, en plein sujet, à tout instant ; c’est en un mot un des esprits les plus résolus et les moins paresseux qui se puissent concevoir.
Thiers eut l’inconcevable tort d’adopter un moment, je ne sais par quelle concession de bon sens aux nécessités de tribune, mais dont sa justesse d’esprit ne tarda pas à apercevoir le vide, et qu’il jeta à la mer en se retirant du ministère, comme on noie ses poudres avant de rendre son pavillon. […] Je me souviens du jour et de l’heure où le ministre de la maison d’Orléans tira le rideau qui voilait cette négociation et cette alliance, et où le pays jeta un cri d’admiration irréfléchie à l’aspect de ce chef-d’œuvre. […] Paris tout entier se leva pour réprimer cet outrage à sa représentation, et pour désavouer cette diplomatie en haillons qui jetait des cris sans les comprendre. […] On en a inventé des centaines jadis et aujourd’hui, chez nous et ailleurs, selon les besoins de la circonstance et selon l’engouement passager et ignorant des masses populaires auxquelles on jetait en pâture ces soi-disant principes diplomatiques afin de donner un air de science à la perversité, et de profondeur au vide. […] Cette situation est telle que le moindre faux coup de gouvernail imprimé par le télégraphe du fond du cabinet des Tuileries peut jeter l’Europe dans une nouvelle guerre de Trente ans ou la faire rentrer dans un puissant équilibre.
Nous nous jetions à bas de nos lits, et bien vite nous étions dans la rue. […] » me jette d’une voix dure le garçon. […] J’ai jeté la couverture sur le traversin, comme un drap sur l’ombre d’un mort. […] Et je m’adresse à mes lectrices de tous les pays, réclamant d’elles, en ces heures vides de désœuvrement, où le passé remonte en elles, dans de la tristesse ou du bonheur, de mettre sur du papier un peu de leur pensée en train de se ressouvenir, et cela fait, de le jeter anonymement à l’adresse de mon éditeur. […] Et à propos du roman sans péripéties, sans intrigue, sans bas amusement, tranchons le mot, qu’on ne me jette pas à la tête le goût du public !
L’épouse elle-même ne put les ignorer, mais elle leur imposa silence, et lorsque le jeune Strogonof se fut résigné à un autre mariage, Mme Swetchine devint l’amie la plus sûre et la plus fidèle de sa femme. » S’il est vrai qu’il y eut une lutte dans le cœur de la jeune fille, et un sacrifice pénible à consommer pour obéir à la décision de son père, si cet amer mécompte, ce renoncement au bonheur dans le mariage, en flétrissant du premier jour l’avenir, la jeta par volonté et de parti pris dans les voies austères du devoir et de la résignation en Dieu, il est impossible d’en rien découvrir dans ce passage du livre de M. de Falloux. […] Ces lettres de la jeunesse de Mme Swetchine nous révèlent une âme ardente, impétueuse, que la difficulté, l’âpreté même de l’effort moral tente et convie, et qui ne s’est jetée vers Dieu avec tant de passion que de peur de se laisser prendre trop vivement aux choses de la terre. […] Si je ne m’étais hâtée de jeter un voile noir sur ma vie, pourrais-je supporter l’idée de la mort ? […] Elle a de bonne heure fait le plus sensible des sacrifices pour une femme, surtout pour une femme qui a su et senti ce que c’est que l’amour : elle s’est dit : « Une femme qui n’a point été jolie n’a pas été jeune. » Et elle a sacrifié sa jeunesse, elle s’est jetée à corps perdu du côté de Dieu : « A l’âge de dix-neuf ans, je me jetai entre les bras de Dieu avec une passion telle, que je ne puis rien comparer de ce que j’ai éprouvé à sa vivacité. […] Les premiers mots qu’elle vous disait, et par lesquels elle croyait vous honorer, concernaient votre croyance et l’état de votre âme : elle essayait d’un premier grapin à jeter sur vous. — « Quand on a fait Volupté, me dit-elle la première fois que je la vis, on a une responsabilité. » Je m’inclinai en silence. — J’ai beaucoup vu, dans un voyage qu’elle fit à Paris, cette charmante Roxandre, cette amie de jeunesse de Mme Swetchine et qui était devenue la comtesse Edling : elle s’est plainte à moi bien souvent (j’en demande bien pardon à ceux qui ont écrit le contraire) d’un certain fonds de froideur ou de réserve qu’elle rencontrait désormais dans son ancienne amie et qu’elle attribuait à la différence de communion.
Avocat sans causes, il fait, dans la salle des Pas-Perdus, l’antichambre de la renommée, et son éloquence dédaignée de la clientèle, s’épanche gratuitement à la maison en discours amers : Toutes les modesties Et toutes les pudeurs, je les jette aux orties ! […] » Le vieux fat a si peur de l’Othello laboureur, que, pour lui échapper, il se jette, tête basse, dans ce mariage de rencontre. […] Rien de saisissant comme ce soupçon jeté au hasard, qui d’abord surgit, vague comme un fantôme, devant l’épouse offensée, puis lui laisse entre les mains une robe, une mantille, enfin, tout d’un coup, prend souffle et vie, forme et figure, et revêt ce costume aussi criant qu’un flagrant délit. […] Mais, avant de partir, elle prend madame Pommeau par la main, l’avertit qu’elle n’est plus sa dupe et lui jette son mépris à la face. […] Elle se jette entre les deux hommes et, d’un geste, leur montre l’abîme qui les sépare à jamais.
à la tête de qui on jetait de ces montagnes et de ces blocs erratiques qui vont rester sur sa mémoire ! […] Mais il a jeté des pages autour de lui, et souvent elles étincellent de génie ! […] Par un procédé qui lui est particulier, ce creuseur d’idées fait briller l’idée en la creusant, comme on fait jeter du feu à la pierre qu’on frappe. […] — de Jésus-Christ je ne sais quel supplicié étiré et pointu, en lui relevant durement ses bras crucifiés étendus miséricordieusement sur le monde, le Jansénisme dénichait les Saints, comme il disait agréablement, c’est-à-dire les jetait à bas de leurs niches et de leurs autels ! […] J’eusse aimé, par exemple, à lui voir entreprendre l’histoire des Stylites, qui paraît au bégueulisme de ce temps impossible à écrire, ne fût-ce que pour la lui voir jeter, après l’avoir écrite, à la face du inonde et de l’orgueil du monde écrasé !
Jetée sur ce globe, quand, où, comment, elle n’en sait rien. […] La nature brisa cette création, et dans la suivante elle jeta sur la terre des quadrupèdes dont les espèces n’existent plus, animaux informes, grossièrement organisés, qui ne pouvaient vivre et se reproduire qu’avec peine, et ne semblaient que la première ébauche d’un ouvrier malhabile84. […] Ne dites donc pas que la nature d’un être prédit sa destinée ; tout au plus elle l’indique, par conjectures probables, réserve faite des causes extérieures qui peuvent se jeter à la traverse et des conditions extérieures qui peuvent manquer. […] Si cette maxime vous jette à l’eau pour sauver un homme, vous êtes vertueux. […] Attaché à la psychologie, troisième fondateur de la science, auteur de descriptions abondantes, scrupuleuses et fines, il a été jeté par l’abstraction dans le chaos des notations trompeuses et des fantômes métaphysiques.
Un ou deux grains jetés comme au hasard montrent que la nature n’a pas voulu pourtant que cette pureté classique de lignes se pût confondre avec aucune autre. […] Dans un voyage que lui-même il fit en Italie, l’empereur Nicolas, qui s’intéressait à cette belle jeune femme du sang des Napoléon jetée sous son aile et presque sous sa serre, envisagea de près sa situation domestique, déjà compromise, et estima qu’elle ne pouvait longtemps se prolonger. […] Ces amitiés ont été plutôt suspendues et interrompues que brisées par les événements qui suivirent, et qui jetèrent dans le mécontentement et le dénigrement toute une moitié de la haute société. […] Alors, soit dans l’atelier élégant et curieux que le tableau d’un peintre d’intérieur a fait connaître au public, soit plutôt encore dans un atelier retiré et plus modeste où elle se rend tout à fait inaccessible, — là, devant des modèles, ou ceux des maîtres ou ceux de la nature vivante, elle travaille et jette sur le papier ses aquarelles hardies et franches qui luttent de vigueur et d’éclat avec l’huile.
Le grand défaut des religions dont nous parlons était leur caractère essentiellement superstitieux ; ce qu’elles jetèrent dans le monde, ce furent des millions d’amulettes et d’abraxas. […] Les grands empires qui se succèdent dans l’Asie occidentale, en brisant pour lui tout espoir d’un royaume terrestre, le jettent dans les rêves religieux avec une sorte de passion sombre. […] La rage et le désespoir jetèrent les croyants dans le monde des visions et des rêves. […] Le tendre et clairvoyant Virgile semble répondre, comme par un écho secret, au second Isaïe ; la naissance d’un enfant le jette dans des rêves de palingénésie universelle 96.
Est-ce un écrivain à bâtons rompus qui jette les deux bouts du bâton par-dessus sa tête ? […] Comme tous les poètes dramatiques qui se sentent prêtres et dieux, Vacquerie met la main sur l’universalité des choses et parle de tout en homme qui peut jeter sur tout « la forme divine ». […] chère bête, je voudrais te jeter une corde, mais je n’en ai pas ! […] Quel cri déchirant jeté par le cœur !
puisqu’il n’échappa pas à l’ivresse de cet horrible spiritueux de son temps, qui jeta par terre les esprits les plus fermes quand elle ne les jeta pas sous le couteau… La vie des poètes est rarement poétique. […] André Chénier, qui, toute sa vie, s’était englouti dans le monde et les choses de l’Antiquité, André Chénier, ce patient et laborieux mosaïste, qui incrustait le détail antique avec un art si profond et si subtil dans l’expression des sentiments et des choses modernes, remonta par l’horreur vers le Dieu auquel il n’avait peut-être jamais pensé, et il jeta cette clameur des Iambes, le cri de la foi passionnée, la plus magnifique torsion d’âme et de main désespérées autour d’un autel invisible, la plus intense prière, enfin, que l’imagination d’un poète révoltée des abominations de la terre ait jamais élancée vers Dieu ! […] Cette flûte d’Alcibiade dont avait joué Chénier, qui, comme Alcibiade, ne l’avait par jetée aux fontaines, mais dans le sang qui noyait la France ; cette flûte, plus enchantée que celle de Mozart, avait tellement pris les oreilles et l’imagination charmées, que de ce ravissant Chénier on n’avait pas, tout d’abord, entendu autre chose… et que Barbier fut regardé par tous comme le seul Archiloque de la France, tandis qu’il y en avait deux, et qu’il n’était que le second.
Nous avons vu madame des Ursins, douée d’un esprit supérieur et hardi, se jeter avec vigueur dans les affaires et ne pas s’y ménager. […] Jetée, jeune et pauvre, dans le monde, avec sa beauté et son titre de demoiselle, exposée dès l’enfance aux persécutions des dévots, qui la convertirent à grand’peine, et plus tard chez Scarron, aux galanteries des grands seigneurs qui ne la séduisirent pas, madame de Maintenon se distingua de bonne heure, et dans tous les états, par cette prudence accomplie, cet esprit de conduite, qu’alors on regardait comme la première vertu de son sexe, et qui de nos jours est resté tant à cœur à la haute société monarchique, sous le nom presque sacré de convenance. […] Avant de s’ajuster exactement aux différentes espèces d’idées, le langage est jeté à l’entour avec une ampleur qui lui donne l’aisance et la grâce ; mais quand le siècle d’analyse a passé sur la langue et l’a travaillée à son usage, on ne peut plus qu’admirer et regretter ce charme à jamais évanoui du grand âge littéraire ; on essayerait en vain d’y revenir à force d’art ; et la critique, qui sent tout ce qu’il a d’exquis, est dans l’impuissance de le définir sans l’altérer.
Viennent les barbares, et cette brillante façade de la civilisation impériale est jetée à bas : tout ce qui fermentait et évoluait sous l’immobilité stagnante de la langue artificielle des lettrés est mis à découvert. […] L’apport des Francs est représenté par quelques centaines de mots, qu’ils ont jetés dans la langue gallo-romaine. […] Dans l’époque moderne, la Révocation de l’Édit de Nantes a jeté en Hollande un petit monde de théologiens érudits et militants, qui firent pour un temps de ce pays étranger un grand producteur de livres et de journaux français.
Ne pouvant la renverser, elle se jetait dans ses bras. […] On eût dit le drap mortuaire jeté sur la Carmélite prononçant ses vœux. […] Lorsque Louis XIV lui apprit qu’elle allait être reine d’Espagne, elle se jeta en sanglotant à ses pieds. […] L’étiquette voulait qu’elle se jetât à cheval de la portière du carrosse. […] On se souvient du jour terrible qu’il jette sur la fin mystérieuse de Madame Henriette.
On voit de loin les vaisseaux étrangers qui plient leurs voiles et jettent l’ancre ; ils apportent sous le pôle les fruits des zones brûlantes et toutes les productions de l’univers. […] Bientôt le Russe opulent s’empare des richesses qu’on lui présente, et jette l’or, sans compter, à l’avide marchand. […] Il descend ; il tend sa main souillée de sang, et la justice y jette de loin quelques pièces d’or qu’il emporte à travers une double haie d’hommes écartés par l’horreur. […] Ce livre fit plutôt secte que bruit à son apparition ; on en jeta çà et là quelques feuilles au vent, comme celles de la sibylle. […] Je lui répondis : Monsieur le Comte, permettez-moi de marcher à reculons pour lui jeter le manteau ; je ne veux pas commettre le crime de Cham.
Elle est jetée par une suite de prodiges dans une île déserte ; des corsaires l’enlèvent ; elle est condamnée à être dévorée par un monstre marin. […] « Avec quelle joie, s’écrie-t-elle, je ne puis le dire, espérant avant peu jouir de mon amour avec mon Zerbin. » Une tempête les jette sur un rivage inhabité. […] Les cavaliers de Zerbin les enveloppent, mais un bois ténébreux offre un asile impénétrable aux deux amis ; ils s’y jettent, on les suit. […] Isabelle cueille çà et là toutes les herbes qu’elle feint de choisir pour son expérience ; elle se baigne dans la source où elle a jeté les herbes. […] L’ermite avait bâti de ses mains une petite chapelle, tournée vers l’Orient, qu’il avait ornée avec soin des coquillages et des dépouilles que la mer jetait sur la côte.
Les deux ou trois plâtres antiques qu’on voyait dans sa chambre quand on y allait, il ne songea à les y placer que depuis qu’il en eut besoin pour les jeter à la tête des gens. […] Ilne fit jamais si bien qu’à ses commencements, et le premier feu jeté, il se figea vite. […] Arrêté dans ses locutions, dogmatique, sans grâce, sans un rayon, sans rien de ce qui caresse l’esprit, il jetait de la poudre aux yeux par ses défauts mêmes. […] Il prenait le pantalon tel que le portait le modèle, et le jetait sur sa toile : c’est la chose purement et simplement, c’est le ton même. […] Fussiez-vous Horace, il y en a qui vous jetteront à la face la pureté même et les délicatesses de votre goût.
« Le supplice des Girondins jeta un linceul sur la vie aux yeux de madame Roland. […] Il ouvre les veines du corps social pour guérir le mal ; mais il en laisse couler la vie, pure ou impure, avec indifférence, sans se jeter entre les victimes et les bourreaux. […] Peut-on jeter dans la même gémonie ou dans le même mausolée arrosé de larmes la tête de Louis XVI et celle de Robespierre ? […] Non, non, une telle épitaphe pêle-mêle est un linceul jeté sur la fosse commune où l’on profane les cadavres en les confondant ! […] Un historien n’a pas le droit de jeter ainsi son manteau sur les nudités hideuses de son siècle et de dire : « Tout est bien », quand le bien et le mal sont là sous ses yeux, demandant chacun qu’on lui fasse sur la terre la part que Dieu lui-même lui doit dans sa rétribution divine.
Je fais une visite, après le troisième tableau à Mme Zola, qui a des larmes dans les yeux — ce que je ne vois pas tout d’abord, en l’obscurité de la baignoire — et comme je me permets de lui dire, que je ne trouve pas le public si méchant, elle me jette, dans une phrase sifflante : « de Goncourt, vous trouvez ce public bon, vous ! […] « En qualité de musulman, je ne pouvais t’offrir à toi, chrétien, une femme de ma religion, mais comme cela, cette femme sur laquelle tu as jeté le regard, tu es sûr qu’elle ne sera plus à personne. » Dimanche 1er mai Quel métier que celui de romancier du temps présent et des choses contemporaines. […] Et quand il disait cela, de la porte derrière laquelle elle écoutait, apparaissait la vieille servante, la figure cachée dans ses mains, et qui lui jetait : « Mais, mon cher maître, vous avez perdu la tête, comment pouvez-vous dire des choses comme cela ? […] Jeudi 14 juillet Les orangers de la cour d’honneur de Jean-d’Heurs jettent, aujourd’hui, des senteurs entêtantes. […] Dans le développement oratoire d’une piste, interrompu par l’homme volé, il lui jetait : « Ne troublez pas mes hypothèses, monsieur !
Il a rencontré dans une course des Alpes, puis retrouvé à Paris, la baronne Clémence de Bergenheim, une noble et chaste beauté ; il l’aime, il peut se croire aimé, et, sous prétexte d’un voyage du Rhin, accompagné de Marillac son fidèle Achate, il se jette dans les Vosges et va tenter aventure autour du château où la baronne, fuyant l’amant qu’elle porte en son cœur, passe l’été avec son mari. […] Le baron de Bergenheim, jeune homme de vieille race, et qui en a toutes les allures, officier d’ordonnance sous la Restauration, et que Juillet a jeté dans ses terres, court le sanglier, songe peu à sa femme, la croit froide et sûre, et, au moindre soupçon, laverait la tache dans le sang. […] Gerfaut, homme célèbre d’aujourd’hui, a tué à la chasse le baron de Bergenheim ce matin ; madame de Bergenheim s’est jetée à rivière ; on a supposé qu’en épouse passionnée elle n’avait pu survivre à son mari, que Gerfaut lui-même était au désespoir de son coup de fusil maladroit : les journaux ont inséré l’article nécrologique en ce sens.
Étonnez-vous de la gêne d’argent du grand artiste qui, pour obéir à sa conscience, jeta quelques cent mille francs dans la gueule des correcteurs d’imprimerie ! […] Quand il s’adresse au public, il prend des tons de général Bonaparte à la bataille des Pyramides ; en particulier, l’homme se montrait parfois aussi inquiet sur la durée de son œuvre qu’un grand artiste qui constate que les couleurs qu’il emploie détruiront sa toile et ne laisseront guère plus de traces du tableau que si un liquide corrosif y avait été jeté. […] L’auteur de la Comédie humaine, qui vivait à une époque où les écrivains se plaisaient à jeter de la poudre aux yeux du public, fut assez satisfait de cet article d’Ourliac, paru primitivement dans Le Figaro, pour le donner tout entier en appendice dans la première édition de César Birotteau.
Je revoyais l’ancienne salle de spectacle, le petit bois plein de terreur, où étaient enterrés le père et la mère de ma tante, l’espèce de temple grec où les femmes attendaient le retour de leurs maris, de la Cour des comptes et du ministère des affaires étrangères ; enfin je me rappelais Germain, ce vieux brutal de jardinier, qui vous jetait son râteau dans les reins, quand il vous surprenait à voler du raisin. […] je ne le pourrais pas dire, mais c’est une espèce d’obsession… Je le reprends donc ce journal, et l’écris sur des notes jetées, dans mes nuits de larmes, des notes comparables aux cris, avec lesquels les grandes douleurs physiques se soulagent. […] » Et tout le long du chemin, c’était un réveil de son plus fin et de son plus caustique esprit, à l’encontre des bandes de bourgeois que nous traversions : « Mais tu ne dis rien, me jeta-t-il, après un mot charmant sur un couple de vieilles amours, ça te fait de la peine de me voir comme ça, hein ? […] Alors ses lèvres jettent, avec effort, des sons qui ne sont plus des paroles, des murmures, des bruissements douloureux qui ne disent rien. […] » On a jeté les roses dans le creux autour de son corps, on en a mis une blanche sur le drap, un peu soulevé par sa bouche.
Cahen, véritable miroir du mot par le mot, nouveau jour jeté sur la Bible. […] « Ils se partagent mes habits entre eux et sur mon manteau ils jettent le dé du sort ! […] « Ils ont jeté du fiel sur ce que je mange et du vinaigre dans ce que je bois… « Mais mes chants plaisent à Jéhovah plus que leurs bœufs avec leurs cornes et leurs sabots ! […] Je jetai un cri et je me levai de mon bloc de pierre sur la pointe des pieds, pour mieux saisir dans la brise les sons aériens et mourants de ce roseau percé. […] C’est se déchirer comme un livre, Pour jeter ses feuillets aux vents !
Elle avait jeté ses dents de Cadmus sur le monde. […] La poussière soulevée par elles, le sang qu’elles jettent contre le ciel, retomberaient seulement pour les souiller, si les gouvernements restaient dans leurs devoirs de gouvernement. […] Il eût été, du reste, taillé pour les grandes circonstances et jeté dans le moule perdu des Aquaviva, qu’il n’est pas prouvé qu’il eût sauvé l’Institut. […] Ils jetèrent les hauts cris. […] Nous qui n’écrivons point de l’histoire personnelle, nous jetterons un voile sur la fin de cette existence bouleversée.
Il n’y a pas moyen de ne point entendre cette vibration, ce coup de gorge de l’oiseau bleu, à la poitrine sanglante, qui, en passant, jette là son cri, et auquel personne parmi ceux qui ont le talent plus large que Daudet, plus étoffé, plus robuste, plus tout ce que vous voudrez, n’est capable, en l’imitant, de faire écho. […] Il y a, si vous vous les rappelez, en ses Amoureuses, bien des poésies amertumées dans leur rhythme léger, bien des roses avec la cantharide mortelle nichée au fond de leurs cœurs de roses ; il y a, dans ces soupirs si vite jetés, la modulation de plus d’une angoisse. […] La tête inclinée sur l’épaule, sa canne aux dents comme une clarinette, l’illustre et lugubre farceur s’avança jusqu’au milieu de la chambre et vint se jeter contre ma table en disant d’une voix dolente : “Ayez pitié d’un pauvre aveugle !” […] Si Flaubert avait eu à écrire le Jack de Daudet, il n’y aurait pas mis l’accent de sensibilité qui y perce encore et que je voudrais y voir éclater, ce cri du cœur, jeté trop en passant, mais enfin jeté, arraché à une âme ! […] Balzac, qui a pris toute la société de son temps dans sa ceinture et l’a jetée et enlevée sur son épaule, avec la force d’un Hercule, sans en laisser rien à personne, n’a pas pensé à y mettre ce qui devait y peser le plus.
Parviendra-t-elle à siéger malgré les clubs qui parlent de la jeter par les croisées ? […] — Alea jacta est, le sort eu est jeté, s’est écrié Lamartine. […] Les idées et les intérêts se jettent ardemment dans cette nouvelle lice qui leur est ouverte. […] Il jette donc le papier au feu. […] Je voudrais jeter sur l’obscurité de ces paroles la clarté d’un exemple.
Rousseau l’avait au plus haut degré, Rousseau, l’infanticide, qui jetait ses enfants à l’hôpital parce qu’il n’osait les jeter par les fenêtres ! […] Goethe, qui a joui d’un bonheur sans égal durant sa vie, ce Polycrate moderne qui aurait pu jeter toutes ses bagues — sans crainte de les perdre — aux carpes du Rhin ; Goethe, qui n’était pas né sur le trône et qui a montré pour la première fois au monde ébahi la poésie aux affaires, qui a été tout ensemble Richelieu et Corneille ; son Excellence M. de Goethe, qui avait été un beau jeune homme, puis un beau vieillard ; qui fut aimé d’amour dans sa vieillesse comme Ninon de l’Enclos dans la sienne ; qui mourut tard, en pleine gloire, en pleine puissance, que dis-je ? […] » Vous vous rappelez le rameau de Stendhal, jeté dans les mines de sel de Salzbourg et qu’on en retirait cristallisé ?
Là-dessus, les trois fils se lèvent de table, quittent la maison sur cette phrase méprisante, jetée au chef de famille : « Toi, tu es un saturnien ! […] Mon cabman, en passant comme le vent, jeta aux curieux deux mots anglais signifiant : « Retournez-le ! […] Le beau, l’adorable Zézé, tout à coup se renversant dans sa petite chaise, jette avec des larmes dans la voix : « Je ne veux plus mâcher… je trouve ça ennuyeux ! […] Celui-ci, sa page d’écriture donnée, passait son temps à me retirer des doigts ma plume, à la jeter au milieu de la chambre, et à la remplacer par une toute neuve. […] * * * — Je ne sais plus, si je n’ai pas déjà jeté cela dans mon journal.
Celui-ci se croyant insulté, & ne consultant que sa vivacité provençale, prit son chapeau & le jeta dans le Parterre, en disant : Celui qui veut voir l’Auteur n’a qu’à lui rapporter son chapeau. […] La punition étoit légere, aussi ne s’agissoit-il que d’un chapeau jeté.
Avant de partir il désire vous voir, parce que la Saône se jette dans le Rhône, et qu’il a reconnu, en buvant dans le creux de sa main l’eau de nos grands fleuves, quelques-unes des gouttes que vous avez laissées tomber de votre coupe dans votre Saône. […] Je le jetai sur mon lit, j’allumai ma lampe, et, comme je n’arrive plus jamais à quelques heures de sommeil que par la fatigue des yeux sur un livre, je rouvris le livre et je lus. […] « Devant le mas des Micocoules, ainsi Vincent déployait tous les replis de sa mémoire ; la rougeur montait à ses joues, et son œil noir jetait de douces lueurs dans la nuit. […] De son manteau le bon vieux pâtre se décharge, et, crédule, en l’air le jette… Et le manteau resta suspendu au rayon éclatant. » — « “Homme de Dieu ! […] Le toucheur de bœufs triomphe, mais, jeté en l’air par les cornes de l’animal, il reste marqué d’une cicatrice au front.
Entre deux rêves on jette son pays dans l’abîme ou dans le problème qu’on n’a pas le temps de résoudre. […] Il me jeta un regard vif, pressé, gracieux, d’une extrême bienveillance. […] Je jette ma plume aux bêtes, si ce n’est pas là une finesse de femme ! […] … « Encore si quelqu’un jetait un charme quelconque sur ma froide existence ! […] Il jettera peut-être un jour ou l’autre la science dans des voies nouvelles.
… C’est la voix du général Schmitz qui jette à la table. […] Une scène s’ensuivait avec le préfet, qui faisait jeter l’artiste à la porte de son cabinet. […] Il gagne de l’argent gros comme lui, qu’il jette sans compter dans un placard. […] L’autre jour, à propos d’une discussion sur Thiers, il jetait à Meurice : « Scribe est un bien autre coupable ! […] Sur ces décombres de nature, fuyant à tire d’ailes, de temps en temps, un oiseau jetait un petit cri effrayé : c’était tout le bruit et toute la vie de cet endroit.
» La population, brassée par l’enthousiasme journalistique, jeta trois cent mille hommes, femmes et enfants, derrière le char du pauvre qui emportait le poète au Panthéon, et un million sur les places, les rues et les trottoirs par où il passait. […] Au lieu d’embourser son mécompte et de contenir son indignation comme s’était son habitude, il s’oublia et se jeta impétueusement dans l’opposition. […] Jeté à bas de ses rêves ambitieux et enfiévré par l’attente incessante de la chute immédiate de Napoléon III, Hugo pour la première et l’unique fois de sa vie lâche la bride aux passions turbulentes qui angoissaient son cœur. […] Les Châtiments ignorent Juin et ne dénoncent que Décembre : en concentrant les haines sur Décembre, ils jettent l’oubli sur Juin. […] Sa mère ne lui permit pas de manger du Bon Dieu23, mais lui donna, en revanche, pour professeurs, des prêtres sceptiques, qui pendant la Révolution avaient jeté aux orties la soutane et le bréviaire.
Je voudrais pouvoir être à la Convention, ôter mes souliers et les jeter à la tête du président et de Santerre, qui n’auront pas honte d’insulter leur maître et leur souverain. » Je m’emportai sur ce sujet, et le duc d’Orléans paraissait de fort mauvaise humeur. […] Un jeune aide de camp du duc arracha son uniforme et le jeta dans le feu, en disant qu’il rougirait de le porter désormais. […] Je jetai dehors tout ce qu’il m’avait donné, tout ce que j’avais dans mes poches et dans ma chambre, n’osant pas garder près de moi rien de ce qui lui avait appartenu. — Telle était en ce moment, la répulsion que j’éprouvais à l’égard d’un homme pour lequel quelque temps auparavant j’aurais donné ma vie. […] Elle ne put s’empêcher tout d’abord de lui jeter à la face la pensée dont son cœur était plein, et de lui dire qu’elle le supposait en deuil apparemment de la mort du roi : il sourit d’un air contraint et dit qu’il était en deuil de son beau-père le duc de Penthièvre. […] À un moment Santerre est aussi jeté dans la même prison, et de près on ne le trouve pas si monstre ; mais ici la royaliste en Mme Elliott tient bon : « Malgré toutes les attentions qu’il eut pour moi, je ne pus jamais vivre en bonne amitié avec lui : beaucoup de nos grandes dames se lièrent intimement avec cet homme qu’elles croyaient bon et inoffensif… Il fut délivré avant la mort de Robespierre… Il nous envoyait toujours quelques provisions, et je dois dire qu’il ne manquait jamais une occasion de nous être utile.
En organisant à Campo-Formio et à Lunéville la république cisalpine, la France fit plus que propager ses principes, ses institutions et ses codes ; elle fit une chose qui eut des conséquences incalculables : elle jeta les fondements d’une Italie nouvelle et régénérée. […] Armand Lefebvre, et je le laisse parler ; on est en 1806, au lendemain de la paix de Presbourg : « Dans la terrible situation que nous ont faite nos fautes (à la paix de Lunéville), les violences de nos ennemis et nos désastres maritimes (Trafalgar), nous sommes jetés en dehors des voies de la politique régulière. […] Tel est le plan gigantesque que l’implacable fortune, et non pas, comme on l’a dit, un misérable orgueil dynastique, l’a contraint d’adopter, et dont nous le verrons poursuivre l’exécution pendant sept années avec une vigueur d’esprit et de caractère incomparable. « Je sentais mon isolement, a-t-il dit à Sainte-Hélène ; je jetais de tous côtés des ancres de salut au fond de la mer. […] La défection du général York en décembre 1812 et la part lente et louche, mais certaine (on en a maintenant les preuves authentiques)4, qu’y prit le roi Frédéric-Guillaume ; cette ardente explosion de la Prusse, bientôt suivie de la défection méthodique et oblique, mais non moins arrêtée, de l’Autriche, qui veut seulement paraître avoir la main forcée ; cet armistice jeté au milieu de la campagne de 1813, et ce Congrès de Prague où personne n’est sincère et où M. de Metternich ne veut qu’amuser le tapis et gagner du temps, tous ces points sont traités par M. […] Il intriguait à sa manière comme les antiques Décius, comme Palafox à Saragosse, comme Rostop-chine à Moscou, comme tous ceux qui, pleins de foi, se jettent à une heure de crise, eux et tout ce qu’ils possèdent, dans le gouffre béant de la patrie.
À travers ce sang et cette boue, il a jeté des restes de voie lactée et d’arc-en-ciel. […] Il jette à travers le tout un souffle d’éloquence et d’intelligence poétique qui est bien à lui. […] Mais sur tout cela il peut dire qu’il a jeté sa poudre d’or et versé son torrent de couleurs. Quand il jetait sa poudre d’or et ses teintes azurées sur les documents de l’Histoire parlementaire de la Révolution de MM. […] Ceux-ci, en général, sont jetés dans un pêle-mêle qui rappelle le plat que les Espagnols appellent une escudilla, une véritable macédoine.
« Jetez-vous, leur dis-je, sur ces deux marauds-là ; tuez-les, si vous pouvez, et, quand j’aurai tué leur maître, nous partirons. […] Je fis des amas de bois de pin, je revêtis de terre convenable la carcasse de ma statue, et je l’armai de bons ferrements ; enfin, je préparai tout pour me mettre en état de la jeter en fonte. […] Je fis jeter dans le fourneau environ soixante livres d’étain de plus, qui, à force de feu et de remuement, rendirent bientôt toute cette masse plus liquide. […] Je me mis à table avec ma bonne famille, dont la joie était revenue avec la mienne, et qui avait remplacé par de la poterie de terre tous les plats d’étain que j’avais jetés dans le feu. […] On jetait sa vie ou son immortalité à croix ou pile, pourvu qu’un pape eût le temps de vous pardonner et de vous renvoyer du gibet au ciel.
Et la réponse de Whistler est vraiment belle, quand on lui demande, combien il a mis de temps à peindre sa toile, et qu’il jette dédaigneusement : « Une ou deux séances », et que sur les oh ! […] Je ne sais plus qui ajoute, comme trait du caractère décoratif de l’homme, qu’il avait fait jeter sur le pied de son lit un manteau d’officier, s’ensevelissant d’avance dans son ancien uniforme. […] faisait Rossini, qui prenait une feuille de papier, sur laquelle il jetait un point d’orgue. […] Daudet souffre, et malgré cela, jette dans la conversation générale, un joli mot, une remarque fine. […] Puis il voudrait en marge de petites gravures, jouant les croquetons au crayon noir et à la plume, qu’on jette, à l’heure présente, sur les marges des livres, déjà imprimés.
Elles nous ont jeté à la porte du théâtre, où certainement nous aurions fait quelque chose, et quelque chose de neuf ; elles ont tué mon frère, — et ces haines ne sont pas désarmées. […] Puis tout à coup, il jette dans un sourire : « Mais regardez donc Zézé ? […] Enfin au bout de quelque temps, un sergent s’applique à la viser, et la jette en bas d’une balle dans la hanche. […] Ganderax courait à l’hôtel et le trouvait avec un flacon de chloral ; Ganderax jetait le flacon dans un pot de chambre, et dans le premier moment d’exaspération, Delpit le menaçait de lui flanquer des coups. […] Ç’a été, cette annonce, pour l’auteur qui s’est analysé dans le livre, un déchirement tel, que dans les premiers moments, il n’osait, dit-il, pas se mettre à sa fenêtre, de peur de la tentation de se jeter en bas.
Il a l’aspect d’un abbé, précepteur dans une riche famille bien pensante, d’un abbé toutefois, qui doit jeter sa redingote ecclésiastique aux orties, mais rien dans la physionomie et la tournure d’un homme de théâtre. […] » La femme qui a le sens de ce qui se passe, lui jette un poverino, où il y a comme une maternité pardonnante, et lui tend les papiers du divorce. […] Un moment, elle parle de la force nerveuse, que donnent les planches, et de sa crainte de jeter dans l’orchestre, la grande Adèle, quand elle la bouscule, à la fin du tableau des fortifications. […] Les indignations des hommes, ne sont pas non plus de ceux qui passent à Paris, pour les plus purs : c’est l’indignation de ***, vous savez… c’est l’indignation de ***, dont on dit… c’est l’indignation de ***, sur lequel on raconte… Enfin, quand Dumény veut me nommer, cette salle se refuse absolument, à ce que mon nom soit prononcé, comme un nom déshonorant la littérature française… et il faut que Dumény attende longtemps, longtemps… et qu’il saisisse une suspension entre les sifflets, pour le jeter ce nom, et le jeter, il faut le dire, comme on jette sa carte à un insulteur. […] » Puis, au milieu de la causerie devenue bruyante, tout à coup s’élève la voix de Zola, qui jette : « À Edmond Goncourt et à la mémoire de Jules Goncourt !
En même temps que des chroniques et des mémoires sans nombre jettent chaque jour des clartés nouvelles sur notre histoire passée ou contemporaine, notre curiosité, dont les besoins s’accroissent, se transporte au-delà des mers vers des nations encore mal connues, et s’enquiert aux voyageurs de ces grandes contrées du monde, réclamant d’eux du vrai et du nouveau, et accueillant avidement leurs récits. […] L’auteur y jette un coup d’œil sur la nature des tropiques, sur les impressions qu’y causent les végétaux, l’Océan, les fleuves. […] Effacez-vous plutôt du tableau que vous offrez ; jetez-y en votre place des personnages naturels qui parlent et agissent en leur propre et libre allure ; n’intervenez pas entre eux et nous ; faites comme Walter Scott et Cooper ; disparaissez pour mieux peindre.
Il se lève, il s’éloigne, il jette un coup d’œil sur son œuvre. […] S’il est ictérique et qu’il voie tout jaune, comment s’empêchera-t-il de jeter sur sa composition le même voile jaune que son organe vicié jette sur les objets de la nature, et qui le chagrine, lorsqu’il vient à comparer l’arbre vert qu’il a dans son imagination, avec l’arbre jaune qu’il a sous ses yeux ?
Dans cette autobiographie, au jour le jour, entrent en scène les gens que les hasards de la vie ont jetés sur le chemin de notre existence. […] Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées.
Dans cette autobiographie, au jour le jour, entrent en scène les gens que les hasards de la vie ont jetés sur le chemin de notre existence. […] Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées.
Manon, vous vous jetez dans de beaux désordres ; et que dira votre grand-père ? […] Honni soit qui jettera la première pierre à l’aimable Manon ! […] — Et quand, par malheur, on l’a jeté par la fenêtre, fait-on bien de le ramasser ? […] Qu’il répète deux ou trois fois le nom qu’on lui jette, et ce nom-là est heureux. […] Ces tyrans, qui n’ont plus rien à dominer, se jettent entre eux leur joug de fer.
On croyait alors à leur marine fantastique, à leur alliance tout anglaise, à leur reconnaissance toute punique ; on les leur accorda par pitié, et moi-même je votai pour qu’on les leur jetât par dédain. […] Nous aurions dû leur jeter des boulets de carton sur leur ombre d’escadre ; mais ils appuyaient alors leur insolence sur l’alliance de l’Angleterre, avec laquelle nous voulions rester en paix. […] Le commerce vient s’asseoir sous ces rochers antiques ; et l’Europe nous jette tous les ans le surplus de sa population, comme pour nous aider dans cet envahissement progressif, conquête inévitable. […] » Elle jeta sur la montre un regard ardent, avide, et se rapprocha de moi. […] Chacun jette sa ligne là où il croit qu’il fait le meilleur, ayant eu soin, avant tout, de sonder avec sa baguette la profondeur de l’eau pour s’assurer que la petite bouée pourra se maintenir en place.
, mon premier bouquin, j’ai parfois des colères, contre le non-vrai du livre, qui me font jeter les feuilles imprimées par terre, et les repousser du pied, loin de moi… Puis, je vais les rechercher. […] Et je me jette sur un canapé, pour veiller le mort, en compagnie de Mme Techener, la femme du libraire, une parente de Mme de Nittis. […] » Et là-dessus, Dumas part pour jeter un coup d’œil à la propriété, dont il vient d’hériter de Leuven. […] Je fais ouvrir par le sacristain la porte d’une balustrade, et aussitôt qu’elle a jeté son eau bénite, elle peut sortir et gagner, avec Mme Claretie, sa voiture de deuil, où elle fait monter Jacques près d’elle. […] À cette perspective, l’homme des colonies se retrouve en Belot, et il y a vraiment en sa personne, un peu de la jouissance sensuelle d’un homme de l’équateur, soudainement jeté dans une contrée de bananiers.
— Un morceau écrit, paraît-il bien, il y a des gens qui soutiennent que cela tient à ce que l’écrivain a trouvé, le jour où il a jeté ce morceau, la formule unique et absolue qui lui convenait. […] Il contait qu’un général russe, après une attaque, deux fois repoussée par les Français retranchés derrière le mur d’un cimetière, avait commandé à ses soldats de le jeter par-dessus le mur. […] Quand une lettre a plusieurs pages, s’écriait-il, je dis à mon rapin à qui je la jette : « Additionne le total ! […] Et les notes, jetées ainsi en marchant, presque à l’aveuglette sur un carnet, je les reprends le lendemain matin, dans le travail rassis du cabinet. […] Alors il lancerait le trapèze par la fenêtre, se jetterait dans les bras de son frère, et tous deux resteraient à pleurer, embrassés en une tendre étreinte.
« Je jetterai le trèfle à pleines brassées dans la mangeoire ! « J’y jetterai le sel à pleine poignée ! […] mon pauvre Didier, rentre dans ton bon sens et ravale ta joie et ta chanson ; tu ne seras jamais que le jouet de tout le monde et de la Jumelle. » À ces mots, qui jetèrent tout à coup le froid de la moquerie sur le feu de l’enthousiasme, le petit Didier, concevant un humble doute, sentit son cœur lui manquer dans la poitrine. […] Cette cloche présentait sa large gueule et sa lourde langue aux ouvertures du clocher comme pour jeter son cri de douleur aux nuages et se retirer d’horreur, après avoir crié, dans l’ombre des voûtes. […] Dietrich, sa femme, le jeune officier se jetèrent en pleurant dans les bras les uns des autres.
Quand la nature a jeté ainsi le site et l’homme dans les yeux du spectateur, et que ces yeux ont eu le temps de bien regarder et de bien se figurer le personnage qui doit parler ou agir, elle le fait se mouvoir, elle le fait parler ou agir, elle le fait commettre des actes de vertu, de politique, ou des forfaits d’ambition à travers l’événement qui se déroule. […] Car Mirabeau ne donne jamais dans ces métaphysiques de Jean-Jacques Rousseau ; il les laisse jeter au peuple comme des osselets, mais il s’en moque toujours les portes fermées. […] Je reconnais que j’avais été, non pas coupable, mais téméraire et malheureux dans ce regard jeté sur l’intérieur de cette jeune reine. […] Convaincu que tout conspirait contre lui, roi, reine, cour, ministres, le peuple se jetait avec désespoir entre les bras de ses défenseurs ; le plus éloquent à ses yeux était celui qui manifestait le plus de crainte ; il avait soif de dénonciations, on les lui prodiguait. […] c’est-à-dire les ministres de Louis-Philippe qui vous ont jetés hors du trône et du territoire en 1830.
Que de science réelle jetée dans ce gouffre, avec les tas d’or qu’il réduit en cendres. […] Le sort en est jeté, Navarette a vaincu, elle sera baronne. […] Un million perdu le jette à la côte, et il y échoue dans la fange, entre les bras de la coquine qui a machiné son naufrage. […] Ah de ma propre main, Je dois, pour te venger… — Jette-toi dans mon sein ! […] Lucien reprend son récit du duel ; le médecin pour rire secoue la tête d’un air consterné ; Navarette fait son entrée et se jette sur son amant, avec un désespoir mélodramatique.
Une fois entré, il le disait lui-même, il était bien sûr de s’y tenir, d’y jeter l’ancre ; et il l’a prouvé. […] A tel ou tel de ses confrères célèbres, il a laissé le droit de déraison ; lui, s’il se jette dans l’excès de crudité, c’est qu’il l’a voulu. […] » Je ne puis indiquer en courant tout ce qu’il y a de parfait de manière et de bien saisi dans les observations et les propos de monde jetés à travers52. […] Ce monarque se contenta de jeter les yeux sur lui et haussa les épaules. […] La comédienne Toinon et son sigisbée Taboureau, jetés à travers l’action, servent à la renouer, et reposent d’ailleurs en faisant sourire.
Restée seule avec lui, elle saute à son cou, se jette à sa tête ; elle s’offre, elle se livre, avec une sorte d’emportement forcené. […] Elle se contente de jeter par la fenêtre la clé qu’il lui a mise dans la main. […] N’a-t-elle pas, pour la certifier, une preuve palpable et irrécusable : la clé qu’elle a jetée dans le jardin, qu’elle peut chercher et retrouver avec lui ? […] Ce qu’il a voulu, c’est que, chassée par son mari, mise au ban du monde, elle n’eut plus d’autres ressources que de se jeter dans ses bras. […] C’en est fait, le sort est jeté, il paraît qu’elle devait finir courtisane : c’était héréditaire et c’était écrit.
» jette le colonel Lasalle. […] Mardi 11 février Le travail de la note d’après nature, de la saisie rapide et fiévreuse pendant toute une soirée, dans un cirque, de ces riens qui durent une seconde, me jette à la fin dans un état d’émotion étrange, avec dans la cervelle du vague exalté, dans le corps du remuement inquiet, dans les mains de petits tremblements nerveux. […] Ledit Dumersan persécutait Odry, pour qu’il jetât un coup d’œil sur la malle, au moment de cette réponse. […] * * * — J’entendais, l’autre jour, un marchand de vin, d’un ton mi-triomphant, mi-gouailleur, jeter à un cocher, auquel il apportait une consommation sur son siège : « Maintenant, mon vieux, tout est permis, tu peux faire tout ce qui te fait plaisir ! […] Les tribulations maritales que le philosophe eut avec sa centauresse, le jetèrent dans le vin du cru, un vin qui contient trois quarts d’eau-de-vie, et qui lui donna une attaque de delirium tremens .
Il est une belle manière de concevoir la naissance de la poésie lyrique : c’est de l’associer à la création même de la nature intelligente, c’est d’en faire la première voix de l’homme, jeté adulte dans le monde par un miracle sans lequel ne peut s’expliquer le miracle même du commencement des choses. […] « Le char de Pharaon, son armée, il les a jetés à la mer. […] « Souvenons-nous qu’il ne nous en est parvenu que des débris dépouillés de toute leur pompe et de leur vivant éclat, hormis ces lumières de la pensée et de l’expression, sur lesquelles encore le temps a jeté bien des obscurités a et des nuages. » En résumant ainsi pour nous l’ode hébraïque, le docteur Lowth n’essayait pas de recherches sur la musique sacrée des Hébreux, sur le rhythme et ses rapports avec le chant, sur toute cette représentation enthousiaste et populaire qui devait porter si haut la puissance des cantiques sacrés. […] « Tu parles une et plusieurs fois contre ton frère, et tu jettes le déshonneur sur le fils de ta mère. […] Dans cette Athènes, cependant, la poésie lyrique devait aussi bientôt jeter sa flamme, quand l’invasion et la défaite des Perses auraient animé l’ardeur des matelots du Pirée et de Salamine, et quand le théâtre, nouvellement créé, serait devenu avec Eschyle la représentation et comme la musique militaire des triomphes de la patrie.
Le livre d’Émile, résultat de sa première éducation romanesque, et où il jeta son premier cri, est à la fois une confession déguisée à peine, et une imitation littéraire du genre mis en honneur par Chateaubriand, et qui se continuait chaque jour avec faveur par Adolphe, Édouard, Ourika , … toute cette postérité de René. […] Là où se pesaient des chiffres, il crut devoir jeter son nom et tout aussitôt son épée dans la balance. […] L’un, fier et chevaleresque, jetait le gant aux Gouvernements existants et se tenait debout, presque seul à la fin, dans une position étroite, difficile, contentieuse, se couvrant des habiletés et de la vigueur de sa plume, disputant le terrain pied à pied, sans rompre d’une semelle, comme on dit. L’autre jetait le gant aussi, mais il le jetait aux préjugés, à la routine, quelquefois en apparence au sens commun, et, pour mieux frapper, il poussait l’idée neuve, l’idée juste jusqu’au paradoxe, jusqu’au scandale et à l’impossible, sauf à reculer légèrement après : il faisait trois pas en avant pour en gagner deux.
Le propre des conversations de Napoléon, comme de celles de Pascal, était de se graver bon gré mal gré dans les esprits qui l’écoutaient, de nous arriver reconnaissables même à travers les témoins les plus ordinaires, et l’on est tout surpris, quand on les retrouve rapportées quelque part, de l’éclat soudain qu’elles jettent sur les pages insignifiantes d’à côté. […] Il se jeta dans ses bras. […] Quand il a du pittoresque pur, ce n’est qu’un mot jeté en passant. […] Je ne saurais dire combien me paraît intéressant tout ce chapitre par le jour qu’il jette sur le procédé politique de Napoléon, sur le point fixe de sa croyance supérieure (croyance en Dieu), sur son indifférence profonde pour les articles secondaires et sur l’importance extrême qu’il affectait pourtant d’y attacher, en un mot, sur la règle de conduite qu’il regardait évidemment comme la seule loi des chefs d’empire, puisqu’il nous l’expose en termes si nets et si peu voilés. […] Pendant ce peu de temps, il avait pris Malte, conquis la basse et la haute Égypte ; détruit deux armées turques, pris leur général, leur équipage, leur artillerie de campagne ; ravagé la Palestine, la Galilée, et jeté les fondements, désormais solides, de la plus magnifique colonie.
Mardi 11 février Aujourd’hui, au dîner de Brébant, Nigra a jeté dans la conversation — comme s’il tentait une expérience sur nous — la proposition de nous donner, comme roi de France, son roi à lui. […] Il nous entretient d’un chien bien-aimé, semblant prendre part à l’état de son âme, le surprenant par un gros soupir, dans ses moments de mélancolie, — un chien qui, un soir, au bord d’un étang, où Tourguéneff fut pris d’une terreur mystérieuse, se jeta dans ses jambes, comme s’il partageait son effroi. […] Marcelin se jette sur lui, l’entraîne dans une autre pièce, et je l’entends lui donner, en phrases à la Napoléon, l’esprit d’un article sur le shah de Perse. […] Elle répond à peine aux gens, qui lui font la politesse de venir s’asseoir, sur la petite chaise placée à ses pieds, relevant le nez à chaque entrant à qui elle jette : « Eh bien, sait-on quelque chose ? […] En sortant, je le croise sous la porte cochère, et il me jette : « Condamné à mort à l’unanimité !
., a jeté et poussé partout des branches. […] À l’instant il prit la parole et fit dire par son truchement à la dame en colère qu’il était un savant venu de fort loin pour observer les mœurs, les coutumes des Bachkirs, et voir ce qu’il pourrait en rapporter d’utile pour son pays ; mais qu’il n’était nullement dans son intention de jeter le moindre trouble dans la famille et que, s’il était la cause involontaire de quelque dommage pour ses hôtes, il prétendait les en indemniser et au-delà. […] Ces idées qu’il jetait à l’état de questions, à la fin de son premier ouvrage, montraient que le second était déjà en germe dans son esprit. […] que de saillies, de traits charmants et sensés, que de précieux ou de piquants souvenirs, que d’idées, que de trésors jetés aux quatre vents de l’horizon et qu’il ne recueillera jamais !
Voilà comment, dans quel esprit, sur les traces des anciens et des Italiens, la Pléiade a jeté brusquement la poésie hors des voies anciennes et populaires ; avec un mélange unique de noblesse aristocratique et de superbe érudition, elle a tenté de prodigieuses nouveautés : elle a voulu tout d’un coup renouveler les thèmes poétiques, changer les genres, refaire la langue. […] « Laisse, dit Du Bellay, toutes ces vieilles poésies françoises aux Jeux Floraux de Toulouse et au puy de Rouen, comme Rondeaux, Ballades, Virelais, Chants royaux, Chansons, et autres telles épiceries… — Jette-toi à ces plaisants épigrammes, … à l’imitation d’un Martial… Distille… ces pitoyables élégies, à l’exemple d’un Ovide, d’un Tibulle et d’un Properce… — Chante-moi ces odes inconnues encore de la muse françoise, d’un luth bien accordé au son de la lyre grecque et romaine. » On pourra faire des épitres, élégiaques comme Ovide, ou morales comme Horace ; des satires, à la façon d’Horace. […] Il fallait jeter bien des mots dans la langue ; les meilleurs resteraient, élus par l’usage ; une sorte de concurrence et de sélection naturelle déblaierait le vocabulaire peu à peu. […] On a tort de lui jeter toujours à la tête le quatrain qui précède la Franciade : car il a posé nettement pour règle que les inventions du poète devront être « bien ordonnées et disposées, et bien qu’elles semblent passer celles du vulgaire, elles seront toutefois telles qu’elles pourront être facilement conçues et entendues d’un chacun ».
Il a la franchisé du peuple, celle de l’Auvergnat de Labiche plutôt que de l’Alceste de Molière : il jette au nez des gens leurs vérités ; il les pense, elles jaillissent : il faut qu’il parle. Il a des amis, qu’il voit agir, faire des projets, arranger leur vie : il se jette à travers leur existence, à travers leurs plus intimes sentiments, conseillant, disposant, indiscret, impérieux ; c’est la corneille qui abat des noix ; et voilà comment il se brouille avec Rousseau : il veut le retenir à Paris, l’envoyer à Genève ; il décide, il dirige ; il faut qu’il parle. […] Tout ce qu’il n’avait pas pu dire dans ses articles, il le jetait dans d’autres ouvrages ; ce n’était pas pour la gloire, ni pour le gain qu’il écrivait : c’était pour lui, pour évacuer sa pensée. […] Au milieu de la réaliste histoire de Mme de la Pommeraye, tout d’un coup une déchirure se fait dans l’écorce du récit ; une poussée de sentiment jette ces cinq lignes brûlantes, dont nul personnage, ni l’auteur même n’endosse la responsabilité ; aussitôt tout se calme ; et deux minutes après nous buttons sur une énorme polissonnerie.
— Pendant la Terreur, l’abbé Reniant, prêtre défroqué, jette aux cochons des hosties consacrées : ces hosties avaient été confiées par des prêtres à une pauvre sainte fille qui les portait « entre ses tétons » — Le major Ydow, quand il découvre que sa femme Pudica n’était qu’une courtisane, brise l’urne de cristal où il gardait le cœur de l’enfant mort qu’il avait cru son fils, et lui jette à la tête ce cœur qu’elle lui renvoie comme une balle. « C’est la première fois certainement que si hideuse chose se soit vue ! […] Mais Jeanne est prise pour lui d’un effroyable amour ; et, comme elle ne peut ni dompter sa passion ni l’assouvir, elle se jette dans une mare. Un berger, qui la haïssait, le lui avait prédit, peut-être lui a-t-il jeté un sort ?
Il se jettera dans les défauts qu’il n’aura pas redoutés. […] Théophile était plus poète que Malherbe, mais Malherbe composait : Théophile jetait sur le papier tout ce que sa fantaisie créait, et, sous prétexte de libre inspiration, noyait son talent dans la facilité et ses beaux vers dans le fatras. […] Il prodiguera les vues originales, les pensées profondes, les mots d’esprit, les traits touchants : il sèmera dans son œuvre de quoi faire un chef-d’œuvre : et le lecteur, ne sachant pas où on le mène, égaré, rebuté, étourdi, aveuglé, n’y comprendra rien, bâillera, et jettera le volume : car tous les hommes ne sont pas d’humeur à refaire le livre qu’ils lisent.
Or, une partie de la gloire d’Auguste Barbier lui vient des circonstances au milieu desquelles il jeta ses premières poésies. […] Sainte-Beuve Comme un fils de bourgeois, poussé et jeté hors des gonds, il avait eu, on l’a dit, son heure d’héroïsme, son jour de « sublime ribote ».
Palissot a réparé depuis cette injustice, en convenant, dans la derniere édition de ses Œuvres, que M. l’Abbé Trublet ne manquoit ni d’esprit ni même d’une certaine finesse ; & que, si au lieu de marquer du respect pour la Religion & les mœurs, il se fût jeté dans le parti de la nouvelle Philosophie, il eût eu son Brevet de célébrité comme tant d’autres ; peut-être même, ajoute-t-il, en eût-on fait un homme de génie. […] Il dit, entre autres choses, de ce dernier : « La confusion & le repentir l’ont jeté dans le parti des Convulsionnaires & achevé d’aliéner sa raison.
On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais. » Comme ce dernier mot est effrayant ! […] La négligence avec laquelle la phrase est jetée montre tout le peu de valeur de la vie.
Chez lui, le chrétien double les forces du penseur, et sur la notion du pouvoir telle qu’il la conçoit et l’explique resplendit toujours cette main divine qui jette la lumière à tout, comme la main de l’homme y jette l’ombre.
c’est illogique et déraisonnable, ces propositions me jettent dans une profonde tristesse. […] » Quelqu’un jette dans la conversation : « Les armes de précision, c’est contraire au tempérament français ; — tirer vite, se jeter à la baïonnette, voilà ce qu’il faut à notre soldat ; si cela ne lui est pas possible, il est paralysé. — La mécanisation de l’individu n’est pas son fait. […] Dans le jardin de Gavarni, des ouvriers s’apprêtent à jeter à bas le quinconce. […] C’est la contre-manifestation de la journée d’hier, au milieu d’une foule, comme les journées de fête en jettent sur le pavé de Paris. […] Nos restes avaient été jetés dans un coin : un infâme arlequin, un mélange de choses, comme de la blanquette de veau et de la raie au beurre noir… Eh bien, Hugo s’est jeté là-dessus.
lui jette la princesse. […] Chacun a dit sa préférence : l’un, une lettre ; l’autre, des cheveux ; l’autre, une fleur ; moi, un enfant : ce qui a manqué me faire jeter à la porte. […] Giraud, de temps en temps, jette dans le travail quelque blague, que la princesse rabroue en riant et en grondant. […] Ma vieille cousine me jette une lettre sur mon lit. […] Nous avons été au bout de la jetée recevoir des vagues.
s’écria Stawrowski penché à la fenêtre Qui a jeté cette pierre ? […] Aussitôt la foule se jeta sur les condamnés à coups de bâton et de pierres. […] Vous avez failli me jeter à terre. […] Ils écoutent l’imbécile d’à côté ; et moi, ils me jetteraient des trognons de chou ! […] Elle y jeta les lettres une à une.
Et la femme et le serviteur se jettent sur lui et le tuent avec l’aide invisible de la statue de Niô, qui lui tord le cou. […] Et le propriétaire des assiettes adressa des reproches si durs à la fillette qu’elle se jeta dans un puits. […] Homme retirant, du haut d’un rocher, un filet jeté dans un lac. […] Elle est vêtue d’une robe de dessous rouge, sur laquelle est jetée une robe de dessus à fleurettes. […] Appuyé sur un bâton, il est habillé d’une robe noire, sur laquelle est jetée comme une couverture à larges bandes, couleur de rouille.
Le poëte a évidemment voulu peindre avant tout le pays et les mœurs ; la fable (si fable il y a), l’action romanesque qu’il a jetée à travers, n’est qu’un prétexte et tient peu de place, trop peu sans doute. […] Aux vents capricieux qui soufflent de Bohême, Sans les compter je jette et mes nuits et mes jours, Et, parmi les flacons, souvent l’aube au teint blême M'a surpris dénouant un masque de velours.
Il faut, pour cela, qu’il jette sur ses contemporains ce tranquille regard que l’histoire jette sur le passé ; il faut que, sans se laisser tromper aux illusions d’optique, aux mirages menteurs, aux voisinages momentanés, il mette dès à présent tout en perspective, diminuant ceci, grandissant cela.
Soudain, d’un des petits carrés de fer treillissé, sort au bout d’un bâton une pochette en loques, avec une voix d’imploration qui me jette : Monsu, Monsu…. […] Il n’y a que les races, que les peuples, que les quartiers de ville ne malthusianisant pas, qui jettent dans le flot de la fécondité naturelle, de beaux enfants. […] En travers, jetée sur une table, la momie qu’on va débandeletter. […] Ainsi de Mirabeau… Et il se met à nous faire une loi providentielle de ces extrémités du destin des grands hommes, de ce cul-de-sac de malheur, où ils sont obligés de se jeter à la mer. […] Cela nous jette dans des tristesses irritées contre nous-mêmes, et qui rejaillissent quelquefois, de l’un sur l’autre, en mutuelle amertume.
La vie n’est pas semblable à ces fontaines d’Auvergne, pleines de sédiments impurs, qui pétrifient ce qu’on leur jette, et qui, au lieu d’une fleur ou d’un fruit, vous rendent une pierre. […] Il n’y avait, pour un jeune royaliste tel que moi et pour un homme de gouvernement quand même, aucune conscience, aucune décence, aucun honneur à se jeter dans ce parti comme dans un asile de vaincu cherché parmi les vainqueurs de 1830. […] Le vulgaire, trop jaloux de sa nature pour reconnaître deux facultés dans un même homme, me jetait sans cesse à la face cette accusation hébétée de poésie. […] Je me souviens des scènes, des accents, des physionomies, des gestes, qui jetaient presque tous les jours une lumière véritablement sinistre sur les fissures volcaniques de ces âmes de feu dissimulées sous des visages stoïques. […] Voici une anecdote qui n’a pas été encore connue de l’histoire, et qui éclaire d’un jour sinistre le précipice où la monarchie de Juillet allait se jeter, elle et son trône.
… Or le génie, qui peut presque légitimer ce désordre d’une femme qui se jette dans l’abîme de la littérature, ce génie au nom seul duquel on peut remettre à la femme son péché, — son péché d’écrire, mortel à sa nature et à sa fonction sociale, — Mme Sophie Gay, — il faut bien en convenir, — ne Pavait point. […] Sa fille, Mme de Girardin, qui, en faisant comme un homme, et même comme un homme médiocre, des romans et des tragédies, eut le tort d’emprisonner ses jambes de déesse dans cet affreux bas qui botta si hermétiquement celles de sa mère, Mme de Girardin a du moins jeté quelques cris passionnés du cœur dans quelques beaux vers et fait un vrai livre de femme par lequel elle vivra, parce que c’est un livre de femme, pur de tout bleuisme. […] Moraliste, c’est-à-dire sensualiste, comme le sont la plupart des femmes qui ne voient le but de la vie que dans cette misère du bonheur terrestre, Mme Gay n’a regardé le ridicule que par son côté extérieur, et peut-être ai-je appelé trop vite une mystification ce qui est pour elle le sérieux de la vie : mais si cela est, Mme Sophie Gay est encore plus médiocre que tout à l’heure je ne le supposais, et c’est le doute dans lequel elle jette l’intelligence de son lecteur, qui est la meilleure raison à donner contre son livre.
Ce vigoureux remueur de ruines a tiré des débris d’une Monarchie jetée bas par la Révolution des conclusions éternelles, mais, hélas ! […] La même communion au sang d’un Bourbon n’empêcha pas la Révolution de jeter l’immense Empereur à la porte de cette France qu’il avait gouvernée sans pouvoir la ressusciter en monarchie héréditaire, et, pour comble de honte, ce fut par la vieille main de ce Lafayette, retrouvé au bout de son règne et qu’il avait toujours méprisé, qu’elle l’y jeta, V Ainsi, Napoléon lui-même n’a rien pu contre la Révolution, et s’il n’a rien pu à son heure, qui pourra contre elle, à l’heure présente ?
Aussitôt deux délateurs qu’il a cachés derrière la porte se jettent sur Sabinus en criant : « Trahison contre César », et le traînent, la face voilée, au tribunal d’où il sortira pour être jeté aux Gémonies. — Un peu plus loin le sénat s’assemble. […] Volpone se jette sur son lit, s’enveloppe de fourrures, entasse ses oreillers, et tousse à rendre l’âme. « Je vous remercie, seigneur Voltore. […] Il est comme le joueur à demi ruiné, qui d’une main convulsive jette sur le tapis le reste de sa fortune. […] Morose, transporté, se jette à leurs genoux et les embrasse. […] qui chaque matin balaye la salle à manger des dieux, et remet en place les coussins qu’ils se sont jetés le soir à la tête164 ?
On l’emmène, après avoir jeté un mouchoir sur sa figure, pour que l’armée ne reconnaisse pas l’illustre blessé. […] Thiers raconte ce divorce, jette l’intérêt d’un drame de famille au milieu du drame militaire qui embrase l’Europe. […] Ce n’était pas un intérêt économique, c’était un orgueil qui pouvait seul jeter ainsi la moitié d’un continent contre l’autre : le rêve de l’empire d’Occident partagé entre Alexandre et Napoléon était devenu le rêve de l’empire napoléonien unique. […] Le général Éblé, qui avait fait arriver ses équipages de bateaux, eut ordre de jeter trois ponts, avec le concours de la division Morand, la première du maréchal Davout. […] On avait lu aux troupes, qui étaient pleines d’ardeur, une proclamation courte et énergique, conçue dans les termes suivants : « “Soldats, la seconde guerre de Pologne est commencée…” » « Ainsi le sort en était jeté !
« Elle se leva debout, l’embrassa, et s’étendit la première dans son hamac, où il la jeta sans rien dire, comme on couche un enfant dans une balançoire. […] « Je me souviens que le pauvre garçon fut si désespéré qu’il jeta un grand cri lorsqu’elle dit cela. […] « — C’est une espèce de terrasse de poutres qui sort de l’avant du navire, et d’où l’on jette l’ancre en mer. […] Ils s’y jetèrent et emportèrent Laure avec eux, sans qu’elle eût le temps de crier et de parler. […] Quand je revins en France, je demandai à passer avec mon grade dans les troupes de terre, ayant pris la mer en haine parce que j’y avais jeté du sang innocent.
Il avait jeté sa mèche tout allumée par terre, et se déchirait la figure, en pleurant à chaudes larmes ; ce que faisaient aussi les autres bombardiers. […] Je les appelai plusieurs fois pour le faire sortir, parce qu’il ronflait tellement qu’il interrompait mon sommeil ; mais il se jetait sur eux pour les mordre, et les effrayait par ses hurlements. […] On me jeta une mauvaise paillasse, et je fus enfermé, sans souper, sous quatre guichets. […] Un jour, je me décidai à le faire, et je suspendis avec beaucoup d’efforts, au-dessus de ma tête, un énorme morceau de bois qui l’aurait écrasée ; mais, comme je voulus le faire tomber avec la main, je fus arrêté, et jeté à quatre pas de là d’une manière invisible. […] Aussitôt ils me levèrent de dessus mon matelas tout trempé et pourri, qu’ils jetèrent dehors pour m’en donner un autre de la part du châtelain, auquel ils allèrent tout rapporter.
Or, dans le moment, il s’était passé ceci : un jour le marseillanisme de Thiers, discutant avec le comte d’Arnim, avait été tel, que le comte n’avait pu s’empêcher de lui jeter : « Mais à vous entendre parler ainsi, on dirait vraiment que vous avez gagné la bataille de Sedan ! […] Au dîner, où on causait littérature, et où des parleuses me jetaient ingénument : « Mais pourquoi voulez-vous faire du neuf ? […] Enfin il se lève avec effort de son fauteuil, et passant la porte me jette d’une voix câline : « Vous m’inviterez une autre fois encore, hein ? […] On saura que ses discours à la Chambre, Royer-Collard les lisait tout écrits d’avance, mais pour ses discours à l’Académie, il jetait sur une feuille de papier quelques notes, et improvisait dessus une causerie plutôt qu’un discours. […] Et comme, le discours fini, de Barante lui demandait d’en transmettre la teneur à l’Académie, après qu’il était sorti, se tournant vers Gavarret, il jetait sur la note la plus hautainement méprisante : « Ne croit-il pas, celui-là, qu’il est permis à tout le monde de tout dire !
Il faut lire dans les prétendus mémoires le dédaigneux et insolent chapitre qui commence d’une façon toute triomphante : « Écoutez le récit d’un désastre à faire pâlir… », et qui finit par ces mots jetés d’un ton leste : « Et voilà ce qu’il est convenu d’appeler la banqueroute du prince de Guemené ». […] Dans le temps qu’il méditait son Émile, il lui demandait de vouloir bien lui mettre par écrit ses idées et le résultat de son expérience maternelle : À propos d’éducation, lui disait-il (janvier 1759), j’aurais quelques idées sur ce sujet que je serais bien tenté de jeter sur le papier si j’avais un peu d’aide ; mais il faudrait avoir là-dessus les observations qui me manquent68. […] Si vous vouliez jeter sur le papier, à vos moments perdus, quelques réflexions sur cette matière, et me les communiquer, vous seriez bien payée de votre peine si elles m'aidaient à faire un ouvrage utile, et c’est à de tels dons que je serais vraiment sensible (il a les poulardes sur le cœur) : bien entendu pourtant que je ne m’approprierais que ce que vous me feriez penser, et non pas ce que vous auriez pensé vous-même. […] D’Alembert cessa de voir Mme de Créqui lorsqu’elle se jeta tout à fait dans la religion. […] J’y jette quelques fleurs… » Ces fleurs, chez elle, on ne les voit pas.
Bien supérieur à Horace, qui jetait son bouclier pour mieux fuir la mort des héros, et qui se vantait de sa lâcheté pour mieux flatter Auguste, le poète allemand bravait pendant deux mois la mort pour son prince, et ne s’en vantait pas ; il était héros comme il était poète, sans mérite et sans effort. […] Mais, depuis la publication de cette notice, les correspondances intimes de Goethe et de Schiller, publiées par notre Revue germanique, excellent écho d’un bord du Rhin à l’autre bord, a jeté une lumière bien plus domestique jusque dans le cœur de Schiller. […] Tout ce que le sort changeant jette parmi les enfants de la terre montera vers cette couronne de métal et la fera vibrer au loin. […] « L’homme jette encore un regard sur le tombeau de sa fortune, puis il prend le bâton de voyage. […] Je la suppliai en pleurant amèrement d’avoir pitié de moi ; je me jetai de nouveau à son cou, et je baisai ses mains froides et frissonnantes.
Il allait se jeter dans des chemins déjà frayés à travers des aventures déjà populaires, et faire mouvoir des personnages historiques ou romanesques déjà familiers à l’esprit du siècle : seulement il pouvait à son gré prendre ces personnages au sérieux, comme le Dante ou le Tasse, ou les prendre en bouffonnerie comme le Pulci ou le Boïardo, ou enfin les prendre en bonne et gracieuse plaisanterie héroïque, comme il le fit lui-même. […] Je déchirais la page après l’avoir écrite ; je jetais la prose ou les vers au vent, comme un peintre jette son pinceau impuissant sur sa toile. […] Le vice est sérieux, le plaisir est folâtre ; la bonne intention et la belle poésie purifient tout à leurs yeux dans l’Arioste : seulement, quand la strophe était un peu trop nue, le canonico jetait son mouchoir sur la page, comme le statuaire chaste jette une draperie ou un feuillage sur une nudité de marbre. […] Ce scélérat imagina de jeter le soupçon dans l’âme d’Ariodant, l’infamie sur l’innocence de Ginevra. […] Un mendiant vint huit jours après raconter à Ginevra qu’il l’avait vu se jeter volontairement dans la mer du haut d’un écueil du rivage.
L’infini des mondes nous jette, au contraire, dans l’infini des perplexités. […] Dans ce moment elle ne se connaît plus, ne raisonne plus ; elle vous jetterait les meubles à la figure, et est prise d’un véritable désespoir, presque comique par sa bonne foi. […] Comment ose-t-il, en plein Institut, jeter l’injure à la conscience de l’art, à l’amour unique et désintéressé des lettres, aux derniers écrivains qui méprisent l’à-propos, le savoir-faire, tous les succès qu’un talent, comme le sien, a ramassés dans la flatterie des passions et du public d’un jour ! Jetée du Havre, la nuit. […] Des journaux de médecins jettent à la curiosité cynique de la postérité le placenta des reines, et l’on entre en le livre révélateur de notre ami Soulié, dans le vagin de Marie de Médicis, ouvert à deux battants par l’escapement de ses entrailles majestueuses, d’où roule Louis XIII, comme en une mise bas de Gargamelle, peinte par Rubens.
Dans les scènes dramatiques les plus poussées, le massacre du fils du marchand Verestchaguine par la populace de Moscou, au moment de la fuite du gouverneur Rostopchine, cet horrible épisode de sauvagerie accomplie en tremblant par des brutes ivres épouvantées de leur bestialité ; — on encore, lors du suicide d’Anna Karénine, quand, dans une gare bruyante, cette grande femme se jette à genoux sous la sombre masse roulante d’un wagon ; — ou au récit des pensées de Lévine après cette conversation avec un paysan qui changeait toute sa vie, — on distinguera dans la description des faits et des idées, ces deux éléments de passage rapide et de soudain et ardent intérêt qui agitent les livres de Tolstoï de leur alternance semblable au vacille-ment d’une flamme. […] Sur la foule de nos frères et de nos ennemis, Tolstoï a attaché le regard limpide et tranquille le plus aigûment pénétrant qu’ils aient souffert, et y portant ses larges et calmes mains, il a jeté dans son œuvre le groupe d’êtres d’âmes et de chairs dont elles étaient pleines, un morceau de création soustrait en sa forme mentale à la ruine du transitoire, tel quel, moite encore de la vie surprise, mou, ductile, coloré et bruissant ; tendrement saisie, conservée toute comme le commandait son prix, et laissée emmêlée comme le commandait sa mollesse, cette pêche miraculeuse d’êtres vivants a déterminé la beauté même et la forme de l’œuvre dans laquelle expire leur souple animation. […] Jetés dans les hasards d’une époque troublée, militaires pour la plupart, homme de cour, de loisirs et de richesse, ils sont préoccupés de cette énigme dernière ; ils cherchent tous une réponse qui comble la contradiction entre leurs désirs et leurs croyances. Le prince André Bolkonsky, cet homme sec, clair, acerbe, qui tient à la vie par des liens si étroits, s’inquiète, s’aigrit, vit au hasard et se déçoit de vains semblants d’envie, jusqu’au jour où une balle le jette à terre et le force à plonger ses yeux vacillants dans la paix d’un ciel que ne souillent pas la fumée, le sang et les cris des batailles. […] Il ne lui restait donc qu’à se retirer de la société telle qu’elle existe, à proclamer que le bonheur réside dans une réforme pratique du genre de vie de chacun, dans le renoncement à cette intelligence qui le torturait, à formuler enfin du fond de sa retraite une doctrine, qui contenait les préceptes pour atteindre le bonheur et qui, crue instantanément persuasive et applicable, jetait même sur ce monde, qu’il avait délaissé, un éclat au moins imaginaire de paix et de bonté.
Sur ce refus, nous jetions, assez découragés, notre pièce dans un tiroir, nous promettant de revenir plus tard à la scène par le roman, et de ne plus frapper à la porte d’un directeur qu’avec un de ces noms qui se font ouvrir le théâtre. […] Et, à notre tour, nous avons refusé ; — refusé, voulant rester indépendants et ne pas mettre les ficelles de notre enthousiasme entre les mains d’un chef de claque, et, comme des pantins, ne pas lever les bras, jeter des cris, pleurer d’admiration, selon le caprice de Son Indépendance. […] — Vous me faites poser, me jeta mon ami en m’interrompant. […] Un coupé nous jette chez Lireux. « Mais, Messieurs, nous dit assez brutalement la femme qui nous ouvre la porte, vous savez bien qu’on ne dérange pas M. […] Deux jours après, assis sur une banquette de l’escalier du théâtre, et palpitants et tressaillants au moindre bruit, nous entendions Mme Allan jeter à travers une porte qui se refermait sur elle, de sa vilaine voix de la ville : « Ce n’est pas gentil, ça !
Je sentis ce que sent un élève en peinture qui jette l’écume de la palette de son maître contre la muraille de l’atelier, et qui se trouve à son insu avoir fait de ces taches quelque chose qui ressemble à un tableau. […] En me dressant sur mes étriers, je parvenais à jeter un regard furtif sur cette maison, dans ce jardin et dans ce verger, toujours hermétiquement interdits aux pas ou aux regards des passants. […] Ces marches n’étaient jamais balayées par le balai de la servante : il n’y avait pas de serviteurs dans la maison ; les deux vieilles sœurs et le solitaire qui vivait avec elles épluchaient eux-mêmes leurs herbes, ou jetaient les coquilles des œufs de leurs poules sur la galerie. […] J’ai connu le monde, je l’ai jugé, je l’ai fui ; mais, comme l’homme est un être instinctivement sociable, j’ai trouvé dans cette maison, dans l’amitié de ces deux sœurs aussi sauvages que moi, une société pour mon cœur ; et je trouve dans ces livres, rapportés de mes voyages et jetés pêle-mêle à mes pieds, une société pour mon esprit. […] Ce fut l’époque où, après avoir écrit des volumes de poésie amoureuse, jetés depuis aux flammes pour en purifier les pages, j’écrivis ces poésies contemplatives qui furent accueillies comme les pressentiments bien plutôt que comme les promesses d’un poète.
Poussés par le désespoir, d’autres se retournent, se jettent en furieux sur leurs imprudents ennemis, et, les foulant aux pieds ou les étreignant dans leurs énormes trompes, en tirent une terrible vengeance. […] Quel dégât il a apporté dans notre sainte retraite, que la vue d’un char a jeté dans cet acte de fureur ! […] Puis, elle n’avait pas plutôt fait quelques pas, qu’elle retournait aussitôt la tête, feignant de dégager ses vêtements des branches d’un arbuste qui ne les retenaient aucunement ; et cela pour jeter les yeux sur moi ! […] Je le vois à ces fleurs jetées çà et là, et dont les frais calices, quoique détachés de la tige maternelle, conservent encore tout leur éclat ; par ces jeunes branches dont la sève laiteuse qui en découle trahit une blessure récente. […] Essuie, essuie tes larmes, ma chère fille ; prends courage, et jette un regard ferme sur le chemin que tu as à parcourir.
Il y avait cependant, alors même, de singulières infractions à cette étiquette, et telles qu’on ne le croirait pas, si un narrateur aussi véridique que M. de Luynes ne nous les certifiait en nous citant ses garants et auteurs : Mme la duchesse mère (fille naturelle de Louis XIV) me contait à Marly, il y a quelques jours, que dans les soupers du feu roi avec les princesses et des dames à Marly, il arrivait quelquefois que le roi, qui était fort adroit, se divertissait à jeter des boules de pain aux dames et permettait qu’elles lui en jetassent toutes. M. de Lassay, qui était fort jeune et n’avait encore jamais vu ces soupers, m’a dit qu’il fut d’un étonnement extrême de voir jeter des boules de pain au roi ; non seulement des boules, mais on se jetait des pommes, des oranges. On prétend que Mlle de Viantais, fille d’honneur de Mme la princesse de Conti, fille du roi, à qui le roi avait fait un peu de mal en lui jetant une boule, lui jeta une salade tout assaisonnée.
Flaubert ; mais, celle-ci manquant et se faisant attendre, la critique et le public excités se jetèrent, à son défaut, sur ce qui se présentait en sa place et se substituait à elle en quelque sorte. […] Giscon était près de réussir dans la composition qui se négociait, lorsque deux hommes dont l’histoire a conservé les noms se jetèrent à la traverse : un certain Campanien nommé Spendius, autrefois esclave chez les Romains, homme fort et hardi jusqu’à la témérité, et qui craignait, si les affaires s’arrangeaient, d’être rendu à son maître comme fugitif ; et un certain Mathos, Africain, qui, engagé dans la première sédition, avait tout intérêt à pousser les choses à l’extrémité. […] Giscon se voit arrêté au milieu de ses opérations d’arbitre ; son trésor est pillé, et lui-même avec ceux de sa suite jeté en prison après toutes sortes de traitements indignes. […] De dépit et hors d’eux-mêmes, ils se jettent alors sur les jardins réservés d’Hamilcar et pénètrent dans l’enceinte où étaient de petits bassins peuplés des poissons de la famille Barca, ayant des pierreries et des anneaux à la gueule ; espèces de dieux lares, de pénates aquatiques.
Il suffit de jeter les yeux sur les singuliers autographes qui nous viennent de Berny pour mesurer en un clin d’œil toute la distance : on était tombé de la langue si pure encore et si juste des dernières années de Louis XIV à celle que parlaient Mlle Leduc et ses pareilles. […] On brûlait les équipages, on jetait du canon dans les rivières : c’était un complet délabrement. […] Cependant les divertissements de Berny avaient aussi reçu leur échec : sans parler des dettes où tant de spectacles et de violons à payer avaient jeté le prince, il n’y avait plus moyen, comme auparavant, de venir à chaque fête, dans un couplet final, célébrer invariablement le héros de Lawfeld ou de Raucoux. […] Louvigny, son capitaine des chasses, avait, dans une ronde de nuit, surpris un braconnier des plus habiles nommé La Bruyerre : il l’avait remis à la disposition de M. d’Estimonville, capitaine des chasses du prince de Condé, qui l’avait fait jeter en prison.
« Quiconque a tous ses sens et ses membres et possède des amis, quiconque n’est pas jeté pour jamais sur une terre étrangère, ni détenu dans les repaires de l’oppression, et n’a pas dans l’âme des causes de trouble irréparable, ne doit jamais se dire tout à fait malheureux. […] Il en est ainsi de la privation des bras ; cette faiblesse a bien d’autres effets que d’empêcher de faire certains mouvements et de rendre difficiles ou embarrassantes les moindres actions de la vie commune, ce qui serait déjà un mal bien triste par sa continuité ; cette faiblesse ôte toute confiance dans l’avenir, entrave la vie entière, borne toute perspective, assujettit à cent besoins qu’on eût méprisés et, à la place d’un rôle d’homme, vous jette dans une dépendance aussi grande que celle des femmes. […] J’eusse été, je suppose, en Égypte, et là, à moins que je n’eusse été intime avec le général en chef, autrement (sic) je me fusse jeté parmi les Arabes, dans le Saïd. […] Quand je jette un coup d’œil sur le passé, sur tout le non-succès de mes desseins, sur la perte de tant d’années, je me condamne, je me dis : « Il fallait prendre tel parti ; » puis je trouve qu’il a été si mal à propos de ne pas prendre ce parti que je me mets à examiner mieux les circonstances pour voir ce qui a pu faire obstacle : alors je me rappelle des choses qui me prouvent qu’en effet cette conduite qui eût été la plus sage n’a pas été praticable.
ils ne feront pas mal peut-être, mais ce ne sera jamais bien complet, ni bien distingué, ce sera manqué par quelque endroit, tandis que, dans leurs vers de tous les jours, dans ces pièces sans prétention qu’ils jettent au gré de leur secrète fantaisie, il peut arriver qu’à tel moment ils atteignent à une note exquise, à quelque chose de pénétrant, à quelque chose de tout à fait bien, et qui mérite de vivre. […] Il n’est pas de ceux qui, blessés du trait sacré, jettent au ciel la poussière mêlée dans leur sang, et qui versent avec clameur, comme dit Ballanche, leurs entrailles sur la terre. […] Cela composait un certain nombre d’élégies, entre lesquelles étaient jetées d’autres pièces sur d’autres sujets, mais qui ne détonaient pas. […] De grand cœur, ami, je vous le donne ; Mais gardez, en l’offrant, d’y jeter votre sel ; Assez pour la table bretonne Mêlent au pur froment un levain criminel.
Si l’Être Tout-Puissant, qui a jeté l’homme sur cette terre, a voulu qu’il conçut l’idée d’une existence céleste, il a permis que dans quelques instants de sa jeunesse ; il put aimer avec passion, il put vivre dans un autre, il put compléter son être en l’unissant à l’objet qui lui était cher. […] tous ces écrivains, ces grands hommes, ces conquérants s’efforcent d’obtenir une seule des émotions que l’amour jette comme par torrent dans la vie. […] Tout n’est pas amour dans la jalousie comme dans le regret de n’être plus aimé ; la jalousie inspire le besoin de la vengeance, le regret ne fait naître que le désir de mourir : la jalousie est une situation plus pénible, parce qu’elle se compose de sensations opposées, parce qu’elle est mécontente d’elle-même ; elle se repent, elle se dévore, et la douleur n’est supportable que lorsqu’elle jette dans l’abattement. […] L’amour-propre, que la société, que l’opinion publique a réuni fortement à l’amour, se fait à peine sentir dans la situation des hommes vis-à-vis des femmes : celle qui leur serait infidèle, s’avilit en les offensant, et leur cœur est guéri par le mépris : la fierté vient encore aggraver dans une femme les malheurs de l’amour ; c’est le sentiment qui fait la blessure, mais l’amour-propre y jette des poisons.
L’épuisement des grandes conceptions peut avoir jeté les esprits dans l’histoire ; mais ce n’est pas la passion de l’histoire qui appauvrit la puissance de l’invention. […] Il faut donc ne renoncer à rien de ce qui est utile, et faire de son mieux pour son propre compte sans jeter des pierres dans le jardin d’autrui. […] Il y a des lois d’action et de réaction, des lois d’oscillation et de progrès, qui sont dignes du plus haut intérêt, et ainsi l’histoire de la philosophie jette une grande lumière sur les lois mêmes de l’esprit humain. […] Sans doute les développements de la philologie et de la critique ont grandement contribué à éclaircir les textes et à jeter du jour sur l’origine des grands événements religieux ; mais après tout, ce qu’il y a de plus important et de plus intéressant dans les religions, c’est l’histoire des dogmes : or une telle histoire est-elle possible sans une étude très-approfondie de la philosophie ?
C’est encore au christianisme que l’on doit ce sentiment perfectionné ; c’est lui qui, tendant sans cesse à épurer le cœur, est parvenu à jeter de la spiritualité jusque dans le penchant qui en paraissait le moins susceptible. […] Il est si vrai que le christianisme jette une éclatante lumière dans l’abîme de nos passions, que ce sont les orateurs de l’Église qui ont peint les désordres du cœur humain avec le plus de force et de vivacité.
Nous n’emploierons donc pas toutes nos armes ; nous n’abuserons pas de nos avantages, de peur de jeter, en pressant trop l’évidence, les ennemis du christianisme dans l’obstination, dernier refuge de l’esprit de sophisme poussé à bout. […] si tout meurt avec nous, les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles ; l’honneur qu’on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu’il est ridicule d’honorer ce qui n’est plus ; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire ; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu’il faut jeter au vent, et qui n’appartient à personne ; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d’une machine qui se dissout ; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée ; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés ; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes ; la loi des mariages, un vain scrupule ; la pudeur, un préjugé ; l’honneur et la probité, des chimères ; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.
Raoul de Cambrai 24 nous ramène à la vulgaire humanité, nous jette en pleine vie féodale. […] Pour le retenir et l’assouvir, stimulés par la concurrence, les trouvères, ayant épuisé la matière épique, se jettent dans la fantaisie : ils fabriquent de l’épopée, gauches contrefaçons qui insensiblement, sans que personne y pense, deviendront de ridicules parodies : et de jour en jour la poésie traditionnelle et populaire s’altère, se dissout et se noie davantage dans l’immense fatras de l’invention littéraire. […] Depuis les formules du langage jusqu’au dessin général de l’action, toutes les pièces d’une chanson de geste sont jetées dans les mêmes moules. […] Esclaves de la mode, les trouvères jetèrent au milieu de la matière épique les aventures incroyables des romans bretons et le fantastique insensé du roman d’Alexandre. […] Vivien a son petit frère qui demande à le venger, et l’enfant Guibelin, au siège de Narbonne, assomme son maître pour aller se jeter dans la mêlée, où il est tué par les Sarrasins42.
L’ensemble de circonstances par lesquelles Poe prépare la déduction que le corps de Marie Roget a été jeté à l’eau après le meurtre, est cohérent. […] Comme les peintres japonais, il semble parfois jeter au hasard des touches inconnexes que relie subitement en un tout le rapide trait final. […] Il décrit et suggère l’angoisse du pêcheur tournoyant dans la vertigineuse spirale du Maëlstrom et fait ressentir dans le Manuscrit l’accablement d’un naufragé, jeté sur le pont d’un mystérieux et décrépit vaisseau fuyant en pleine nuit sur une mer hurlante. […] L’épisode du massacre des mutins, où Pym, pour terrifier ses adversaires, se farde de pustules, se ballonne et se déguise à l’imitation d’un marin mort dont la carcasse roule dans les balots, les scènes ignobles où les survivants tuent, dépècent et salent un des leurs, ayant soin d’en jeter la tête et les pieds, aboutissent à l’horrible rencontre par ces affamés, d’un brick désemparé et dépeuplé, roulant au hasard sur les lames, une cargaison empestée de cadavres en sanie que déchirent des oiseaux repus. […] Laisse inviolé mon abandon, quitte le buste au-dessus de ma porte, ôte ton ber de mon cœur et jette ta forme loin de ma porte Le corbeau dit : Jamais plus.
Il y a plus : dans l’admiration d’école qu’on avait pour Homère et Virgile, la gloire du premier offusquait le second et le jetait dans l’ombre ; car il faut être le premier en France pour être quelque chose. […] Pour être toujours prêt à faire le décompte des misères de position et des faiblesses de toute nature qui se mêlent à nos œuvres comme des pailles à l’acier, pour avoir été casuiste à ses heures et avoir entendu les formulaires de Port-Royal, Sainte-Beuve méritait-il pour cela d’être accablé, par des ours aux regrets, de cet immense pavé qu’on lui jette à la tête d’une faculté inouïe qui fut la gloire spéciale de Shakespeare, de Walter Scott et de Balzac ? […] Après Joseph Delorme, après ce cri jeté de Philoctète moderne à la plaie empoisonnée et qui empoisonne tout Lemnos, nous n’eûmes plus que le Trissotin des Consolations et des Pensées d’août, où le poète creva sous une langue qui n’était même plus du français. […] Son amour-propre, qui a dégradé les derniers moments de sa vie, lui fit tendre la main aux gros sous de la popularité, ces gros sous qu’un mépris public immérité lui jeta un jour au visage ; mais j’abaisserai moi-même un voile sur ces abaissements. […] Mais moi, j’aurais jeté au feu ce paquet par intérêt pour Sainte-Beuve, dont je comprends la réputation mieux que vous !
Elle me dit qu’elle louait Dieu de ce qu’il ne s’était trouvé chez elle que ses femmes, parce que s’il y avait eu des hommes, elle l’aurait fait jeter par les fenêtres ; qu’elle avait été obligée d’en avertir le roi, qui le faisait chercher pour l’envoyer en prison. […] Enfin, Saint-Simon dit que madame de Montausier cria au secours de ses domestiques ; et selon mademoiselle de Montpensier, madame de Montausier lui dit que si ses gens eussent été près d’elle, elle eût fait jeter le marquis par les fenêtres. […] On lit dans les mémoires de Montpensier « qu’immédiatement après la mort de Madame (le 20 juin 1670), le roi et la reine allèrent à Saint-Cloud pour jeter de l’eau bénite sur le corps de Madame ; de là au Palais-Royal pour rendre visite à Monsieur.
Tout y est jeté au même moule, & empreint des mêmes couleurs. […] Notre Orateur semble, au contraire, prendre plaisir à embrouiller les choses, sous prétexte de les rendre plus claires : d'une obscurité, il jette dans une autre, & personne n'a mieux vérifié le proverbe de l'Ecole, obscurum per obscurius. […] On lui a pardonné de s'être élevé, dans son premier Ecrit*, contre cette Philosophie orgueilleuse qui voudroit élever la Religion naturelle sur les débris de l'auguste Religion de nos Peres ; d'avoir dit, en 1756, en parlant de M. de Voltaire que le génie de cet homme célebre est un volcan qui ne jette plus aujourd'hui que de foibles étincelles, obscurcies par beaucoup de cendres qui s'y mêlent ; que cet Ecrivain, nourri des maximes Angloises, s'est abandonné à une liberté effrénée de penser & de dire les choses les plus dangereuses.
Quand Mme Le Normand publia les Souvenirs de Madame Récamier, nous nous jetâmes tous, comme des enragés, sur son livre, attirés que nous étions par la touffe de fleurs de ce nom ! […] Oui, un livre, bel et bon, pour le compte de Mme Le Normand, laquelle ajoute à ces pauvres lettres que Mme de Staël a oublié de jeter au feu, une biographie de Mme de Staël que nous y jetterons, nous !
Et c’est ainsi qu’il est allé jusqu’au bord d’une vérité dans laquelle il fallait se jeter avec courage, et qu’après son étude il est resté Gros-Jean… Gros-Jean politique comme devant ! […] Mallet-Dupan, le survivant dans le désespoir funèbre de Mirabeau, passa toute sa vie à répéter contre le royalisme le cri terrible qu’en mourant Mirabeau avait jeté. […] Avec sa Charte, il régnait et embarrassait le règne de son frère, et, comme le disait férocement Michaud, en parlant de la mort d’André Chénier, reprochée si longtemps et si faussement par lui à Marie-Joseph, « il lui jetait ce chat aux jambes ».
Ces hommes qui se sont vantés d’avoir mis la liberté dans le monde, ces charlatans et ces menteurs, ces Tartufes de philosophie, agirent hideusement contre l’homme qui les jugea, toute sa vie, avec une indépendance lumineuse… Ils l’insultèrent ; ils le jetèrent au donjon de Vincennes ; ils finirent par faire supprimer son Année littéraire, et ils tuèrent, par là, l’œuvre et l’homme, car il en mourut… Et quand leur révolution triomphante eut passé sur cet assassinat, le xixe siècle, qui n’avait dans ses grandes oreilles d’âne que le bruit des choses de la Révolution, Pavait oublié, et il fallut… quoi ? […] Il a cité le portrait anonyme dont tout le monde, dans le temps, reconnut le modèle ; ce portrait d’une touche si ferme, si sobre et si majestueusement sévère… Il a cité l’ironique compte rendu de la première représentation de L’Écossaise, dans lequel Fréron prit dans sa main, juste comme une balance, la fange qu’on lui jetait à la figure, et pesa ce paquet de fange qui pesait trop peu pour le blesser ! […] Après sa victoire, elle le jeta à l’in-pace de l’oubli.
Platon, dont le génie s’essaya dans des dithyrambes avant d’avoir entendu Socrate, gardait évidemment plus d’un souvenir de la poésie dorienne de Pindare ; et, alors même qu’il eut renoncé à cette ambition poétique de sa jeunesse et jeté au feu ses premiers vers, il en retint cette inspiration lyrique dont il a parfois animé les débuts ou les épilogues de ses entretiens philosophiques. […] Deux choses à remarquer, cependant : le siècle d’Alexandre, si l’on peut appeler ainsi la course de dix ans du jeune héros, et les fondations d’empires qui, jetées sur son passage, s’achevèrent après lui, le siècle d’Alexandre fut bien loin d’atteindre, dans l’ordre des arts et du génie, à la gloire du siècle de Périclès, ou plutôt d’Athènes, dans sa période la plus étendue, de la naissance d’Eschyle à la mort de Platon. […] Si grande est la douceur que tu jettes dans l’âme, immortelle récompense plus précieuse que l’or, que la noblesse du sang et que le charme du sommeil !
— Je ne me trompe pas, un noir nuage — a tourné sa bordure d’argent sur la nuit, — et jette une lueur entre l’ombre touffue des feuilles501. […] Confondu, il s’arrête, et au même instant les frères conduits par l’Esprit protecteur se jettent sur lui l’épée nue. […] Les deux partis se taillent à coups d’épée, se jettent par terre à coups de canon, s’assomment de raisonnements politiques525. […] Jeté par le hasard d’une révolution dans la politique et dans la théologie, il réclame pour les autres la liberté dont a besoin sa raison puissante, et heurte les entraves publiques qui enchaînent son élan personnel. […] Qu’après cela il fut emmené par eau à la Flotte et enfermé dans une chambre telle qu’il y fut toujours malade et au bout de huit ans jeté dans la prison commune. » Il avait soixante-douze ans.
Pour l’achever, au sortir de Leipsick, son étoile le jette à Strasbourg, sous les griffes de Herder. […] Emma douta un instant si elle ne devait point se jeter à ses pieds pour implorer sa compassion. […] Il jeta les myrtes à terre et les foula aux pieds. […] Il est naturel que les révélations d’Hippus jettent un certain trouble dans son âme : mais décrit par M. […] Enfin il jeta violemment le portefeuille sur la table, et il s’écria : « Voici l’argent !
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole, Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole, Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ; Si débile, qu’il fut, ainsi qu’une chimère, Abandonné de tous, excepté de sa mère, Et que son cou ployé comme un frêle roseau Fit faire en même temps sa bière et son berceau. […] Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ; S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur ; Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie, Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle, et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume, Jette le vers d’airain, qui bouillonne et qui fume, Dans le rhythme profond, moule mystérieux, D’où sort la Strophe, ouvrant ses ailes dans les cieux ; C’est que l’amour, la tombe, et la gloire, et la vie, L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout comme un écho sonore ! […] Un incident presque merveilleux, jeté au sein de cette vie de couvent, dut aussi influer beaucoup sur l’esprit et la gravité précoce de l’enfant poëte. […] Victor Hugo se propose de révéler un jour, fut découvert, arrêté aux Feuillantines, en 1811, et jeté de là dans le cachot d’où il ne sortit que pour mourir avec Malet. On sent quelle impression profonde et amère durent jeter dans l’âme ardente du jeune enfant de l’Empire, et les discours du mécontent, et le supplice de la victime : cela le préparait dès lors à son royalisme de 1814.
Au lieu de tout jeter à bas pour tout réédifier, il ne touche qu’à certaines parties de l’édifice, aux unes d’abord, puis aux autres ; et c’est en ramassant chaque fois toute sa verve, toute sa popularité sur un détail de l’organisation sociale, sur un cas particulier d’injustice ou d’oppression, qu’il rend son action efficace. […] C’est le naïf Candide et la tendre Cunégonde, flanqués du docteur Pangloss et du philosophe Martin, qui viennent jeter à bas l’optimisme et la Providence : une série de petits faits, secs, nets, coupants, choisis et présentés avec une terrible sûreté de coup d’œil, anéantissent insensiblement dans l’esprit du lecteur la croyance qui console du mal. Ou bien c’est un Huron que le caprice du patriarche jette au travers de notre société, et qui, se heurtant à nos institutions et à nos mœurs, cahoté, tiraillé, ahuri, baptisé, emprisonné, aimé, trompé, nous insinue l’impression qu’il n’y a pas grand chose chez nous qui aille selon la raison. […] Il n’a pas jeté à bas l’ancien régime, il l’a livré à ceux qui l’ont jeté à bas.
On comprend le regard torve jeté par le vieil athlète se retirant de l’arène, sur l’éphèbe qui découronnait son front chauve, son froncement de sourcil sous ses lauriers humiliés. […] Les gigantesques idoles de l’Orient auraient encombré son délicat territoire, si artistement découpé que l’on a pu le comparer à une feuille de mûrier jetée sur les vagues. […] Les idoles antiques, dont les dieux nouveaux procédaient, furent comme jetées dans les eaux dormantes du Léthé. […] Le pont que Xerxès jeta sur le détroit, il en fait « un joug à son cou ». […] Étéocle répond au Chœur des vierges qui le supplient de ne pas combattre contre son frère : « Je suis aiguisé, tes paroles ne m’émousseront pas. » Ailleurs le fer s’incarne et s’anime, il devient « l’émigré de Seythie, un dur répartiteur d’héritages qui jette aux guerriers les dés de la terre ».
Une voix s’est élevée en France pour protester contre l’injure jetée à la forme exquise et disparue du plus beau des poètes, et cette voix a été celle de la délicatesse dans le courage, mais elle n’avait pas besoin de s’élever… Rien ne peut désormais contre l’impression que Byron a laissée de lui-même dans le monde. […] » et il se jeta à la mer, voulant aller à la nage jusqu’à l’endroit où ils avaient péri. C’était bien et ce fut toujours le même homme, à qui on niait la faculté de poète, et qui, de colère et de contradiction, jeta par le cerveau des chefs-d’œuvre comme l’on jette par les yeux des éclairs. […] Nisard n’a pas dans la main une de ces torchères qui jettent d’un seul flot sur une grande figure un de ces jours complets qui ressemblent à la clarté d’or de l’apothéose, mais il promène la lueur prudente de son flambeau sur toutes les parties de la fantastique et sublime image, et il les fait successivement saillir.
Au terme de nos courses diverses dans le passé, avant de quitter tant de grands souvenirs, n’avons-nous pas quelques regards à jeter sur le monde actuel et ce qu’il offre encore d’imagination élevée et d’enthousiasme, au-delà du cercle d’or et de fer dont il semble de toutes parts s’environner ? […] Quoi qu’il en soit, avant ces épreuves trop violentes qu’impriment aux plus nobles caractères nos révolutions si rapides et nos fantaisies sociales trop réitérées, combien avaient été souvent heureuses les hardiesses d’imagination de ce talent jeune et libre, alors qu’on le voyait, comme il l’a dit lui-même : Jeter le vers d’airain qui bouillonne et qui fume Dans le rhythme profond, moule mystérieux D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux. […] Ce qui restait de cet éclat réfléchi sur la première moitié de l’âge suivant ne jeta plus, après Rocroi, qu’une pâle et funèbre lueur, sous ces voûtes de l’Escurial où s’endormit plus tard une race française, également déchue de son origine et de sa conquête. […] « Patrie, disait-il dans quelques vers harmonieux, nom triste et cher au pèlerin misérable jeté loin du sol où il est né, quand viendra l’ombre de l’arbre paternel rafraîchir ma tête brûlante ? […] Élevée dans ce séjour colonial, sans école et sans théâtre, la jeune Gomez s’instruisit et s’inspira seule par la lecture de quelques poëtes espagnols et la vue de cet horizon du tropique, « le plus splendide pavillon, dit un poëte, que Dieu lui-même ait pu jeter sur les fêtes de son culte divin ».
Les illustres feuilletons eux-mêmes languissent ; le Juif Errant aux abois s’est jeté sur les jésuites, matière un peu vieille et qui redevient un peu coriace. — L'Ultramontanisme de Quinet a été fort sévèrement et fort judicieusement jugé par Lerminier dans la Revue des Deux Mondes ; Lerminier qui a, lui aussi, en son temps, connu les ivresses de la popularité et qui en a eu ensuite les déboires, était en mesure de faire la leçon à Quinet là-dessus : tout le détail de cet article et les remarques sur cette érudition confuse et fougueuse ont beaucoup d’à-propos et un grand caractère de raison. […] L'auteur d’Ahasvérus avait mieux à faire que de se jeter sur les jésuites comme l’a fait l’auteur du Juif Errant.
« La foule, qui d’abord avait sursauté comme une hydre en entendant cet ange donner un sens nouveau et plus pur aux mots du langage vulgaire, proclama très haut que le sortilège qu’il nous jetait, il l’avait puisé dans l’ignoble ivresse des alcools ou des absinthes. […] Si, avec les images qu’il nous a suggérées, nous ne pouvons sculpter un bas-relief dont se pare sa tombe éblouissante, « Que du moins ce granit, calme bloc pareil à l’aérolithe qu’a jeté sur terre quelque désastre mystérieux, marque la borne où les blasphèmes futurs des ennemis du poète viendront briser leur vol noir. » C’est fort mal traduit, et pourtant j’ai fait de mon mieux.
Et il jette là-dessus ses couleurs les plus ardentes et harmoniques. […] Giraud, qui a la religion de la poésie, aurait-il craint de ne pouvoir se pardonner d’avoir écrit une œuvre poétique imparfaite, ou est-ce simplement le hasard qui a voulu qu’il jetât sa gourme en prose ?
Alors, je ne sais qui jette le nom de Hugo dans la conversation. […] En bas de la Maison d’Or, un chiffonnier ramassait les citrons jetés. […] — Vous n’en avez jamais parlé, je crois, jette quelqu’un. […] jette Sainte-Beuve, ça a l’air tordu, c’est un style cordé. […] — C’est à se jeter par la fenêtre, quand on entend des choses comme cela !
Aujourd’hui, où je sais un interviewer à la cantonade, je jette rapidement sur le papier les idées que je veux développer. […] C’était pour lui une désillusion sur la grande artiste, et en sortant, il jetait à Dumas : « Je ne vous remercie pas ! […] Il le jetait cinq fois par terre, et à la cinquième le boxeur ne pouvait se relever, et restait assis dans un rentrant de porte. […] Et l’on jette dans la cage de verre, un petit agneau blanc, au poil frisé, qui dans son innocence va flairer le serpent, tout prêt à jouer avec lui. […] me jette la comtesse Greffulhe.
Ce moment fut affreux, et quand, vers le matin, je me jetai épuisé sur mon lit, il me sembla sentir ma première vie, si riante et si pleine, s’éteindre, et derrière moi s’en ouvrir une autre sombre et dépeuplée, où désormais j’allais vivre seul, seul avec ma fatale pensée qui venait de m’y exiler et que j’étais tenté de maudire… Si M. […] Cet article était une sorte de déclaration mortuaire, superbement jetée au catholicisme, et une préface désormais inséparable de toute croyance ou tentative de religion nouvelle. […] Il a donc fallu que M. le secrétaire perpétuel, pour rendre son sujet tout à fait agréable et pour l’accommoder au goût particulier du public dont il recherchait la faveur, dissimulât le côté essentiel qui y aurait jeté une ombre. […] Jouffroy pour les études philosophiques et pour l’observation intérieure, j’ai toujours cru qu’après son premier feu jeté, il eût été bon pour lui de se détourner de cette contemplation absolue et un peu stérile où il s’est consumé, et d’appliquer son beau talent à des matières qui l’eussent nourri et renouvelé.
Giscon, sur un ordre de Mâtho, est arrêté, lié, jeté avec les siens dans une fosse immonde ; les mutilations viendront plus tard. […] Bref, Mâtho, toujours poussé par les épaules, après avoir traversé en tremblant des scènes de fantasmagorie bizarre dignes de la franc-maçonnerie, se saisit du voile impossible appelé Zaïmph, que Spendius a osé décrocher le premier et qu’il a jeté à terre. […] Spendius le furet, et qui n’est jamais embarrassé de sa personne, s’est sauvé par quelque autre issue : il a couru, il a sauté, il a glissé, il s’est jeté à la nage. […] La peur de la sensiblerie, de la pleurnicherie bourgeoise l’a jeté, de parti pris, dans l’excès contraire : il cultive l’atrocité.
A cela près pourtant, tout était bien et aurait continué de l’être, si, le moment de ferveur passé, le poëte, revenant à ses goûts secrets, avait quitté une arène où il ne s’était jeté que par élan ; si, rentrant en quelque sorte dans la vie privée, il avait osé redevenir lyrique, comme il l’avait été d’abord, avec ses impressions personnelles, affections douces, mystérieuses, pudiques, écloses et nourries sous un ciel idéal, dans le calme des bocages sacrés, ou parmi les danses des guerriers et des vierges. […] Ce long sommeil de Colomb, bien moins vraisemblable que celui d’Alexandre ou de Condé, la veille d’une bataille dont les dispositions sont assurées d’avance, m’a tout l’air du voile mesquinement ingénieux qu’un peintre grec, dans un tableau d’Iphigénie, jeta sur le visage d’Agamemnon. […] Je ne citerai qu’un exemple de ce dernier cas : Ces murs dont Michel-Ange a jeté dans les cieux Le dôme audacieux. […] Nous venons trop tard pour analyser : ce sera assez de jeter quelques observations.
Jetez les yeux sur cette masse dans le moment tumultueux, l’énergie de chaque individu s’exerce dans toute sa violence ; et comme il n’y en a pas un seul qui en soit pourvu précisément au même degré, c’est ici comme aux feuilles d’un arbre, pas une qui soit du même vert, pas un de ces individus qui soit le même d’action et de position. […] Comme ces gens-ci sont ignorants, et qu’ils ne savent point garder de mesure, si vous leur jetez la bride sur le col, je ne désespère pas qu’ils n’en viennent à mettre un plumet sur la tête d’un soldat romain. […] Celui qui aura jeté un morceau d’étoffe sur le bras tendu d’un homme, et qui faisant seulement tourner ce bras sur lui-même, aura vu des muscles qui saillaient, s’affaisser, des muscles affaissés devenir saillants, et l’étoffe dessiner ces mouvements, prendra son mannequin et le jettera dans le feu.
Ainsi encore ces mêmes peuples de la Grèce, souvent dispersés par des malheurs qui sont devenus l’héritage exclusif des muses, jettent à toutes les époques et sur tous les rivages de fabuleuses ou d’héroïques colonies destinées à perpétuer les souvenirs brillants de la gloire ou les rêves aimables de l’imagination. […] La haine pour les traditions juives a, dans ces derniers temps, jeté les hommes hors de bien des vérités, et, entre autres, hors de celle que nous venons d’énoncer. […] Dieu avait pris soin de les jeter d’avance au sein de la société, pour qu’elles parussent moins étranges, pour qu’ensuite elles pussent être défendues contre les attaques des esprits forts. […] Nous pourrions à présent jeter un coup d’œil sur les autres peuples de l’Europe ; sur cette Italie qui a régné successivement par la puissance des armes et par les conquêtes pacifiques des arts de l’imagination, et qui, divisée en une foule de petits états, est réunie par un même esprit public ; sur cette Allemagne, dont la langue, encore dans le travail de son perfectionnement, est si favorable à la fermentation de toutes les idées : mais on ne peut pas tout épuiser dans un chapitre.
que nous est-il arrivé qui n’arrive à tous les hommes jetés à une distance infinie du cours ordinaire de la vie ? […] Rien n’était plus juste : des victimes aussi illustres, quoiqu’elles eussent compromis leur pays, méritaient des hommages ; mais il suffisait de jeter des fleurs sur leur tombe ; il n’y fallait pas du sang. […] Thiers l’a rêvé aussi, ce rôle idéal ; il s’en fait l’interprète pour tous, et de même que dans les chants du chœur antique, dans ces vœux, ces prières, ces conseils jetés au milieu de l’action sans la hâter ni la ralentir, le spectateur aimait à entendre le cri de la nature humaine et à reconnaître ses propres impressions, de même, en lisant l’historien, on éprouve une vive et continuelle jouissance à retrouver partout l’accent simple et vrai d’une émotion qu’on partage et à sentir un cœur d’homme palpiter sous ces attachants récits.
Le démolisseur humoriste doit savoir danser sur la tête au milieu des ruines qu’il entasse ; il doit savoir rêver eu pleine veille, tournoyer à jeun comme s’il était ivre, paraître toujours pris de vertige, écrire en tenant sa plume à l’envers, effacer à mesure chaque trait de son dessin sous l’enchevêtrement des arabesques, jeter la préface au milieu, les réflexions dans le drame, les bêtises dans les réflexions, et l’épilogue avant le titre ; il doit unir Héraclite et Démocrite, et faire le Solon eu démence, pour pouvoir dire au monde la vérité qui rebute, quand elle est servie seule, mais qui s’avale avec le reste dans une olla-putrida 149. […] Pastourelle Le persiflage, gamin de Paris153, a jeté bas d’un coup de pied la barrière élevée par la nature entre la comédie et la satire. […] Nous avons remplacé par cette métaphore équivalent celle que voici, qui nous paraît moins claire : Le satirique ordinaire attache quelques bévues ou quelques fautes de goût sur son pilori, pour leur jeter, au lieu d’œufs pourris, quelques saillies pleines de sel… Mais le thyrse de l’humoriste n’est ni un bâton de chef d’orchestre, ni un fouet, et ses coups tombent au hasard.
Il est permis à un grand maître d’oublier quelquefois qu’il y a des couleurs amies ; Chardin jettera pêle-mêle des objets rouges, noirs, blancs ; mais ces tours de force-là, il faut que M. […] Le crime rend égaux ceux qu’il associe… " en dépit de la sublimité de l’idée, à ce sifflement aigu de syllabes rheni medüs… etc, à ce rauque croassement de grenouilles, quos inquinat, oequat, je me bouche les oreilles et je jette le livre. […] Au pied d’un trône, un temps les ailes arrachées, la faux brisée et chargé de chaînes ; sur le dos de ce temps, une table d’airain où on lit : amor invenit, veritas sculpsit. et puis des femmes, des génies d’arts qui parent de fleurs un autel, y jettent de l’encens, une Renommée qui prend son vol, un tapage à étourdir, une allégorie enragée à faire devenir fous les sphynxs et les Oedipes avec son noir et son jaunâtre.
… ce que c’était que draper, — que jeter l’eau bénite, — que souper dans les petits appartements, etc., etc., et à mettre péniblement, en faisant d’effroyables efforts de mémoire, des noms propres et des dates à toutes ces pauvres notions. […] Dans le premier des quatre volumes publiés, le duc de Luynes rapporte (p. 99) que le roi envoya Mlle de Clermont jeter l’eau bénite à la princesse de Condé, et après avoir décrit la cérémonie, queue de robe par queue de robe, et tabouret par tabouret, voilà qu’un scrupule prend tout à coup notre homme : « Mlle de Clermont, dit-il, se mit dans le fauteuil, l’exempt derrière elle et Mlle La Roche-sur-Yon s’assit à gauche sur un pliant, à ce que l’on croit !!! […] Sainte-Beuve, d’un si spécial génie, n’a pu tirer pourtant (c’est significatif) que deux anecdotes de ces quatre immenses volumes, dont l’une, je crois, sur Louis XIV, qui, ennuyé du joug qu’il faisait porter aux autres et à lui-même, jetait parfois, pour se divertir, des oranges à la tête des dames, à souper, lesquelles lui envoyaient des pommes et parfois même des salades avec leur huile ; gaminerie piquante par son contraste avec la pose éternelle du grand roi !
Caché sous le masque diaphane d’une initiale qu’un prénom et un titre rendent plus transparent encore, l’auteur jettera son dernier masque lorsqu’il le faudra, soyez-en sûr ! […] Et ce n’est pas tout que cette lueur jetée sur les points les plus controversés, ou, pour mieux dire, les plus calomniés de l’Histoire : l’auteur des Esprits attaque l’hypothèse après avoir ruiné le mensonge, et il montre le néant de toutes celles qu’une science à bout de voie, comme il dit, a inventées pour remplacer un merveilleux dont elle a peur. […] … Nul avant lui et nul comme lui n’avait jeté le gant à la science.
être le champ de l’avenir, — c’est cette petite fleur, retrouvée là, qui m’a empêché de jeter sous mes pieds avec mépris ce livre où un regain de poésie vivace, inarrachable du cœur d’un homme, domine encore, domine toujours tous les prosaïsmes glorifiés de ce siècle dégénéré ! […] qui ne sentirait, de prime saut, l’absurdité et le sacrilège de tout cela, si la Poésie ne jetait pas son voile brillant sur le sacrilège et l’absurdité ? […] L’aigle a peur, et s’en va chercher Plus bas l’eau des torrents vagabonde et sujette, Dont la rage distrait le touriste, et qui jette L’écume au revers du rocher.
Dans une époque comme la nôtre, sans force de principe et sans force de volonté, je sais bien que ce misérable type d’homme ou de femme à deux amours, indésouillable du premier, ayant pris corps avec cette fange, est le type commun et presque universel ; que c’est le cri du sang, de ce sang que nous avons gâté, et que de son temps tout romancier, qui en porte le joug comme un autre homme, peut jeter ce cri à son tour ! Seulement il faudra, pour qu’on écoute et qu’on frémisse, qu’il soit jeté avec une profondeur d’accent, une âpreté de rugissement qu’on n’avait pas encore entendue ? […] Ainsi encore, quand Berthaud et son ami Martel sont menacés de périr dans la tempête, en face de tout le village de Plaurach, assemblé sur le rivage, et qu’Autren, l’homme de cœur du livre, qui prouve son cœur en se tuant, comme Werther et Stenio, se jette à l’eau pour sauver son rival, pourquoi le vaisseau de Bernardin de Saint-Pierre, dans Paul et Virginie, vient-il projeter sa grande ombre sur la barquette de M.
Pour se rapprocher d’elle, Molière n’hésite pas ; il se fait comédien, et, après que la passion l’a jeté au théâtre, la vocation l’y retient. […] Comme Louis XI se jette aux pieds de saint François de Paule, Argan se jette aux pieds de M. […] Quand son imagination a été une fois frappée, qu’elle a médité, elle conçoit et jette dans le moule le caractère d’un seul coup, elle l’y jette complet avec tous les travers qu’il doit avoir. […] Comme elle a été notre aurore, elle jettera sur notre déclin, si jamais il arrive, un éclat qui ne sera peut-être pas indigne de nos plus beaux jours. […] Cet idéologue que j’aurais dû jeter dans quelque cul de basse-fosse pour avoir deux fois déserté ses drapeaux ?
On vit en 1635, entre les femmes qui se jetèrent dans cette société, mademoiselle de Bourbon-Condé, sœur du grand Condé et du prince de Conti, la même qui fut depuis l’héroïne de la Fronde sous le nom de duchesse de Longueville. […] La nomenclature que nous venons de parcourir, suffirait pour repousser les atteintes du ridicule que nos éditeurs modernes s’efforcent de jeter sur cette maison de Rambouillet.
Eh bien, en ce cas, jetez vos lunettes — et admirez ! […] Troublez une communauté de moines dans l’œuvre de la canonisation d’un de leurs saints, ils vous jetteront la pierre et ne feront qu’entonner plus haut leur Hosannah
Solon décerna des peines contre les citoyens qui, dans un temps de troubles, ne se déclareraient pas ouvertement pour un des partis : son objet était de tirer l’homme de bien d’une inaction funeste, de le jeter au milieu des factieux, et de sauver la république par l’ascendant de la vertu. […] Un trait que La Fontaine raconte en quatre vers, lui donne lieu de causer avec son lecteur, mais pour le jeter dans des questions métaphysiques auxquelles il n’entendait pas grand’chose.
…… Ne sois point irrité, ne t’indigne point, si j’ai hésité à me jeter dans tes bras. […] Au lieu de cette manière brillante et laborieuse, Homère vous présente deux époux qui se retrouvent après vingt ans d’absence, et qui, sans jeter de grands cris, ont l’air de s’être à peine quittés de la veille.
Ceux qui étaient à la mer, on jeta bien des bouées pour eux — mais à quoi bon ? […] C’était la montre de petite mère qui continuait à marcher, oubliée dans la robe jetée sur une chaise au pied du lit. […] D’un geste auguste, il jetait le chat aux pieds de la cuisinière, qui disait : « Oh ! […] Et il la jeta devant lui. […] L’autre jour, celle-ci m’a menacé de jeter tous mes vêtements dans la rue si je ne l’épousais pas.
Ce fleuve se jette sous terre entre Ispahan et la ville de Kirman, où il reparaît, et d’où il va se rendre dans la mer des Indes14. […] Les parents de l’enfant, outrés du traitement qu’il lui avait fait, s’allèrent jeter aux pieds du roi, comme il était à la promenade, en lui demandant justice de cet horrible excès. […] » Janikan, entendant sa voix, cria au grand maître: « Achève ce chien », et, en même temps, il tira l’épée lui-même et s’avança pour se jeter dessus. […] Ne voyez-vous pas que vous allez jeter le royaume dans une confusion épouvantable et le remplir de divisions ? […] On dit que l’on fit autrefois un paquet de joncs facile à reconnaître, et qu’on le jeta dans l’eau à Gâoù-Khâny: il reparut dans le Kermàn.
Mais Delatouche savait se servir de la parole, et jetait de la poudre aux yeux. […] Les voitures défilent, on se jette des roses et des œillets, puis on distribue quelques bannières. […] Ce sont les mêmes baies inégales, les mêmes voûtes jetées en travers, les mêmes arcs de pierre. […] — Je vais te faire jeter du pain et du lard, dit la Dame. […] Les uns se jetaient sur l’argent, les autres se jetaient sur l’or.
A Antibes, un M. de Rouffignac tua en son honneur un ours apprivoisé dont il lui fit boire le bouillon ; Polyphème n’était pas plus galant pour Galathée, A Modène, le premier ministre, M. de Lascaris, se jeta à ses pieds avec un petit air de triomphe qu’elle sut bien réprimer. […] L’une épouse, l’autre fille d’un ministre, elles furent portées dans la vie publique, plutôt qu’elles ne s’y jetèrent ; élevées, l’une dans le recueillement des mœurs bourgeoises, et l’autre au bruit des discussions philosophiques, elles avaient contracté dès l’enfance de fortes et sérieuses habitudes d’esprit, qu’elles déployèrent dans l’occasion avec toute l’énergie de la jeunesse et de la vertu.
Né avec des affections vives et tendres, passionné pour les vers, il eût été probablement poète, si la Révolution n’était pas venue ; l’un des premiers, il s’y jeta ; dès le 12 juillet, il était populaire, et depuis, journaliste et clubiste sans cesse haletant, il se vantait d’avoir toujours eu six mois d’avance sur l’opinion publique ; tour à tour ami de Mirabeau et de Brissot, il les dépassa dès qu’il les jugea trop lents, et ne s’arrêta qu’à Danton. […] Cette dernière pièce surtout, jusqu’à présent inédite, pourra jeter quelque lumière sur des détails encore contestés.
Il me semble que ce passage jette presentement un grand jour sur le titre des comedies de Terence, qui souvent ont mis à la géne des sçavans commentateurs, sans qu’ils y disent rien sur quoi l’on puisse fonder un jugement arrêté. […] Il est établi qu’on ne dise d’un acteur qu’il chante, que lorsqu’il chante mal à propos, lorsqu’il se jette sans discernement dans des exclamations peu convenables à ce qu’il dit, et lorsque par des tons empoulez et remplis d’une emphase que le sens des vers désavouë, il met hors de propos dans sa déclamation un patetique toujours ridicule, dès qu’il est faux.
Né d’une race qui avait été souveraine d’une province de France avant l’unité du royaume, et qui maintenant décorait la royauté, M. de Talleyrand avait été jeté dans l’Église, comme un rebut indigne de la cour, pour y attendre les plus hautes dignités de l’épiscopat et du cardinalat. […] L’amitié de Mirabeau mourant avait jeté sur M. de Talleyrand un de ces reflets posthumes que les grandes renommées laissent après elles sur ce qui les a seulement approchées. […] Il lui convenait de jeter ses favoris dans les affaires, afin de gouverner l’Europe par les hommes dont elle gouvernait le cœur et l’esprit. […] Où était pour un tel homme, courtisan et grand seigneur prévoyant par excellence, la nécessité de jeter ce sang de Bourbon entre l’avenir et lui, et de se rendre à jamais impardonnable par une dynastie dont le retour possible était plus probable alors que jamais ? […] Le traité de Fontainebleau était précisément le moyen d’allier indissolublement la France à la monarchie espagnole, sans porter atteinte au trône de la maison de Bourbon, et sans jeter entre l’Espagne et nous l’éternelle antipathie dynastique.
Il jette son bouclier et combat nu. […] « Fingal jette un regard sur ses guerriers, et ses guerriers ont déjà pris leurs armes. […] J’entends le tumultueux désordre où les jette la peur. […] Deux lances sont dans sa main, et son armure jette un éclat terrible… Il abandonne au vent ses cheveux blancs : souvent il se retourne et jette un regard sur le champ de bataille : trois bardes l’accompagnent, prêts à porter ses paroles à ses héros. […] vois, je l’arrache de mon sein et le jette aux vents. » « Son sang noir sort à gros bouillons de ses flancs.
Ce qui frappe d’abord et ce qui plaît dans cette loyale histoire, c’est la franche et vaillante bonne foi qui y jette sa lumière et que l’auteur n’a pas craint de voir se retourner… jusque contre lui. […] Cette qualité inconnue aux anciens, qui composaient grandement l’histoire, mais qui n’y jetaient pas la vie dans les proportions où la pensée moderne a le besoin de l’y verser, est le mérite le plus en saillie du talent très riche et très complexe de Cassagnac. […] … Pendant trente ans et davantage, un homme, doué du plus robuste tempérament d’écrivain, se jette dans toutes les péripéties de cette guerre furieuse — la guerre du siècle — entre l’Autorité et la Liberté, entre la Révolution et les Monarchies, qui n’est pas encore près de finir ! […] L’historien même est encore plus que le philologue au fond de la thèse que Cassagnac pose et discute pour son compte, après avoir jeté bas celles des autres. […] Aussi fût-ce cette force, faite de tant d’autres, qui l’avait jeté tout d’abord à la bataille romantique, qui le jeta ensuite aux batailles politiques, dont il ne sortit plus, et où il se montra le polémiste le plus redoutable et le plus infatigable des polémistes contemporains.
Il pressent que Suzanne a jeté un sort à ce soldat candide qui apporte, à Paris, les mirages et les naïvetés du désert ; il entreprend de le sauver, malgré lui. […] De l’autre part gît Suzanne, jetée à la renverse sur un fauteuil, la tête dans ses mains. […] N’oublions pas la douce Marcelle, cette figurine d’innocente qui, jetée au milieu des scandales du salon borgne de son ignoble tante, a l’étrangeté mélancolique d’un portrait de madone pendu dans la chambre d’une courtisane espagnole. […] Pour le seul plaisir de faire pièce à M. de Jalin, en prouvant, devant lui, et malgré son dire, à M. de Nanjac, qu’une femme honnête peut venir la voir, elle s’expose à un éclat scandaleux, elle jette de l’huile sur le feu d’irritation secrète qui couve déjà entre ces deux hommes, elle les met aux prises, dans le moment extrême ou son mariage est en jeu, et où son intérêt le plus vif serait de les éloigner l’un de l’autre ! […] René, qui écoutait aux portes, vient jeter à la face du faiseur toutes sortes d’injures infamantes.
Leurs blonds cheveux, épars au vent de la montagne, Les filles se passant leurs deux mains sur les yeux, Jetaient des cris de joie à l’écho des montagnes, Ou sur leurs seins naissants croisaient leurs doigts pieux. […] À l’endroit où ce ravin s’ouvre enfin tout à fait, et où on le quitte pour descendre en serpentant les flancs de la vallée principale, il y a un tournant du chemin qui serre le cœur, et qui fait toujours jeter un cri de joie ou d’admiration. […] Je jetai enfin, comme l’âme fait toujours quand elle est trop chargée, mon fardeau dans le sein de Dieu ; il reçoit tout, il porte tout, et il rend tout. […] On ne sait de même que longtemps après les révolutions si les hommes qui y ont été jetés sont dignes d’excuse ou de blâme. […] Je marchai vers la fosse avec eux, et je jetai à mon tour les gouttes d’eau, image des gouttes de larmes, sur le cercueil de la jeune fille, et je rentrai sans avoir osé regarder le pauvre père !
Zola, est un pauvre pied plat d’imbécile, une espèce d’Icarien, qui, en 48, s’est fait prendre bêtement sur une barricade, car il ne s’y battait même pas, et qui, dans le tas des émeutiers du temps, fut jeté à l’exil. […] voilà le crapaud, voilà le dessous de la signification de cette courte églogue, jetée à travers les détails les plus prosaïques, les plus mesquins, les plus aplatis de la vie d’un pauvre curé de campagne, qui pourrait être si poétique dans sa pauvreté. […] Zola, l’auteur des Rougon-Macquart, ce livre jeté dans le moule de Balzac, — mais qui n’est ni de la même main, ni du même bronze, et qui a fait son trou dans une publicité presque insolente… Il a des amis qui ne croient peut-être pas en Dieu, mais qui croient en lui. […] Il use d’un style dont il est impossible de ramasser une phrase, eût-on un crochet de chiffonnier pour la prendre, et une hotte aussi, pour l’y jeter ! […] J’ai reconnu le tempérament de l’homme qu’était l’auteur de L’Assommoir avant que le réalisme l’eût pris tout entier et jeté dans le fond de son trou d’immondices !
On a beaucoup parlé de son scepticisme : sceptique, pour la plupart de ceux qui lui ont si souvent jeté ce mot comme une injure à la face, et qui l’ignorent peut-être, vient du verbe grec σκέπτομαι, j’examine. […] Si vous l’ignorez, lecteur, le voici : « On avait cru jusqu’à ce jour en France, et depuis Gassendi jusqu’à MM. de Fontanes et Villemain, que Lucrèce, esprit rêveur et mélancolique, jeté dans le monde à une époque d’anarchie et de discordes civiles, troublé de doutes et de terreurs philosophiques à la manière de Pascal et de Boulanger, voyant l’État s’abîmer dans les crimes, et ne sachant où la destinée humaine poussait l’homme ; on avait cru que pour échapper au vertige et ne pas glisser misérablement de ces hauteurs où l’avait emporté sa pensée, il s’était jeté en désespoir sur la solution d’Épicure, s’y attachant avec une sorte de frénésie triomphante, et que de là, dans quelques intervalles de fixité et de repos, il avait voulu enseigner à ses contemporains la loi du monde, la raison de la vie, et leur montrer du doigt le sentier de la sagesse.
À lire nos autres poëtes vivants, on sent toujours, même chez les plus instinctifs, quelque chose qui transporte ailleurs, qui nous jette en d’autres contrées, en d’autres souvenirs, qui rappelle que Pétrarque et le Tasse ont gémi, que Goethe et Byron sont venus. […] Toute cette fantaisie rapide d’une allégresse indisciplinée, cette flamme voltigeante de poésie, qui, dans les Bohémiens, s’évapore en quelque sorte à travers l’air et n’aboutit pas, vient donc, dans les Contrebandiers, se rejoindre à un fonds de pensées lointaines, mais réalisables, auxquelles elle jette un merveilleux éclair. […] Ainsi, pour exprimer que trop souvent la pauvreté ôte à l’homme le sentiment de fierté et de dignité personnelle, Franklin disait : « Il est difficile à un sac vide de se tenir debout ; » ainsi, dans le Bonhomme Richard :« Un laboureur sur ses pieds est plus haut qu’un gentilhomme à genoux. » Comme Franklin, dont jeune il apprenait le métier à Péronne, dont plus vieux il renouvelle l’ermitage à Passy, Béranger a l’imagination du bon sens. — Un art ingénieux et délicat règne insensiblement dans la distribution du recueil, dans l’ordonnance et le mélange des matières, dans ces petits couplets personnels jetés comme des sonnets entre des pièces d’un autre ton, et surtout dans ce soin scrupuleux de faire revenir tous les noms des amis et anciens bienfaiteurs comme on ramène les noms des héros au dernier chant d’un poëme.
Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) Il est pour la critique de vrais triomphes ; c’est quand les poëtes qu’elle a de bonne heure compris et célébrés, pour lesquels, se jetant dans la cohue, elle n’a pas craint d’encourir d’abord risées et injures, grandissent, se surpassent eux-mêmes, et tiennent au delà des promesses magnifiques qu’elle, critique avant-courrière, osait jeter au public en leur nom. […] Celle-ci n’a pas la décision du temps pour se diriger dans ses choix ; c’est elle-même qui choisit, qui devine, qui improvise ; parmi les candidats en foule et le tumulte de la lice, elle doit nommer ses héros, ses poètes ; elle doit s’attacher à eux de préférence, les entourer de son amour et de ses conseils, leur jeter hardiment les mots de gloire et de génie dont les assistants se scandalisent, faire honte à la médiocrité qui les coudoie, crier place autour d’eux comme le héraut d’armes, marcher devant leur char comme l’écuyer : Nous tiendrons, pour lutter dans l’arène lyrique, Toi la lance, moi les coursiers. […] Il faut leur en savoir gré, car on en pourrait trouver qui s’obstinent à nier le soleil, parce qu’ils ne l’ont pas prévu ; mais pourtant si le poëte, qui a besoin de la gloire, ou du moins d’être confirmé dans sa certitude de l’obtenir, s’en remettait à ces agiles intelligences dont l’approbation marche comme l’antique châtiment, pede pæna claudo, il y aurait lieu pour lui de défaillir, de se désespérer en chemin, de jeter bas le fardeau avant la première borne, comme ont fait Gilbert, Chatterton et Keats.
Mais savez-vous bien que cela donne envie à quelques-uns de ceux qui ont connu Victorin Fabre et qui voudraient d’ailleurs observer le respect dû à sa mémoire (et je suis du nombre), que cela leur donne envie de dire tout net que cet écrivain de talent était surtout un écrivain de labeur, qu’il pensait peu, hormis dans les sillons déjà tracés, que sa rhétorique, pour ne s’être pas faite à temps au collége, se prolongea trop longtemps dans les concours académiques, que ces concours académiques où il triompha coup sur coup en vers et en prose ne firent jamais de lui qu’un magnifique écolier, que son front de lauréat ploya, à la lettre, sous le poids de ses couronnes, et que, dès qu’un premier échec l’eut jeté hors de l’arène des concours, on ne retrouva plus en lui, devant le grand public, qu’un talent fatigué et non pas un esprit supérieur ? […] Si, en le lisant, il verse des larmes d’admiration et de douleur, s’il rougit d’avoir été couronné, s’il jette, s’il dépose cette couronne aux pieds du vaincu, alors il donnera de hautes espérances ; s’il continue à se croire vainqueur, il restera, à peu près, aussi petit que son discours. » O Garat, Garat ! […] Semblable à ces orages qui, en détruisant la moisson, ravagent et empoisonnent la terre, l’invasion avait jeté dans tous les esprits une perturbation qu’on aurait prise pour l’œuvre de plusieurs siècles.
Arlequin, transporté de joie, se jette à ses genoux. […] Son chapeau l’embarrasse, il le met sur la tête de Don Juan, qui le jette au loin, et qui lui fait beaucoup de questions sur la jeune veuve dont il est fort tenté. […] Le roi paraît ensuite ; Arlequin se jette à ses pieds, disant : “Ô prince !
Hermès, par l’ordre de Zeus, jeta les morceaux de l’enfant dans une chaudière enchantée autour de laquelle Pan — la divine Nature qui transforme et qui ressuscite — exécuta une danse mystérieuse. […] Quant à Tantale, jeté au Tartare, il y subit le supplice célèbre que l’Odyssée a décrit. […] Le dieu exauça sa prière ; une vague immense jeta devant lui, sur la plage, un char d’or attelé de coursiers ailés.
À côté de la sainte Anne, derrière la Vierge est une grande fille, belle, simple, innocente, un voile jeté négligemment sur sa tête, le reste du corps couvert d’une longue draperie, et portant une corbeille de roses ; ce n’est qu’un accessoire, mais qu’on ne se lasse pas de regarder. À droite du grand-prêtre et de l’autel, le peintre a jeté des assistants témoins de la cérémonie ; ils ont les regards attachés sur les époux. […] Je jette des germes que je laisse à la fécondité de votre tête à développer.
Les Cosaques peuvent tomber dans le Don et même s’y jeter la tête la première. […] la main sur la conscience, ce n’est pas parce qu’on s’est donnée à un homme ; parce qu’on s’est jetée à sa tête comme un projectile ; qu’on a pris la poste, du fond de la Russie, pour aller le prendre, lui, à Rome et qu’on l’y a pris, car le Don Juan ici, c’est Madame, — si on en croit Madame, — et Monsieur, c’est Mademoiselle Jocrisse, qui fait bien quelques petites façons, mais qui enfin y passe, comme disaient gaiement nos pères ! […] Ils ont été une raison de plus pour se jeter à cet homme, qui, à lui seul, vaut un orchestre et qui joue de la réputation des femmes, comme de ses pianos qu’il éreinte !
Le nouvel historien du roi René n’est pas une de ces imaginations romanesques et passionnées qu’on rencontre parfois en histoire, et qui y jettent un éclat soudain. […] Le duc de Bourgogne, c’était alors Philippe le Bon, comme dit l’histoire avec une profonde duperie ou une ironie plus profonde (on ne sait pas lequel des deux), et il usa, cet excellent duc, de sa victoire, avec la cruauté insolente et rapace d’un Bon de son espèce… Élargi un moment, au prix de ses deux enfants laissés comme otages, mais se souvenant, dit son historien, qu’il était le petit-fils du roi Jean, et revenu bientôt se remettre dans les dures mains de son vainqueur, René d’Anjou, au moment même où la France se réconciliait avec la Bourgogne et allait jeter à la porte l’Anglais, fut abandonné tout à coup par Charles VII, pour lequel il avait combattu. […] Tous ces bonheurs, qui ressemblent à des moqueries du hasard, tous ces royaumes que Dieu lui jette dans les jambes et qui finissent par le faire tomber, ne mettent en lumière que son impuissance à les garder.
Les Romantiques de 1830, qui ont tant tourné et retourné le xvie siècle, avaient trouvé, au milieu des os et des armures de cet ancien champ de batailles et de poésie, cette espèce de torse à la Michel-Ange, en corselet, qu’on appelle Agrippa d’Aubigné, — le poète-capitaine, — et ils avaient jeté un cri d’admiration devant la grande tournure de ses vers… Ce fut une surprise ; il était à peu près tombé dans l’oubli. […] Dès ses premières années, il avait jeté sur la flamme de son esprit un boisseau de connaissances qui auraient pu l’éteindre et qui ne l’éteignirent pas. […] L’âme religieuse de cet homme triple atteignait au sublime d’une foi profonde, quoique erronée ; mais pour retomber bientôt de cette hauteur aux faiblesses, ou aux forces, de l’humanité : à l’amour toujours païen de la femme, — à cette époque plus païen que jamais, — aux fureurs sacrées, comme disent les poètes » de la Muse, aux sonnets ardents qu’à la cour, pendant les trêves de ces guerres protestantes, il jetait, comme des torches, dans l’escadron volant des filles de la reine, pour leur embraser les sens et les cœurs.
Ce n’est pas là — vous le reconnaissez tout d’abord — le bouquet de cerises que Jean-Jacques jetait dans le corsage des jeunes filles de ses Confessions, et que Francis Wey, avec une grâce inconnue au pataud de Genève, ramassa un jour pour en faire, sous son habile main, quelque chose de mieux qu’un dessus déporté si vulgaire ! […] On sent que pour résister à cette poignante et cruelle ironie de l’ange qui regarde la terre et lève les épaules sous ses ailes, — dernier mouvement de la femme que la religieuse n’ait pas réprimé, — il faut que Christian ait jeté dans l’âme troublée d’Éliane de bien brûlantes impressions. […] Jetée dans le grand moule de ces madones qu’a peintes Raphaël, rien de plus agité cependant que cette puissante jeune fille, troublée par son propre cœur au moment même où elle apporte la paix et la force dans l’amour au cœur défaillant de Christian.
Archiloque le poëte, raconte Plutarque44, se trouvant à Sparte, les Lacédémoniens le chassèrent à l’heure même, pour avoir dit dans ses vers qu’il valait mieux jeter bas ses armes que mourir. » Puis, l’historien ajoutait cette fâcheuse citation du poëte : « Un Thrace s’enorgueillit maintenant du bouclier que moi j’ai laissé bien intact, au coin d’un buisson, contre mon gré sans doute ; mais par là j’évitais la mort. […] Rendez-vous fort au plus vite, en chassant loin de vous la plainte efféminée. » On le voit, avec la mobilité du génie grec, cet Archiloque, banni de Sparte pour avoir plaisanté du courage, savait l’inspirer par ses vers et s’en armait contre le mépris excité par ses fautes47 : « Ô mon âme, dit-il, battue de maux intolérables, souffre avec fermeté ; et, la poitrine jetée au-devant des ennemis, repousse-les, en restant inflexible sous leurs coups : victorieuse, ne t’enorgueillis pas ; et vaincue, ne demeure pas dans l’ombre à pleurer ; mais, dans le bonheur et dans les revers, triomphe ou afflige-toi modérément ; puis reconnais quel courant fatal entraîne les hommes. » Le poëte capable de ces mâles et sévères accents pouvait redire les hauts faits. […] Nous voyons l’empereur Julien, dans sa défense et sa réforme du polythéisme, interdire la lecture d’Archiloque, dont il admire d’ailleurs la force d’âme à lutter, en se servant de la poésie, dit-il, pour alléger, par l’opprobre jeté sur ses ennemis, les maux que lui faisait le sort. » L’esprit chrétien fut encore plus sévère au poëte impur et diffamateur.
Ils jouent aux cartes, fument, injurient le parterre qui le leur rend bien, et par surcroît leur jette des pommes. […] Il aime si fort la lutte, que, publiquement au camp du Drap d’or, il empoigne François Ier à bras-le-corps, pour le jeter à terre. […] Ce n’est pas nous qui vous arrêtons, c’est la loi ; nous ne faisons que vous conduire. » Joignez à cela deux autres empoisonnements, une machine infernale pour faire sauter toute la garnison turque, un complot pour jeter dans un puits le commandant turc. […] Périgot trompé, poussé au désespoir, persuadé qu’elle est une débauchée, la frappe de son épée et la jette à terre, sanglante. […] À cette époque encore, en Angleterre, les empoisonneurs étaient jetés dans une chaudière bouillante.
Préault a un don charmant, c’est un goût instinctif qui le jette sur le beau comme l’animal chasseur sur sa proie naturelle. […] L’œuvre de Delacroix a été mis en poudre et jeté aux quatre vents du ciel. […] et finit généralement par une phrase pleine d’aigreur qui équivaut à un regard d’envie jeté sur les bienheureux qui comprennent l’incompréhensible. […] quelle splendeur de soleil couché le nom de cet homme jette dans l’imagination ! […] Les gerbes sont empilées ; la moisson nécessaire est faite et l’ouvrage est sans doute fini, car le clairon jette au milieu des airs un rappel retentissant.
Cela devait arriver, il faut leur laisser jeter cette gourme. […] Lermontof a jeté les derniers cris romantiques et les plus stridents. […] Il passa pour avoir jeté le « premier cri ». […] Parfois une petite gamine aux yeux noirs prend à poignées des gâteaux, des fruits, et les jette au peuple. […] Sur le sol humide de ces forêts, le printemps jette une profusion d’herbes et de fleurs comme je n’en ai vu nulle part au monde.
Ménalcas le premier jette ce ravissant couplet : « Partout le printemps, partout de frais pâturages, partout les mamelles se gonflent de lait, et les petits se nourrissent, là où la belle enfant porte ses pas. […] Ces menues particularités, jetées en passant, donnent au récit un air parfait de vérité. […] Simétha, comme elle-même l’indique en son brusque monologue tout entrecoupé d’apostrophes passionnées, jette successivement dans le feu de la farine, des feuilles de laurier ; elle fait fondre de la cire, et de chaque objet tour à tour elle tire quelque application à Delphis (c’est le nom de l’infidèle) : « Comme je fais fondre cette cire sous les auspices de la déesse, puisse de même le Myndien Delphis fondre à l’instant sous l’amour ! […] » Et encore : « Cette frange de son manteau que Delphis a perdue, moi maintenant je l’effile brin à brin et je la jette dans le feu dévorant. » Puis soudainement ici poussant un cri comme si elle ressentait une morsure : « Ah ! […] Au moment où elle montre Delphis franchissant le seuil d’un pied léger, Simétha qui, à cette fin de couplet, n’a pas terminé sa phrase, jette le refrain comme entre parenthèses, et le sens se continue après cette suspension d’un instant.
La beauté de son mari jetait encore une ombre de plus sur elle. […] Quand je le vis à Terni, je m’aperçus combien il était préoccupé de la position où il mettait sa famille ; il m’en parla beaucoup, mais enfin le sort était jeté. […] Le mât se dresse dans le ciel ; la vergue, lourde de voile à demi déroulée, se hisse sur le mât ; un matelot, chargé d’un paquet de filets, passe sur la planche et jette son fardeau sur le pont. […] Entre le quai et le bord, un bel adolescent, au geste d’Achille, déroule et jette héroïquement sur la barque les lourds filets qui ruissellent en mailles et en cordages sur ses pieds. […] Une transe courageuse, mais prévoyante, jette le même frisson sur tous ces visages, à l’exception du jeune adolescent ; celui-là n’a sur la figure que la mâle fierté de son métier et la présomption de son ignorance.
Le mois suivant, en janvier 1786, j’achevai de jeter sur le papier le second et le troisième livre du Prince des Lettres ; je conçus et j’écrivis le dialogue de la Vertu méconnue. […] Je me jetai hors de la voiture, et, tombant au milieu du tumulte, muni de nos sept passeports, je me mis à disputer, à crier, à tempêter plus fort qu’eux tous ; c’est là le vrai moyen de venir à bout des Français. […] on peut l’imaginer), je m’y jetai ; les postillons se remirent en selle, la grille s’ouvrit, et nous sortîmes au galop, accompagnés par les sifflets, les insultes et les malédictions de cette canaille. […] À chaque municipalité, sur la route, où il nous fallait aller présenter nos passeports, ceux qui les lisaient demeuraient frappés d’étonnement et de stupeur au premier coup d’œil qu’ils y jetaient. […] Je ne pouvais me décider à jeter au feu mes quatre traductions du grec ; je ne pouvais non plus les regarder comme achevées, elles ne l’étaient pas.
Le meurtre, prix de l’amour est consommé, don Desiderio jette le cadavre à la mer, il triomphe et se promet le prix de son assassinat : Va, ta mort est ma vie, insensé ! […] — l’âge céleste où l’arbre de la vie, Sous la tiède oasis du désert embaumé, Baigne ses fruits dorés de myrrhe et d’ambroisie, Et pour féconder l’air, comme un palmier d’Asie, N’a qu’à jeter au vent son voile parfumé ! […] — J’ai jeté loin de moi, quand je me suis parée, Les éléments impurs qui souillaient ma fraîcheur. […] Je vivais peu en France pendant les belles années de 1828 à 1840 que Musset remplissait de ses pages presque toujours détachées et jetées au vent. […] Et nous donc, n’avons-nous pas brûlé au feu qui purifie tout deux volumes de poésies juvéniles que des amis mûrs et sévères nous conseillèrent d’anéantir, pour ne pas jeter derrière nous, sur la route de la vie, de ces pierres de scandale qu’on retrouve avec honte au retour, et qui font rougir le front sous ses rides.
Ont-elles penché leur tête Et jeté leurs cris joyeux En voyant, tout inquiète, Ta femelle sur ses œufs ? […] Depuis que l’adolescence, en troublant mes sens, avait inquiété, attendri et attristé mon imagination, une mélancolie un peu sauvage avait jeté comme un voile sur ma gaieté naturelle et donné un accent plus grave à mes pensées comme au son de ma voix. […] Une croissance rapide et une imagination qui croissait en proportion plus accélérée encore que mes années m’avaient jeté dans des langueurs et dans des pâleurs qui alarmaient mes maîtres. […] En revenant vers la ville, je roulais entre mes doigts et entre mes pensées les dizaines de ce chapelet végétal, et je le jetais sur la route, à moitié fané, en repassant la grande grille du collège, pour en recommencer un autre le lendemain. […] Bientôt il va se pencher sur le bord de son berceau, d’où il jette un premier coup d’œil sur la nature.
Mais le style de la poésie lyrique était fort déchu ; il était entravé et gêné de toutes parts, jeté à froid dans des moules usés ; les heureuses tentatives de quelques jeunes poètes tendaient à le restaurer, à l’étendre, et à ceux qui s’en étonnaient et s’en irritaient comme d’une innovation inouïe, je rappelais qu’on l’avait déjà essayé et sans tant de maladresse et de malheur qu’on l’avait bien voulu dire. […] L’excès choquant de Ronsard nous a un peu jetés dans l’extrémité opposée : on a appauvri, desséché et gêné notre langue. […] Le poète polonais Mickiewicz, dans ses considérations d’histoire littéraire, adresse un reproche de ce genre à Ronsard ; il l’accuse d’avoir rompu avec la tradition du Moyen Âge, et d’avoir jeté la poésie française dans la route qu’elle n’a plus quittée. […] Ce sentier, non frayé jusque-là, consiste à se jeter tout à fait du côté des anciens, à suivre de près Pindare, Horace ; il met son orgueil à les reproduire, à se modeler sur eux.
. — Mais quand Louis XIV, effrayé et découragé par les premiers désastres de cette funeste guerre de la succession, paraît disposé à abandonner l’Espagne et à lâcher son petit-fils, Mme des Ursins, dévouée avant tout aux intérêts de Philippe V et du royaume qu’elle a épousé, devient tout Espagnole pour le salut et l’intégrité de la couronne, rompt au-dedans avec le parti français, conjure au dehors la défection de Versailles, écrit à Mme de Maintenon des lettres à feu et à sang, s’appuie en attendant sur la nation, et, s’aidant d’une noble reine, jette résolument le roi dans les bras de ses sujets. […] Je conjecture de toutes ces choses que Mme la duchesse de Bourgogne aura la satisfaction de voir madame sa sœur reine de cette grande monarchie, et, comme il faut une dame titrée pour conduire cette jeune princesse, je vous supplie de m’offrir, madame, avant que le roi jette les yeux sur quelque autre. […] Une fois la chose jetée en avant, elle ne laisse guère passer de courrier sans y revenir, sans y ajouter, n’omettant rien pour la rendre et la montrer possible et même facile. […] Certes tout cela était bien agréablement dit et tout propre à divertir un moment les bonnes amies de France ; mais, pour ne pas s’y laisser prendre, qu’on lise aussitôt après, par contraste, les admirables et vigoureuses lettres qu’elle écrira huit ans après à Mme de Noailles (28 octobre 1709), à Mme de Maintenon (11 novembre 1709), sur les affaires publiques, sur les fautes commises, sur le précipice où l’on s’est jeté, sur les moyens d’en sortir et sur les ressources de la situation, qui n’est pas, humainement ni divinement, si désespérée qu’on la veut faire : quelle force !
J’y arrivai le premier par un accident : je montais un cheval d’Espagne fort vigoureux et qui souffrait impatiemment la neige qu’il avait jusques au ventre, et je craignais, par les efforts qu’il faisait pour en sortir, qu’il ne se jetât dans le précipice qui était sur notre droite, car nous étions fort serrés par la montagne sur la gauche, le chemin n’ayant pas plus de quatre pieds de large. Je jugeai donc à propos de descendre de cheval, et je n’eus pas plutôt mis pied à terre que le cheval, sans hésiter, se jeta dans le penchant du précipice et descendit jusques au fond, en sorte que je fus obligé de faire à pied une lieue de chemin dans la neige. […] A ces odieux, procédés, il mêle parfois des airs d’honnête homme, des semblants de sentiment ; il joue le bon apôtre : « Le sieur d’Audrehon, ministre de Lembeye, m’étant venu voir ; me dit qu’il sentait de grands mouvements dans son cœur pour embrasser la religion catholique ; mais qu’il avait encore besoin d’un, mois pour prendre sa résolution ; sur quoi, l’ayant fait entrer dans la chapelle du château de Pau, où M. l’évêque d’Oléron recevait l’abjuration d’un ancien avocat de Pau et où il y avait beaucoup de monde, je lui demandai s’il ne sentait rien dans son cœur qui le sollicitât, à la vue de son véritable pasteur, de s’aller jeter entre ses bras. […] Deux ans après Foucault fut témoin de ce qui se passa au combat naval de La Hogue, et du brûlement de nos vaisseaux : une narration confidentielle et sincère qu’il en adressa à M. de Ponchartrain sur la demande de ce ministre, jette un grand jour sur l’impéritie, le désordre, le peu de concert et d’activité des principaux chefs qui commandaient, et sur la part de torts qui revient à chacun.
Tout le temps qu’en exil vivra mon Clinias, Je veux tirer de moi quelque bonne vengeance, Amasser, travailler sans la moindre dépense, Épargner pour lui seul. » Aussitôt fait que dit : Je jette tout dehors, jusqu’à mon dernier lit ; Je ressemble en un tas meubles, outils, vaisselle ; Servantes et valets, je vends tout pêle-mêle, Y compris la maison, sauf, toutefois, les gens Dont le travail pouvait m’indemniser aux champs ; Et, des quinze talents que j’en obtins à peine, Pour bien m’y tourmenter, j’achète ce domaine, Pensant que, plus j’endure et vis en me privant, Moins j’aggrave mes torts envers mon pauvre enfant. […] C’est injuste, car si nous avions eu de quoi, nous aurions fait comme les autres ; et celui que vous me jetez sans cesse à la tête (ilium tu tuum, ce fils modèle élevé aux champs), si vous étiez homme, vous le laisseriez faire maintenant, tandis que l’âge le permet, plutôt que d’attendre qu’il ait mené votre convoi, trop tard à son gré, pour s’en aller faire après coup toutes ces mêmes choses, dans un âge moins propice. » Je paraphrase un peu ; chez Térence, chaque nuance et intention est indiquée par de simples mots bien jetés, bien placés et qui laissent à la pensée toute sa grâce (ubi te expectatum ejecisset foras, alienore ætate post faceret tamen). […] comme il se jette sur le premier ami qu’il rencontre pour lui tout raconter !
Oui, sans doute, on le sent bien à la lecture, il a manqué quelque chose à cette éloquence ; cet œil ne lançait point d’étincelles ni d’éclairs ; cette voix n’avait point d’éclats sonores, ni de ce qui vibre à distance ; mais du moins un sentiment juste, équitable, pénétré, animait cette gravité douce et abondante ; une imagination tempérée y jetait plutôt de la lumière que de la couleur ; parfois la finesse et une certaine grâce d’ironie n’y manquaient pas ; l’humanité surtout, avec la justice, en était l’âme, et cet orateur au ton sage avait en lui toutes les piétés. […] Je suis un de ceux de la flotte grecque, je le sais, et je conviens que j’ai porté les armes contre Troie ; pour ma peine, si ce crime à vos yeux est indigne de pardon, jetez-moi dans la mer et replongez-moi dans l’immensité des flots. […] Il établit les maximes hospitalières consacrées chez tout ce qui n’est point barbare ; il y joint ses aphorismes habituels de justice et de civilisation : « Il faut faire, en temps de paix, le plus de bien, et, en temps de guerre, le moins de mal qu’il est possible. » Il cite à l’appui la belle réponse de ce gouverneur espagnol de La Havane au capitaine de vaisseau anglais, qui, au moment du naufrage, jeté dans le port par la tempête, vient se livrer à lui pendant la guerre de 1746 : « Si nous vous eussions pris dans le combat, en pleine mer ou sur nos côtes, votre vaisseau serait à nous, vous seriez nos prisonniers ; mais, battus par la tempête et poussés dans ce port par la crainte du naufrage, j’oublie et je dois oublier que ma nation est en guerre avec la vôtre. […] Pendant qu’on changeait de chevaux à Osnabrück, un voyageur qui venait de France, et qui se trouvait par hasard au même relais, se présenta à eux, et, dès qu’il l’aperçut, se jeta dans les bras de Portalis.
Dans le premier moment, sa mère furieuse accourut et se jeta sur la gouvernante qu’elle voulut tuer ; elle accusa les employés du tsar et les hommes de Boris qui avaient fonction de surveillance dans la maison. […] La mère de Démétrius, la tsarine douairière, fut reléguée dans un couvent où elle prit le voile ; les oncles de l’enfant furent exilés ; les habitants d’Ouglitch furent, les uns punis de mort, les autres jetés en prison ou relégués en Sibérie. […] Des gentilshommes russes exilés, des débiteurs insolvables, « et ces hommes toujours prêts à se jeter dans les révolutions parce qu’ils ont de l’amertume au cœur, selon les paroles du Prophète », s’étaient réunis en Lituanie et lui faisaient une cour que le zèle belliqueux des Polonais allait bientôt changer en une armée. […] Je n’essayerai point de détacher les mots de passion et de réalité admirablement jetés, et qu’il faut voir en place et encadrés comme ils sont.
Champfleury regarderait, j’en suis sûr, comme une injure la qualification de poète ; en tous cas, ce n’est pas moi qui la lui jetterai à la tête. […] Bonneau, qui ne savait à quoi occuper son temps, se jeta avec fureur dans les bras de l’archéologie. […] Car si la France compte parmi les poètes contemporains de grands poètes, il n’en est pas un jusqu’ici qui ait jeté dans un moule immortel l’expression et la pensée de ce siècle. […] Au lieu de jeter au panier la défroque de l’art classique, il la retourna pour son usage, et la toge devint un pourpoint. […] Elle s’attardait jusqu’ici sur la route des idées ; pour la mettre au pas du progrès, il la jette sur une locomotive.
On les vit, attentifs à caresser ses caprices, se jeter dans toutes les voies où ils espéraient trouver le succès. […] L’arme légère de la plaisanterie a été jetée de côté. […] … Il ne choisit pas, mais il jeta son amour dans sa vengeance pour qu’elle fut plus affreuse et plus complète. […] … » Il est jeté en prison, sous une accusation de meurtre. […] Par la moisson que nous avons récoltée, jugez et quelle a été la semence, et quelles racines elle avait jetées dans le sol.
En un seul jour, il eût pu, sans forcer son naturel, se jeter au château aux pieds de Marie-Antoinette, s’asseoir en patriote sincère à la table frugale de son collègue Roland, et, sortant le soir avec Danton par le bras, se prendre aux familières confidences du sans-culotte sans façon. […] C’est sur ces entrefaites que Louis XVIII, retiré à Mittau, jeta les yeux sur Dumouriez.
Prenez la difformité physique la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, à l’étage le plus infime, le plus souterrain et le plus méprisé de l’édifice social ; éclairez de tous côtés, par le jour sinistre des contrastes, cette misérable créature ; et puis, jetez-lui une âme, et mettez dans cette âme le sentiment le plus pur qui soit donné à l’homme, le sentiment paternel. […] Et quant aux plaies et aux misères de l’humanité, toutes les fois qu’il les étalera dans le drame, il tâchera de jeter sur ce que ces nudités-là auraient de trop odieux le voile d’une idée consolante et grave.
Si c’est exact, je te demande de faire saisir mon mari, son chien et son chat et de les faire jeter de l’autre côté du fleuve ». […] Ahmed ouvre le premier poisson, puis le second ; il en jette les boyaux.
Enfin tout le monde sait combien les vrais artistes sont sobres à l’ordinaire de considérations générales, et qu’ils ne se lancent pas à l’ordinaire dans les hauteurs nuageuses de l’esthétique : ils laissent le développement littéraire aux littérateurs, et soit en enseignant, soit en jugeant, ils se jettent de prime abord dans la technique : ce n’est pas qu’elle soit tout pour eux. […] Racine enfin jette au rebut les mannequins élégants de Quinault, et produit des hommes, de vraies âmes humaines, douloureuses et vivantes : si vrai, qu’avec sa grâce puissante, il fait parfois l’effet d’être brutal à ce beau monde, accoutumé à tout ennoblir et à tout affadir. […] Zola : Le plus bel éloge qu’on pouvait faire autrefois d’un romancier, était de dire : « Il a de l’imagination. » Aujourd’hui cet éloge serait presque regardé comme une critique… L’imagination de Balzac, cette imagination déréglée qui se jetait dans toutes les exagérations et qui voulait créer le monde à nouveau, sur des plans extraordinaires (ne dirait-on pas que ceci vise Scudéry ou, si l’on veut, Corneille ?) […] Il n’est pas besoin, comme le suggérait assez ridiculement d’Aubignac, que Camille se jette par mégarde sur l’épée d’Horace : le fratricide conscient, volontaire, est plus beau dans son immoralité barbare. […] Il ne s’avise pas que Virgile et Homère ont mis des dieux dans leurs poèmes parce que c’étaient leurs dieux, les dieux nationaux et populaires : un coup d’œil jeté à côté du livre, sur la réalité que l’histoire représente, l’eût averti de son erreur.
Bien qu’il les exprime toujours sous la forme la plus resserrée, il n’en écarte aucune, et souvent les jette pêle-mêle, à mesure qu’elles s’offrent à lui, en sorte que sa pensée, qui d’abord avait été rendue avec énergie, s’affaiblit en se reproduisant sous une forme moins frappante et avec un tour moins heureux. […] On s’aperçoit en outre qu’il est brûlant de ferveur pour lord Byron, et il se jette sur ses traces avec l’étourderie d’un néophyte jurant in verba magistri. […] Un officier russe, prisonnier des Circassiens, est consolé dans sa captivité, puis délivré par une jeune fille Tchetchenge, qui, lui sachant un autre amour au cœur, se jette dans un torrent après l’avoir conduit aux premières vedettes des Cosaques. […] Sur ce léger canevas Pouchkine a jeté de charmantes broderies. […] Devant tout le peuple, elle se jeta dans ses bras en pleurant, et personne ne douta plus qu’elle ne fût sa mère.
Ce que Diderot avait cru jeter aux vents est venu, dans ces dernières années, par un retour des choses, témoigner en faveur de l’homme contre ses écrits publics, et montrer, ce qui n’est pas le seul exemple au dix-huitième siècle, un auteur qui vaut mieux que ses ouvrages. […] Les paysages idéalisés par les poètes ; les coteaux de Virgile, où le soleil fait mûrir la Vendange ; les rives phéaciennes où la tempête a jeté Ulysse parmi les compagnes de Nausicaa, ne nous sont pas plus familiers que les paysages d’Atala. […] Choisir pour l’héroïne des Martyrs une fille des Homérides, une prêtresse d’Homère, quel beau défi jeté à ceux qui préféraient, sur la foi de Voltaire, la Jérusalem délivrée à l’Iliade, et le Roland furieux à l’Odyssée ! […] Il a ouvert la marche, tenant à la main ce flambeau qui jetait tant de lumière parmi tant de fumée. […] Quel ne fut pas mon chagrin en voyant, à chaque rature, la pensée s’éloigner du vrai et les mots de leur sens propre, et tout le morceau jeter de vains rayons qui m’éblouissaient en me laissant l’âme vide !
De cette folie générale, de cette manie partout répandue dans le bas de la société de jeter ses enfants par-dessus soi, de les porter au-dessus de son niveau, comme on porte les enfants au feu d’artifice, il s’élève une France de plumitifs, d’hommes de lettres et de bureau, une France où l’ouvrier ne sortant plus de l’ouvrier, le laboureur du laboureur, il n’y aura bientôt plus de bras pour les gros ouvrages d’une patrie. […] Une lanterne jette un reflet dans l’ombre pleine d’objets, sur le casque d’un pompier, sur un visage, sur un bout de jupe à la couleur éclatante. […] Jamais la figure humaine vivante et respirante dans la lumière n’est venue sous des pinceaux comme là ; c’est sa coloration animée, c’est le reflet rayonnant qu’elle jette autour d’elle, c’est la lumière que la physionomie et la peau renvoient, c’est le plus divin trompe-l’œil sous le soleil. […] Et regardez encore la petite fille toute de lumière, enfant de soleil qui jette ses reflets d’ambre à toute la toile, cette petite fille coiffée d’or, qu’on dirait habillée d’émeraudes et d’améthystes, et à la hanche de laquelle pend un poulet : petite juive, vraie fleur de Bohème. […] Cette lettre, M. de Montalivet l’aurait jetée au feu. « Je publierai cela », ajoute-t-il.
» Pour ma part, je ne connais aucune nécessité qui autorise à jeter dans le public des germes de désordre moral. […] A Paris, il se jette un instant dans le monde ; il en est bien vite dégoûté. […] Homme fait, il entreprend de lointains voyages et va se jeter au milieu des solitudes de l’Amérique. […] La première moitié surtout de cette période se distingue par l’abondance des volumes qu’elle a jetés sur le marché littéraire. […] Mais un ouvrage plus éclatant vient jeter une pleine lumière sur ce qu’était Mme Sand en 1833.
Ce coup terrible jette notre poëte à la solitude. […] Je ne me sens ni le droit ni l’envie de jeter à Dante amoureux la première pierre. […] Ils allument les bûchers ; ils y jettent les livres et les hommes. […] Par une question jetée à la traverse, Viviane coupa court à ce petit incident. […] Et Dante eût-il pu voir éclater la Révolution sans s’y jeter ?
« — Jette-le à ces palmipèdes. […] « Et, prenant à son fils le gâteau, il le jeta dans le bassin. […] Être toujours paisible, cela ne dépend pas plus du Progrès que du fleuve ; n’y élevez point de barrage, n’y jetez point de rocher ; l’obstacle fait écumer l’eau et bouillonner l’humanité. […] L’utopie insurrection combat, le vieux code militaire au poing ; elle fusille les espions ; elle exécute les traîtres, elle supprime des êtres vivants et les jette dans les ténèbres inconnues. […] On se jette dans ces choses tragiques en se grisant de ce que l’on va faire.
Parsifal, ému d’un nouveau genre d’émotion, brise son arc en deux et le jette par terre. […] Klingsor s’approche du trou, y jette de l’encens qui ressort en vapeurs bleuâtres. […] Courant çà et là, elles jettent des cris d’épouvante. […] C’est à qui lui touchera le menton, lui jettera les bras autour des épaules. « Il est à moi ! […] Le magicien se montre sur une terrasse et jette la lance sacrée contre le téméraire qui le brave.
Molé homme politique, une extrême justesse de jugement, une balance parfaite et d’une singulière délicatesse, qui rendait raison à l’instant de tout ce qu’on y jetait ; il l’avait nommé grand juge, c’est-à-dire ministre de la justice, à trente-trois ans et sans que M. […] Je me rappelle avoir eu l’occasion de rencontrer alors, et dans la première semaine qui suivit, deux hommes d’État, très inégaux par l’âge, mais qui avaient pris grande part l’un et l’autre à ce qui n’était plus, et jetés tous deux de côté par la tempête ; je fus frappé de voir que si l’un, le plus jeune, était sombre, estimant tout perdu, la société s’écroulant dans l’anarchie et le monde penchant à sa ruine, l’autre (c’était M.
Cousin qui sentait bouillonner en lui la double sève du talent et de l’ambition, se jeta dans le combat, tête baissée. […] Jette un cri vers le ciel, ô chantre des enfers, Le ciel même aux damnés enviera tes concerts. […] Tout en reconnaissant la puissance du nouveau poète on se hâta de jeter l’anathème contre l’école qu’il venait créer. […] Comme tout le monde, cependant, ils sont de fêtes et de banquets ; mais la poétique de l’école veut que dans leurs écrits ils pleurent et jettent des cris lamentables. […] Jetez au vent notre amour consumée ; Éternel Dieu !
Les idées vont faire silence devant les événements ; mais les semences ont été jetées dans les intelligences, elles y fructifieront. […] De là, sans doute, ces formules d’une précision géométrique dans lesquelles il jetait ses idées comme dans un moule. […] Un jour, par un grand otage, là tante de Pierre-Jean, qui était pieuse, jetait de l’eau bénite dans l’appartement ; l’enfant, placé sur le seuil de la porte, ricanait tout bas, comme il convient à un esprit fort ; lorsque tout à coup la foudre, tombant à côté de lui, le jeta dans une paralysie complète. […] Il a été tribun au début du consulat puis le seul sentiment durable de sa vie, son admiration pour madame de Staël, l’a jeté dans l’opposition. […] Cousin, qui allaient jeter tant d’éclat et attirer une grande affluence, devaient être les lecteurs du livre De l’Allemagne.
elle n’en sait rien ; en attendant elle plaisante, elle jette ses regards çà et là, en riant de tout le monde, et en médisant de toutes choses. […] En ce temps-là, la philosophie de Descartes jetait déjà, dans tous les esprits, ses premières et irrésistibles clartés. […] Tout ce que l’imagination la plus fraîche a pu réunir de sentiments les plus délicats, Molière l’a jeté à profusion dans cette petite pièce. […] Philinte sera jeté en prison s’il ne donne caution ; — Alceste répond pour Philinte, en présence d’un agent et cet agent l’arrête, quand il entend le nom d’Alceste. […] C’est un esprit qui pétille, il est vrai, et qui jette partout en son chemin, mille étincelles, mais sans efforts, mais sans recherche.
Arcadi Pavlitch baissa la tête, jeta un regard oblique sur le coupable et parut réfléchir. […] Les paysannes en jupes rayées jetaient des bâtons aux chiens trop zélés ou assez peu perspicaces pour nous accueillir par des aboiements. […] Arrivée devant moi, elle se jette à mes pieds. […] La petite fille jeta les yeux sur moi, et rentra dans l’isba : je la suivis. […] Iakof jeta les yeux de son côté, et à partir de ce moment, le timbre de sa voix acquit une force, une douceur encore plus entraînante.
Corneille, s’élevant tout à coup au dessus des déclamateurs barbares qui n’avaient encore pris aux grecs que la règle des trois unités, jeta le premier de longs sillons de lumière dans la nuit qui couvrait la France. […] Quel éclat jettent ses premiers rayons ! […] Mais aussi combien une supériorité si décidée et si éclatante dut jeter d’effroi parmi tous les aspirans à la palme tragique ! […] Ne vois-tu pas que les serpens que l’envie jette sur son passage, expirent à chaque pas que tu fais, tandis que ceux qu’elle porte dans son sein la rongent éternellement ? […] Il jeta quelquefois du ridicule sur les écrivains qu’on lui opposait ; mais s’il les combattait avec des plaisanteries, il leur laissait les cabales et les intrigues.
La grande lignée de nos rois, les Louis IX, les Charles V, les Louis XII et même les François Ier, en rassemblant sous leur main la France et en augmentant le fonds de la nation, contribuaient cependant, de siècle en siècle, à jeter les fondements de l’idée de patrie. […] Il en revient toujours à ses projets de lois somptuaires pour arrêter le luxe et forcer la bourgeoisie, les gens de justice, police, finance, d’écritoire (c’est tout dire), « qui sont ceux qui se jettent aujourd’hui le plus sur le luxe », à rétrograder jusqu’aux mœurs de Louis XII ou de Charles VIII et de Louis XI. […] Pour ces sièges « entrepris, comme on disait, à la racine des Alpes », il fait transporter, au temps voulu, pièces et munitions ; il étudie et saisit le côté faible des places, le point unique où le canon y peut mordre ; il pronostique le jour et l’heure de la prise ; il ne s’en fie qu’à ses yeux et se risque de sa personne, seul, dans des reconnaissances jusqu’au pied des bastions ennemis ; sur quoi il mérite que Henri IV lui écrive, à la fin de ce siège de Montmélian : Mon ami, autant que je loue votre zèle à mon service, autant je blâme votre inconsidération à vous jeter aux périls sans besoin. […] Certains projets, tels que celui d’une confédération entre les États chrétiens et d’une sorte de grande république européenne, semblent avoir pris dans le souvenir de Sully et sous la plume de ses secrétaires, pendant les années de retraite et d’exil, plus de consistance et d’enchaînement qu’ils n’en durent jamais avoir dans ces libres conversations du monarque ; l’on ne saurait y voir de la part de Henri IV que des saillies et des souhaits tels qu’un roi de grand esprit en jette en causant.
Après avoir jeté en passant quelques idées sensées et pratiques sur la réforme à faire dans les études, il arrive à ses années de jeunesse proprement dite : elles furent plus ardentes que romanesques et délicates. […] Il s’abandonnait chaque jour au même mouvement, pour lui facile, au même entrain sans cesse répété ; il ne se renouvelait pas, il ne grandissait pas : « Il n’est pas rare, disait-il, qu’on prenne dès la première entrevue l’opinion qu’on a de mon esprit. » Et en effet, c’est que, dans sa verve improvisatrice mondaine, il donnait d’abord sa mesure ; il jetait à tous venants ce qu’il avait de mieux, ce qu’il avait de plus original et de plus vif. […] Les bons chapitres de Duclos n’ont que l’inconvénient d’être d’une observation morale trop suivie, trop continue, sans rien qui y jette du jour et de la lumière ; ils sont semés de jolis mots qui gagneraient à être détachés, et qui sont faits pour circuler comme des proverbes de gens d’esprit : L’orgueil est le premier des tyrans ou des consolateurs. […] Il y a, à côté du neuf, des remarques communes, et le tout est trop entassé : aucune invention n’y jette la variété comme cela s’était vu dans les Lettres persanes.
Tout à coup une occasion de tourner la difficulté se présente : l’Électeur de Cologne avait des prétentions sur la ville de Cologne, qui, pour y échapper et pour maintenir les franchises qu’elle s’arrogeait » se jette dans les bras de la Hollande. […] Le comte de Guiche, à la tête des cuirassiers et de la brigade de Pilloy et de plusieurs gens de qualité de la cour volontaires, se jeta dans le Rhin ; un escadron des ennemis, qui était posté dans le Tolhus, débusqua brusquement de son poste et se jeta de son côté d’assez bonne grâce dans le Rhin pour disputer le passage de ce fleuve au comte de Guiche, et fit sa décharge dans le milieu de l’eau, de laquelle Guitry, grand maître de ma garde-robe ; Nogent, maréchal de camp et maître de ma garde-robe ; Théobon et quelques autres officiers ou volontaires furent tués ; Revel, colonel des cuirassiers, et quelques autres blessés. […] Survient l’incident fâcheux, l’emportement des jeunes gens « de la première qualité de France » qui, au moment où le prince de Condé s’approche des retranchements des ennemis pour accélérer leur retraite, se jettent en avant et les forcent à plus de résistance qu’ils n’en comptaient faire : « Tous ces volontaires, la plupart jeunes gens désireux de se distinguer à ma vue, et de mériter mon estime et celle du plus grand capitaine de l’Europe qui était à leur tête, donnèrent d’abord beaucoup d’occupation au prince de Condé pour les retenir ; mais enfin le duc d’Enghien et le duc de Longueville lui échappèrent et voulurent forcer une barrière pour, joindre les ennemis.
C’est par ce jeu prudent et serré, et par l’habileté de ses manœuvres, qu’il parvint à couvrir Arras, cette capitale de l’Artois, sur laquelle l’ennemi avait d’abord jeté ses vues et qui lui aurait ouvert l’entrée dans l’intérieur du royaume. […] Louis XIV cependant voulait qu’on fît quelque chose : lui qui avait recommandé la prudence et d’éviter une affaire générale tant que la négociation se poursuivait avec l’Angleterre, il exigeait maintenant qu’on tentât plus qu’on ne le faisait, et qu’on jetât le dé plus hardiment : « Mon intention, mandait-il à Villars le 21 juillet, n’est pas de vous engager à faire ce qui est impossible ; mais, pour tout ce qu’il est possible d’entreprendre pour secourir Landrecies et empêcher que les ennemis ne se rendent maîtres de cette place, vous devez le faire ; votre lettre n’explique point en quoi consiste le désavantage qui peut se trouver en attaquant les ennemis entre la Sambre et le ruisseau de Prisches39. […] En conséquence, rien ne fut négligé, dans la journée du 23 juillet, de ce qui pouvait donner le change au prince Eugène pour lui faire croire à une bataille le lendemain devant Landrecies ; on travaillait à jeter des ponts sur la Sambre comme si toute l’armée devait y passer ; on fit un gros détachement comme pour reconnaître le terrain où l’on devait combattre. […] » Et en même temps j’envoyai des officiers au grand galop dire à Vieuxpont de jeter ses ponts, et moi-même je me mis dans ma chaise de poste pour aller plus vite. » Selon Montesquiou encore, au moment où il se disposait à brusquer l’attaque du retranchement, avant que Villars, retenu près des ponts, eût pris le temps de le rejoindre, il fut retardé par un message de ce dernier : « Dans le temps que j’étais en mouvement, M. le maréchal de Villars m’envoya MM. de Narigis et de Contades pour me dire de retarder, qu’on lui conseillait de se retrancher.
Et qui plus est, par une veine de comique qu’il y a intrépidement jetée, c’est ici vraiment un Tacite à la Shakspeare. […] Je ne savais auquel courir, du général ou de mon père ; la nature en décida : je me jetai dans les bras de mon père et je lui cherchais un reste de vie, que je craignais ne plus lui trouver, lorsqu’il m’adressa ces paroles que toute la France trouva si belles, qu’elle compara le cœur qui les avait dictées à ceux des anciens et véritables Romains ; et je crois que la mémoire s’en conservera longtemps. […] Le maréchal jeta quelques pièces d’argent au peuple. […] Saint-Simon a cette vertu de faire mieux ressortir des peintures vraies, mais qu’on remarquait moins avant qu’il fût là pour y jeter de ses réverbérations et de ses reflets.
Il ne voit que lui, et se jette à son cou pour l’embrasser : « Mais où vas-tu, grand-père ? […] Au moment où elle prend un couteau pour trancher le mouton, il jette un coup d’œil sur sa main qu’elle voudrait dérober : ce n’est que trop vrai ! […] La bonne vieille Jeanne, diseuse de bonne aventure, que la noce rencontre, jette un moment quelque nuage à ces fronts sereins, par des paroles obscures et funèbres ; mais « sur un petit ruisseau clair comme de l’argent, que peuvent deux gouttes d’eau trouble ? […] Coutume du pays : on va chercher au bois des branches d’arbres, et surtout de laurier, qu’on jette ensuite sur le chemin de l’église et à la porte des conviés.
Ailleurs, la vulgaire comparaison du croissant de la lune à une faucille, gagnant par une contagion semblable les autres idées réunies dans la même phrase, entourant l’image primitive d’images complémentaires, a créé un merveilleux tableau : Tout reposait dans Ur et dans Jerimadeth ; Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ; Le croissant fin et clair, parmi ces fleurs de l’ombre, Brillait à l’occident, et Ruth se demandait, Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles, Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été Avait, en s’en allant, négligemment jeté Cette faucille d’or dans le champ des étoiles. […] C’est que l’adjectif monstrueux a jeté un rayon de lumière sur le participe accroupis, et l’on saisit immédiatement la comparaison de ces canons aux monstres que les Égyptiens et les Assyriens plaçaient aux portes de leurs palais. […] Tout réduire à la métaphore, c’est le procédé des précieux : mais jeter la métaphore au milieu des termes propres, n’est-ce pas scabreux aussi, et souvent ridicule ? […] Si je jette la vue devant moi, quel espace infini où je ne suis pas !
Je ne jetterai pas, à ce propos, de pierres dans votre jardin… de Nice, au risque d’écraser vos hortensias et d’émousser votre bêche d’acier fin. […] Mais il l’a si traîtreusement déformé, il l’a tant et tant de fois jeté en l’air, que le sombrero en est tout grotesquement bossué ; il a roulé à l’entour tant de rubans ridicules, il en a tourmenté les bords d’une telle façon, que le grave couvre-chef du conspirateur est devenu un chapeau d’arlequin. […] si Champfleury pouvait contempler — comme moi — la dernière ligne de ce manuscrit, où la mort n’a pas laissé le temps de jeter le point final, certes son œil deviendrait morne et s’humecterait… peut-être même ferait-il une Méditation lamartinienne, en songeant que les réalistes de ce bas monde ne sont que vanité ! […] Mais dans les circonstances et dans l’époque où sont jetés les personnages de Murger, cette médiocrité tranquille et rangée, qu’ils envient peut-être, ils ne peuvent guère y atteindre.
Or, sans métaphysique, on manque éternellement du point fixe qu’il faut établir, en esthétique comme en morale, car le beau doit avoir la certitude du devoir, et on retombe aux petites misères de la sensation individuelle qui sont toujours de petites misères, quelle que soit la grandeur de l’homme qui donne sa sensation pour règle et qui la jette dans la balance, comme Brennus son épée, pour l’entraîner du côté de la vérité ! […] L’âme, à cette heure, est aussi ruinée que Venise, et pour Aubryet plus que pour personne ; car Xavier Aubryet ne croit à aucun des mérites et des puissances morales de ce temps-ci, et s’il a écrit Les Patriciennes de l’Amour, ce n’est probablement pas qu’il les ait jamais rencontrées, mais c’est qu’il en a très certainement rencontré d’autres, peu patriciennes, et, disons le mot, même un peu canailles de l’amour… et que, de mépris pour celles-là, il a trouvé bon et soulageant de leur jeter à la figure son idéal au désespoir ! […] Il a planté là insoucieusement l’opinion publique, les goûts publics, les femmes qui deviennent de plus en plus des choses publiques, et il s’est plongé, d’un magnifique élan, dans l’innocence, la pureté, tous les azurs, tous les éthers, toutes les modesties, toutes les naïvetés des cœurs simples, toutes les célestes gaucheries, comme Léandre se jetait dans l’Hellespont pour aller retrouver sa pauvre Héro sur le rivage solitaire ! […] car ce sont les défauts des esprits élevés, qui dédaignent les idées et les formes communes et qui, pour les éviter, se jettent un peu trop loin et manquent la simplicité… Trop de zèle !
L’homme a la faculté superbe d’être prodigue, même avec rien, et Brizeux a été l’Enfant prodigue de son obole : il l’a coupée en quatre, dispersée, jetée à tous les vents ! […] Il tremble que la civilisation ne passe son agréable rouleau sur la terre vierge et âpre de son pays, et il se jette tête baissée dans cette civilisation, absolument comme Gribouille se jette dans l’eau de peur de se mouiller. […] Auguste Brizeux, qui n’a l’air nullement Celte, avec sa redingote noire et son lorgnon jeté par-dessus.
C’était une goutte de parfum que nous voulions jeter sur sa route ; cette goutte d’huile a servi à attiser encore le feu des rancunes. […] On dit que d’écrivain tu t’es fait jardinier ; Que ton âne au marché porte un double panier ; Qu’en un carré de fleurs ta vie a jeté l’ancre Et que tu vis de thym au lieu de vivre d’encre ? […] Je crois te voir encore, À l’heure où sur Paris montait la rouge aurore, Quand ma lampe jetait sa dernière lueur, Et qu’un bain de ma veille étanchait la sueur ; Tu t’asseyais tranquille au bord de ma baignoire, Le front pâle et pourtant illuminé d’histoire ; Tu me parlais de Rome un Tacite à la main, Des victoires d’hier, des dangers de demain, Des citoyens tremblants, de l’aube prête à naître, Des excès, des dégoûts et de la soif d’un maître, Du défilé terrible à passer sans clarté, Pont sur le feu qui mène au ciel de Liberté !
Boileau leur fit l’effet d’un médisant comme les autres, mais plus forcené que les autres : car il ne prenait pas un adversaire, ou deux, comme les plus enragés faisaient auparavant ; il semblait jeter aux quatre vents le défi de Rodrigue ; tout ce que les lettres nourrissaient de grands et de petits, de redoutables et de méprisables, faiseurs de sonnets et de romans, d’épopées et de petits vers, il n’épargnait personne, et chaque pièce nouvelle qu’il donnait et qui courait manuscrite sous le manteau offrait à la risée publique encore de nouveaux noms. […] Ils ont senti que ce n’était pas là un poète de ruelles, et que le « fin du fin », le galant, le tendre, l’héroïque, tout ce qu’étalaient les auteurs à la mode, et tout ce dont raffolait le « grand monde purifié » d’avant 1660, que tout cela était condamné, jeté au rebut, livré à la dérision. […] Comme il ne pouvait souffrir les mauvais ouvrages, il en voulait aussi aux auteurs qui jetaient du discrédit sur la littérature par leurs mœurs et par leur caractère.
La guerre de 1870 fit de cet Alsacien un républicain : il se jeta alors avec passion dans le journalisme, où il n’avait été jusque-là qu’amateur. […] La déconsidération profonde que la lointaine expédition du Mexique jeta sur le gouvernement, est due en grande partie à l’éloquence passionnée de Jules Favre, qui pendant quatre sessions ne laissa passer aucune faute, aucun scandale de cette malheureuse entreprise. […] Italien, qui avait jeté une bombe sous la voiture de l’empereur.
Il était féru de ce poète dont le seul nom prononcé le jetait en de grands enthousiasmes. […] » Et, continuant à bousculer son prédécesseur, il franchit le seuil à son tour, claqua la porte pour lui couper la retraite, courut au lit de Verlaine, lui serra les mains plein d’effusion et, avec l’enthousiasme d’un assaillant qui déploie un drapeau sur la citadelle enfin conquise, jeta triomphalement son nom en l’air : « Louis Le Cardonnel ! […] C’est aux terrassiers de Verlaine que je pensais, le soir de l’inauguration de son monument, à ce banquet où trois cents intellectuels se livraient à un charivari forcené, jetaient leurs assiettes à la tête des récitants et se refusaient même à entendre ses vers, et la comparaison n’était pas à leur désavantage.
Voilà ce qu’il y a d’injuste dans l’anathème jeté par le christianisme sur la vie présente. […] Il est singulier que les deux classes qui se partagent aujourd’hui la société française se jettent réciproquement l’accusation de matérialisme. […] Jetez un regard sur ce triste monde qui obéit à Tibère ; dites-moi s’il est bien mort.
Jeté par ses folies de jeune homme et les passions d’une époque qui avait aussi ses folies sur le pavé de Paris, ce bitume d’enfer qui fond les fortunes, les caractères et les courages, Gaston de Raousset, même quand il fut le plus ce qu’on appelle un franc jeune homme, ivre de ce pauvre luxe dont il eut bientôt vu la fin, éprouva toujours ces virils tressaillements intérieurs qu’éprouvent les natures héroïques quand elles sentent que l’action leur manque, l’action pour laquelle elles sont faites ! […] Cette explication qui n’est que le pléonasme de l’ignorance, et que l’homme jette à l’événement lorsqu’il ne le comprend plus. […] chacun pourra te voir, Comme la grappe mûre et jetée au pressoir, Foulé par le destin………………………… Tu souffriras !
La France monarchique et catholique à la vie dure vivait toujours, malgré tout ce qu’on avait fait pour la tuer… Les causes du succès du Génie du Christianisme, qui fut un triomphe et qu’on pouvait appeler : le 18 brumaire de la pensée, car ce jour-là Chateaubriand avait jeté les idées de la Révolution par la fenêtre, comme Bonaparte y avait jeté les représentants, — les causes de ce beau succès n’étaient pas toutes dans le talent, nouveau comme le Nouveau Monde, d’où il venait, et qui se révélait tout à coup avec tant d’éclat… Mais le succès de Lamartine, beaucoup plus personnel, venait, lui, uniquement de son genre de génie. […] il se jeta, avec la passion enivrée d’un poète, et qui coupa et barra le flot superbe dont il était la source.
Quant à Jules Soury, qui a vraiment un nom providentiel pour un rat de bibliothèque, — et l’on m’a dit qu’il en était un, — je ne l’aurais pas encore aperçu dans la poussière des endroits où il gîte, si la Revue des Deux Mondes ne lui avait pas jeté sa vieille serpillière saumon sur le dos. […] C’est une nature ingrate, mal venue, inquiète, qui, humiliée et froissée dans le milieu où se sont développées ses sœurs, se replie solitaire sur elle-même, jette à la dérobée des regards d’envie sur le cloître, médite des projets d’évasion. […] elle aurait été, du reste, tout ce qu’il dit, l’insulteur de la Revue des Deux Mondes, qui lui jette au front la boue de son érudition suspecte, qu’elle n’en aurait été que plus grande de se faire carmélite, et plus grande sainte aussi d’être une sainte, dans des conditions pareilles de tempérament vicié et d’abjecte nature ; mais elle ne l’était pas !
A-t-il donc dans son cornet une nouvelle graine à semer comme il jette le sable pour faire sécher son écriture ? […] Enfin dans ce petit homme qui jette dans le goufre de Décius sa personne autant qu’il peut, du moins sa vie, son passé, sa considération, ses amitiés, tout ce qui lie et enchaîne les hommes, — qui retrousse ses manches et descend bras nus pour faire l’athlète comme au premier soleil du combat, — on peut voir un insulteur, mais un insulteur héroïque, un Spartacus qui a un peu trop la fièvre, mais à qui ses airs de moine et sa vieille soutane n’ont pas ôté toute verdeur, je n’ose dire grandeur. » Voilà ce que dirait un bon Génie, un Amschaspand.
Chaque plainte qui lui venait, chaque sourire passager, chaque tendresse de mère, chaque essai de mélodie heureuse et bientôt interrompue, chaque amer regard vers un passé que les flammes mal éteintes éclairent encore, tout cela jeté successivement, à la hâte, dans un pêle-mêle troublé, tout cela cueilli, amassé, noué à peine, compose ce qu’elle nomme Pauvres Fleurs : c’est là la corbeille de glaneuse, bien riche, bien froissée, bien remuée, plus que pleine de couleurs et de parfums, que l’humble poëte, comme par lassitude, vient encore moins d’offrir que de laisser tomber à nos pieds. […] Il y a des souvenirs d’enfance, la Maison de ma Mère : Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse ; Rien que jeter au ciel ma voix d’oiseau, mes fleurs ; Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse, Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes pleurs ; Je n’avais rien appris, rien lu que ma prière, Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ; J’écoutais Notre-Dame et j’épelais les cieux, Et la vague harmonie inondait ma paupière : Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu’un jour On m’entendrait aimer pour me répondre : Amour !
Walewski depuis qu’il observe le monde, c’est le danger, dit-il, auquel se trouve exposée une jeune femme qui, jetée sans défense parmi les médisances des salons, peut voir, dès le premier pas, sa réputation compromise et son avenir perdu : il en a fait le sujet de sa pièce. Une autre chose l’aurait pu frapper aussi, ce me semble, c’est le danger d’illusion et le travers auquel se trouve exposé un galant homme qui, jeté, jeune et riche, au milieu de l’éclat et des politesses du monde, et s’avisant un beau jour de s’y vouloir faire une réputation d’auteur, se met à croire à tous les compliments qui lui arrivent, et aux cartes de visites sur lesquelles on lui crayonne des bravos.
Capitaine de frégate, ayant ordre, en 1805, d’appareiller avec la Pomone et deux bricks pour se rendre dans les eaux d’Alger et y réclamer du Dey 250 Génois pris par les corsaires algériens et jetés dans les fers, il montra une énergie, une volonté devant laquelle la puissance barbaresque dut plier. […] Je l’ai jeté, exprès dans un commandement isolé et en chef, car je ne crois pas au proverbe que pour savoir commander il faut savoir obéir. » La campagne de Prusse donna au prince Jérôme une occasion de prouver la bonté naturelle de son cœur.
Une fois, pour avoir « rapporté », la petite Hélène est jetée par terre d’un croc-en-jambe, et tout le pensionnat lui saute par-dessus le corps en la bourrant de coups de pied. […] La pauvre victime « jeta les yeux de tous côtés pour voir s’il ne lui viendrait aucun secours.
« Comme le médecin qui, pour sauver le malade, mêle à des breuvages flatteurs les remèdes propres à le guérir, et jette au contraire des drogues amères dans les aliments qui lui sont nuisibles, etc. » Platon, de Leg. […] La Vérité du Tasse est une Muse, un Ange, je ne sais quoi jeté dans le vague, quelque chose qui n’a pas de nom, un être chrétien, et non pas la Vérité directement personnifiée, comme celle de la Henriade.
La pauvre Désirée ne meurt pas dans la Seine où elle s’est jetée. […] Daudet ajoute que le lendemain de Buzenval il a jeté ce képi en haut d’une armoire. […] C’est que là il a aimé d’un amour qu’il a fallu vaincre quand il est parti pour se jeter dans la mêlée. […] En emportant son balai, elle jeta un coup d’œil autour d’elle, pour s’assurer que le ménage du bon Dieu était bien fait. […] Comme Gaboriau, il nous jette dès le début en pleine action et nous fait pénétrer dans le cœur même du sujet.
Je m’y jetai alors, et la république sauva tout, tant qu’elle ne se transforma pas en Montagne et ne menaça pas la France de spoliation et d’échafaud. […] Je suis parvenu à en payer jusqu’à quatre aujourd’hui ; il m’en reste un et demi à faire, et, si j’y parviens avant de mourir, je mourrai en paix, sauf Milly, mon cher berceau, que j’ai été obligé de jeter au naufrage ! […] On ouvre le Constitutionnel du lundi ; l’on sait ce qu’a pensé l’Europe, ce qu’elle pense et ce qu’elle pensera dans ce siècle. — L’esprit de parti ne jette plus ni ombre, ni tache, ni prévention sur la page. […] Avec quel attendrissement grave et quel coup d’œil mélancolique jeté sur l’humanité, sa mémoire le reportait alors aux orages des derniers temps ! […] Si je vous pardonne ce lambeau de culte jeté sur votre foi de déiste, c’est qu’il me semble que c’est à quelque beauté, tendrement superstitieuse, que vous l’avez emprunté par condescendance amoureuse.
C’est pourquoi chacun d’eux, ayant pris sa hache, se rendit auprès du même fleuve pour couper du bois, et, ayant jeté fort à propos sa cognée dans le courant, s’assit en pleurant. […] Nous n’avons pas autant de loisir que La Fontaine, et je saute deux pages bizarres qu’il n’a pas sautées : « Mercure avec son chapeau pointu, sa capeline, talonnières et caducée, se jette par la trappe des cieux, fend le vide de l’air, descend légèrement en terre, et jette aux pieds du bûcheron les trois coignées ; puis lui dit : « Tu as assez crié pour boire. […] La Fontaine, pour mieux frapper les orgueilleux, lui donne un ton de protection insolente, et le jette aux pieds de celui que sa bienveillance voulait humilier. […] Comme il était naturellement pitoyable, il dit en lui même : « Il est vrai que ces animaux sont ennemis des hommes, mais aussi les bonnes actions sont très-estimables, et quiconque sème la graine des bonnes oeuvres ne peut manquer de cueillir le fruit des bénédictions. » Après avoir fait cette réflexion, il prit un sac qu’il avait, et l’ayant attaché au bout de sa lance, il le tendit à la couleuvre, qui se jeta aussitôt dedans. […] Jette les yeux sur toi.
Tel est le rôle qu’ont joué, dans les deux siècles qui ont précédé le nôtre, les réfugiés protestants, et dans notre siècle, et dans notre siècle, après chacune de nos révolutions, les bannis de la monarchie, de l’Empire, de la République, tous ces essaims jetés et dispersés sur la surface du monde par le peuple qui exile le plus, sans doute parce qu’il est celui qui émigre le moins. […] Il faut saisir l’occasion au vol, profiter de la minute d’attention que le public veut bien accorder, lui jeter sa pensée toute brûlante et telle qu’elle a jailli du premier jet. […] Un regard rapide jeté sur le siècle qui vient de s’écouler prouve déjà que, si l’on veut porter un jugement sérieux, il faut, comme toujours, opposer en un tableau bilatéral les pertes et les gains littéraires qu’on peut attribuer à l’orientation politique de la France nouvelle. […] Il a jeté une teinte de ridicule sur les œuvres nées loin de lui ; il a dédaigné, ignoré les hommes qui n’ont pas pu ou voulu entrer dans son orbite. […] Lorsqu’un de nos frères, sorti depuis quelques mois du collège, reparaissait en uniforme de housard et le bras en écharpe, nous rougissions de nos livres et nous les jetions à la tête des maîtres.
j’étais beaucoup plus fort que lui, me dit-il, mais l’épée me grise… ça m’arrive même à la salle d’armes… Je me suis jeté sur son épée… le foie est touché… S’il n’y a pas de péritonite… Il n’achève pas sa phrase, mais tout affaibli qu’il est par la perte de son sang, on sent dans le noir de son œil, la volonté de se rebattre un jour. […] Les critiques, qui ont parlé du roman de Feuillet, ont tous cité, avec transport, des « propos à faire rougir un singe, sans se souvenir que cette phrase avait été jetée cinquante fois au public, cette année même. […] Une insupportable insomnie cette nuit, et ne sachant à quoi occuper ma pensée, je me suis levé, et ai jeté le scénario de cette bouffonnerie sentimentale 1. […] Tout le boulevard devant les bureaux du Gaulois, était plein de juifs, et, à toute minute des coupés, comme on en voit à la porte de l’église Saint-Augustin, jetaient un israélite sur la chaussée. […] me jette le concierge.
Ce fut une époque cruelle de sa vie, sur laquelle nous n’avons pas à jeter les yeux. […] Regard jeté en arrière. […] ou je me jette à l’eau ! […] Alors Daniel jeta un regard clair dans le salon. […] Il jette son dévolu sur la petite Gillette, sœur de l’illustre cantatrice Rosalinde.
Carthage en détresse jetait ses enfants au ventre embrasé de Moloch-le-Dévorateur. […] Mais il reste un dernier Chef, et l’Espion semble avoir retardé son nom, sachant quel dé fatal il va jeter sur le champ de mort. — « Le septième enfin, celui qui marche à la septième porte, je dois le dire, c’est ton frère. […] Elle jeta à terra le philtre divin, et remonta vers le ciel, laissant cette bête féroce crever sur sa proie. […] Puissance de l’imprécation consommée, exécration du fratricide et déploration des frères entre-tués, chute d’une maison royale abattue dans son propre sang, l’inceste qui a engendré tous ces maux, rappelé par un cri jeté vers la mère « malheureuse par-dessus toutes celles qui ont conçu sur la terre » : tel est le thème pris et repris par ces voix pleurantes. […] Quant à Polynice qui a envahi et dévasté sa patrie, son corps sera jeté hors des murs, et « les oiseaux carnassiers seront son tombeau ».
J’ai jeté loin derrière moi le sac théologique de ce que vous appelez, vous autres, les pieuses croyances. […] On jetait une bourrée de myrte odorant au feu, et nous causions avec la confiance qu’inspirent aux hommes la solitude et la bonne foi. Je lui inspirai quelques doutes sur son incrédulité ; et lui jetait, en fait de musique, d’arts et de poésie, beaucoup d’éclairs sur mon ignorance. […] Sur la terre jeté, manquant de lyre encore, Errant, que faisiez-vous de ce don qui dévore ? […] Il lui reste longtemps des besoins d’expression plus parfaite qu’il cherche involontairement à jeter dans sa nouvelle forme.
toute votre vie, enfin, dans une seule légère fumée, sortant du fagot de buis que la servante jette le soir sur les cendres chaudes ! […] N’est-ce pas ainsi que votre père et votre oncle accueillent et retiennent ici les étrangers que l’adversité jette si souvent à leur porte ? […] Ne courais-je pas d’un siège à l’autre, et, bien qu’il y eût plusieurs fauteuils dans la chambre, ne me jetai-je pas sur le seuil de la porte, entourée des servantes, jeunes et vieilles, qui pleuraient comme moi, autour de moi ? […] « Il jette sur ses épaules une besace toute déchirée ; une corde lui servait de ceinture. […] … » Le vieillard à ces mots sent son cœur et ses genoux défaillir ; il jette ses deux bras autour de la tête d’Ulysse, son fils !
Un soir, les Sarrasins lui lancent à plusieurs reprises le feu grégeois, qui avait quelque chose de magique et de diabolique à ses yeux comme aux yeux de tous ceux de l’Occident : Toutes les fois que notre saint roi entendait qu’ils nous jetaient le feu grégeois, il se dressait en son lit et tendait les mains vers Notre Seigneur, et disait en pleurant : « Beau sire Dieu, garde-moi mes gens ! […] Un des leurs, Gautier de Cureil, leur en avait donné le conseil : dès que les Sarrasins lançaient leur coup, eux ils se jetaient tous à genoux dans leur tour ; là, appuyés sur leurs coudes, ils attendaient en prière l’effet de la redoutable bordée, et ne se relevaient que dans les intervalles. […] Mais Dieu le sauve à l’aide du bon Sarrasin qui parvient à le mener jusqu’au château de la galère, où se trouvaient les personnes de distinction et les chevaliers de l’armée musulmaneac : Quand je vins parmi eux, ils m’ôtèrent mon haubert, et, pour la pitié qu’ils eurent de moi, ils me jetèrent sur le corps une mienne couverture d’écarlate fourrée de menu vair que madame ma mère m’avait donnée97 ; un autre m’apporta une ceinture blanche, et je me ceignis sur ma couverture, à laquelle j’avais fait un trou pour la revêtir ; et un autre m’apporta un chaperon que je me mis en ma têtead. […] Un bourgeois de Paris, là présent, le lui rappelle ; ce qui lui fait jeter de côté son assiette (son écuelleae) à l’instant.
Parlant de l’impression que cause sur place la vue du Forum contemplé du haut des ruines du Colisée, et se laissant aller un moment à son enthousiasme romain, il craint d’en avoir trop dit et de s’être compromis auprès des lecteurs parisiens : « Je ne parle pas, dit-il, du vulgaire né pour admirer le pathos de Corinne ; les gens un peu délicats ont ce malheur bien grand au xixe siècle : quand ils aperçoivent de l’exagération, leur âme n’est plus disposée qu’à inventer de l’ironie. » Ainsi, de ce qu’il y a de la déclamation voisine de l’éloquence, Beyle se jettera dans le contraire ; il ira à mépriser Bossuet et ce qu’il appelle ses phrases. […] Le goût du vrai et du naturel qu’il met en avant a souvent, de sa part, l’air d’une gageure ; c’est moins encore un goût tout simple qu’une revanche, un gant jeté aux défauts d’alentour dont il est choqué. Dans le bain russe, au sortir d’une tiède vapeur, on se jette dans la neige, et de la neige on se replonge dans l’étuve. […] Il a jeté des citations familières de ces poètes divins de l’Italie qu’on est honteux de ne point savoir par cœur ; il avait cette jolie érudition que voulait le prince de Ligne, et qui sait les bons endroits.
Mirabeau est dès l’abord plus ouvert, disant tout, contant ses idées comme ses amours, cœur chaud et brusque, tête ardente, féconde, incohérente, — un brûlot, comme il dit, un vrai volcan : il jette feu et flammes, parfois de beaux jets, souvent de la fumée, des scories, de la cendre et des cailloux. […] Du sein même de ses études, de ses méditations économiques, dans un séjour au château de ses pères, où il s’est retiré pour une saison, Mirabeau confesse le vice qui est celui de tout son temps et qui lui gâtera sa vie, d’ailleurs intègre : « La volupté, mon cher ami, est devenue le bourreau de mon imagination, et je payerai bien cher mes folies et le dérangement de mœurs qui m’est devenu une seconde nature ; hors de là, je suis maintenant comme un poisson dans l’eau. » À côté de cet aveu que justifieront trop les futurs scandales et les éclats de sa vie domestique, mettez la sagesse et la sobriété de Vauvenargues, à qui son peu de santé interdirait sans doute les plaisirs, mais qui en est éloigné encore plus par la haute et pure idée qu’il se fait de l’amour, par le peu de goût qu’il a pour les femmes, « celles du moins qu’il connaît ». — « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un regard sur moi. » Vauvenargues avait toujours pris l’amour au sérieux : « Pour moi, je n’ai jamais été amoureux, que je ne crusse l’être pour toute ma vie ; et, si je le redevenais, j’aurais encore la même persuasion. » C’est pour cela qu’il recommençait rarement. […] Mirabeau toujours préoccupé de l’idée que Vauvenargues n’est pas ambitieux, qu’il est philosophe par tempérament et par choix (il le juge trop sur la mine, et par le dehors), qu’il est porté à l’inaction et au rêve, le presse souvent et dans les termes d’une cordiale amitié de se proposer un plan de vie, un but, de ne plus vivre au jour la journée : « Nous avons besoin de nous joindre, mon cher ami ; vous appuieriez sur la raison, et je vous fournirais des idées. » Vauvenargues décline ce titre de philosophe auquel, dit-il, il n’a pas droit : Vous me faites trop d’honneur en cherchant à me soutenir par le nom de philosophe dont vous couvrez mes singularités ; c’est un nom que je n’ai pas pris ; on me l’a jeté à la tête, je ne le mérite point ; je l’ai reçu sans en prendre les charges ; le poids en est trop fort pour moi. […] Sous l’impression de cette attaque, il jette sur le papier quantité de bonnes raisons qui lui sont familières, de ces réflexions dont il est rempli sur l’ambition et sur les plaisirs ; il les approprie à leur situation à tous deux.
De son côté, don Diègue, après être allé se jeter aux pieds du roi pour conjurer la vengeance de Chimène et implorer la grâce de son fils, cherche partout ce fils devenu tout d’un coup invisible. […] Ayant sans doute jeté un regard sur le cadran et s’étant assuré que la chose est à la rigueur possible, il se risque à glisser une heure ou deux de répit. […] Elle méconnaît le champion qu’elle s’est choisi ; elle lui jette à la face presque le même mot qu’Hermione lancera à Oreste après la mort de Pyrrhus : Qui te l’a dit ? […] Dans le délire de sa douleur (car elle est comme une folle), elle court au palais du roi et le supplie de lui épargner l’odieux hymen de don Sanche ; elle est prête, pour y échapper, à renoncer à tout, à se dépouiller de tous ses biens et à se jeter dans un cloître.
Elle avait bien raison, notre sœur de Naples, quand elle disait qu’on la jetait à la mer. […] Aussitôt que je l’ai aperçu, je me suis jetée toute confuse à ses pieds ; il m’a reçue dans ses bras en m’embrassant à plusieurs reprises et m’appelant sa chère fille avec une bonté dont ma chère maman aurait été touchée. […] Une mère, pour obtenir la grâce de son fils compromis par un duel, s’était jetée aux pieds de Mme Du Barry et avait été repoussée ; alors elle recourut en second à la Dauphine ; et comme on essayait de lui faire un tort de sa première démarche : « Mais si j’étais mère, s’écria Marie-Antoinette, pour sauver mon fils, je me jetterais aux genoux de Zamore. » C’était le petit nègre de Mme Du Barry.
Ce sont des livres qui ne ressemblent pas à des livres, et qui quelquefois même n’en sont pas ; ce sont de simples et discrètes destinées jetées par le hasard dans des sentiers de traverse, hors du grand chemin poudreux de la vie, et qui de là, lorsqu’en s’égarant soi-même on s’en approche, vous saisissent par des parfums suaves et des fleurs toutes naturelles, dont on croyait l’espèce disparue. […] Pour qui se complaît à ces ingénieuses et tendres lectures ; pour qui a jeté quelquefois un coup d’œil de regret, comme le nocher vers le rivage, vers la société dès longtemps fabuleuse des La Fayette et des Sévigné ; pour qui a pardonné beaucoup à Mme de Maintenon, en tenant ses lettres attachantes, si sensées et si unies ; pour qui aurait volontiers partagé en idée avec Mlle de Montpensier cette retraite chimérique et divertissante dont elle propose le tableau à Mme de Motteville, et dans laquelle il y aurait eu toutes sortes de solitaires honnêtes et toutes sortes de conversations permises, des bergers, des moutons, point d’amour, un jeu de mail, et à portée du lieu, en quelque forêt voisine, un couvent de carmélites selon la réforme de sainte Thérèse d’Avila ; pour qui, plus tard, accompagne d’un regard attendri Mlle de Launay, toute jeune fille et pauvre pensionnaire du couvent, au château antique et un peu triste de Silly, aimant le jeune comte, fils de la maison, et s’entretenant de ses dédains avec Mlle de Silly dans une allée du bois, le long d’une charmille, derrière laquelle il les entend ; pour qui s’est fait à la société plus grave de Mme de Lambert, et aux discours nourris de christianisme et d’antiquité qu’elle tient avec Sacy ; pour qui, tour à tour, a suivi Mlle Aïssé à Ablon, où elle sort dès le matin pour tirer aux oiseaux, puis Diderot chez d’Holbach au Granval, ou Jean-Jacques aux pieds de Mme d’Houdetot dans le bosquet ; pour quiconque enfin cherche contre le fracas et la pesanteur de nos jours un rafraîchissement, un refuge passager auprès de ces âmes aimantes et polies des anciennes générations dont le simple langage est déjà loin de nous, comme le genre de vie et de loisir ; pour celui-là, Mlle de Liron n’a qu’à se montrer ; elle est la bienvenue : on la comprendra, on l’aimera ; tout inattendu qu’est son caractère, tout irrégulières que sont ses démarches, tout provincial qu’est parfois son accent, et malgré l’impropriété de quelques locutions que la cour n’a pu polir (puisqu’il n’y a plus de cour), on sentira ce qu’elle vaut, on lui trouvera des sœurs. […] Qu’il nous suffise de dire que la fermeté amicale de Mlle de Liron tient en échec Ernest ce jour-là et le suivant ; que le mot vous n’êtes qu’un enfant, à propos jeté à l’amour-propre du jeune cousin, achève de le décider ; que M. de Thiézac, qui arrive en litière avec son projet de contrat de mariage et un brevet de nomination pour Ernest, est accueilli fort convenablement, et que celui-ci annonce bien haut, avec l’orgueil d’une résolution soudaine, qu’il part le lendemain de grand matin pour Paris. […] » Ernest est parfait, mais il n’est pas idéal ; mais, après cette amère et religieuse douleur d’une amie morte pour lui, morte entre ses bras, après cette sanctifiante agonie au sortir de laquelle l’amant serait allé autrefois se jeter dans un cloître et prier éternellement pour l’âme de l’amante, lui, il rentre par degrés dans le monde ; il trouve moyen, avec le temps, d’obéir à l’ordre de celle qui est revenue à l’aimer comme une mère ; il finit par se marier et par être raisonnablement heureux.
L’indigent ou le naufragé, entrant dans la maison secourable, devait courir au foyer, s’asseoir dans ses cendres, et adresser de là sa prière ; l’homme en péril se jeter dans le temple auquel il demandait un asile, étreindre l’autel du dieu tutélaire, et y déposer une branche verte enroulée de laine. […] Alors Aristodichos fit le tour du temple, il enleva des corniches et des chapiteaux tous les nids d’oiseaux qui y étaient suspendus et les jeta sur les dalles. […] » — Un vœu touchant sur ces bouches de vierges, est celui qu’Artémis, la chasseresse, patronne des couches heureuses, « visite les épouses, au jour de l’enfantement ». — La gloire poétique n’est même pas oubliée dans ces sorts propices jetés sur Argos ; les Danaïdes lui promettent le sourire des Muses et le chant des lyres : — « Que les chanteuses divines accordent ici leurs voix, et que le son de la cithare se mêle harmonieusement au son de leurs bouches sacrées ! […] Les pirates embusqués se jetaient sur elles et les entraînaient, pieds et poings liés, dans leur barque.
Sur ce roi à demi déchu et si humilié, il essaie de jeter le manteau protecteur de la théorie et de la loi, et il le fit avec une largeur, une dignité, une chaleur de mouvement qui arracha des applaudissements presque unanimes. […] Une telle déclaration, placée en regard du récit de Mme Campan, ne laisse pas d’embarrasser, je le répète, et de jeter dans une vraie perplexité ; car on se refuse à admettre que Barnave ait parlé simplement ici comme un avocat qui se croit en droit de nier tout ce qui n’est pas prouvé. […] Ce qu’il dit du parti modéré, du parti constitutionnel d’alors, de cette majorité saine de la nation, de cette bourgeoisie dont il était l’honneur et qu’il connaissait si bien, est digne de remarque : Le parti modéré, qui, soit par le nombre, soit par la composition, pourrait être regardé comme la nation même, est presque nul pour l’influence ; il se jette, à la vérité, pour faire poids, du côté qui cherche à ralentir le mouvement, mais à peine ose-t-il expliquer publiquement son vœu. […] Il aurait vu arriver ce moment qu’il prévoyait, où la nation, rassasiée de discours, se jeta tout entière du côté de la victoire.
Aussi, du premier jour, elles se jettent sur l’œuvre qui est plus ou moins leur miroir, et elles se mettent à en adorer l’auteur avec passion et reconnaissance, comme si, en composant, il n’avait songé qu’à elles. […] L’instinct de son sexe, c’est-à-dire son bon sens, lui dit bien tout bas par instants qu’elle a peu à attendre de lui, qu’elle peut à peine en tirer quelque réponse, qu’il n’est guère séant après tout à une femme de se jeter ainsi à la tête d’un homme bourru (fût-il grand écrivain), qui ne se soucie nullement d’elle et qui la rebute. […] En effet, la grande prétention de Rousseau, le germe de sa maladie et de la maladie de ses successeurs, ç’a été justement de ne vouloir point être jeté dans le moule des autres hommes : « Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. » Ce que Rousseau a dit là au début de ses Confessions, tous ceux qui ont en eux le mal de Rousseau le disent ou le pensent tout bas. […] Il n’a pas seulement jeté l’enchantement sur la passion, il a su, comme l’a dit Byron, donner à la folie l’apparence de la beauté, et recouvrir des actions ou des pensées d’erreur avec le céleste coloris des paroles.
Il aime à ne penser en rien comme le vulgaire, et son travers serait peut-être, quand il rencontre une opinion communément établie, de se jeter dans la contradiction. […] Il a vu que l’abus du jour était d’afficher l’érudition, d’entasser les notes et les citations d’auteurs au bas de chaque page, et, de peur de paraître pédant, il s’est jeté dans l’abus contraire ; il n’indique jamais l’endroit d’où il emprunte une citation. […] Cette disposition caractéristique à part, et quand il parvenait à triompher des travers où elle le jetait souvent, c’était un esprit judicieux, étendu, supérieur, ferme surtout et fin, un homme jugeant les hommes. […] Si donc, comme cela est probable, vous réimprimez jamais cette étude, croyez-moi, jetez-y un rayon de plus, et atténuez, dans le sens que je prends la liberté de vous indiquer, ce que votre jugement a d’un peu trop rigoureux.
Le tout forme un ensemble de documents, de notes, d’instructions émanées directement du cabinet de Louis XIV, et qui jettent la plus grande lumière, et sur ses actes mêmes et sur l’esprit qui y a présidé. Un soir, en 1714, le vieux roi près de sa fin envoya le duc de Noailles prendre dans son cabinet des papiers écrits de sa main, qu’il voulait jeter au feu : « il en brûla d’abord plusieurs qui intéressaient la réputation de différentes personnes ; il allait brûler tout le reste, notes, mémoires, morceaux de sa composition sur la guerre ou la politique. […] Louis XIV a lui-même exposé la première idée qu’il se fit des choses, et cette première éducation intérieure qui s’opéra graduellement dans son esprit, ses premiers doutes en vue des difficultés, ses raisons d’attendre et de différer ; car « préférant, comme il faisait, à toutes choses et à la vie même une haute réputation, s’il pouvait l’acquérir », il comprenait en même temps « que ses premières démarches ou en jetteraient les fondements, ou lui en feraient perdre pour jamais jusqu’à l’espérance » ; de sorte que le seul et même désir de la gloire, qui le poussait, le retenait presque également : Je ne laissais pas cependant de m’exercer et de m’éprouver en secret et sans confident, dit-il, raisonnant seul et en moi-même sur tous les événements qui se présentaient ; plein d’espérance et de joie quand je découvrais quelquefois que mes premières pensées étaient les mêmes où s’arrêtaient à la fin les gens habiles et consommés, persuadé au fond que je n’avais point été mis et conservé sur le trône avec une aussi grande passion de bien faire sans en devoir trouver les moyensm. Mazarin mort, il n’y a plus pour Louis XIV aucun motif de différer : Je commençai donc à jeter les yeux sur toutes les diverses parties de l’État, et non pas des yeux indifférents, mais des yeux de maître, sensiblement touché de n’en voir pas une qui ne m’invitât et ne me pressât d’y porter la main, mais observant avec soin ce que le temps et la disposition des choses me pouvaient permettre.
Elle ne lui demande pas respectueusement la permission de le jeter par la fenêtre ; elle l’y jette, voilà tout, et elle ferme la porte pour l’empêcher de remonter par l’escalier. […] Manière de se retrouver prêtre quand on a jeté sa soutane aux buissons du chemin ! […] Renan, qui l’a continuée avec acharnement dans ses Études d’histoire religieuse, dans son Histoire comparée des langues sémitiques, dans ses Essais de critique et de morale ; et quoique dans ce premier livre, plus peut-être que dans les suivants, ce jeune serpent de la sagesse ait eu les précautions d’un vieux et les préoccupations de sa spécialité, cependant il est aisé de voir que la chimère philologique, le passage de la pensée au langage ou du langage à la pensée, les épluchettes des premières syllabes que l’homme-enfant ait jetées dans ses premiers cris, ne sont, en définitive, que des prétextes ou des manières particulières d’arriver à la question vraiment importante, la question du fond et du tout, qui est de biffer insolemment Moïse et de se passer désormais parfaitement de Dieu !
On se donne de grands coups de sabre ; on se jette des montagnes à la tête avec les arbres qu’elles portent, et les neiges qui couvrent leurs cimes, et les rivières qui coulent à leurs pieds. […] Si vous injuriez les crocodiles, prenez garde : je vous accablerai de la ridicule démarche du cygne quand il sort de l’eau, et qu’il ressemble à nos classiques français dès qu’ils s’écartent du style noble, et je vous jetterai à la tête les jambes de fuseau de l’antilope, aussi minces, aussi ténues, aussi grêles, aussi sèches que notre mesquine poésie de salon, qui n’est, a dit Jean-Paul, qu’une épigramme prolongée. […] Ne comprenant rien, ils censurent tout, détruisent tout pour le recommencer, jettent aux hommes le mépris, la moquerie, l’insulte, et osent faire des reproches à Dieu393. […] Dans Shakespeare, la pensée marché par bonds ; les saillies, les écarts se multiplient ; l’intelligence n’a pas eu le temps de comprendre toute une idée, qu’une nouvelle idée se précipite, pressée par une troisième qui en dévore la moitié ; les yeux sont encore éblouis de l’éclat d’une image, qu’une nouvelle image se jette à la traverse, croisée par une troisième qui les efface toutes deux. […] Armande l’injurie, puis se jette à sa tête ; il essuie poliment l’orage, écarte l’offre avec la plus loyale franchise, et sans essayer un seul mensonge, laisse les spectateurs persuades qu’il n’est pas grossier419.
Habile et assez spirituellement hypocrite qu’il est, il a très-bien compris qu’après les chapitres d’appât et d’ordure, il fallait se faire pardonner ce qui avait alléché ; aussi s’est-il jeté aussitôt sur la philanthropie si à la mode aujourd’hui. […] Son père, professeur assez distingué de l’École de médecine de Paris, l’avait envoyé là pour se former et jeter sa gourme.
Quand les sujets manquent, on se jette sur le Genoude et on en taille une tranche : il y a de quoi tailler. […] Il s’est jeté dans les voies de la Congrégation et s’y est poussé en s’accrochant au pan de l’habit du duc de Montmorency, très-saint et un peu dupe ; il s’est posé en traducteur de la Bible sans savoir l’hébreu ; puis, plus tard, il est devenu l’homme de M. de Villèle, son organe, son conseiller, son flatteur.
Ceci est triste, si l’on veut, mais ceci est véritable ; dans les grandes convulsions sociales, l’homme est jeté hors de lui par sa passion dominante ; par elle, tout équilibre entre ses motifs est rompu, et sa liberté morale presque annulée. […] Thiers n’a pas prétendu répartir avec méthode ses émotions, et s’il lui arrive de jeter parfois une plainte sur les tombes entrouvertes de certains coupables immolés, cette plainte lui échappe sincère et légitime encore ; elle lui est arrachée, comme au lecteur, par quelque circonstance de leur supplice, et par cette conviction qu’ils n’ont été qu’égarés.
Et si les chefs révérés, si les guides dont la voix nous est connue se mettaient à nous délaisser avant le terme, s’ils se couchaient en travers du chemin en nous criant de faire halte et qu’au-delà tout est confusion et ténèbres, un tel spectacle serait assurément bien propre à jeter du trouble dans l’esprit même des plus ardents et à déconcerter les espérances. […] Mais c’est quand M. de Lamartine, au terme de son discours, est venu à jeter un regard en arrière et autour de lui, quand il a porté sur le xviiie siècle un jugement impartial et sévère, quand il s’est félicité de la régénération religieuse, politique et poétique de nos jours, qu’il appelle encore une époque de transition, et qu’il s’est écrié prophétiquement : « Heureux ceux qui viennent après nous ; car le siècle sera beau » ; — c’est alors que l’émotion et l’enthousiasme ont redoublé : « Le fleuve a franchi sa cataracte, a-t-il dit ; plus profond et plus large, il poursuit désormais son cours dans un lit tracé ; et, s’il est troublé encore, ce ne peut être que de son propre limon. » Puis il a insinué à l’Académie de ne pas se roidir contre ce mouvement du dehors, d’ouvrir la porte à toutes les illustrations véritables, sans acception de système, et de ne laisser aucun génie sur le seuil.
Comme Achille, lorsqu’il paraît, Tailhade jette dans le camp ennemi une soudaine épouvante mais il n’a rien d’un fanatique, et il tolère chez ses amis l’indépendance des sentiments. […] … Et elle se sauve et, retournée sur le seuil, sa voix jette encore, délicieusement enjouée : « Non !
Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisit en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna ses pensées vers la religion ; qui, depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivée dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie, comme du raisonnement le plus fort ; enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut, par abstraction, un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal. […] Quel frein adorable que cette religion qui, sans nous empêcher de jeter de vastes regards autour de nous, nous empêche de nous précipiter dans le gouffre !
Une expérience que je proposerais volontiers à l’homme de soixante-cinq ou six ans, qui jugerait les miennes ou trop longues, ou trop fréquentes, ou trop étrangères au sujet10, ce serait d’emporter avec lui, dans la retraite, Tacite, Suétone et Sénèque ; de jeter négligemment sur le papier les choses qui l’intéresseraient, les idées qu’elles réveilleraient dans son esprit, les pensées de ces auteurs qu’il voudrait retenir, les sentiments qu’il éprouverait, n’ayant d’autre dessein que celui de s’instruire sans se fatiguer : et je suis presque sûr que, s’arrêtant aux endroits où je me suis arrêté, comparant son siècle aux siècles passés, et tirant des circonstances et des caractères les mêmes conjectures sur ce que le présent nous annonce, sur ce qu’on peut espérer ou craindre de l’avenir, il referait cet ouvrage à peu près tel qu’il est. […] Si l’on n’entend que moi, on me reprochera d’être décousu, peut-être même obscur, surtout aux endroits où j’examine les ouvrages de Sénèque ; et l’on me lira, je ne dis pas avec autant de plaisir, comme on lit les Maximes de La Rochefoucauld, et un chapitre de La Bruyère : mais si l’on jette alternativement les yeux sur la page de Sénèque et sur la mienne, on remarquera dans celle-ci plus d’ordre, plus de clarté, selon qu’on se mettra plus fidèlement à ma place, qu’on aura plus ou moins d’analogie avec le philosophe et avec moi ; et l’on ne tardera pas à s’apercevoir que c’est autant mon âme que je peins, que celle des différents personnages qui s’offrent à mon récit.
Mais qu’est-ce que cette affectation de rassembler toute la lumière sur un seul objet, et de jeter le reste de la composition dans l’ombre ? […] Qu’on prétende que son élève exécutait à merveille la singerie française du respect, j’y consentirai ; mais que cet élève sût mieux qu’un autre se désoler de la mort ou de l’infidélité d’une maîtresse, se jeter aux pieds d’un père irrité, je n’en crois rien.
Il y parut en habit calviniste, le manteau court, drapé sur l’épaule, la Bible sous le bras en guise de glaive : « Satan, dit-il, ne peut rien contre l’homme dont la main gauche jette une flamme qui éclaire sa main droite, quand il copie la nuit les saintes Écritures ! […] Les retours de passion sont frénétiques chez les femmes de cette nature ; elles se reprochent comme un crime l’inconstance trompée de leur cœur qui les a jetées un moment dans l’illusion d’un autre amour ; elles sont capables de tous les excès pour expier le remords et pour se faire pardonner leur infidélité d’un moment. […] Sa voix était émue, son visage était pourpre, et, de temps en temps, il jetait un regard furtif vers la petite porte qu’il avait laissée entr’ouverte. […] Tandis que les conjurés la menaçaient, si elle appelait, de la tuer et de la jeter par-dessus les murs, d’autres conjurés disaient aux bourgeois que tout allait bien, que seulement on avait dagué le favori piémontais, qui s’entendait avec le pape et le roi d’Espagne pour détruire la religion du saint Évangile. […] Enfin, satisfaisant son cœur après avoir satisfait son ambition, elle jette le masque, elle pleure Rizzio, elle fait exhumer le corps de son favori, lui fait des obsèques royales et l’ensevelit elle-même dans le sépulcre des rois, dans la chapelle d’Holyrood.
La logique de la doctrine séduisit l’esprit du savant : il se jeta dans le jansénisme avec tout l’emportement de sa fougueuse nature ; et pour première marque de son application à la théologie, il dénonça à l’archevêque de Rouen un certain frère Saint-Ange, dont la philosophie ne lui semblait pas orthodoxe. […] Et vers le même temps, sur de sa vérité, il jetait durement, cruellement, dans le cloître Mlle de Roannez, une pauvre et faible âme que son impérieuse direction brisa. […] Où que son raisonnement le mène, il jette de triomphants coups de sonde : il ouvre à la pensée des voies fécondes, quand il définit l’éloquence ou le style, ou quand il jette quelques mots, obscurs et bizarres de prime abord, mais combien riches de sens, sur les caractères de la beauté. […] Mais l’originalité poétique de Pascal, c’est le caractère, si je puis dire, métaphysique des inquiétudes et des images qui jettent ces flammes intenses dans son style. […] Pascal a eu donc tout temps l’habitude de jeter sur le papier les idées qui lui venaient.
Je voudrais le dire sans me jeter dans l’extrémité opposée, et sans affecter contre des hommes et des livres oubliés une sévérité qui ressemblerait à de la colère contre des morts. […] Une conversion religieuse subite le jeta dans la controverse théologique. […] Il honore Perrault, il le loue même, mais d’une plume avare, et non sans jeter sur lui un dernier regard de travers ; et quand on lui annonce sa mort, « il n’y prend, dit-il, d’autre intérêt que celui qu’on prend à la mort de tous les honnêtes gens5. » La différence entre cette réconciliation un peu maussade et le traité de paix accepté par Lamotte ne s’explique pas seulement par l’humeur des deux hommes. […] Avec moins d’éclat et moins de risque, il se contente de l’effleurer de quelques remarques épigrammatiques, et il le comprend dans un doute général jeté sur les écrivains illustres. […] Contredire en tout le témoignage des hommes, jeter du ridicule sur toutes les passions dont il n’était pas capable, goguenarder la morale qui gênait son projet de vivre entre les vertus et les vices, ne rien admirer pour ne pas s’engager, se mettre au-dessus de tout le monde et de toutes choses par le doute qui n’est que de la vanité déguisée : tel est l’esprit du Fontenelle d’alors.
A peine le gentilhomme, brisé, énervé, vaincu, rougissant de lui-même, a-t-il murmuré son acquiescement à cette paix honteuse, que la jeune femme se jette dans ses bras avec un vaillant enthousiasme : « Et maintenant, va te battre ! […] J’en voyais qui jetaient des regards d’orfèvre à sa couronne fleuronnée ; d’autres pesaient des yeux les bagues de ses doigts et les diamants de sa chape ; d’autres encore semblaient calculer sur les grains de leur rosaire, le prix des perles de ses colliers et des joyaux de ses bracelets. […] Il est très amusant, ce Landara, et il a, au troisième acte, une déclaration d’amour si bouffonne et si imprévue, qu’elle a jeté quelque gaieté sur les langueurs du dénouement. […] Alors, ma foi, Olympe se démasque, jette par dessus les moulins son incognito, et ne demande pas mieux que de redevenir bonne fille, comme devant. […] On l’épouse, comme le doge de Venise épousait la mer, avec ses impuretés, sa fange, son écume ; on jette son anneau dons cette nature « perfide comme l’onde », sans s’inquiéter de l’abîme où il va tomber.
… Il se jetterait au feu pour moi ! […] Bompard. » Elle regardait une dentelle noire jetée sur une chaise. […] … Elle se jette dans mes bras… — Maman ! […] L’océan lui jetait l’écume de ses lames. […] De bonne heure, il se jette sur les grappes sauvages ainsi qu’Achille enfant sur les armes.
Ils voudront faire un exemple, et, dans leur fureur, ils se jetteront sur le premier venu. […] vous me promettez le bonheur de mon ami, de Falconet ; monsieur, après m’être jeté aux pieds de Sa Majesté Impériale, permettez que je me jette à votre cou. […] Si je vois ses enfants menacés de quelques moulinets, je me jette tout au travers, et cela dure moins. […] Fallait-il jeter au feu tous ces matériaux ? […] Raconte donc, puisque c’est ta manie de raconter ; jette au moule tes phrases l’une après l’autre, comme le fondeur y a jeté, comme le compositeur a arrangé les lettres de ton discours.