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41. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

Insolente pour l’Europe, l’Amérique est dans sa tradition, Cette anglaise, qui a renié, du même coup, dans ses veines, le sang des Stuarts et le sang de Cromwell, et qui a refusé le tribut d’honneur et de devoir à la mère-patrie, doit être toujours vis-à-vis de l’Europe, qui l’alimente par année de plus d’un demi-million d’hommes, en lui envoyant ses fugitifs, dans l’état d’ingratitude qui est son état d’origine. […] II Et savez-vous pourquoi ils les chargèrent, de l’aveu même de l’historien contradictoire et léger qui a fait de ce crime, — disons le mot, pour que l’Histoire ne soit pas désarmée de sa justice : — « la solution d’une question de droit et d’honneur » ? […] Une question d’honneur ! Quel honneur ? […] Mais l’honneur de la pensée n’est-il pas de traverser le milieu épais et physique pour saisir ce qu’il y a de vie, de force réelle et de vraie beauté morale, dont les nations, voyez-vous !

42. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Mon caractère est naturellement plein d’honneur. […] Un séculier, homme d’honneur et de distinction, m’a assuré, par un billet écrit exprès, qu’il avoit entendu dire à peu près la même chose à Votre Révérence. […] J’ai toujours été persuadé, mon Révérend Père, qu’on ne risque rien à vous louer beaucoup, et que les effets ne peuvent que faire honneur à mon jugement quand votre ouvrage paraîtra. […] J’ai l’honneur d’être avec toute l’estime possible, mon Révérend Père, votre très-humble et très-obéissant serviteur, « L. […] S’ils prétendent décrier mon caractère, je défie la calomnie la plus envenimée de faire impression sur les personnes de bon sens dont j’ai l’honneur d’être connu.

43. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Je suis fort sensible à l’honneur qu’on veut me faire. […] À quoi aurait servi d’opposer son honneur aux désirs d’un prince, source de tous les honneurs, et habitué à croire qu’il élève les femmes par les fautes mêmes où il les abaisse ? Comment opposer l’intérêt de cet honneur au prince qui donne son propre honneur pour garant d’un inviolable secret ? […] La religion offrait un secours que honneur ne pouvait donner. Madame Scarron n’était pas plus hypocrite quand elle invoquait la religion au secours de l’honnêteté de ses mœurs que Bossuet n’était un charlatan et un mondain, quand, plus tard, voulant ramener le roi à la soumission aux lois de l’Église, il invoquait, en faveur de la foi conjugale violée parce prince, les lois de l’honneur elles intérêts de la gloire qu’il s’était acquise.

44. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Les femmes de ces temps-là pouvaient avoir, comme les femmes, du reste, de tous les temps, leurs faiblesses, leurs passions, leurs misères morales, leurs chutes ; mais en honneur (l’honneur de ces temps-là) elles étaient tenues de les couvrir et de les cacher. […] Elle aurait gardé, sans le donner à risée ou à mépris sérieux, le souvenir touchant de ce fou à elle et fait par elle ; mais pour cette Prudence et ses pareilles, la question n’est ni l’honneur de Chateaubriand, ni leur propre honneur de cœur. […] Aussi pourquoi s’aviser d’aimer un bas-bleu, — une de ces Goules de vanité qui s’engraissent de l’honneur des hommes assez imbéciles pour les aimer ?

45. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

On se ruinait en détail ; la frontière s’en allait pièce à pièce ; on périssait également et sans honneur : Puisque la guerre est résolue, disait-il, tâchons de la faire sur de meilleurs principes qu’elle n’a été faite depuis longtemps. […] Il était au comble des honneurs et de la popularité. […] Mignet, à qui il a dû l’idée et en partie les éléments de son travail, s’est inscrit en faux contre le mot de Napoléon en l’honneur de Villars, et s’est appliqué à montrer que du moment que la paix se faisait avec l’Angleterre, il n’y avait plus de danger réel pour la France. […] Guizot a même fait un mot à ce sujet : « Non, Villars ne sauva point la France à Denain, il sauva seulement l’honneur militaire de la France. » Et l’on sait combien M. Guizot s’entend à ces questions d’honneur national : on l’a vu à l’œuvre.

46. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Lainé, le Cicéron et le Platon des premières années de la Restauration, le connut, le prit en estime et en affection, et le fit parvenir promptement aux honneurs de la questure de la Chambre. […] Il y avait de l’honneur dans cette famille. […] Cette somme, équivalant à trois mille d’aujourd’hui, était surtout un honneur qui signifiait la protection assurée du roi. […] Il y a un honneur pour moi à ne point quitter. » « Plaisant point d’honneur, disait en soi-même le satirique, qui consiste à se noircir tous les jours le visage pour se faire une moustache de Sganarelle, et à dévouer son dos à toutes les bastonnades de la comédie ! […] Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.

47. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 502-504

On ne doit pas oublier, à ce sujet, un trait qui fait autant d’honneur à son désintéressement qu’à son habileté. […] Une conduite aussi ferme fait d’autant plus d’honneur à sa mémoire, qu’elle ne fut suivie d’aucune récompense, & que son infidélité, si elle avoït eu lieu, pouvoit être plus difficilement découverte. […] Petis a plus servi à étendre l’honneur du nom François, c’est par une Histoire de Louis XIV, écrite en Arabe, & par la Traduction en Langue Persane, de l’Histoire de ce même Prince par les Médailles.

48. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

L’honneur qu’il me faisait, la bonne chère dont il me favorisait, l’entrée qu’il me donnait en ses lieux plus privés, m’obligent non seulement à le pleurer, mais aussi à ne me plus aimer où j’avais accoutumé de le voir. […] L’assemblée des protestants, convoquée à La Rochelle, croyant les Églises menacées dans leurs garanties, dans les conditions mêmes de l’Édit de Nantes, et excitée quelle était par le vicomte de Favas, poussa à une rupture : la prudence de Rohan lui en faisait voir les périls ; le point d’honneur et l’instinct de guerrier les lui firent braver. […] Je ne refuserai jamais de mon maître les biens et les honneurs, ni de vous les offices d’un bon allié. […] Il est de ceux à qui l’adversité sert d’école continuelle et comme de réconfort, et qui n’arrachent la gloire et l’honneur que pièce à pièce et par lambeaux. […] [NdA] Il y a cependant la fameuse bévue : voulant faire honneur à une villa qu’on lui dit avoir appartenu à Cicéron, il ajoute que l’illustre Romain y composa ses belles œuvres, « entre lesquelles sont renommées les Pandectes. » Rohan avait prie cette note sur la foi d’un cicerone peu cicéronien.

49. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Survivre à sa défaite, eût passé pour une lâcheté, et le suicide fut presque un devoir d’honneur pour les malheureux. […] L’homme, plus éclairé, apprit que le courage était de souffrir, et que l’honneur n’était pas de prévenir la mort, mais de savoir l’attendre. […] Après la victoire de Théodose sur Maxime, parurent plusieurs autres panégyriques latins en l’honneur de ce prince. […] Quoi qu’il en soit, avant de prononcer tant de panégyriques en l’honneur de ce prince, il eût peut-être fallu en demander la permission aux enfants, aux pères et aux épouses de tous les malheureux que ses soldats avaient assassinés par son ordre. […] On dirait que l’orateur est accablé sous le poids de l’honneur qu’il a reçu.

50. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

La cour le combla d’honneurs & de pensions. […] Il la perça de mille traits, mais dont aucun ne portoit ni sur la religion, ni sur l’honneur. […] En la donnant au public, il mit à la tête une excellente préface sur l’atrocité de nommer, dans des satyres, des gens d’esprit & d’honneur. […] Bien de beaux esprits se seroient honneur de ce madrigal :         Iris s’est rendue à ma foi ;         Qu’eut-elle fait pour sa défense ? […] Ces réflexions, qui n’étoient rien moins qu’à la gloire de celui qui pouvoir passer pour être l’honneur du Parnasse françois, le blessèrent vivement.

51. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

On a vu dans toutes les républiques l’honneur des éloges réservé pour les morts, dans les monarchies cet honneur prodigué aux vivants ; le délire de la louange à Rome, sous Auguste et sous Constantin ; à Byzance, sous une foule d’empereurs oubliés ; en France, sous Richelieu et sous Louis XIV. […] Cet honneur parmi nous suppléerait aux statues de l’ancienne Rome, aux arcs de triomphe de la Chine, aux mausolées de Westminster. […] chez toutes les nations éclairées il y a eu des honneurs pour la mémoire des grands hommes, et nous qu’avons-nous fait pour les nôtres ? […] On vient de relever avec éclat dans Stockholm un monument érigé, il y a cent ans, en l’honneur de Descartes : et parmi nous une simple pierre dans une église apprend où il repose. […] C’est aux vivants qu’il faut parler ; c’est dans leur âme qu’il faut aller remuer le germe de l’honneur et de la gloire : ils veulent être aimables, faites-les grands ; présentez-leur sans cesse l’image des héros et des hommes utiles ; que cette idée les réveille.

52. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Elle commettait bien à cette charge, selon nous, immense, d’écrire l’histoire, des hommes éprouvés et capables, qui semblaient avoir conquis une telle position, de haute lice, par l’élévation du talent et du caractère et cette conséquence de l’esprit qu’on ne connaît plus et qui est autant l’honneur de la vie que de la pensée. […] Il aurait fallu placer dans l’État à la même hauteur de respect, l’historiographe et le juge ; il aurait fallu assimiler, dans la considération publique, le juge des morts et des intérêts généraux et politiques, comme l’historiographe, et le juge des vivants et des intérêts privés et civils, comme le magistrat ; car l’honneur et la sécurité des sociétés reposent également sur cette double justice. […] mais l’Histoire de France, c’est nous tous, c’est notre blason de peuple, ce sont nos ancêtres, c’est l’honneur. Et quand ce n’est pas l’honneur, car quel peuple n’eut pas ses erreurs et ses fautes ?

53. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Honneur aux maîtres du crayon et du pinceau ! […] Seul, d’Argenson a osé insinuer à un endroit que la reine avait un certain faible pour son vieux chevalier d’honneur, M. de Nangis. […] À Lunéville, où l’on se rendit en quittant Metz, la reine fit une nouvelle tentative auprès du roi pour avoir la permission d’aller à Strasbourg, cette permission qui l’eût réintégrée en pied publiquement dans ses honneurs de reine et d’épouse. […] La dame d’honneur en était si dévotement persuadée qu’un jour, trouvant le roi en état de donner à la reine des marques certaines d’une réconciliation sincère, elle fit changer le lit de la reine en une couche nuptiale et mettre deux oreillers sur le traversin. […] Rassurée de ce côté, Marie Leckzinska, durant quelques années et avant les pertes cruelles dont elle fut atteinte, put jouir d’une société douce, intime, amicale, dont les détails nous ont été conservés par le président Hénault qui avait l’honneur d’en faire partie, et encore plus par le duc de Luynes.

54. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Sur le même, il est encore dit, pour sa nomination à la Légion d’honneur : « D’une bravoure, d’un entrain et d’un dévouement exceptionnels. […] Très grièvement blessé, a donné à tous le plus bel exemple d’héroïsme et d’abnégation. » Légion d’honneur. […] , 3 juin 1916.) — Légion d’honneur.‌ […] Blessé le 2 octobre 1914. » Légion d’honneur. […] Et dites-vous bien que les morts au champ d’honneur vont tout droit au ciel. »‌ Quel élargissement de l’être !

55. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

S’agit-il des exploits du vaillant chef dauphinois Montbrun, qui dans une rude affaire a eu l’honneur de triompher des bataillons suisses, alors réputés presque invincibles : Deux jours après, écrit d’Aubigné, je trouvai un jeune capitaine suisse au mont du Chat avec une petite troupe qui ne portait que l’épée. […] Il s’en prend aux fils et héritiers des capitaines jadis en renom, qui n’ont point répondu à son appel et qui ne l’aident point à élever son monument en l’honneur des pères ; il leur en fait honte comme à des descendants dégénérés. […] J’aurai, parmi les catholiques, ceux qui aiment la France et l’honneur. » Givry entre sur cette conclusion, ajoute d’Aubigné, et avec son agréable façon prit la jambe du roi, et puis sa main, dit tout haut : « Je viens de voir la fleur de votre brave noblesse, Sire, qui réservent à pleurer leur roi mort quand ils l’auront vengé ; ils attendent avec impatience les commandements absolus du vivant : vous êtes le roi des braves, et ne serez abandonné que des poltrons. » Cette brusque arrivée et la nouvelle que les Suisses venaient prêter leur serment mirent fin aux fâcheuses paroles, et Henri IV, coupant court à ceux qui hésitaient, n’eut plus qu’à faire acte de roi de France. […] Un jour qu’il avait écouté ses excuses et ses raisons, qui consistaient à prétendre rester d’autant plus fidèle à la cause des faibles et des vaincus, Henri IV lui demanda s’il connaissait le président Jeannin, et sur ce que d’Aubigné répondit que non, le roi poursuivit : « C’est celui sur la cervelle duquel toutes les affaires de la Ligue se reposaient ; voilà les mêmes raisons desquelles il me paya ; je veux que vous le connaissiez, je me fierais mieux en vous et en lui qu’en ceux qui ont été doubles. » Et toutefois, nous qui avons récemment étudié le président Jeannin, nous savons trop bien en quoi il différait essentiellement de d’Aubigné : celui-ci, par point d’honneur, par bravade, par une sorte de crânerie ou d’esprit de contradiction qu’il était homme ensuite à soutenir à tout prix, excédait sans cesse ce que le devoir seul et la fidélité aux engagements eussent conseillé. […] Sans se dissimuler quelques exagérations de ton et les jactances ou les fougues de pinceau, elle reconnaît en lui la force, la conviction, l’honneur, ce qui rachète bien des défauts et des faiblesses ; elle l’accepte volontiers, malgré les contradictions et les disparates, comme le représentant de ce vieux parti dont il avait le culte et dont il cherche à rehausser la mémoire.

56. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

C’est pour la conservation et l’honneur de cette caste que leur enfance se passe de caresses, et qu’elles ignoreront les libres fiançailles amoureuses. […] Il y a par malheur d’autres sacrifiées : celles qui prennent le voile pour conserver à l’aîné de quoi soutenir l’honneur du nom. […] Ce qu’on développe chez les pensionnaires, c’est l’énergie individuelle, le sentiment de l’honneur ; et on leur apprend aussi l’immolation de soi à l’intérêt d’une caste qui est encore (pour quelques années) une institution politique et sociale. […] L’enseignement religieux devient souvent, ici, d’un illogisme charmant, l’institution même de la noblesse et jusqu’à ses préjugés d’honneur allant contre l’esprit de l’Évangile.

57. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Il publia, dans le cours de l’année 1624, un opuscule intitulé Il Teatro celeste, en l’honneur des comédiens qui ont mérité la palme céleste, dei comici martiri e penitenti, della divina bonta chiamati al titolo di beatitudine e di santita . Cet opuscule comprend vingt-et-un sonnets : le premier en l’honneur de saint Genest, le second en l’honneur de saint Sylvain, le troisième en l’honneur de saint Ardelion.

58. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Honneur donc et respect à ceux qui à certains jours, ont prouvé qu’à quelques égards et à quelque degré ils étaient, eux aussi, de cette austère et souveraine famille d’inventeurs ! […] Flourens, que je louerais mieux si je n’avais l’honneur d’être son confrère, s’applique, et chaque fois avec un succès nouveau, à étendre et à enrichir cette forme où il est maître. […] Tenons-lui compte des difficultés d’une tâche dont il s’est acquitté si longtemps avec honneur. […] Après avoir énuméré les honneurs généreux, les hommages de tout genre et les statues décernés par l’Angleterre au génie de Watt, M.  […] Arago même la suite d’éloges et de témoignages décernés par toutes les classes et par tous les rangs de la société en l’honneur de Watt, on ne désire plus rien pour lui, et ce regret à la française, cet étonnement exprimé par le savant que la politique n’a pas trouvé insensible, amène un sourire.

59. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

J’avais l’honneur aussi d’en faire partie34. […] De quelle façon les premiers hommes qui, après le besoin de se loger et de s’abriter, eurent l’idée de se faire un tombeau ou d’élever un monument, un temple en l’honneur de l’Être qu’ils adoraient, de quelle façon instinctive et inexpérimentée s’y prirent-ils dans les différents groupes de la famille humaine ? […] Il ne s’arrête pas à ces subtilités ; pourvu que le vêtement soit ample et solide, qu’il soit digne de la chose vêtue, qu’il fasse honneur à celui qui le fait faire, peu lui importe d’ailleurs s’il ne remplit pas les conditions d’art que recherche le Grec !  […] Viollet-Le-Duc se soit piqué d’honneur et ait tenu à faire ses preuves d’homme de goût ? […] Peut-être faudrait-il cacher et ensevelir ces misères qui font peu d’honneur à ce qu’on est convenu d’appeler les Arts libéraux.

60. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Aujourd’hui, il me plairait d’en détacher la plus belle et la plus intéressante figure, celle de Madame, à laquelle Cosnac eut l’honneur de se dévouer par un libre choix et pour laquelle il eut la gloire de souffrir. […] Elles avaient l’honneur de la suivre au Cours ; au retour de la promenade, on soupait chez Monsieur ; après le souper, tous les hommes de la Cour s’y rendaient, et on passait le soir parmi les plaisirs de la comédie, du jeu et des violons ; enfin on s’y divertissait avec tout l’agrément imaginable, et sans aucun mélange de chagrin. […] Ces amours, cet exil du comte de Guiche, avaient fait bruit, et il en résulta un de ces libelles imprimés en Hollande, auxquels Bussy-Rabutin a le triste honneur d’avoir donné l’exemple par ses Histoires amoureuses. […] Ce fut, à vrai dire, ce seul honneur auquel je fus le plus sensible. » Il était dans ces termes d’amitié et de correspondance étroite avec la noble princesse ; il venait de recevoir d’elle toutes sortes de nouveaux témoignages d’intérêt et d’affection sur sa fâcheuse mésaventure de Paris, au commencement de 1670. […] Je n’ai plus rien à dire de cette princesse, sinon qu’elle aurait été la gloire et l’honneur de son siècle, et que son siècle l’aurait adorée, s’il avait été digne d’elle.

61. (1774) Correspondance générale

J’ai l’honneur d’être, etc. […] J’ai l’honneur d’être, etc. […] J’ai l’honneur, etc. […] Maurice vient de m’apprendre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. […] Je n’ai point l’honneur de connaître Mme Fontaine.

62. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Un an après, il rendit le même honneur à ce fameux duc de Bourgogne, élève de Fénelon. […] C’était prolonger sa vie que de lui donner lieu de la perdre pour l’État ; mais acceptant l’honneur de partager le péril, il refusa celui de partager le commandement. […] Entre deux guerriers pleins d’honneur, l’autorité devint commune. » Et au commencement de cet éloge funèbre, après avoir parlé des honneurs entassés sur la tête d’un seul homme : « Oublions ces titres vains qui ne servent plus qu’à orner la surface d’un tombeau ; ce n’est ni le marbre ni l’airain qui nous font révérer les grands. […] On a besoin de votre nom pour faire à nos descendants l’apologie de notre siècle ; ils douteront au moins de ses excès, quand ils sauront qu’il a produit en votre personne ce que nos pères avaient admiré dans les Du Guesclin, les Bayard et les Dunois, pour la gloire des rois, le salut de la patrie et l’honneur de la vertu. » Il n’y a personne qui, dans tous ces morceaux, ne reconnaisse le ton d’un orateur.

63. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

À vous, en qui brillent dans une si parfaite harmonie l’honnêteté, le génie, l’honneur, la beauté, la gloire ! […] Le comte de Paleno, fils du grand amiral du royaume, alla à sa rencontre, à cheval, avec un cortège d’honneur et voulut loger le poète dans le palais de son père. […] Le grand-duc et les gentilshommes de sa cour comblèrent le poète d’accueil, d’honneurs et de libéralités. […] Ils l’accueillirent en homme dont la vie ou la mort devait également porter un éternel honneur à leur maison. […] Cinthio ne voulut céder à personne l’honneur et la consolation de construire le sépulcre du Tasse.

64. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Monsieur le ministre,   La Commission chargée par vous de désigner les ouvrages dramatiques dont les auteurs lui paraîtraient dignes des primes instituées par l’arrêté ministériel du 12 octobre 1851, a l’honneur de vous soumettre le résultat de l’examen auquel elle s’est livrée. […] Ainsi amenée par le résultat de son examen, et par les termes de l’arrêté où elle était circonscrite, à réunir des ouvrages fort différents et même disparates, la Commission a l’honneur, monsieur le ministre, de vous désigner l’auteur de la comédie Les Familles, et les auteurs du drame La Mendiante, comme dignes à quelque degré, et à des titres divers, de la prime proposée. […] Pour parer, d’ailleurs, à une difficulté qu’elle a rencontrée dans la pratique et qui l’a arrêtée plus d’une fois, et toujours en vue d’aider au travail des Commissions futures, la Commission exprime le vœu. monsieur le ministre, que dorénavant la totalité des sommes destinées aux primes restant la même, il soit permis d’en opérer et d’en graduer la répartition selon le mérite des ouvrages qui sortiront de l’examen avec honneur. […] J’ai l’honneur d’être avec respect, monsieur le ministre, etc.

65. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Dans cette revue des écrivains, Tacite mérite d’être traité avec le même honneur. […] « Il a joui trente ans de sa gloire, nous dit-il ; il a vu des poèmes composés en son honneur, il a lu lui-même son histoire, et la postérité a commencé pour lui de son vivant. […] « En attendant, dit-il, je consacre ce livre en l’honneur d’Agricola mon beau-père ; et dans ce projet ma tendresse pour lui me servira ou d’excuse, ou d’éloge45. » Alors il parcourt les différentes époques de la vie de son héros, peignant partout comme il sait peindre, et montrant un grand homme à la cour d’un tyran, coupable par ses services même, forcé de remercier son maître de ses injustices, et obligé d’employer plus d’art pour faire oublier sa gloire, qu’il n’en avait fallu pour conquérir des provinces et vaincre des armées. […] puisque tu avais auprès de toi une épouse qui t’adorait, tu as reçu les honneurs qui étaient dus à ta cendre ; cependant moins de larmes ont coulé sur ta tombe, et tes yeux, en se fermant, ont désiré quelque chose.

66. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Caverlet, homme de cœur et d’honneur, qui s’est pris pour elle d’une passion profonde. […] Ce sentiment même de l’honneur exalté, farouche, intraitable, c’est à lui que Henri le doit ; il le blesse avec l’arme qu’il lui a trempée. […] Bargé, en refusant tout à l’heure la main de Fanny pour son fils, n’a fait que ce qu’aurait fait, à sa place, tout homme soucieux du parfait honneur de son nom. […] La femme, trop fière pour se disculper, a changé de nom, elle a élevé l’enfant de sa faute, elle en a fait un homme d’honneur et de lutte. […] Le père était venu repêcher sa parole dans l’eau trouble d’une phraséologie hypocrite colorée de protestations de désintéressement et d’honneur.

67. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

La Revue des Deux Mondes et les écrivains qui tiennent à honneur de lui appartenir ont été récemment l’objet de telles attaques violentes et outrageuses, outrageuses et pour ceux qu’on y désignait malignement, et pour ceux qu’on y passait sous silence, en ayant l’air de les ménager, et pour ceux surtout qu’on cherchait à y flatter en se les donnant pour auxiliaires, que c’est un devoir à eux, non pas de se défendre (ils n’en ont pas besoin), mais de témoigner de leurs sentiments, de leurs principes, et de marquer de nouveau leur attitude. […] Dans ces diverses et confuses attaques dont la Revue a l’honneur d’être l’objet, et qui la feraient ressembler (Dieu me pardonne), si cela durait, à une place de sûreté assiégée par une jacquerie, les adversaires s’attachent à confondre les dates et à brouiller pêle-mêle les choses et les temps. […] C’est alors que la critique et la poésie comme ncèrent à tirer chacune de leur côté, et, quelles qu’aient pu être les incertitudes et les déviations à certains moments, l’honneur véritable du directeur de la Revue est de n’avoir jamais laissé rompre l’équilibre aux dépens de la critique, et d’avoir maintenu, fait prévaloir en définitive l’indépendance des jugements. […] La Revue des Deux Mondes trouve occasion de vérifier ce mot-aujourd’hui ; elle en prend acte à son honneur. […] La touche littéraire est là, et, s’il semble difficile de ne pas la forcer parfois dans l’indignation qu’on ressent, on n’a que plus d’honneur à maintenir cette modération, quand la fermeté s’y mêle.

68. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

Une sylve du Pèlerin passionné le salue en ces termes : « Gentil esprit, l’honneur des muses bien parées… » Maurice Du Plessys lui voue un sonnet, dont ce premier vers : « La gloire t’a béni dès l’aube de tes ailes… » Ernest Raynaud, dans son récent Bocage, dit ses louanges plusieurs fois, et maint critique — Anatole France, par exemple — a écrit en son honneur. […] Il nous est réservé d’avoir des honneurs tels, Plessys, sur toute chose.

69. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Papes, évêques, cardinaux, princes d’Italie, princes d’Allemagne, ducs, margraves, électeurs, abbés même, pour peu qu’ils eussent l’honneur d’être souverains dans leur couvent, ne manquaient point d’avoir un orateur, qui, en phrases de Cicéron ou de Pline, les comparaît ou à César ou à Trajan. […] Tels sont, par exemple, ceux que l’on prononça à Rome, et dans plusieurs villes d’Italie, en l’honneur de Léon X. On peut lui reprocher, sans doute, de n’avoir pas en assez d’austérité dans ses mœurs, et sa cour était plus celle d’un prince que d’un pontife ; mais le protecteur de Raphaël, de Michel-Ange et du Bramante, l’ami du Trissino et du Bembo, celui qui cultiva les lettres en homme de goût, et sut les protéger en souverain, mérita l’honneur des éloges publics. […] Sa fille Christine eut le même honneur, et à plusieurs égards s’en montra digne. […] Il serait seulement à souhaiter que tous les panégyriques eussent cessé au moment du meurtre de Monaldeschi : ce serait en même temps et l’honneur des lettres et l’instruction des princes.

70. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Cependant, disons à son honneur que lorsque la marquise, ayant épuisé ses coquetteries à la Cour et en tous lieux, délaissée de son mari, frappée dans sa beauté, se voyant malade et dépérissante, cherchait un lieu où s’abriter, ce fut à Reims, chez MM. de Maucroix, le nôtre et son frère, qu’elle fut recueillie, qu’elle reçut les derniers soins et qu’elle mourut, aussi bien que sa mère, qui y était morte également. […] C’est pendant qu’il était à Rome que Maucroix reçut de La Fontaine ce récit moitié vers et moitié prose qui contient la description des Fêtes de Vaux, et qui était une sorte de dépêche poétique tout en l’honneur du surintendant (août 1661). […] Maucroix, le paresseux et l’homme de loisir, ne put donc éluder les honneurs ni les charges ; il se vit nommé secrétaire général de l’Assemblée. […] Pour moi, malgré les honneurs mondains, je trouve que la liberté est la meilleure de toutes les choses d’ici-bas : quand la retrouverai-je ? […] plus d’honneurs mille fois que vous n’en méritez ! 

71. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Je suis un exemple bien sûr qu’on peut parvenir à tout et aux premiers honneurs sans intrigue. […] Honneur donc à l’honnête homme, au doyen vertueux de ces Communes, l’un de nos pères ! […] Il se dit que l’honneur de présider le tiers état du royaume était jadis un privilège des députés de Paris ; que, s’il décline cette charge, il peut priver la ville qui l’a nommé d’un avantage auquel elle a des droits. […] Il arrive à Bailly, après sa présidence d’un mois à l’Assemblée nationale, ce qui lui était déjà arrivé lors de sa nomination de député dans l’assemblée des électeurs de Paris : un nouvel et soudain honneur vient le saisir derechef, l’affliger à la fois et le combler. […] Sa mort (c’est tout dire) fait autant d’honneur que de honte à l’espèce humaine.

72. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Il n’y a prince au monde, remarque-t-il à ce propos, qui ait la noblesse plus volontaire que le nôtre : un petit souris de son maître échauffe les plus refroidis ; sans crainte de changer prés, vignes et moulins en chevaux et armes, on va mourir au lit que nous appelons le lit d’honneur. […] Montluc fut particulièrement chargé de conduire toute l’arquebuserie, ce qui a fait dire à un auteur qu’on est orgueilleux de citer : Toute l’arquebuserie française avait été retirée des bataillons et mise sous le commandement de Montluc, qui l’accepta comme un grand honneur. […] Sur cette idée un peu folle, ainsi qu’il l’appelle, il avait donné ordre à un sien valet de lui tenir son cheval turc prêt à monter derrière le bataillon ; mais une fugue du valet mit du retard à l’entreprise, et Montlue, après un temps de galop, vit qu’il lui fallait renoncer à ce supplément d’honneur et de gain. […] L’idée et la doctrine de Montluc, tout gentilhomme qu’il est, c’est que tout ce qui sert à la guerre, tout ce qui est utile et commandé par les besoins de l’armée, travail de main de quelque genre que ce soit, ne peut faire tache au guerrier et ne peut que procurer honneur aux capitaines et aux princes comme aux soldats. […] un prince ne doit point dédaigner au besoin de servir de pionnier : voici besogne pour tous. » Ainsi Monlluc comprenait en toutes les parties et maintenait en égal honneur tout ce qui constitue le noble métier de soldat.

73. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Si la paix me venait par vos mains, elle me serait doublement chère, et vous auriez l’honneur d’avoir pacifié l’Allemagne. […] Vous pourriez aisément, dans la conversation, savoir ce qu’en pense l’homme instruit dont j’ai l’honneur de vous parler. […] Je n’ai besoin ni d’honneurs ni de biens, et, comme lui, je ne songe qu’à vivre en évêque philosophe. […] Nos mœurs et votre situation sont bien loin d’exiger un tel parti ; en un mot, votre vie est très nécessaire : vous sentez combien elle est chère à une nombreuse famille, et à tous ceux qui ont l’honneur de vous approcher. […] Grâce à Dieu, je n’ai pas eu cent hommes de morts. » Mais il avait le droit d’ajouter : « À présent je descendrai en paix dans la tombe, depuis que la réputation et l’honneur de ma nation est sauvé.

74. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Ayant navigué autrefois, il prit pour son département la marine et s’en tira, somme toute, avec honneur. […] Ces mois passés à Brest dans un travail incessant sont l’honneur de la carrière conventionnelle de Jean-Bon. […] « C’était une tâche pénible, a dit Jomini, d’aller à la rencontre de ces vétérans de l’Europe avec une escadre novice et à laquelle il fallait apprendre en voguant les manœuvres nautiques. » On n’avait pas encore aperçu le convoi lorsqu’on rencontra lord Howe ; on résolut par honneur de le combattre. […] Jean-Bon Saint-André, quels que soient les reproches de conduite ou de tactique qu’on lui peut faire ainsi qu’à l’amiral, eut l’honneur de rester durant le combat sur le pont du vaisseau la Montagne, exposé à tous les feux, et il fut même légèrement blessé à la main. […] S’il ne la perd point, il aura de l’honneur, et par l’honneur nous pourrons le conduire à toute sorte de bien.

75. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Il était, s’il est permis de traduire ainsi les cœurs, il était de ceux qui, en ces heures mémorables où il fallut faire acte de sacrifice, retrouvèrent la foi catholique par l’honneur même, et qui, se relevant des fragilités de leur passé, redevinrent véritablement chrétiens à force d’être honnêtes gens. […] Il avait beau dire : « J’aime toujours les lettres : elles m’ont fait plus de bien que je ne leur ai fait d’honneur », les lettres toutes seules ne lui suffisaient pas. […] Bernis avait de plus l’honneur d’être son confrère à l’Académie française, où, chose singulière ! […] Une main invisible m’a conduit des montagnes du Vivarais au faîte des honneurs ; laissons-la faire, elle saura me conduire à un état honorable et tranquille ; et puis, pour mes menus plaisirs, je dois, selon l’ordre de la nature, être l’électeur de trois ou quatre papes, et revoir souvent cette partie du monde qui a été le berceau de tous les arts. […] Un jour le pape lui fit cadeau de toutes sortes de titres et de pièces originales concernant l’église d’Albi, en y joignant un bref où il le comblait de marques d’honneur et de témoignages de tendresse.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Il venait de publier son imitation d’Homère en vers français, c’est-à-dire un Homère abrégé, corrigé et perfectionné à la mode des Parisiens raisonneurs de l’an 1714, Homère tel qu’il aurait dû être s’il avait eu l’honneur de vivre aux dernières années du règne de Louis le Grand. […] On lui attribue l’honneur d’avoir mis en circulation ce nom et ce terme d’érudits, qui ne se prend plus maintenant en mauvaise part, mais qui, à l’origine, avait une teinte marquée et désagréable. […] La divine Iliade n’était entendue que des érudits, on leur enviait avec respect ce dépôt sacré ; ils insultaient impunément à nos meilleurs écrivains, l’injustice leur tournait même à honneur, parce qu’on se persuadait que les beautés modernes, comparées par eux aux merveilles antiques, leur devaient faire une impression moins vive. […] Gacon, un chétif et déshonorant défenseur des anciens, s’était mis en effet du jeu : sous le titre d’Homère vengé, il publia en 1715 le livre le plus incohérent et le moins solide, mi-partie de vers et de prose, folâtre de ton, tout bariolé de fables et de rondeaux, le tout à l’honneur du père de la poésie et contre son moderne détracteur. […] C’est par préjugé et par confusion que nous nous accoutumons « à déférer à de certains signes les honneurs dus aux choses signifiées ».

77. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Plus d’un siècle après, Boileau lui faisait l’honneur de commencer par lui l’histoire, nécessairement très écourtée, qu’il donnait de notre ancienne poésie. […] je vois le moment où tout cela vous sera compté à plus grand honneur que si vous aviez mieux conduit votre talent et mis en œuvre tout votre généreux esprit ; et nos neveux diront en vous lisant : « Tant pis pour nous, là où nous ne saisissons pas ! […] À cette époque, faute de civilisation, il n’y avait point encore ces maximes d’honneur et de délicatesse sociale qui nous apprennent à faire la différence entre ce qui est une bassesse et ce qui n’est qu’une espièglerie. […] L’honneur de Villon, son originalité et sa gentillesse d’esprit (M.  […] Villon a dit quelque part que quand nous aimons ordure, elle nous aime (c’est le sens), et que quand nous fuyons honneur, il nous fuit ; mais il m’est impos^ sible de découvrir là-dedans un cri de damné.

78. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Ç’a été l’honneur du xviie  siècle, que la poésie a donné le signal et le branle, même à la prose : celle-ci en a gardé quelque chose de plus libre, de plus large et de plus généreux, qui disparaît trop dans le siècle suivant. […] Le Cid est une fleur immortelle d’amour et d’honneur. […] Elle va donner de sa main Rodrigue à Chimène, et cependant elle aime Rodrigue, toute fille de roi et tout amie de Chimène qu’elle est ; mais elle est décidée, dût-elle en mourir, à immoler sa flamme au devoir, à l’honneur, au sentiment de sa propre gloire. […] Vieux et inutile, mais vengé désormais et content, il s’offre lui-même en victime pour apaiser le sang qui crie par la bouche de Chimène ; que son fils vive pour continuer l’honneur de sa race, pour servir son roi et son pays, il n’aura plus de regret. […] Shakspeare n’aurait pas inventé cela ; c’est trop peu naturel ; il y a trop de compartiments, de contradictions subtiles ; mais c’est beau, d’un beau qui suppose le chevaleresque et le point d’honneur du Moyen-Age.

79. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Le silence de Bayle à cette occasion, silence dont il fut la victime est une des choses qui fait le plus d’honneur à la mémoire de ce grand homme. […] Jurieu y enseignoit la théologie & se faisoit un honneur de recevoir le philosophe chez lui. […] De toutes ses différentes productions, ses Pensées diverses & son Dictionnaire sont celles qui lui firent le plus d’honneur. […] Il est bien glorieux à ces magistrats de s’être ainsi élevés au-dessus des loix, & de n’avoir pas regardé comme étranger un François qui faisoit tant d’honneur à sa patrie.

80. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

C’est la magie du poëte de transformer ce qu’il touche ; c’est l’honneur de la pensée d’être plus précieuse que tout ce qu’elle décrit. […] Était-ce là ce chantre célèbre des Muses et des Grâces chez le peuple le plus ingénieux de la terre, cet Athénien de l’île de Téos, attiré avec de si grands honneurs à la cour du tyran de Samos et de Pisistrate, usurpateur d’Athènes ? […] C’est avec le même accent qu’il dit, en l’honneur des Corinthiens : « Ô étranger ! […] Je le croirai, par exemple, pour quelques vers qui ne me semblent que le début d’un hymne à la gloire d’Athènes : « Salut, braves105, vous qui avez remporté le grand honneur de la guerre, enfants d’Athènes, habiles cavaliers qui jadis, pour votre patrie aux belles fêtes, avez consumé votre jeunesse, en suivant un parti contraire à celui du plus grand nombre des Grecs ! 

81. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Ils n’ont pas même le triste honneur d’être injustes avec connaissance. […] Du moins l’honneur qu’ils nous font de venir chercher en France nos goûts, nos airs, et jusqu’à nos préjugés, est une sorte d’éloge tacite et involontaire, dont la vanité française doit s’accommoder mieux que d’aucun autre. […] Presque toutes retentissent de l’honneur que les grands font aux lettres en les aimant, et nullement de l’honneur et du besoin qu’ils ont de les aimer. […] Il n’imaginait pas qu’un jour certaines gens dussent être choqués de se voir dans l’Académie Française entre Despréaux et Racine, place dont Mécène se serait fait honneur et qu’il n’eût occupée qu’avec modestie. […] Que ne puis-je pour l’honneur de notre nation en dire autant de tous nos Mécènes !

82. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Lorsque je parlais, il y a quelques mois, dans Le Moniteur (20 avril 1857), des mémoires et Souvenirs du général Pelleport, je cherchais un nom, un type qui résumât avec gloire, aux yeux de tous, cette race d’hommes simples, purs, intrépides, obéissants et intelligents, les premiers du second ordre, les premiers lieutenants du général en chef, ses principaux exécutants et ses bras droits un jour d’action, et qui, tout entiers à l’honneur et au devoir, ne sont appliqués qu’à verser utilement leur sang et à bien servir. […] Dans la relation de la Campagne d’Égypte, publiée en 1847, et où le général Friant est plus d’une fois mentionné avec honneur, Napoléon a traité, en finissant, des événements militaires qui amenèrent l’évacuation de la conquête. […] La belle journée de récompense et d’honneur pour le général Friant fut à Witebsk, dans cette pause utile qu’y fit l’empereur en août 1812, et qui, par malheur, ne fut pas un temps d’arrêt assez long. […] Avec des hommes comme Friant, tout honneur, toute simplicité, sans politique, sans raillerie frondeuse, héroïquement utiles et n’ambitionnant pas autre chose, Napoléon n’était resté que le premier des soldats. […] » disait-il à la journée d’Austerlitz, en menant au feu le 15e léger dont les deux tiers étaient détachés ailleurs et qui était réduit à 500 hommes, et le petit 15e se piquant d’honneur fit des prodiges. — Maintenir en belle humeur une troupe de braves au moment où on les force de rester en ligne immobiles sous les boulets, leur rendre de cet entrain qu’on perd aisément à demeurer au feu l’arme au bras, n’est point un talent à mépriser.

83. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Les éditeurs de ses œuvres avaient toujours jugé à propos d’éliminer un écrit, selon eux, trop familier : « Ce fut pendant ce voyage (d’Auvergne), est-il dit dans le Discours préliminaire de l’édition de 1782, et à l’occasion de tous les événements dont il y fut témoin, qu’il composa la relation des Grands-Jours, ouvrage écrit à la hâte, et qui ne ressemble en rien ni pour la gravité du ton, ni pour l’élégance du style, aux autres productions de sa plume… Aussi Fléchier, parvenu aux honneurs de l’Église et compté déjà parmi les hommes célèbres de son temps, n’a-t-il jamais permis que cette bagatelle devînt publique par l’impression. […] Martial a très-bien remarqué qu’il y a ainsi deux sortes d’œuvres : celles qui font grand honneur par la gravité des sujets et par la solennité des genres, celles-là on les estime, on les admire ; les autres, réputées moins sérieuses, on les lit : Illa tamen laudant omnes, mirantur, adorant. […] » C’était bien un maître de Fénelon en effet, celui qui, avec Pellisson, Bussy et Bouhours, et plus qu’aucun d’eux, contribua à mettre en honneur la culture polie, la régularité ornée et simple, à conduire la langue, selon sa propre expression, dans un canal charmant et utile 42. […] Vingt-cinq ans après, Fléchier eut pour son compte à assister en qualité d’évêque de Nîmes à bien d’autres scènes dans lesquelles il eut un rôle plus délicat et d’où sa renommée est sortie pleine d’honneur. […] Ce volume de Fléchier sera désormais un document précieux pour l’historien, et lui-même, esprit sérieux sous ses grâces, il a eu l’honneur de ne pas rester étranger à ce que nous appellerions la pensée administrative et politique qu’on en peut tirer.

84. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Il se dévoua pour l’honneur du corps, & le vengea d’une oppresseur, qui faisoit un si grand abus du titre de président. […] Oseroit-on dire cela devant les statues de Henri IV & de Louis XIV, & j’ajouterai de Louis XIV ; & j’ajouterai de Louis XV ; puisque je fus le seul académicien qui fis son panégyrique, quand il nous donna la paix ; & lui-même a ce panégyrique traduit en six langues. » Il adresse ces paroles au roi de Prusse : « Il se souviendra qu’il a été mon disciple, & que je n’emporte rien d’auprès de lui que l’honneur de l’avoir vu en état de mieux écrire que moi. […] Il eut l’honneur d’être présenté à la cour ; mais ce triomphe même lui nuisit. […] Monsieur de Voltaire a remercié l’auguste impératrice de Russie de l’honneur qu’elle lui a fait de l’appeller à la sienne. […] Comment M. de Voltaire a-t-il pu lui faire l’honneur de lui répondre ?

85. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Seulement, ce n’est pas ici le combat entre l’amour et l’honneur tel que l’entend le monde ; mais le combat entre l’amour et un autre honneur que le monde n’entend presque plus. […] — l’honneur à la manière du Cid, l’honneur chevaleresque, qui a l’épée au poing et qui venge un père outragé. […] Il a de Lamartine l’abondance fluide, la sinuosité, les contours  noyés, la facilité dans le rhythme et l’absence de toute matérialité dans la peinture, la couleur puisée seulement et prise dans le sentiment, — ce qui est absolument le contraire du procédé le plus en honneur parmi les poètes et les écrivains d’aujourd’hui.

86. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Nerva avait pour lui la plus grande estime, et le combla d’honneurs ; mais ce qui le touchait encore plus, c’était la tendre amitié de ce prince ; car les honneurs ne sont que le besoin des âmes vaines, mais l’amitié est le besoin des âmes sensibles. […] Malheureusement les ouvrages d’Aristide démentent un peu cette réputation et ces honneurs. […] Antonin le choisit pour donner des leçons à Marc-Aurèle sur le trône, lui fit élever une statue ; de plus, il le nomma consul : ainsi il eut tous les honneurs qui supposent et augmentent la réputation. […] Il se moquait hautement de tous ces panégyriques de princes ; et pendant treize ans qu’il régna, il ne voulut jamais souffrir qu’on lui rendît un honneur qui lui paraissait plus ridicule encore que dangereux : mais dans ses moments de loisir, il célébrait lui-même les princes les plus vertueux qui avaient régné à Rome.

87. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il faudrait, pour son honneur, lui retrancher les douze dernières années de sa vie active. […] Il en tire, selon son habitude, l’occasion d’une petite moralité à l’usage des capitaines ses compagnons qui lui feront l’honneur de lire sa vie : l’important, c’est de chercher dès ses débuts à montrer ce qu’on vaut et ce qu’on peut faire ; ainsi les grands et chefs vous connaissent, les soldats vous désirent et veulent être avec vous, et par ce moyen on a toute chance d’être employé : « Car c’est le plus grand dépit qu’un homme de bon cœur puisse avoir, lorsque les autres prennent les charges d’exécuter les entreprises, et cependant il mange la poule du bonhomme auprès du feu. » M. de Lautrec, à la première occasion, donne à Montluc une compagnie ; celui-ci n’avait guère que vingt ans. […] Montluc, qui ne faisait pas semblant d’entendre, écouta la réponse du marquis : « Celui-là fera toujours bien partout où il se trouvera. » Ces petites pointes d’honneur servent beaucoup à la guerre, remarque-t-il ; et c’est pourquoi il ne se fait faute de mettre telles paroles par écrit, bien qu’elles soient à sa louange : « Capitaines, et vous seigneurs, qui menez les hommes à la mort, car la guerre n’est autre chose, quand vous verrez faire quelque brave acte à un des vôtres, louez-le en public, contez-le aux autres qui ne s’y sont pas trouvés. […] M. de Barbezieux, qui commandait à Marseille, lorsque le roi bientôt après y arriva, s’attribua devant ce prince tout l’honneur et l’invention de l’entreprise : « M. de Lautrec n’eût pas fait cela, dit Montluc. Il sied mal de dérober l’honneur d’autrui ; il n’y a rien qui décourage tant un bon cœur. » Dans les diverses guerres auxquelles il prend part et qu’il nous décrira, il est de certains faits qu’il aura ainsi trop de curiosité et de plaisir à raconter, à déduire au long et par le menu, pour qu’on n’y voie point se déceler et se déclarer le genre de talent militaire particulier et propre à Montluc : c’est ordinairement dans ce qu’il appelle une faction ou fait d’armes à part, dans un coup de main, un stratagème bien ourdi, une escarmouche bien menée, une attaque de place réputée imprenable, ou une défense déplacé réputée intenable, quelque entreprise soudaine et difficile, une expédition en un mot qui fasse un tout, à laquelle il commande, sans qu’il soit besoin d’avoir sous sa main autre chose qu’une élite, c’est là qu’il se complaît et où il excelle.

88. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

La Dauphine, près de qui Dangeau est chevalier d’honneur, meurt vers ce temps-là ; on a le cérémonial de ses funérailles dans la dernière précision. […] Il relate en greffier d’honneur combien, au service funèbre solennel de cette même Dauphine, il y eut de chaises vides entre les princes ou princesses et les premiers présidents, soit du Parlement, soit de la chambre des comptes, combien on fit de révérences auxdits princes et princesses. […] Un Courtenay mousquetaire y fut tué, un descendant légitime de Louis le Gros et, à sa manière, un petit-fils de France. « Je voyais toute l’attaque fort à mon aise, écrit Racine à Boileau, d’un peu loin à la vérité ; mais j’avais de fort bonnes lunettes, que je ne pouvais presque tenir ferme tant le cœur me battait à voir tant de braves gens dans le péril. » Le roi, à ce siège de Mons comme l’année suivante à celui de Namur, s’offre bien à nous dans l’attitude sinon héroïque, du moins royale, et il satisfait à l’honneur, au courage, à tous ses devoirs, y compris l’humanité : « Jeudi 5 avril. — Le roi, en faisant le tour des lignes, a passé à l’hôpital pour voir si l’on avait bien soin des blessés et des malades, si les bouillons étaient bons, s’il en mourait beaucoup, et si les chirurgiens faisaient bien leur devoir. » La ville a demandé à capituler après seize jours de tranchée ouverte : « Le roi, dit Dangeau, a donné ce matin (9 avril) à Vauban 100000 francs, et l’a prié à dîner, honneur dont il a été plus touché que de l’argent. Il n’avait jamais eu l’honneur de manger avec le roi. » La garnison, composée d’environ cinq mille hommes, sort de la place le lendemain 10 ; Monseigneur assiste au défilé : « Le gouverneur salua Monseigneur de l’épée, et sans mettre pied à terre ; il lui dit qu’il était bien fâché de n’avoir pu tenir plus longtemps, afin de contribuer davantage à la gloire du roi. » Ainsi tout se passait de part et d’autre en parfait honneur et en courtoisie.

89. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Thiers : c’est pour le soin qu’il prend, au milieu de toutes les réserves politiques qu’il a dû faire, de marquer, de relever le sentiment patriotique et national de Napoléon, voulant tout, même la ruine et la perte du trône, plutôt que la mutilation de la France et l’abdication de ce qu’il considère comme son propre honneur. « Vous parlez toujours des Bourbons, disait-il à Caulaincourt, j’aimerais mieux voir les Bourbons en France avec des conditions raisonnables, que de subir les infâmes propositions que vous m’envoyez », c’est-à-dire de garder une France réduite au-dessous d’elle-même. — « Si je me trompe, eh bien nous mourrons ! nous ferons comme tant de nos vieux compagnons d’armes font tous les jours, mais nous mourrons après avoir sauvé notre honneur. » — Et à Fontainebleau, à la dernière heure, et quand son destin va se consommer : « Vous avez bien fait de ne rien signer. […] Thiers, qui revient plus d’une fois sur ce noble et patriotique ouvrage, et qui en fait honneur à qui de droit, nous permettra de lui en attribuer à lui-même, à lui le grand promoteur, une très bonne part. […] Je ne suis pas de ces esprits qui ne comprennent qu’une chose ; je n’ai pas le goût de diviser en deux camps mes compatriotes ; il y a, je le sais, le point de vue très plausible, très légitime à bien des égards, du bon sens et de la prudence, comme il y a le parti de l’exaltation intrépide et généreuse ; mais, si large qu’on fasse la part de la civilisation générale, de la raison humaine et de la philosophie, il est des moments où l’honneur l’emporte sur tout ; où, si adouci qu’on soit, si éclairé qu’on se flatte d’être, il convient d’être peuple, de sentir comme le peuple, si l’on veut rester nation. […] N’est-ce pas, lui dirais-je, si j’avais encore l’honneur de le rencontrer, qu’on ne vous fait point injure en pensant ainsi ?

90. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Son petit-fils, le duc de Luynes, celui dont on nous donne aujourd’hui les Mémoires, aussi pieux que son aïeul, mais plus apaisé d’imagination, vivait en homme de grande naissance à la Cour dans la familiarité de la reine Marie Leczinska, dont la duchesse, sa seconde femme, était dame d’honneur. […] On prétend que Mlle de Viantais, fille d’honneur de Mme la princesse de Conti, fille du roi, à qui le roi avait fait un peu de mal en lui jetant une boule, lui jeta une salade tout assaisonnée. […] L’abbé Le Dieu, ancien secrétaire de Bossuet, étant allé visiter Fénelon à Cambrai en septembre 1704, fut invité à dîner et à souper avec le prélat, et il nous a laissé un détail minutieux de tout ce dont il fut témoin en ce palais où régnait la politesse : « M. l’archevêque, dit-il, prit la peine de me servir de sa main de tout ce qu’il y avait de plus délicat sur sa table ; je le remerciai chaque fois en grand respect, le chapeau à la main, et chaque fois aussi il ne manqua jamais de m’ôter son chapeau, et il me fit l’honneur de boire à ma santé. » Du temps de M. de Luynes, il paraît que l’usage ordinaire de dîner le chapeau sur la tête subsistait encore, puisqu’il remarque qu’on se découvre quand on dîne avec le roi. Voici, du reste, le passage duquel on peut tirer cette conséquence On sait, dit-il (août 1738), qu’il y a longtemps qu’il est en usage, lorsqu’on a l’honneur de manger avec le roi, d’ôter son chapeau ; ce n’était pas autrefois le respect, et Mme la maréchale de Villars m’a dit que dans le temps qu’elle suivait M. le maréchal dans ses campagnes, les officiers qui mangeaient avec elle et M. le maréchal, même les ordonnances de la maison du roi, le gendarme, le chevau-léger, etc., qui ont toujours l’honneur de manger avec le général, y mangeaient avec leurs chapeaux sur la tête. […] Le cuisinier, bien loin de chercher à le détromper, lui répondit toujours avec esprit et légèreté, lui dit qu’il avait eu l’honneur de lui donner à dîner plusieurs fois en Espagne, lui cita même un tel jour où tels et tels étaient à dîner avec M. de Tessé, lui ajouta même que M. de Tessé, à Madrid, n’avait guère fait de dîners sans lui.

91. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Mais, au milieu de tant de changements, il demeurait toujours fidèle à l’honneur, qui est, pour lui, comme une religion civile. […] Pendant les horribles saturnales qui coûtèrent tant de larmes à la patrie, les traditions de l’honneur et de la gloire continuaient de se perpétuer parmi nous. […] Honneur au peuple qui a fait tant de choses en si peu d’années ! […] D’ailleurs, la modération sied bien aux vainqueurs : à Rome on permettait de dire même des injures à ceux qui recevaient les honneurs du triomphe ; et la vertu farouche de Caton fut plus d’une fois louée au sein de la cour d’Auguste. […] Ne disons cependant point comme ce preux chevalier qui mérita si bien d’être roi du beau pays de France, ne disons point, Tout est perdu, fors l’honneur  ; n’avons-nous pas sauvé plus que l’honneur, puisque nous avons sauvé, non point celles de nos institutions qui avaient vieilli, et qui étaient destinées à périr, mais celles d’où devaient naître nos institutions futures ; puisque nous avons sauvé ce qui toujours flatta le plus les nations, une existence qui se perd dans la nuit des temps ; une existence qui, pour nous, est antérieure à toutes les sociétés actuelles ; une existence de quatorze siècles ; puisque nous avons sauvé enfin notre magistrature sur l’Europe ?

92. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

La veuve d’Hector, chez le poète grec, est l’esclave de Pyrrhus qui l’a jugée digne de l’honneur de sa couche : elle en a eu un enfant. […] Est-ce parce qu’ils ont tous deux l’âme assez noble, assez forte pour immoler à l’honneur et au devoir la plus violente des passions ? […] L’honneur parle, il suffit ; ce sont là nos oracles. […] Mais les honneurs ne corrompent que trop souvent les mœurs. […] Bernadille parodie les stances du Cid ; il est entre l’honneur et la vie.

93. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Charitable et glorieux, il exposait sa vie en administrant les sacrements à des pestiférés, et il exigeait de ses curés, quand il les visitait, des honneurs plus que pontificaux. […] On a dit que, s’étant fait un point d’honneur de ne jamais parler des personnes d’une naissance commune, M. de Noyon avait affecté de ne rien dire de son prédécesseur Barbier d’Aucour. […] Vous le prenez, vous le quittez selon qu’il vous convient, et il est de l’intérêt de votre gloire de vous en détacher quelquefois, afin que les honneurs qu’on vous rend ne soient attribués qu’à votre seul mérite. […] III, p. 204) qu’on a réglé à la Cour que ce ne seront plus les filles d’honneur qui quêteront, et que ce seront les dames. […] IV. p. 479) les folies du cardinalat, pour les honneurs attachés à la dignité de cardinal ; il a dû dire les gloires du cardinalat, ou peut-être simplement les droits. — Je ne sais (t.

94. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Ces abbés brillants et légers, qui oubliaient d’être prêtres avant 89, s’en étaient ressouvenus tout d’un coup dès qu’il avait fallu confesser la foi ou l’honneur de leur engagement dans les prisons, dans les pontons qui les déportaient ; semblables à ces gentilshommes qui savent combattre et mourir pour leur opinion dès qu’il y a péril. […] Un homme de beaucoup d’esprit, dont les idées valaient mieux que les faits et gestes, et qui eut l’honneur de recevoir, depuis, les confidences de Napoléon sur ces matières ecclésiastiques, l’abbé de Pradt, a traité ce sujet dans un livre fort remarquable et digne d’être relu85. […] Quelques-uns, non dénués de mérite, mais faibles et qui cédèrent, y brisèrent leur nerf, leur ressort d’énergie et d’honneur ; ils ne l’ont jamais retrouvé depuis. […] Cependant des esprits courageux dans le Clergé, et M. de Lamennais en tête (rien ne saurait lui retirer l’honneur de cette initiative), ne désespérèrent pas de la situation si mauvaise qui leur était faite, qu’ils s’étaient faite eux-mêmes, et comme ils n’avaient point trempé du moins dans les ruses et les tortuosités du précédent régime, ils crurent qu’ils pouvaient affronter la lutte au grand jour sous un régime nouveau (1831). […] Tous ont changé depuis et ont dû changer : l’un irrité et emporté, dans sa fièvre d’impatience, a passé d’un bond à la démocratie extrême ; l’autre, tout vertueux, sans ambition et sans colère, est arrivé par une douce pente aux honneurs mérités de l’épiscopat, vérifiant ainsi en sa personne le mot du Maître : « Heureux les doux parce qu’ils posséderont la terre ! 

95. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Le point d’honneur que nous retrouverons si souvent, et quelquefois si fatalement, dans sa vie, passa donc ici avant cette grande loi, la plus sûre de toutes, qui prescrit de ne point porter les armes contre son pays, dût-on faire le sacrifice de quelques-unes de ses idées. […] Il résulta toujours de cette situation personnelle et du sentiment très chatouilleux qu’elle avait créé en lui, une assez grande indulgence, plus grande qu’on ne l’aurait attendue de sa part, dans ses jugements sur les émigrés de couleurs différentes, pourvu qu’ils fussent braves et gens d’honneur. […] Il ne lui suffisait pas d’avoir, en définitive, la vie sauve, il voulait avoir l’honneur sauf comme il l’entendait, et ne rien devoir de plus que ce qui avait été militairement stipulé. […] On ne saurait que la poser, et c’est déjà un honneur pour celui qui la suscite. […] C’était à Rouen, dans l’année scolaire 1818-1819, un jour de promenade ; au moment de partir, Carrel, un des meilleurs élèves de seconde, essaya de piquer d’honneur ses camarades au sujet d’un châtiment humiliant infligé à l’un d’eux ; il exprimait hautement son indignation.

96. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Un jour que Beaumarchais dînait chez la princesse de Nassau-Siegen, on parla de cette infortunée, qui avait écrit du fond de sa prison une requête touchante ; on la lui donna à lire, ainsi qu’un paquet de lettres du mari, et qui étaient très peu à l’honneur de ce dernier : Je passai sur une terrasse, dit Beaumarchais, où je les lus avidement. […] il ne pense qu’à ses fusils, il en fait son point d’honneur ; c’est son tic. […] À Londres, où il s’est réfugié à la fin de 1792, il reçoit pourtant une lettre de son commis et fondé de pouvoir, qui lui dit qu’il s’est présenté dans les bureaux de la guerre et qu’on l’a adressé à un sieur Hassenfratz (le savant) : « J’ai débuté lui demandant si j’avais l’honneur de parler à M. Hassenfratz, qui, l’œil hagard, le teint enflammé, le poing fermé, m’a dit d’une voix de tonnerre, et avec l’expression de la fureur : “Tu n’as point l’honneur, je ne suis point monsieur ; je m’appelle Hassenfratz. […] Maintenant, j’accorderai volontiers que, dans toutes les occasions où il le put, Beaumarchais chercha à concilier son intérêt particulier avec l’intérêt public, à les confondre en quelque sorte pour en tirer du même coup profit, honneur, popularité.

97. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Honneur et respect aux incorrigibles ! […] J’avais l’honneur d’en être reçu avec distinction dans mon adolescence. […] Delessert, on se demanda devant moi comment on pouvait me payer mon dévouement en honneurs ou en pouvoirs. […] Je ne dois pas m’engager avec cette royauté et avec vous par une reconnaissance quelconque des honneurs et des pouvoirs que vous voulez bien m’offrir. […] Il n’a certainement pas voulu, lui, homme de lettres, flétrir aucune disgrâce, ni déshonorer la lutte du travail pour l’honneur.

98. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Les éloges funèbres des particuliers devinrent donc beaucoup plus rares ; cet honneur ne fut presque rendu qu’à la famille impériale. […] Nous ajouterons, pour l’honneur de l’éloquence et des lettres, qu’il eût mieux valu imiter Papinien, qui cent cinquante ans après, pressé par Caracalla de lui composer un discours pour justifier devant le sénat de Rome le meurtre de son frère, dit pour toute réponse : Il est plus aisé de commettre un parricide que de l’excuser  ; et aima mieux mourir que de se déshonorer. […] De tous les honneurs rendus à la mémoire d’Antonin, ce fut là sans doute le plus grand. On avait décerné à ce prince un culte et des autels ; mais les Romains profanèrent plus d’une fois leur apothéose en l’accordant à des tyrans ; au lieu que la louange donnée par l’homme vertueux, est un honneur qui ne fut jamais prostitué au crime.

99. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Horace Vernet recevra donc les honneurs de la guerre. […] Une compagnie de gardes d’honneur lui sera fournie. […] Horace visita Gibraltar où il fut reçu avec cordialité et avec honneur, — avec les honneurs militaires, comme partout, — par le gouverneur sir Robert Wilson, le sauveur de La Valette. […] Ce fut un jury composé de peintres appartenant à toutes les nations de l’Europe qui lui assigna même le premier rang, en lui décernant la grande, médaille d’honneur. […] « Mon cher monsieur Horace Vernet, je vous envoie la croix de grand-officier de la Légion d’honneur, comme au grand peintre d’une grande époque.

100. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Il a mis la main et le nez sur tous ces débris, dont l’ambre révèle l’infection, et il vous affirme sur l’honneur que tout cela n’est si sale ni si pourri qu’on le croyait et qu’il faut beaucoup en rabattre… Ah ! […] Tel, pendant toute sa vie, avait été l’honneur de sa pensée, et voilà ce qui rachetait à nos yeux les défauts d’un écrivain sur lequel notre sympathie ne nous a jamais fait illusion ! […] il a osé comparer cette dépravante courtisane, qui a coûté trente-six millions à la France, trente-six millions d’écus et de hontes, à la grande reine, sous couronne de marquise, qui fut la femme légitime et voilée de Louis XIV et sauva l’honneur de sa vieillesse. […] Capefigue fait une série d’œuvres, entreprises à l’honneur calomnié d’une époque plus pure qu’on ne croit, selon M.  […] Il l’est au premier et à tous les chefs, ou bien l’honneur n’est donc plus ce que jusqu’ici l’ont fait les hommes !

101. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Le comte de Camors écrit dans sa lettre le mot d’honneur, qu’il appelle un grand mot, et qu’il croit la seule réalité morale qui reste aux hommes dans l’athéisme universel. […] C’est là une idée et un mot chevaleresques, traînant d’une société finie dans une société qui rit de la chevalerie et des monarchies à la Montesquieu, fondées sur l’honneur. Parler d’honneur à son fils, à cette heure suprême où l’on veut l’armer contre le monde pour le vaincre. […] … Ce vieux dandysme d’honneur n’est-il pas ridicule dans un homme qui a le cynisme grandiose de son moi, comme l’avait Médée ? L’honneur, ce n’est pas seulement l’estime de soi, comme le définit faussement Feuillet, c’est l’estime de soi par les autres.

102. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

« Escalona, mais qui plus ordinairement portait le nom de Villena, était la vertu, l’honneur, la probité, la foi, la loyauté, la valeur, la piété, l’ancienne chevalerie même, je dis celle de l’illustre Bayard, non pas celle des romans et des romanesques. […] Il n’y a point d’action qui ne fût un moyen d’honneur pour les uns, de mortification pour les autres. […] — C’est peu d’obtenir des distinctions pour soi ; il faut en obtenir pour ses domestiques ; les princesses triomphent de déclarer que leurs dames d’honneur mangeront avec le roi. […] Saint-Simon est un noble cœur, sincère, sans restrictions ni ménagements, implacable contre la bassesse, franc envers ses amis et ses ennemis, désespéré quand la nécessité extrême le force à quelque dissimulation ou à quelque condescendance, loyal, hardi pour le bien public, ayant toutes les délicatesses de l’honneur, véritablement épris de la vertu. […] Il est resté pourtant ; sa femme fut dame d’honneur de la duchesse de Bourgogne ; il a eu maintes fois le bougeoir ; le roi l’a grondé parfois, majestueusement, « d’un vrai ton de père », mais ne l’a jamais foudroyé.

103. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Il rappelle madame la duchesse de Septmonts au sentiment de son devoir et de son honneur. […] Quel est-il donc, ce yankee si prompt à châtier les transgressions de l’honneur ? […] Dès que l’ingénieur reparaît, une conspiration se forme en l’honneur de l’amant. […] Si elle refuse, tout est perdu, même l’honneur : alors un suicide à deux le leur rendra, par l’expiation. […] En vérité, il faudrait que le comte Jean fut en bois pourri, qu’il n’eût ni sang, ni nerfs, ni cœur ni honneur, pour faire autrement.

104. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Roger de Rabutin, comte de Bussy, né à Épiry près Autun, en avril 1618, eut beaucoup en lui de cette veine railleuse et mordante, de cet esprit de saillies dont on fait honneur à sa province, et dont on retrouve maint témoignage direct chez les Piron, les La Monnoye, les Du Deffand. […] Veuf d’une première femme et voulant se remarier, « cherchant du bien, dit-il, parce qu’il savait qu’il sert beaucoup à faire obtenir les grands honneurs », il s’était laissé persuader par quelques entremetteurs intrigants qu’une jeune veuve fort riche, Mme de Miramion, ne demandait pas mieux que de l’épouser, mais qu’elle avait besoin d’y paraître contrainte pour donner un consentement que sa famille n’aurait pas approuvé. […] Honneur à Bussy pour cette note du cœur ! […] Qu’on se rappelle cette première scène délicieuse où le spirituel valet, en exposant ses misères, ne fait que décrire la servitude et les attaches du courtisan d’alors auprès des Grands :        Cependant notre âme insensée S’acharne au vain honneur de demeurer près d’eux, Et s’y veut contenter de la fausse pensée Qu’ont tous les autres gens, que nous sommes heureux. […] Enfin, il reste attaché à jamais, comme un coupable et comme un vaincu, à son char ; et cet homme si vain, si épris de sa qualité et de lui-même, vivra surtout par cet endroit, qui est celui de ses torts et de sa défaite, et il vivra aussi parce qu’il a eu l’honneur, à son moment, en s’en défendant peut-être, et à la fois en y visant un peu, d’être non pas un simple amateur, mais un des ouvriers excellents de notre langue.

105. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Un juge impartial, le chancelier d’Aguesseau, a heureusement défini son principe de conduite, et a tracé de lui, à cette occasion, le beau portrait dont voici les points principaux : « François de Harlay, prélat d’un génie élevé et pacifique, auquel il n’aurait rien manqué s’il avait su autant édifier l’Église qu’il était capable de lui faire honneur par ses talents et de la conduire par sa prudence, se conduisait lui-même avec tant d’habileté qu’il réussissait presque toujours également à contenir la vivacité de ceux qu’on appelait Jansénistes, et à éluder, au moins en grande partie, les coups des Jésuites. […] On racontait aussi qu’un soir que l’archevêque rentrait seul de l’île Saint-Louis (où logeait Mme de Bretonvilliers) par le Pont-Rouge, ou plutôt une nuit qu’il s’en revenait en chaise de la rue de Grenelle, c’est-à-dire de chez La Varenne, vers la Croix-Rouge, il avait été attendu par huit hommes munis de flambeaux, lesquels, sous prétexte de lui faire honneur, l’avaient accompagné en pompe jusqu’à l’archevêché, non sans le haranguer au préalable et lui adresser tout le long du chemin mille compliments dérisoires. […] Il appréhendait que « ces discours qui avaient charmé dans sa bouche n’eussent pas le même succès quand ils seraient sur le papier. » Legendre, qui avait eu l’idée de les rédiger, est forcé de convenir que le prélat avait raison : « J’ai de lui des sermons qui avaient charmé quand il les avait prononcés et qui réellement ne m’ont paru, en les lisant, que des pièces assez ordinaires. » Les fameuses Conférences restèrent donc à l’état de pure renommée et de souvenir ; si glorieuses qu’elles fussent pour le prélat, elles avaient cessé du jour où il avait pensé que l’effet était produit et son nom remis suffisamment en honneur. […] Quoi qu’il en soit du mobile, il fut le principal auteur et acteur dans cette élévation d’un cran et cet anoblissement définitif de la Compagnie ; il obtint que l’Académie eût désormais ses séances dans une salle du Louvre et fût considérée comme un des ornements ou accessoires du trône ; il usa de tout son crédit pour la faire valoir en toute occasion et la maintenir dans l’intégrité de son privilège ; et un jour qu’allant complimenter le roi elle n’avait pas été reçue avec tous les honneurs rendus aux Cours supérieures, il s’en plaignit directement à Sa Majesté, en rappelant « que François Ier, lorsqu’on lui présentait pour la première fois un homme de Lettres, faisait trois pas au-devant de lui. » La querelle engagée entre l’Académie et Furetière intéressait au plus haut degré l’honneur de la Compagnie : « car c’est grand pitié, comme remarque très sensément Legendre, quand des personnes d’un même corps s’acharnent les uns contre les autres, et qu’au lieu de se respecter et de bien vivre ensemble comme doivent faire d’honnêtes gens, elles en viennent à se reprocher ce que l’honneur de la Compagnie et le leur en particulier aurait dû leur faire oublier. » Il s’agissait, au fond, de l’affaire importante de l’Académie, le Dictionnaire, et de savoir si un académicien avait le droit d’en faire un, tandis que l’Académie n’avait pas encore publié le sien. […] Dans une publication toute en l’honneur et à la dévotion de M. de Harlay, intitulée : Éloges historiques des Évêques et Archevêques de Paris, etc., par Martignac, l’un des serviteurs et des obligés de l’archevêque, et qui dédie son ouvrage à la duchesse de Retz elle-même (1698), on voit percer tout l’embarras de l’auteur si dévoué, lorsqu’il en est à la fin et aux derniers moments du prélat.

106. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

À un voyage qu’il fait dans le Palatinat, et où il est des mieux accueillis par une baronne de Dalberg, il dit plaisamment : On aime, dans les pays étrangers, à se faire honneur de ce qu’on a. […] Je viens de relire dans Plutarque la Vie d’Alcibiade : il fut grand général à un certain moment, il rendit du milieu de l’exil des services signalés à sa patrie, releva l’honneur de ses armes sur terre et sur mer, et on put croire qu’Athènes n’aurait pas succombé sous Lysandre, si elle ne s’était pas privée une seconde fois d’Alcibiade. […] Mais, auparavant, Lauzun servit avec honneur dans la guerre d’Amérique, et ses Mémoires se terminent précisément avec cette guerre (1783). […] « Il excusa le duc d’Orléans ; … il m’ajouta qu’il ne l’approuvait pas, mais qu’étant l’ami de ce prince et engagé dans son parti, il n’avait pas cru de son honneur de l’abandonner. M. de Bouillé s’étonne avec raison de voir l’honneur ainsi déplacé.

107. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Vincent, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres) et enfant d’Hesdin, formaient le groupe d’honneur. […] Gustave Planche, d’autres encore, eurent les honneurs de la citation : ce fut un titre de ce jour-là d’avoir bien parlé de Manon Lescaut. […] Avant le défilé, qui se fit devant les autorités, il y en eut un devant le buste, et comme tout exprès en l’honneur du mort. […] Dans la seconde forme et la rédaction définitive, le chevalier annonce simplement qu’il est revenu aux inspirations de l’honneur ; le caractère de l’homme du monde y est observé sans rien de plus. […] J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect34, etc.

108. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Au doge qui les accueillait avec honneur et les interrogeait, ils montrèrent leurs lettres de créance, et le doge leur dit : Seigneurs, j’ai bien vu vos lettres, et je sais très certainement que vos seigneurs sont les plus hauts hommes qui soient aujourd’hui de ceux qui ne portent point couronne. […]  » Là y eut si grand bruit et si grande noise qu’il semblait vraiment que toute terre tremblât ; et quand ce bruit fut apaisé, Henri (Dandolo), le bon duc de Venise, monta au lutrin et, parlant au peuple, leur dit : « Seigneurs, voilà un très grand honneur que Dieu nous fait, quand les meilleurs et les plus braves gens du monde ont négligé toute autre nation et ont requis notre compagnie pour une si haute cause que la vengeance de Notre-Seigneur. » Cette scène si parlante et si pathétique, précédée par un traité de commerce et de conquête en commun, si bien conçu et si sagement combiné, peint l’esprit d’un gouvernement et d’un peuple. […] À l’époque où Commynes, le seigneur d’Argenton comme on l’appelle, connu pour sa prudence éprouvée et par la longue confiance de Louis XI, est envoyé à Venise, à ce poste d’honneur de la diplomatie, pour y lutter de finesse avec les rusés Vénitiens, avec ce gouvernement qu’il admire et dont il nous définit si bien le génie, de grands changements s’étaient accomplis depuis le temps de Henri Dandolo : toute trace de démocratie, comme aussi toute velléité de monarchie, y avait disparu ; le doge, toujours honoré comme un roi, ne pouvait plus guère rien par lui-même ; le patriciat et les Conseils étaient tout. […] C’est alors que, sur la proposition de Villehardouin, qui paraît avoir été l’homme de conseil et de ressource en ce moment critique, on s’adressa à Boniface, marquis de Montferrat, lequel accepta l’honneur et le fardeau. […] Quant à Villehardouin, toujours dévoué au bien commun et à l’union de l’armée qui lui semble le premier des devoirs, il représente à merveille ce composé de bon sens, d’honneur et de piété qui consiste à remplir religieusement les engagements de tout genre, même humains, une fois contractés ; en chaque occurrence, il tâche, entre les divers partis proposés, de se tenir au meilleur ; et, s’il y eut une sorte de moralité dans l’esprit et la suite de cette croisade si étrange par ses conséquences, c’est en lui et autour de lui qu’il faut la chercher.

109. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Abel Hermant en sera, Jean Moréas y était désigné : la mort lui a refusé cet honneur, auquel il tenait beaucoup, sans rien faire pour l’obtenir. […] Pour ce qui touche à la question des prix, l’Académie a commis quelques erreurs grossières, qui font peu d’honneur à son goût. […] Carmen Sylva, lauréate (on ne le sait pas assez), de même que sa périmée demoiselle d’honneur, intitulée de son propre chef « princesse » Hélène Vacarescu. […] Il faut se sentir bien humble en vérité pour se juger honoré par les honneurs, surtout lorsqu’on est à l’abri des moyennes spéculations vaniteuses et mercantiles. […] Peut-être un grammairien académique y fera-t-il admirer à nos petits-fils une hardie figure pour laquelle il obtiendra les honneurs d’un vocable en méta.

110. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Il y a plus de vingt ans que j’ai l’honneur de la connaître et que j’ai affaire à elle ; que, dans mes études de Port-Royal, j’ai occasion de la rencontrer à chaque instant, de me dire et de me redire en quoi elle diffère par le caractère et le tour d’esprit de sa sœur la mère Angélique, la grande réformatrice du monastère ; que j’ai l’habitude de recourir à ses lettres, à celles dont il existe à la Bibliothèque impériale et à l’Arsenal des recueils manuscrits, pour y chercher la suite et le détail des relations qu’entretenaient avec le dedans de Port-Royal les amis du dehors, les ci-devant belles dames plus ou moins retirées du monde, telles que Mme de Sablé, le ci-devant frondeur M. de Sévigné, oncle de la spirituelle marquise. […] Le goût de notre époque, qui s’est reporté sur les vieux papiers et qui a mis l’inédit en honneur, favorisait cette idée, qui, toute de curiosité pour nous, est une idée de piété chez ceux qui l’ont conçue. […] De son vivant, sa tribune à l’église était tout proche de la porte dite des Sacrements ; ce qui faisait que la mère Agnès, pour lui faire honneur, l’appelait le portier de Jésus-Christ. Nous nous contenterons de dire, après avoir lu les lettres qu’elle lui adresse, qu’il nous fait l’effet d’avoir été le chevalier d’honneur du monastère. […] Assurément la mère Agnès connaissait Mme de Sévigné et l’avait entendue causer, puisqu’un jour que cette aimable femme était venue au couvent de la Visitation de la rue Saint-Jacques où se trouvait alors reléguée la mère Agnès par ordre de l’archevêque, et avait demandé à la voir sans en obtenir la permission, la recluse et prisonnière écrivait à l’oncle : « J’aurais beaucoup perdu du fruit de ma solitude si j’avais eu l’honneur de voir Mme de Sévigné, puisqu’une seule personne qui lui ressemble tient lieu d’une grande compagnie. » Cette religieuse, on le voit, connaissait son monde ; causer en tête à tête avec Mme de Sévigné, c’était posséder plusieurs femmes d’esprit à la fois.

111. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Cousin eut ce bonheur et cet honneur dans sa vie, d’avoir dès le principe de grands disciples et presque illustres, comme Jouffroy, et tout à la fin d’en avoir encore de fidèles, d’ingénieux et infiniment distingués, comme MM.  […] Cousin d’avoir remis en honneur, même au prix de quelque exagération, certaines figures trop oubliées du xviie  siècle, d’avoir produit quantité de pièces inédites, et d’avoir prêché hautement pour la révision et la collation des textes déjà altérés de nos grands auteurs. […] Elle se plaisait à réunir les hommes d’État les plus distingués qui s’étaient d’abord tous ralliés pour le maintien et l’honneur du nouveau régime ; elle s’affligea quand elle les vit se diviser et se déchirer. […] Je tiens aujourd’hui à honneur de donner la lettre où Mme de Boigne m’écrivit le jour même où l’article parut, et aussi la réponse que je m’empressai de lui faire : « Il me faut absolument, Monsieur, vous dire merci. […] Ainsi, dans la note qui est à la page 123 du tome VIII, et dans laquelle je remarquais que depuis quelque temps on en est venu en littérature à faire de l’exagération une vertu et à instituer une théorie en l’honneur des génies outrés, une des phrases doit être rectifiée comme il suit : « C’était aussi la théorie déclarée de Balzac, qui n’admettait pas que Pascal pût demander à l’âme des grands hommes l’équilibre et l’entre-deux entre deux vertus ou qualités extrêmes et contraires.

112. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. […] Il s’en faut beaucoup que notre Montesquieu, dont le nom est aujourd’hui si cher à l’Europe entière, et qui influe sur la législation, de Londres à Pétersbourg, ait reçu, de son vivant, la vingtième partie de ces honneurs. […] Pour ressembler à Dieu, il ne suffit pas d’usurper ses honneurs, il faut l’imiter. […] Voyez les statues de bronze élevées dans ces murs à la sagesse, les privilèges qui lui sont accordés dans les villes, les honneurs prodigués à ceux qui en sont dignes. […] Dans le même temps Procope se révolta ; bientôt maître de Constantinople et de presque tout l’Orient, il offrit au philosophe dans les fers, sa liberté, ses biens et des honneurs, s’il voulait se déclarer pour lui : le philosophe refusa ; Thémiste ne manque pas de faire valoir à l’empereur ces refus généreux ; il le compare à Socrate : « Condamné, dépouillé de ses biens, accablé sous les chaînes, on ne l’a pas même entendu se plaindre ; que dis-je !

113. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

C’était moins encore l’auteur de la comédie L’Honneur et l’Argent, qui envoyait sa pièce au concours, que la voix publique et l’acclamation d’un grand succès qui semblaient la désigner dès l’abord au choix de la Commission. […] Il a été remarqué que l’auteur, en se proposant et en professant hautement un but moral des plus honorables, jette quelquefois bien durement le défi à la société ; qu’il la maltraite en masse et de parti pris plus qu’il ne conviendrait dans une vue plus impartiale et plus étendue ; qu’il n’est pas très juste de croire, par exemple, qu’un jeune homme tel qu’il nous a montré le sien, Georges, le personnage principal de la pièce, riche, aimé, considéré à bon droit, puis ruiné un matin à vingt-cinq ans par un si beau motif, doive perdre en un instant du même coup tous ses amis, moins un seul ; il a été dit que l’honneur et la jeunesse rencontrent plus de faveur et excitent plus d’intérêt, même dans le monde d’aujourd’hui. […] Ponsard, a fixé au plus haut degré l’attention et l’intérêt de la Commission, et le seul à ses yeux qui ait le mérite voulu, est un drame en cinq actes, L’Honneur de la maison, représenté à la Porte-Saint-Martin, et dont les auteurs sont MM.  […] Et, en effet, L’Honneur de la maison est une pièce qui, une fois la donnée admise, donnée qui est antérieure au moment de l’action, nous présente une suite, un enchaînement de scènes vraies, touchantes, pathétiques ou terribles, tout un drame domestique où les seuls coupables sont punis.

114. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Les quarante oies viennent de couronner une mauvaise pièce d’un petit Sabatin Langeac, pièce plus jeune encore que l’auteur, pièce dont on fait honneur à Marmontel, qui pourrait dire comme le paysan de Mme De Sévigné accusé par une fille de lui avoir fait un enfant : je ne l’ai pas fait ; mais il est vrai que je n’y ai pas nui ; pièce que Marmontel a lue à l’assemblée publique, sans que la séduction de sa déclamation en ait pu dérober la pauvreté ; pièce qui a ôté le prix à un certain M. de Rhulières, qui avait envoyé au concours une excellente satire sur l’inutilité des disputes, excellente pour le ton et pour les choses, et qu’on a cru devoir exclure pour cause de personnalités. […] Le vainqueur, élevé sur les épaules de ses camarades, fut promené autour de la place, et après avoir joui des honneurs de cette espèce d’ovation, il fut déposé à la pension. […] Pigalle disait à Le Moine : si l’on ne couronne pas mon élève, je quitterai l’académie ; et Le Moine n’a jamais eu le courage de lui répondre : s’il faut que l’académie fasse une injustice pour vous conserver, il y aura de l’honneur pour elle à vous perdre… mais revenons à nos assistans sur la place du louvre. […] Arrive Pigalle, et lorsqu’il est engagé entre les files, on crie : du dos ; il se fait de droite et de gauche un demi-tour de conversion, et Pigalle passe entre deux longues rangées de dos ; même salut et mêmes honneurs à Cochin, à M et Madame Vien et aux autres.

115. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

. — L’Honneur et l’Argent (1853). — La Bourse, comédie (1856). — La Bourse, cinq actes (1856) […] Armand de Pontmartin Honneur à M.  […] L’Honneur et l’Argent : Le sujet est à peu près celui de Timon d’Athènes.

116. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

c’était là que les Grecs apprenaient à vaincre les Perses ; là ils apprenaient à mesurer le danger, à le prévoir, à user tour à tour de force ou d’adresse, à terrasser, à se relever, à lancer des poids énormes, à franchir des barrières, à parcourir rapidement de vastes espaces, à supporter les impressions de l’air, l’ardeur du soleil, les longs travaux, à voir couler leur sueur avec leur sang ; enfin à préférer la fatigue à la mollesse, et l’honneur à la vie. […] En Amérique, on exerçait les jeunes gens, comme à Sparte, à vaincre la douleur ; et pour être admis à l’honneur de combattre et de porter les armes, il fallait donner les plus grandes preuves d’intrépidité et de force. […] Outre ces éloges chantés ou prononcés une fois, les Grecs avaient des espèces d’éloges périodiques ou anniversaires, en l’honneur des citoyens qui avaient fait quelque action extraordinaire, ou rendu de grands services à l’État.

117. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Son honneur est atteint. […] Ici, le Médecin de son honneur est très embarrassé. […] C’était risquer beaucoup contre un homme qui avait eu l’honneur de faire rire le roi au dépens des marquis et des ducs. […] Le Médecin de son honneur. […] Damas-Hinard sur Le Médecin de son honneur.

118. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Un parent de sa famille avait obtenu pour lui une bourse, et il y fit honneur. […] Il commença pourtant par faire des vers, des odes ; on l’a accusé d’en avoir fait en l’honneur des Brienne et des Lamoignon. […] Dans une polémique avec La Harpe, il ne craindra pas de dire : Je m’efforce de réhabiliter ce mot délation… Nous avons besoin dans les circonstances que ce mot délation soit en honneur, et nous ne laisserons pas M. de La Harpe, en sa qualité d’académicien, abuser de son autorité sur le Dictionnaire, et charger d’opprobre un mot parce qu’il déplaît à M.  […] À Camille appartient l’honneur d’avoir dit le premier dans le groupe des oppresseurs, des terroristes, et en s’en séparant : Non, la Liberté…, ce n’est point une nymphe de l’Opéra, ce n’est point un bonnet rouge, une chemise sale et des haillons. […] Cette vie mérite-t-elle donc qu’un représentant la prolonge aux dépens de l’honneur ?

119. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

On ne m’en doit point blâmer si à cela ma nature étoit encline ; car en plusieurs lieux il est reçu que toute joie et tout honneur viennent et d’armes et d’amours. […] Froissart a de bonne heure son idéal : les grands romans de chevalerie, les grands exploits des siècles précédents, qui se renouvellent dans ce siècle, ont mis en circulation une certaine idée d’honneur et de courtoisie ; il en est épris ; elle a relui sur son berceau, et toute sa vie sera consacrée à en retracer et à en perpétuer par écrit l’image. […] Le livre de Froissart, tel qu’il le voudrait faire, c’est proprement le livre d’honneur, la Bible de chevalerie. […] Il est tour à tour de la patrie de tous ceux qui font vaillamment, et qui méritent renom par honneur. […] Il a la morale de son temps, celle des seigneurs et chevaliers qu’il hante et qu’il sert ; il a le culte de ce qui paraît beau et brillant autour de lui, de ce qui rapporte profit, honneur et renommée à travers le monde.

120. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir ; vous y trouverez honneur, gloire et richesses. […] Cette querelle nous est commune ; l’issue de cette journée nous laissera plus d’envieux que de malfaisants : nous en partagerons l’honneur en commun. […] Cet acte sera le plus grand que nous ayons fait : la gloire en demeurera à Dieu, le service au roi, notre souverain seigneur, l’honneur à nous, et le salut à l’État. […] Montluc a parlé quelque part de cette antique qualité de la noblesse de France, à laquelle il suffit d’un petit souris de son maître pour échauffer les plus refroidis : « Et sans crainte de changer prés, vignes et moulins en chevaux et armes, on va mourir au lit que nous appelons le lit d’honneur. » Henri exprime ce même feu de dévouement en deux mots et en le peignant aux yeux. […] Je m’assure que vous ne serez des derniers à vous mettre de la partie ; il n’y manquera pas d’honneur à acquérir, et je sais votre façon de besogner en telle affaire.

121. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

il s’agit de l’honneur du Pinde : nous, poète sacré, nous sommes frappé au milieu du festin. […] Arnauld plus que personne au monde, qu’il portait toujours sur lui, comme une relique, une lettre que cet incomparable docteur lui avait autrefois fait l’honneur de lui écrire » ; et la réponse allait non aux mains du digne curé de Saint-Jacques qui ne savait mot de ce manège, mais droit au collège Louis-le-Grand, où c’était la gaieté des récréations. […] Santolius Burgundus est même le titre qu’il mit expressément à cette pièce finale de glorification en l’honneur de sa cité adoptive. […] Après ce repas, je fus au logis du roi, où ayant rencontré M. le procureur général, j’entrai avec lui dans la chambre de M. le duc, à qui j’ai eu l’honneur de parler plus d’une fois. […] On lui fit des obsèques solennelles ; toute la Bourgogne se mit en frais pour l’ensevelir avec honneur et lui payer les tributs funèbres en vers et en prose comme à l’un de ses enfants ; mais Saint-Victor revendiqua ses dépouilles.

122. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

L’importance que met Richelieu à cette sortie de France du duc de Rohan ne laisse pas de faire bien de l’honneur au vaincu : Ce fut, dit-il, une chose glorieuse au roi de voir là (à Gênes) arriver le duc de Rohan hors de France, où il s’était maintenu dans la rébellion si longtemps. […] Il fut nommé général des troupes de la république, avec pension et toutes sortes d’honneurs. […] Dans la relation envoyée au roi, M. de Rohan fit généreusement honneur à Montausier de l’idée du combat. […] Ce dernier combat de Morbegno, le plus glorieux des quatre que Rohan avait eu à livrer, et qui a déjà je ne sais quel brillant et comme un éclair des combats d’Italie, couronnait à son honneur cette belle campagne de 1635, où, grâce à lui, les armes du roi, moins heureuses partout ailleurs, avaient eu dans la Valteline un succès constant. […] Croyant s’être acquis assez d’honneur, il ne veut rien hasarder, suivant sa maxime « qu’il vaut mieux n’aller pas si vite et savoir où l’on va, que d’être obligé de fuir honteusement ou de périr. » Il retourne dans la Valteline, où les difficultés de la situation, sans argent qu’il était et en présence de populations mutines, le ressaisissent.

123. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

L’honneur de ces races dites parlementaires est de s’être maintenues par le travail un peu plus longtemps que d’autres, et de n’avoir pas déchu ou même de s’être perfectionnées durant deux ou trois générations. […] L’illustration historique ne leur est venue que par le troisième de la race (depuis qu'elle eut commencé de compter), c’est-à-dire par celui dont on publie aujourd’hui le Journal, et qui fut simplement maître des requêtes ; mais un jour, il eut le périlleux honneur d’être rapporteur dans le procès de Fouquet, et, malgré le poids de l’ascendant royal, sous la pression inique et la menace de Colbert, il eut le mérite d’être juste indulgent : il ne conclut point pour la mort, et sa conclusion triompha. […] Il fit tâter le terrain, reçut pleine satisfaction, et put traiter de la charge dans laquelle il entra avec grand honneur. […] On se raconte des horreurs sur ce cardinal-tyran : « Il en était venu à tel point, lorsqu’il mourut, qu’il ne voulait plus voir le roi que le plus fort, et avait dans sa maison trois caves capables de tenir près de trois mille hommes. » M. le prince de Condé, toujours si plat envers celui qui règne et de qui il espère, lui qui avait un jour imploré à genoux comme un honneur l’alliance du cardinal vivant, s’élève maintenant tout haut, en plein Parlement, contre ce qui s’est fait « sous une puissance qui allait jusques à la tyrannie ». […] C’est proprement sa fonction. — Toute une vie d’équité, et à la fin, dans la ligne de ses devoirs, et sans l’avoir cherchée, une occasion d’éclat, une journée d’honneur immortel7.

124. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

» Et comme on est à l’Académie des inscriptions, on n’oublie pas de citer la médaille frappée en l’honneur de Foucault par décision des États du Béarn, au revers de laquelle étaient représentés les députés venant en foule signer, à la face des autels, l’abjuration de leurs erreurs, avec une légende latine qui signifiait : « La Religion catholique rétablie dans le Béarn par des délibérations publiques de toutes les villes. » Au contraire, j’ouvre l’ouvrage d’Élie Benoît Histoire de l’Édit de Nantes, à la date de 1685 : qu’y vois-je ? […] Aussi le chancelier d’Aguesseau s’est-il contenté, dans sa manière mesurée et polie, d’imputer à Foucault, sans aucun détail, le triste honneur d’avoir appliqué le premier en grand la méthode militaire des conversions : « Je ne nommerai point, nous dit cet honnête homme timide, l’intendant qui, par une distinction peu honorable pour lui, fut chargé de faire le premier essai d’une méthode si nouvelle pour la conversion des hérétiques. […] Celui-ci, par moments, semble tenté de redevenir modéré : c’est qu’il a à ses côtés un plus violent que lui et qui en a l’honneur. […] Il eut l’honneur, en juillet 1690, de recevoir et de régaler à son passage le roi Jacques détrôné et fugitif, qui avait pris sa route par Caen : il fut très-frappé de l’air indifférent, passif, de ce roi opiniâtre,« qui paraissait aussi insensible au mauvais état de ses affaires que si elles ne le regardaient point ; qui racontait ce qu’il en savait en riant et sans aucune altération. » Le roi Jacques se flattait à cette date, que « le peuple anglais était entièrement dans ses intérêts » ; et il imputait tout le mal au prince d’Orange et aux troupes étrangères que l’usurpateur avait fait passer en Angleterre. […] Il attendit vainement, et, après avoir cédé par faveur spéciale son intendance de Caen à ce fils trop peu digne qui ne sut pas la garder, il dut se résigner à n’être finalement que conseiller d’État, et de plus chef du Conseil de Madame, mère du Régent : ce furent ses derniers honneurs.

125. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Ou bien, méritera-t-on de compter parmi les siècles qui ont eu quelque consistance, qui ne se sont pas hâtés eux-mêmes de se dissoudre, qui ont lutté avec honneur sur les pentes dernières de la littérature, de la langue et du goût ? […] Son rare bon sens, qui, dans ses éloquents écrits, se revêt si souvent et s’arme ou se voile d’éblouissants éclairs, n’a jamais paru plus élevé, plus net, mieux discernant, aux yeux de tous ceux qui ont l’honneur de l’approcher. […] Ces sortes de natures si entières se corrigent-elles jamais, et ne mettent-elles pas leur point d’honneur à être ou à paraître jusqu’au bout invincibles ? […] Si j’avais l’honneur d’être conservateur à quelque degré et de tenir à la société par quelque coin essentiel (et qui donc n’y tient pas un peu en avançant ?) […] Voilà ce que je me hasarderais à penser de la politique de conservation, en idée du salut du pays, si toutefois je m’étais accoutumé d’assez longue main à concevoir le salut et l’honneur du pays sous ces sortes d’aspects.

126. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Mais Marcellus persistait à penser que la meilleure place sous un tyran aimable et doux était la plus éloignée ; il vécut à distance et mourut en paix, véritable homme d’honneur de la République. […] Ces vieux modèles de l’honneur ne sont plus de notre siècle ; aujourd’hui la fidélité n’est plus que de la niaiserie, et la faveur va au plus ingrat. […] « — J’ai l’honneur de vous répéter, Milady, que ma visite auprès de vous est entièrement désintéressée, et ce n’est point un article de mes instructions. […] C’est surtout chez eux que réside cet honneur, dont vous avez inventé autrefois le mot en France, et qui n’existe point dans la langue anglaise. […] Est-ce l’effet de l’honneur mieux compris, ou d’une civilisation trop arriérée ?

127. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Les pièces de Garnier offrent d’ailleurs quelques traits de sensibilité et de noblesse, dont il a tout l’honneur. […] Le drame bourgeois n’a pas à se faire honneur d’un ouvrage durable. […] Lui-même était très vif sur le sentiment de l’honneur, et l’on sait qu’à vingt ans il avait connu dans toute sa force la passion qu’il peint dans Rodrigue. […] Qu’y a-t-il que nous préférions à l’honneur, à ce que nous regardons comme notre devoir envers les peuples opprimés et la justice violée ? […] Pour des caractères, n’en cherchez pas, à moins qu’un jeune homme épris, un jaloux, un seigneur entêté du point d’honneur aragonais ou castillan, ne soient des caractères.

128. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

C’est à l’honneur de Mme Dacier de n’avoir pu souffrir cette indignité. […] Il y fait moins la critique de l’Iliade grecque que les honneurs des timidités savantes et des hardiesses calculées de l’Iliade française. […] Il laisse au candide Lamotte à confesser « qu’il ne fait point vanité d’ignorer le grec ; qu’il serait mieux qu’il le sût. » Fontenelle n’est pas si naïf ; il ne fait pas les honneurs de son ignorance. […] Le poète lui-même, au moment où il est inspiré, ignore ce qui l’inspire ; et c’est parce que le secret de son travail lui échappe qu’il en fait honneur à la muse, et qu’il transforme sa plume en une lyre mystérieuse touchée par des doigts divins. […] Je sais bien que cet art d’accommoder les vérités scientifiques à notre ignorance toujours prévenue, n’est pas pur de toute fausse grâce, et qu’en faisant les honneurs de la science, Fontenelle ne s’est pas oublié.

129. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Et pourquoi cet excès d’honneur ? […] Les uns se sont plu, comme Ponsard, à opposer, ainsi que deux ennemis, l’honneur et l’argent. […] Balzac a montré, par l’histoire de César Biroteau, que l’honneur commercial peut avoir ses héros. […] Mets ton honneur à rester toi-même, à ne dire que ce que tu penses et à le bien dire. […] Mais il est bien certain que Ronsard obtient des honneurs et des rémunérations insolites.

130. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 252

On trouve dans ses Sermons des traits d'éloquence & de force, dont Bourdaloue se seroit fait honneur, & des morceaux de pathétique & de sentiment, que Massillon n'eût pas désavoués. […] Ces qualités ont vraisemblablement procuré aux Sermons de Saurin l'honneur de figurer assez souvent dans les Chaires Catholiques : bien de nos Orateurs ont cru ne pouvoir mieux faire, que d'en débiter des lambeaux & quelquefois des Discours entiers.

131. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Parny a eu l’honneur de graver la sienne en quelques vers brûlants, naturels, et que la poésie française n’oubliera jamais. […] Le critique, et même le lecteur français, ne s’inquiète plus de ce qui lui plaît, de ce qu’il aimerait naturellement, sincèrement ; il s’inquiète de paraître aimer ce qui lui fera le plus d’honneur aux yeux du prochain. Oui, en France, dans ce qu’on déprime ou ce qu’on arbore en public, on ne pense guère le plus souvent au fond des choses ; on pense à l’effet, à l’honneur qu’on se fera en défendant telle ou telle opinion, en prononçant tel ou tel jugement. […] Un des derniers traducteurs de Dante, une manière de personnage politique, me faisant un jour l’honneur de m’apporter le premier volume de sa traduction, me disait d’un air dégagé : « Je l’ai traduit avec charme. » C’est là de la fatuité. […] Le vent tourna, l’opinion revint, Parny fut maintenu avec honneur à son rang sur la liste de nos autorités poétiques, et c’est M. de Montahmbert qui en est cause.

132. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation. « Que penser, dit-il, d’une créole publique, veuve à l’aumône de ce poète cul-de-jatte (Scarron), et de ce premier de tous les fruits d’un double adultère, rendu à la condition des autres hommes, qui abusent de ce grand roi au point qu’on le voit, et qui ne peuvent se satisfaire d’un groupe de biens, d’honneurs, de grandeurs, si monstrueux et si attaquant de front l’honnêteté publique, toutes les lois et la religion, s’ils attentent encore à la couronne même ? […] C’est à ce prix qu’était la considération pour elle, cette considération qui, dans le monde, devait lui tenir lieu de la fortune si nécessaire pour en concilier un peu aux gens sans mérite, cette considération qui sans doute ne met pas absolument au-dessus du besoin, mais du moins aide puissamment à en sortir, en fait toujours sortir sans déshonneur, parce qu’elle intéresse l’honneur même d’un grand nombre de nobles amis à préserver de tout avilissement l’objet de leur affection et de leur estime. Le secret de la prodigieuse fortune à laquelle s’éleva madame de Maintenon n’a pas été pénétré par tous ceux qui se sont ingérés de nous l’apprendre ; ce secret n’a pas été, comme tant d’écrivains l’ont supposé, une excessive ambition de richesses, de vains honneurs, de grandeur et de pouvoir, aidée par une dévotion hypocrite, par une intrigue savante et quelques charmes, dont une coquetterie raffinée augmenta l’influence. On fait trop d’honneur à un but si commun et à des moyens si vulgaires, en leur attribuant cette prodigieuse élévation : c’est aussi méconnaître le pouvoir d’un excellent esprit, d’une âme parfaite, jointe aux charmes de la figure.

133. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

M. de Fezensac, à la tête du 4e régiment, eut sa part dans cet honneur. […] Il faut voir comme Ney retrouve et inspire un dernier élan pour s’acquitter de cet ordre avec honneur. […] Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir. […] Combien ils sont peu nombreux ceux en qui un sentiment élevé d’honneur, de sympathie, de dévouement, une religion quelconque est inséparable jusqu’au bout du besoin de vivre inhérent à toute nature, et que cette religion n’abandonne qu’avec le dernier soupir ! […] Là aussi, pour consoler des scènes contristantes, on vit chez quelques-uns le courage et l’honneur briller d’un plus vif éclat au plus fort de la détresse ; on vit de ces jeunes officiers humains, généreux, compatissants autant que braves, et à la fois dignes de l’éloge qui a été accordé à l’un d’eux, à ce jeune Hippolyte de Seytres, dont une amitié éloquente a consacré le nom : « Modéré jusque dans la guerre, ton esprit ne perdit jamais sa douceur et son agrément ! 

134. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Les poètes les plus distingués se firent gloire de composer des hymnes religieuses en l’honneur de Bacchus, et d’y ajouter tout ce que la musique et la danse pouvaient y répandre d’agréments. […] On peut toutefois conjecturer avec fondement que ces poésies devinrent graves, touchantes et passionnées, telles à peu près que l’hymne des Persans, qui est rapportée par Chardin, et qu’on trouve distribuée en sept chants, composée en l’honneur de Mahomet et d’Ali, avec des pensées et des sentiments qui ont quelque chose de l’esprit tragique. […] De là, dit Plutarque, il arriva que la tragédie fut détournée de son but, et passa des honneurs rendus à Bacchus, à des fables et à des représentations passionnées. […] et voudra-t-on leur ravir l’honneur d’avoir pu penser ce que nous n’avons pensé qu’après eux et par eux ? […] Son adresse consiste à inventer des situations délicates où le père se trouve en compromis avec ses enfants, l’amant avec la personne aimée, l’intérêt avec l’amitié, l’honneur avec l’amour.

135. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

L’amour et l’honneur, les plus personnelles des passions, à peine touchées par l’art antique, font dans notre monde chrétien l’intérêt fondamental de la plupart des tragédies. […] Dans cette jeune fille, la douce voix de l’amour couvre celle de l’honneur personnel. […] Créon, le nouveau roi, ordonne que les derniers honneurs soient rendus à Étéocle, mort en combattant pour la patrie. […] L’Allemagne a l’honneur de posséder le plus fameux des humoristes ; mais les nations voisines ont le bon goût de ne pas trop nous envier Jean-Paul. […] C’est ainsi qu’Aristophane avait détruit ce qui est faux en Morale, en Religion, en Politique, en Philosophie, en Littérature, au plus grand honneur de l’indestructible Vérité.

136. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Cependant toutes ces graces ni tous ces honneurs ne donnerent point assez d’haleine à personne pour s’élever au haut du parnasse. […] On observera même que les trois peintres françois qui firent un si grand honneur à notre nation sous le regne de Louis XIV ne devoient rien à ces établissemens. […] Les monumens qui nous restent des successeurs de Severe, font encore moins d’honneur à la sculpture, que ne lui en font les bas-reliefs du plus grand des deux arcs de triomphe élevé à l’honneur de ce prince. […] Quand le sénat et le peuple romain voulurent ériger à l’honneur de Constantin cet arc de triomphe, il ne se trouva point apparemment dans la capitale de l’empire un sculpteur capable d’entreprendre l’ouvrage. […] Cependant ces premieres guerres n’avoient pas empêché les arts et les sciences d’y faire ces progrez qui font encore tant d’honneur à l’esprit humain.

137. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 220

« Des sentiments nobles, des maximes ingénieuses, des portraits bien dessinés, de l’agrément & de la facilité dans la diction, &, ce qui fait encore plus d’honneur à M. […] Ses Ouvrages dramatiques sont peu estimés, & on convient qu’on leur a fait justice en leur refusant les honneurs de la représentation.

138. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Le Stat magni nominis umbra a une sorte d’équivalent dans ce vieil honneur poudreux qui est encore le plus honoré . […] Du Bellay, dans un sonnet final, demande à ses vers s’ils osent bien espérer l’immortalité et si « l’œuvre d’une lyre » peut prétendre à espérer plus de durée que tant de monuments de porphyre et de marbre qui semblaient devoir être éternels. « Ne laisse pas toutefois de sonner, dit-il à son Luth, car si foible que tu sois, tu peux du moins te vanter d’avoir été le premier des François à chanter « L’antique honneur du peuple à longue robe. » Du Bellay a raison. […] Encore un coup, l’honneur de Du Bellay est de susciter de pareils rapprochements et de les supporter sans trop avoir à s’en repentir : « Ce n’est pas toujours en troupes que ces oiseaux visitent nos demeures, disait le grand peintre de notre âge ; quelquefois deux beaux étrangers, aussi blancs que la neige, arrivent avec les frimas : ils descendent, au milieu des bruyères, dans un lieu découvert, et dont on ne peut approcher sans être aperçu ; après quelques heures de repos ils remontent sur les nuages. […] Malheureux qui si cher achète tel honneur ! […] Par là, Monseigneur, vous pourrez juger si mon livre a été si mal reçu et interprété des personnages d’honneur comme de ceux qui vous l’ont envoyé avec persuasion si peu à moi avantageuse… » Du Bellay continue, en se défendant d’avoir voulu en rien toucher à l’honneur de Son Éminence, ce qui serait à lui « non une méchanceté, mais un vrai parricide et sacrilège ».

139. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Et puis, d’époque en époque, on rencontre dans la vie publique de M. de Chateaubriand de ces actes d’honneur désintéressé et de généreuse indignation qui font du bien au cœur parmi tant d’égoïsmes prudents et d’habiles indifférences. […] Nous serions même fort tenté de croire que l’illustre écrivain n’a lancé ces manifestes que par engagement de position, par sentiment de point d’honneur, et comme on irait galamment sur le pré pour une cause à laquelle on se dévoue plutôt qu’on n’y croit. […] À côté du penchant voluptueux, voilà tout aussitôt l’idée de l’honneur qui s’éveille : « car, ainsi que le remarque le poëte, les passions ne viennent jamais seules ; elles se donnent la main comme les Furies ou comme les Muses. » L’honneur donc (et nous citons toujours), l’honneur, cette exaltation de l’âme qui maintient le cœur incorruptible au milieu de la corruption, ce principe réparateur près du principe dévorant, allume en cette jeune âme un foyer qui ne va plus s’éteindre, et qui sera peut-être son principal autel. […] Le chevalier résiste, il se défend, il obtient capitulation ; il reste intact, et son honneur, même d’enfant, peut marcher la tête haute, pur d’affront.  […] Ils content à à souper leurs guerres de Hanovre ; ils couchent dans le grand lit d’honneur de la Tour du Nord ; et le lendemain matin, on les voit chevauchant par la neige sur la chaussée solitaire de l’étang.

140. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Alger, l’Espagne, les deux grands actes extérieurs de la Restauration, prouvent que, malgré la difficulté de sa situation, l’honneur et la grandeur de la France n’ont jamais été en péril sous les ministres de la Restauration. […] Véritable fidélité à son propre honneur, cela est vrai ; mais fidélité aux Bourbons qui ne se révèle tout à coup qu’après la chute de Napoléon. […] Mais il m’a rendu bien plus qu’honneur comme poète, et plus que justice comme homme politique. […] Cela fait honneur aux deux, il se cache toujours un bon sentiment dans les âmes qui ont aimé ! […] Il fut fidèle à la monarchie légitime après les Bourbons, je restai fidèle à mon honneur en refusant de servir la seconde monarchie.

141. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Les mémoires de Bussy-Rabutin présentent l’étrange tableau du roi faisant à la fois la désolation de la reine par les honneurs publics décernés à madame de La Vallière, et celle de madame de La Vallière par la faveur secrète accordée à madame de Montespan. […] L’appartement de madame de Montespan faisait partie de celui de la duchesse, qui, comme dame d’honneur, était chef des autres dames. […] Il semble assez simple d’imaginer que cette femme mal mise , qui ressemblait à un fantôme, qui attendait madame de Montausier dans un passage obscur , pour lui faire des reproches sanglants sur madame de Montespan , n’était autre que Montespan lui-même, pressé du besoin de se venger, par un nouvel outrage sur la dame d’honneur, qu’il avait accusée hautement chez elle-même de son malheur. […] La duchesse de Richelieu fut nommée dame d’honneur à la place de madame de Montausier, peu de temps après sa mort.

142. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

C’est l’honneur, en effet, le seul honneur de la Bohème au xve  siècle, d’avoir à braver plus que Clichy et la police correctionnelle, et que pour tous les genres de billets à ordre et au collet d’un temps plus près de l’action et moins facile que le nôtre, il retournât de pendaison ! […] Villon a toujours gardé en lui l’amour de sa mère, cet amour qui nous embaume si mélancoliquement la vie quand notre mère n’est plus, la foi ardente du Moyen Âge au Dieu crucifié, le sentiment de l’honneur de la France, et la fidélité dans l’amour, — même dans l’amour coupable et trahi — l’immortelle fidélité des âmes fortes ! […] Tout le monde sait que Villon est l’auteur d’un grand nombre de ballades, parmi lesquelles les deux fameuses : Les Dames du temps jadis et L’Honneur français, et de deux poèmes d’assez longue haleine : Le Petit Testament ou les Legs et Le Grand Testament, qui est vraiment une épopée personnelle.

143. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Elle part d’un arc dont je ne me serais guères douté, du reste, — d’un arc fait avec du bois de professeur, destiné plutôt à faire des flûtes en l’honneur de l’antiquité que des arcs contre elle… A.  […] Il en fait honneur à Renan, qui jamais n’a rien inventé de sa vie ; car pour inventer il faut croire à quelque chose, ne fût-ce qu’à ce qu’on invente ! […] Je ne crois pas Grenier aussi tranché et absolu que moi dans ses opinions religieuses, mais je lui sais gré de cette phrase écrite par lui : « Le catholicisme est au-dessus de tout honneur. » Son livre me satisfait, mais peut-être aurais-je voulu un peu davantage. […] Voilà pourtant toutes les raisons de l’espèce d’amende honorable que fait, sans torche, sans-corde au cou et sans escalier de Palais de Justice, l’auteur d’un livre qui n’avait qu’à le signer pour en tirer l’honneur qu’il mérite, et qui ne craint pas d’avilir son livre, en le condamnant… L’auteur d’À travers l’Antiquité ressemble, dans son épilogue, à l’homme qui a peur d’un pétard qu’il vient d’allumer.

144. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Les honneurs et la gloire ne peuvent pas grand-chose, j’imagine, sur ce casanier de l’érudition qui, depuis qu’il n’est plus curé, s’est cloîtré dans la science, et qui doit joindre l’insouciante bonhomie du savant à l’indifférence du saint pour les choses du siècle. […] Sans l’honneur de l’Église indignement mis en cause par les historiens de ce temps, ce simple et doux abbé Gorini n’aurait pas songé à interrompre la plantureuse lecture de ce bréviaire qui renferme assez d’érudition pour un prêtre, et cela, afin de relever, un à un, dans les livres du dix-neuvième siècle, tous les mensonges et sophismes qui s’y étalent sous cette apparence d’impartialité, qui est l’hypocrisie de l’Histoire, quand ce n’en est pas la trahison ! […] Pour cette raison, apparemment, l’auteur de la Défense de l’Église, livre déshonorant au fond, — car l’honneur des historiens, c’est l’exactitude !  […] Son honneur à elle aura coulé par tous ces petits trous d’aiguille qui n’étaient rien, à ce qu’il semblait, quand elle les recevait, et on l’en verra épuisée.

145. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince. […] Il ne manqua pas d’être admiré, et il eut de son vivant des statues, honneur qui ne fut rendu à Virgile qu’après sa mort. […] Les dignités et les honneurs relèvent quelquefois aux yeux de son siècle la médiocrité intrigante ou heureuse, mais ne font jamais illusion aux siècles suivants.

146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 178-179

Il a pour titre : L'Honneur François, ou Histoire des Vertus & des Exploits de notre Nation, depuis l'établissement de la Monarchie jusqu'à nos jours. L'amour patriotique ne s'y fait pas moins sentir que le talent de rendre, avec une sorte d'énergie, les traits les plus frappans de notre Histoire, & qui font le plus d'honneur à la Nation.

147. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Qu’ordonnent l’honneur et le devoir à une fille dont l’amant a tué le père ? […] Le vieil Horace a-t-il perdu ses droits à notre pitié, parce qu’il est prêt à perdre l’honneur et l’appui de sa maison ? […] L’amour, dans les héroïnes de Corneille, n’est jamais que l’esclave de l’honneur et du devoir. […] D’où vient ce tendre intérêt que Voltaire affecte de prendre à l’honneur d’un plagiaire ? […] Croit-on que sa chute importe à l’honneur du goût de Voltaire ?

148. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Quoi qu’il en soit, le gouvernement prussien et le roi régnant ont pensé qu’il y allait de leur honneur de publier un recueil complet des écrits de l’homme qui fut tout ensemble le plus grand roi et le premier historien de son pays. […] Quand on dépouille sa personne de toutes ces drôleries anecdotiques qui sont le régal des esprits légers, et qu’on va droit à l’homme et au caractère, on s’arrête avec admiration, avec respect ; on reconnaît dès le premier instant, et à chaque pas qu’on fait avec lui ; un supérieur et un maître, ferme, sensé, pratique, actif et infatigable, inventif au fur et à mesure des besoins, pénétrant, jamais dupe, trompant le moins possible, constant dans toutes les fortunes, dominant ses affections particulières et ses passions par le sentiment patriotique et par le zèle pour la grandeur et l’utilité de sa nation ; amoureux de la gloire en la jugeant ; soigneux avec vigilance et jaloux de l’amélioration, de l’honneur et du bien-être des populations qui lui sont confiées, alors même qu’il estime peu les hommes. […] En racontant l’histoire de ce souverain habile et brave, qui « à la fortune médiocre d’un électeur sut unir le cœur et les mérites d’un grand roi », en nous parlant de ce prince « l’honneur et la gloire de sa maison, le défenseur et le restaurateur de la patrie », plus grand que son cadre, et de qui date sa postérité, on sent que Frédéric a trouvé son idéal et son modèle : ce que le Grand Électeur a été comme simple prince et membre de l’Empire, lui il le sera comme roi. […] La Prusse n’était pas comptée parmi les puissances, et quand Frédéric monta à vingt-huit ans (1740) sur ce trône qu’il devait occuper durant quarante-six ans, il avait tout à faire pour l’honneur de sa nation et pour le sien ; il avait à créer l’honneur prussien, il avait à gagner ses éperons comme roi. […] Il conduisait et soignait énergiquement les hommes qui étaient confiés à sa garde ; il mettait son honneur et sa dignité dans ce devoir : mais il ne le fondait pas plus haut.

149. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

d’un pareil mot forgé en son honneur ? […] Il refusa d’abord et s’excusa ; mais bientôt, mieux averti, et sur le commandement du roi, il accepta cette charge « d’autant plus belle, dit-il, qu’elle n’a ni loyer ni gain, autre que l’honneur de son exécution ». […] Je ne prétends point atténuer la gravité des circonstances où se trouve engagé notre pays, et je crois qu’on a besoin en effet de mettre en commun toute son énergie, toute sa prudence et tout son courage pour s’aider et pour l’aider lui-même à en sortir avec honneur. […] Horace, faisant les honneurs de lui-même, n’a-t-il pas dit qu’à la guerre il laissa tomber à un certain jour son bouclier (« relicta non bene parmula ») ? […] Il aimait mieux prévenir le mal que de se donner l’honneur de le réprimer : « Est-il quelqu’un qui désire être malade, dit-il gaiement, pour voir son médecin en besogne ?

150. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Vieille et au comble des honneurs, elle parlait de ces années de jeunesse et de pauvreté comme des plus heureuses de sa vie : Tout le temps de ma jeunesse a été fort agréable, disait-elle à ses filles de Saint-Cyr : je n’avais nulle ambition, ni aucune de ces passions qui auraient pu troubler le penchant que j’avais à ce fantôme de bonheur (le bonheur mondain). […] Je ne me souciais point de richesse ; j’étais élevée de cent piques au-dessus de l’intérêt : je voulais de l’honneur. […] D’un tempérament infatigable et d’une patience à toute épreuve, si ce que vous lui demandez en touchant la fibre de l’amour-propre et de l’honneur n’est qu’impossible pour un autre, elle le fera. […] Dans les idées du temps, c’était une espèce d’honneur qu’un tel choix. […] Qu’il suffise de rappeler aujourd’hui, à l’honneur de Saint-Cyr, qu’il fut, en naissant, l’occasion d’Esther et d’Athalie.

151. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Ces deux femmes avaient, l’une pour son fils, l’autre pour son frère, une tendresse qui allait au culte ; elles voyaient en lui celui qui devait être l’honneur et la couronne de leur maison, un Dauphin qui bientôt, lorsqu’il aura inauguré à Marignan son règne, sera un César glorieux et triomphant : Le jour de la conversion de saint Paul (26 janvier 1515), dit Madame Louise en son Journal, mon fils fut oint et sacré en l’église de Reims. […] Son premier mot est pour consoler le captif, pour le rassurer : « Madame (Louise de Savoie) a senti si grand redoublement de forces que, tant que le jour et soir dure, il n’y a minute perdue pour vos affaires ; en sorte que de votre royaume et enfants ne devez avoir peine ou souci. » Elle se félicite de le savoir aux mains d’un aussi bon et généreux vainqueur que le vice-roi de Naples Charles de Lannoy ; elle le supplie, au nom de sa mère, de songer à sa santé : Elle a entendu que voulez entreprendre de faire ce carême sans manger chair ni œufs, et quelquefois jeûner pour l’honneur de Dieu. […] Elle mêle et varie mainte fois tous ces noms de maître, de frère et de roi, qu’elle accumule en lui, et qui ne suffisent qu’à peine à exprimer son affection si pleine et si sincère : « Quoi que ce puisse être, jusques à mettre au vent la cendre de mes os pour vous faire service, rien ne me sera ni étrange, ni difficile, ni pénible, mais consolation, repos et honneur. » Ces expressions, qui seraient exagérées chez d’autres, ne sont que vraies dans la bouche de Marguerite. Elle réussit peu dans sa mission d’Espagne : là où elle cherche à émouvoir des cœurs généreux et à faire vibrer une fibre d’honneur, elle ne rencontre que dissimulation et politique. […] En général, toutes ces lettres de Marguerite font le plus grand honneur à son âme, à ses qualités généreuses, solides, pleines d’affection et de cordialité.

152. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Être le frère d’un grand homme, d’un de ces génies de civilisation et de ces fondateurs qui créent tout autour d’eux et qui inaugurent leur race, est à la fois un grand honneur et un grand fardeau. […] Le jeune général en chef, qui ne l’était plus, crut qu’il y allait de son honneur de roi de se démettre. Le même point d’honneur qui fait faire de grandes choses interdit quelquefois d’y participer.

153. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

L’esprit de chevalerie avait introduit dans les principes de l’honneur un genre de délicatesse qui créait nécessairement une nature de convention ; c’est-à-dire qu’il existait un certain degré d’héroïsme, pour ainsi dire indispensable à la noblesse, et dont il n’était pas permis de supposer qu’un noble pût être privé. Ce point d’honneur si susceptible, qu’il ne tolérait pas dans les relations de la vie la plus légère expression qui pût blesser la fierté la plus exaltée, ce point d’honneur donnait aussi ses lois à l’imitation théâtrale, aux jeux de l’imagination ; et la diversité des caractères qu’on pouvait peindre devait rester dans les bornes prescrites.

154. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Il paroît un jour au théâtre, comme on venoit d’y réciter quelques-uns de ses vers : tout le monde alors se lève avec des acclamations redoublées, honneur qu’on ne rendoit qu’à César. […] Bathille, profitant de ce silence, se fait honneur du distique. […] A l’égard de Virgile, il fut au comble de la gloire : mais l’envie le poursuivit à proportion des honneurs qu’il s’attiroit.

155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 92-93

Qu’on lui pardonne cet oubli, & il pourra occuper une place parmi les Esprits agréables qui font honneur à la gaieté Françoise. […] Ses Cantiques spirituels lui feront plus d’honneur dans les Esprits sages, que ses Ouvrages de galanterie ne lui ont attiré d’applaudissemens de la part des Esprits frivoles, dont les suffrages ne valent pas la peine qu’on leur sacrifie les devoirs.

156. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Louis XVI et sa cour37 I Par un hasard qu’il a certainement le droit d’appeler heureux, Amédée Renée eut, dit-il, l’honneur inespéré d’être choisi pour finir, par un dernier volume, cette histoire de Sismondi que son auteur devait conduire jusqu’à la Révolution française, quand, arrivé au règne de Louis XVI, il fut emporté par la mort. Si, à défaut d’une identité impossible, continuation implique ressemblance ; si finir un livre commencé est, de rigueur, se substituer plus ou moins à l’auteur dans l’esprit et la manière de son ouvrage, l’honneur qu’on fit à Renée dut tout d’abord lui causer beaucoup d’embarras. […] Il y a enfin les hommes de mer, l’honneur de ce règne de Louis XVI à qui la terre faisait si peu d’honneur, d’Estaing, de Grasse et Suffren, l’audacieux bailli, que voilà bien revenu des Indes où sa gloire était trop engloutie, ramené par Renée dans un beau livre et mis sous les yeux de la France.

157. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

À ce tableau il oppose celui de l’officier français : « Idolâtre de son honneur et de celui de son souverain ; bravant de sang-froid la mort, avec toutes les raisons d’aimer la vie ; quittant gaiement les délices de la société pour des fatigues qui font frémir la nature ; humain, généreux, compatissant, tandis que la barbarie étincelle de rage autour de lui ; né pour les douceurs de la société comme pour les dangers de la guerre ; aussi poli que fier ; orné souvent par la culture des lettres, et plus encore par les grâces de l’esprit. » Il parcourt ensuite rapidement nos victoires, nos exploits et nos pertes ; il célèbre cette brave noblesse qui partout a versé son sang pour l’État76. […] Les hommes de lettres les plus distingués brigueraient à l’envi l’honneur de prononcer cet éloge funèbre. […] L’officier en deviendrait plus grand, le soldat même n’oserait plus se croire avili dans son obscurité ; il saurait que pour aspirer à la renommée, il suffit d’être brave, et qu’elle n’est plus, comme les honneurs, le patrimoine exclusif de celui qui a de la fortune et des aïeux. […] C’est là qu’on trouve le mot d’un jeune Brienne qui, ayant le bras fracassé au combat d’Exilles, monte encore à l’escalade en disant : Il m’en reste encore un autre pour mon roi et ma patrie  ; celui de M. de Luttaux qui, blessé de deux coups, affaibli et perdant son sang, s’écria : Il ne s’agit pas de conserver sa vie, il faut en rendre les restes utiles  ; celui du marquis de Beauveau, qui, percé d’un coup mortel, et entouré de soldats qui se disputaient l’honneur de le porter, leur disait d’une voix expirante : Mes amis, allez où vous êtes nécessaires ; allez combattre, et laissez-moi mourir.

158. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Il avoit à la fois l’honneur de son corps à soutenir & ses injures particulières à venger. […] L’évêque maintint ces honneurs œuvres du diable. […] Je n’oublierai rien pour me procurer l’honneur de reparoître devant elle ». […] Diderot, lui fit beaucoup d’honneur. […] Partout on lui rendit des honneurs ; mais il avoit besoin de fortune.

159. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

L’Académie française a seule été un corps fondateur ; et c’est peut-être parce qu’elle a eu la gloire d’établir les règles, qu’elle n’a pas toujours assez estimé le modeste honneur de les maintenir. […] Outre l’honneur qu’il eut de réformer l’éloquence judiciaire, dont il avait appris le secret dans les ouvrages de Cicéron, il ne fut guère moins versé que Vaugelas dans la connaissance de notre langue. […] Se conformer, se proportionner au prochain, n’estimer les dons de son esprit que comme des avantages qui nous sont prêtés d’en haut, dont le fruit appartient à tous et l’honneur à Dieu seul, tel était le principe des écrits de Port-Royal. […] L’esprit de piété et beaucoup d’honneur en tempérèrent les mouvements, et il n’en parut aucun excès dans ses écrits. […] Le charme sensible de ce livre, c’est l’intérêt que met Nicole à communiquer aux autres la vérité, non pour l’honneur de celui qui l’enseigne, mais par l’obligation de rendre ce qu’il n’a reçu qu’à titre de dépôt.

160. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] Pierre Jeannin, l’une des gloires de la Bourgogne, né à Autun, en 1540, d’un père tanneur qualifié citoyen et échevin de la ville, et qui, bien que sans lettres, était réputé homme de très grande vertu et de très grand sens, offre par son exemple une preuve de plus qu’avec du mérite, et tout en étant du tiers état, on s’élevait et on parvenait très haut dans l’ancienne monarchie ; même avant la Ligue, il était dans une belle voie d’honneur et de considération dans sa province. […] Donc, il est aisé de juger quel était ce seigneur à voir seulement cet héroïque front, cet air libre, ce rencontre hardi et ce visage dans lequel on ne voit que lignes d’honneur et signes de bonne fortune. […] Il était assez faible pour que le moindre succès l’enflât, pour qu’un secours promis par l’Espagne le rendît moins traitable ; il avait assez d’honneur pour qu’une défaite éprouvée le piquât au jeu et lui parut un motif de plus de persévérer : il avait assez de bon sens d’ailleurs et d’honnêteté pour sentir les misères et les assujettissements de sa position, et peut-être aussi les misères des peuples et de l’État. […] J’appelle le moment où, sous un roi magnanime et brave qui sait distinguer les hommes, la carrière se rouvrira pour le président Jeannin, carrière d’honneur, d’utilité manifeste, de services publics non équivoques, et qui parleront d’eux-mêmes : on y verra enfin se dessiner tout entier le vieillard illustre et consommé, qui a en lui les talents d’un Forbin-Janson, et qui tient aussi des vertus de L’Hôpital.

161. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Il y a, on le sent, un abîme entre de tels noms de femmes qui font honneur à qui les aime, et Mlle Leduc que le comte de Clermont, même livré à elle et soumis, n’estimait pas. […] vieux chevaliers, types d’honneur et de probité, où étiez-vous ? […] Trois ou quatre jours auparavant, le maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, ayant reçu un courrier du comte de Clermont, qui n’apportait que des détails sur la position de l’armée, jugea pourtant devoir en rendre compte immédiatement au roi ; il le trouva dans la cour du château, déjà en carrosse, prêt à partir pour le pavillon de Saint-Hubert, et il n’hésita pas à faire arrêter le carrosse pour donner les lettres à lire : « Cela dura un demi-quart d’heure, nous dit M. de Luynes, et fit un spectacle, car il n’est pas ordinaire de voir un secrétaire d’État, ni qui que ce soit, faire arrêter les carrosses du roi, et c’est peut-être la première fois que cela est arrivé, au moins depuis longtemps. » Une victoire, en effet, eût été un grand soulagement après une aussi triste campagne, et, sans réparer les fautes, elle les eût couvertes ; l’honneur du comte de Clermont eût été sauvé. […] La Bruyerre, se piquant d’honneur, répondit sur tous les points avec tant de franchise et de promptitude, que le prince non seulement le fit remettre en liberté, mais lui donna une place de garde de ses chasses, comme pour vérifier en sa personne le dicton : « Il n’est si bon garde qu’un vieux braconnier. » Il en résulta un volume intitulé : les Ruses du Braconnage, mises à découvert par L. […] Cette figure intéressante du comte de Gisors, l’honneur de l’armée et « l’un des meilleurs sujets du royaume », est devenue l’objet d’une étude historique particulière sous la plume de M. 

162. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

La pièce se donna pour la première fois sur le théâtre de l’hôtel de Bourgogne, le 21 novembre 1670 ; elle eut d’abord plus de trente représentations, un succès de larmes, des brochures critiques pour et contre, des parodies bouffonnes au Théâtre-Italien, enfin tout ce qui constitue les honneurs de la vogue. […] D’autres que lui, d’éminents et ingénieux critiques que chacun sait, ont à leur tour repris la tâche et réparé la brèche avec honneur. […] Au fond il n’a jamais hésité, pas plus qu’un héros n’hésite en toute question de délicatesse suprême et d’honneur. […] Geoffroy remarque avec raison que Titus serait sifflé, s’il agissait ainsi au théâtre, « et Rousseau, ajoute-t-il, mérite de l’être pour avoir consigné cette opinion dans un livre de philosophie. » Tout se tient en morale : c’est pour n’avoir pas senti cette délicatesse particulière, cette religion de dignité et d’honneur qui enchaîne Titus, que Jean-Jacques a gâté certaines de ses plus belles pages par je ne sais quoi de choquant et de vulgaire qui se retrouve dans sa vie, et que l’amant de madame de Warens, le mari de Thérèse, n’a pas résisté à nous retracer complaisamment des situations dignes d’oubli. […] Quant à l’Antiochus, il est suffisant. — Ainsi, pour conclure, nous devons à mademoiselle Rachel non-seulement le plaisir, mais aussi l’honneur d’avoir goûté Bérénice, et il ne tient qu’à nous, grâce à elle, de nous donner pour plus amateurs de la belle et classique poésie en 1844 qu’on ne l’était en 1807.

163. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Appelé pour la première fois, Messieurs, et par un honneur que je ressens comme je le dois, à rendre compte des motifs et des choix de l’Académie, on me permettra de dire mon impression la plus sincère : c’est que jamais, devant aucun tribunal, examen ne s’est fait avec plus de scrupule et de conscience, que celui des dossiers qui chaque année nous sont soumis. […] Ses chefs, tant qu’il servit, nous le présentent comme « le type du vrai et excellent sous-officier d’élite, apportant dans l’exercice de ses devoirs un zèle, une fermeté et un dévouement exemplaires, faisant parfaitement honneur à sa modeste position, et trouvant le moyen de venir constamment en aide à sa bonne mère, sans jamais en dire mot à personne : une enquête a été nécessaire pour arriver à la preuve de sa belle action et de sa pieuse conduite filiale. » En 25 ans de service, c’est à peine si quelques punitions sont venues le frapper, et pour les manquements les plus légers : trois fois en tout consigné, et une seule fois à la salle de police ; il paraît que c’est rare et presque phénoménal eu égard à la sévérité de la discipline militaire. […] Honneur à ces types modestes, laborieux et solides, à ces hommes de devoir, de vertu, d’abnégation, à ces chevilles ouvrières de toute bonne et forte organisation sociale, sergents dans l’armée, contremaîtres dans l’industrie, sur qui pèsent et roulent le labeur et la peine de chaque jour, et qui, dans des relations de chaque heure avec l’élément populaire individuel, font respecter en eux l’autorité dont ils occupent le moindre grade, mais dont certes ils ne remplissent pas le moins courageux office ! […] Et moi-même, si j’osais me citer en exemple, avant que la bonté toute particulière de l’Empereur voulût bien m’appeler à l’honneur de siéger parmi vous, qu’étais-je ? […] J’aurais cru manquer de goût et de mesure en me permettant la moindre allusion publique à un livre dont le personnage type n’est point suffisamment connu, et n’est pas apprécié comme il pourrait l’être ; mais il n’est aucun des lecteurs du roman auquel ne soit venu en idée, en m’entendant célébrer le bon curé de Laviron, cet autre curé, si touchant et si respectable, honneur et douleur de la famille des Courbezon ; et je suis bien sûr de ne point manquer au respect que j’ai pour mon sujet, en glissant ici cette note qui satisfera les littérateurs et que comprendront les moralistes.

164. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il a supposé un Bossuet à double visage ; théologien pour la robe et pour les honneurs, philosophe dans le fond. Qui sait s’il ne croyait pas faire honneur à Bossuet ? […] Voltaire n’a pas senti ce qu’il y avait de sérieux et de respectable dans des débats où des chrétiens, aussi sincères qu’éloquents, se disputaient l’honneur d’être les plus fidèles dépositaires d’une croyance qui donne aux hommes une règle des mœurs, et leur promet l’immortalité. […] 92. » La doctrine est complète ; elle pense à l’âme du criminel en lui laissant la vie ; elle lui ménage le moyen de se relever ; elle le croit capable encore de l’honneur chrétien qui est le repentir. […] Je me suis demandé pourquoi nous aimons tant ces friandises que d’autres ont mangées ; le motif nous fait honneur : c’est notre tendresse à la louange et notre désir de la mériter.

165. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

On verrait se former cette illustre alliance entre l’honneur et la liberté, comme sous le règne des Valois les créneaux gothiques couronnaient avec une grâce infinie dans nos monuments les ordres empruntés de la Grèce. […] Cette alliance entre l’honneur et la liberté compose ce que j’appelle l’écusson politique de M. de Chateaubriand. Dans les Réflexions qu’il publiait en décembre 1814, il revenait sur cette idée : « Qui pourrait donc s’opposer, parmi nous, à la généreuse alliance de la liberté et de l’honneur ?  […] Je crois voir exactement une femme de caractère acariâtre, la Xanthippe de Socrate, si vous voulez, qui, sous prétexte qu’elle est femme d’honneur et fidèle, s’en autorise pour dire à son mari, sur tous les tons, qu’elle ne l’aime pas, et pour le traiter comme un nègre. […] vous ne l’oubliez pas moins, vous la mettez à néant, vous qui avez, pendant près de vingt ans, brigué l’honneur de la conduire !

166. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Une autre de ses indignations et de ses colères, qui l’engagea dans sa polémique la plus grave, et qui causa finalement sa perte par l’offense mortelle qu’il fit à Collot d’Herbois, est celle que lui causa la fête triomphale décernée (ou tolérée) par la Ville de Paris, en l’honneur des Suisses de Châteauvieux. […] Non content de les amnistier en mars 1792, on voulut encore les célébrer, et Collot d’Herbois fit la motion factieuse de leur décerner un honneur public. […] Lui, qui eût été un digne soldat de l’armée de Xénophon, il sent toute sa conscience héroïque se soulever à l’idée de cette violation de la discipline et de l’honneur érigée en exploit. […] C’est le Livre de la Loi qu’il faut couvrir, lorsque ceux qui en ont déchiré les pages à coups de fusil reçoivent des honneurs civiques. […] … élevez donc la voix, montrez-vous… Ce moment est le seul qui nous reste : c’est le moment précis où nous allons décider de notre avenir… La perte d’un poste est peu de chose, mais l’honneur de la France a été plus compromis par de détestables actions qu’il ne l’avait été depuis des siècles.

167. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

« Pourquoi donc, puisqu’il est chevalier de la Légion d’honneur, M.  […] elle a oublié sans doute ce titre d’honneur. […] » Ces souvenirs de l’enfance ont l’honneur de vivre et de mourir avec nous. […] Ceux qui ont eu l’honneur de connaître M.  […] à cette curée des places et des honneurs, M. 

168. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Ni l’un ni l’autre ne se lasse de reprendre et de retourner à l’infini leurs pensées et leurs sentiments, qui les enivrent de tendresse et d’honneur. […] A présent donc il cherche partout ce fils qui lui a rendu l’honneur et qu’il a hâte d’embrasser. […] L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur est un devoir. […] Va, tu me perds d’honneur ; retire-toi, de grâce ! […] Pour venger son honneur il perdit son amour, Pour venger sa maîtresse il a quitté le jour, Préférant, quelque espoir qu’eût son âme asservie, Son honneur à Chimène, et Chimène à sa vie.

169. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Le devoir de chaque génération est d’enterrer ses morts et de célébrer plus particulièrement ceux qui ont droit à des honneurs distingués. […] Scribe a depuis lors réussi sur la scène française par de jolies comédies qu’il a eu bien raison de ne pas se refuser ; il se devait tôt ou tard à lui-même et à son talent de hasarder cette bataille et de la livrer ; c’est assez pour son honneur qu’il ne l’ait point du tout perdue et qu’il ait maintenu sa bannière. […] Magnin au sujet de cet agréable et singulier roman, parce qu’il s’en était fait un point d’honneur et presque une gageure d’amour-propre : il la gagna, et ses trois articles, relus aujourd’hui, nous semblent un chef-d’œuvre d’analyse. […] Magnin tenait donc à honneur de rendre justice à un personnage d’autant de savoir et de finesse, à le louer sans le flatter, à le conquérir sans s’abaisser, et puisque l’occasion s’offrait naturellement, il voulait le forcer, envers lui, à une juste estime. […] C’est comme si l’on observait d’abord, à l’état d’humbles herbes et de fougères, ce qui sera plus tard de grands arbres et l’honneur de nos parcs et de nos forêts.

170. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Ils ont laissé le dogmatique aux philosophes ; et ils s’en sont tenus à l’imitation, contens de l’avantage de plaire, tandis que les autres aspiroient à l’honneur d’instruire. […] Je ne cherche à faire honneur à mon art, qu’en l’employant à mettre en jour la vérité et la vertu. […] Les sçavans, de siécle en siécle, lui ont confirmé cet honneur ; et l’on ne peut sans témérité résister à tant de suffrages ajoutés à l’admiration de ses contemporains. […] Ainsi je finis en me faisant honneur auprès du public, du succès qu’ont déja eu plusieurs des ouvrages que je lui offre. […] On pourroit m’accuser d’une indifférence superbe, si j’évitois de m’en faire honneur.

171. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 430-432

Ils sont oubliés aujourd’hui pour l’honneur de sa politesse : ses Vers & ses Traductions le sont aussi pour l’honneur de sa littérature.

172. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il semble qu’on ait épuisé tout ce que l’imagination peut fournir d’idées, et, malgré les égarements, on trouve pourtant des choses bien ingénieuses qui, quoique mal employées, font honneur à ceux qui les ont imaginées. […] Mais après quelques jours (le 9 juin), il revenait sur cette douleur par une lettre trop belle, trop à l’honneur de sa sensibilité pour ne pas être donnée tout entière : Mon cher frère, vous avez bien de la bonté de participer au chagrin qui me ronge. […] Frédéric en rapporta toujours à son frère l’initiative et la première idée : L’honneur des événements que nous prévoyons (il parle à son point de vue d’égoïsme national) vous sera dû, mon cher frère, lui écrit-il, car c’est vous qui avez placé le premier la pierre angulaire de cet édifice ; et sans vous je n’aurais pas cru pouvoir former de tels projets, ne sachant pas bien, avant votre voyage de Pétersbourg, dans quelles dispositions cette cour se trouvait en ma faveur. […] L’union étroite qui s’établit entre la Russie et la Prusse, et que Frédéric jugeait si essentielle aux intérêts de sa politique, date des voyages du prince Henri, et l’honneur de l’avoir cimentée lui en revient. […] Mais, mon cher frère, laisser usurper à l’Autriche une autorité despotique en Allemagne, c’est lui fournir des forces contre nous-mêmes et la rendre beaucoup plus formidable qu’elle ne l’est déjà ; et c’est ce qu’aucun homme qui se trouve dans le poste que j’occupe ne doit tolérer. » C’était pour Frédéric une question d’honneur et une question d’influence.

173. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Il écrivait à Louvois, le 5 mars (1686), dans le premier mouvement de sa reconnaissance : « Je ne saurais rien dire, Monseigneur, que vous exprimer mes sentiments sur l’honneur que vous m’avez procuré d’un si beau commandement. […] Cette vérité qu’il a aimée et pratiquée lui tourne à bien et à honneur dans presque tous les cas : là où elle lui est, par exception, défavorable et dure, il est juste qu’il la subisse tout entière. […] Ici commence une guerre de cinq ou de six ans (1690-1696), et qui, plus ou moins vivement menée et d’après des principes plus ou moins contestables, fit, somme toute, le plus grand honneur à Catinat. […] La retraite des vaincus se fit avec assez de fermeté ; Catinat suppose qu’elle était conduite par le prince Eugène, et il lui en fait honneur. […] Bussy écrivait à cette occasion : « Il mettra la robe en honneur ».

174. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Personnne parmi les doctes ne songeait à eux ; il arriva seulement que leurs successeurs profitèrent, depuis lors, du bénéfice général, et participèrent aux honneurs de l’impression. […] Robert, que notre fabuliste a évidemment dérobé son vers à l’obscur Ysopet, et que, pour s’en donner l’honneur, il s’est bien gardé d’éventer le larcin ? […] Il y eut un moment où les deux Colletet père et fils, et la belle-mère de celui-ci, la belle-maman, comme il disait, se faisaient à qui mieux mieux en madrigaux les honneurs du Parnasse : ce qui devait prêter assez matière aux rieurs du temps (Mémoires de Critique et de Littérature, par d’Artigny, tome VI). […] La Fontaine ayant appris que le savant Huet désirait voir la traduction italienne des Institutions de Quintilien par Toscanella, qu’il possédait, s’empressa de la lui offrir en y joignant cette Épitre naïve en l’honneur des anciens et de Quintilien : ce qui prouvait, dit Huet, la candeur du poëte, lequel, en se déclarant pour les anciens contre les modernes dont il était l’un des plus agréables auteurs, plaidait contre sa propre cause.

175. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Madame de Montespan croyant avoir moins à craindre les infidélités du roi en composant le service de la reine de dames d’honneur au lieu de filles d’honneur, avait pressé le renvoi de celles-ci et la nomination des dames. Le 1er de l’an, madame de Sévigné écrit à sa fille : « On a fait cinq dames : mesdames de Soubise, de Chevreuse, la princesse d’Harcourt, madame d’Albret, madame de Rochefort, et madame de Richelieu, dame d’honneur. » Madame de Montespan ne considérait pas qu’en donnant au roi un enfant chaque année, elle l’avait habitué aux dames, et avait autant à craindre de leur concurrence que de celle des filles d’honneur.

176. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

La religion était en honneur, car les fripons se couvraient de son masque pour usurper l’estime publique ; Tartuffe nous l’apprend. […] Sans doute de grands malheurs ont nécessité de grands sacrifices, car la fortune publique est livrée à des parvenus grossiers ; des laquais enrichis foulent aux pieds toutes les lois de l’honneur ; l’honnêteté, la pudeur sont bravées ; la vertu n’est plus qu’un vain mot !!! […] Quelle époque de corruption que celle où un homme d’honneur se croit perdu s’il laisse éclater son amour pour l’épouse qu’il a promis d’aimer ! […] On trouvera mon système plus spécieux que solide ; on pourra l’attribuer à mon enthousiasme pour un art auquel je dois l’honneur de siéger parmi vous ; mais je rappellerai l’hypothèse dans laquelle je me suis placé ; et je répondrai d’ailleurs que l’histoire de certains peuples de l’antiquité repose sur des traditions bien plus incertaines et sur des conjectures bien moins vraisemblables.

177. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

I J’ai parlé, dans le précédent chapitre, de l’édition d’André Chénier, une de celles qui font tant d’honneur à la maison Lemerre, ce champ d’asile des poètes dans ce temps de prose si dur à la Poésie. […] Agrippa d’Aubigné est un Corneille de la première heure, un Corneille incorrect, fougueux et confus, mais enfin il a l’honneur d’avoir fondé ce haut lignage. Il a l’honneur d’être intellectuellement l’aïeul de Corneille, comme, physiologiquement, l’honneur d’être celui de cette admirable femme taillée pour la Royauté et l’Histoire, qui racheta le protestantisme de son grand-père et qui fut madame de Maintenons Et Corneille, d’ailleurs, qui est partout en ces poésies, dont on trouve la physionomie engravée par avance dans la fière mine de d’Aubigné, n’est pas le seul de sa descendance.

178. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 235-237

La Méthode raisonnée pour apprendre la Langue Latine, pour n’être pas aussi estimable que ce Traité, ne fait pas moins d’honneur au génie analytique de M. […] On n’ignore pas néanmoins qu’il a eu de grandes liaisons avec la Secte philosophique ; que ces liaisons lui ont valu les honneurs d’un Eloge historique, où, selon les loix de la Société, on l’éleve jusque aux nues : mais on sait aussi qu’il pouvoit se les procurer, sans les acheter par tant de complaisance à l’égard de ceux qu’il craignoit ou méprisoit peut-être.

179. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 84-86

Les Poésies du Cardinal de Richelieu feroient peut-être honneur à son esprit, si on en pouvoit distinguer celles qui sont véritablement de lui. […] Il est malheureux, pour l'honneur de son choix, que parmi ces cinq, il n'y eût que Corneille & Rotrou qui pussent le justifier.

180. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 353-355

Après tout, si cette indulgence peut paroître excessive aux yeux des Gens de goût, l'ouvrage n'en fait pas moins d'honneur aux sentimens de M. […] de Voltaire, qui devoit, en son particulier, lui savoir gré de l'avoir si bien partagé dans les honneurs qu'il a accordés à nos grands Poëtes ; mais la gloire ne le touche qu'autant qu'elle est exclusive, & M.

181. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Bien que comblé d’honneurs, le poète vécut en somme dans la tristesse, ainsi qu’il le devait à son génie. […] Après beaucoup de familiarité, la bonne réputation des lettres et l’honneur de l’art y demeurent sans accrocs. […] Vous donnerez le champ, je fournirai la peine, Afin que son honneur soit commun à nous deux. […] C’est, ma foi, trop d’honneur. […] Il sied de rappeler, à l’honneur de Lebrun, qu’il a reconnu tout de suite et prôné le génie d’André Chénier.

182. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVIII » pp. 313-315

. — Un autre fait que nous nous permettrons de rapprocher du précédent, c’est que le poëte coiffeur d’Agen, l’aimable Jasmin, vient, dit-on, de recevoir la croix de la Légion d’honneur : autre preuve qu’avec de l’esprit et même par la poésie seule, on triomphe aujourd’hui de toutes les difficultés et de tous les préjugés, qu’on se classe à son rang, et qu’on se fait finalement reconnaître et honorer des puissances sociales officielles. […] Ces croix d’ailleurs, en France, sont tellement prodiguées qu’elles ont perdu leur prix et leur vrai sens de distinction ; nous ne signalons cette marque d’honneur pour Jasmin qu’à cause du contraste que cela fait avec sa profession ; cette nouvelle sera bien accueillie dans le midi de la France qui voit en lui son poëte populaire.

183. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 249-251

L’Histoire du Manichéisme fait honneur à sa plume & à son érudition ; la complaisance avec laquelle il expose cette hérésie, les réflexions qu’il joint à ses récits, n’en font pas autant à son jugement & à sa foi. […] C’est un homme libéral dans l’abondance, magnanime dans les dangers, modeste dans les honneurs, tempérant au milieu du luxe & des plaisirs, grave sans être trop sévere, prudent sans artifice, humain sans foiblesse, d’une élévation tempérée par la douceur & l’honnêteté, juste, sage, vaillant, laborieux, actif, ennemi de l’impiété, protecteur de la Religion, jaloux du maintien des mœurs ; &, pour tout dire en un mot, un homme qui, étant le premier Ministre de Dieu, doit plus approcher que tous les autres hommes de ses perfections infinies, & exerçant son autorité, l’exercer comme lui ».

184. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 210-213

Ceux qui auroient désiré encore, pour l'honneur de la Philosophie, que l'Histoire de notre Littérature n'offrît point un trait si propre à la dégrader, ignorent également que la Philosophie est terrible, quand on résiste à son zele pour l'instruction & le bonheur du genre humain : Discite justitiam moniti, & non temnere Divos. […] Nous voudrions bien pouvoir croire également qu'il n'est pas l'Auteur de ce Vers blasphématoire en l'honneur de M. de Voltaire : Vainqueur de deux Rivaux qui regnent sur la Scene.

185. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 441-443

Tout le monde sait qu’après avoir épousé une protégée de M. de Voltaire, il a eu l’honneur de loger chez lui ce Patriarche des Beaux-Esprits, de le soigner dans sa derniere maladie, & de recueillir ses derniers soupirs ; ce qui a donné lieu au distique suivant : Admirez d’Aroüet la bizarre planete : Il naquit chez Ninon, & mourut chez Villette. […] Ce qui fait honneur au jugement de l’Abbé de Villiers, c’est qu’il s’étoit attendu à cette éclipse ; jamais personne n’attacha moins de mérite à ses Productions.

186. (1763) Salon de 1763 « [À mon ami Monsieur Grimm. » pp. 171-182

C’est que les récompenses et les honneurs éveillèrent les talents, et que le peuple accoutumé à regarder la nature et à comparer les productions des arts, fut un juge redoutable. […] Qu’on institue parmi nous les mêmes luttes ; qu’il soit permis d’espérer les mêmes honneurs et les mêmes récompenses, et bientôt nous verrons les beaux-arts s’avancer rapidement à la perfection.

187. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Mais il est encore moins facile de traiter avec les puissances spirituelles qu’avec les puissances temporelles, car les batailles gagnées n’y suffisent pas, et c’est l’honneur de la pensée humaine de ne pouvoir être vaincue que par la force accompagnée de la persuasion. […] Thiers, passionné pour son héros, veut lui donner à la fois, contre sa nature, les honneurs du libéralisme et les honneurs du despotisme. […] « Quant à la manière de classer les hommes dans la société, il disait à ceux qui ne voulaient aucune distinction : « Pourquoi donc avez-vous créé les fusils et les sabres d’honneur ? […] Elles sont à refaire pour l’honneur du livre. […] Il se borne à faire honneur à la Révolution de la journée la plus contre-révolutionnaire de nos fastes.

188. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Pinte que nous retrouvons ici, Pinte qui en sait plus que les autres, qui est volontiers l’orateur de la bande et la sultane favorite, qui enfin a l’honneur de jucher à droite du Coq, Pinte lui explique ce qu’elles ont vu, une bête sauvage qui s’est glissée dans le pourpris. […] Il n’est pas bon, même quand on étudie le passé, de rester sur ces impressions décourageantes, et je veux indiquer l’antidote après le poison, un poème d’honneur et de courage en face de ce tableau d’hypocrisie consommée et de rouerie impudente. […] Ici le trouvère est sérieux et grave ; il est sincèrement religieux ; il s’adresse au début à tous les gens de bien et d’honneur, non aux traîtres ni aux jaloux ; il veut raconter comment un jour trente Anglais et trente Bretons se combattirent, cette noble bataille qui a nom des Trente. […] Tous ceux qu’il choisit, soit chevaliers, soit écuyers, sont désignés nommément, sans qu’un seul soit oublié ; chacun obtient son épithète d’honneur. — Bombourg, de son côté, fait de même ; il complète son nombre de vingt Anglais par six bons Allemands et quatre Brabançons. […] Ce jour aurons honneur : chacun y gagnera Vaillante renommée…………………… Et Beaumanoir, que cette parole enflamme, se remet si vivement à l’action que, de colère et de douleur, la soif lui passa.

189. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Comme la province de Zélande, sous l’influence du prince Maurice, s’opiniâtrait à agir en contradiction des autres provinces et à rejeter la trêve, il l’exhorte à se ranger à l’avis commun (18 novembre 1608 ; il établit que l’honneur est sauf, que la liberté des Provinces-Unies est suffisamment reconnue et proclamée, et dès à présent, et pour toujours ; il conjure messieurs de Zélande de se laisser vaincre dans leur opinion pour le salut de tous. […] Voltaire a fait cette remarque à l’honneur du prince Maurice : « C’est d’ordinaire le parti le plus faible qui désire une trêve, et cependant le prince Maurice ne la voulait pas. […] Il revint à Paris en août 1609, comblé d’honneurs et de louanges. […] Quoi qu’il en soit, Henri IV espérait faire découvrir le passage et avoir l’honneur de donner son nom à cet autre détroit qui serait le pendant de celui de Magellan. […] Pour moi, comme je suis sans ambition et ose dire qui la méprise, je compte les jours et philosophe au milieu du bruit, plus désireux de la retraite que d’aucun accroissement de charges et d’honneurs, etc.

190. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Brossez et faites retoucher un peu ses toiles, et il vous restera d’agréables cadres d’antichambre dont il ne faut pas trop faire fi. » Un morceau sur Chateaubriand, une Étude qui avait eu l’honneur de servir d’introduction aux Mémoires d’outre-tombe, lorsqu’ils parurent dans la Presse, et qui a gardé de sa destination un certain air officiel, coudoie dans le volume un article sur Paul de Kock, — que dis-je, une Visite à Paul de Kock, une folie, une vérité, une perle de la vie de Bohême15. […] Quel plus triste métier après tout, quand on a l’honneur d’être le contemporain d’un grand esprit qui a des défauts de caractère, que de passer son temps et de consacrer sa vie à le harceler, à l’irriter, à lui faire faire toutes les fautes dont il est capable ! […] Et puis il a eu l’honneur d’avoir pour disciple et pour successeur en journalisme Mallet du Pan. […] Le fermier général de l’ancien régime, avec son habit d’or et son ventre majestueux, y a la place d’honneur. […] Quand ce journal se fonda, il fut donné en son honneur, à l’hôtel du Louvre, un grand dîner à toute la presse ; on y mangea des nids d’hirondelles et mieux encore.

191. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Il y a une trentaine d’années, un poëte naturel, sorti des rangs du peuple, Jasmin, est venu remettre à la mode, étendre et comme renouveler cette flore du Midi, restée longtemps si morcelée et si locale : homme d’esprit et de sensibilité, artiste habile, acteur et poëte, vrai talent, il avait su, par ses heureuses combinaisons et par ses récitations chaleureuses, remettre en honneur le vieux patois, nécessairement altéré, et faire accroire un moment à toutes les populations du Midi qu’elles s’entendaient entre elles, puisqu’elles l’entendaient, lui, et qu’elles l’applaudissaient. […] La rive gauche du Rhône, rivale et jalouse de la Garonne, avait dès longtemps secoué la suprématie nominale du poëte d’Agen, et ne lui avait laissé, à proprement parler, que son royaume d’Aquitaine : l’honneur de Jasmin est d’avoir provoqué du moins cette insurrection et ce réveil. […] Luzel nous définit à son tour son pays de Bretagne, « le pays par nous tous tant aimé, mer tout autour, bois au milieu. » Quoiqu’il soit vrai de remarquer que Brizeux n’a si bien réussi à faire accepter et aimer sa Bretagne que parce qu’il a donné ses idylles ou poëmes en français ; quoique les hommes qui ont fait ou qui font le plus d’honneur au nom breton soient encore des transfuges de cette patrie ou de cette langue primitive, Chateaubriand, Lamennais, Renan, je tiens compte à M.  […] L’honneur déjà, un honneur suprême, c’est d’y être admis64.

192. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Il ne lui avait jamais été donné sans doute de tenir toutes ses promesses ; il n’était jamais allé au bout de toutes ses entreprises ; mais il n’avait jamais non plus subi d’échec éclatant, et les circonstances les plus critiques avaient tourné encore à son honneur. […] Vauvenargues nous a offert par lui-même, et dans la personne de son ami Hippolyte de Seytres, l’idéal d’un jeune militaire dévoué à son roi, à sa patrie, à ses devoirs, amoureux de la gloire dans l’âge des plaisirs, et sachant associer au culte moderne de l’honneur quelque chose de la vertu telle que l’entendaient les Anciens. […] Le prince Ferdinand lui a rendu les plus grands honneurs ; il y avait à son convoi deux escadrons, un régiment d’infanterie, de l’artillerie, etc. […] Rendons-lui dans notre pensée quelque chose des mêmes honneurs que lui ont payés ses contemporains. […] Il le leur promit… » Elles ne s’en tinrent pas là, et quand elles surent que le neveu de Voltaire, l’abbé Mignot, faisait transporter le corps de son oncle pour être enterré dans son abbaye de Scellières, vite les deux grandes dames, ces deux bonnes Âmes acharnées au bien, relancèrent le cadavre ; elles écrivirent à l’évêque de Troyes pour l’engager à s’opposer à l’inhumation en qualité d’évêque diocésain ; « mais heureusement pour l’honneur de l’évêque, ces lettres arrivèrent trop tard, et Voltaire fut enterré. » (Vie de Voltaire, par Condorcet.) — C’est ainsi que.Mme de Gisors, cette sainte veuve, crut devoir justifier son renom de mère de l’Église.

193. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Il tenait, dans la rue de Lille, en face de l’hôtel de la Légion d’honneur, une des maisons les plus intéressantes de Paris. […] Elle avait été, jusqu’au supplice de Madame Élisabeth, cet ange expiatoire, quoique immaculé, de la Révolution, sa dame d’honneur, sa favorite et son amie. […] Sa porte que je salue toujours d’un sourire reconnaissant au coin de la rue Bellechasse et de la rue de Lille, vis-à-vis de la Légion d’honneur, fut la première porte par laquelle j’entrai dans le monde. […] De là on repassait la route, et on entrait dans la cour d’honneur de la Roche-Guyon. […] La duchesse d’Angoulême le choisit pour son chevalier d’honneur.

194. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Personne ne peut lire Boileau, sinon à titre de document historique ; ses dissertations sur le vrai, sur l’honneur, sur le style, ressemblent aux amplifications d’un écolier laborieux et fort en vers. […] Saluons les gens du salon, point trop bas cependant ; nous aurions l’air de roturiers admis dans la bonne compagnie par grâce ou par mégarde, émerveillés de cet honneur extrême, grossissant aux yeux de nos amis notre bonne fortune, agenouillés en public devant nos nouveaux patrons. […] La noble dame a eu le rare honneur de faire des conquêtes posthumes, et les froides murailles de la Sorbonne n’ont pas défendu M.  […] Cousin l’honneur d’être le champion de Mme de Longueville ? […] Mais puis-je donc vous sacrifier les principes de toute ma vie, la Révolution, et l’honneur de mon pays ? 

195. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

Ce morceau ferait honneur à Coypel, mais il ne vous en fait pas. […] Le Paralytique qui est secouru par ses enfants et que le peintre a appelé le Fruit de la bonne éducation est un tableau de mœurs où l’on voit que ce genre fournira des compositions capables de faire honneur aux talents et aux sentiments de l’artiste.

196. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Boileau dut sa célébrité à l’honneur d’avoir prononcé ces mots tout-puissants avec un admirable à-propos. […] Un vain prétexte, où son amour-propre vit un motif d’honneur, le décida à la publier. […] Il nous enseigne l’honneur, la probité, la connaissance de soi-même, le bonheur par la vertu. […] Certains critiques, pour l’honneur des lettres, et à la décharge de Voiture, n’ont voulu voir dans cette berne et cette lettre, qu’un peu d’esprit. […] Ma muse en l’attaquant (Chapelain), charitable et discrète, Sait de l’homme d’honneur distinguer le poète.

197. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

M. de Voltaire regarde l’empire de l’esprit, et l’honneur d’être le modèle des autres peuples, comme des marques infaillibles de grandeur. […] Qu’Orosmane et Zaïre sont petits et mesquins devant ces grands personnages, l’éternel honneur de l’humanité ! […] Un général, fameux par ses exploits, peut-il ignorer les règles de l’honneur ? […] elle s’amuse à exprimer vaguement sa reconnaissance, avant de songer à rétablir son honneur dans l’esprit de Tancrède ! […] Seulement on peut observer qu’il n’y a qu’un fou qui puisse mettre toute sa maison dans la confidence d’un mystère qui touche de si près à son honneur.

198. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Depuis ce moment, la poésie française du xvie  siècle n’a cessé d’être en honneur et en faveur auprès d’un nombre croissant d’esprits cultivés. […] L’érudition provinciale s’est prise d’émulation, et chacun s’est piqué d’honneur pour quelque poète du xvie  siècle, de sa ville ou de ses environs. […] Victor Pavie, alors imprimeur à Angers, et qui avait à cœur l’honneur de la patrie angevine. […] Et moi je dirai en parodiant le poète : il n’y a pas de plus grand honneur que de combattre pour la langue de la patrie. […] Le moment étant donné, l’honneur des jeunes et vigilants esprits est alors de ne pas rester en arrière et de se lever des premiers, en faisant appel à tous.

199. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Mais les diverses manières de la mettre en dehors n’ont pas égale apparence, ne font pas également d’honneur. […] Germain Delavigne, obtenaient l’honneur d’être jouées sur le théâtre de la rue de Chartres, les Dervis dès 1811, les Brigands sans le savoir en 1812 ; entre les deux, ou aux environs, il y eut quelques échecs. […] Mais il faut tout dire, cette espèce de bon goût qui retranche certains raffinements, cette sorte de descendance plus légitime, plus reconnue, qui vous fait tenir avec honneur à la suite des chefs-d’œuvre du passé, n’est pas toujours une ressource en avançant : c’est même quelquefois une gêne. […] Il ne faut peut-être pas lui en faire trop d’honneur : il y a un certain degré de fécondité heureuse qui ne permet pas de s’inquiéter des critiques et des aiguillons du dehors. […] Scribe, dans le genre qui lui appartient et qu’il augmente, de s’en être tiré avec tant d’honneur.

200. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Feuillet ait écrites : toute la première moitié d’un Mariage dans le monde, où sont démêlées très finement et avec un choix très sûr de détails les causes qui doivent finir par éloigner l’un de l’autre une jeune femme pour qui le mariage est un commencement et un homme fatigué pour qui le mariage est une fin ; la plus grande partie de la Veuve, où la série des sophismes et des séductions par où un homme d’honneur peut être amené à violer un serment, est très délicatement graduée ; et encore la seconde partie du roman de la Morte, qui nous fait assister aux lents progrès du malaise et de la désunion entre un mari incroyant et une femme très pieuse qui a entrepris de le ramener à Dieu. […] Si Gandrax se tue, si M. de Camors manque à l’honneur, il nous dit que c’est qu’ils ne croient pas en Dieu : nous voyons clairement, d’après le récit même de M.  […] Octave Feuillet résume comme il suit : Développer à toute leur puissance les dons physiques et intellectuels qu’il tenait du hasard, faire de lui-même le type accompli d’un civilisé de son temps, charmer les femmes et dominer les hommes, se donner toutes les joies de l’esprit, des sens et du pouvoir, dompter tous les sentiments naturels comme des instincts de servage, dédaigner toutes les croyances vulgaires comme des chimères ou des hypocrisies, ne rien aimer, ne rien craindre et ne rien respecter que l’honneur : tels furent, en résumé, les devoirs qu’il se reconnut et les droits qu’il s’arrogea. […] Feuillet affirme que, si Louis de Camors manque à l’honneur (c’est-à-dire au seul devoir qu’il reconnaisse), d’abord en trompant un homme qui doit lui être sacré, puis en épousant Mlle de Tècle sans quitter Mme de Campvallon, c’est que l’honneur n’est rien, est emporté par la passion comme une paille, quand il ne repose pas sur la morale, et sur la morale religieuse. […] Même, chose inattendue, bien loin que sa chute soit la conséquence de son incrédulité et de l’exécution de son programme athée, on peut dire qu’il ne s’est mis dans le cas de manquer à l’honneur que parce qu’il a manqué d’abord au reste de son programme.

201. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Et, par-delà le champ de bataille, ce qui est en jeu, ce dont on décide d’un mot, d’un geste, c’est l’intérêt, l’honneur, le bonheur de plusieurs millions d’autres hommes aujourd’hui et dans l’avenir. […] Oui, c’est bien lui qui eut le principal honneur de la journée : il est impossible d’en douter après le récit de M. le duc d’Aumale. […] Au reste, en dépit des panégyristes officiels, et si nous en croyons Gui Patin, le bruit courut, à Paris, dans les salons, que le duc d’Anguien avait montré trop de jeunesse et que, si le combat s’était terminé à notre avantage, l’honneur en revenait uniquement à M. de Gassion. […] On lit dans ces lettres, qui font le plus grand honneur à Condé : « Je m’adresse à vous pour vous supplier de vouloir faire reconnaître les services que M. de Gassion a rendus en cette occasion d’une charge de maréchal de France. Je puis vous assurer que le principal honneur de ce combat lui est dû.

202. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Entrons chez les précieuses, et remarquons, en passant, qu’on parle toujours des précieuses et rarement des précieux, ce qui nous rappelle que les femmes ont dans le monde la place d’honneur. […] On mettra en honneur celui urbanité devenu nécessaire pour exprimer le raffinement des mœurs. […] Faut-il rappeler ces traductions qu’on appelait « les belles infidèles » ; la Bible pomponnée, attifée, presque enrubannée ; les formules superbes prêtées aux orateurs des républiques antiques : Messieurs les Athéniens, j’ai l’honneur de vous proposer telle mesure. ; les hommes des siècles passés, qu’ils s’appelassent Achille ou Pharamond, dotés de cette majesté dont Louis XIV ne se départait pas, « même en jouant au billard » ; tel poète d’autrefois, à commencer par Homère, honni par les uns, parce qu’il a manqué aux convenances, en mettant aux prises des héros qui se traitent de cœur de cerf et d’œil de chien, défendu par les autres, au nombre desquels est Boileau, sous prétexte que le mot âne, trivial en français, est parfaitement noble en grec. […] C’est l’honneur. […] Cherchez maintenant combien de fois le roman et le théâtre ont reproduit ce type de l’honnête homme, transformé en galant homme ou en gentleman ; examinez quel parti littéraire ils ont tiré de l’honneur et du point d’honneur ; comptez, si vous pouvez, dans combien de pièces, depuis le Cid jusqu’à nos jours, le duel, cette survivance mondaine des usages chevaleresques, intervient comme moyen dramatique ; et vous aurez une idée à peu près suffisante, quoique incomplète, des innombrables répercussions que la vie du monde a eues et a encore sur les œuvres de nos littérateurs.

203. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Par sa péroraison, il entraîne avec lui toute la classe de rhétorique, qui, n’ayant plus qu’un mois d’études avant les vacances, prend sur elle d’abréger, de proclamer l’année scolaire close un mois plus tôt, et de se retirer en masse et en bon ordre avec les honneurs de la guerre. […] Qu’était-ce, je vous prie, qu’un homme de lettres alors, s’il n’avait pas eu les honneurs de la Bastille ? […] Je ne veux faire remarquer qu’un seul point à l’honneur de Marmontel. […] C’est assez pour l’honneur de sa mémoire qu’en voyant les hommes devenir tout à coup furieux et méchants, il ait arrêté à temps sa bonhomie, et ne l’ait laissée dégénérer ni en lâcheté ni en sottise. […] Quoique je ne fusse pas de son avis, ajoute Bailly, j’admirai sa fermeté qui lui fit honneur à cet égard ; mais le mécontentement sur le fond de son opinion me fit préjuger qu’il ne serait pas député. » Bailly a-t-il bien eu lieu de se féliciter de l’être ?

204. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Cette réponse qu’on lui arrache est une sorte de réclamation dernière faite pour l’acquit de sa conscience plus encore que pour l’honneur de la cause. […] Je le lui ai assez dit quand j’avais l’honneur d’être des plus assidus et des plus habitués dans son sein, pour avoir le droit d’exprimer publiquement cette crainte aujourd’hui65. […] Voir la Couronne margaritique, composée par Jean Le Maire en l’honneur de Madame Marguerite d’Autriche, et imprimée seulement en 1549 par Jean de Tournes (in-folio de 72 pages). […] Poitevin me fait l’honneur de m’attribuer cette phrase, sans doute pour l’avoir vue citée dans quelqu’un de mes écrits, et il la signe tout uniment de mon nom. […] Depuis que ceci est écrit, j’ai eu l’honneur et la douceur de reprendre mon assiduité aux séances de la docte Compagnie.

205. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Mais il serait dur de tuer tout exprès un de nos confrères ou nous-même, et de le tuer à temps pour faire ainsi les honneurs de l’esprit français et pour ménager une fête littéraire, fût-ce aux plus aimables des étrangers. […] Son éloquence (s’il est éloquent) est l’orgueil de la Compagnie tout entière, flattée de se voir représentée avec tant d’honneur et de faveur. […] Suard de toucher à ce qu’il possède à fond ; mais il ne le fait qu’avec sa discrétion accoutumée, se bornant à sa tâche de rapporteur, n’affectant point d’évoquer et de traiter pour son compte les sujets dont il laisse tout l’honneur aux pièces couronnées. […] Lebrun, esprit judicieux et caractère équitable, qui possède à un haut degré ce qu’on peut appeler le patriotisme de l’Académie, je veux dire qu’il est tout dévoué au bien et à l’honneur du Corps. […] Daru, lus de près et sans prévention, font honneur à leurs auteurs.

206. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Mais ce n’était point dans de simples rimes que François Ier faisait consister l’idée et l’honneur des lettres ; il embrassa la Renaissance dans toute son étendue. […] L’honneur de leur suzeraineté, de leur coopération intelligente et gracieuse, resterait hors de cause ; seulement la part du métier reviendrait à qui de droit. […] Voilà certes Larivey fort rabaissé comme ancêtre de Molière ; il lui reste l’honneur d’avoir été l’un des bons artisans du franc et naïf langage. […] Toujours c’est aux meilleurs et aux plus généreux sentiments de son frère qu’elle s’adresse ; c’est le culte de l’honneur qu’elle échauffe et qu’elle entretient en lui : Mais toy, qui as toujours foy conservée Et envers tous ta constance observée, Rendant content Dieu et ta conscience Par ta vertu, doulceur, foy, pacience, Tenant à tous parole et vérité, Honneur tu as, non ennuy mérité. […] Tout examen un peu approfondi tourne en l’honneur de la bonne et belle nature de cette princesse.

207. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Si, au contraire, les projets du roi sont d’anéantir notre liberté, nous nous en apercevrons bientôt ; et il vaut mieux acquérir cette lumière par la ruine d’un seul que par celle de tous… D’un autre côté, comme j’ai joui au milieu de vous de plus d’honneurs et de considération sans doute que je n’avais droit d’en attendre, et que peut-être on n’en a accordé à aucun simple citoyen, je me crois plus particulièrement obligé qu’aucun autre à servir les intérêts de mon pays, même aux dépens de ma propre vie. […] V Ce départ était un de ces actes subits d’honneur que le cœur tente avant que la réflexion l’ait mûri ; il étonna amis et ennemis dans Florence. […] pense au faux éclat dont nous éblouissent les honneurs, les richesses et les plaisirs qu’on croit les plus propres à nous rendre heureux. […] Vous devez comprendre vous-même que l’envie ne vous a pas vu avec indifférence parvenir si jeune à une si éminente dignité, et ceux qui n’ont pu réussir à vous exclure de cet honneur feront jouer toutes sortes d’intrigues pour le flétrir entre vos mains, en vous faisant perdre l’estime publique, et tâchant de vous entraîner dans le gouffre de turpitudes où ils sont eux-mêmes tombés ; et sur ce point la considération de votre jeunesse redouble leur confiance. […] « Vous êtes désormais consacré à Dieu et à l’Église, et pour cette raison vous devez constamment aspirer à être un bon ecclésiastique, et montrer que vous préférez l’honneur et l’état de l’Église et du saint-siége apostolique à toute autre considération.

208. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Sous prétexte d’épurer le sentiment de l’honneur, on l’a séparé de tous ses effets pratiques ; on a exclu la considération grossière et avilissante de l’utilité. […] Belles paroles, riches habits, fêtes somptueuses, effrénées largesses, folles aventures, grandes démonstrations d’honneur, de générosité, de loyauté : voilà le dehors, le masque. […] Champenois, secrétaire du roi de Bohème Jean de Luxembourg : à lui l’honneur d’avoir révélé le secret des rimes serpentines, équivoques, léonines, croisées ou rétrogrades, sonantes ou consonantes. […] Il adopte l’idéal de la chevalerie dégénérée ; et la suprême règle de sa morale, par laquelle il loue, blâme, absout, condamne, c’est l’honneur. […] L’esprit positif du siècle apparaît ici, dans l’honneur que rend Froissart à tous ceux qui savent gagner ; c’est le règne de l’argent qui commence.

209. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Ayant eu l’honneur d’en faire partie à un certain moment et en des temps difficiles, je sais ce qui en est, et j’ai souvent réfléchi et à ce qui s’est fait et à ce qui aurait pu se faire. […] Ce qui seulement m’a choqué en entendant ces paroles, c’est que je trouvais que notre nouveau et digne confrère faisait bien lestement les honneurs, je ne dis pas de M. de Lamartine (il est convenu qu’on l’excepte à volonté et qu’on le met en dehors et au-dessus du romantisme), mais de M. de Vigny, de M.  […] Le sonnet, non pas le sonnet fade, efféminé, énervé et à pointe des spirituels et minces Fontenelles, mais le sonnet primitif, perlé, cristallin, de Pétrarque, de Shakespeare, de Milton, et de notre vieux Du Bellay, a été remis en honneur. […] En poésie on peut lancer et perdre bien des flèches : il suffit pour l’honneur de l’artiste que quelques-unes donnent en plein dans le but et fassent résonner tout l’arbre prophétique, le chêne de Dodone, en s’y enfonçant.

210. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

I C’est une des plus désagréables puissances de ce temps-ci ; mais, il faut bien en convenir, quoique le cœur en saigne pour l’honneur de l’esprit français, c’est une puissance. […] Les autres, qui ont essayé de la singer, — qui lui ont rendu ce flatteur honneur de la singerie, — ont pu se croire de la même force d’ennui, et l’étaient peut-être, mais l’Opinion, cette reine du monde, qui a ses favoris, a toujours trouvé ses bâillements infiniment plus savoureux quand ils lui venaient par la Revue des Deux Mondes que par les autres recueils, créés, à son exemple, pour entretenir les mâchoires humaines dans cette vigoureuse et morale gymnastique du bâillement. […] Mais ce que je veux surtout, c’est traiter Buloz comme une idée générale… Je veux lui faire cet honneur… Je ne connais d’ailleurs personne qui soit plus que lui sain à étudier, car le succès est peut-être la plus grande corruption de l’âme humaine, et Buloz le fait dédaigner, II Il est né en 1803, à Vulbens, près de Genève, pays commerçant et puritain. […] Je ne connais guères qu’une personne de ce temps-ci qui ait eu un honneur égal à celui de Buloz, et c’est Véron, ce gros mauvais sujet de Philibert, devenu le docteur Véron vers le tard.

211. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Dion Cassius, en parlant d’un Romain distingué, nous dit que le sénat, après sa mort, lui décerna une statue et l’honneur d’un éloge public. […] Bientôt cet honneur devint commun ; la flatterie et le mensonge ne tardèrent point à le corrompre ; on exagéra le bien, on fit disparaître le mal, on supposa des actions qui n’avaient point été faites, on créa de fausses généalogies ; enfin, à l’aide de la ressemblance des noms, on se glissa dans des familles étrangères, tant la fureur d’exister par ce qui n’est plus, et de prendre un nom pour du mérite, a été commune à tous les siècles. […] Son premier ouvrage fut un éloge en vers, en l’honneur de Marius. […] Je vous félicite donc, ô vous braves guerriers pendant la vie, ombres sacrées après la mort, je vous félicite de ce que votre valeur ne pourra être mise en oubli, ni par votre siècle, ni par la postérité, puisque le sénat et le peuple vous dressent, pour ainsi dire, de leurs propres mains, un monument immortel ; jamais un tel honneur n’a été rendu à aucune armée, et plût aux dieux que nous pussions faire davantage !

212. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

La plûpart ne se proposent en disputant que le frivole honneur de vaincre, à quelque prix que ce puisse être. […] Je distingue dans le luxe qu’on prétend que je louë scandaleusement, ce qui fait honneur à l’industrie de l’homme, d’avec ce qui doit faire honte à sa vanité. […] C’est alors que je fis mes odes qui me valurent quelque approbation du public, et enfin le gage le plus flatteur de cette approbation, par l’honneur que me fit l’académie françoise de me recevoir dans son corps. […] Ce tour même en vain lui rendit-il les funebres honneurs ; sa superbe pitié n’essuya point mes pleurs. […] Cependant pour répondre à l’honneur que me fait en m’attaquant un adversaire du mérite de M. 

213. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIII » pp. 244-246

Érudit inventif et original, il est apprécié ainsi par la Revue des Deux Mondes : « L'écrivain à qui Cabanis adressait sa fameuse Lettre des Causes premières, l’ami dont Manzoni écoutait l’inspiration et à qui il se faisait honneur de dédier sa meilleure pièce, l’homme que madame de Staël consultait sur la littérature allemande, qui donnait à M. […] Ampère celui des littératures comparées, l’homme, enfin, qui a su inspirer tant d’illustres amitiés et coopérer par ses conseils à tant de monuments aujourd’hui célèbres, ne peut manquer de laisser des regrets profonds dans tous ceux qui ont eu l’honneur de le pratiquer. » 42.

214. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

Huet, Evêque d’Avranches, c’est au beau sexe qu’il faut en attribuer l’honneur ; & voici les preuves qu’il en donne : « Madame de la Fayette négligea si fort la gloire qu’elle méritoit, qu’elle laissa sa Zaïde paroître sous le nom de Segrais ; mais lorsque j’eus rapporté cette anecdote, quelques amis de Segrais, qui ne savoient pas la vérité, se plaignirent de ce trait, comme d’un outrage fait à sa mémoire. […] Segrais, qui, de l’aveu de tout le monde, & de Madame de la Fayette elle-même, avoit travaillé à la Princesse de Cléves, sans songer à s’en faire honneur, n’étoit pas capable d’adopter un Ouvrage, au préjudice d’une femme dont il se plaisoit à seconder les talens.

215. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 364-367

On trouve dans le Recueil des Œuvres de M. de Morand, trois Ballets héroïques, qui n’ont pas été représentés, quoiqu’ils méritassent cet honneur aussi bien que tant d’autres qui reparoissent si souvent. […] Il s’avança sur les bords du Théatre, & parla ainsi au Parterre : « Messieurs, il me revient de tous côtés qu’on trouve que le principal caractere de la Piece, que vous venez de voir, n’est point dans la vraisemblance qu’exige le Théatre ; tout ce que je puis avoir l’honneur de vous assurer, c’est qu’il m’a fallu diminuer beaucoup de la vérité, pour le rendre tel que je l’ai représenté ».

216. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 45-49

Quand il seroit vrai que l’Abbé de Rancé auroit pris quelque part aux événemens de ce monde, après y avoir renoncé, les sentimens qu’il manifeste dans ses Ecrits & dans ses Lettres, n’ont rien qui ne puisse faire honneur à son zele & à sa piété. […] Il étoit naturel, selon ses principes, qu’il cherchât à décrier un homme dont les sacrifices, les vertus & la réforme ont fait tant d’honneur à la Religion.

217. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Me l’enlever, ce serait m’enlever l’outil de mon honneur, l’instrument de ma libération. […] En est-il un plus honnête que de se sacrifier au salut de ceux dont on répond sur son honneur ? […] Il est dit dans Confucius : Le Tien ordonne de décerner les cinq honneurs et les cinq récompenses à la vertu. […] Depuis que je suis sur le trône, toutes les fois que je brûle des parfums en l’honneur du Ciel, je lui adresse cette prière : “Mon aïeul Chen-Tfou a régné soixante et un ans ; je n’oserais m’égaler à lui. […] Elle m’ordonna de ne pas me presser et de donner seulement d’abord un titre d’honneur à Na-la-che ; ce que je fis.

218. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

C’était un honneur dans la forme, au fond c’était un exil. […] Que devenait l’honneur de la maison de Savoie ? […] Regardez tout ce que j’ai eu l’honneur de vous dire comme des pensées qui se sont élevées d’elles-mêmes dans votre cœur. […] Nous avons vu un autre grand écrivain politique, comblé de dons et d’honneurs par les princes de la maison de Bourbon, remplir également le monde de ses plaintes mal fondées contre leur prétendue ingratitude. […] Certes, on me faisait beaucoup d’honneur.

219. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Le duc Charles n’était jamais en reste en fait de promesses de mariage, mais ici l’offre fut des plus sérieuses : On peut aisément imaginer, dit Lassay, l’effet que fît une telle proposition sur une jeune personne dont l’âme était noble et élevée ; elle regarda un honneur si surprenant avec modestie, mais elle n’en fut point éblouie au point de s’en croire indigne. […] Il remplit son ordre en homme qui avait fort envie de réussir ; il lui fit envisager tout ce qu’elle avait à craindre et à espérer, et il lui dit enfin qu’il ne tenait qu’à elle d’être reconnue le lendemain duchesse de Lorraine par le roi ; qu’elle n’avait qu’à faire signer à M. de Lorraine un papier qu’il avait apporté avec lui et qu’il lui montra, et qu’elle serait reçue au Louvre avec tous les honneurs dus à un si haut rang ; mais que, si elle refusait de faire ce que Sa Majesté souhaitait, il y avait à la porte un de ses carrosses, trente gardes du corps et un enseigne, qui avaient ordre de la mener au couvent de La Ville-l’Évêque ; ce que Madame demandait avec beaucoup d’empressement. […] Le Tellier qu’elle aimait beaucoup mieux demeurer Marianne que d’être duchesse de Lorraine aux conditions qu’on lui proposait ; et que, si elle avait quelque pouvoir sur l’esprit de M. de Lorraine, elle ne s’en servirait jamais pour lui faire faire une chose si contraire à son honneur et à ses intérêts ; qu’elle se reprochait déjà assez le mariage que l’amitié qu’il avait pour elle lui faisait faire. […] À quelques jours de là, elle renvoyait à M. de Lorraine la valeur d’un million de pierreries qu’il lui avait données, « lui disant qu’il ne lui convenait pas de les garder, n’ayant pas l’honneur d’être sa femme ». […] Dès l’abord, M. de Tréville, cet homme d’esprit, cet ancien ami de Madame Henriette d’Angleterre, devenu l’un des amis de Port-Royal, ce pénitent sincère, mais qui avait lui-même ses variations, avait averti Lassay en essayant de le consoler ; et ce dernier lui répondait : Je sais que vous me faites l’honneur de me dire que le temps adoucit les douleurs les plus vives ; mais les grandes afflictions font le même effet sur l’âme que les grandes maladies font sur le corps : quoique l’on en guérisse, le tempérament est attaqué ; on vit, mais on ne jouit plus d’une santé parfaite : il en est de même de l’âme, elle ne peut plus jamais sentir une joie pure.

220. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Soyez sociable ; faites honneur à la vertu dans le monde. » Et il redouble lui-même de légèreté en écrivant, comme pour lui donner l’exemple avec le précepte : « On a besoin d’être sans cesse la faucille en main, pour retrancher le superflu des paroles et des occupations. » Jamais la piété de Fénelon ne se montre mieux ce qu’elle est que dans ces lettres au vidame d’Amiens, c’est-à-dire une piété douce, commode, simple, exacte, ferme et gaie tout ensemble, une piété qui s’allie avec tous les devoirs et qui se ressouvient du grand seigneur devant les hommes jusque dans la perfection de l’humilité devant Dieu : Un homme de votre rang ne fait point assez, et il manque à Dieu quand il ne s’occupe que de curiosités, que d’arrangement de papiers, que de détails d’une compagnie, que de règlements pour ses terres. […] Celui-ci aurait voulu que le jeune prince fît face à l’orage, qu’il demeurât à la tête de l’armée jusqu’à la fin de la campagne, qu’il cherchât à prendre quelque revanche sur la fortune ; il le lui disait non plus sur un ton de directeur spirituel et de précepteur, mais sur le ton d’homme d’honneur et de galant homme qui sent la générosité de conduite dans tous les sens : Quand un grand prince comme vous, Monseigneur, ne peut pas acquérir de la gloire par des succès éclatants, il faut au moins qu’il tâche d’en acquérir par sa fermeté, par son génie et par ses ressources dans les tristes événements. […] Il faut avouer que je vous ai toujours vu, dans votre enfance, aimant à être en particulier, et ne vous accommodant pas des visages nouveaux. » Il voudrait le voir accessible, ouvert à tous, sachant s’entourer mieux qu’il ne fait et de personnes plus considérées, sachant un peu proportionner ses témoignages de confiance à la réputation publique de ceux à qui il les accorde ; il voudrait surtout le mettre en garde contre tout ce qui semble dénoter une dévotion sombre, timide, scrupuleuse : Pour votre piété, si vous voulez lui faire honneur, vous ne sauriez être trop attentif à la rendre douce, simple, commode, sociable… (Et dans une autre lettre, à quelques jours de là) : Vous devez faire honneur à la piété, et la rendre respectable dans votre personne. […] Pourtant, comme il se mêle à tout cela bien de l’irréflexion et de la mode, selon notre usage français de tous les temps, il arrivera que pendant la très courte année où le duc de Bourgogne, devenu Dauphin après la mort de son père, se mettra un peu en frais de bonne grâce et en attitude de plaire, l’opinion se retournera subitement en son honneur, célébrera en lui une transformation soudaine, et, quand on le perdra quelques mois après, il sera pleuré comme un prince irréparable, les délices trop tôt ravies du genre humain.

221. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux ! […] Ce qui est certain, c’est que tous les honneurs de la contenance et du courage, dans ces scènes à la fois atroces et grotesques, sont pour la charmante et généreuse femme qui risque vingt fois sa vie en le cachant. […] Il rappelle, à bien des égards, ce Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, cet autre prince si lâche de volonté, si misérable de conduite, avec cette différence que Gaston, poussé de même par ceux qui le gouvernaient, compromettait ses amis et ensuite les plantait là, au péril de leur tête, et que Philippe se laissa compromettre par eux au point d’y tout perdre, tête et cœur, honneur et vie. Gaston, plus avisé, n’y laissait en chemin que l’honneur. […] Elle est de la religion politique de Burke qui ne concevait pas que dans une nation de galants hommes, dans une nation d’hommes d’honneur et de chevaliers, dix mille épées ne sortissent pas de leurs fourreaux à l’instant, pour venger une noble reine de l’insulte, ne fût-ce que de l’insulte d’un seul regard.

222. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Ce que je te demande, par cette main que je tiens, par ton bon Génie, au nom de ton honneur et de son isolement à elle, ce que j’implore de toi, c’est de ne la point quitter, de ne la point délaisser. […] Et voilà trois mois de cette fuite. — Chrémès, après avoir tout entendu : « Il y a de votre faute à tous deux, dit-il, bien que ce coup de tête annonce pourtant une nature sensible à l’honneur, et à qui certes le cœur ne manque pas. » — Ménédème a raconté ce qui lui était le plus pénible ; c’est alors que le malheureux père, en apprenant le départ de son fils et se voyant seul, a tout quitté et vendu de désespoir ; il a fait maison nette et s’en est venu se confiner dans ce champ pour s’y mortifier et s’y punir. […] Je crois qu’il est mieux de retenir ses enfants par un sentiment de pudeur et d’honneur que par la crainte… » On voit d’ici quel est le système de Micion, système bien connu et des plus relâchés : celui de Déméa est précisément le contraire ; aussi les deux frères sont-ils habituellement en querelle ouverte, et le frère de champs arrive souvent chez celui de la ville en s’écriant : « Que faites-vous, Micion ? […] Diderot le fougueux, le verveux, a eu l’honneur de comprendre et de sentir dans Térence celui qui lui ressemblait le moins, celui qui n’outre rien, ne charge jamais, et qui ne met pas un trait de plus que nature. […] On parle toujours et le plus volontiers de Térence comme de l’un des précurseurs profanes du christianisme : c’est pour lui un grand honneur.

223. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Comme elle lit en elle-même, Marianne est fine à déchiffrer les autres : elle fait des portraits, qui feraient honneur à un psychologue ; il y a bien du cailletage féminin dans l’abondance de son développement, mais bien de la précision fine sous le cailletage. Marivaux, qui n’aime pas les dévots, démonte leurs manèges d’une main impitoyable : tout le patelinage de M. de Climal, ses ruses pour venir à bout de Marianne, ses précautions pour assurer et son honneur et sa conscience, tout cela est peint de main de maître. […] Sans doute, la liberté des mœurs du xviiie  siècle ne s’y représente pas expressément, et Marivaux — c’est du reste à son honneur — ne tient pas lieu de Crébillon fils ou de Laclos501. […] Leur dignité, leur honneur leur commandent de se séparer : ils s’aiment tant qu’ils s’avilissent par la persistance de leur amour. […] Tout le roman est dans les révoltes de l’honneur chez l’homme, dans l’effort de la femme pour accorder l’amour et la coquetterie.

224. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il y a eu en effet en France un faux classique, non sans honneur et sans gloire, mais qui a nui au classique véritable en imitant et en discréditant les formes extérieures de celui-ci. […] C’est ainsi qu’on avait vu les parlements, ces vieilles citadelles de l’honneur bourgeois s’abaisser jusqu’à légitimer les enfants adultérins du roi, tant il est vrai que sans une certaine vertu civique la vertu domestique elle-même vient à succomber. […] Nisard en fait honneur à Chateaubriand. […] Qui sera assez éclairé pour faire ce partage avec assurance et ne rien laisser à l’honneur de ce pauvre grand homme dans cette lutte misérable avec lui-même ? […] Ce sont, ou des vérités descriptives, ou des vérités de sentiment intime, ou des vérités de peintures domestiques, ou enfin des vérités historiques, politiques, philosophiques : ce sont ces vérités nouvelles, exprimées dans une langue inégale sans doute et dégénérée, mais tantôt brillante, tantôt ardente, tantôt molle et mélodieuse, tantôt austère et nerveuse, qui assurent à la littérature du xixe  siècle, malgré ses défauts, une sorte de solidité, et lui permettent de soutenir avec quelque honneur la comparaison avec les siècles précédents.

225. (1887) Essais sur l’école romantique

honneur à l’inspiration ! […] Nos jeunes poètes se font honneur d’être revenus au naïf. […] Une amulette qu’elle porte au cou l’a sauvée de l’infamie ; si elle perd son honneur, elle ne reverra jamais sa mère. […] Quel honneur c’était déjà pour moi, seulement d’avoir à m’en défendre ! […] Ceux qui ont eu l’honneur de voir de près M. 

226. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Tous ceux qui la composent portent une torche ; ce sont les ombres des héros grecs tués dans le combat, et qui gisent sans sépulture et sans honneur dans la plaine. […] écrit le père enthousiaste, sur mon honneur ! […] Wolfgang reprit que nous avions des lettres de recommandation à lui remettre, et que nous aurions l’honneur de nous présenter chez Son Éminence. […] Là j’eus l’honneur d’attendre encore pendant toute une heure. […] Quant à moi, je leur dis ce qu’il y avait à dire, qu’avec un pareil clavecin il n’y avait pas moyen de se faire honneur, et qu’il me serait fort agréable de jouer un autre jour sur un meilleur instrument.

227. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Autran, Joseph (1813-1877) »

Ponsard en fut le héros et Lucrèce le signal… J’eus, vers cette époque, l’honneur de rencontrer M.  […] Qu’il nous permette de lui affirmer, sur l’honneur, que la mer est dans

228. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Ce fut lui qui en inspira le goût & en apprit les regles à Madame Deshoulieres ; peut-être même a-t-il sacrifié, à la gloire de cette Dame, quelques morceaux dont il auroit pu lui-même se faire honneur. […] On a oublié d’insérer, dans le Recueil de ses Poésies, une Eglogue & une Elégie qui feroient honneur certainement à la plupart des Poëtes de nos jours.

229. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Laus de Boissy a fait huit ou dix Comedies, dont aucune n’a été jugée digne des honneurs de la représentation ; des Drames, des Proverbes, des Opuscules, des Opéra-comiques, des Contes moraux, & d’autres Ouvrages qui n’eussent jamais vu le jour, s’il ne les eût fait imprimer à ses frais, & qui n’ont servi qu’à le couvrir de ridicule aux yeux de tous ceux qui ont eu la patiente curiosité de les parcourir. […] N’oublions pas d’apprendre à ceux qui l’ignorent, que l’assaut qu’il nous a livré lui a valu de la part de M. de Voltaire, avec le présent d’un nouveau Volume de ses Œuvres, ce qui autrefois eût été d’un grand prix, un brevet d’honneur* dans la Littérature.

230. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

L’André Chénier et le Malherbe, dans leurs deux éditions critiques, paraissent à la fois : les deux chefs d’école ont les mêmes honneurs. […] Camille, on le savait déjà, c’est Mme de Bonneuil, « belle et spirituelle personne dont la fille épousa depuis Regnault de Saint-Jean-d’Angely. » Au lieu d’une Daphné, inventée par M. de Latouche qui avait mal lu ou voulu mal lire le chiffre à demi mystérieux, Dr., il faut lire d’Arcy ; l’honneur d’avoir deviné le tendre hiéroglyphe revient à M.  […] B. de Fouquières aura l’honneur d’avoir désormais attaché son nom d’une façon inséparable à la destinée d’un jeune dieu.

231. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. […] Il y en eut pourtant, dans ce siècle, trois de célèbres ; ce furent Eumène, Nazaire et Mamertin, tous trois panégyristes de princes, et tous trois comblés de bienfaits par les empereurs : car, si la vérité a souvent nui à ceux qui ont eu le courage de la dire, il faut convenir que la flatterie et le mensonge ont presque toujours été utiles à ceux qui ont voulu échanger leur honneur contre la fortune. […] Il est adressé à un gouverneur de province, que l’orateur ne manque pas d’appeler vir perfectissime, c’est-à-dire, homme très parfait ; ce titre d’honneur était apparemment une leçon adroite, donnée, sous le voile du respect, à un homme puissant.

232. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

En Talma tout-à-coup mon homme se dessine ; Et s’arrachant les vers du fond de la poitrine, Sa languissante voix, en accens douloureux, Psalmodie un poëme en l’honneur de nos preux. […] Que nous fait l’avenir, si nous vivons célèbres ; Si le siècle applaudit nos œuvres des ténèbres ; Si nos contemporains, sur la foi des journaux, Nous prennent bêtement pour des soleils nouveaux ; Si, courbés sous le poids des honneurs littéraires, Nous voyons, l’or en main, accourir les libraires ; Si, grâce à nos patrons, la cassette du roi Nous paie en bons louis nos vers de faux aloi ? […] L’argent et les honneurs valent mieux que la gloire : Il faut soigner sa vie et non pas sa mémoire.

233. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Le point d’honneur qui d’ordinaire, dans la carrière de La Fayette, se confondit avec le culte de la popularité, ici s’en séparait, et il fut pour le point d’honneur au risque de perdre sa popularité. […] Les anciens chevaliers, les gentilshommes français avaient pour culte l’honneur. […] Si on le prend à l’entrée et à l’issue, on trouve que, somme toute et sauf l’examen de détail, il s’en est tiré, quant aux principes généraux et quant à la tenue personnelle, à son honneur, à l’honneur de sa cause et de sa morale en politique. […] Il retourne à son camp sans avoir rien obtenu que les honneurs de la séance : le 10 août va lui porter la réponse. […] Il n’y a pas jusqu’à Danton et Desmoulins qui n’aient eu l’honneur de mourir pour s’opposer à Robespierre.

234. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M.  […] Vous faisiez votre classe de philosophie au collège Henri IV ; vous eûtes, je crois, le prix d’honneur au grand concours à la fin de l’année.

235. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 120-124

La vraie source de sa réputation littéraire est sa Nouvelle Traduction en Vers des Géorgiques de Virgile Ouvrage qui lui fait autant d’honneur auprès des esprits capables de sentir les difficultés qu’il avoit à vaincre, qu’il eût pu en recueillir d’un Ouvrage de son invention. […] Peut-être a-t-il cru donner, par ce titre, une recommandation à son Ouvrage, très-éloigné de faire honneur à la Philosophie*.

236. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

L'Introduction qu'il a mise à la tête de la Bibliographie de du Verdier, & qui paroît une suite naturelle du Discours sur les progrès des Lettres, est un morceau de critique qui ne fait pas moins d'honneur à son discernement & à sa plume. […] elles ne sont dispensées qu'à des complices ; & quel homme jaloux de son honneur voudroit l'être à si bas prix !

237. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Je me trompe, c’est l’argent qui a suivi le banquier pour le récompenser de l’avoir préféré à l’honneur. […] Où sont donc, je vous prie, les grands seigneurs et les gentilshommes qui peuvent lui disputer l’honneur de cette paternité ? […] Me fit-il l’honneur de lire mes critiques ? […] L’auteur des Saltimbanques me fit l’honneur de me demander une audience. […] Ils ont mis en honneur et presque à la mode, la défiance des affirmations sans preuves, la précision rigoureuse et pittoresque.

238. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

Nous n'avons rien de plus détaillé, ni de plus instructif sur ce qui concerne la Chevalerie, que les recherches qui composent son Théatre d'honneur, en deux volumes in-folio. […] « C'est avec un vrai plaisir, Monsieur, que je donne ce témoignage de votre Ouvrage, très-flatté d'avoir cette occasion de rendre justice à vos talens, & de vous marquer le parfait & sincere dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être, &c. » Outre ce suffrage si flatteur de la part d'un homme en place, & sur-tout d'un Etranger qui s'exprime si bien dans notre Langue, M.

239. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Son père M. de Meulan, receveur-général de la généralité de Paris, jouissait d’une grande fortune à laquelle il faisait honneur avec générosité et bon goût ; sa mère, demoiselle de Saint-Chamans, était de qualité et d’une ancienne famille noble du Périgord, qui eut même des représentants aux croisades. […] M. de Meulan avait pris pour secrétaire à gros appointements Collé, dont Mlle de Meulan, dans le Publiciste, jugea plus tard les Mémoires, et à quielle reconnaissait, à travers la gaieté, beaucoup d’honneur et d’élévation d’âme91. […] Dès les premiers feuilletons du Publiciste, à la date de floréal an X, sous le titre de Pensées détachées, s’en trouvent quelques-unes du cachet le plus net, du tour le mieux creusé, — très-fines à la fois et très-étendues, très-piquantes et très-générales ; par exemple : « Un mot spirituel n’a de mérite pour nous que lorsqu’il nous présente une idée que nous n’avions pas conçue ; et un mot de sensibilité, lorsqu’il nous retrace un sentiment que nous avons éprouvé : c’est la différence d’une nouvelle connaissance à un ancien ami. » Et cette autre : « La gloire est le superflu de l’honneur ; et, comme toute autre espèce de superflu, celui-là s’acquiert souvent aux dépens du nécessaire. — L’honneur est moins sévère que la vertu ; la gloire est plus facile à contenter que l’honneur : c’est que, plus un homme nous éblouit par sa libéralité, moins nous songeons à demander s’il a payé ses dettes. » Elle entre à tout moment dans le vrai par le paradoxal, dans le sensé par le piquant, par la pointe pour ainsi dire ; il y a du Sénèque dans cette première allure de son esprit, du Sénèque avec bien moins d’imagination et de couleur, mais avec bien plus de sûreté au fond et de justesse : une sorte d’humeur y donne l’accent. […] Une femme qui a soutenu avec honneur un nom illustre, Mme de Condorcet, de quinze ans environ l’aînée de Mlle de Meulan, et qui se rattachait plus directement au monde de la Décade, tentait vers cette époque, dans ses Lettres à Cabanis sur la Sympathie, une analyse, à proprement parler philosophique, sur les divers sentiments humains. […] Que dire encore, quand on n’a pas eu l’honneur de la connaître personnellement, de cette femme d’intelligence, de sagacité, de mérite profond et de vertu, qui, entre les femmes du temps, n’a eu que Mme de Staël supérieure à elle, supérieure, non par la pensée, mais seulement par quelques dons ?

240. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Hugo au défi de publier l’anecdote dont il s’est inspiré ; et, si jamais il y a eu, en Espagne ou ailleurs, un sentiment général, une frénésie d’honneur qui puisse autoriser le cinquième acte d’Hernani, nous dirons que c’est une belle chose que cette catastrophe. […] Victor Hugo revient l’honneur d’avoir écrit le plus rare et le plus touchant de tous les drames de ce siècle, Marion de Lorme. […] Ce sera l’honneur de la République de l’avoir rempli. […] Éternel honneur de notre race ! […] Quand les ouvrages mis en honneur s’intitulaient : Les Burgraves, l’Homme qui rit ou la Légende des siècles, c’était au mieux ; mais cela devenait néfaste quand, par la force d’habitude, on exaltait le feuilleton des Misérables ou les tartines politiques des Châtiments.

241. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Vincent d’Indy l’honneur le plus grand. […] Salvayre : Mon cher ami, vous me faites l’honneur de me demander mon opinion sur l’œuvre de Wagner à Paris. […] Monsieur le Rédacteur, j’ai l’honneur de vous informer et je vous prie d’annoncer que, dans les circonstances actuelles, j’ai décidé l’ajournement de la représentation de Lohengrin. […] Monsieur le Rédacteur en chef, j’ai l’honneur de vous informer que je renonce définitivement à donner des représentations de Lohengrin. […] Edouard Dujardin en l’honneur de Parsifal ; les numéros 8 et 9, également réunis, paraîtront le 15 octobre, pour la réouverture de la saison.

242. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Chateaubriand, une heure après, entendant le récit de cette scène, n’aurait-il pas eu le droit de dire : « C’est à dégoûter de l’honneur » ; et un misanthrope : « C’est à dégoûter de la vertu ?  […] Cette conversion, ou du moins cette rétractation amenée à bonne fin fit le plus grand honneur à l’ecclésiastique qui y avait présidé, et fut le grand exploit catholique qui illustra la jeunesse de l’abbé Dupanloup. […] L’honneur de le hâter fut dû aux pressantes supplications de sa petite-nièce, pour laquelle il avait un faible de tendresse et qui obtint ce qu’elle voulut. […] Il n’y a pas de quoi lui en faire un crime, car cela s’explique très bien ; mais pourtant ce n’est pas là un honneur ni un bonheur dans sa vie. […] C’est l’éternel honneur de Voltaire qu’on ne puisse le louer sans amener aussitôt les représailles de pareils adversaires.

243. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Je crois, je suis certain même, que l’auteur de Chérie, si fier, si noble, si digne, si pointilleux, sur le point d’honneur littéraire, aurait jeté au feu son testament, s’il avait prévu la façon dont ses volontés seraient respectées. […] Puisque vous me faisiez l’honneur de me demander mon avis, je tenais, en effet, quand même à vous le donner. […] Je ne les ai jamais compris et je me permets même de vous féliciter de votre enquête, car j’espère, pour l’honneur des lettres, que la protestation va être unanime contre eux. […] Oui, pour l’honneur des lettres. […] Van Bever, à l’honneur des Lettres.

244. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Les sonnets étaient arrivés en France à la suite et dans le cortège de Catherine de Médicis, femme de Henri II, laquelle avait mis en honneur le tour d’esprit subtil et la galanterie de tête qui fait le fond de ce genre. […] A côté de ces grandes idées sur les nouvelles destinées de la poésie et de la langue, le manifeste de Du Bellay remettait en honneur le travail, où Buffon a vu le secret du génie. […] « Ronsard, dit Dorat, qui avoit esté nourri jeune à la cour, accoustumé à veiller tard, continuoit à l’estude jusqu’à deux ou trois heures après minuit, et, se couchant, resveilloit Baïf, quiselevoit etprenoit la chandelle, et ne laissoit refroidir la place. » II demeura sept ans avec Dorat « en cette contention d’honneur », dit son biographe René Binet. […] Ce fut certes une belle entreprise, que de se séparer si fièrement du badinage de Marot, et de porter tout à coup la poésie à une hauteur où, s’il ne lui fut pas donné de la soutenir, il eut du moins l’honneur de la lancer. […] En tête des poésies en l’honneur de Charles IX.

245. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Il presse son mariage, le contrat est fait, et les bans vont être publiés demain… Elle touche au but, elle va l’atteindre… Oui, mais cette femme si forte commet la très grande faute de rappeler Olivier chez elle, par je ne sais quelle machination mesquine où l’honneur d’une femme est mêlé. […] Le rôle brillant qu’il joue dans la pièce n’est pas seulement cruel, il est déloyal ; il blesse l’honneur, s’il satisfait la morale. […] » Elle a raison ; donc l’honnête Olivier se déclare, de son propre aveu, un personnage équivoque qui couvre sa rancune d’un masque d’honneur, et qui ne pourrait se tirer à son avantage d’un examen de conscience sérieusement passé. […] Les plus terribles des romans de Balzac ne sont-ils pas ceux où il nous montre un frêle billet de banque s’interposant entre un jeune homme et son rêve, — amour, honneur, ambition, — comme cette toile d’araignée des contes de fées qui sépare un amoureux de sa maîtresse, et que les plus grands coups d’épée ne peuvent rompre. […] S’il est recherché, flatté, courtisé, lui, fils d’un jardinier et parvenu de fraîche date, ce n’est pas à son effigie qu’il attribue tant d’honneur, mais à la valeur intrinsèque de sa caisse et de son crédit.

246. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Et pour que rien ne manque à cet épisode assez piquant du cardinal, ajoutez qu’au moment où il s’en retourne à Poitiers, plusieurs de ses gens, de ceux de son hôtel, l’abandonnent et s’en viennent, alléchés par l’honneur du combat, se mettre en l’armée des Français, sous le châtelain d’Amposte ; ce dont le bon cardinal ne s’aperçoit point. […] C’est à lui, au milieu de cette foule qui le presse de toutes parts et qui se dispute l’honneur de sa prise, que le roi préfère encore de s’adresser pour lui donner son gant droit et se mettre sous sa protectionb. […] Mais toujours il s’agenouilloit par devant lui et lui disoit : « Bien cher Sire, ne veuillez faire trop maigre chère de ce que Dieu n’a aujourd’hui voulu consentir à votre vouloir, car certainement Monseigneur mon père vous fera tout honneur et amitié qu’il pourra, et s’accordera à vous si raisonnablement que vous demeurerez bons amis ensemble à toujours. […] Qu’il est délicat au prince de Galles de s’effacer ainsi et d’avoir comme décerné à eux deux l’honneur ! […] Mérimée, au nom de l’Académie française, y a prononcé en l’honneur de Froissart un discours d’une netteté exquise.

247. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

. — Les deux antiquités remises en honneur. […] La turbulence de l’exécution, comparée à la gravité des promesses, relève le prix de celles-ci par le contraste, et tout ce que Diderot en a gâté tourne à l’honneur de d’Alembert. […] De tous les points du monde, on viendrait à Paris pour y briguer l’honneur d’être enterré à l’Elysée et d’y conquérir « les droits d’une bourgeoisie illustre et immortelle. » Cet Élysée serait en même temps un lieu d’asile. […] —  Les deux antiquités remises en honneur. — Nouvelles voies ouvertes à la littérature […] En revanche, il y aura toujours une place d’honneur pour la belle et poétique intelligence qui s’inspira, au commencement de ce siècle, de tout ce qui voulait revivre du passé, de tout ce qui commençait à vivre de l’avenir.

248. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Tâchons de nous justifier d’une imputation plus importante à notre amour-propre, & voyons si, comme ils l’ont avancé dans leurs Brochures & persuadé aux Esprits peu réfléchis, nous avons outragé, dans nos jugemens, les hommes qui font le plus d’honneur à la Nation. […] J’avoue que si j’avois eu la témérité de décrier de tels Hommes & les Auteurs vivans qui ont marché sur leurs traces, je maudirois l’instant où j’ai pris la plume, je ferois amen de honorable d’avoir outragé les hommes qui font le plus d’honneur à notre Nation ; mais, au contraire, j’ai loué ces mêmes Hommes, j’ai parlé de la supériorité de leurs talens & du bon usage qu’ils en ont fait ; je les ai vengés du ton de mépris que les Philosophes ont souvent employé en parlant de leurs Ecrits. […] Lambert, &c. pour l’honneur de la Nation ! […] Que feu M. de Voltaire m’ait cru digne de sa colere, il m’a fait honneur, & j’ai l’orgueil de croire que je n’en étois pas indigne. […] On n’aura pas de peine à se le persuader, si l’on pense qu’un homme de Lettres n’arrive aux honneurs, aux places, aux récompenses, & même aux bénéfices, que par les Philosophes, & que, se déclarer contre eux, c’est se fermer la porte à toute espece de fortune.

249. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

lui répondait-elle, il faut qu’un roi ressuscite. » Elle le ressuscita en effet, et réussit pendant quelque temps à faire de Louis XV un prince sensible à l’honneur et qui n’était pas reconnaissable. […] Il fut fidèle à sa mission ; il fit de jolis vers, tout en l’honneur de ce royal amour dont il était le confident et presque l’aumônier : On avait dit que l’Enfant de Cythère Près du Lignon avait perdu le jour ; Mais je l’ai vu dans le bois solitaire Où va rêver la jeune Pompadour. […] tout cela, en effet, aurait été fort déplacé à Versailles ; mais Mme de Pompadour aurait voulu les y voir pourtant, et que la liaison se fît à quelque degré dans l’opinion entre le monarque et les hommes qui étaient l’honneur de son règne. […] qu’est-il resté de cette femme qui nous a épuisés d’hommes et d’argent, laissés sans honneur et sans énergie, et qui a bouleversé le système politique de l’Europe ? […] Il n’y a peut-être jamais eu (beaucoup) plus de vertu dans le monde, mais il y avait plus d’honneur.

250. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Les causes alléguées (quelques dettes, une affaire d’honneur), si graves qu’on les fasse au point de vue de la morale domestique, étaient tout à fait disproportionnées au châtiment, et n’avaient rien encore qui pût déshonorer une jeunesse ni flétrir un avenir. […] Après avoir fait ainsi les honneurs de son premier prétendant, la marquise poursuit sa confidence. […] La singulière place d’honneur, pourtant, qu’il s’était choisie, en entendant de la sorte la vie privée, et en ne l’embrassant ainsi que pour la consumer tout entière et la ravager ! […] Celle-ci allait donner un bal en son honneur ; c’était le marquis de Monnier qui l’avait voulu, car, lui aussi, Mirabeau l’avait complètement séduit, comme il faisait aisément de tous ceux qu’il approchait. […] Notons seulement ce reste de générosité jusque dans le faux honneur.

251. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Je suis fier d’être soldat, d’être jeune, de me sentir brave et plein d’entrain ; je suis fier de rendre service à mon pays, à la France… La fidélité au drapeau, l’amour de la patrie, le respect de la parole donnée, le sentiment de l’honneur ne sont pas pour moi des mots creux et vides de sens ; ils résonnent comme un appel de clairon dans mon cœur de dix-huit ans, et c’est pour eux, s’il le devient nécessaire, que je saurai aller jusqu’au bout du sacrifice… (Lettres communiquées‌ Des milliers de voix, toutes pareilles, s’élèvent des classes 14, 15, 16, 17 à mesure que la patrie les appelle. […] Si enfin vous apprenez que je suis tombé au champ d’honneur, faites sortir de votre cœur, ma chère J… les mots qui consolent.‌ […] Pour faire connaître, aimer cette jeune nature si tendre et si forte, j’aurais pu me borner à transcrire ces ultima verba, et simplement je crois, ce jeune salut « à la beauté, à la jeunesse, à la vie », mais c’est par piété que je transcris toutes ces lignes qui font tant d’honneur à notre nation. […] Joseph Cloupeau, mort au Champ d’honneur à dix-neuf ans, disait : « C’est si bon de servir à quelque chose même si l’on en meurt », et découvrant de cette aube la beauté d’une vie harmonieuse, il pouvait affirmer : « Je ne suis pas deux, un chrétien et un soldat ; je suis un soldat chrétien » (Lettres publiées par Dom Hébrard sans adresse d’éditeur). — Le jeune Alfred Eschiman (qui va mourir pour la France), sur le point de quitter le dépôt d’Aubagne se promène un dimanche de février 1915 dans les bois de pin et les champs d’olivier sous le soleil, et murmure : « C’est si dur de se résigner à la mort à vingt ans ! […] Corps flexibles, âmes molles et tendres, en qui la force précocement s’éveille, véridiques et modestes jusqu’à l’humilité, connaissant leur honneur et leur devoir, ces soldats de dix-sept, dix-huit, vingt ans, sont « les fils de France », comme dit l’univers qui les admire.

252. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Si cette dénomination avait eu pour origine la convention des Sabins et des Romains, si les seconds eussent tiré leur nom de Cure, capitale des premiers, ce nom eût été Cureti et non Quirites ; et si cette capitale des Sabins se fût appelée Cere, comme le veulent les grammairiens latins, le mot dérivé eût été Cerites, expression qui désignait les citoyens condamnés par les censeurs à porter les charges publiques sans participer aux honneurs. […] Ils oublièrent leurs maux en voyant que la route des honneurs leur était ouverte désormais. […] Plutarque, dans sa Vie de Thésée, dit que les héros tenaient à grand honneur le nom de brigand, de même qu’au moyen âge, où reparut la barbarie antique, l’italien corsale était pris pour un titre de seigneurie. […] Les étrangers étaient à leurs yeux d’éternels ennemis, et ils faisaient consister l’honneur de leurs empires à les tenir le plus éloignés qu’il était possible de leurs frontières ; c’est ce que Tacite nous rapporte des Suèves, le peuple le plus fameux de l’ancienne Germanie. […] Si l’on veut qu’Homère instruise autant qu’il intéresse, ce qui est le devoir du poète, on ne doit entendre par ce héros irréprochable, que le plus orgueilleux, le plus irritable de tous les hommes ; la vertu célébrée en lui, c’est la susceptibilité, la délicatesse du point d’honneur, dans laquelle les duellistes faisaient consister toute leur morale, lorsque la barbarie antique reparut au moyen âge, et que les romanciers exaltent dans leurs chevaliers errants.

253. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Et d’abord ils lui en contestèrent l’honneur : ils avaient fait courir le bruit qu’il n’avait ramassé toute cette somme qu’à force d’exactions et en traînant après lui les receveurs et officiers de finances comme prisonniers : il ne les amenait au contraire que comme témoins et auxiliaires et pour l’ornement. […] À l’occasion de ce second voyage, le roi songea à le créer duc et pair ; mais Rosny refusa alors cet honneur, « comme n’ayant pas assez de biens pour soutenir une si haute dignité en sa maison ». […] Tous ces honneurs cependant, toutes ces dignités accumulées, qui remplissaient son orgueil, ne lui firent rien relâcher de sa vie laborieuse et appliquée. […] C’était un jour, après dîner, que, pensant en quelque sorte tout haut devant ses familiers, il en vint à le comparer avec Sillery et Villeroi, ses autres ministres, deux collègues que Sully souffrait difficilement, et avec qui il eût supporté impatiemment le parallèle ; pourtant Henri IV, qui trouvait à chacun d’eux ses mérites et son utilité propre, disait particulièrement de Sully : De l’un aucuns se plaignent, et quelquefois moi-même, qu’il est d’humeur rude, impatiente et contredisante, l’accusent d’avoir l’esprit entreprenant, qui présume tout de ses opinions et de ses actions, et méprise celles d’autrui ; qui veut élever sa fortune et avoir des biens et des honneurs. Or, combien que j’y reconnaisse une partie de ses défauts, et que je sois contraint de lui tenir quelquefois la main haute quand je suis en mauvaise humeur, qu’il me lâche ou qu’il s’échappe en ses fantaisies, néanmoins je ne laisse pas de l’aimer, d’en endurer, de l’estimer et de m’en bien et utilement servir, pource que d’ailleurs je reconnais que véritablement il aime ma personne, qu’il a intérêt que je vive, et désire avec passion la gloire, l’honneur et la grandeur de moi et de mon royaume ; aussi qu’il n’a rien de malin dans le cœur, a l’esprit fort industrieux et fertile en expédients, est grand ménager de mon bien ; homme fort laborieux et diligent, qui essaye de ne rien ignorer et de se rendre capable de toutes sortes d’affaires, de paix et de guerre ; qui écrit et parle assez bien, d’un style qui me plaît, pource qu’il sent son soldat et son homme d’État : bref, il faut que je vous confesse que, nonobstant toutes ses bizarreries et promptitudes, je ne trouve personne qui me console si puissamment que lui en tous mes chagrins, ennuis et fâcheries.

254. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

En parlant ainsi, Duclos songeait surtout à la probité et à l’honneur qu’il aurait pu perdre dans les mauvaises compagnies qu’il fréquenta ; il oubliait ou ne comptait pour rien la pudeur, qu’il n’eut jamais. Parmi les mauvaises connaissances que l’amour du plaisir lui fit contracter et dont ce sentiment d’honneur le retira à temps, il nous présente très gaiement un M. de Saint-Maurice, chevalier d’industrie, qui vivait de sa fourbe et faisait croire à de riches adeptes qu’il était en rapport avec les Génies. […] Deux cafés se partageaient alors l’honneur de réunir l’élite du monde littéraire : le café Procope, en face de la Comédie, et le café Gradot, au quai de l’École. […] Parlant, je crois, de quelque souper chez le président Hénault, qui faisait les honneurs de chez lui en mangeant beaucoup, le prince de Ligne nous dit : « Marmontel l’a secondé à merveille ; Duclos pas mal, avec sa sécheresse et son sel ordinaire ; sel de mer à la vérité, sel amer, mais qui vaut mieux que le sel attique dont on parle toujours et où je ne trouve jamais le mot pour rire. » Les portraits des gens de lettres qui terminent le fragment trop court des Mémoires de Duclos, et où l’on voit passer Fréret, Terrasson, Du Marsais, La Motte, forment un des meilleurs et des plus agréables chapitres de notre histoire littéraire. […] Duclos eut les honneurs de la gageure : M. de Caylus qui avait fait un Acajou, Voisenon qui en avait fait deux, les lui remirent : il en tira trois ou quatre plaisanteries et publia sa bagatelle.

255. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

J’ai sous les yeux trois lettres de lui à Garrick, le grand tragédien, celui qui, vers le milieu du dernier siècle, ressuscita Shakespeare tout entier aux yeux des Anglais étonnés et le remit en plein honneur. […] Il ne tient qu’à vous d’y ajouter encore en me permettant de cultiver l’honneur de votre correspondance… » Ainsi Ducis ne savait pas l’anglais, et le progrès en toute chose est si boiteux, que l’idée ne lui vint jamais de l’apprendre ; mais il sentait de ce côté de Shakespeare un « attrait inexplicable » qui n’est pas la moindre singularité de cette nature candide. […] Aussitôt qu’elle aura paru, j’aurai l’honneur de vous en envoyer un exemplaire. […] Continuez-moi, je vous prie, les sentiments dont vous m’honorez, et soyez persuadé de la haute estime et de la reconnaissance avec lesquelles j’ai l’honneur, etc. » On s’explique assez difficilement que, sentant de la sorte ce qui lui manquait sur Shakespeare et ce que la vue de Garrick pouvait lui apprendre, lui rendre immédiatement, il n’ait pas fait cet effort de passer le détroit, et, puisqu’il n’avait pas vu apparemment le grand tragédien dans son ancien voyage à Paris, qu’il ne soit point allé l’admirer une bonne fois sur son théâtre, avant sa retraite, et, comme on dit, prendre langue avec lui. […] Mais cet honneur qui vient le saisir ne l’enivre pas ; il le sait et il le dira à merveille dans la première phrase, restée célèbre, de son discours de réception : « Il est des grands hommes à qui l’on succède et que personne ne remplace ! 

256. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Tout s’est passé d’ailleurs avec égards et ainsi qu’il sied entre gens comme il faut, et M. de Barthélémy, en jouissant des honneurs de la priorité, entend bien ne préjudicier nullement à l’édition prochaine qui profitera de ses découvertes. […] Mais venir soutenir qu’un morceau tout à fait inconnu jusqu’ici, — ou très peu connu, même en admettant qu’il ait couru et circulé en quelques mains vers 1649, — enlève à Pascal l’honneur d’avoir le premier dégagé la langue et va désormais s’introduire comme de droit, dans l’histoire de notre littérature, entre le Discours de la Méthode et les Provinciales, c’est vraiment imposer ses imaginations à un public trop docile ; c’est trop magnifiquement traiter La Rochefoucauld comme auteur, après l’avoir tant dénigré dans sa vie, au moral. […] Décidément, à ses yeux, « La Rochefoucauld, depuis la découverte du Mémoire de 1649, prend place avant Pascal dans l’histoire de la langue. » On avait dit, à propos du livre des Maximes publié en 1665, que l’auteur avait « cette netteté et cette concision de tour que Pascal seul, dans ce siècle, avait eues avant lui. » M. de Barthélémy s’empare de cet éloge : « C’est donc au duc à qui en revient désormais tout l’honneur, dit-il ; la date du Mémoire ne peut le lui laisser contester. » Mais la difficulté n’est pas dans la date ; le Mémoire de 1649, si on le lit de sang-froid et sans se monter la tête, n’offre pas précisément cette netteté et cette concision de tour, ou du moins ne l’offre pas à un haut degré : il a d’autres qualités, mais pas celles-là éminemment. […] Cette rencontre, on ne peut pourtant lui en retirer le bonheur et l’honneur après deux siècles. […] Et l’amour-propre, se croyant ainsi assuré de n’en être plus un, cumule et savoure à souhait toutes les douceurs et tous les honneurs.

257. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Parmi ces noms fameux, il en est un qui, pour nous Français, l’est moins encore par la grandeur de l’action que par l’à-propos et l’urgence, par l’imprévu de l’événement et les conséquences promptes qui en jaillirent ; c’est Denain, qui fit tourner la chance depuis si longtemps contraire et qui releva l’honneur de notre drapeau tout à la fin de Louis XIV. […] Dans les deux cas, on avait su toucher la fibre du soldat romain ou français à l’endroit sensible et le piquer d’honneur. […] Villars et le duc d’Ormond, prévenus chacun très secrètement de l’état et du progrès des négociations entre leurs Cours, devaient éviter de s’engager, et il ne fallait pas que Villars, par trop d’insistance guerrière et par quelque mouvement imprudent, plaçât le duc d’Ormond entre son devoir et son honneur. […] A y regarder de plus près, l’honneur de Montesquiou est, certes, d’avoir eu la visée sur Denain (qu’elle soit venue primitivement de Louis XIV ou de lui), de l’avoir proposée à Villars avec insistance sous la forme d’un plan militaire aussi hardi que praticable, et d’avoir été en première ligne dans l’exécution. L’honneur de Villars est d’avoir accueilli et adopté cette idée, de l’avoir préférée, somme toute, au péril d’une bataille rangée, d’y avoir présidé avec vigueur, tout en y apportant de temps en temps un coup d’œil de prudence en arrière.

258. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

On ne saurait dire sans une grande impropriété de termes que le prince comte de Clermont ait été l’un des lieutenants du maréchal de Saxe dans ses guerres de Flandre : ce serait lui faire trop d’honneur. […] L’abbaye donnait un beau logement à Paris et un aux champs, qui était le château de Berny : c’est ainsi que la respectable villa abbatiale devint, trente années durant, la maison de plaisance du comte de Clermont, son lieu de délices, le Choisy et le Bellevue de Mlle Leduc, qui en faisait les honneurs sous le nom de la dame de Tourvoie (Tourvoie était un petit castel tout voisin de Berny). […] Le prince de Clermont avait eu cette permission du pape Clément XII, qui avait jugé que l’état ecclésiastique devait être subordonné à celui de la guerre dans l’arrière-petit-fils du grand Condé. » Ce petit-fils eut là, en ces années, quelques éclairs, dignes de la gloire de son aïeul : par son intrépidité personnelle, il fit en toute rencontre honneur à son nom. […] Je marchai sous l’escorte de la patrouille autrichienne, et j’arrivai à la maison du maréchal de Saxe sans trouver d’autre garde quo sa garde d’honneur. […] Les règles militaires me prescrivent cependant, avant toutes choses, de ne m’arrêter sur rien qui puisse nuire au service ; ainsi je laisse ce prince à son camp de Saint-Paul avec une garde de 50 maîtres, espérant que Votre Excellence voudra bien obtenir un même nombre de troupes pour sa sauvegarde ; elle trouvera ci-joint le passeport nécessaire pour cette troupe ; et les officiers généraux de l’armée que j’ai l’honneur de commander sont instruits de la confiance avec laquelle je fais cette demande à Votre Excellence.

259. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

La plume de M. de Chateaubriand ressemble à l’épée de Roland d’où jaillit l’éclair ; mais ici, sur ces choses de 1830, c’est l’épée de Roland furieux, qui frappe à tort et à travers dans le délire de sa vanité, dans sa rage de n’avoir pas été tout sous le régime bourbonien, de sentir qu’il ne peut, qu’il ne doit rien être par honneur sous le règne nouveau, dans son désir que ce monde, dont il n’est plus, ne soit plus rien qui vaille après lui. […] En ce qui touche ses amours, par exemple, les amours qu’il a inspirés et les caprices ardents qu’il a ressentis (car il n’a guère jamais ressenti autre chose), il est très discret, par soi-disant bon goût, par chevalerie, par convenance demi-mondaine, demi-religieuse, parce qu’aussi, écrivant ses Mémoires sous l’influence et le regard de celle qu’il nommait Béatrix et qui devait y avoir la place d’honneur, de Mme Récamier, il était censé ne plus aimer qu’elle et n’avoir jamais eu auparavant que des attachements d’un ordre moindre et très inégal ou inférieur. […] Il se contente de dire : « Je traversai d’un bout à l’autre cette Espagne où, seize années plus tard ; le ciel me réservait un grand rôle, en contribuant à étouffer l’anarchie… » Et il entonne un petit hymne en son honneur à propos de cette guerre d’Espagne dont il ne cesse de se glorifier, tout en voulant paraître le plus libéral des ministres de la Restauration. […] dans cet épisode de Charlotte, il a osé dire, voulant faire honneur à cet amour de la jeune Anglaise : « Depuis cette époque, je n’ai rencontré qu’un attachement assez élevé pour m’inspirer la même confiance. » Cet attachement unique, pour lequel il fait exception, est celui de Mme Récamier. […] Il semble que, même alors qu’il se pique d’aimer, cet homme voudrait détruire le monde, l’absorber en lui bien plutôt que le reproduire et le perpétuer ; il le voudrait allumer de son souffle pour s’en faire un flambeau d’hyménée, et l’abîmer en son honneur dans un universel embrasement.

260. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Une jeune fille, vêtue de même, soutenait avec moi une grande corbeille pleine de fleurs. » Le petit Florian chanta ensuite avec sa bergère une chanson en dialogue, composée par Voltaire en l’honneur de Mlle Clairon : Je suis à peine à mon printemps, Et j’ai déjà des sentiments… Mais ne voilà-t-il pas, dès l’entrée, toute une vie qui se dessine ? […] Enfin, cette fête de nuit en l’honneur de Mlle Clairon se termine, dans le récit de Florian, par une très belle description de l’aurore, par un lever de soleil sur les cimes des Alpes, qui a frappé son imagination d’enfant : c’est le signal d’un sentiment tout nouveau, plein de fraîcheur, l’amour de la nature, qui va être la passion et presque l’engouement des générations naissantes. […] Pour vaincre la modestie de cette jeune femme, qui se refusait à l’honneur d’une dédicace, même anonyme, Florian lui écrivait : « Tous ceux qui vous connaissent, verront bien que c’est vous ; tous ceux qui ne vous connaissent pas croiront que c’est Mme la duchesse d’Orléans. […] Il se présenta lui-même comme porté jusque dans le sanctuaire académique par les amis de Voltaire : « Ainsi quelquefois de vaillants capitaines élèvent aux honneurs un jeune soldat, parce qu’ils l’ont vu servir enfant sous les tentes de leur général. » En même temps il rendait un public hommage à Gessner, mort depuis peu, et qu’il proclamait son maître et son ami. […] Florian allait volontiers, chaque été, passer quelques semaines d’un agrément toujours nouveau dans une habitation magnifique et délicieuse, qui appartenait à Mme de La Briche, belle-sœur de Mme d’Houdetot et belle-mère de M. le comte Molé, et que nous-même, dans son extrême vieillesse, nous avons eu l’honneur d’y voir encore.

261. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière, de retour de ses voyages dans le Nord, vivait donc à Paris sur le meilleur pied, très goûté pour des opuscules qu’on regardait comme une faveur de pouvoir entendre, pour de jolis vers tels que L’À-propos, Le Don du contre-temps, qu’il récitait avec des applaudissements sûrs, pour des épigrammes très mordantes qu’il laissait courir et qu’il n’avouait pas, mais dont il avait tout l’honneur. […] Domergue, me rend perplexe à cet égard. » — « Comme il vous plaira, monsieur, comme il vous plaira ; bonsoir. » Toute cette scène est très agréablement contée ; elle fait plus d’honneur pourtant à l’esprit de Rulhière qu’à son cœur, et lui-même il nous apparaît en tout ceci comme un homme qui cherche partout trop visiblement des traits et des embellissements pour l’ouvrage qu’il compose. […] M. de Breteuil eut avec Malesherbes l’honneur de poursuivre cette œuvre d’équité et de réparation. […] Cette histoire de Rulhière, si considérable et pourtant incomplète, fait le plus grand honneur à sa mémoire, et achève de montrer en lui l’écrivain habile et l’esprit sérieux qui ne s’était point laissé absorber dans les frivolités élégantes. […] Il lui reste du moins l’honneur d’une grande tentative.

262. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Elle confine au point d’honneur et, par là, perd beaucoup de son humanité. […] * *   * Bourgeois, fils de bourgeois, appartenant à cette classe moyenne qui fut si longtemps la maîtresse de nos destinées, Émile Augier ne pouvait pas, sans angoisses, assister à la rapide et inévitable dispersion de cette élite, oublieuse des vertus et des efforts passés, engourdie dans son bien-être et dissipant, en moins de deux générations, le patrimoine d’honneur, de travail, de modestie dans les goûts, de pureté dans les mœurs, légué par les ancêtres. […] Un vœu se présente naturellement à bien des gens en face de ce cercueil : demander que les obsèques d’Émile Augier, le plus grand dignitaire de la Légion d’honneur que comptent les lettres françaises, soient faites aux frais de l’État et deviennent l’occasion d’un deuil national. […] Aux anciens Grecs, Apollon disait : « Rien de trop. » Ce dieu-là fut l’inspirateur du grand poète qui a été l’honneur de la France. […] Chevalier de la Légion d’honneur en 1850, officier en 1858, commandeur en 1868, Émile Augier était grand-officier depuis juillet 1870.

263. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Je puis refuser aux philosophes l’honneur de toutes les découvertes faites depuis trois cens ans, qui n’ont pas été publiées sous le nom de quelque sçavant. […] On dispute sur le premier inventeur de l’imprimerie, mais personne n’en fait honneur à un philosophe. […] Les sources des connoissances naturelles cachées aux anciens, se sont ouvertes avant le temps où l’on prétend que les sciences aïent commencé d’acquérir la perfection qui fait tant d’honneur à ceux qui les ont cultivées. […] Le hazard se plût à donner à Jacques Metius l’honneur de cette invention, qui seule a plus perfectionné les sciences naturelles que toutes les spéculations des philosophes, et cela préferablement à son pere et à son frere, qui étoient de grands mathematiciens. […] En verité, la part que le raisonnement peut avoir dans cette découverte ne lui fait pas beaucoup d’honneur.

264. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Il a présenté en traits caractéristiques et non chargés ce type spécial à la civilisation moderne et qui n’y fait guère d’honneur, le propriétaire indigent, avec son bien grevé d’hypothèques et rongé par l’usure. […] On sort du collège, et, à peine sorti, on a déjà choisi son point de mire, son modèle dans quelque écrivain célèbre, dans quelque poète préféré : on lui adresse son admiration, on, lui porte ses premiers vers ; on devient son disciple, son ami, pour peu qu’il soit bon prince ; on est lancé déjà ; à sa recommandation peut-être, un libraire consent à imprimer gratis vos premiers vers ; un journal du moins les insère ; on y glisse de la prose en l’honneur du saint qu’on s’est choisi et à la plus grande gloire des doctrines dont on a le culte juvénile : comment revenir après cela ? […] L’on sait, jusque dans la mêlée du combat, observer l’honneur littéraire, les délicatesses du métier. […] La comparaison cloche toutefois : le militaire a pour lui l’avancement et les honneurs du grade : l’ouvrier littéraire, en général, n’avance pas ; il n’a pas de grade reconnu, même dans son ordre.

265. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Par l’ambition, je désigne la passion qui n’a pour objet que la puissance, c’est-à-dire, la possession des places, des richesses, ou des honneurs qui la donnent ; passion que la médiocrité doit aussi concevoir, parce qu’elle peut en obtenir les succès. […] On sait que son espoir était de s’immortaliser par des services publics, que les couronnes de la renommée furent le seul prix dont il poursuivit l’honneur ; il semble que les hommes en l’abandonnant courent des risques personnels. […] La gloire d’un grand homme jette au loin un noble éclat sur ceux qui lui appartiennent ; mais les places, les honneurs dont disposait l’ambitieux atteignent à tous les intérêts de tous les instants. […] Les jouissances de la gloire, éparses dans le cours de la destinée, époques dans un grand nombre d’années, accoutument, dans tous les temps, à de longs intervalles de bonheur ; mais la possession des places et des honneurs, étant un avantage habituel, leur perte doit se ressentir à tous les moments de la vie.

266. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Préférerois-tu une molle inaction à l’honneur même dangéreux de parler devant le genre humain ? […] Te ravissent-ils l’honneur ? […] Ma voix est foible, mais du moins elle sera l’interpréte de l’honnêteté ; & je dirai : ô vous qui courez la carriere de l’immortalité, oubliez-vous qu’ayant l’honneur de parler aux hommes, ils ont droit d’attendre de vous une vertu mâle, severe, courageuse, qui sçache prononcer contre vous-même lorsque l’intérêt général le demandera. […] Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.

267. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Furetière, dans son Dernier placet 3, relève, sans y répondre, toutes ces turpitudes : il se plaint d’un gros volume, joint au dossier, qui a longtemps couru la ville, et dans lequel il est traité, dit-il, de bélître, maraud, fripon, fourbe, buscon, saltimbanque, infâme, traître, fils de laquais, impie, sacrilège, voleur, subornateur de témoins, faux monnayeur, banqueroutier frauduleux, faussaire, d’homme sans honneur, plein de turpitudes et de comble d’horreurs, etc. […] Dès lors cet homme, cet ancien ami, ce poète inimitable, dont le style naïf et marotique fait tant d’honneur aux fables des anciens et ajoute de grandes beautés aux originaux 6, n’est plus qu’un misérable écrivain licencieux, auteur de contes infâmes, un Crétin mitigé, tout plein d’ordures et d’impiétés, un fauteur de débauche digne du bourreau ; Furetière pousse l’animosité jusqu’à reproduire à la suite de son libelle la sentence de police portant suppression de ses contes, et l’accuse, comme je l’ai déjà dit, de spéculer sur sa propre turpitude, en vivant de la prostitution de sa femme. […] « Je diray quand j’en serai persuadé que ce sont deux hommes de mérite (La Fontaine et Benserade) qui ont fait une injustice à un homme d’honneur et d’esprit. […] Cependant, plus tard, quand l’honneur et l’existence même de la compagnie eurent été engagés par l’imprudente vivacité de Furetière, il engagea le chancelier à employer son autorité pour le réduire au silence. » (Francis Wey, Revue contemporaine.)

268. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Il y en a un prononcé devant les deux empereurs Constantin et Constant, deux en l’honneur de Julien pendant sa vie, et deux après sa mort. […] Que ces gens-là aient l’honneur d’être sages, et qu’ils laissent à d’autres l’espérance d’être grands. […] reçois ce dernier hommage d’une éloquence faible, mais à laquelle, pendant que tu vécus, tu daignas mettre quelque prix. » Libanius n’est pas le seul orateur de son siècle qui ait fait l’éloge de Julien ; Celsus, qui avait été son ami, son condisciple et son rival, lorsqu’ils étudiaient ensemble dans Athènes, prononça un panégyrique en son honneur, quand son ami fut sur le trône. […] Il nous reste encore un panégyrique dans cette langue, prononcé en l’honneur de Julien ; on y trouve de la noblesse dans les sentiments, quelques belles idées, et des défauts de goût.

269. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

Ce courage dans Rotrou lui fait d’autant plus d’honneur, qu’étant pauvre & grand joueur, il avoit besoin des graces de la cour. […] La reine pourtant, les princesses, & les plus vertueuses dames de la cour, l’ont reçue & caressée en fille d’honneur. » Je ne vous crains ni ne vous aime , disoit encore Corneille à Scudéri. […] Piganiol de la Force remarque, d’après un autre écrivain aussi spirituel que lui, que le corps de ce ministre ambitieux est placé dans le même endroit où étoient auparavant les latrines du collège de Calvi : « Soit, dit-il, que la providence, qui gouverne tout, ait voulu humilier, après sa mort, un homme qui avoit joué un si grand rôle dans le monde ; soit qu’elle ait voulu confondre l’orgueil des hommes, en leur faisant voir où se terminent les honneurs qu’ils estiment le plus. » Corneille étoit de Rouen, fils d’un maître des eaux & forêts.

270. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

C’est de cette noblesse qui était l’honneur des monarchies « fondées sur l’honneur », a dit Montesquieu, qui s’y connaissait, et qui eût pu en écrire l’histoire. […] « Les honneurs amènent les grandes dépenses », disait tristement madame de Sévigné, et plus on était haut et plus on l’éprouvait.

271. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « APPENDICE. — M. SCRIBE, page 118. » pp. 494-496

Cela ne fera peut-être pas beaucoup d’honneur à notre époque d’avoir eu M. Scribe pour seul auteur comique ; mais cela fera beaucoup d’honneur à M.

272. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 202-207

Malgré tant d’honneurs littéraires & un grand nombre d’Ouvrages, nous doutons que cet Auteur, estimable à quelques égards, jouisse d’une longue vie dans la Postérité. […] Ils ne doivent pas ignorer que les plus misérables Ecrivains, en ce genre, partagent presque également cet honneur avec eux.

273. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Il est vrai que la Langue seroit restée dans une barbarie ridicule, si son style avoit servi de modele à ceux qui l'ont suivi ; mais on trouve dans ses Ouvrages une verve qui étonne, & des traits d'esprit, qui, revêtus d'expressions moins baroques, feroient honneur aux meilleurs Poëtes de ce Siecle. […] Les honneurs qu'on prodigua à ce Poëte le suivirent jusqu'au tombeau.

274. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 293-297

M. l'Abbé Ferlet, ancien Professeur de Belles-Lettres en l'Université de Lorraine, s'est chargé de ce soin, & l'on peut dire qu'il s'en est acquitté avec honneur. […] « De tout temps, la reconnoissance publique accompagnant le nom des Grands Hommes au delà du trépas, leur rendit des honneurs avoués de l'Envie même, soit pour les dédommager, par une gloire qui leur survit, des fatigues qu'elle leur avoit coutées, soit pour encourager les autres à supporter les mêmes travaux par l'espoir des mêmes récompenses.

275. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391

Nous n’exhorterons pas cet Auteur à réparer également toutes ses autres injustices : il seroit obligé de réformer ses jugemens sur presque tous les Gens de Lettres de nos jours qui ont eu des succès dans quelque genre ; mais nous l’inviterons à supprimer, pour son honneur, de la Collection de ses Œuvres [s’il en publie jamais une nouvelle édition], les Avis au Lecteur, les Préfaces, les Avertissemens, les Observations préliminaires, les Lettres apologétiques, & généralement toutes les Pieces qui n’ont d’autre but que de louer ses Productions & d’exalter ses talens, qu’on pourroit soupçonner de foiblesse & de médiocrité, par le soin même qu’il prend d’en relever le mérite. […] Comment un Ecrivain peut-il être assez peu jaloux de son honneur, pour se permettre de pareilles atrocités ?

276. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Homère, et le grammairien Thestorides. » pp. 2-6

On sçait que nos troubadours ou trouvères ont pratiqué la même chose ; qu’ils couroient toute la France, suivis de leurs femmes & de leurs enfans, qui se mêloient aussi de rimer, & accompagnés de chantres & de joueurs d’instrumens ; que des seigneurs & des princes, qu’ils sçavoient flatter & réjouir, les accueilloient, les admettoient à leurs tables, les faisoient revêtir de leurs habits : honneur alors si distingué. […] Sept villes puissantes se disputèrent l’honneur de l’avoir vu naître ; les mêmes sept villes qui, dit-on, l’avoient vu mendier de son vivant.

277. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

. — Les Funérailles de l’honneur, drame en cinq actes (1862). — Jean Baudry, comédie en quatre actes (1863). — Les Miettes de l’histoire (1863). — Le Fils, comédie en quatre actes (1866). — Mes premières années de Paris (1872). — Tragaldabas (1874). — Aujourd’hui et demain (1876). — Le Théâtre d’Auguste Vacquerie (1879). — Formosa, drame en quatre actes et en vers (1888). — Jalousie, drame en quatre actes (1888) […] Louis Ulbach Un journaliste n’ayant d’autre ambition que son journal, s’y renfermant par honneur et par fierté, refusant tout, ne se prêtant à aucune vanité de place, de ruban, de tribune, dépensant dans un labeur quotidien, mais non routinier, toujours nouveau et toujours égal, de l’esprit, de la logique, de l’éloquence, de la poésie, sans tarir aucune source.

278. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Marmontel soit l’inventeur de la suppression des dit-il, des répondit-il, dont ses Enthousiastes se sont efforcés de lui faire honneur. […] Malgré cela, les Contes moraux seront toujours des Productions qui feront honneur à M.

279. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Ils disent qu’il trouva le dithyrambe 88, et aussi le chœur ; qu’il introduisit des satyres qui chantaient des vers ; que le dithyrambe était un chœur qui dansait en rond, en chantant des vers en l’honneur de Bacchus. […] Les anciens lyriques furent sans doute les auteurs des hymnes en l’honneur des dieux, analogues à ceux que l’on attribue à Homère, et écrits aussi en vers héroïques.

280. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

. — Les secondes furent celles d’hommes irritables et susceptibles sur le point d’honneur, tels qu’on nous représente Achille. — Les troisièmes furent réglées par le devoir ; elles appartiennent à l’époque où l’on fait consister l’honneur dans l’accomplissement des devoirs civils.

281. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Quand le roi fait à quelqu’un l’honneur de lui parler, c’est d’un ton royal. […] Il trouve toujours une raison plausible pour conserver son masque d’honnête homme et son honneur de fripon. […] Il est sans humeur comme sans honneur : lorsqu’on veut se venger, on n’a pas le loisir de s’indigner. […] C’est par point d’honneur plutôt que par gourmandise qu’il veut bien dîner. […] Il est très-humble serviteur du public, et danserait volontiers pour l’honneur.

282. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

On appelle ainsi les habits que le roi donne par honneur. […] On sert de ces bassins devant chaque personne, et quelquefois deux ou trois, selon l’honneur que l’on lui veut faire. […] Voilà comment les Persans en usent pour faire honneur à leur religion, et les égards qu’ils ont pour ceux qui la professent. […] Ce sont ces habits que le roi donne par honneur, dont j’ai parlé diverses fois. […] Il voulut par honneur se l’attacher au front comme un bandeau ; mais elle ne tint pas et tomba.

283. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Honneur donc à son intelligence ! […] « Sortis des malheurs attachés à la caducité des rois par des événements que nous n’avons pas provoqués, on nous a offert les malheurs d’une minorité que l’instinct du peuple ne comprendrait pas ; et c’est sérieusement que des hommes d’honneur, de bon sens, qui se sont montrés capables de combinaisons politiques, trouvent des paroles qu’ils appellent des principes, et des phrases qui ressemblent à du sentiment, pour nous dire que ce terme moyen entre le passé et l’avenir pouvait suffire à toutes les exigences ! […] Après le massacre des citoyens, pendant que nos pieds glissaient encore sur le sang répandu, nous aurions abandonné le soin des blessés, oublié les souscriptions pour les parents des morts ; les pouvoirs de la société auraient négligé de régler le présent qui seul nous appartient, pour discuter où on placerait le berceau d’un enfant, les thèmes qu’on lui ferait faire, et les petits honneurs à lui rendre.

284. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

pour lui dire qu’elle ne l’aime pas, rien de plus scabreux, on le comprend, qu’une telle scène ; Geffroy, qui représente Alvise, l’entame très bien ; le gentilhomme impatient, relancé dans ses ruses, est obligé d’entendre au long la doléance, la sentence de l’honneur outragé. […] Deux ou trois fois notamment, quelques murmures soulevés ont fait peu d’honneur au goût littéraire de ceux qui se les permettaient. Ainsi, au premier acte, Cosima, qui n’entend parler depuis quelques jours, et à son oncle le chanoine, et à sa soubrette, que de son honneur à elle qu’Alvise son mari doit défendre, Cosima, ennuyée, excédée de cette surveillance qui la froisse comme femme de bien, et qui la tente comme toute fille d’Ève, s’écrie avec un sentiment douloureux d’oppression et en se dirigeant vers la fenêtre où elle apercevra peut-être l’ombre d’Ordonio ; « L’air qu’on respire ici depuis quelque temps est chargé d’idées blessantes et de paroles odieuses. » Si on murmure à une telle phrase au lieu d’applaudir, il faut renoncer, j’en demande pardon aux puristes du parterre, à faire parler la passion moderne au théâtre et à y traduire la pensée en d’énergiques images.

285. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Ils ont tenu à être les premiers à la peine, comme il y a quelques jours, au banquet, ils avaient été les premiers à l’honneur. […] tressons des couronnes en l’honneur d’Edmond Girard ! […] Et ma pensée évoque ce dernier banquet de la Plume en l’honneur de Paul Adam (7 décembre 1899) où, dans la joie et les lumières, Deschamps sentait monter vers lui la sympathie de trois cents convives, exaltés jusqu’à l’ivresse par l’éloquence de l’auteur du Mystère des foules et la vibrante et chaude parole de Moréas.

286. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

L’académie de Gli Lyncei tint à grand honneur de l’avoir parmi ses membres. […] Il demandoit pour toute réparation d’honneur, de la part de Keil, qu’il désavouât publiquement ses écrits injurieux. […] Quel honneur pour un républicain de se mesurer avec un pareil adversaire ! […] Il eut de la fortune & s’en fit honneur, vivant avec les grands & les recevant à sa table. […] Il est vrai que, pour l’honneur de sa majesté impériale, ils voulurent bien supposer que la lettre n’étoit pas d’elle.

287. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Malgré ces défauts ou à cause de ces défauts mêmes, le chevalier de Méré est un type ; et si aujourd’hui on veut étudier un des caractères les plus en honneur au xviie siècle, on ne saurait mieux s’adresser ni surtout plus commodément qu’à lui. […] Mais, du temps que j’avois l’honneur de de vous approcher, je m’apercevois que vous saviez toujours distinguer le vrai mérite parmi de certaines choses brillantes qui ne dépendent que de la fortune, et cela me fait espérer que vous ne désapprouverez pas la liberté que je prends de vous écrire. […] Selon lui, ses derniers préceptes ne sont que l’éloge et l’expression de ses vertus mêmes, et c’est dans l’honneur d’approcher Mme de Maintenon qu’il a trouvé la source de ces bienséances si délicates, réduites ici en règles et en principes. » C’est ainsi que les choses s’accommodent avec un peu de complaisance ; cet abbé Nadal faisait le prophète après coup. […] Sur ce principe qu’on doit souhaiter d’être heureux, les honneurs, la beauté, la valeur, l’esprit, les richesses et la vertu même, tout cela n’est à désirer que pour se rendre la vie agréable55. […] Dans la Gazette extraordinaire du 28 août 1664, qui annonce l a prise de la ville et du port de Gigèrie en Barbarie par les armées du Roy, sous le commandement du duc de Beaufort, général de Sa Majesté en Afrique , le chevalier a l’honneur d’être mentionné.

288. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Au milieu de ces revers, qui affectent si profondément l’honneur militaire et l’avenir de la monarchie, l’apathie de Louis XV est complète ; « Il n’y a pas d’exemple qu’on joue si gros jeu avec la même indifférence qu’on jouerait une partie de quadrille. » Le seul honneur de Bernis chargé de la partie politique, mais naturellement exclu des questions militaires, et qui n’a qu’un peu plus de faveur que les autres sans avoir plus d’autorité et d’influence aux heures décisives, est de comprendre le mal et d’en souffrir : « Sensible et, si j’ose le dire, sensé comme je suis, je meurs sur la roue, et mon martyre est inutile à l’État. » Il demande un gouvernement à tout prix, du nerf, de la suite, de la prévoyance : « Dieu veuille nous envoyer une volonté quelconque, ou quelqu’un qui en ait pour nous ! […] Il y a là un sentiment de dignité avant tout et de haute convenance nationale, d’honneur de couronne, comme on disait alors, lequel sentiment est au cœur de Marie-Thérèse et que Bernis n’a pas : il raisonne dans toutes ses lettres à peu près comme Mme de Maintenon dans celles qu’elle écrivait à la princesse des Ursins, et où le mot de paix revient à chaque page. […] Tenons-lui compte de ces paroles, où il n’a que le tort de parler un peu trop souvent de mourir, et voilons tout à côté l’exposé hideux et trop circonstancié qu’il trace de l’abaissement général d’alors, abaissement qui avait envahi même les camps, ce dernier refuge de l’honneur. […] On ne peut avoir de l’honneur et jouer le rôle que je joue tous les mardis vis-à-vis les ministres étrangers.

289. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

On a dit de nos jours avec un grain de malice et un coin de vérité : « La poésie française, au temps de Henri IV, était comme une demoiselle de trente ans qui avait déjà manqué deux ou trois mariages, lorsque, pour ne pas rester fille, elle se décida à faire un mariage de raison avec M. de Malherbe, lequel avait la cinquantaine. » Mais ce ne fut pas seulement un mariage de raison que la poésie française contracta alors avec Malherbe, ce fut un mariage d’honneur. […] Il s’attacha à lui, prit ses conseils, ne réussit jamais à le satisfaire entièrement, car il avait bien des ignorances involontaires et des nonchalances, mais il réussit une ou deux fois par ses accès de talent à lui donner, honneur insigne ! […] Le docte et ingénieux Orelli combat cette critique : « Supprimez cette fin, dit-il, nous n’aurons plus qu’une amplification de rhétorique en l’honneur de la vie champêtre, célébrée sans motif et sans but, une description plus digne réellement de Vanière et de Gessner que d’Horace. » C’est pourtant ce que Racan a fait et ce qu’eût fait aussi Fénelon ; il a supprimé toute ironie, et comme, en le faisant, il était dans sa nature, il a retrouvé par ce côté non pas la supériorité, mais une originalité en face d’Horace. […] Né en 1582 dans le Midi, Toulouse, Aurillac et Saint-Céré se disputent, dit-on, l’honneur de sa naissance1. […] Chapelain, sans le vouloir, lui perçait le cœur lorsqu’il lui écrivait dans le premier âge d’or de l’institution (août 1634) : Quand il n’y aurait autre avantage qu’une fois la semaine on se voie avec ses amis en un réduit plein d’honneur, je ne croirais pas que ce fût une chose de petite consolation et d’utilité médiocre.

290. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

En France, trop de science chez les femmes, et surtout l’affiche et le diplôme qui y serait attaché, nous a toujours paru contre nature : « Nous avons bien de la peine à permettre aux femmes un habit de muse, disait Ginguené en parlant de celles qui font honneur à l’Italie : comment pourrions-nous leur souffrir un bonnet de docteur ?  […] S’agissait-il de Florus qu’il faisait lire à sa fille, il savait très bien remarquer que l’ouvrage de ce distingué et très élégant écrivain n’a point de valeur historique, et ne doit se lire que comme une œuvre oratoire et un panégyrique tout en l’honneur du peuple romain109. […] C’est là, c’est dans ce cadre domestique, paisible, animé, sévère à la fois et riant, que fut élevée la jeune Anne Le Fèvre ; elle avait environ dix-huit ans quand elle perdit ce père dont elle serait devenue l’orgueil et l’honneur. […] Louise, dans sa réponse, a deviné qu’il y a là un titre d’honneur pour son sexe : « Pourquoi, lui dit-elle, en voulez-vous donc tant à Mme Dacier ? » La préface de la première édition de l’Iliade se terminait par une page touchante et souvent citée, mais qui montre trop bien Mme Dacier au naturel pour devoir être omise toutes les fois qu’on veut lui faire honneur : Après avoir fini cette préface, disait-elle, je me préparais à reprendre l’Odyssée et à la mettre en état de suivre l’Iliade de près ; mais, frappée d’un coup funeste qui m’accable, je ne puis rien promettre de moi, je n’ai plus de force que pour me plaindre.

291. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Cependant, sincèrement amoureux des lettres, dilettante à sa manière, il employait la fleur de ses matinées dans son joli et commode appartement, et en vue des jardins de l’évêché, à lire ou plutôt à se faire lire (goutteux et myope qu’il était) les modernes et même les anciens, à les parcourir en tous sens, à en tirer, non pas une science solide et continue, mais de jolies pensées, des anecdotes curieuses, des raretés galantes et graveleuses même dès qu’il s’en offrait, le tout pour en enrichir ses cahiers de lieux communs et ses tiroirs : il songeait qu’un moment pouvait venir où tous ces magasins d’esprit lui seraient utiles et lui feraient honneur à débiter. […] Il ne visait, vous aurait-il répondu, qu’à être un demi-savant, un galant homme qui a du goût pour les belles choses : « Nous autres polis, aurait-il dit d’un ton câlin, ne saurions prétendre à plus d’honneur » ; et il était homme à répliquer, comme La Monnoye, qui, un jour, complimenté sur sa science, en faisait bon marché, en même temps que montre, et avec ce grain de libertinage cher aux érudits, s’appliquait les vers d’un Baiser de Jean Second : Non hoc suaviolum dare, Lux mea, sed dare tantum     Est desiderium flebile suavioli. […] Une fois appelé sur le terrain par Balzac et mis en situation de répondre à M. de Girac, il semble qu’il n’y avait rien de plus simple que le rôle de Costar : il n’avait qu’à relever ce qui lui paraissait peu juste dans la critique du savant ami de Balzac, à balancer lui-même les éloges entre le mort et le vivant, et à se faire honneur par un ton d’impartialité généreuse et un air de fidélité envers une chère mémoire. […] En un mot, la pièce me parut si belle que je ne consultai pas longtemps sur ce sujet ; je crus d’abord, sans m’en conseiller qu’à moi-même, qu’un ouvrage également avantageux à deux si excellents hommes ne se devait point cacher, et que n’y allant pas moins, à le mettre au jour, de la gloire de M. de Balzac, à qui il s’adresse, que de l’honneur de mon parent, pour qui il est fait, je devais, pour la satisfaction de tout le monde, faire un présent au public de l’apologie de M. de Voiture ainsi que j’avais fait de ses œuvres. […] On n’y voit point la grandeur, la majesté, la magnificence et la pompe de votre style, cette rapidité impétueuse semblable aux torrents… M. de Voiture a fait judicieusement de vous laisser toute libre cette large et vaste carrière du genre sublime, ayant reconnu que vous en aviez remporté le prix, et qu’il ne restait plus d’honneur à y acquérir après vous.

292. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Mais Voltaire, en étant le dieu d’un tel monde et se modérant assez pour s’en contenter, se condamnant à mener cette vie de parfait galant homme, n’eût rien été qu’un Voiture accompli et un Hamilton supérieur : et il avait en lui une autre étoffe, bien d’autres facultés qui étaient à la fois son honneur et son danger. […] Je n’ai plus que deux choses à faire dans ma vie : l’une de la hasarder avec honneur dès que je le pourrai, et l’autre de la finir dans l’obscurité d’une retraite qui convient à ma façon de penser, à mes malheurs et à la connaissance que j’ai des hommes. […] Mme la marquise du Châtelet me faisait, il y a quelques jours, l’honneur de lire avec moi La Dioptrique de Descartes : nous admirions tous deux la proportion qu’il dit avoir trouvée entre le sinus de l’angle d’incidence et le sinus de l’angle de réflexion ; mais en même temps nous étions étonnés qu’il dît que les angles ne sont pas proportionnels, quoique les sinus le soient. […] Cette tragédie, dans laquelle il n’y a pas un seul mot d’amour ni d’intrigue, a été trouvée si belle, que M. de Voltaire, qui parut après la pièce dans une première loge, fut claqué personnellement pendant un quart d’heure, tant par le théâtre que par le parterre ; on n’a jamais vu rendre à aucun auteur des honneurs aussi marqués. […] Du Bois Reymond me fait l’honneur de m’écrire à ce sujet, dans une lettre du 11 avril 1868 : « Je crois que les travaux scientifiques auxquels Voltaire s’est livré avec tant d’ardeur pendant son séjour à Cirey, ont fait plus que lui fournir seulement le sujet de quelques beaux vers ; qu’ils ont eu sur son esprit une influence marquée et que c’est à eux, ou, si l’on aime mieux, à la tournure d’esprit qui seule l’en rendait capable, mais que par contre-coup ils tendaient à développer, qu’on doit rapporter ce positivisme qui forme le trait caractérislique de Voltaire.

293. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Il se voue aux questions d’intérêt public : c’est un honneur pour lui, même quand il y aurait mêlé bien des rudesses, des obscurités et quelques chimères. […] Ne lui demandez pas de se soigner, de se relire : « Mes affaires et mes amis, dit-il, ont besoin de moi, et le peu de temps qu’on me laisse est mieux employé à composer qu’à m’appesantir sur des révisions de style… Si je me contraignais pour me rendre méthodique, je suis certain que je serais moins lu encore que je ne le serai dans toute la pompe de la négligence et des écarts2. » Dans la Théorie de l’impôt, qui est censée une suite à l’entretiens ou discours tenus et prêchés à Louis XIV par Fénelon, cet éloquent prélat parle le plus rébarbatif des langages ; il dira que « l’honneur, ce gage précieux dont le monarque est le principal et presque le seul promoteur, a comme toute autre chose, son acabit ou son aloi nécessaire ». […] Mirabeau croit faire merveilles que d’écrire au bas de cette lettre, pour que Vauvenargues la montre aux amis, la réponse qu’il y a faite et qui consiste en ces seuls mots :     Mademoiselle, J’ai l’honneur d’être avec un très profond respect,     mademoiselle, Votre très humble et très obéissant serviteur. […] Mirabeau, à l’origine, admire plus Vauvenargues qu’il ne le connaît, et il se le figure plus philosophe ou moins ambitieux qu’il ne l’est en réalité : il lui fait part de ses sentiments tumultueux en ces années où il hésite encore entre plusieurs carrières, et il paraît envier de loin sa tranquillité d’âme, les jours où il ne la stimule pas : L’ambition, lui dit-il, me dévore, mais d’une façon singulière : ce n’est pas les honneurs que j’ambitionne, ni l’argent, ou les bienfaits, mais un nom, et enfin d’être quelqu’un ; pour cela, il faut être dans un poste. […] Mirabeau toujours préoccupé de l’idée que Vauvenargues n’est pas ambitieux, qu’il est philosophe par tempérament et par choix (il le juge trop sur la mine, et par le dehors), qu’il est porté à l’inaction et au rêve, le presse souvent et dans les termes d’une cordiale amitié de se proposer un plan de vie, un but, de ne plus vivre au jour la journée : « Nous avons besoin de nous joindre, mon cher ami ; vous appuieriez sur la raison, et je vous fournirais des idées. » Vauvenargues décline ce titre de philosophe auquel, dit-il, il n’a pas droit : Vous me faites trop d’honneur en cherchant à me soutenir par le nom de philosophe dont vous couvrez mes singularités ; c’est un nom que je n’ai pas pris ; on me l’a jeté à la tête, je ne le mérite point ; je l’ai reçu sans en prendre les charges ; le poids en est trop fort pour moi.

294. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

D’Argenson, mort depuis tant d’années, eût mérité d’être de ces hommes ; il en était par l’esprit, par l’instinct, et des plus précoces ; c’est son principal titre d’honneur aujourd’hui. […] On devrait me faire honneur de cette invention, ce qui est bien aisé à prouver par mes lettres et mémoires sous le ministère de M.  […] La justesse de mes systèmes se ferait, s’il plaisait à Dieu, goûter de tels esprits ; et, si leur persuasion n’y concourait pas d’abord, je l’y réduirais bien par plusieurs voies, sans les dégoûter pour cela, ni les contraindre à quitter ; car on prend mieux les gens d’honneur par leurs bons faibles que les vilains par leurs vices multipliés et inextricables. […] Dans ses vues étendues et souvent élevées de politique extérieure, d’Argenson s’indigne que la France baisse, que sa marine se délabre de plus en plus, qu’on ne fasse rien pour reprendre et tenir son rang avec honneur dans les luttes maritimes ou européennes qui se préparent : (Mai 1738. […] Les Français se livrent volontiers aux étrangers, et même plus volontiers qu’à leurs compatriotes ; ils font à l’étourdie les honneurs d’eux-mêmes, « de sorte que ce goût frondeur, qui domine principalement dans la bonne compagnie, ayant porté nos Français à dire mille maux de la faiblesse de la nation, de la nonchalance insurmontable du ministère pour se porter à la guerre, de l’état prétendu désespéré de nos finances, de la mollesse de nos jeunes gens », en un mot de l’abaissement de la France, il n’était pas extraordinaire que les étrangers eussent rapporté dans leur pays ces impressions puisées dans la meilleure compagnie de Paris, et eussent répandu l’idée qu’on pouvait nous braver impunément, ne plus compter avec nous.

295. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Rien n’est cependant plus du sien, et Sa Majesté est persuadée qu’il convient tout à fait à son service, de faire entrer son armée en Piémont la campagne prochaine… Vous devez avoir reçu une lettre de Sa Majesté par laquelle elle vous marque que, voulant absolument que son armée entre en Piémont la campagne prochaine, elle ne vous rendra en aucune façon responsable des événements de la campagne, et c’est ce qu’elle m’a encore ordonné de vous confirmer… Comme je crois que vous voulez bien me compter au nombre de vos amis, j’ai cru ne pouvoir vous donner une plus grande marque que j’en suis que de vous avertir pour vous seul, s’il vous plaît, que Sa Majesté est persuadée que, si votre goût n’était point aheurté à une guerre défensive, il ne se trouverait peut-être pas tant de difficultés à en faire une offensive cette année : ainsi, quoique je ne sois pas capable de vous donner des conseils, cependant je crois devoir vous donner celui de renouveler de soins et d’attentions pour essayer de rendre facile, par l’avancement de la voiture (du voiturage) des farines, une chose que le roi désire aussi ardemment. » Catinat répondait en remerciant Barbezieux de cet avis amical, et il protestait que la défensive n’était point chez lui un parti pris et que son goût n’était point aheurté à ce genre de guerre ; qu’elle lui tenait, au contraire, l’esprit dans une continuelle inquiétude dont il aimerait mieux se décharger en agissant ; il ajoutait : « Le roi me demande des mémoires sur les dispositions de l’offensive : je ne puis que me donner l’honneur de les lui envoyer aussi détaillés qu’il m’est possible avec les difficultés qui se rencontrent dans leur exécution, afin qu’il lui plaise de donner ses ordres pour les surmonter. » Louis XIV se rendait en dernier ressort aux raisons et démonstrations de Catinat ; mais il se formait de lui peu à peu une idée qui n’était plus aussi avantageuse qu’auparavant, ni aussi brillante. […] Je vous avoue que tout cela ne tente pas un général à hasarder l’honneur des armes du roi, et que, pour peu que l’on soit naturellement précautionné, les réflexions et difficultés viennent en foule. » Catinat n’avait plus Louvois ; il se méfiait de Versailles ; il commençait, à tout ce qu’on proposait d’un peu hardi, par se mettre en garde et par faire toutes les difficultés « que la prévoyance et la pratique de l’algèbre lui pouvaient fournir. » Après cela, il était autant et plus que personne en état, comme disait Tessé, de « faire le possible » ; car il n’était pas de la race de ceux qui font l’impossible. […] On a d’admirables lettres de lui à ce sujet, adressées à son frère, non plus son cher Croisilles (il était mort depuis peu, et la douleur de cette perte s’ajoutait aux autres douleurs), mais à son frère aîné, conseiller d’honneur au Parlement ; il lui disait : « Au camp d’Antignate, le 22 août 1701. […] L’admiration presque excessive et légendaire qu’on a pour le Catinat final est fondée sur cette idée qui, pour être vulgaire, n’en est pas plus fausse, que d’ordinaire « les honneurs changent les mœurs. ». […] Elle écrivait d’Ormesson, le 7 juillet 1703, à Mme de Grignan ; — elle vient de parler de MM. de Boufflers et de Villars : « Mais, madame, je m’amuse à vous parler des maréchaux de France employés, et je ne vous dis rien de celui [Catinat] dont le loisir et la sagesse sont au-dessus de tout ce que l’on en peut dire ; il me paraît avoir bien de l’esprit, une modestie charmante ; il ne me parle jamais de lui, et c’est par là qu’il me fait souvenir du maréchal de Choiseul ; tout cela me fait trouver bien partagée à Ormesson : c’est un parfait philosophe, et philosophe chrétien ; enfin, si j’avais eu un voisin à choisir, ne pouvant m’approcher de Grignon, j’aurais choisi celui-là… » De son côté, Fénelon, en décembre 1708, énumérant toutes les qualités nécessaires à un général qui eût commandé une armée sous le duc de Bourgogne et qui, en même temps, lui eût servi de mentor, écrivait au duc de Chevreuse : « Il faudrait qu’au lieu de M. de Vendôme, qui n’est capable que de le déshonorer et de hasarder la France, on lui donnât un homme sage et ferme, qui commandât sous lui, qui méritât sa confiance, qui le soulageât, qui l’instruisît, qui lui fît honneur de tout ce qui réussirait, qui ne rejetât jamais sur lui aucun fâcheux événement, et qui rétablît la réputation de nos armes.

296. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Jomini écrivit à l’instant à l’Empereur une lettre dont on n’a pas le texte, mais dont le sens était « qu’ayant pris la carrière des armes dans l’espoir qu’un jour il mériterait la bienveillance du plus grand capitaine du siècle, et qu’ayant eu l’honneur de lui être attaché pendant plus d’un an, il ne pouvait continuer à servir dans la position que l’on venait de lui faire, et qu’il demandait à se retirer dans ses foyers. » — Je continue avec le récit du colonel Lecomte : « Le dimanche suivant, Jomini se rendit à Fontainebleau pour assister à la réception d’usage et à la messe, espérant avoir une solution. […] Bailly de Monthyon, qui sans doute, pensait-il, lui réservait l’honneur de commander quelque dépôt d’écloppés, ou de faire dans sa chancellerie des liasses d’ordres du jour. » Sa tête fermenta ; il n’y put tenir ; il roula dans son esprit une grande résolution : il était Suisse de nationalité et libre ; l’empereur Alexandre était l’intime allié de Napoléon. […] Et d’abord, voici sa lettre à Clarke, duc de Feltre, qui n’était que ministre : « Monseigneur, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Excellence copie de la lettre que j’ai écrite à Son Altesse le Prince Vice-Connétable, pour lui donner ma démission de l’emploi d’adjudant-commandant. […] Il aurait fallu, pour me remettre, un repos de plusieurs années ; mais, quand l’Europe doit changer de face, un homme qui a du zèle et de l’honneur ne peut pas rester oisif ; j’ai donc persisté à remplir mes devoirs. […] Les certificats que j’ai eu l’honneur de soumettre à Votre Altesse en lui demandant un congé le prouvent assez.

297. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

C’était en décembre et au Nord ; c’étaient de vieux soldats, pleins de santé et de vigueur, excités par un climat rigoureux, au lieu d’être abattus par un climat énervant, habitués à toutes les vicissitudes de la guerre, exaltés par l’honneur, n’hésitant jamais entre mourir ou se rendre. […] Thiers, et le premier emportement apaisé, il déféra à un tribunal d’honneur, composé des grands de l’Empire, le jugement de cette affaire. […] Thiers a connu, et qui lui a permis d’offrir du général Dupont la seule réhabilitation possible, celle qui concerne son honneur militaire. […] Cette armée, comme on le sait, est formée d’hommes de toute sorte, engagés volontairement dans ses rangs, servant toute leur vie ou à peu près, assujettis à une discipline redoutable qui les bâtonne jusqu’à la mort pour les moindres fautes ; qui, du bon ou du mauvais sujet, fait un sujet uniforme et obéissant, marchant au danger avec une soumission invariable à la suite d’officiers pleins d’honneur et de courage. […] À propos de ce mot qu’on vient de lire sur Tacite, je crois vrai de remarquer que l’éloquent historien que Racine appelait le plus grand peintre de l’Antiquité, l’historien philosophe, qui a été si en honneur durant, tout le xviiie  siècle, est moins en faveur depuis quelque temps.

298. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Ces pensées politiques et autres, par leur caractère de gravité et de vérité, par l’absence de toute déclamation, par la sincérité des aveux et le noble regret des fautes commises, par les sages vues d’avenir qui se mêlent au jugement du présent, font beaucoup d’honneur à Barnave, et ne peuvent que confirmer, en l’épurant, l’impression d’intérêt et d’estime qui demeure attachée à sa mémoire. […] Une fois ou deux il parut embarrasser Mirabeau, et il eut l’honneur de le tenir en échec. […] Ce récit de Pétion fait autant d’honneur à Barnave qu’il en fait peu au narrateur lui-même, et, par un oubli étrange, celui qui parle n’a pas l’air de s’en douter. […] Ce qu’il dit du parti modéré, du parti constitutionnel d’alors, de cette majorité saine de la nation, de cette bourgeoisie dont il était l’honneur et qu’il connaissait si bien, est digne de remarque : Le parti modéré, qui, soit par le nombre, soit par la composition, pourrait être regardé comme la nation même, est presque nul pour l’influence ; il se jette, à la vérité, pour faire poids, du côté qui cherche à ralentir le mouvement, mais à peine ose-t-il expliquer publiquement son vœu. […] L’honneur domestique et la religion de la famille respirent dans ces recommandations affectueuses à ses sœurs : Avant tout, n’épousez que des hommes dont la conduite et les sentiments puissent aller avec les vôtres ; eussent-ils peu de fortune, pourvu qu’ils y suppléent par un état ou une capacité de travail, ne vous arrêtez pas à cet obstacle.

299. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Le vieil écuyer Bertrand de Poulangy, qui, dans sa jeunesse, avait eu l’honneur d’escorter Jeanne lors de sa première chevauchée de Vaucouleurs à Chinon, disait que, dans toutes les nuitées et les couchées du voyage, il n’avait pas eu à son égard une pensée de désir. […] Jeune alors et beau, et très préféré d’elle entre tous les capitaines, parce qu’il était gendre du duc d’Orléans prisonnier, à la cause duquel elle s’était vouée, il témoignait avoir souvent bivouaqué à côté d’elle ; il avouait même l’avoir vue se déshabiller quelquefois, et avoir aperçu ce que la cuirasse avait coutume de cacher (« aliquando videbat ejus mammas, quae pulchrae erant ») : « Et pourtant, disait-il, je n’ai jamais rien eu de désir charnel à son égard. » Elle avait cette simplicité d’honneur et de vertu qui éloigne de telles pensées. […] Quicherat, que, bien que rédigé par les juges et les ennemis, il est plus à l’honneur de la véritable Jeanne que j’appelle primitive, et plus propre à la faire bien connaître, plus digne de confiance en ce qui la touche, que le procès de réhabilitation déjà imprégné et légèrement affecté de légende. […] Sur ce même étendard qu’on lui reprochait d’avoir fait porter en l’église de Reims au sacre, de préférence à celui de tous autres capitaines, elle répondit cette parole tant citée : « Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur. » Il y a dans Homère un admirable passage. […] Michelet a bien saisi la pensée même du personnage, qu’il a rendu avec vie, avec entrain et verve, le mouvement de l’ensemble, l’ivresse de la population, ce cri public d’enthousiasme qui, plus vrai que toute réflexion et toute doctrine, plus fort que toute puissance régulière, s’éleva alors en l’honneur de la noble enfant, et qui, nonobstant Chapelain ou Voltaire, n’a pas cessé de l’environner depuis.

300. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Enfant de l’Hérault, je tiens à l’honneur et à la gloire de mon pays ! […] Ainsi, voilà Jasmin mis en demeure d’improviser et pris par le point d’honneur. […] J’ai l’honneur, Monsieur, de vous saluer. […] Jasmin, dans la seconde partie de sa carrière, a eu l’honneur et le mérite de sentir qu’il y avait à revenir, pour tout le Midi, à une sorte d’unité d’idiome, au moins pour la langue de la poésie. […] c’est Scaliger, Jules-César Scaliger, qui avait été l’honneur d’Agen au xvie  siècle, et dont la tradition et la légende ont fait un poète presque populaire.

301. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Ce livre fait beaucoup d’honneur à M. de Blignières, qui est professeur de rhétorique dans l’un de nos collèges de Paris (Stanislas) ; la science dont il fait preuve n’est pas la seule chose qui plaise en lui ; son affection pour Amyot décèle ses mœurs, une âme qui aime les lettres, et qui les aime avec cette humanité d’autrefois, avec cette chaleur communicative qui est propre à gagner la jeunesse, et que possédaient les vieux maîtres. […] On s’est demandé si, en un siècle aussi riche que le xvie , en un siècle qui possédait un si grand nombre d’écrivains énergiques, colorés, vifs, naïfs, ou même gracieux par endroits, il était juste de transférer tout l’honneur de la naïveté, de la grâce et de l’éloquence sur un simple traducteur. […] Pour justifier l’honneur d’un tel choix, Amyot redoubla de zèle dans son grand travail à ses heures de loisir, et il publia en 1559 les Vies complètes de Plutarque traduites, qu’il dédia à Henri II. […] Les années suivantes ne furent pour Amyot que des années de prospérité et d’honneur. […] Ainsi comblé des honneurs et des avantages de sa profession, on ne voit pas qu’Amyot d’ailleurs ait été aucunement ambitieux en politique : ce n’était pas un de ces précepteurs comme le cardinal de Fleury, qui essaient de s’insinuer dans les grandes affaires et de dominer à jamais l’esprit de ceux qu’ils ont façonnés.

302. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Tout cela était l’effet de sentiments prompts, dont le plus excusable était celui qui me chassait avec le fouet de l’honneur, du dégoût et de tous les intérêts. […] Lorsque Linguet, jouissant des honneurs de cette persécution, vint à Genève et à Ferney, Mallet le vit et s’enrôla sous lui comme collaborateur pour les Annales politiques, civiles et littéraires. […] Fidèle, en outre, au plan que nous nous sommes proposé dès l’origine, nous ne perdrons jamais de vue le précepte de Tacite : Praecipuum munus Annalium… « Mon dessein, disait Tacite en parlant des délibérations du Sénat sous Tibère, n’est pas de rapporter tous les avis des sénateurs ; je me borne à ceux qui offrent un caractère remarquable d’honneur ou d’opprobre, persuadé que le principal objet de l’histoire est de préserver les vertus de l’oubli, et de contenir par la crainte de l’infamie et de la postérité les discours et les actions vicieuses. » Ce fut le programme de Mallet, programme d’historien encore plus que de journaliste, a-t-on dit avec justesse. Et qu’il serait à souhaiter que le journaliste politique se considérât ainsi comme un historien à la journée, un historien pionnier, qui n’a pas les honneurs de l’autre, mais qui en a les devoirs, qui en anticipe les charges, et qui peut, un jour, en acquérir les mérites par le retour attentif d’une postérité rémunératrice ! […] Cet art est subordonné aux changements qui arrivent chez un peuple et à la situation dans laquelle il se trouve. » Je n’ai qu’un désir, c’est de présenter aux esprits qui me font l’honneur de me suivre quelques idées sérieuses qui ne soient pas étrangères à nos temps.

303. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Les sept ou huit premières strophes sont consacrées à peindre le génie dans la profondeur de ses découvertes et dans la majesté de ses systèmes : « Tel éclatait Buffon… » — Puis paraît l’Envie, ameutant les puissances odieuses, et elles essayent de ravir ce favori et ce peintre auguste de la nature à l’honneur de ses immortels travaux. […] Honneur pourtant à lui, quoi qu’on puisse dire bientôt à sa charge, et quoi que nous allions dire nous-même, honneur au poète pour avoir conçu, en ce siècle de raisonnement et de bel esprit, à cette époque de cabale et d’enrôlement universel, une telle idée d’une vocation calme, sereine et recueillie ! […] Le Brun n’avait pas moins de soixante ans : la Révolution vint faire subir à son caractère une dernière épreuve, dont il sut moins que personne se tirer avec honneur et avec pureté ; il était en avance et en fonds du côté de la haine. […] Dans cette absence de tout principe d’honneur et de dignité, il poursuivait encore avec fierté je ne sais quels fantômes et quelles idoles qui lui parlaient d’un monde supérieur.

304. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

À cette rude bataille, c’est lui qui se trouve chargé, à un certain moment, de garder les prisonniers ; on le charge même (honneur insigne dont il ne paraît pas autrement fier !) […] Gourville prend note volontiers de ces marques de familiarité et d’honneur dont il est l’objet ; il n’en est ni enflé ni étonné, mais il en est toujours touché comme par un retour modeste sur sa condition première. […] Finesse, dextérité, diligence, Gourville déploie toutes ces qualités, et n’est content que quand il a mené les choses à leur dernière perfection, à la fois comme courrier et comme négociateur ; et son point d’honneur de courrier n’est pas le moindre. […] Le lendemain, il a l’honneur de dîner chez M. de Turenne, qu’il trouve servi en vaisselle de fer-blanc. […] Je ne sais si le plaisir que j’avais, ou l’honneur que cela me faisait dans le monde, ne pouvait point avoir un peu favorablement augmenté les idées que j’avais de lui.

305. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

J’aurais eu, moi, l’honneur d’être l’ami de Shakespeare, que je me serais bien gardé de lui faire, de son vivant, une préface pareille à celle que M.  […] qui n’avait pas besoin de tout ce tapage, de toute cette musique enragée, de toutes ces fanfares de Polonais en habit rouge trombonant en l’honneur d’une publication qui se recommande suffisamment d’elle-même ! […] Mais s’il avait eu la crainte, il aurait eu la joie. » Écoutez-le enfin et surtout parler de l’honneur, qu’il définit : « Promettre et ne pas tenir », et laissez-le creuser dans sa définition pour en tirer le plus magnifique fragment de ce livre, qui en a plusieurs de superbes et beaucoup aussi de charmants ! […] Il n’a pas le sublime honneur d’être un Voyant de l’extase, et l’honneur aussi grand d’être traité avec mépris de visionnaire par les philosophes et les écrivains de son époque, qui trouvent en lui un homme de leur espèce, mais de leur espèce agrandie par la foi et armée par la vérité catholique, et qui, s’il eût vécu, aurait été — comme il l’est, en plusieurs endroits, dans ce livre où il y a tant de choses, — un redoutable combattant contre eux !

306. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Parti simple soldat, Amédée Rothstein fut promu sous-lieutenant, puis cité à l’ordre de l’armée pour avoir « montré une fougue et un sang-froid remarquables, qui ont fait l’admiration des officiers d’infanterie et de ses hommes », enfin nommé chevalier de la Légion d’honneur pour «  s’être particulièrement distingué le 25 septembre 1916 en sortant le premier des tranchées et en entraînant vigoureusement ses hommes, ce qui a contribué à donner un élan superbe à la première vague d’assaut ».‌ […] Mais je ne m’arrêterai pas ; j’ai hâte d’aller presque brutalement, c’est pour l’honneur de ce Robert Hertz, jusqu’à sa pensée toute nue et frémissante, « Si je tombe, écrit-il à sa femme, je n’aurai acquitté qu’une toute petite part de ma dette envers le pays… »‌ Et là-dessus, ce morceau capital :‌ Chère, je me rappelle des rêves de quand j’étais tout petit, et plus tard lycéen, là-bas, dans la chambre près de la cuisine, avenue de l’Alma. […] Tombé au champ d’honneur, dans cette Argonne où, durant six mois, il avait inlassablement écouté dialoguer ses pensées, il est porté à l’ordre de la 18e brigade d’infanterie et pleuré, nous dit un sergent, par les hommes de sa compagnie.‌ […] Les vieilles familles enracinées par des générations dans le sol de France aimeront mieux prendre pour héros exemplaire et pour étendard, le grand-rabbin de Lyon, qui tombe au champ d’honneur en offrant un crucifix au soldat catholique mourant.‌ […] Lancrenion, prêtre, médecin aide-major au 1er groupe du 39e d’artillerie, écrit à la mère du jeune Charles Halphen, lieutenant au 39e d’artillerie, tombé au champ d’honneur le 15 mai 1915, une lettre dont voici la fin :‌ L’amitié, liée par moi avec votre fils, s’est transformée en respect et en admiration devant sa mort héroïque.

307. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Sans doute il avait bonne mine ; il avait certainement de la discrétion et de l’honneur. […] Si j’avais à définir en deux mots le père de Saint-Simon, je dirais que c’était un favori, mais que ce n’était pas un courtisan : car il avait de l’honneur et de l’humeur. […] Si l’on va au fond et qu’on dégage le système des mille détails d’étiquette qui le compliquent et qui le compromettent à nos yeux par une teinte de ridicule, on y saisit une inspiration qui, dans Saint-Simon, fait honneur sinon au politique pratique, du moins au citoyen et à l’historien publiciste. […] La seule réponse, encore une fois, est dans les faits accomplis : à Saint-Simon reste l’honneur d’avoir résisté à l’abaissement et à l’anéantissement de son ordre, de s’être roidi contre la platitude et la servilité courtisanesque. […] Aujourd’hui il restait à faire un progrès important et, à vrai dire, décisif pour l’honneur de Saint-Simon écrivain.

308. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Voilà son premier titre et son honneur. […] À ces trois noms, les seuls qu’il daigne compter, il en faut ajouter encore un qui obtient l’honneur d’être distingué par M. du Camp, c’est celui d’Alfred de Musset. — « Ah ! […] » Si la bonne Aimée causait avec des militaires, j’aimerais autant qu’on ne le dît pas dans une élégie en son honneur. […] — En résumé, à lire les vers et même la prose de M. du Camp, que je n’ai pas l’honneur de connaître, je me dis : Ce doit être une nature forte, franche, un peu rude et dure de fibre, un peu crue, courageuse, véhémente, violente même, mais qui croit avoir plus de haine quelle n’en a, car elle est généreuse ; une nature plus robuste que délicate.

309. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

L’opulence de sa maison est pour la grande place qu’il remplit et pour des bienséances d’état ; ce sont des dehors qui l’environnent ; mais, dans sa personne, tout est simple et modeste comme auparavant ; ses manières même et ses discours sont, comme autrefois, pleins d’affabilité ; c’est, en effet, la même personne que j’ai eu l’honneur de pratiquer à Germigny, il y a dix-sept ou dix-huit ans et plus… Jugez si je suis content de mon voyage ! ce n’est pas seulement les honneurs de la réception qui m’ont charmé, et dont je conserverai toute ma vie le souvenir avec la reconnaissance, mais c’est bien plus ce beau modèle des prélats en qui j’ai vu et admiré plus de choses que la réputation ne m’en avait appris. […] Sa santé est affaiblie, et il est obligé à beaucoup de soins ; toutefois il travaille et travaillera jusqu’à la fin ; il entreprend des réfutations, il conseille et presse des condamnations de doctrines ; il pousse et stimule par son zèle les prélats les plus influents, se chargeant du principal en toute chose et souffrant que, si les honneurs en sont aux autres, la charge roule en effet sur lui. […] Toute sa fin est du plus humble et du plus fervent chrétien, et s’il y mêle jusqu’au bout des retours et des prises d’armes du docteur et du gardien viligant des dogmes, il a aussi, quand il est réduit à lui seul et en présence de son mal, la foi simple et comme naïve du centenier de l’Évangile, et on peut le dire à l’honneur du grand évêque, il a la foi du charbonnier.

310. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Figurons-nous bien, car c’est le devoir de la critique de se déplacer ainsi à tout moment et de mettre chaque fois sa lorgnette au point, — figurons-nous donc, non pas seulement dans la salle de l’hôpital de la Trinité à Paris (cette salle me semble trop étroite), mais dans une des places publiques d’une de ces villes considérables, Angers ou Valenciennes, devant la cathédrale ou quelque autre église, un échafaud dressé, recouvert et orné de tapisseries et de tentures magnifiques, et tout alentour une foule avide et béante ; des centaines d’acteurs de la connaissance des spectateurs, jouant la plupart au vrai dans des rôles de leur métier ou de leur profession : des prêtres faisant ou Dieu le Père ou les Saints ; des charpentiers faisant saint Joseph ou saint Thomas ; des fils de famille dans les rôles plus distingués, et quelques-uns de ces acteurs sans nul doute décelant des qualités naturelles pour le théâtre ; figurons-nous dans ce sujet émouvant et populaire, cru et vénéré de tous, une suite de scènes comme celles que je ne puis qu’indiquer : — le dîner de saint Matthieu le financier, qui fait les honneurs de son hôtel à Jésus et à ses apôtres, dîner copieux et fin, où l’on ne s’assoit qu’après avoir dit tout haut le bénédicité, où les gais propos n’en circulent pas moins à la ronde, où l’un des apôtres loue la chère, et l’autre le vin ; — pendant ce temps-là, les murmures des Juifs et des Pharisiens dans la rue et à la porte ; — puis les noces de Cana chez Architriclin, espèce de traiteur en vogue, faisant noces et festins, une vraie noce du xve  siècle ; — oh ! […] Madeleine professe avant tout la coquetterie, le désir de plaire à tous, — en tout bien, tout honneur cependant. […] Après les cinq sens (car tout cela est méthodique et pédantesque, même dans l’élégance), viennent les sept péchés mortels qu’elle avoue et proclame successivement, orgueil, envie, paresse, etc. ; mais il y a toujours une réserve sur certain chapitre ; elle ne professe certain vice que jusqu’à un certain point, et il faut, dit-elle, ne prendre mes discours qu’en bonne part ; « car mon souhait n’est que civil. » L’honneur, comme elle l’entend (et plus d’une femme l’entend comme elle), reste sauf. […] Elle ne trouve, en le quittant, à lui promettre que la gloire, des honneurs, un nom ; et elle s’éloigne au moment où il a le plus besoin d’être consolé et assisté.

311. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Les blessures que le soldat porte sur le visage et sur la poitrine sont des étoiles qui guident les autres au ciel de l’honneur et au désir des nobles louanges3… » Cervantes garda toujours un cher souvenir de cette vie d’honneur et de misère qui est la vie du soldat, et à certain jour il l’a célébrée d’une façon toute noble et sérieuse par la bouche de son Don Quichotte. […] Pour la liberté aussi bien que pour l’honneur, on peut et l’on doit aventurer la vie. […] Honneur avant tout aux génies inventeurs et féconds, à ceux qui ont réellement enfanté, qui ont augmenté d’un fils ou d’une fille de plus la famille poétique du genre humain !

312. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il suivit de près son maître et se mit en route pour Dresde le 5 février 1810 : « Il quittait, après un séjour de près de quatre ans, nous dit-il, cette France, pays privilégié du Ciel, à tant de titres, où la civilisation, plus ancienne et plus complète qu’ailleurs, a donné aux lois de l’honneur et de la probité cette fixité d’axiomes qui, sans les faire peut-être observer davantage, ne laisse en problème ni en discussion rien de ce qui appartient aux bases des rapports sociaux et du commerce des hommes entre eux ; pays où le langage a une valeur mieux déterminée, où tous les ressorts de la vie sociale ont un jeu lus aisé, ce qui en fait, non comme ailleurs un combat, mais une source de jouissance. » J’aime de temps en temps ces définitions de la France par un étranger ; elles sont un peu solennelles sans doute et ne sont pas assurément celles que nous trouverions nous-mêmes ; nous vivons trop près de nous et trop avec nous pour nous voir sous cet aspect ; le jugement d’un étranger homme d’esprit, qui prend son point de vue du dehors, nous rafraîchit et nous renouvelle à nos propres yeux : cela nous oblige à rentrer en nous-mêmes et nous fait dire après un instant de réflexion : « Sommes-nous donc ainsi ?  […] Il n’épargne ni le roi Jérôme qui, durant son passage à Varsovie, s’était renfermé dans son rôle de général en chef d’un des corps de la grande armée, et s’était abstenu soigneusement, avec une intention marquée, de tout ce qui aurait pu blesser le roi de Saxe, souverain du pays, ou gêner l’ambassadeur extraordinaire de l’Empereur, — il n’épargne ni le maréchal Davout, ce grand militaire et qui eut en face de l’ennemi, dans les moments les plus difficiles, de si belles inspirations couronnées par la victoire, ni Vandamme, alors persécuté, ni le duc de Bassano, dépouillé de tous ses pouvoirs et honneurs, ni personne…, ni M.  […] Quel fut mon étonnement quand, au lieu de la gravité, de la décence, du soin de l’honneur national, de celui de l’entretien de la bienveillance mutuelle entre les deux nations, qui me paraissaient devoir composer l’ensemble de la manière d’être et des occupations d’un ministre de France, je trouvai un petit monsieur, uniquement occupé de petits vers, de petites femmes, de petits caquets, et qui, dans les petits rébus dont se composaient ses petites dépêches, disait familièrement au duc, en parlant de la certitude d’un éclat entre la France et la Russie : « La Russie amorcera si souvent, couchera en joue la France si souvent, que la France sera forcée de faire feu… » Brunet n’aurait pas mieux dit… Toute sa correspondance est sur ce ton, et présente un mélange fatigant d’affaires traitées avec la prétention au bel esprit du plus bas étage. » C’est ainsi que le prélat diplomate abuse d’un dépôt pour attaquer celui qui le lui a confié ; il le drape à la Figaro, et il ose parler de gravité et de décence ! […] L’archevêque, à la place d’honneur, parlait, pérorait sans tarir, buvait sec et mangeait gras (c’était un vendredi).

313. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

» Il en prit de bonne heure son parti, et sur ce chapitre il se montra toujours prêt à faire les honneurs de lui-même. […] Il a pourtant l’honneur, le bonheur d’inventer le premier mot de Monsieur, comte d’Artois : « Il n’y a rien de changé en France, il n’y a qu’un Français de plus. » Cette invention de M.  […] Ce fut même lui qui eut l’honneur de rédiger le fameux préambule : il s’en était remis d’abord pour la composition au talent élevé, mais trop oratoire, de Fontanes : il lui fallut tout refaire au dernier moment. […] Il était fort bien avec Benjamin Constant ; venus de bords différents et marchant sous des drapeaux en apparence opposés, ayant eu l’un et l’autre leurs faux pas et leurs volte-face (l’un son 31 mars, l’autre son 20 mars), ils se dédommageaient en se faisant mutuellement les honneurs chacun de son parti ; ils excellaient tous deux à passer au fil de leur esprit les choses et les hommes au milieu desquels ils avaient vécu et dont ils n’avaient eu qu’à se louer médiocrement.

314. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Ils ne se font croire que quand ils se font sentir, et il est très souvent de l’intérêt et même de l’honneur de ceux entre les mains de qui ils sont, de les faire moins sentir que croire. » Les autres inconvénients des guerres civiles qu’on a soi-même allumées, Retz nous les confesse sans réserve : un des premiers articles du Contrat de mariage entre le Parlement et la Ville de Paris avait été, nous l’avons vu, que les athées et libertins fussent réprimés et punis ; mais un des plus sûrs effets de la Fronde fut précisément de déchaîner ce libertinage, mortel à tout état de choses qui prétend s’établir et se consolider. […] Il en conclut que le ministère était encore moins à son goût qu’à sa portée : « Je ne sais si je fais mon apologie en vous parlant ainsi, écrivait-il en s’adressant à Mme de Caumartin ; je ne crois pas au moins vous faire mon éloge. » Cette gloire, ce point d’honneur dont Retz nous parle toujours, et qu’il ressentait à sa manière, c’était une certaine réputation populaire, la faveur et l’amour du public, c’était d’être fidèle aux engagements envers ses amis, de ne point paraître céder à un intérêt purement direct ; vers la fin, toute sa doctrine de résistance semble n’avoir plus guère été qu’une gageure d’honneur contre le Mazarin. […] Il réduisit d’ailleurs beaucoup sa dépense, dans le noble but d’arriver à payer tous ses créanciers ; il y mettait son honneur.

315. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

Thiers voudrait bien être ce Chatham futur, ce restaurateur du sentiment et de l’honneur national. […] La plupart des écrivains les plus lus, les plus connus du public, ceux que les lecteurs qu’ils ont si souvent charmés ou amusés nommeraient d’emblée et tout naturellement aux honneurs littéraires, manquent par malheur dans leur vie de cette considération et de cette consistance qui font qu’on soit à sa place partout.

316. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

si tout meurt avec nous, les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles ; l’honneur qu’on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu’il est ridicule d’honorer ce qui n’est plus ; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire ; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu’il faut jeter au vent, et qui n’appartient à personne ; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d’une machine qui se dissout ; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée ; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés ; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes ; la loi des mariages, un vain scrupule ; la pudeur, un préjugé ; l’honneur et la probité, des chimères ; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.

317. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Là se dévoilaient les crimes secrets, et ceux que le crédit ou la puissance du mort avait étouffés pendant sa vie ; là, celui dont on avait flétri l’innocence, venait à son tour flétrir le calomniateur, et redemander l’honneur qui lui avait été enlevé. Le citoyen convaincu de n’avoir point observé les lois, était condamné : la peine était l’infamie ; mais le citoyen vertueux était récompensé d’un éloge public ; l’honneur de le prononcer était réservé aux parents.

318. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Cette production, aussi curieuse qu’agréable, ne pouvait paraître dans toute sa sincérité et son intégrité, comme avec toute sa saveur, qu’après la vraie renaissance de goût pour le xviie  siècle, et cette reprise d’étude intelligente qui fait tant d’honneur à notre âge. […] Le président, comme les hommes peu sûrs de leur conscience, était avide de commencer par un coup d’éclat, qui mît la sienne en honneur, et qui affichât hautement son impartialité. […] Dure et ingrate nature humaine, pétrie au fond d’envie, bien plus que de bonté, qui ne sort guère d’un excès que pour un autre, et qui, dès qu’elle n’est plus foulée et à terre, a besoin de fouler quelqu’un : Si on ne leur parle avec honneur, nous dit Fléchier dans son récit, et si l’on manque à les saluer civilement, ils en appellent aux Grands Jours, menacent de faire punir, et protestent de violence. […] Les honneurs des Grands Jours sont et devaient être dans le récit de Fléchier pour M. de Caumartin son Mécène. […] Tous les honneurs et les succès lui venaient à la fois.

319. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Ainsi, de l’honneur, de la foi féodale, il ne faut plus parler, et voici que la foi religieuse elle-même n’est plus de force à enlever l’homme, à créer de nobles formes d’âme et d’existence. […] On sait assez qu’il n’a pas l’âme féodale, et avec quel intime mépris il s’amuse des gesticulations grandioses de l’honneur chevaleresque. Il ne manque pas une occasion de lui opposerbrutalement sa maxime favorite : où est le profil, là est l’honneur 133. […] Guillaume Crétin, Parisien, trésorier de la Sainte-Chapelle de Vincennes, y réussit : il n’est pas sûr que Molinet ni Meschinot ne soient pas dépassés ; Crétin sauva l’honneur de la France. […] Jean Le Maire, le Temple d’honneur et de vertu, Paris, 1503 ; la Plainte du Désiré, Paris, 1509 ; Trois Livres des Illustrations de la Gaule Belgique (prose), Nantes, 1509-1512 ; Œuvres, éd.

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