Que si, au contraire, À travers champs et Autour d’un phare (que, par parenthèse, l’éditeur Plon vient de publier, après tous les autres) sont les derniers sortis de sa plume, Mme Henry Gréville est évidemment en baisse de talent, et la neige de l’indifférence retombera bientôt sur la perce-neige, qui ne la percera plus ! À travers champs et Autour d’un phare ne sont, en effet, que deux nouvelles médiocres — comme toutes les femmes d’un temps, si prodigieusement et si aisément écrivailleur, pourraient en écrire. […] Le sujet y est si mince aussi, qu’il en est transparent et qu’on voit à travers la fin, dès le début du livre. […] La Princesse Oghérof. — Dosia. — L’Expiation de Saveli. — Autour d’un phare, — À travers champs, par Henry Gréville, chez Plon.
Il est net, ferme, précis, sans fausse sentimentalité, sans déclamation, diagnostiquant hardiment, à travers Soulouque, les caractères de la race dont il est sorti… Malheureusement, comme beaucoup de braves, la chose faite, Gustave d’Alaux a été pris d’une peur rétrospective et il a attaché à un livre franc et plein de vaillance une préface de précaution qui nous étonne. […] Rappelons-lui donc, à propos de nègres, le mot sublime de saint Vincent de Paul en parlant des pauvres : « Les pauvres — disait cet homme céleste — sont grossiers, sales, obscènes et répugnants, mais il faut s’efforcer de voir Jésus-Christ à travers cette affreuse enveloppe. » Or, même à travers le nègre le moins ou le plus mal développé, à travers Soulouque, on peut voir encore Jésus-Christ.
Il était nuit quand j’arrivai à la ville, je me glissai à travers la porte à la faveur d’un groupe de familles connues des gardes de la douane qui rentraient, avant les portes fermées, dans la ville, sans être vue au visage, ni fouillée, ni interrogée ; j’en rendis grâce à la Madone dont la statue dans une niche, sous la voûte de la porte, était éclairée par une petite lampe. […] Je sonnai : la sœur portière ne voulait pas m’ouvrir si tard ; mais, à la vue de mon visage innocent, qu’elle entrevit à travers mon mezaro, quand je fus obligée de l’écarter pour chercher la lettre de la duchesse, elle me fit entrer et porta la lettre à sa supérieure. […] On ne leur refuse pas chez nous, monsieur, en Italie, l’innocent plaisir d’écouter les airs de leurs montagnes, et de causer, tout le temps qu’ils ne travaillent pas, librement avec leurs parents, leur femme, leur fiancée, s’ils en ont, à travers les barreaux de fer de leurs cages qui prennent jour sur leurs cours, ni même de s’entrelacer leurs doigts dans les doigts de celles qu’ils aimaient pendant qu’ils étaient libres. […] Le père Hilario le baptisa et lui donna le nom de Beppo, qui veut dire « joie dans les larmes. » De ce jour, j’eus deux soucis au lieu d’un, et je l’emportai partout avec moi pour le faire sourire à son père en le tenant sur le rebord extérieur de la loge ; quelquefois même il passait ses petites mains à travers la grille et jouait avec les chaînes d’Hyeronimo ; je l’endormais, je l’allaitais, je riais avec lui. […] Fior d’Aliza jouait avec son enfant sous le rayon du soleil qui tombait de l’arbre dépouillé, à travers les rameaux.
Ou ces sucs montent dans les tuyaux des plantes, ou bien ils s’élevent dans l’air après s’être exténuez et filtrez à travers la premiere enveloppe de la terre, et ils y forment ce nître aërien qui retombant ensuite sur la terre dont il est sorti, aide tant à sa fertilité. […] D’ailleurs, ces molecules encore trop grossieres n’auroient dû s’élever dans l’air qu’après s’être extenuées en passant à travers de la premiere enveloppe comme à travers un tamis.
souveraine à travers tous les voiles ! Tant que les noms aimés retourneront aux cieux, Nous chercherons Delphine à travers les étoiles, Et ton doux nom de sœur humectera nos yeux. […] Elle ne songeait pas à être une héroïne politique quand elle allait ainsi les chercher à travers les barreaux, pas plus qu’elle n’était une théologienne quand elle épanchait avec confiance ses pleurs et ses parfums devant Dieu ; elle n’avait que des instincts de miséricorde et de fraternité humaine, mais elle les avait pressants, irrésistibles. […] Elle a été plus qu’une muse, elle n’a jamais cessé d’être la bonne fée de la poésie ; et dans mes nombreux souvenirs du cœur, mon titre le plus doux est d’avoir conservé sa sympathie qui m’a suivi à travers tous mes barreaux.
Supposez, comme je le crois, que ces contradictions qui y pullulent et dont nous vous montrerons quelques-unes, sans pouvoir, à mon grand regret, donner un tableau intégral des autres, supposez que ces contradictions viennent de l’esprit de justice d’un historien qui aime et qui n’en dit pas moins ce qu’il voit contre ce qu’il aime, on est toujours en droit de se demander comment il se fait que le heurt, l’achoppement, les soufflets de ces contradictions à travers lesquelles l’historien intrépide s’avance sans broncher, ne l’avertissent jamais des dangers qu’il court dans ce Colin-Maillard auquel il joue entre les faits et les sympathies de sa pensée ? […] Enfin, car il faut en finir, je voudrais, après avoir passé par toutes ces brumes pointées de petites lueurs, et par toutes ces petites lueurs clignotant dans ces brumes, savoir, en fermant ce livre de faits incohérents et d’opinions confuses, si l’auteur de La République américaine croyait à l’avenir de sa République, quand, préalablement, il nous a avoué que le passage aux affaires d’un homme comme le général Jackson pourrait détruire de fond en comble le système américain, et qu’il est convenu de la justesse du mot de l’orateur anglais qui prétendait que Jackson avait fait passer un char attelé de quatre chevaux à travers cette pauvre Constitution américaine ! […] — si la question de l’esclavage déchirera un jour, pour en faire des cartouches, cette Constitution de papier, à travers laquelle ce n’est pas des chars attelés à quatre chevaux, mais les événements, les choses et les hommes, qui, dans un temps donné, passent toujours à travers les Constitutions !
La nuit est revenue ; chacun se traîne à travers l’obscurité pour chercher la lumière, et nul ne la trouve. […] On accumule images sur images, hyperboles sur hyperboles, périphrases sur périphrases ; on jongle avec les mots, on saute à travers des cercles de périodes, on danse sur la corde roide des alexandrins. […] Dans l’avenir préparé à travers les événements qui nous assaillent, quel sera le rôle de la littérature ? […] On va visiter leur tombeau et on le trouve vide, car elles l’ont quitté pour transmigrer à travers le monde. […] Resterons-nous comme d’impassibles spectateurs, commodément assis derrière la barrière et jugeant les coups, sans nous jeter, en gens de cœur, à travers la bataille ?
Il n’y a là d’autre fait que le songe d’un homme éveillé, qui est enlevé au monde réel par sa vision et qui se transporte imaginairement dans les mondes surnaturels : voyage à travers l’infini. […] » dit-il à son guide Virgile, « je serais curieux d’adresser la parole à ces deux âmes qui semblent inséparables et qui cèdent si légèrement à l’haleine du même vent qui les emporte à travers l’espace ! […] C’est un coup de pinceau satanique enfoncé à travers le cœur par la griffe des démons. […] On s’approche en se glissant à travers les blocs d’une carrière de marbre abandonnée ; on voit une chapelle grossièrement ébauchée sous la concavité du pan de la montagne. […] Jugez-en par les citations que je puise, non au hasard, mais presque à toutes les pages de ce délicieux pèlerinage à travers les larmes, que la prière console et que l’espérance essuie.
À travers le perpétuel tintement de grelots de l’attelage passa comme un soupir lointain une note du cor d’Hernani. […] Seulement, notez-le bien, la veine française ne s’interrompt jamais à travers ces divagations germaniques. […] et comme dans cet amour éperdu, à travers cet enivrement coupable, elle restait encore honnête femme et dame ! […] Il ne la quittait même pas la nuit et la cherchait aux heures mystérieuses, à travers la demi-transparence des ténèbres. […] La déesse se devinait à travers le costume.
Au contraire, l’art atteint la Vérité à travers la Beauté, l’unité à travers les formes ; il illumine la soudaine effusion de l’Idée dans la nature et, prêtant par son harmonie un nouveau motif à l’intuition, lui permet de saisir tout-à-coup et d’ensemble les notions que la science s’efforce brin à brin de nouer en gerbe. […] Si l’on admet ce qui précède, on doit conclure que le symbole, plus que l’allégorie, est conforme à notre loi d’art : car c’est à travers les formes qu’il saisit l’idée, et s’il tend vers la Vérité c’est en procédant de la Beauté. […] La cathédrale parfaite s’élève ainsi comme un immense symbole ; on peut dire aussi que, par sa particulière nostalgie, elle suggère la Vérité (Dieu, ici) à travers la Beauté. […] Comme l’allégorie, un tel poème a sensiblement les défauts de l’expression directe ; la pensée captive ne s’y joue point d’elle-même à travers les images ainsi qu’un rayon réfléchi, grandi, multiplié par des miroirs. […] À travers de tièdes forêts, Je vois les meutes de mes songes.
Après des années, c’est par cet ouvrage sur son pays, sur l’Allemagne, que Henri Heine, mûri par la réflexion et par la souffrance, nous introduit à ses œuvres complètes, à l’ensemble de ses pensées, et voilà que nous trouvons, mêlés à un talent suprême, de telles modifications, de tels changements dans le fond même des choses et de l’intelligence, que la Critique — cette jaugeuse des forces spirituelles, qui met la main sur la tête et le cœur des hommes à travers les œuvres, — est obligée de s’y arrêter. […] » au radical, qui s’est roulé dans l’ivresse de son capiteux libéralisme à travers tous les escaliers de la démagogie : « Qu’as-tu fait de l’aristocrate d’esprit, de facultés, de naissance intellectuelle que tu étais ? […] Nous voulons croire que comme cet autre glorieux grabataire, ce Milton de l’Histoire, qui a dit : « Dieu doit me regarder avec plus de tendresse et de pitié, parce que je ne puis voir que lui », Heine, le grand et charmant poète, reviendra à la source de cette lumière qui passe si bien, pour inonder une âme, à travers de pauvres yeux fermés. […] Éclatante réplique au fameux axiome : Mens sana in corpore sano, de l’École de Salerne, qui renvoie si fièrement à l’école cette École… Heine, à travers la sympathique pitié qu’il est impossible de ne pas sentir pour des maux si grands, inspire pourtant je ne sais quelle joie orgueilleuse à ceux-là qui croient à la spiritualité humaine et qui pensent que, dans la créature de Dieu, les organes ne doivent pas être les maîtres, mais les serviteurs. […] Et quand il écrit tant devers divins, qui ont la beauté des plus cruelles amertumes humaines, n’a-t-il pas encore, pour nids, son propre cœur saignant, et la nature radieuse et immortelle, à travers laquelle il va semant les gouttes de sang de ce cœur déchiré ?
Non pas qu’avant Balzac, il est vrai, les mœurs de l’époque à laquelle appartenaient les personnages d’un roman ne s’aperçussent bien à travers ces personnages. Par exemple, la fin du xviiie siècle, qui mourait pourri sous ses élégances, était très visible dans cet effroyable chef-d’œuvre de Laclos : Les Liaisons dangereuses, mais elle ne l’était qu’à travers l’individualité de Valmont, de la présidente de Tourvel et de madame de Merteuil. […] Dans ma préoccupation des deux figures peintes dans La Messaline blonde, je n’ai pas eu le temps de dire ce que je pense de tout ce qui leur fait fond et cadre, et de l’action rapide et changeante à travers laquelle elles sont emportées. […] Et c’est cette ironie, toujours prête et qui passe jusqu’entre les baisers qu’on se donne dans l’œuvre de Houssaye, et on s’y en donne beaucoup, puisque c’est l’histoire des amours, faux ou vrais, du Paris du xixe siècle ; c’est cette ironie, qui se tortille à travers toutes ces roses et ces camélias comme le serpent de la sagesse et de la science de la vie, qui fait de l’auteur des Grandes Dames, en fin de compte, un moraliste.
Voyez, dans l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre, comme il annonce avec hauteur qu’il va instruire les rois ; comme il se jette ensuite à travers les divisions et les orages de cette île ; comme il peint le débordement des sectes, le fanatisme des indépendants, au milieu d’eux Cromwell, actif et impénétrable, hypocrite et hardi, dogmatisant et combattant, montrant l’étendard de la liberté et précipitant les peuples dans la servitude ; la reine luttant contre le malheur et la révolte, cherchant partout des vengeurs, traversant neuf fois les mers, battue par les tempêtes, voyant son époux dans les fers, ses amis sur l’échafaud, ses troupes vaincues, elle-même obligée de céder, mais, dans la chute de l’État, restant ferme parmi ses ruines, telle qu’une colonne qui, après avoir longtemps soutenu un temple ruineux, reçoit, sans être courbée, ce grand édifice qui tombe et fond sur elle sans l’abattre. Cependant, l’orateur, à travers ce grand spectacle qu’il déploie sur la terre, nous montre toujours Dieu présent au haut des cieux, secouant et brisant les trônes, précipitant la révolution, et par sa force, invincible, enchaînant ou domptant tout ce qui lui résiste. […] Cependant Bossuet, à travers ces idées générales, revient toujours à la princesse, et tous ses retours sont des cris de douleur. […] Bossuet s’arrête tantôt sur ces idées, tantôt à travers une foule de sentiments qui l’entraînent, il ne fait que prononcer de temps en temps ces mots, et ces mots alors font frissonner, comme les cris interrompus que le voyageur entend quelquefois, pendant la nuit, dans le silence des forêts, et qui l’avertissent d’un danger qu’il ne connaît pas.
Introduction L’histoire de l’évolution de la vie, si incomplète qu’elle soit encore, nous laisse déjà entrevoir comment l’intelligence s’est constituée par un progrès ininterrompu, le long d’une ligne qui monte, à travers la série des Vertébrés, jusqu’à l’homme. […] Notre raisonnement, si sûr de lui quand il circule à travers les choses inertes, se sent d’ailleurs mal à son aise sur ce nouveau terrain. […] On dira que, même ainsi, nous ne dépassons pas notre intelligence, puisque c’est avec notre intelligence, à travers notre intelligence, que nous regardons encore les autres formes de la conscience.
Ces chants ou ces éloges étaient la principale ambition de ces peuples ; c’était un malheur de mourir sans les avoir obtenus, et l’on croyait qu’alors ces ombres guerrières apparaissaient aux yeux du barde pour solliciter ses chants, ou qu’il était averti par le bruit de sa harpe, qui retentissait seule et à travers le silence de la nuit. […] Nous avons encore aujourd’hui quelques-uns de ces chants ; on se doute bien qu’ils sont barbares comme les héros qu’ils célèbrent ; mais à travers le désordre des idées, il y règne une éloquence fière et sauvage, et jamais peut-être le mépris de la mort n’a été mieux peint chez aucun peuple. […] Ainsi une île qui n’est aujourd’hui qu’un amas de rochers brisés ou noircis par les volcans, et à travers lesquels on voit, de distance en distance, des cabanes et des troupeaux, quand tout le reste de l’Europe était barbare, a produit une foule de poètes.
On risque de voir la terre et la campagne d’après les livres, à travers Virgile et Lamartine, et de composer des paysages Actifs trop semblables à ceux qu’ils décrivirent. […] Tout ce qui la touche y retentit ; rien ne la laisse indifférente ; pourtant, à travers tout, elle reste la même.
Jamais, je crois, on n’a vu un livre de début, un livre de jeune, conçu d’une façon aussi nette, aussi logique dans le fond comme dans la forme, poursuivant à travers les stades successifs de l’idée un but, culminant et lumineux, vers lequel toute page s’oriente. […] Rien n’y arrive aux sens qu’à travers la pensée, rien n’y palpite que pour un triomphe d’art, tout y est essentiellement intellectuel.
À travers la critique. […] Comme un pur-sang trop vigoureux, une fois lancé à travers les chroniques russes, M. […] » La méchanceté, suffisamment transparente, se montre à travers un verre, tout en prenant garde de casser les vitres ! […] Henri Montazio dans l’Europe artiste, est un voyage au long cours à travers tous les ouvrages précédents du compositeur. […] Rouvière, pour le promener à travers les colonnes d’un feuilleton semé d’adverbes et pavoisé d’adjectifs.
Comme chez les romantiques, la description prenait le pas sur tous les sports littéraires, envahissait tout, absorbait tout, noyait tout, ruisselait à travers les pages, se répandait en flaques, en étangs, en lacs, en océans et en marais. […] Il s’est déformé de telle sorte que Zola sera un document d’histoire littéraire très intéressant pour qui se demandera vers quoi le romantisme tendait sans le savoir, à travers ses essors, ses envolées et ses splendeurs. Il s’est déformé à travers le cerveau de Zola comme à travers celui d’un lecteur vulgaire, illettré et barbare, des romantiques en 1840. […] Rien ne vaut la descente des ouvriers, à la fin de la journée, par la rue Oberkampf, la lente coulée des voitures à travers les Champs-Élysées au retour des courses, la galopade furieuse des ouvriers révoltés dans Germinal, l’éternel va-et-vient des chevaux démontés, nuit tombante, dans le champ de bataille de Sedan, le « train blanc » de Lourdes et, à Lourdes aussi, le vent de folie extatique qui couche, relève et prosterne à nouveau la foule, avec ce cri monotone qui s’élève, s’enfle et roule dans l’air enfiévré : « Seigneur !
D’étape en étape, à travers la province de Salamanque, évitant les villes ou ne les traversant que de nuit, constamment entourés d’argus, sur des chevaux harassés, on perdait toute chance de secours ou d’évasion. […] Dans ce pénible voyage vers Séville, à travers l’Estramadure, en longeant les frontières du Portugaise troisième jour après leur départ de Ciudad-Rodrigo, ils vinrent se heurter fort inopinément au quartier général de lord Wellington (sir Arthur Wellesley), qui était établi à Zarsa-la-Mayor. […] Les prisonniers durent reprendre, à travers monts et à travers vaux, leur triste itinéraire. […] Ce malheureux ami, mes camarades, tendaient leurs mains vers moi à travers la grille et m’adressaient leurs vœux pour le succès de mon voyage. » Après le départ du capitaine de Saint-Joseph, c’est l’aide de camp Bernard qui devient le narrateur et qui adresse à son camarade la relation des derniers mois de cette triste captivité. […] Avant tout, le hasard et la bizarrerie des destinées ; cette fatalité « qui préside aux événements de notre vie, qui paraît dormir dans les temps calmes, mais qui, dès que le vent s’élève, emporte l’homme à travers l’air comme une paille légère » ; les premiers succès, l’entrain du début, les heures brillantes de la vie, les espérances déjà couronnées ; puis les revers, les lenteurs, les mécomptes, les difficultés tournant à la ruine ; la prison, la souffrance, une épreuve sans terme ; une longue agonie dans l’âge de la force ; une nature d’élite écrasée, victime et martyre des persécutions ; les haines aveugles des foules, les sauvages préjugés des races ; l’horreur des guerres injustes ; toujours et partout, çà et là, quelques âmes bienfaisantes et compatissantes ; notre pauvre humanité au naturel et à nu, en bien et en mal ; une belle mort enfin, délicate et magnanime.
On pourra dire tout cela, mais moi je dis : C’est le xixe siècle et sa jeunesse ; c’est le xixe siècle, non pas pris, — et c’est là l’originalité du Joseph Delorme, — dans les hauteurs sociales où tout s’exceptionnalise, mais dans le niveau commun, dans l’universalité, dans le torrent qui passe à travers la pleine route ! […] Le monde extérieur qu’il décrit passe à travers son âme malade, avant d’éclore sous son pinceau, y charrie des couleurs prises à cette âme envenimée, et sa peinture n’en est que plus vraie, car, au lieu d’une, elle exprime deux vérités. […] Il resta en lui, allumée et difficile à éteindre, de la flamme épaisse de ce Joseph Delorme, sous le nom duquel il s’était peint ; et vivace, le rêveur ardent et sombre des premiers jours résista et survécut longtemps, à travers tous les travaux d’érudition littéraire auxquels se livra le poète, guéri (voulait-il) de cette hypocondrie puissante qui avait été son génie. […] on sent que le lettré avec ses imitations et importations de littérature étrangère, — que le professeur avec sa préoccupation des modèles anciens, ont envahi le poète, le poète naïvement et cruellement descriptif, qui peignait autrefois la nature, à travers son âme, en la jaunissant de ses bilieuses mélancolies ! […] Les exceptions y sont ; voyez, par exemple, ce marbre ailé, dédié à David d’Angers, sur un de ses ouvrages, Le Joueur d’orgue, quelques Sonnets vigoureusement frappés, etc. : mais il faut les chercher à travers une langue et une inspiration si laborieuses que je ne pense pas que M.
La condition de la critique, en ce qu’elle a de journalier, de toujours mobile et nouveau, la fait ressembler un peu, je réprouve parfois, à un homme qui voyagerait sans cesse à travers des pays, villes et bourgades, où il ne ferait que passer à la hâte, sans jamais se poser ; à une sorte de Bohémien vagabond et presque de Juif errant, en proie à des diversités de spectacles et à des contrastes continuels. Aujourd’hui, c’est un coin politique et historique ; demain, une poésie ou une rêverie mélancolique ; après-demain, quelque roman sanguinaire ou licencieux, puis tout d’un coup une chaste et grave et religieuse production ; il faut que la pauvre critique aille toujours à travers cela, il faut qu’elle s’en tire, qu’elle s’en teigne tour à tour, qu’elle voie assez de chaque objet pour en jaser pertinemment et d’un ton approprié. […] De plus, en poursuivant l’image, en supposant le fleuve détourné, brisé, fatigué à travers les canaux, les usines, saigné à droite et à gauche, comme le Rhin dans les sables et la vase hollandaise, on retrouve la critique telle exactement que la font les besoins de chaque jour, dans sa marche sans cesse coupée et reprise.
S’il nous arrive de nous promener aux Tuileries, au bois de Boulogne, ou dans quelque endroit écarté des Champs Elysées sous quelques-uns de ces vieux arbres épargnés parmi tant d’autres qu’on a sacrifiés au parterre et à la vue de l’hôtel de Pompadour, sur la fin d’un beau jour, au moment où le soleil plonge ses rayons obliques à travers la masse touffue de ces arbres dont les branches entremêlées les arrêtent, les renvoient, les brisent, les rompent, les dispersent sur les troncs, sur la terre, entre les feuilles, et produisent autour de nous une variété infinie d’ombres fortes, d’ombres moins fortes, de parties obscures, moins obscures, éclairées, plus éclairées, tout à fait éclatantes ; alors les passages de l’obscurité à l’ombre, de l’ombre à la lumière, de la lumière au grand éclat, sont si doux, si touchants, si merveilleux, que l’aspect d’une branche, d’une feuille arrête l’œil, et suspend la conversation au moment même le plus intéressant. […] La vue d’un torrent qui tombe à grand bruit à travers des rochers escarpés qu’il blanchit de son écume, me fera frissonner. […] La perspective rapproche les parties des corps ou les fait fuir, par la seule dégradation de leurs grandeurs, par la seule projection de leurs parties vues à travers un plan interposé entre l’œil et l’objet, et attachées ou sur ce plan même, ou sur un plan supposé au-delà de l’objet.
Des voix lointaines lui répondent à travers les siècles, celles des spectateurs qui, au sortir du théâtre, couraient frapper sur les boucliers pendus aux portes des temples, en criant : « Patrie ! […] Après la défaite, la retraite à travers les grands pays dévastés : un désert de faim et de soif dévore, groupe par groupe, les hordes éparses qui se traînent dans sa lugubre étendue. […] Ceux qui survécurent se sauvèrent à grand’peine à travers la Thrace ; mais bien peu sont revenus dans les foyers de la patrie. […] Son Masque lugubre, tout en continuant de pleurer, retrousse les coins pendants de ses lèvres, et l’on voit l’ombre d’un rire se dessiner à travers ses larmes. […] répétés de sa tragédie, répond, à travers dix siècles, l’écho sauvage des Tekiés de Péra et de Scutari !
C’est, comme l’indique le titre, une heure déjà assombrie, le déclin des espérances, le doute qui gagne, l’ombre allongée qui descend sur le chemin, et avec cela, à travers les aspects funèbres, des douceurs particulières comme il en est à cette heure charmante ; la nuit qui s’avance, mais la nuit que la tristesse aime comme une sœur. […] Mais, dans toutes ces pièces récentes, louables de pensée, grandioses de forme, sur le bal de l’Hôtel de Ville, sur le gala du budget ; dans ces prières à Dieu sur les révolutions qui recommencent ; dans ces conseils à la royauté d’être aumônière comme au temps de saint Louis ; dans ce mélange, souvent entre-choqué, de réminiscences monarchiques, de phraséologie chrétienne et de vœux saint-simoniens, il n’est pas malaisé de découvrir, à travers l’éclatant vernis qui les colore, quelque chose d’artificiel, de voulu, d’acquis : toute cette portion des Chants du Crépuscule me fait l’effet d’une tenture magnifique dressée tout exprès pour une scène. […] Soudain par toute voie et de tous les côtés De leur sein ébranlé rempli d’ombres obscures, À travers leur surface, à travers leurs souillures, Et la cendre et la rouille, amas injurieux, Quelque chose de grand s’épandra dans les cieux.
Mais le Théâtre-Français surtout est et demeure, à travers toutes les vicissitudes, une grande école de goût, de bon langage, un monument vivant où la tradition se concilie avec la nouveauté. […] Un autre aurait pu dire également : « Voilà mon drame qui passe. » Une chose entre autres qui m’a frappé dans ces événements si étonnants, et dont je ne prétends point d’ailleurs diminuer la portée, c’est, à travers tout, un caractère d’imitation, et d’imitation littéraire. […] Qu’on ne s’y trompe pas : à travers les formes diverses et les bigarrures qui se succèdent et qui déguisent souvent le fond, cet esprit français subsiste ; il subsistera tant qu’il y aura une France, et il faut espérer que ce sera bien longtemps encore. […] Un petit nombre de choses anciennes sont restées debout en France à travers nos révolutions périodiques, et plus que périodiques ; de ce nombre est ce qu’on appelle si justement la Comédie-Française.
… » Littérature : c’est-à-dire, si l’on veut, le moment où la phrase seulement grandiloquente ou liquidement dénuée de nervosité, se croit le Verbe, où la cadence traditionnelle tient lieu de Rythme, et où l’on ne pense plus qu’à travers la pensée du passé. […] D’autre part, en supprimant la mesure générale de l’Alexandrin (unité de mesure, démontre « l’Instrumentation verbale », à travers laquelle évoluent les diverses durées), M. […] Ainsi, ne pouvant contenir son intensité en la gangue individualiste où se devaient restreindre les autres Symbolistes, c’est au sens de la Légende qu’il élargit le Symbole à travers l’exemple Wagnerien. […] Désormais la Matière évolue à prendre connaissance d’elle-même, à travers la sensation, l’instinct, la pensée. Sa science produit continuement sa Conscience : savoir, étant être… Mais l’Ellipse sort péniblement et par intermittences, à travers les vicissitudes inhérentes aux conditions de durées partielles, de ce Cercle primordial par quoi nous suggérons la Matière unique.
C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie siècles, avec cette différence que le xvie siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer. […] Ce fils et cet héritier des Grecs n’est point un Callimaque de moins de génie que d’art ; ce n’est point un Properce toujours difficile à lire, et qui, même dans ses nobles ardeurs, les complique et les masque de trop de doctes lectures : plus que Platen et comme Leopardi, il est de ceux dont l’âme moderne se laisse voir tout ardente à travers même les dépouilles de l’Antiquité dont elle s’enrichit ; il ne confond jamais l’érudition qu’il possède et qu’il maîtrise, avec la poésie dont il est possédé.
Ysaye, le pianiste, quelques parents lointains dans une voiture avec Mme Jules Laforgue, Paul Bourget, Fénéon, Moréas, Adam et moi ; et la montée lente, lente à travers la rue des Plantes, à travers les quartiers sales, de misère, d’incurie et de nonchalance, où le crime social suait à toutes les fenêtres pavoisées de linge sale, aux devantures sang de bœuf, rues fermées, muettes, obscures, sans intelligence, la ville telle que la rejettent sur ses barrières les quartiers de luxe, sourds et égoïstes ; on avait dépassé si vite ces quartiers de couvents égoïstes et clos où quelques baguettes dépouillées de branches accentuent ces tristesses de dimanche et d’automne qu’il avait dites dans ses Complaintes, et, parmi le demi-silence, nous arrivons à ce cimetière de Bagneux, alors neuf, plus sinistre encore d’être vide, avec des morts comme sous des plates-bandes de croix de bois, concessions provisoires, comme dit bêtement le langage officiel, et, sur la tombe fraîche, avec l’empressement, auprès du convoi, du menuisier à qui on a commandé la croix de bois et qui s’informe si c’est bien son client qui passe, avec trop de mots dits trop haut, on voit, du fiacre, Mme Laforgue riant d’un gloussement déchirant et sans pleurs, et sur cet effondrement de deux vies, personne de nous ne pensait à la rhétorique tumulaire6. » Jules Laforgue représente le type accompli de l’intellectuel en 1880. […] Solitaire et sans le sou, il n’en traîne pas moins, à travers les spectacles quotidiens de la rue et la féerie des choses, une âme plus riche en sensations que celle d’un satrape oriental, mais cette vivacité d’impressions se paye de l’abolition de la volonté.
L’aimable lettre que celle de Mme ***… et l’ineffable tendresse qu’elle m’apporte à travers la personne de Jésus-Christ. […] On marche à travers des hommes pâles d’émotion, des bambins sautillants, des femmes aux gestes grisés. […] La masse grise du château de Saint-Cloud transparaît à travers le voile blanchâtre de fumées légères. […] On vague à travers des pierres obscures, sans les reconnaître, étonné, même un peu inquiet de sa direction. […] Je vais, à travers le triste abatis, à des arbres, sous lesquels je me suis assis avec mon frère, sous lesquels je l’ai vu si triste.
Le drame se trouve ainsi mettre ces Espèces en action à travers les individus. […] Dans les fragments de sa correspondance épars à travers le beau livre que lui a consacré son gendre, M. […] La voilà, l’œuvre faite à travers le métier. […] À travers son métier, — disais-je. […] — à travers son métier, et son esprit à travers son œuvre, Ernest Psichari, le romancier, le chroniqueur plutôt du Voyage du Centurion.
L’au-delà se fait palpable et prend corps à travers les sons. […] Indirectement elle s’étend jusqu’à ceux qui ne la subissent qu’à travers un ou deux d’entre ces poètes. […] C’est ici l’épopée de l’âme à travers la nature, comme tout à l’heure c’était son épopée à travers l’histoire. […] Elle consiste à réconcilier la science et la poésie en n’arrivant à la seconde qu’à travers la première. […] La poésie épique et lyrique, celle qui aperçoit la vie humaine à travers le mirage d’une exaltation.
On sait qu’il fut, avec Maurice Maeterlinck, le trouveur de cette sorte de drame singulier, bizarre si l’on veut, mais mental, mais intelligent, de ces marches d’aveugles à travers des forêts tragiques, ces arrivées lentes ou brusques, inéluctables toujours, de la mort, qui forment un des titres du symbolisme, un de ses apports les plus incontestés. […] Le tempérament du poète persiste sous ses multiples aspects et à travers ses manifestations les plus diverses ; son âme n’est ni violente, ni véhémente : réservée, lointaine, insaisissable presque, elle laisse cependant parvenir jusqu’à elle les émotions de la vie, qu’elle ressent intimement, mais adoucies et purifiées, et c’est avec un art parfait que le poète les exprime et les réalise avec un luxe simple de mots et d’images.
Ballanche, l’évolution de ce beau et difficile génie est tellement spontanée dans sa lenteur, que c’est un charme infini de le suivre à travers les essais et les préparations, tandis qu’il s’ignorait encore lui-même. […] Nous assistons à la formation lente et mystérieuse de cette nature singulière qui, s’affermissant à travers tant de crises, eut bien le droit de croire à la vertu des épreuves. […] Le livre sur le Sentiment est composé en entier, non pas de chapitres, mais d’une suite de digressions ; l’auteur a voulu faire un jardin anglais, et il promène son lecteur à travers les rochers, les cascades, les groupes de statues sentimentales et autres pareils accidents. […] La moralité qu’il tirait de ces tableaux était toute de soumission, de. devoir et de sacrifice, de clémence et d’espoir à travers les pleurs. […] Ballanche un philosophe non didactique, qui nous introduit à travers des enceintes compliquées et par détours gracieux ou obscurs jusqu’à un sanctuaire profond : le poëme d’Antigone est comme une symphonie attrayante que nous avons entendue au parvis.
Pendant ce temps les grands bœufs marchaient toujours, et les murs gris des remparts de Lucques, couronnés d’une noire rangée de gros tilleuls, commençaient à apparaître à travers la poudre de la route, au fond de l’horizon. […] Quand nous arrivâmes à la sombre porte à clous de fer du bargello, tout à côté de l’énorme porte de la prison, et que les bœufs s’arrêtèrent, je ressemblais à une Madone de Lorette : on ne voyait plus mes habits à travers les rubans, les couronnes et les bouquets. […] Le vent aussi y hurlait comme des voix désespérées à travers les mâchicoulis et les meurtrières. […] Et qu’est-ce que c’était donc que ce bruit sinistre, me direz-vous, qui montait si haut jusqu’à ton oreille à travers la lucarne de la tour ? […] Sous chacune des arcades de ce cloître qui entourait la cour, s’ouvrait une large fenêtre, en forme de lucarne demi-cintrée par en haut, plate par en bas, grillée de bas en haut et de côté à côté, par des barres de fer qui s’encastraient les unes dans les autres chaque fois qu’elles se rencontraient de haut en bas ou de gauche à droite, de façon qu’elles formaient comme un treillis de petits carrés à travers lesquels on pouvait passer les mains, mais non la tête.
C’est ainsi que notre civilisation européenne semble aujourd’hui païenne bien plus que chrétienne ; n’en est-ce point une preuve, cette nécessité pour les deux nations de ne pouvoir arriver à l’harmonie qu’à travers les carnages de batailles cruelles ? […] Le principe qui dans les vieux temps avec cette divine force Aryenne conquérait les pays et versait le sang, — un sang qui produit la vie, non la mort, — ce même principe, dans ces hommes, conquit l’esprit des peuples et fit couler à travers les âmes des peuples frères, historiquement séparés, le fleuve de l’humanité idéale. […] Cette parole dit à travers le monde : que la lumière soit ! […] Retourné en Allemagne, Wagner se donna à des études ferventes de l’antiquité allemande ; à travers les œuvres des frères Grimm, de Simrock, de Gœrre, etc., à travers l’Edda et le mythe des Wolsungs il arriva aux restes des toutes les premières traditions. […] Seul le « Féminin dans l’Humain », Brünnhilde, se rappelle du seul élément sauveur et à travers son renoncement nous voyons sur la fin du monde païen qui succombe, la lueur du nouveau message sauveur de l’amour.
Newton une escapade et une fuite de son lièvre favori qui, un soir, pendant le souper, rompt son treillage, prend sa course à travers la ville, et qu’on ne parvient à rattraper qu’après toute une odyssée aventureuse, on lira une lettre très grave, très élevée, à une de ses nobles cousines qu’il n’avait pas vue depuis des années, qui avait été très belle, et à qui les hautes et sérieuses pensées étaient devenues familières. […] car j’ai aimé les promenades rurales à travers les chemins creux d’un vert sombre, que tond de près la dent grapilleuse des brebis, et que borde un épais entrelacement de branches épineuses ; j’ai aimé la promenade rurale sur les collines, à travers les vallées et le long des rivières, depuis le temps où, enfant vagabond, je franchissais mes limites pour faire une école buissonnière sur les bords de la Tamise ; et toujours je me souviens, non sans regretter ces heures que le chagrin, depuis, m’a rendues bien plus chères, combien il m’arriva souvent, ma provision de poche épuisée, mais affamé encore, sans argent et loin de la maison, d’apaiser ma faim avec des baies d’églantier sauvage et avec le fruit pierreux de l’aubépine, ou de petites pommes rouges, ou la mûre noire comme le jais qui garnit la ronce, ou l’âcre petite prune qui se cueille dans la haie ! […] Ici, la rivière d’Ouse, serpentant lentement à travers une plaine tout unie de spacieuses prairies parsemées de bestiaux, conduit et amuse le long de sa course sinueuse l’œil ravi d’enchantement ! Là, sur la levée, se tient fermement enraciné notre bouquet d’ormes favoris, que notre regard au passage n’oublie jamais, et qui servent de rideau à la cabane solitaire du berger ; tandis que loin, à travers et par-delà le courant qui de ses flots, comme d’un verre fondu, incruste la vallée, le terrain en pente recule jusque vers les nuages, déroulant dans sa variété infinie la grâce de ses nombreuses rangées de baies, la tour carrée, la haute flèche d’où le son joyeux de la cloche vient expirer en ondulant jusqu’à l’oreille qui l’écoute, des bosquets, des bruyères, et des villages fumant dans le lointain. — Ces scènes-là doivent être belles qui, vues chaque jour, plaisent chaque jour, et dont la nouveauté survit à l’habitude et au long examen des années.
Il y plonge par ses racines, il en a gardé le fond ; et parmi ceux qui sont habitués à reconnaître et à démêler ce qui subsiste d’essentiel à travers les transformations morales, je n’étonnerai personne en disant que, sous sa formephilosophique la plus consommée, il a encore de sa race première certains traits que lui-même a notés comme les plus profonds et les plus durables, « la foi, le sérieux, l’antipathie pour ce qui est vulgaire, le mépris de la légèreté » ; — oui, la foi, — une sorte de foi, non au surnaturel, mais au divin ; et l’on peut dire en effet que, dans sa manière d’envisager la nature, l’histoire et l’humanité, M. […] Voyez-le au moment où il sort et où il paraît : il n’a rien à renverser, à bouleverser autour de lui, comme quand on se produit après coup ; il n’éclate point à tort et à travers ; il ne rompt pas, il se détache avant tout engagement. […] À travers la diversité des matières, on sentait une vocation prononcée et une unité. La vocation, c’était évidemment, quant au but, l’histoire religieuse ; quant à la méthode, c’était d’étudier chaque forme, chaque production du génie humain, historiquement, non dogmatiquement ; et, dans cette étude historique, de ne pas s’en tenir au fait en lui-même, ni à la série et au recueil des faits, mais d’envisager le tout sous l’aspect de production et de végétation vivante continue, depuis la racine, depuis la germination sourde, et à travers tous les développements, jusqu’à la fleur.
Il a des amis, qu’il voit agir, faire des projets, arranger leur vie : il se jette à travers leur existence, à travers leurs plus intimes sentiments, conseillant, disposant, indiscret, impérieux ; c’est la corneille qui abat des noix ; et voilà comment il se brouille avec Rousseau : il veut le retenir à Paris, l’envoyer à Genève ; il décide, il dirige ; il faut qu’il parle. […] Il connaît la peinture, la musique : je ne dis pas qu’il n’en raisonne un peu à tort et à travers ; mais jamais le défaut de connaissances précises ou techniques n’est la source de ses déviations de jugement. […] Au public enfermé jusqu’ici dans le goût littéraire, il ouvre des fenêtres sur l’art ; à travers toutes ses expansions sentimentales et ses dissertations de penseur, il fait l’éducation des sens de ses lecteurs ; il leur apprend à voir et à jouir, à saisir la vérité d’une attitude, la délicatesse d’un ton.
Il les écrivait à travers toutes les distractions, — à travers les cris perçants de ce fameux ara jaune et bleu que tout Paris a connu, ce tigre à plumes (disait Saint-Victor), qui criait comme s’il avait été l’ara du diable ; et il faisait gaiement sa partie de cris avec ce monstre, qui aurait déchiré le tympan des plus sourds, et il la faisait sans lâcher la phrase qu’il écrivait et dans laquelle il berçait si voluptueusement sa pensée ! […] Il les aimait peut-être un peu comme Delille, à travers Virgile et par la fenêtre. Il les aimait à travers Horace, qu’il a trop aimé et qui ne les aimait pas, et il se plaisait à en rapporter dans les théâtres de Paris la modeste fleur étonnée !
Dites que cette littérature est ignorante, sans critique, se jetant à l’étourdie à travers tout, pleine de méprises, de quiproquo et de bévues que personne ne relève, ne prenant les choses et les hommes graves du passé que dans un caprice du moment, s’en faisant une contenance, un trait de couleur, un sujet de charmante et folle fantaisie ; et quand il s’agit d’être érudite, l’étant d’une érudition d’hier, toute de parade, soufflée et flatueuse ; et voilà qu’on peut vous nommer, même dans les jeunes, des esprits patients, analytiques, circonspects, en quête de l’antique et lointaine érudition, de celle à laquelle on n’arrive qu’à travers les langues, les années et les préparations silencieuses d’un régime de Port-Royal. […] Sachant bien plusieurs langues, rompu aux littératures étrangères dont, le premier, il a produit parmi nous de fantastiques chefs-d’œuvre, habile à se souvenir et à démasquer les larcins, s’inspirant lui-même de ses lectures et l’avouant, laborieux au logis, ingénieux et facile à tout dire, propre à tout, ne se faisant guère d’illusion, croyant peu, capable d’admirer le passé, quoique d’une érudition trop spirituelle pour être constamment révérente, et avec cela toujours maître de sa plume, l’arrêtant, la dirigeant à volonté, un peu recherché et joli par endroits, comme quand l’esprit domine, il a gardé quelque chose de très français à travers son premier bagage d’outre-Rhin et a aiguisé sa finesse au milieu des génies allemands qui avaient ou n’avaient pas de fil : qu’on se souvienne en effet qu’il a passé par Vandervelde avant de donner la main à M.
À travers la fumée des usines et des locomotives, j’ai entrevu, pour les curiosités du savoir, quelques antiquités sur les bords de l’Ohio et sur le plateau mexicain ; pour les plaisirs de l’imagination, une poétique nature, la chute du Niagara, les palmiers des Tropiques. » Chateaubriand nous en avait donné quelque idée… N’importe ! […] Sans doute Marseillais de naissance, Salvador, ainsi que nous l’avons déjà dit, considère un peu trop le monde à travers Marseille. […] À travers l’histoire, très variée et très piquante, de Marseille et des Échelles du Levant comme l’a écrite Édouard Salvador, on reconnaît cette préoccupation de notre âge qui prend, selon nous, notre pays à rebours de son instinct et de son génie.
Il en résulte un ensemble fidèle, quelque chose de ressemblant même à travers les couleurs flatteuses. […] On lit cela à travers les éloges de M.
Les dimensions des grands journaux se sont agrandies ; le système des annonces Duveyrier se déploie en long et en large ; les feuilletons nagent au milieu de tout cela comme de minces vaisseaux à travers un Océan, et l’œil du lecteur ne sait plus où se poser. […] Le poëte a évidemment voulu peindre avant tout le pays et les mœurs ; la fable (si fable il y a), l’action romanesque qu’il a jetée à travers, n’est qu’un prétexte et tient peu de place, trop peu sans doute.
Dites que cette littérature est ignorante, sans critique, se jetant à l’étourdie à travers tout, pleine de méprises, de quiproquos et de bévues que personne ne relève, ne prenant les choses et les hommes graves du passé que dans un caprice du moment ; s’en faisant une contenance, un trait de couleur, un sujet de charmante et folle fantaisie ; et quand il s’agit d’être érudite, l’étant d’une érudition d’hier, toute de parade, soufflée et flatueuse : et voilà qu’on peut vous nommer, même dans les jeunes, des esprits patients, analytiques, circonspects, en quête de l’antique et lointaine érudition, de celle à laquelle on n’arrive qu’à travers les langues, les années et les préparations silencieuses d’un régime de Port-Royal.
. — Trente ans de Paris, à travers ma vie et mes livres (1888). — Souvenirs d’un homme de lettres (1888). — La Lutte pour la vie (1889). — L’Obstacle (1890). — Port-Tarascon (1890). — L’Obstacle, pièce (1891). — L’Arrivée ; Mon tambourinaire (1891). — Rose et Ninette (1892). — La Menteuse, pièce avec Léon Hennique (1898). — Entre les frises et la rampe (1894). — L’Élixir du R. […] Depuis, l’écrivain en marche a quitté ce beau jardin, il est parti par les routes, il a traversé des forêts, il s’est frayé un âpre chemin à travers des espaces vierges.
Le bon larron regarde le ciel avec une confiance fondée sur les paroles de Jesus-Christ, et qui se fait remarquer à travers les douleurs du supplice. […] La tête du cloud est même chargée des dépouilles hideuses qu’elle a emportées en déchirant les chairs du pied à travers lequel elle a passé.
Saint-Simon voit l’âme à travers le visage : mais c’est le visage qui lui révèle l’âme, et il fait tenir un caractère dans un portrait. […] Un écrivain dramatique de notre temps, qui certes a su donner à ses caractères une rectitude et une consistance merveilleuse à travers les surprises de l’intrigue et les incohérences de la passion, nous a fait quelque part la confidence qu’il se faisait la biographie de chaque personnage qu’il voulait introduire dans une pièce, qu’il le dotait d’une existence antérieure, d’un long passé, où son tempérament et ses habitudes étaient minutieusement décrits. […] Pour savoir mettre ainsi aux prises un tempérament avec une situation, il faut avoir observé comment notre caractère se manifeste dans les petits faits de la vie journalière, se modifie à leur contact, se décompose et se recompose sans cesse insensiblement, et se trouve parfois renouvelé alors qu’il ne s’est rien passé, comme il reste le même d’autres fois à travers les plus grandes catastrophes.
— quand nous voulons qu’elle soit autre que ce que nous sommes : c’est-à-dire une passion ou une idée (car l’homme n’est jamais que cela, lorsqu’il est quelque chose) ; quand, enfin, nous n’admettons pas que des faits qui passent à travers nos esprits, nos sensibilités, nos consciences, doivent nécessairement s’y colorer en y passant. […] On voit à travers l’impartialité de sa forme, — cette cotte de mailles à chaque maille faussée ! on voit à travers ce pauvre masque, qui n’est pas de fer, mais de caoutchouc !
Aujourd’hui, à travers l’indécent oripeau dont il a souillé sa nudité chaste, à travers les pirouettes du clown qui joue Ariel, — mais qui pouvait l’être et qui ne l’est plus, — il y a encore un faible reste de la lueur égarée qu’aimait Goethe sur le front morbide de Mignon. […] Excepté donc le Premier soleil, La Ville enchantée et quelques fragments des Satires où le rythme et la langue se remettent à jaillir, en plusieurs reprises étincelantes et trop courtes, à travers d’horribles et d’insensés jargons d’atelier, d’estaminet et de coulisses, il n’y a rien pour la Critique que des sujets d’étonnement douloureux et de pitié dans ce volume, dont tout le mérite appartiendra à l’éditeur.
… Le Normand a été attiré par la plus grande gloire littéraire normande ; car lord Byron, qui se disait Normand avec orgueil, est une gloire anglaise, — mais à travers laquelle, comme à travers la langue dans laquelle il écrivit, se reconnaît l’identité de race, de cette forte race, de poésie profonde, qui va de Rollon à Corneille. […] Les fonds noirs vont bien aux têtes de génie, et leur plus belle atmosphère, c’est le mystère à travers lequel on les entrevoit.
… Et il continue, et il pousse son élégie à travers l’idylle. […] En analysant ce tableau et aussi les autres tableaux de Greuze, Diderot, notez-le, se plaît à y remarquer ou à y introduire une légère veine de sensuel à travers le moral, une veine qui s’y trouve peut-être, mais que certainement il aime à suivre, à indiquer du doigt, et que, plutôt que de l’omettre, il est tenté de grossir et d’exagérer. […] Diderot a innové dans la langue, et y a fait entrer des couleurs de la palette et de l’arc-en-ciel : il voit déjà la nature à travers l’atelier et par la lunette du peintre. […] Tout en regrettant de rencontrer trop souvent chez lui ce coin d’exagération que lui-même il accuse, le peu de discrétion et de sobriété, quelque licence de mœurs et de propos, et les taches de goût, nous rendons hommage à sa bonhomie, à sa sympathie, à sa cordialité d’intelligence, à sa finesse et à sa richesse de vues et de pinceaux, à la largeur, à la suavité de ses touches, et à l’adorable fraîcheur dont il avait gardé le secret à travers un labeur incessant. […] Et pourtant, à travers cela, et sans trop y viser, il a su, de toutes ces choses éparses, en sauver quelques-unes de durables, et il nous apprend comment on peut encore atteindre jusqu’à l’avenir et à la postérité, y arriver, ne fût-ce qu’en débris, du milieu du naufrage de chaque jour.
Depuis que ces cinq hommes forts, réduits au silence pour une cause ou pour une autre, nous font défaut, « la nuit est revenue, dit M. du Camp ; chacun se traîne à travers l’obscurité pour chercher la lumière, et nul ne la trouve. […] Selon lui, en effet, il n’y a plus dans la littérature actuelle que de la forme, la pensée est absente ou sacrifiée : en architecture, en peinture, en sculpture, on ne rencontre, selon lui, que le pastiche, l’imitation du passé, une imitation confuse et entrecroisée des différentes époques, des différentes manières antérieures : « Il en est de même, dit-il, en littérature : on accumule images sur images, hyperboles sur hyperboles, périphrases sur périphrases ; on jongle avec les mots, on saute à travers des cercles de périodes, on danse sur la corde roide des alexandrins, on porte à bras tendu cent kilos d’épithètesa, etc. » Et dans ce style qui n’évite pas les défauts qu’il blâme, l’auteur s’amuse à prouver que tous, plume en main, jouent à la phrase et manquent d’une idée, d’un but, d’une inspiration : « Où sont les écrivains ? […] Le voyageur qui se sent entraîné par son instinct vers des lieux inconnus, se dit que ce sont certainement d’anciennes patries qu’il va revoir : J’habitai, je le sais, dans d’autres existences Ces pays radieux, et je suis convaincu Que je sais retrouver, à travers les distances, Tous les endroits certains où j’ai déjà vécu. […] À la fin d’une tournée en Écosse, et après en avoir noté en vers les principales circonstances pittoresques, le poète des lacs, revenant au monde du dedans et maintenant à l’esprit sa prédominance vivifiante, disait pour conclusion : Il n’y a rien de doux comme, avec les yeux à demi baissés, de marcher à travers le pays, qu’il y ait un sentier tracé ou non, tandis qu’une belle contrée s’étend autour du voyageur sans qu’il s’inquiète de la regarder de nouveau, ravi qu’il est plutôt de quelque douce scène idéale, œuvre de la fantaisie, ou de quelque heureux motif de méditation qui vient se glisser entre les belles choses qu’il a vues et celles qu’il verra.
De quoi s’agit-il en effet, sinon de grâce, d’esprit et d’agrément (je parle de cet agrément qui survit et qui se distingue à travers les âges) ? […] Les femmes du xviiie siècle proprement dit, dont le type primitif s’est transmis sans altération depuis la duchesse du Maine, et à travers ces noms si connus de Mme de Staal-Delaunay, de Mmes de Lambert, du Deffand, de la maréchale de Luxembourg, de Mme Coislin, de Mme de Créquy, jusqu’à Mme de Tessé et à la princesse de Poix, peuvent pourtant se partager elles-mêmes en deux moitiés assez distinctes, celles d’avant Jean-Jacques et celles d’après. […] En ce qui touche la personne, l’illustre critique s’est montré plus sévère ; il a cru voir jusqu’à travers les peintures railleuses de la femme d’esprit ce qu’il appelle le pli de sa condition : « C’est une soubrette de cour, mais une soubrette. » Mlle Delaunay a-t-elle mérité ce piquant revers ? […] La correspondance de Mme de Staal avec Mme du Deffand trahit les misères du fond sous la forme toujours agréable ; on y suit l’habitude de l’esprit et l’ironique gaieté persistant à travers une existence sans plaisir et comblée d’ennui.
Des milliards de globes, doués de vie comme elle, circulent à travers l’espace, aspirés par une force mystérieuse, plus puissante que celle du Jéhovah de la Bible, confiné à notre seul horizon. […] Pourtant, à travers tant de bouffonneries et d’enfantillages, un mouvement sérieux se dessine. […] Son ombre glisse à travers les meubles, le long des murs. […] C’est à la morphine et à l’opium qu’ils demandent leur passeport et leur billet d’aller et retour pour ce voyage à travers l’infini.
CIX À ce moment, continua-t-il, Hyeronimo, qui descendait des hauteurs des Camaldules avec un énorme fagot de genêts sur le cou, entendit les aboiements de Zampogna, les coups de hache des bûcherons, les voix larmoyantes de sa mère, de Fior d’Aliza et de moi ; à travers une clairière, il vit Calamayo et ses hommes qui nous arrachaient avec violence du tronc de l’arbre, et qui nous rejetaient sans pitié sur les pierres et sur les racines arrosées du sang du visage de sa cousine. […] Mais, au moment où Zampogna atteignait la chèvre et ses petits et aboyait autour d’eux pour les faire sortir du maïs, voilà six coups de feu qui résonnent comme des tonnerres derrière les sapins, de l’autre côté du champ, et trois sbires, leurs fusils fumants à la main, qui sortent avec de grands cris de la sapinière et qui se jettent comme des furieux à travers les cannes. […] Voilà la lune qui se baigne déjà à moitié dans la mer de Pise, pour laisser place au soleil ; tu n’as plus qu’une demi-heure de nuit pour monter invisible, à travers les bois, aux Camaldules. […] Un dernier rayon de la lune, à travers les feuilles mortes de la vigne, éclairait ces mornes adieux ; les bras se détachaient pour se resserrer encore. […] monsieur, ce n’était rien que cette séparation de quelques jours ou de quelques années, avec l’espérance de se revoir à travers les barreaux de la chapelle du refuge des Camaldules tous les dimanches, et de se dire, de la bouche et des yeux, ce qui chargeait le cœur.
Autour du grand homme se formait un petit groupe d’amis discrets et dévoués : Fontanes, pur et froid poète, Joubert645, penseur original et fin, tous les deux utiles conseillers, sans envie et sans flatterie ; et puis ces femmes exquises, dont Chateaubriand humait le charme, l’esprit, l’admiration, faisant passer ces « fantômes d’amour » à travers son ennui, sans se douter assez que c’étaient là des êtres de chair et de sang qui le berçaient dans leur angoisse : Mme de Beaumont, Mme de Custine, Mme de Mouchy. […] Voici La Fayette toujours enchanté de promener sa figure populaire à travers les mouvements dont il n’était pas le maître : « il humait le parfum des révolutions ». […] L’enfant rêveur qui dressait avec Lucile des itinéraires prodigieux661 a parcouru le Canada et la Louisiane : l’artiste rêveur dont la fantaisie promenait René à travers l’Italie et la Grèce a visité Sparte, Athènes, Jérusalem, Carthage, Grenade ; et les feuillets de ses carnets de voyage sont épars dans tous ses livres. […] Et les Mémoires d’outre-tombe, si mêlés, à travers tant de fatras, n’ont guère pour se relever, outre l’intérêt documentaire, qu’un certain nombre de tableaux où le vieux maître s’est retrouvé tout entier : la vie de Combourg, le camp de Thionville et le marché du camp, la garde de Napoléon faisant la haie à l’impotent Louis XVIII, les impressions de Rome662, etc. ; tout ce qui est sensation pittoresque n’a pas vieilli d’un jour dans toute son œuvre. […] Il a donné des leçons d’individualisme, dont nos romantiques s’inspireront ; et à travers Byron, ce sera encore Chateaubriand qui leur reviendra.
Tannhaeuser et Lohengrin revenaient chaque quinzaine au répertoire ; la grâce exquise de madame Mallinger — elle jouait si bien qu’on ne s’apercevait pas qu’elle n’avait plus de voix — faisait accepter deux ou trois fois dans la saison les Maîtres chanteurs de Nuremberg ; mais l’année précédente, on n’avait pu exécuter que deux fois Tristan et Iseult, que le public habituel de l’Opernhaus trouvait trop long ; et, quant à la tétralogie, on en parlait comme d’une grosse erreur, à travers les opuscules de M. […] Le train fila longuement à travers un paysage de plaine qu’ensoleillait une magnifique journée de printemps et qui me parut délicieux — car depuis cinq mois je n’avais pas quitté les rues grises de Berlin, et je sentais mon cœur se dilater dans le libre horizon. […] » Woglinde et Wellgunde l’entourent de leurs bras et l’entraînent dans le gouffre ; Flosshilde élève l’Anneau, jubilante ; puis les trois Filles, gaîment, jouent avec l’Anneau et nagent en rond, — tandis qu’à travers la nuée, une lueur de flammes poind, avec une croissante clarté… Et les Hommes, en un muet saisissement, contemplent l’embrasement de l’horizon, une rouge lumière, lointaine et forte, semblable à l’aurore boréale, le reflet d’un prodigieux Incendie, un Crépuscule, dans le Ciel. […] Ce texte récapitule la recherche de la revue à travers les théories wagnériennes. […] Wagner a donné au monde un drame alliant formes plastiques, littéraires et musicales à travers le mythe.
La révolution de 1830 a trouvé l’art en France à un certain état de développement qu’elle est venue du premier abord troubler et suspendre ; mais cette perturbation ne peut être que passagère : les destinées de l’art ne sont pas un accident qu’un autre accident supprime ; elles vont reprendre leur cours selon une pente nouvelle et se creuser un autre lit à travers la société plus magnifique et plus fertile. […] Tandis que la France, encore tout éperdue des secousses de sa Révolution religieuse et politique, s’occupait d’en développer ou d’en restreindre les conséquences, et, avant d’avoir recouvré son sang-froid, tâchait de faire la part des bienfaits et celle des erreurs ; tandis que, saisie d’une enivrante fièvre de combats, elle se précipitait à travers l’Europe et dépensait son surcroît d’énergie par des victoires, la révolution dans l’art se préparait au dedans, peu comprise, inaperçue ou moquée à l’origine, mais réelle, croissante, irrésistible. […] La mission, l’œuvre de l’art aujourd’hui, c’est vraiment l’épopée humaine ; c’est de traduire sous mille formes, et dans le drame, et dans l’ode, et dans le roman, et dans l’élégie, — oui, même dans l’élégie redevenue solennelle et primitive au milieu de ses propres et personnelles émotions, — c’est de réfléchir et de rayonner sans cesse en mille couleurs le sentiment de l’humanité progressive, de la retrouver telle déjà, dans sa lenteur, au fond des spectacles philosophiques du passé, de l’atteindre et de la suivre à travers les âges, de l’encadrer avec ses passions dans une nature harmonique et animée, de lui donner pour dôme un ciel souverain, vaste, intelligent, où la lumière s’aperçoive toujours dans les intervalles des ombres.
Si les fins seuls ont senti dans les Soirées de Saint-Pétersbourg, à travers la hauteur, la colère, l’imprécation, l’aigle et les foudres enfin, le commencement de ce sourire qui s’étend, s’accomplit et rayonne si longuement dans les Correspondances, ce sourire, à présent, n’est plus mis en doute, et fait dire déjà ou fera dire demain de l’homme terrible, redouté si longtemps, le bon de Maistre, comme on dit le bon Homère, le bon Shakespeare. […] car Joseph de Maistre est certainement le seul homme au monde qui ait fait passer tous les sentiments de la vie, les plus offensés et les plus résistants, à travers la réalité d’un respect qui ne se démentit jamais, quand tout aurait dû, à ce qu’il semble, le faire éclater. […] C’en est un autre de voir l’histoire de ces redoutables temps passer à travers la tête de Joseph de Maistre, et s’y teindre des idées et des couleurs de ce grand esprit éclatant !
Campaux a mis, avec beaucoup de tact, à part de tout, dans l’analyse qu’il fait du génie de son poète, cette fusion divinement humaine du rire et des larmes qui fait tomber des pleurs dans la coupe rose des lèvres souriantes, et passer à travers les épanouissements des rires le cruel fausset des sanglots. […] Après la caractéristique du génie de Villon, si vite aperçue et mise en lumière, après les sources morales cherchées et découvertes à travers l’œuvre d’un porte qui a bu toutes les hontes, comme il le dit de lui-même, et qui a tant de parties grossières, mais où le talent brille encore tout en se déshonorant, vient la tâche plus facile de l’appréciation littéraire de l’œuvre entière de Villon, et M. […] Il ne la vit jamais, même à travers ces grandes lunettes qu’il donna, dans son Testament, aux Quinze-Vingts, — sur ce point-là, Quinze-Vingt lui-même.
Mais on se souvient toujours du dévouement par lequel Fersen vécut, dans un court instant de sa jeunesse, et à travers lequel on le verra toujours, dans l’immortalité de Celle à laquelle il s’était si absolument et si inutilement dévoué ! […] Il allait toujours à travers tout, à travers les bassesses des politiques et des caractères, brassant cette boue, et l’odieux Léopold, le lâche Caïn de sa sœur qui n’eut même pas l’affreux courage de son fratricide, et l’orgueil stupide de Breteuil, et la haine hypocrite de Kaunitz contre la France, et enfin les lenteurs calculées des Brid’oisons de la Diplomatie, qui prirent même Gustave III dans la glu de leur formalisme.
Il fallut recommencer tous les pèlerinages de l’exil, et son chemin de croix à travers les nations. […] Nous n’avons que celles de Mademoiselle de Condé, et c’est probablement heureux pour La Gervaisais, qu’on voit à travers elles, et certainement il est plus beau, d’être vu ainsi. […] La sienne, sa langue, sans aucune couleur, ressemble à une glace sans tain qui serait mise sur le cœur à nu pour qu’on le vît mieux palpiter, à travers le cristal des mots !
… Un homme comme lui devait casser le masque, rompre l’incognito, passer à travers le déguisement, comme un boulet à travers une tapisserie ! […] Victor Hugo avait passé à travers Olympio, comme au travers d’un cerceau, emportant au derrière de son nom les loques de ce pseudonyme mis en pièces ; et le voilà pris, hermétiquement pris, dans Vacquerie !
Mais, dans l’âge primitif, comme c’était à travers la nature, à travers les harmonies de la forme, de la couleur et du mouvement, à travers la vie, en un mot, que l’homme percevait Dieu et l’infini, l’hymne, alors, pour célébrer la nature, cherchait à l’imiter, et ne trouvait point de formes trop riches, trop animées, trop vivantes. […] La pensée humaine s’exprime à travers la poésie, comme la pensée divine à travers la nature, par des symboles. […] La prose nous sert de guide à travers cet ordre de vérités qui aboutit à des pratiques utiles pour la vie physique. […] Placée en face de la nature, c’est l’esprit qu’elle cherche à percevoir à travers la nature elle-même ; c’est l’éternelle substance qu’elle conçoit derrière les phénomènes passagers ; c’est l’admirable harmonie, c’est l’amour qu’elle pressent à travers les déchirements et les catastrophes, à travers les scènes de destruction et de douleur. […] Jamais écrivains d’une même époque, à travers les dissidences et les haines, n’ont marché avec plus de concert à une même conclusion.
Aussi, son théâtre garde-t-il encore pour nous, à travers tant d’années, un vrai charme et un vif intérêt. […] À travers quelques inégalités, quel flot de pure et fraîche poésie dans Moïse et dans Éloa ! […] Pour cela, il faut qu’il gravisse jusqu’à la Tour d’Ivoire, à travers les enchantements et les détours de la forêt magique. […] Le plus gracieux de ces épisodes, semés discrètement à travers le livre, est, sans contredit, l’Histoire de la mère Jary. […] Elles chevauchèrent à travers l’Europe, ces fières conquérantes, portant partout la gloire et le nom de la France.
Voilà les deux doctrines qui circulent à travers les écrits des deux premiers penseurs du siècle, Hegel et Gœthe. […] Chez lui comme chez eux, l’homme spirituel et intérieur se dégage de l’homme extérieur et charnel, démêle le devoir à travers les sollicitations du plaisir, découvre Dieu à travers les apparences de la nature, et, au-delà du monde et des instincts sensibles, aperçoit un monde et un instinct surnaturels. […] » Ôte les écailles de tes yeux, et regarde. « Tu verras que ce sublime univers, dans la moindre de ses provinces, est, à la lettre, la cité étoilée de Dieu ; qu’à travers chaque étoile, à travers vers chaque brin de gazon, surtout à travers chaque âme vivante rayonne la gloire d’un Dieu présent. — Génération après génération, l’humanité prend la forme d’un corps, et, s’élançant de la nuit cimmérienne, apparaît avec une mission du ciel. […] Ainsi, comme une armée d’esprits enflammés, créés par Dieu, nous sortons du vide, nous nous hâtons orageusement à travers la terre, puis nous nous replongeons dans le vide. […] Il a senti comme eux qu’une civilisation, si vaste et si dispersée qu’elle soit à travers le temps et l’espace, forme un tout indivisible.
Elle a fait de Bettina sa favorite ; celle-ci, en entrant, s’assied sur un petit tabouret à ses pieds, entame la conversation à tort et à travers, dérange la gravité des alentours et se permet toute licence, sûre d’être toujours pardonnée. […] Il volait comme une flèche à travers la foule des patineurs ; ses joues étaient rougies par l’air vif, et ses cheveux châtains tout à fait dépoudrés. […] comme alors tu traversais bruyamment les régions de la jeunesse, et comme tu coules maintenant, fleuve tranquille, à travers les prairies ! […] Au reste, la douleur n’a pas le temps de se glisser à travers toutes ces explosions de fantaisie et ces fusées brillantes, et l’on se prend, en la lisant, à répéter avec Goethe lui-même que ce sont là d’aimables illusions : « Car qui pourrait raisonnablement croire à tant d’amour ? […] Tu m’as conduit, à travers un charmant labyrinthe d’opinions philosophiques, historiques et musicales, au temple de Mars, et dans tout et toujours tu conserves ta saine énergie… » Voilà bien le naturaliste contemplateur qui apprécie et réfléchit les impressions d’alentour, mais ne les partage pas.
Ceux qui étaient dans les prisons en décembre 93 et en janvier 94 ont dit et redit souvent, après leur délivrance, quelle impression ils reçurent de l’apparition de ces premiers numéros du Vieux Cordelier : ce fut, six mois avant Thermidor, comme le premier rayon de soleil qui pénétrait à travers les barreaux. […] Il était un peu étrange qu’un écrivain qui prétendait s’adresser avant tout au peuple parlât ainsi latin à tort et à travers, et lâchât à tout moment des allusions qui ne pouvaient être entendues que de ceux qui avaient fait leurs classes. […] Peut-on avoir le courage, à travers un tel pamphlet, de remarquer un certain mouvement de talent, quelque chose de vif, de rapide, de cursif, et de propre à enlever alors ceux qui ne réfléchissaient pas ? […] Il lui faut repasser à travers le sang ; non seulement célébrer les Marat, les Billaud-Varenne, mais saluer à plusieurs reprises la guillotine du 21 janvier, et s’écrier d’un ton de héros : « J’ai été révolutionnaire avant vous tous ; j’ai été plus : j’étais un brigand, et je m’en fais gloire. » Pour que toutes ces choses aient été un jour raisonnables et bonnes à dire, pour qu’elles aient paru marquer un signal de retour, combien il faut que l’égarement et le délire aient été grands ! […] Il ne nous reste plus qu’à la descendre à travers mille précipices, inévitables même pour l’homme le plus obscur.
Cette nature vive, fraîche et sensible de l’auteur des Souvenirs, se peignait à mes yeux à travers ces récits plus ou moins semés de jolis mots et sur lesquels courait sa plume facile. […] Ainsi elle nous est venue, une de ces natures actives et utiles à la société qu’elles décorent, gardant de l’entraînement malgré l’expérience et l’impulsion native à travers la finesse acquise ; talent sympathique et éclatant, toujours dévoué aux infortunes comme aux agréments d’autrui et prodigue de lui-même.
Dégager perpétuellement le grand à travers le vrai, le vrai à travers le grand, tel est donc, selon l’auteur de ce drame, et en maintenant, du reste, toutes les autres idées qu’il a pu développer ailleurs sur ces matières, tel est le but du poète au théâtre.
Un à un, sous les yeux de l’aîné, les deux derniers languissent et défaillent : agonie silencieuse et lente dans l’obscurité humide où perce à travers une crevasse un rayon de lumière malade. […] Il prend cette main froide, et là, devant le corps demeuré inerte, ses sens se bouchent, sa pensée s’arrête, il est comme un homme qui se noie, qui, après avoir traversé l’angoisse, se laisse enfoncer aussi fixe qu’une pierre, et qui ne sent plus son être que par un roidissement universel d’horreur. — En voici un autre, lié nu et lancé à travers le steppe sur un cheval sauvage. […] A de certains instants, pour nous, ces draperies, ces marbres, tout cet appareil vacille ; ce ne sont plus que de beaux fantômes, ils se dissipent en fumée, et nous découvrons à travers eux et derrière eux l’impalpable idéal qui a dressé ces piliers, illuminé ces voûtes, et plané pendant des siècles sur la multitude agenouillée. […] Enfermé invinciblement en lui-même, il n’a pu voir que lui-même ; s’il fait venir d’autres êtres, c’est pour qu’ils lui donnent la réponse, et à travers cette épopée prétendue il a persisté dans son monologue éternel. […] Qui enfin ne se trouvera ennobli en découvrant que ce faisceau de lois aboutit à un ordre de formes, que la matière a pour terme la pensée, que la nature s’achève par la raison, et que cet idéal auquel se suspendent, à travers tant d’erreurs, toutes les aspirations de l’homme, est aussi la fin à laquelle concourent, à travers tant d’obstacles, toutes les forces de l’univers ?
Le printemps prit tout de suite la place de l’hiver ; l’été se réveillait un mois plus tôt et prolongeait sa veillée à travers un délicat d’automne. […] Le premier livre, Histoires de France, synthétise l’émotion cérébrale du poète à travers le temps. […] L’unité de Chantefable un peu naïve réside dans la poursuite de cet Ineffable à travers une multitude d’aspirations naissantes. […] C’est donc l’éveil à la vie et aux désirs, l’aspiration vers l’être à travers les perceptions d’abord confuses, à travers le tumulte des rêves et de l’amour. […] Sa raison d’être est d’atteindre la Beauté à travers la Vie, c’est-à-dire à travers le concret.
Il démêle la nature de l’objet à travers la nuée des circonstances qui l’obscurcissent et la multitude des détails qui l’enveloppent. […] Décolorés et sans substance, ils laisseront briller à travers eux l’idée générale qu’ils renferment ; plus ils seront vides, plus ils seront transparents. […] A travers tant d’expressions changeantes, il a saisi l’expression dominante, il a rassemblé les pensées diverses, pour en conclure la pensée unique, et il a deviné l’âme à travers le corps. […] »211 Vienne l’occasion, et l’ambition, nourrie par toute la véhémence et toute la ténacité de cette imagination exaltée, se tournera en démence, et l’homme, poussé de crime en crime par un destin intérieur, hors de soi, les yeux fixés vers ses visions funèbres, marchera, à travers les meurtres, vers sa ruine inévitable.
Et cette Poésie demeure, grande, nécessaire, digne à travers tous les temps de l’admiration profonde de tous, car ses poètes firent leur devoir : devoir le seul à des époques de sensation ; de foi et de non-savoir seuls — et ne disaient-ils dès lors en le vers seul logique et, lorsque sa loi sue permet de le délivrer de monotonie, seul magnifique, l’alexandrin. […] Charles Morice qui par les rares vers donnés et à travers des articles critiques, paraît là primer. […] Cette connaissance se fera à travers la sensation, l’instinct, la pensée… Désormais pouvait s’écrire en sûreté le principe de ma « Philosophie évolutive. » Le voici : « Et si, se plus et plus dénaturant du cercle dont elle est l’équivalente transformation, se développe une ellipse : plus et plus, va à équivaloir en droite l’elliptique périphérie. […] Ces valeurs multipliées faisant les mesures pleines et eurythmiques, et additionnées les dissonnantes : et, tandis que selon que le demande la pensée ces mesures vont à travers la phrase, le retour de la cadence malgré tout demeurante, de l’alexandrin, donne une mesure comme d’accompagnement.
Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire. […] Il en a l’éclair et l’éclat de ce grand rire gouailleur qui descend un homme du troisième ciel avec une épithète et lui passe la flèche du ridicule à travers le corps. — Rabelais n’est pas seulement un caricaturiste de premier ordre, comme j’ai appelé Carlyle au commencement de ce chapitre.
Il a passé à travers, comme on passe à travers un plafond qu’on crève, pour, aller tomber· dans les sous-sols du pamphlet. […] Et ceci est principalement frappant et choquant pour le premier de tous par une moralité supérieure, pour ce comte de Maistre dont la vertu égala le génie, cet homme de diamant qu’on n’ébrèche pas, mais contre lequel on peut s’ébrécher… C’est, en effet, surtout en parlant de ce grand de Maistre, qui s’est élevé, avec la lenteur de toute vraie gloire, à travers tant de cris imbéciles ou frénétiques, car les sots ont leurs frénésies, dans la tranquille majesté d’une renommée incontestée à présent et comme on n’en compte pas une seconde au xixe siècle, que Pelletan s’est le plus montré ce que je lui reproche d’être maintenant : l’homme du journalisme et des partis.
Elle est taillée, elle, mais mince et lumineuse comme la vitre à travers laquelle vous regardez les étagères d’un Muséum, et il faut bien le dire, depuis Fontenelle, — ce léger dans la consistance, comme M. […] Flourens et Fontenelle, un rapport qui saute aux yeux, malgré et à travers toutes les différences de philosophie, de sentiment et de destinée, qui existent entre le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences du dix-huitième siècle et le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences d’aujourd’hui, et ce rapport, c’est l’incomparable diaphanéité de leur Exposition à tous deux. […] Puis, après ces Notices, voici une Histoire de la circulation du sang, à travers laquelle le lecteur et même la lectrice verront circuler le leur dans leurs veines.
Soury, désespéré, sans doute, de voir ses autres travaux restés obscurs, a voulu percer son trou à travers le même sujet que M. […] Il a ramassé dans les livres des médecins modernes qui s’occupent de folie, une nosographie dont il outrage, à travers les siècles, Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme s’il l’avait connu, pratiqué, ausculté dans son humanité pendant son passage ici-bas. […] Soury, lorsqu’il nous fit l’histoire de Madame Louise de France, la fille de Louis XV, — cette rachitique qui ne l’était pas, — et dont il expliquait, quoiqu’elle fût une adorable femme d’esprit, la sainteté et la bêtise — deux faits, selon lui, congénères, — par le charriage d’un sang immonde et vicié à travers les plus pures veines qui aient jamais étendu leur réseau autour d’un corps virginal… Il procédait par les pustules chimériques de la religieuse Louise de France, pour arriver à la chimérique folie de son divin Maître.
— qui parle à travers toutes ces marionnettes de carton. […] Faire d’un grand seigneur un enfant volé qu’on a mutilé, et du bateleur mutilé un pair d’Angleterre, qui laisse là la pairie pour retourner à sa boite roulante de bateleur, telle est cette action, qui sautille, commune et capricante, par-dessus les dissertations et à travers toutes les impossibilités d’un conte de fée sans fée ; car on sait où l’on est dans la Belle au bois dormant de Perrault : on sait qu’on est dans le monde surnaturel de la féerie ; mais, dans l’Homme qui rit, on ne sait plus où l’on se trouve. […] Mais quand, en Angleterre, au commencement du xviiie siècle, ce temps que nous touchons presque avec la main, il n’y a pas dans le palais d’un pair tout-puissant un seul domestique qui vienne quand il sonne comme un enragé, quand il se perd à travers les labyrinthes des salles et des salons de son palais absolument vide et où tout le monde doit dormir sans doute encore plus fort que dans la Belle au bois dormant, et que cette longue course à travers ces salles, comme à travers une lande ou une forêt, est inventée seulement pour nous ménager la surprise, au bout, de la baignoire et de la nudité de la duchesse Josiane, voilà qui doit détruire tout intérêt — même le grossier qu’on voudrait faire naître ! […] ce crime incomparable dans les annales du monde, parce qu’il tua à travers un homme le principe qui fait vivre les nations, — le principe d’autorité ! […] Elle n’est pas même, cette mère-là, là Juive errante de la maternité ; car elle pourrait être intelligente alors et éloquente, puisqu’elle serait dans l’humanité, et elle n’y est pas… On la voit donc courir, hagarde, imbécille, folle et enragée, çà et là à travers quelques pages ; car elle ne peut pas en remplir davantage, dans l’économie du roman, de sa personnalité raccourcie et brute, et, comme Hugo n’a pas craint de le dire : de sa divine animalité !
» On voit leurs yeux ardents fixés sur la lettre, sur Séjan qui sue et pâlit ; leurs pensées courent à travers toutes les conjectures, et les paroles de la lettre tombent une à une dans un silence de mort, saisies au vol avec une énergie d’attention dévorante. […] Je crierai que tu es une catin à travers les rues. […] Il a mis à la porte son valet, dont les souliers neufs faisaient du bruit ; le nouveau valet, Mute, porte des pantoufles à semelles de laine, et ne parle qu’en chuchotant à travers un tube. […] Il s’y joue à travers le réel et au-delà du réel, avec des personnages qui ne sont que des masques de théâtre, avec des abstractions changées en personnes, avec des bouffonneries, des décorations, des danses, de la musique, avec de jolis et riants caprices d’imagination pittoresque et sentimentale. […] C’est une comédie lyrique, et si on n’y trouve point la légèreté aérienne d’Aristophane, du moins on y rencontre, comme dans les Oiseaux et dans les Grenouilles, les contrastes et les mélanges de l’invention poétique, qui, à travers la caricature et l’ode, à travers le réel et l’impossible, le présent et le passé, lancée aux quatre coins du monde, assemble en un instant toutes les disparates, et fourrage dans toutes les fleurs.
Ils erraient sur la terre inculte, à travers les ombres et les écroulements du Chaos, comme dans le brouillard d’un songe terrifiant. […] Echappé des enfers, il me chasse affamée, à travers les sables marins ! […] Il guide les passants à travers les bifurcations des ronds-points et les réseaux des sentiers. […] Pour les Pères de l’Église, Prométhée, invoquant un rédempteur éloigné, avait entrevu Jésus crucifié, et il l’avait salué d’un gibet à l’autre, à travers les siècles. […] Il passe, comme un dieu de l’Inde, à travers un monde de métamorphoses douloureuses.
Ils se disent à eux-mêmes : Voilà quelqu’un qui n’a pas les mêmes objets que nous en vue dans ses sorties à travers nos rues et nos places publiques ; voilà un étranger à nos intérêts d’ici-bas, voilà le feu sacré qui passe et qui nous coudoie sans nous voir. […] Cette route est serpentante comme la couleuvre d’eau bleue qui se glisse à vos pieds à travers les prairies étroites et les petits caps de rocher qui servent de lit à la rivière. […] XXII On est saisi tout à coup d’une certaine terreur inattendue en se voyant si près de ces cimes du haut Jura ; elles semblent former devant vous un rempart confus de hauteurs inaccessibles, à travers lesquelles il faut s’engager, sans apercevoir par quelle brèche ou par quelle poterne on pourra les aborder et les franchir. […] Sur la route, au-dessus de la chaussée, les filets d’eau, gouttières des neiges, suintent à travers les gros blocs de roche, remparts cyclopéens de ces métairies. […] C’est un même nom : ceux qui aiment ; ceux qui aiment sans intérêt ce qui mérite le plus d’être aimé ici-bas, le bien, le beau, la vertu, le génie, le rayon divin transperçant à travers toutes choses humaines, âme ou marbre !
L’Égypte, à travers une sorte de fétichisme apparent, put avoir de bonne heure des dogmes métaphysiques et un symbolisme relevé. […] Les éléments qui, dans la religion d’un chrétien, viennent, à travers mille transformations, d’Égypte et de Syrie sont des formes extérieures sans beaucoup de conséquence, ou des scories telles que les cultes les plus épurés en retiennent toujours. […] À travers de nombreuses défaillances, Israël soutint admirablement cette vocation.
Il n’apercevait pas à l’horizon l’immense Prométhée couché, comme une montagne sur une montagne, sur des sommets entourés de tempêtes, car les dieux avaient rendu Prométhée invisible ; mais à travers les branchages des vieux chênes les gémissements du colosse arrivaient jusqu’à lui, passant ; et il entendait par intervalles le monstrueux vautour essuyer son bec d’airain aux granits sonores du mont Othrys. Par moments, un grondement de tonnerre sortait du mont Olympe, et dans ces instants-là le voyageur épouvanté voyait se soulever au nord, dans les déchirures des monts Cambuniens, la tête difforme du géant Hadés, dieu des ténèbres intérieures ; à l’orient, au-delà du mont Ossa, il entendait mugir Céto, la femme baleine ; et à l’occident, par-dessus le mont Callidrome, à travers la mer des Alcyons, un vent lointain, venu de la Sicile, lui apportait l’aboiement vivant et terrible du gouffre Scylla. […] Comme dans toute œuvre, si sombre qu’elle soit, il faut un rayon de lumière, c’est-à-dire un rayon d’amour, il pensa encore que ce n’était point assez de crayonner le contraste des pères et des enfants, la lutte des burgraves et de l’empereur, la rencontre de la fatalité et de la Providence ; qu’il fallait peindre aussi et surtout deux cœurs qui s’aiment ; et qu’un couple chaste et dévoué, pur et touchant, placé au centre de l’œuvre, et rayonnant à travers le drame entier, devrait être l’âme de toute cette action.
Merlin est un pèlerin qui se promène à travers le monde, comme Ulysse, Pantagruel, Childe-Harold, Don Juan, le Cosmopolite ; mais par cela même qu’il est un enchanteur, le grand intérêt humain, profond et varié des célèbres pèlerins d’Homère, de Rabelais, de Byron, de Goldsmith, ne peut pas exister pour le pèlerin de M. […] Edgar Quinet, vous l’avez vu déjà, le fait promener à travers le monde, comme Ulysse, Childe-Harold, Don Juan, Don Quichotte, le Cosmopolite, et même son propre Ahasverus. Non content de cette promenade à travers le monde, il le fait promener même en dehors de ce monde, comme le Dante, et de cette promenade éternelle, le but est de nous dérouler toute l’histoire, légendaire et poétique, du passé comme de l’avenir, car l’enchanteur Merlin, qui entre aux limbes, comme il entre partout, par la vertu de sa petite baguette de coudrier, n’a pas beaucoup de peine ni de mérite à nous prophétiser ce qui est de l’avenir pour lui, du temps du roi Arthur, et ce qui est du passé pour nous, Charlemagne, Hugues Capet, la Saint-Barthélemy, Louis XIV, la Révolution française, la tête coupée de Louis XVI, Robespierre et Napoléon.
La lumière et les ténèbres se jouent à travers toutes ces grotesques horreurs. […] Ces deux monstres roulent à travers l’air ténébreux. […] On voit que Pinelli était de la race des artistes qui se promènent à travers la nature matérielle pour qu’elle vienne en aide à la paresse de leur esprit, toujours prêts à saisir leurs pinceaux.
Ils se promènent à travers l’ouragan, sur la mer déchaînée. […] Comment une même conception des choses court-elle et se modifie-t-elle à travers des génies différents ? […] Du nord au sud et à l’orient, de grandioses illusions figées émigraient à travers les siècles. […] Le poète bondit à travers l’existence, sa torche guerrière à la main. […] Il se cherche à travers sa double activité intellectuelle ou sentimentale.
À travers la Correspondance, on entrevoit ces motifs. […] Ayant posé le personnage comme il l’avait posé, il devait ou bien « fausser son bonhomme », pour employer un de ses mots favoris, ou bien se confesser à travers lui, comme Benjamin Constant s’est confessé à travers Adolphe, Musset à travers Octave, Sainte-Beuve à travers Amaury. […] à travers les doigts de la main de l’homme, également partout… » Cette page est de 1863. […] Ce Gautier est tout pareil à celui de 1850, qui cause à travers les indiscrétions des Goncourt. […] C’est à même le peuple, à travers les affres de la plus lamentable misère, que pousse le fragile enfant.
Le lendemain jeudi, au Carrousel, Farcy avait été frappé d’une balle à son côté ; et c’est chez lui que le corps du généreux jeune homme avait été ramené à travers les mille difficultés du moment. […] Hachette, conduisant le convoi sanglant, chapeau bas, à travers le respect universel, était arrivé à la maison de M. […] Dès ce temps et à travers les diversions commandées par la nécessité, il avait repris la suite de ses études médicales. […] Ce livre allemand, traduit en français et tamisé à travers notre langue, à travers l’esprit exact et ferme du traducteur, a paru, même au-delà du Rhin, plus clair que l’original. […] On ne voit pas assez ce qui fuit et ce qui s’échappe à travers les mailles du filet.
Il en a des remords cuisants dans le cœur, et il pleure quand il entend un écho provençal à travers les oliviers de son hameau. […] Ces vers sont mâles comme le latin, femelles comme l’italien, transparents pour le français, comme des mots de famille qui se reconnaissent à travers quelque différence d’accent. […] Cette ballade finit le troisième chant ; elle vous laisse dans le cœur et dans l’oreille un écho de musette prolongé à travers les myrtes de la Calabre. […] Enfin l’amoureux propose à Mireille de le suivre au pays de la Camargue, où l’on entend la mer à travers les rameaux sonores des pins. […] Le récit de leurs douces entrevues et de leurs chastes entretiens à travers le buisson, au clair de la lune, dépasse en naïveté et en fraîcheur tout ce que vous avez lu de Daphnis et de Chloé auprès de la fontaine.
Cette rivière, qui participe du fleuve et du torrent par sa largeur, par sa limpidité et par sa course effarée à travers les rochers, coule sur un lit de cailloux de toutes couleurs. […] Elle s’enfonce et disparaît en petites cascades dans les cavités invisibles de son lit, puis elle reparaît en nappe scintillante où tremblent les rayons brisés du soleil à travers les larges feuilles des aunes. […] La route ensuite se poursuit à travers le Bugey montagneux, pays très aride et très pittoresque, qui rappelle les paysages de Calabre peints par Salvator Rosa. […] Un des pères jésuites, professeur de belles-lettres, d’une santé délicate aussi, fut chargé par ses supérieurs de me conduire deux ou trois fois par semaine dans ces lointaines excursions à travers les montagnes du Bugey. […] Il regardait ton front de honte coloré, Et l’eau que le bouquet de tamarisque étanche Ruisselait de sa lèvre et de sa barbe blanche, Comme à travers les joncs s’égoutte l’eau d’un pré.
Moi, je leur veux passer à travers ou dessus le ventre. […] Mme de Grammont ne jette que de rapides diversions et n’obtient que de charmants éclairs à travers ces préoccupations nombreuses : « Je suis sur le point de vous recouvrer un cheval qui va l’entrepas, le plus beau que vous vîtes et le meilleur, force panache d’aigrette. […] Je sais ce qu’on doit à Pline et à ce dieu révéré du Clitumme, avec ce petit temple de marbre blanc et ces chapelles d’alentour que l’on voyait étinceler à travers les bouquets de verdure, — fond de paysage du Poussin ; — mais y a-t-il rien d’aussi doux et d’aussi pénétrant au cœur que ce pays tout naturel, cette petite Hollande et cette Venise sans nom, cette humble marine bocagère, où il fait si bon chanter, où l’on se peut réjouir avec ce qu’on aime, et plaindre une absence ? […] Henri n’était pas inconstant, en effet, par débauche d’imagination ni par caprice raffiné ; il l’était tout simplement à la gauloise, par promptitude des sens et selon l’occasion ; mais il avait besoin à travers tout d’une fidélité et d’une habitude au logis, d’être père et d’en jouir, de s’ébattre autour d’un berceau ou sur un tapis avec des enfants.
Diffusion de l’esprit philosophique La diffusion des doctrines philosophiques à travers la société française se fait avec une prodigieuse puissance. […] Une fraîcheur réelle de sentiment s’épanouit à travers toutes les niaiseries de ce rococo. […] Un franc comique jaillissait de l’action lestement menée à travers les situations comiques ou bouffonnes que le sujet contenait, des quiproquos, des travestis, de tous ces boni vieux moyens de faire rire, qui semblaient tout neufs et tout-puissants. […] Le comte Almaviva met la justice au service de ses caprices amoureux : à travers son grand air, sa dignité de façade, on l’aperçoit immoral et berné.
C’est un Voyage, non plus à travers ses ennemis, mais à travers sa vie et ses livres. Comme ce titre pouvait s’appliquer à tous les ouvrages de l’auteur, qui n’a fait que voyager à travers les livres toute sa vie, et qui, même, sans les livres d’autrui, n’en aurait pas probablement écrit un seul, il s’est cru obligé, pour être clair et précis, de donner un sous-titre à son titre, et il a appelé son livre L’Angleterre politique, — ce qui aurait parfaitement suffi, puisqu’il ne s’agit dans ce volume que de l’Angleterre et de quelques écrivains anglais. […] Le critique en voyage à travers les littératures emporte autre chose que Sterne lui-même, qui n’emportait, quand il partit pour la France, que trois chemises, une culotte de soie noire et la résolution de partout sentimentaliser… Le critique, lui, doit avoir un paquet d’idées faites en vertu desquelles il va juger les choses et les hommes, et il ne va pas se les faire, ces idées, en voyage.
C’est lui qu’ils atteignent, et eux à travers lui. […] Mais à travers quoi ? À travers un élément qui demeure purement individuel, s’il n’est éclairé d’ailleurs. […] Il lui est loisible, quand il en sort, de continuer ses études à travers son métier. […] Et, continuant notre voyage à travers l’Europe, que rencontrons-nous en Italie ?
Il y a même dans ce volume quelques cris trop déchirants pour être confiés à l’art et qui font mal à entendre ; mais l’auteur qui, tout en les laissant échapper par moments, sait qu’il ne faut pas tout dire, et qu’il y a la pudeur de la muse et celle de la femme, a d’ordinaire exhalé ses émotions et ses larmes par un détour et à travers un léger voile qui les laisse arriver sincères encore, mais non pas trop amères ni dévorantes. […] C’est ainsi (autant que je l’imagine), que sa propre douleur trop morne et trop tristement monotone s’est transformée et colorée comme à travers un prisme en une variété de douleurs poétiques passionnées et touchantes.
Ceci répondait à l’une de ses préoccupations constantes depuis quelques années, et à une objection ouverte ou sous-entendue qu’il rencontrait sans cesse à travers sa route. […] Il ruminait (à travers toutes les dissemblances) le fier et amer souvenir du connétable de Bourbon. […] Le Suisse a cela de propre et de particulier de rester le même et de son pays à travers toutes les pérégrinations et les nationalités passagères. […] Il était resté le même à travers toutes les vicissitudes, les ingratitudes des partis qui, en dernier lieu, l’avaient réduit à l’expatriation et à l’exil, — inflexible et immuable sous ses cheveux blancs. […] Le correspondant de Jomini veut parler, sans doute, de la campagne d’Ulm en 1805, et du mouvement de Ney sur la rive gauche du Danube, maintenu malgré l’intervention de Murat et à travers l’hésitation même de Ney, qui fut un moment ébranlé.
Telle forme vivante, que nous observons aujourd’hui, se rencontrait dès les temps les plus reculés de l’ère paléozoïque ; elle a persisté, immuable, à travers les âges ; il n’était donc pas impossible à la vie de s’arrêter à une forme définitive. […] pourquoi — si elle n’est pas entraînée par un élan, à travers des risques de plus en plus forts, vers une efficacité de Plus en plus haute ? […] Chez l’homme seulement, chez les meilleurs d’entre nous surtout, le mouvement vital se poursuit sans obstacle, lançant à travers cette œuvre d’art qu’est le corps humain, et qu’il a créée au passage, le courant indéfiniment créateur de la vie morale. […] En lutte avec elles-mêmes et en guerre les unes avec les autres, elles cherchent visiblement, par le frottement et par le choc, à arrondir des angles, à user des antagonismes, à éliminer des contradictions, à faire que les volontés individuelles s’insèrent sans se déformer dans la volonté sociale et que les diverses sociétés entrent à leur tour, sans perdre leur originalité ni leur indépendance, dans une société plus vaste : spectacle inquiétant et rassurant, qu’on ne peut contempler sans se dire qu’ici encore, à travers des obstacles sans nombre, la vie travaille à individuer et à intégrer pour obtenir la quantité la plus grande, la variété la plus riche, les qualités les plus hautes d’invention et d’effort. Si maintenant nous abandonnons cette dernière ligne de faits pour revenir à la précédente, si nous tenons compte de ce que l’activité mentale de l’homme déborde son activité cérébrale, de ce que le cerveau emmagasine des habitudes motrices mais non pas des souvenirs, de ce que les autres fonctions de la pensée sont encore plus indépendantes du cerveau que la mémoire, de ce que la conservation et même l’intensification de la personnalité sont dès lors possibles et même probables après la désintégration du corps, ne soupçonnerons-nous pas que, dans son passage à travers la matière qu’elle trouve ici-bas, la conscience se trempe comme de l’acier et se prépare à une action plus efficace, pour une vie plus intense ?
Parce que les premières années de sa vie chrétienne avaient eu pour lui trop de douceur, il est demeuré religieux à travers les négociations de son exégèse. […] Mais à travers son destin il a vu le destin de beaucoup d’existences contemporaines, — et cela seul donne à ce romantique torturé une place de grand psychologue. […] Malgré vos grands yeux de sphinx, vous avez vu le monde à travers une couleur d’or. […] pas même un flot, mais un des imperceptibles atomes de la poussière d’écume que le vent disperse à travers le vide infini ! […] Tous ceux qui ont suivi le développement de ses théories à travers ses livres l’auraient prévue.
C’est la preuve saisissante qu’à travers toutes leurs erreurs, nos aïeux observaient une grande vérité vitale et que nous la méconnaissons. […] Conçu dans l’anxiété civique, il continue de représenter ce sentiment à travers les différences de siècles et de patries. […] Sa vigoureuse énergie créatrice se manifeste même à travers les inexpériences et les insuffisances. […] Nous remarquerons ensuite qu’à travers les pires orages de leur liaison ils n’ont guère cessé d’écrire. […] Ce journal témoigne combien l’auteur de l’Ensorcelée est demeuré le même à travers une si longue suite de jours.
Les phrases ont une allure aisée, légère, dégagée, qui porte le lecteur paisiblement et insensiblement, sans heurt, sans secousse, sans chute, à travers les pensées de l’auteur ; elles se déroulent aux yeux dans une pure lumière, sans brume ni fumée qui déforme ou offusque les objets. […] Les phrases longues peuvent être parfaitement nettes, et il n’est pas besoin d’écrire d’un style haché, ni d’éviter les qui et les que : mais il faut ménager la peine de son lecteur, lui offrir, comme disait Pascal, des reposoirs, pratiquer des jours, et ne pas l’essouffler à travers d’interminables périodes, inégales, tortueuses et mal éclairées.
Fort a pris à travers champs ; sa cueillette est brutale parfois, car il a pris la fleur avec la racine ; il s’est ordonné un bouquet spécieux d’un arôme rustique, où le franc parfum d’une herbe se mêle à l’odeur d’imprimé que dégage le papier dont il protège les tiges. — M. […] Il y a là, il faut le dire, une abondance singulière et une vitalité puissante, toute la plantureuse confusion d’un esprit qui se cherche et s’exerce dans tous les sens, à travers les zigzags de toutes ses fantaisies, obéissant à des poussées disparates, à des intuitions subites, aux soubresauts d’une verve capricieuse, à tout ce que l’instant fait passer d’émotions, d’images et de rythmes en une âme extraordinairement vibrante et attentive, prompte à les saisir au passage et à en fixer la nuance, la forme ou le mouvement.
Mais est-ce notre faute si la formule célèbre : « un coin de nature vu à travers un tempérament », se transforme à l’égard de Zola, en « un coin de nature vu à travers un sensorium morbide », et si nous avons le devoir de porter la hache dans ses œuvres ?
C’est ce mouvement qui se continue, en se modifiant, à travers les jeunes. […] On s’épuise à en poursuivre l’ombre à travers des aventures banales. […] C’est la même manière de mettre en œuvre les notes recueillies à travers les manuels et les ouvrages spéciaux. […] À travers tant de raffinements et de bizarreries, la sensation cherchée lui échappe. […] On va, demi inconscient, à travers un rêve.
Mme Valmore, en avançant, aura, par accès peut-être, des cris plus déchirants, des éclairs plus perçants et plus aigus, comme aux approches de l’ombre ; mais ici ce sont de doux éclairs du matin, de jolis rayons d’avril, les lilas aimés, le réséda dans sa senteur, et déjà s’exhalent pourtant, à travers des gémissements tout mélodieux ces beaux élans de passion désolée oui la mettent tant au-dessus et à part des autres femmes, de celles même qui ont osé chanter le mystère. […] Tu attelais à ton char, pour coursiers, tes moineaux rapides, et ils descendaient en agitant coup sur coup leurs ailes noires à travers l’air immense. […] » C’est miracle qu’elle puisse étudier à travers une vie si tiraillée, si morcelée. […] » C’était un mouvement passager de haine, et j’ai passé à travers avec un grand serrement de cœur. […] Mme Valmore ne peut s’empêcher d’y applaudir ; elle ne se raisonne pas, elle suit son élan ; elle a l’âme populaire ; elle était pour les souffrants, pour les opprimés et les mitraillés à Lyon, en 1834 ; elle était de tout temps pour les condamnés politiques, sans distinction de parti, que ce fût M. de Peyronnet ou Raspail, pour tous ceux dont elle entendait la plainte à travers les barreaux ; elle est pour eux encore le jour où elle se figure que le peuple triomphe et se délivre ; elle a son hymne du lendemain : « (1er mars 1848)… L’orage était trop sublime pour avoir peur ; nous ne pensions plus à nous, haletants devant ce peuple qui se faisait tuer pour nous.
Suivre les phases diverses de la chaire à travers la Ligue, c’est comme qui dirait écrire l’histoire des clubs ou des journaux pendant la Révolution française, c’est à chaque moment tâter le pouls à cette révolution le long de sa plus brûlante artère. […] Les vues neuves et perspicaces, les choses bien saisies et bien dites, abondent et viennent égayer le courant du détail à travers la juste direction de l’ensemble. […] Tout atteste que l’action de l’heureux pamphlet fut immense sur l’opinion à travers la France encore soulevée. […] Patin ; puis, bientôt, par des articles approfondis sur des auteurs de son choix, il dégagea sa propre originalité, il la porta dans ces sujets anciens, en combinant, autant qu’il était possible à cette distance, la biographie et la critique, en poussant l’une en mille sens à travers l’autre. […] Et que n’eût-il pas fait en peu d’années à travers ce fonds, toujours renaissant, que n’en eût-il pas tiré avec son talent dispos, sa facilité d’excursion et son abondance d’aperçus ?
Ne lui parlons pas, son regard seul pourrait nous frapper, si ses yeux avaient des balles comme son tromblon ; fais-lui jeter son morceau de pain de loin, à travers la double grille, par la main du piccinino, et, les autres jours, ne te risque jamais à entrer dans sa loge, sans avoir la gueule des fusils des sbires de la porte derrière toi. […] Je m’approchai donc avec plus de confiance de la sombre lucarne, assombrie encore par le noir pilier, et je jetai un regard furtif à travers les barreaux de fer du premier grillage ; je ne vis que deux yeux fixes qui me regardaient du fond du cachot, tout au fond de la nuit régnant derrière la seconde grille. […] Nous les entrecroisâmes aussi serrés et aussi forts que les nœuds de son grillage de fer, et nous nous mîmes à pleurer sans rien dire, en nous regardant à travers nos larmes, comme ces âmes du purgatoire qui se regardent à travers les limbes d’une flamme à l’autre, dans les images, le long du chemin. […] Quand nous eûmes ainsi longtemps parlé bouche à bouche, cœur à cœur, à travers les froides grilles du cachot, trois coups de marteau de l’horloge de la cour, résonnant comme un tremblement de l’air, sous les souterrains, nous apprit que trois heures s’étaient écoulées dans une minute et qu’il était temps de nous arracher l’un à l’autre, si nous ne voulions pas être surpris par le retour du bargello. […] que nous nous dîmes de douces paroles alors, à travers les barreaux, ma mère !
Ainsi, pour exprimer le galop, fougueux, et les délices de cette course effrénée ; éperdue, au sein des fleuves, à travers ; les forêts — (c’est le Centaure vieilli qui parle et qui est censé raconter les plus chères sensations de sa jeunesse à un homme venu dans sa caverne pour l’interroger) : « L’usage de ma jeunesse, dit-il, fut rapide, et rempli d’agitation. […] Rien de plus monotone que sa vie ; elle a perdu sa mère depuis bien des années ; elle habite avec son père au château du Cayla ; elle a une autre sœur plus jeune qu’elle, Marie ou Mimi ; elle a un frère Éran ou Érembert, aimable et assez dissipé ; mais le frère chéri, le frère unique, celui de qui elle dirait volontiers ce que cette reine de Hongrie, la digne sœur de Charles-Quint, disait du grand Empereur, son frère : « Il est mon tout en ce monde après Dieu », c’est Maurice, le génie tendre et sans défense, qu’elle considère comme aventuré à travers tous les écueils de la vie et du monde. […] Jamais je n’ai vu de plus bel effet de lumière sur le papier, à travers des arbres en peinture. […] Il faut l’entendre dans ses cris et ses vœux de chrétienne alarmée, lorsqu’elle le voit égaré, dévoyé, selon elle, emporté vers un art d’une application funeste, souffrant de la poitrine avec cela, et, à travers les distractions mondaines, déjà atteint du mal mortel : « Ô frères, frères, nous vous aimons tant !
Il a son nœud et son organe à travers lequel tout ce qui passe se transforme et qui, en renvoyant, combine et crée ; mais le poète ne crée qu’avec ce qu’il reçoit. […] C’est que Cromwell n’était pas, ne fut d’abord ni jamais ce que nous sommes habitués à le voir à travers Bossuet et d’après nos pensées de réaction monarchique, que nous gardons pour les autres, lors même que nous les avons secouées pour nous. […] Le poète compare Cromwell encore modeste, selon lui, et fier seulement d’obéir à la République et aux Communes, au généreux oiseau de proie, docile au chasseur, et qui n’ensanglante les airs que pour lui : « Ainsi, quand le faucon s’abat pesamment des hauteurs du ciel, une fois sa proie mise à mort, il ne pense plus qu’à percher sur la branche verte voisine où, au premier appel, le fauconnier est sûr de le trouver. » Ainsi la République est sûre de son Cromwell. — Rapprochez cette ode du généreux et fervent sonnet que Milton adressait à Cromwell vers le même temps : « Cromwell, notre chef d’hommes, qui, à travers un nuage non seulement de guerre, mais de détractions violentes et de calomnies, guidé par la foi et par une fortitude incomparable, as enfoncé ton glorieux sillon vers la paix et la vérité ! […] Il persista et il vint à bout de son projet ; il apprit presque tout ainsi de lui-même, allant à son gré à travers les auteurs, se faisant tout seul sa grammaire, et son plaisir était de traduire en vers les plus beaux passages qu’il rencontrait chez les poètes grecs ou latins.
Le 11 de ce mois est mort, à l’âge de quatre-vingt-trois ans accomplis, un vieillard aimable, spirituel, qui recouvrait, sous les formes d’une politesse exquise et d’une parfaite urbanité mondaine, un caractère ferme, des opinions nettes et constantes, bien de la philosophie pratique ; un sage et un heureux qui avait conservé à travers les habitudes du critique, et avec un esprit volontiers piquant, un cœur bienveillant et chaud, une extrême délicatesse dans l’amitié. […] Pendant toute sa vie, il n’a vu le monde qu’à travers le nuage de ses préjugés ; à vingt ans, il ne goûtait pas les romans à grands sentiments ; à cinquante, il n’a composé que des romans à grands sentiments… Et si Geoffroy ne le dit pas, il nous aide à conclure que la politique de Rousseau n’était elle-même qu’un roman de ce genre. […] Il sentait surtout certaines beautés mâles des anciens, du Sophocle, du Démosthène ; et quelquefois, à la fin d’un dîner, se mettant à parler de ces dieux de sa jeunesse, il trouvait je ne sais quels accents émus qui se faisaient jour à travers la gourmandise, même avec des larmes. […] Cependant, à travers ces jeux d’une imagination agréable, il se nourrissait de tout temps de lectures solides, et il aiguisait en silence son jugement.
De Walpole on ne veut guère voir que la crainte qu’il avait, dans ce monde moqueur d’alors, d’encourir un ridicule par cette passion affichée de la vieille aveugle : et quant à Mme Du Deffand, nous la jugeons trop comme l’ont fait Grimm, Marmontel, la coterie encyclopédique, à travers laquelle la tradition nous est venue. […] comme elle distingue en lui le bon à travers le médiocre, ce qui est de source d’avec le rabâchage ! […] « Bref, dit-il, son âme est immortelle, et force son corps à lui tenir compagnie. » Il y a deux traditions sur Mme Du Deffand : la tradition purement française, qui nous est arrivée à travers ceux qu’elle avait jugés si sévèrement, à travers les gens de lettres et les encyclopédistes ; il y a autre chose encore, la tradition directe et plus vraie, plus intime, et c’est chez Walpole qu’il faut l’aller puiser comme à sa source.
Il y en a un sur Goldsmith, sur Atterbury, sur Bunyan, sur Addison, vu jusqu’au fond de son dernier sourire comme à travers un cristal, — cet Addison, un Voltaire doux et pur, absolument comme Fénelon était un serpent sans venin, — et enfin sur Johnson, ce Samson anglais par la force de l’esprit comme par la force du corps, un grand critique anglais, mais, hélas ! […] Il est évident que l’homme et le talent sont pénétrés par Macaulay à travers tout ce qui ferait rempart pour un autre, et qu’il arrache la personnalité vraie, l’entéléchie, comme dirait Aristote, à cette nature épaisse, têtue, troublée, caverneuse, despotique et méchante, mais géniale au fond et tendre tout au fond ; car il aima sa femme d’un amour divinement fidèle, ce monstre de chair, d’esprit, de mémoire, de scrofules, ce Caliban de tout, qui s’appelle Samuel Johnson ! […] Je sais bien qu’il y a les historiens immortels de la nature et de l’espèce humaine à travers les formes accidentées des peuples, et ceux-là ne font jamais grimacer l’impartialité de l’esprit ; mais il y a les historiens des partis qui passent et qui demain ne seront plus, et malheureusement c’est parmi ces derniers que Macaulay alla perdre la sérénité de sa pensée et la bonne humeur de son génie. […] Elle n’est point cette abeille… de l’Hymette, si vous le voulez, qui introduit délicatement sa trompe dans le cœur d’un livre à travers le dos de l’auteur et qui laisse dans la blessure assez de miel pour l’empoisonner.
Le poëte est là tout entier dans ses rêves de liberté sans limites, sa haine de la tyrannie sous toutes les formes, les démentis de son espérance, sa tristesse aussi profonde que sa confiance avait été aveugle et trompée : « Ô vous, nuages, qui, au loin sur ma tête, flottez et vous arrêtez, vous dont nul mortel ne peut régler la marche dans l’espace sans route ; vous, ondes de l’Océan, qui, vers quelque plage que vous rouliez, n’obéissez qu’aux lois éternelles ; vous, forêts, qui écoutez le chant de l’oiseau de nuit penché sur l’écorce d’une branche inclinée, hormis quand vous-mêmes, secouant vos rameaux, vous formez ce majestueux concert des vents devant lequel, comme un inspiré de Dieu, à travers des détours que nul homme des bois n’a jamais foulés, j’ai tant de fois égaré, parmi les herbes sauvages en fleurs, ma course éclairée de la lune, sous l’aspect ou l’écho de chaque image informe qui m’apparaissait, de chaque bruit insaisissable retentissant au désert ! […] « Viens errer avec moi à travers la forêt. […] Le cri du chacal retentit comme l’écho d’une orgie sauvage ; et, à travers les arbres, le rayon là-bas pâlissant prête un faible secours à guider notre marche. […] « Ils ont gravi la rude montée des cieux à travers le péril, le labeur et la peine.
A mesure que les faits s’amassaient et se discernaient sous l’œil de la critique, les couleurs dont ils se teignaient et à travers lesquelles on les envisageait n’ont pas laissé de subir des influences presque contraires. […] On a beaucoup parlé d’art dans ces derniers temps, et il faut convenir, en effet, que jamais peut-être l’art n’a été mieux compris, mieux étudié dans ses variétés brillantes, dans ses branches parallèles et ses transformations successives à travers l’histoire ; et pourtant l’époque elle-même, malgré l’éclat de ses débuts, ne paraît pas destinée à prendre rang dans ces grands moments et siècles, comme on les appelle, qui comptent entre tous, qu’on vénère de loin, et qui se résument d’un nom. […] La mémoire humaine, quand elle y est contrainte et exercée, a beau avoir ses merveilles, il est indubitable qu’un poëme si considérable datant d’une époque antérieure à l’écriture a dû être notablement altéré, augmenté ou morcelé, dans sa transmission à travers la bouche des rhapsodes.
Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore. […] Le petit vers des fabliaux trotte et sautille comme un écolier en liberté, à travers toutes les choses respectées ou respectables, daubant sur les femmes, l’Eglise, les grands, les moines, Gabeurs, gausseurs, nos pères ont en abondance le mot et la chose. […] Ce goût n’a rien non plus de commun avec la franche satire, qui est laide, parce qu’elle est cruelle ; au contraire, il provoque la bonne humeur ; on voit vite que le railleur n’est point méchant, qu’il ne veut point blesser ; s’il pique, c’est comme une abeille sans venin : un instant après, il n’y pense plus ; au besoin il se prendra lui-même pour objet de plaisanterie ; tout son désir est d’entretenir en lui-même et en vous un pétillement d’idées agréables. — Telle est cette race, la plus attique des modernes, moins poétique que l’ancienne, mais aussi fine, d’un esprit exquis plutôt que grand, douée plutôt de goût que de génie, sensuelle, mais sans grossièreté ni fougue, point morale, mais sociable et douce, point réfléchie, mais capable d’atteindre les idées, toutes les idées, et les plus hautes, à travers le badinage et la gaieté.
Ton volume éclate de rire, Mais le beau rayonne à travers. […] Vraiment il plane et n’effleure que la surface brillante de l’univers, comme un dieu innocent et ignorant de ce qui est au-dessous, ou plutôt comme un être paradoxal et fantasque, un porte-lauriers pour de bon qui se promène dans la vie comme dans un rêve magnifique et à qui la réalité, même contemporaine n’apparaît qu’à travers des souvenirs de mythologie, des voiles éclatants et transparents qui la colorent et l’agrandissent. […] Voyageur des contrées qui sont par-delà l’histoire, soudain transporté ici et qui, à peine dépaysé, exempt d’étonnements, continue d’apercevoir, à travers les choses présentes, l’enchantement de la patrie primitive, toujours ouverte à son souvenir… Venu comme pour clore une époque, alors qu’on s’imaginait assister à la disparition progressive du romantisme, il en concentra les suprêmes lueurs défaillantes, plus intenses de leur sûre agonie, et nous laissa ce spectacle imprévu d’un trophée d’artifice merveilleux.
Le comte de Gasparin était, malheureusement, protestant, — mais nous arrivons à ce moment épouvantable dans les croyances et dans les mœurs, où ceux qui ont gardé, à travers toutes les méconnaissances, toutes les erreurs et toutes les révoltes, un pauvre atome de foi chrétienne dans leur esprit et dans leur cœur, ont, de cela seul, une supériorité relative qui les met bien au-dessus de la tourbe des écrivains de la libre incrédulité. […] Il croit atteindre, à travers ce Pape, l’Église, à la tête et au cœur… Comme, pour lui, le comte de Gasparin, l’Église romaine est une institution faite de main d’homme ou gâtée par la main des hommes, on ne dira pas (a-t-il dit) qu’il la diminue en la concentrant dans le plus glorieux et le plus heureux de ses pontifes, et il le prend, ce grand homme, pour déshonorer l’Église dans sa grandeur même. […] Montesquieu, qui ne courait pas ainsi à travers l’Histoire, disait qu’il fallait s’asseoir pour parler à l’aise d’Alexandre.
Nous dirons que la psychologie actuelle nous a paru surtout préoccupée d’établir que nous apercevons les choses à travers certaines formes, empruntées à notre constitution propre. […] Il nous a semblé qu’il y avait lieu de se poser le problème inverse, et de se demander si les états les plus apparents du moi lui-même, que nous croyons saisir directement, ne seraient pas, la plupart du temps, aperçus à travers certaines formes empruntées au monde extérieur, lequel nous rendrait ainsi ce que nous lui avons prêté. […] Enfin, dans leurs rapports entre eux, et en tant qu’une certaine unité se conserve à travers leur multiplicité, ils paraissent se déterminer les uns les autres. — Intensité, durée, détermination volontaire, voilà les trois idées qu’il s’agissait d’épurer, en les débarrassant de tout ce qu’elles doivent à l’intrusion du monde sensible et, pour tout dire, à l’obsession de l’idée d’espace.
« Celui-ci, sur des navires, court à travers les mers, dans l’ardeur de rapporter son gain au logis, battu de vents terribles et n’ayant nul soin de sa vie. […] Souvent celui qui, à travers la bataille et le bruit des traits, a passé sain et sauf, la mort le surprend à son foyer. […] Lorsque, tombant au premier rang, il a perdu la vie, il comble de gloire la ville, ses concitoyens et son père ; car, à travers la poitrine, le bouclier et la cuirasse, il est percé de coups par devant.
À travers ses subtilités il reste le héros de la célèbre anecdote, celui à qui M. […] Le récit des amours d’Inès de Llar et du lieutenant du roi court, à travers le livre, comme un fil d’or à travers l’étoffe ; mais l’étoffe, — pour continuer cette métaphore, — la trame même du roman, c’est l’époque tout entière qui la fournit. […] Il nourrit, il enrichit son âme à travers son métier. […] Il en a toujours une quand, à travers lui, nous atteignons le fond d’un cœur humain. […] À suivre sa filiation à travers les âges, il semble bien qu’il représente l’évolution dernière de l’épopée.
Et c’est alors un délice, c’est un rafraîchissement inexprimable que ces vers jaillis d’une âme comme d’une source profonde, et dont on ne sait « comment ils sont faits. » Sans compter que, parmi ces vers de génie — à travers les nonchalances, les maladresses et les naïvetés de facture qui rappellent les très anciens poètes, et parfois aussi à travers les formules conservées du dix-huitième siècle des vers éclatent et des strophes (les poètes le savent bien), d’une beauté aussi solide, d’une plénitude aussi sonore, d’une couleur aussi éclatante et d’une langue aussi inventée que les plus beaux passages de Victor Hugo ou de Leconte de Lisle.
Il est évident, en effet, pour tous ceux qui savent mesurer la portée d’un livre à travers les précautions qui l’enveloppent ou le scepticisme qui l’énerve, qu’on peut déduire de la vie d’Henri Estienne des conclusions qui ne sont peut-être pas dans la pensée de son biographe, mais qui, pour n’en avoir pas été nettement et explicitement rejetées, doivent se retourner contre lui. […] Sous la pression de tant de détails, elle prend l’aspect d’une vaste nomenclature, abordable, sans doute, à l’énergique personnalité des gens spéciaux qui cherchent les informations dont ils ont besoin à travers toutes les broussailles, mais elle doit, par son continuel entassement et par sa sécheresse, repousser cette masse flottante de lecteurs qui, en fin de compte, est le véritable public.
Il ne fallait pas l’adorer et l’épouser dans sa pensée ; car bien évidemment le comte Zélislas est une espèce de sarbacane à travers laquelle l’auteur souffle au public ses propres idées, ses théories, ses espérances, ses désespoirs, et la condamnation (éloquente, croit-il, comme une victime !) […] Chateaubriand a tatoué tellement le talent de l’auteur du Blessé de Novare, qu’il ne lui est plus permis d’effacer ce tatouage qui défigure ses traits primitifs… Quant à la manière dont l’Inde est peinte dans ce roman où elle a remplacé l’Amérique, prendre la flore d’un pays et la renverser, plante par plante, à travers une nature qu’on ne comprend pas, tant les mots indiens y abondent !
D’où la connaîtrions-nous, nous, qui dès notre jeunesse avons appris à sentir d’une manière amphigourique et gênée et à voir à travers les autres ? […] Il l’a compris, en un mot, à travers Rousseau. […] Rien de moins spontané que cet enfant de la nature qui n’éprouve aucune émotion qu’à travers des ressouvenirs plus ou moins directs de ses lectures préférées. […] Elle voit le monde tel qu’il est, et cependant à travers le médium de l’amour. […] Ce fut vraiment un beau spectacle, un de ceux qui honorent les hommes, et le souvenir, à travers leur correspondance, en rayonne sur leur histoire.
Les lignes que nous voyons tracées à travers la matière sont celles mêmes sur lesquelles nous sommes appelés à circuler. […] Mais nous pouvons ne pas nous rendre compte de ce que nous concevons, et n’apercevoir l’idée réellement présente à notre esprit qu’à travers une brume d’états affectifs. […] Et nous verrons alors, dans l’activité vitale, ce qui subsiste du mouvement direct dans le mouvement inverti, une réalité qui se fait à travers celle qui se défait. […] Mais à travers les mots, les vers et les strophes, court l’inspiration simple qui est le tout du poème. […] Elle est essentiellement un courant lancé à travers la matière, et qui en tire ce qu’il peut.
D’ailleurs, ce mode d’action est uniforme, et de plus le nerf est construit spécialement pour le recevoir ; la preuve en est dans la structure savante de tout l’organe dont le nerf fait partie et dans la similitude des sensations qu’un coup, un flux électrique sur l’œil ou sur l’oreille excitent à travers le nerf. […] En second lieu, la condition peut être un état spécial des parties qui environnent le nerf et à travers lesquelles l’excitant extérieur agit sur le nerf ; en ce cas, le même nerf, soumis au même excitant extérieur, transmettrait des sensations différentes, selon que les parties intermédiaires entre lui et son excitant seraient en des états différents. […] « Partant, dit encore Weber, la sensation de pression et le discernement de ses degrés si nombreux et si différents ne sont possibles que lorsque la pression agit sur les organes du tact, et à travers eux, sur les extrémités des nerfs tactiles ; cette sensation ne naît point quand les nerfs tactiles sont directement comprimés. » — Par conséquent la sensation de pression a pour condition spéciale, non pas la pression du nerf, mais une certaine modification de certains organes ou alentours du nerf. […] Enfin, chacune de ces sensations élémentaires est elle-même une série infinie de sensations successives, également imperceptibles à la conscience, infiniment courtes, et croissantes d’un minimum à un maximum à travers une infinité de degrés intermédiaires. […] Enfin, si l’on suit jusqu’au bout les analogies, on arrive à concevoir la sensation excitée par chaque onde élémentaire éthérée sur le modèle de la sensation excitée par chaque onde élémentaire aérienne, c’est-à-dire comme une série infinie de sensations successives infiniment courtes et croissantes d’un minimum à un maximum à travers une infinité de degrés.
Il a l’imprudence, à travers mille aventures, d’entrer dans le palais d’Alcine pour y tenter la délivrance d’Astolphe. […] Cette chasse aux amants et aux maîtresses à travers le monde est une des conceptions héroï-comiques les plus habituelles à l’Arioste dans son poème. […] Elle commençait à chercher pour répondre des paroles entrecoupées à travers ses sanglots, mais elle ne put achever… Le monstre s’avançait à grand bruit des flots sur la mer, etc., etc. […] Pendant que Médor cherche parmi les cadavres le corps de son maître, Cloridan se charge de lui ouvrir une large voie pour le retour à travers le camp ennemi. […] Léna et sa fille entrèrent dans une enfilade d’appartements, dont on apercevait à peine le fond à travers une longue avenue de portes en drap vert, toutes ouvertes.
D’où la série des influences, visibles comme à travers une glace, pour les yeux les moins prévenus. […] Nous avons parlé du cruélisme d’annunzien : le voici qui se fait jour à travers les complications sentimentales dont il faut bien rehausser ces détentes instinctives. […] Elle subordonne son émotion à la vision d’un maître et les influences se révèlent, disons mieux : elle se révèle à travers ces influences. […] Comment s’émurent ces mains gracieuses, de quelle douceur ardente et contenue elles esquissèrent le geste par où nous imaginons qu’elles furent infiniment sensibles à qui les sut élire… nous le percevons à travers ces poèmes. […] Quand elle pense, c’est toujours à travers sa sensibilité, à l’état secondaire peut-on dire.
Tantôt son œil se rouvrait avec la flamme du jeune aigle, et ce regard humide et enivré jouait dans le soleil, dont quelque rayon, à travers le bleu des franges, le poursuivait obstinément. […] Respirons, respirons sans mélange la poésie de ces pages où l’intimité s’exhale à travers l’éclat. […] Cette faculté d’indignation honnête, ce sens d’énergie palpitante et involontaire que rien n’attiédit, et qui se fait jour, après des intervalles, à travers le factice des diverses positions, est une marque distinctive de certaines âmes valeureuses, et constitue une forte portion de leur moralité. […] Le deuxième volume renferme un chapitre aux Infortunés, dans lequel, à travers les conseils et les règles de conduite que l’auteur essaye de déduire, on lit toute l’histoire de sa vie d’émigration et de sa noble pauvreté : « Je m’imagine, s’écrie-t-il, que les malheureux qui lisent ce chapitre le parcourent avec cette avidité inquiète que j’ai souvent portée moi-même dans la lecture des moralistes, à l’article des misères humaines, croyant y trouver quelque soulagement. […] Il la suivait, cette Sylphide, par les prairies, sous les chênes du grand mail, sur l’étang monotone où il restait bercé durant des heures ; il lui associait l’idée de la gloire. « Elle était pour lui la vertu lorsqu’elle accomplit les plus nobles sacrifices ; le génie, lorsqu’il enfante la pensée la plus rare. » Il y a à travers cela d’impétueux accents sur le désir de mourir, de passer inconnu sous la fraîcheur du matin. « L’idée de n’être plus, s’écrie-t-il, me saisissait le cœur à la façon d’une joie subite ; dans les erreurs qui ont égaré ma jeunesse, j’ai souvent souhaité de ne pas survivre à l’instant du bonheur.
Macaulay a dit un jour que la biographie de Johnson était d’autant meilleure que Boswell, cette espèce de laquais, n’avait absolument que les qualités littéraires du laquais, et qu’on voyait mieux Johnson à travers le vide de talent de son biographe qu’à travers la lumière de son talent, s’il en avait eu. […] Bon an, mal an, cet écrivain, la veine sans déveine, — et qui ne s’ouvre pas les veines pour faire un livre, comme les affreux passionnés du génie, — pond et lèche son petit roman, mondain et moral, à travers la minceur transparente duquel on voit, comme le poisson dans un filet d’eau, la pièce de théâtre qu’il en tirera. […] Ce sont des livres qui ne sont pas sortis, qu’on distingue seulement à travers ce qu’a fait l’auteur, et qui, s’ils étaient sortis, seraient des œuvres peut-être. […] Mais le talent de Feuillet gît et flotte dans je ne sais quel amnios intellectuel à travers lequel on le voit… possible, organisé, vivant, et ne sortant pas !
À travers le paganisme régnant, les instincts spiritualistes percent, et font des platoniciens, en attendant qu’ils fassent des chrétiens. […] D’où vient que chez les moindres, à travers des pédanteries, des maladresses, parmi des chroniques rimées ou des dictionnaires descriptifs, on rencontre des peintures éclatantes et de vrais cris d’amour ? […] Cependant un son de cor arrive à travers la feuillée : comme il vibre doucement et tout à la fois joyeusement dans ce grand silence ! Il retentit plus fort ; le galop d’une chasse approche, et là-bas, à travers l’allée, voici venir une nymphe, la plus chaste et la plus belle qui soit au monde. […] En attendant, la littérature s’altère ; le puissant souffle qui l’avait portée, et qui, à travers les singularités, les raffinements, les exagérations, l’avait faite grande, se ralentit et diminue.
Elle nous apparaît un peu comme en un rêve éthéré, à travers la transparence d’une buée d’or. […] Il aperçoit les routes et les bois, les foules et les villes à travers une perpétuelle hallucination. […] Pour s’assimiler toute la pensée de Maeterlinck, il convient d’apercevoir la vie même à travers ses drames. […] L’âme de Dieu se répand dans le monde à travers les pensées des hommes. […] Les deux auteurs belges racontent leur voyage à travers l’Alsace-Lorraine en compagnie du vaillant Georges Ducrocq.
Cependant, à travers cette diversité de travaux précoces, Leopardi mûrissait au talent, et le poëte original en lui allait éclater. […] Mais ton visage, à moi, ne m’offrait sa lumière Que trembante, à travers le voile de mes pleurs, Car ma vie était triste et vouée aux douleurs. […] Du haut du toit désert de cette vieille tour Tu chantes ta chanson tant que dure le jour, Passereau solitaire, et ta voix isolée Erre avec harmonie à travers la vallée. […] Ruysch éveillé regarde à travers les fentes de la porte, il a un moment de sueur froide malgré toute sa philosophie ; il entre pourtant : « Mes enfants, à quel jeu jouez-vous ? […] Il faut désespérer de faire comprendre un tel chef-d’œuvre autre part que dans l’original ; qu’on me pardonne de l’avoir osé traduire et légèrement paraphraser, et qu’on devine, s’il se peut, à travers le plâtre et la terre de la copie, la fermeté primitive et tout le brillant du marbre.
Comme elle dispose de la parole et que son art est plus précis qu’aucun autre, plus immédiatement soumis à l’opération de la pensée, elle a retenu aussi la gloire de personnaliser en elle tous les efforts de l’esprit orienté vers le vrai à travers le beau. […] À travers les siècles et les latitudes l’absolu humain change indéfiniment. […] Ainsi, comme une artillerie céleste, pleine de foudroiements et des flammes, cette mystérieuse humanité flamboie en files grandioses, en successions rapides, à travers l’abîme inconnu. Ainsi, sortis du vide, nous nous hâtons orageusement à travers la terre, puis nous nous replongeons dans le vide. […] À travers ces tergiversations, toutefois, des révélations, persiste un principe dont l’unité subit des fluctuations harmonieuses au développement de l’esprit humain et qui a reçu des philosophes le nom de Religion Naturelle.
Quand l’émotion, au contraire, est extrême, exaltée, infinie sur les fibres sensitives de l’instrument humain, quand l’imagination de l’homme se tend et vibre en lui jusqu’à l’enthousiasme et presque jusqu’au délire, quand la passion imaginaire l’exalte, quand l’image du beau dans la nature ou dans la pensée le fascine, quand l’amour, la plus mélodieuse des passions en nous parce qu’elle est la plus rêveuse, lui fait imaginer, peindre, invoquer, adorer, regretter, pleurer ce qu’il aime ; quand la piété l’enlève à ses sens et lui fait entrevoir, à travers le lointain des cieux, la beauté suprême, l’amour infini, la source et la fin de son âme, Dieu ! […] IX Mais vous approchez des Alpes, les neiges violettes de leurs cimes dentelées se découpent le soir sur le firmament profond comme une mer, l’étoile s’y laisse entrevoir au crépuscule comme une voile émergeant sur l’Océan de l’espace infini ; les ombres glissent de pente en pente sur les flancs des rochers noircis de sapins, des chaumières isolées et suspendues à des promontoires, comme des nids d’aigles, fument du feu du soir, et leur fumée bleue se fond en spirales légères dans l’éther ; le lac limpide, dont l’ombre ternit déjà la moitié, réfléchit dans l’autre moitié les neiges renversées et le soleil couchant dans son miroir ; quelques voiles glissent sur sa surface, chargées de branchages coupés de châtaigniers, dont les feuilles trempent pour la dernière fois dans l’onde ; on n’entend que les coups cadencés des rames qui rapprochent le batelier du petit cap où sa femme et ses enfants l’attendent au seuil de sa maison, ses filets y sèchent sur la grève, un air de flûte, un mugissement de génisse dans les prés interrompent par moment le silence de la vallée ; le crépuscule s’éteint, la barque touche au rivage, les foyers brûlent çà et là à travers les vitraux des chaumières, on n’entend plus que le clapotement alternatif des flots endormis du lac, et de temps en temps le retentissement sourd d’une avalanche de neige dont la fumée blanche rejaillit au-dessus des sapins ; des milliers d’étoiles, maintenant visibles, flottent comme des fleurs aquatiques de nénuphars bleus sur les lames, le firmament semble ouvrir tous ses yeux pour admirer ce coin de terre, l’âme la quitte, elle se sent à la hauteur et à la proportion de s’approcher de son Créateur presque visible dans cette transparence du firmament nocturne, elle pense à ceux qu’elle a connus, aimés, perdus ici-bas et qu’elle espère, avec la certitude de l’amour, rejoindre bientôt dans la vallée éternelle, elle s’émeut, elle s’attriste, elle se console, elle se réjouit, elle croit parce qu’elle voit, elle prie, elle adore, elle se fond comme la fumée bleue des chalets, comme la poussière de la cascade, comme le bruissement du sable sous le flot, comme la lueur de ces étoiles dans l’éther, avec la divinité du spectacle. […] XVI Ces deux harpes dont les cordes rendent des sons différents selon l’âge de leurs fibres, mais aussi mélodieux à travers le réseau blanc qu’à travers le réseau blond de ces cordes vivantes ; ces deux harpes ne sont-elles pas l’image puérile, mais exacte, des deux poésies appropriées aux deux âges de l’homme ?
Mais les filles d’Io prouvent leur descendance degré par degré, elles disent leur horreur de l’inceste permis par les lois barbares, et leur fuite à travers la mer pour échapper aux lits des fils d’Égyptos. […] On entrevoit des vols de femmes à travers les légendes de dieux infernaux ou marins enlevant des nymphes. Perséphone précipitée sous la terre par le sombre Hadès, Europe emportée par le taureau divin à travers les flots, Orythie saisie par Borée, le Vent orageux dont le souffle fécondait les femmes, figurent peut-être, par un côté, ces tragédies de la plage. […] Des robes lacérées et des flancs meurtris, des têtes tirées à la renverse par leurs chevelures, des corps convulsifs qui retombent, pliés en deux sur des échines de bourreau, c’est le spectacle qu’on entrevoit à travers les cris des victimes que notent des onomatopées déchirantes — ’Ο, ο, ο, Α, α, α !
Il y a le Fontenelle bel esprit, coquet, pincé, damoiseau, fade auteur d’églogues et d’opéras, rédacteur du Mercure galant, en guerre ou en chicane avec les Racine, les Despréaux, les La Fontaine ; le Fontenelle loué par de Visé et flagellé par La Bruyère ; et à travers ce Fontenelle primitif, à l’esprit mince, au goût détestable, il y en a un autre qui s’annonce de bonne heure et se dégage lentement, patiemment, mais avec suite, fermeté et certitude ; le Fontenelle disciple de Descartes en liberté d’esprit et en étendue d’horizon, l’homme le plus dénué de toute idée préconçue, de toute prévention dans l’ordre de la pensée et dans les matières de l’entendement ; comprenant le monde moderne et l’instrument, en partie nouveau, de raisonnement exact et perfectionné qu’on y exige, s’en servant avec finesse, avec justesse et précision, y insinuant l’agrément qui fait pardonner la rigueur, et qui y réconcilie les moins sévères ; en un mot, il y a le Fontenelle, non plus des ruelles ni de l’Opéra, mais de l’Académie des sciences, le premier et le plus digne organe, de ces corps savants que lui-même a conçus dans toute leur grandeur et leur universalité quand il les a nommés les états généraux de la littérature et de l’intelligence. […] Le grand Corneille, à travers ses hautes qualités, avait, je ne dirai pas beaucoup d’esprit, mais prodigieusement de bel esprit ; quand ils ne sont point passionnés et grandioses, et même alors, une fois que leur mot sublime est lâché, ses personnages continuent de raisonner, et ils le font avec subtilité et à outrance ; ils parlent de tête ; le cerveau chez eux prend la place du cœur ; ils raffinent et quintessencient les idées et les choses. […] On y trouvait, sous une forme froide, mais ingénieuse et distinguée, des pensées libres et dégagées sur les sottises humaines, une sagacité indifférente à les démêler à travers les temps, les croyances et les costumes divers. […] Je m’acquitte de l’amour que je vous dois, mais je déclare en même temps que je m’en acquitte. » Chez Fontenelle, ne l’oublions pas, il y a le Normand encore qui se trahit et perce à travers le galant, l’homme positif qui sait le taux des choses et qui vise au solide.
Il est vrai qu’un poème comme Jocelyn, exécuté et traité avec le soin que Jasmin apporte aux siens, coûterait huit ou dix années de la vie, et l’on n’aurait guère le temps de faire à travers cela une dizaine de volumes sur les Girondins ou les Jacobins, et une révolution de février, la chose et le livre à la fois, et toute cette série d’improvisations que nous savons et que nous oublions, ou que nous voudrions oublier. […] C’est ce que se demande un jour la muse de Jasmin, à une heure de rêverie où l’image de cette pauvre fille, avec sa grâce de vierge sous les haillons, lui revenait en pensée, et, après avoir bien quêté de ses nouvelles à travers champs, s’être bien enquis « à travers vignes et pâquerettes », voici ce qu’elle a trouvé : Un jour, près des bords que la rivière du Lot baise fraîchement de son eau claire et fine, dans une maisonnette cachée sous les ormes touffus, tandis qu’à la ville prochaine les jeunes garçons tiraient au sort, une jeune fille pensait, puis priait Dieu, puis se levait et ne savait tenir en place. […] La poésie de Jasmin est tout émaillée de ces vers charmants qui font luire aux yeux les objets, qui font briller sur la vitre le soleil du matin, et étinceler la maisonnette à travers le bouquet de noisetiers : mais ici cet éclat de description se confond avec le pur sentiment.
Écrivain, ne lui demandez ni les grâces, ni le brillant, ni le coulant : mais dans sa rudesse de plume et à travers le heurté de sa diction, quand la vérité le saisit, il rencontre des traits énergiques, pittoresques même, et qui, pour flétrir des misères sociales et des opinions vicieuses, ont ce genre d’exactitude qu’aurait un physicien passionné. […] À travers ces premiers mécomptes et ces diverses écoles, son éducation s’achevait, il apprenait la vie et le monde réel. […] Il disait un jour de quelqu’un de ses proches : « Un tel n’est point menteur, mais il n’a qu’un défaut, c’est qu’il ne peut dire les choses comme elles sont. » C’est aussi ce qu’il faisait lui-même, on vient de l’entendre ; et c’est de cette façon dramatique, et à travers ce prisme trompeur, que nous sont apparus trop souvent les spectacles de cette orageuse époque, et que la vue de ceux qui n’étaient point contemporains a été surprise et abusée. […] Mais moi dont, à travers tout, le métier est d’être critique et écrivain, je ne puis m’empêcher de dire : Ne remarquez-vous pas, chemin faisant, comme ce style de Mallet dans ses brusqueries est énergique et ferme, comme il grave la pensée ; et l’abbé de Pradt, qui appelait Mallet son maître, en le comptant parmi les trois ou quatre écrivains éclos de la Révolution française, n’avait-il pas raison ?
Florent et Claude Lantier parcourant plus tard les abords de Saint-Eustache, allant des charretées de choux gaufrés aux caisses de fruits parfumants, puis Florent promenant seul sa faim à travers l’accumulation énorme des nourritures de Paris, rendent ce spectacle, par le simple narré des sensations que perçoivent leurs yeux et leurs narines. […] Son Excellence et la Curée renseignent sur le Paris des démolitions, contiennent des scènes et des gens d’une admirable variété, des officieux, du ministre aux convives de Saccard ; à travers une promenade au Bois et une séance du Corps Législatif, le baptême d’un prince, un bal de filles, une fête de bienfaisance, un Compiègne, circule une foule de personnes en chair, marquées, caractéristiques et agissantes, Mme Bouchard, Maxime, Suzanne Haffner, du Poizat, qui entourent ce colosse et ce gnome Eugène Rougon et Aristide Saccard. […] Zola n’échappent pas à la formule que lui-même a donnée justement de toute œuvre d’art : « La nature vue à travers un tempérament. » II Tous les caractères que présente l’humanité ne semblent pas à M. […] Désirée, la belle idiote de la Faute, accroupie dans la chaleur de son poulailler et frémissante du rut de ses bêtes, est décrite avec dilection, comme l’est aussi ce couple bestial et réjoui de Marjolin et de Cadine, qui promène à travers les Halles son impudicité.
Rien ne le troublerait dans sa profonde et austère contemplation ; ni le passage bruyant des événements publics, car il se les assimilerait et en ferait entrer la signification dans son œuvre ; ni le voisinage accidentel de quelque grande douleur privée, car l’habitude de penser donne la facilité de consoler ; ni même la commotion intérieure de ses propres souffrances personnelles, car à travers ce qui se déchire en nous on entrevoit Dieu, et, quand il aurait pleuré, il méditerait. […] Comme tous les poètes qui méditent et qui superposent constamment leur esprit à l’univers, il laisserait rayonner, à travers toutes ses créations, poëmes ou drames, la splendeur de la création de Dieu.
Quelques hautes pensées, qui n’ont jamais quitté le poëte depuis son enfance jusqu’à sa mort, dominent toutes ses belles odes, s’y reproduisent sans cesse, et, à travers la diversité des circonstances où il les composa, leur impriment un caractère marquant d’unité. […] Au sortir des boudoirs, des toilettes et de tous ces bosquets de Cythère et d’Amathonte, dont il s’est tant moqué, mais dont il aurait dû se garder davantage, il se réfugie au sein de la nature, comme en un temple majestueux où il respire et se déploie plus à l’aise ; il la voit peu et sait peu la retracer sous les couleurs aimables et fraîches dont elle se peint autour de lui ; il préfère la contempler face à face dans ses soleils, ses volcans, ses tremblements de terre, ses comètes échevelées, et plonge avec Buffon à travers les déserts des temps. […] Oui, de leur voix chérie Un mot à travers ces barreaux Eût versé quelque baume en mon âme flétrie ; De l’or peut-être à mes bourreaux… Mais tout est précipice.
s’écrie-t-il en commençant, j’ai souvent regretté d’être né ; j’ai souvent désiré de reculer jusqu’au néant, au lieu d’avancer, à travers tant de mensonges, tant de souffrances et tant de pertes successives, vers cette perte de nous-même que nous appelons la mort ! […] On aurait tort de croire qu’à travers ces défauts qui blessent, il n’y ait pas, malgré tout, de charmants détails, mille retours heureux où le poète se joue et retrouve sa touche légère. […] Les cœurs s’ouvrent sans défiance, ils se soudent tout de suite… » Est-ce Bernardin de Saint-Pierre encore qui dans cette scène, jolie d’ailleurs, où Graziella, pour mieux plaire à celui qu’elle aime, essaie de revêtir la robe trop étroite d’une élégante de Paris, est-ce lui qui viendrait nous dire, après les détails sans nombre d’une description toute physique : « Ses pieds, accoutumés à être nus ou à s’emboîter dans de larges babouches grecques, tordaient le satin des souliers… » Ce défaut, dont je ne fais que toucher quelques traits, est presque continuel désormais chez M. de Lamartine ; il se dessine et reparaît à travers les meilleurs endroits.
Les parties supérieures de sa nature disparurent ; il n’en resta que l’animal sans frein ni guide, lancé par ses convoitises à travers la justice et la pudeur. Quand on regarde ces mœurs à travers Hamilton et Saint-Évremond, on les tolère. […] Un pareil instrument logique fauche à travers les préjugés avec une roideur et une hardiesse d’automate. […] Il nous promène en détours aisés à travers une multitude d’idées variées. […] Tout cela défile et se heurte sans trop d’ordre à travers les surprises d’une intrigue double, à force d’expédients et de rencontres, sans le gouvernement ample et régulier d’une idée maîtresse.
Nous n’aimons pas voir sa robe s’accrocher au clou du lupanar, et toute débraillée, titubant à travers les ruisseaux, voir la Muse, le stigmate au front de l’Impudeur, s’en aller, psalmodiant des rapsodies sans nom, parmi lesquelles rien ne transpire, ni vérité, ni style, ni inspiration… » C’est drôle vraiment l’appel de ce Charles Dupuy, dans le journal conservateur par excellence. […] Au fond du grand jardin, un vrai petit bois, qui vous sépare du bruit de Paris, de la vie des Champs-Élysées, filtrant par moments, à travers sa dense feuillée. […] Pour arriver à cette cité mystérieuse, et qui n’a pas d’histoire, une montée à travers des pins centenaires, à travers des quartiers de rochers, dans un paysage si fort aromatisé par les plantes odorantes de toutes sortes, qu’il entête. […] Et toujours, au milieu de l’obscurité qui se fait plus dense, une marche courante et essoufflée, à travers des salles coupées à demi-hauteur, à travers des morceaux de bâtisse défigurés, à travers des architectures incomplètes qu’on ne comprend plus, à travers de la pierre, dont la construction est devenue énigmatique, à travers un chaos de pièces et d’appartements, à travers d’étroits passages, qui dans l’ombre de leurs extrémités paraissent se resserrer, ainsi que dans un rêve — oui, un rêve, c’est bien le mot pour caractériser cette promenade par le crépuscule, et un rêve, où il y aurait un rien de cauchemar.
La peinture ne faisait qu’imprimer sur ces murailles des dessins sans perspective, plats comme ces murailles elles-mêmes ; elle ne savait qu’éblouir les yeux de la foule par des éclaboussures de couleurs violentes à travers les vitraux peints des ogives des temples ; elle restait dans l’enfance. […] Elle me montra du doigt la fumée du toit de l’horloger, à travers la fenêtre ouverte. […] Je marchais, sans suivre de sentier, à travers la pelouse courte, broutée par les moutons, qui tapissait les mamelons autour du village çà et là sur ma route ; j’apercevais, disséminés aux flancs ou au fond des vallées, des chalets à peu près semblables à ceux de Lucerne ou de Berne ; seulement ils étaient fondés sur des murailles de pierre noire, et le bois enfumé de l’étage supérieur attestait la pauvreté ou la négligence des habitants. […] Une galerie couverte circulait autour de la maison, avec sa balustrade de sapin sculpté ; un escalier extérieur montait du seuil à la galerie ; un bûcher de rondins et d’éclats de bûches blanches de sapin était symétriquement rangé sous l’escalier ; un pont de planches menait de la cour à la grange ; le foin et la paille débordaient comme d’un grenier trop plein par les ouvertures ; des filles et des enfants déchargeaient un chariot de fourrage embaumé, tandis que deux bœufs, dételés du timon, mais encore appareillés au joug, léchaient de leurs langues écumantes les brins des longues herbes qu’ils pouvaient saisir à travers les ridelles du char. […] À travers la porte on voyait briller un grand feu à flamme résineuse dans l’âtre.
nous pouvons commencer à couler le métal à travers l’ouverture ; il apparaît bien dentelé. […] lorsque, affranchie de tout obstacle, elle se répand à travers les rues populeuses et allume l’effroyable incendie ; car les éléments sont hostiles à l’œuvre des hommes. […] Quel tumulte à travers les rues ! […] « À travers la forêt sauvage le voyageur presse gaiement le pas pour arriver à sa chère demeure. […] Quand j’arrivais à la porte du chapitre, je regardais à travers le trou de la serrure jusqu’à ce qu’on m’eût ouvert.
Il allait se jeter dans des chemins déjà frayés à travers des aventures déjà populaires, et faire mouvoir des personnages historiques ou romanesques déjà familiers à l’esprit du siècle : seulement il pouvait à son gré prendre ces personnages au sérieux, comme le Dante ou le Tasse, ou les prendre en bouffonnerie comme le Pulci ou le Boïardo, ou enfin les prendre en bonne et gracieuse plaisanterie héroïque, comme il le fit lui-même. […] On se modèle sur ce qu’on aime : laissez-lui aimer les belles choses, les belles aventures et les beaux vers ; peut-être que, plus vieux, il aura eu des chagrins et il aura trop de larmes dans les yeux pour lire ces divins badinages à travers ses pleurs. […] Mais, au lieu de laisser dans notre entretien de la soirée cette mélancolie pensive que laisse la lecture d’un livre passionné dans l’esprit d’une société de lecteurs, notre entretien, plus gai et plus souriant qu’à l’ordinaire, se ressentit de la folie et de la verve du poète : la villa, les jardins, les bois de lauriers, les vallées de l’horizon, la mer et le ciel nous parurent pleins de paladins, d’enchanteurs et de belles aventurières poursuivies par leurs persécuteurs ou poursuivant leurs héros à travers le monde. […] Un éclair de plaisanterie légère brille encore sans doute à travers ces larmes, comme un rayon de soleil sur la pointe de ces herbes mouillées par l’écume de ce jet d’eau ; mais, toutes brillantes que soient ces gouttes, ce sont des larmes. […] Il monte Bayard, et, sous la conduite d’un guide, il chevauche à travers les chemins de traverse de la forêt vers la ville où Ginevra attend vainement un libérateur.
La persistance des deux systèmes à travers l’histoire fait pressentir qu’ils doivent avoir chacun leur part de vérité. […] Ainsi, d’après les principes de Darwin, qu’avait entrevus un autre philosophe grec, Empédocle, la condition essentielle du développement de la vie à travers les âges, c’est que les actes agréables soient aussi, en général, les actes favorables à ce développement. […] Ce n’est pas là, il est vrai, une application des causes finales proprement dites, puisque ces résultats sont le simple effet d’un mécanisme opérant à travers le temps et l’espace, non un effet prévu par une intelligence ; ce n’est pas une explication téléologique, mais mécanique. […] Selon lui, nous n’avons conscience d’un sentiment agréable que s’il y a un changement en mieux perçu par nous, ce que Spinoza appelait « le passage à une perfection plus grande » ; nous n’avons conscience de la peine que si nous percevons un changement en pire, un passage à une perfection moindre : « C’est pourquoi, dit Schneider, le plaisir n’arrive à la conscience qu’à travers le manque de plaisir, à travers la souffrance, et celle-ci, à son tour, n’arrive à la conscience qu’à travers le manque de souffrance, à travers le plaisir. » Schneider identifie de cette manière, sans aucune preuve et contre toute preuve, l’absence de plaisir avec la douleur, l’absence de douleur avec le plaisir.
Ces Tacite, ces Démosthène, ces Cicéron, ces Homère et ces Virgile du cloître écrivaient à une époque obscure de transition à travers les ténèbres, entre les lettres classiques et les lettres des siècles des Médicis et de Louis XIV. […] L’âme de Dante quitta en quelque sorte la terre avec elle, et on ne peut douter que ce ne fut pour suivre et pour retrouver l’âme de Béatrice qu’il entreprit plus tard ce triple voyage à travers les trois mondes surnaturels, enfer, purgatoire, paradis, où, sous le nom de théologie, il ne cherche et ne divinise au fond que son amante. […] X Je me plais à me rappeler encore, en ce moment, le lieu, le jour, l’heure où je conçus soudainement, dans ma pensée, le plan de cette épopée de l’âme, de l’âme suivie par le poète dans ses pérégrinations successives et infinies à travers les échelons des mondes et ses existences d’épreuves. […] Je lançai ces deux âmes sœurs, mais devenues étrangères l’une à l’autre, dans la carrière de leur évolution à travers les modes de leur vie renouvelée. […] Je possédais dans ma pensée le fil conducteur à travers ces ébauches, et je comptais les relier à la fin les unes aux autres par cette unité des deux mêmes âmes, toujours égarées, toujours retrouvées, toujours suivies de l’œil et de l’intérêt, dans leur Divine Comédie, à travers la vie, la mort, jusqu’à l’éternelle vie !
Il se répand, comme Faust, en recherches anxieuses à travers les sciences et l’histoire, et les juge vaines, douteuses, bonnes pour des Wagner, pour des pédants d’académie ou de bibliothèque. C’est l’au-delà qu’il souhaite ; il le pressent à travers les formules des sciences, à travers les textes et les confessions des Églises, à travers les divertissements du monde et les éblouissements de l’amour. […] Ai-je besoin de dire que chez Schiller, Heine, Beethoven, Hugo, Lamartine et Musset, le poëte, à travers sa personne particulière, fait toujours parler l’homme universel ? […] Comme un enfant trop fort qui se dégage de sa mère en la blessant, il a tordu les nobles formes qui avaient essayé de le contenir, et traîné la littérature à travers une agonie d’angoisses et d’efforts. […] Les yeux fixés sur les apparitions magnifiques dont il peuplait l’espace, il marchait à travers le monde, sans voir la route, trébuchant sur les pierres du chemin.
Malgré sa répugnance pour le réel proprement dit et son habitude de tout voir à travers un certain cristal et dans un certain miroir, je le prendrai, pour commencer, dans la réalité et le positif. […] Comment l’avait-il saisi et, pour ainsi dire, humé à travers l’air ? […] Devenue libre et maîtresse d’elle-même par la mort d’un vieux parent, elle veut en avoir le cœur net ; elle tente l’aventure, prend un déguisement viril et se lance tête baissée à travers la vie. […] Faust dit : « Aimez, vous ferez bien mieux que d’étudier. » Don Juan dit : « Interrogez la science, apprenez, apprenez, vous avez plus de chance de ce côté que du mien. » Le grand Empereur enfin, après avoir pressé dans sa main le globe, trouve qu’il sonne creux, et se prend à envier l’idylle du chevrier de son île natale à travers les halliers.
Jeune, il avait entrevu Mme de Staël ; il avait vu, dans son séjour à Francfort, nos voyageurs philosophes qui allaient à la recherche d’idées à travers l’Allemagne12 ; il lisait tous les livres imprimés ici, et, dans les tout derniers temps de sa vie, il en lut un de M. […] Ce qui est nouveau, c’est lorsqu’on le peut, et autant qu’on le peut, de démêler attentivement ces diverses influences, d’en relever la trace ou d’en suivre les reflets à travers les œuvres, et d’y joindre toutes les indications puisées dans la vie, dans la destinée, dans le caractère, l’humeur, la complexion et le tempérament de l’écrivain. […] Sans doute les très belles et touchantes parties, les endroits pathétiques et pleins de larmes, les adieux d’Hector et d’Andromaque, les douleurs de Priam, étaient sentis ; mais tout ce qui tenait aux mœurs, à la sauvagerie d’alors, à la naïveté et à la crudité des passions et du langage, échappait ou s’éludait grâce aux commentateurs ou traducteurs, et se défigurait vraiment à travers l’admiration des Eustathe et des Dacier. […] Ce n’est que lorsqu’on a pénétré le Moyen-Age, sa philosophie, sa théologie, sa dialectique, son idéal amoureux ; ce n’est que lorsqu’on a aussi connu à fond la vie politique et poétique de Dante, qu’on a marché d’un pas plus sûr à travers les cercles et tout le labyrinthe du mystérieux poème, et qu’on a conquis, pour ainsi dire, l’admiration.
Il y a des temps où l’on ne peut plus soulever un brin d’herbe sans en faire sortir un serpent… « Restons nous-mêmes à travers tout. […] ils ne viennent que trop nous chercher le cœur à travers les portes et les murailles. » Mme Valmore usa de son influence sur Balzac, et surtout de l’influence qu’avait alors sur Balzac une autre personne qu’elle désigne sous le nom de Thisbè , pour obtenir du grand romancier devenu dramaturge, qu’il donnât une de ses pièces à l’Odéon et promît l’un des rôles à Mme Dorval. […] Il est bon et obligeant, mais, comme tous les hommes d’un grand talent littéraire, impossible à cultiver : il appartient à trop de monde, à tous les mondes. » Avec le seul Musset, il n’y avait jamais eu d’occasion, de rencontre, et partant de sympathie établie, pas le moindre petit fil tendu à travers l’air, et elle le supposait de loin plus avantageux certainement, plus plein de lui-même qu’il ne l’était, lui, l’indifférent passionné, éperdument livré au torrent de la vie ; elle avait à son sujet de la prévention, faute de l’avoir connu à une heure propice. […] … Espérons… » Sur quoi Mme Valmore, se mettant à son unisson, s’efforçait de relever son courage, d’évertuer sa vieillesse, de l’attendrir par l’aveu des misères communes, de l’égayer par des images simples, qui rappellent les beaux jours et les joies de l’enfance : « (9 novembre 1854)… La dame qui m’aide souvent à trouver l’argent d’emprunt pour passer mon mois, à la condition de le rendre à la fin de ce mois même, n’a pu venir encore à mon secours, à travers la pluie et toutes les difficultés de sa propre vie.
Ainsi, dans la seconde partie, lorsque Arthur, après un court éloignement, après cette rencontre si mémorable et si simple du vieillard sous les oliviers près d’Avignon, revient à sa terre, l’embellit, s’ouvre de toutes parts à travers sa forêt, comme à travers ses souvenirs, des perspectives vers le ciel, et remercie à genoux l’Auteur de ces biens ; lorsqu’il nous donne le journal de ses promenades, l’extrait de ses lectures, comme un bouquet champêtre assorti pour la parure de l’autel le jour de la fête de la patronne ; lorsqu’il nous raconte un des derniers jours d’octobre, ou sa belle cathédrale de Rouen, ou le salut de la Sainte-Catherine, ou le gazon frais des calvaires, l’effusion abonde, la charité coule par ses lèvres, se répand sur tous, et l’éternel christianisme des âmes tendres rajeunit et multiplie ses plus chers accents. […] Il ne pouvait s’empêcher presque chaque fois, dans ses articles très-peu critiques, de revenir à la poésie et aux souvenirs émus de ses jeunes années, aux principaux noms romantiques qui lui étaient restés chers : mon nom, à moi-même, y trouvait souvent son compte, et son amitié pour moi, à travers l’éloignement et l’absence, n’a jamais varié. […] Je n’étais jamais allé à Crosey, ou du moins je n’avais fait qu’entrevoir la maison à travers la grille, et côtoyer le parc, en m’en revenant à cheval de chez un de mes amis qui demeurait dans les environs.
Sera-ce du moins par une certaine forme d’art, par une certaine lumière vive et juste d’expression qu’il se fera jour et resplendira à travers l’analyse ? […] Dans ses courses, dès 1826, à travers l’Allemagne, dans ses stations près de Goëthe à Weimar, en cette petite cour illustre toute remplie alors des rayons de l’astre couchant, et qui en conserve aujourd’hui un culte si sacré ; dans ses pointes aventureuses en Scandinavie dont il ouvrait si bien l’investigation reprise et poussée par d’autres ; dans ses fuites et refaites, auparavant et depuis, à des rivages plus doux et aux traces du chantre de Béatrice ; dans cette longue parenthèse enfin de Drontheim à Agrigente, n’allait-il que pour amasser des idées précises, des matériaux de première main à une histoire littéraire comparée ? […] Durant ces quatre ou cinq siècles, il a pu disposer, à travers son histoire, ses lignes ingénieuses de perspective, dont plusieurs viennent déjà aboutir, avec un imprévu piquant, à des extrémités visibles de notre histoire littéraire bien connue. […] Qu’on ouvre les livres du Père Garasse, ceux de Pierre Mathieu, si étrangement réhabilité de nos jours ; la pensée n’y va qu’à travers toutes sortes d’allusions érudites et sous une marqueterie de métaphores, toutes plus raffinées les unes que les autres, et qui ne permettent presque jamais de saisir le fil direct et simple.
L’idée de royauté cheminait donc et grandissait à travers le déclin de l’empire ; le christianisme la favorisait indirectement. […] Voilà la gloire de ce Richelieu prématuré. » Un tel nom sur le front d’Hébroïn, à travers de telles ténèbres, pourra paraître bien hardiment imposé ; il va du moins le fixer plus nettement dans notre mémoire, et désormais, qu’on y consente ou non, Hébroïn, à coup sûr, y gagnera. […] La France a longtemps été monarchique ; elle a toujours assez et, trop aimé, sauf les intervalles, aller à un seul, obéir à quelqu’un ; et cette idée, qui trouverait ses retours jusque dans le triomphe de la démocratie, vaut bien la peine qu’en temps régulier, et même à travers l’apparente défaveur, on s’y arrête encore : l’observer à loisir et la reconnaître, c’est le bon moyen d’en moins abuser. […] Je voudrais bien pouvoir n’en conclure qu’une chose, c’est que, même à tort et à travers, l’humanité ne conçoit rien de grand, à la longue, sans une certaine bonté.
Il était naturel que ces gens qui’s’étaient faits eux-mêmes, eussent foi en leur esprit, dans la raison humaine qui, en eux, soutenue par la volonté, réglée par la méthode, avait été à la science à travers tous les obstacles. […] Littérairement, le sentiment n’est caractéristique qu’à condition d’être, d’abord, une disposition habituelle de l’âme et comme le verre à travers lequel elle regarde les choses, en second lieu, un plaisir de l’âme, qui savoure l’amertume. […] Mais à travers cette folie d’invention on rencontre sans cesse une ferme réalité : des amours « exécutés » tels qu’ils le peuvent être dans le train le plus commun du monde, et plus rapidement même, de positives conclusions qui suivent, et parfois précèdent les vaporeuses adorations, une franchise d’accent, presque une brusquerie délibérée d’humeur chez ces chimériques héros, qui leur donne un peu de consistance et l’air de la vie. […] Ainsi s’explique qu’Amadis et son cycle aient éclipsé les preux demeurés Français de France, Lancelot, Tristan, Perceforêt, dont les Vérard et les Galiot du Pré avaient imprimé les aventures ; et que la tradition de la Table ronde ait fait comme un crochet à travers la chevaleresque Espagne pour passer de notre xiie à notre xvie siècle.
Le bras qui l’agite fait toute sa puissance, et c’est ce bras formidable que nous ne voyons pas sortir de sa nuée et s’allonger à travers l’histoire de M. […] Attila, cet élément et non cet homme à notre façon, déchaîné à travers le monde, ne saurait se décomposer comme les autres hommes. […] IV Ainsi toujours et pour tout, dans ce livre, on est obligé de revenir à l’idée chrétienne, sans laquelle il est impossible de voir une minute à travers la période d’histoire que M. […] Ce n’est pas, en effet, seulement dans l’éclat du nom qu’il a l’honneur de porter, ce n’est pas seulement dans la magnifique récompense qui vient de l’atteindre, à travers la mémoire de son frère5, qu’on aperçoit le bénéfice pour M.
Pourquoi, par exemple, avec le grand poëte dont il s’agit et en le relisant, suis-je presque toujours dans la situation d’un homme qui se promènerait dans un jardin oriental magnifique où le conduirait un enchanteur ou un Génie, mais où un méchant petit nain difforme lui donnerait à chaque pas de sa baguette à travers les jambes, le Génie ne faisant pas semblant de s’en apercevoir ? […] Que si ma pensée se reporte, non plus sur le poëte, mais sur l’homme auquel tant de liens de ma jeunesse m’avaient si étroitement uni et en qui j’avais mis mon orgueil, ressongeant à celui qui était à notre tête dans nos premières et brillantes campagnes romantiques et pour qui je conserve les sentiments de respect d’un lieutenant vieilli pour son ancien général, je me prends aussi à rêver, à chercher l’unité de sa vie et de son caractère à travers les brisures apparentes ; je m’interroge à son sujet dans les circonstances intimes et décisives dont il me fut donné d’être témoin ; je remue tout le passé, je fouille dans de vieilles lettres qui ravivent mes plus émouvants, mes plus poignants souvenirs, et tout à coup je rencontre une page jaunie qui me paraît aujourd’hui d’un à-propos, d’une signification presque prophétique ; je n’en avais été que peu frappé dans le moment même.
je me suis, sans doute, figuré depuis que j’avais fait le plus adorable voyage, et je le raconte quelquefois en coupant mon récit de cris d’admiration ou de plaisir : mais, quand je rentre en moi-même et que je tâche d’être sincère, je sens très bien que, ce coin du Sahara, c’est à travers le livre de Fromentin que je le revois, non à travers mes propres souvenirs ; je sens que ce voyage n’a rien ajouté à la vision que j’apportais avec moi, et que mes yeux ont, sans le savoir, conformé la réalité à cette vision.
À l’adolescent, elle parle de l’amour ; au père, de la famille ; au vieillard, du passé ; et, quoi qu’on fasse, quelles que soient les révolutions futures, soit qu’elles prennent les sociétés caduques aux entrailles, soit qu’elles leur écorchent seulement l’épiderme, à travers tous les changements politiques possibles, il y aura toujours des enfants, des mères, des jeunes filles, des vieillards, des hommes enfin, qui aimeront, qui se réjouiront, qui souffriront. […] Il n’attendra jamais qu’on lui rappelle qu’il a été, à dix-sept ans, stuartiste, jacobite et cavalier ; qu’il a presque aimé la Vendée avant la France ; que si son père a été un des premiers volontaires de la grande république, sa mère, pauvre fille de quinze ans, en fuite à travers le Bocage, a été une brigande, comme madame de Bonchamp et madame de Larochejaquelein.
cette chimère du passé, des réalités la plus terriblement réelle, cette inévitable fatalité du souvenir que Manfred maudit, dans Byron, et qu’il appelle l’impossibilité d’oublier, voilà, malgré les tours de force du linguiste et les travaux de joaillier que Gramont exécute sur le rhythme, ce qui distingue ses poésies et communique un charme profond à ce recueil, qui est, on le sent à travers les ciselures passionnées du poète et de l’idolâtre matériel, un fragment rompu de la vie et non un livre de vers écrit seulement pour montrer qu’on sait faire des vers ! […] Seulement, autant, quand il reste le poète d’une cause et des traditions de son berceau, il est au-dessus de l’imitation et des reflets de la Renaissance et trouve sans la chercher cette forme qui n’est ni un vêtement, ni un ornement, mais la splendeur de la pensée à travers les mots qui la voilent et qui la révèlent, autant, quand le souvenir qu’il évoque tient à ces sentiments plus vulgaires que nous avons tous éprouvés, il retombe dans cette forme d’une époque trop admirée et que le progrès serait d’oublier.
Combien se seraient perdus à travers ce dédale, prisonniers de leur curiosité, accaparés par ce détail immense ! […] Il a traversé jadis de son pas fatigué la large cour pavée qu’on voit de ta rue/à travers la grille. […] Mais à travers l’enflure du style éclatent à chaque instant des traits admirables de vérité et d’observation. […] Après quelques pas à travers les allées du parc, la demeure apparaît. […] Songer, c’est imposer aux choses, à travers l’âme, la grande transfiguration silencieuse.
Si vous longez la mer du Nord depuis l’Escaut jusqu’au Jutland, vous vous apercevrez d’abord que le trait marquant du pays est le manque de pente ; marécages, landes et bas-fonds : les fleuves, péniblement, se traînent, enflés et inertes, avec de longues ondulations noirâtres ; leur eau extravasée suinte à travers la rive, et reparaît au-delà en flaques dormantes. […] À travers les emportements de la brutalité primitive, on voit percer obscurément la grande idée du devoir, qui est celle de la contrainte exercée par soi sur soi en vue de quelque but noble. […] La grande bête de l’Océan a reçu par sa main l’assaut de la guerre, et il a tué neuf nicors51. » Maintenant le voilà qui vient à travers les flots pour secourir le vieux roi Hrothgar, qui est assis affligé dans « la grande salle à hydromel, haute et recourbée », avec ses thanes. […] D’étranges dragons, des serpents y nageaient, et de temps en temps « le cor y sonnait un chant de mort, un chant terrible. » Beowulf se lança dans la vague, il descendit, à travers les monstres qui choquaient sa cotte de mailles, jusqu’à l’ogresse, jusqu’à « la détestable homicide », qui, l’empoignant dans ses griffes, l’emporta vers son repaire. […] Wuotan (Odin) signifie, par sa racine, le Tout-Puissant, celui qui pénètre et circule à travers tout.
J’ai beau tourner les yeux vers le passé, je ne l’aperçois qu’à travers la fumée de la houille, condensée en nuées épaisses dans le ciel ; j’ai beau tendre l’oreille aux premiers chants de la poésie humaine, les seuls qui méritent d’être écoutés, je les entends à peine, grâce aux clameurs barbares du Pandémonium industriel. […] Ces nobles récits qui se déroulaient à travers la vie d’un peuple, qui exprimaient son génie, sa destinée humaine et son idéal religieux, n’ont plus eu de raison d’être du jour où les races ont perdu toute existence propre, tout caractère spécial. […] Il voit du premier coup d’œil plus loin, plus haut, plus profondément que tous, parce qu’il contemple l’idéal à travers la beauté visible, et qu’il le concentre et l’enchâsse dans l’expression propre, précise, unique. […] Ce sont les révélateurs antiques du Beau, ceux qui poussent à travers les siècles les premiers cris sublimes de l’âme humaine, les grands poètes populaires et nationaux. […] Elles vont, elles descendent, plus impétueuses de minute en minute, arrivent à la mer, et font une immense trouée à travers les houles effondrées.
Le grincement des roues des charrues, qui fendent la glèbe fumante des champs au penchant des collines ; les mugissements des troupeaux sortant des étables ; le sifflet des bergers enfants, qui gazouille à l’orée des bois ; la clochette qui tinte au cou des chèvres sur les rochers ; les branles sonores de la cloche, qui appellent les femmes du hameau à l’église ; le roulis des sabots de bois des paysannes sur la roche vive des sentiers qui descendent des deux flancs de montagnes vers le cimetière ; la fumée du feu du matin, qui s’élève çà et là à travers les châtaigniers, comme autant de drapeaux bleuâtres arborés par les toits disséminés des chaumières ; les ombres et les éclats du jour, qui se combattent, se déplient et se replient alternativement, au gré des légers brouillards de rosée, depuis le faîte des sapins noyés dans l’aurore jusqu’au creux des prairies noyé dans la brume blanche du matin : voilà les bruits et les aspects qui tintent à l’oreille ou qui éclaboussent les yeux des hôtes, au réveil du château. […] Je ne cherche ni à incendier ni à éblouir : je cherche à adorer, à travers la nature et la foi (car je suis chrétien par le lait de ma mère), je cherche à adorer l’Auteur infini de cette nature ; ma poésie n’est que ma prière, mon enthousiasme n’est que mon encens. […] C’est sa gloire que vous voulez, ce n’est pas la vôtre ; mais il y aura toujours assez d’âmes mystiques autour du sanctuaire où vous chantez vos mélancolies et vos adorations pour les entendre à travers les murs, et pour les retenir dans leur mémoire comme des brises de l’âme, exhalant solitairement à l’oreille de Dieu les mélodies sans paroles de la création. […] La voix du barde divin résonnait grave comme un souffle d’hiver à travers les troncs caverneux d’une forêt de Calédonie. […] Plus heureux que le Dante toscan, on sent le bonheur intime à travers ses rugissements de poète indigné ; car Laprade n’a connu ni les odieuses vengeances des partis politiques, ni l’exil, ni le veuvage du cœur ; heureux fils, heureux amant, heureux père !
Elle manquait ainsi qu’en toute notre Poésie, malgré ses émouvantes phrases humaines à travers le Moi du poète, qui ne put davantage de ses Inspirés tenir une œuvre-une pleine de la volonté pensante et pesante d’une vie. […] À travers les hésitations et le mieux des générations : lorsque l’être s’éleva inquiet de sa dualité et de sa géniture et de l’heur et de la douleur : la Matière devint sentimentale. À travers les hésitations et le mieux des générations : à mesure que s’enquit de soi l’être universel, et qu’il tenta des lois, et, à leur aide, une nouvelle Expérience : la Matière devint pensante. […] Et il sied de ne point songer et s’attarder à notre vœu, — si l’organisme poétique ne perçoit et ne conçoit pas le monde, spontanément et en immanence, à travers des sons qui parlent. […] Musicien de la masse des mots-instruments, des sons qui parlent, nous ne savons » selon les thèmes ou grands leit-motiv de la Pensée, que leur évolution à travers la diversité par eux-mêmes mesurée, et, mis à leurs plans, l’évolution de thèmes secondaires : précipitant en une Action, en un drame multiplement et pourtant unanimement sonnant, non seulement toutes périodes, mais tous poèmes du livre, tous livres de l’Œuvre.
C’est à pareil jour qu’il revint l’année dernière de ses voyages sans but à travers le monde, dont il ne rapporte jamais, dans sa valise, que des pierres cassées, des dessins à la plume ou des écritures à lignes inégales qui font chanter ou pleurer ceux qui les lisent. […] L’art assyrien est libre dans son inexpérience ; il n’a rien de la roideur des formes imposées par une tradition religieuse : de là le charme qui perce à travers sa rudesse. […] L’Athénien qui se rendait de sa maison à l’assemblée du peuple rencontrait partout sur son passage les figures des divinités protectrices de la cité, celles des magistrats et des héros révérés pour leur courage et pour leurs vertus civiques et patriotiques ; il s’avançait au milieu de la majesté de ces souvenirs comme sous les portiques d’un temple ; et la Vénération, comme une muse de la religion et de la patrie, se levait à son approche du pied des statues, et l’accompagnait à travers la ville jusqu’au lieu consacré par la solennité des délibérations populaires. […] Tout à coup, à travers une de ces déchirures de la brume, j’aperçus comme au-dessus d’un vaste piédestal de nuées, entre ciel et terre, un édifice carré de marbre blanc sur lequel le soleil de l’Attique se répercutait éblouissant, mais mat comme le soleil d’une autre terre ; il laissait lire sans éblouissement les lignes nettes, pures, rectangles de l’édifice ; on aurait compté les colonnes et recomposé les figures et les groupes des frontons. […] Gaspari nous conduisit au bas de la ville, à travers les mêmes ruines, jusqu’à une maison blanche et propre, élevée tout récemment, et où un Italien avait monté une auberge.
Or, en ce même temps, un Canard ou un Héron pourrait voler à une distance d’au moins six à sept cents milles, et ne manquerait pas de s’abattre sur un étang ou un ruisseau de l’île océanique ou de toute autre terre éloignée vers laquelle le vent l’aurait poussé à travers la mer. […] Mais comme ces animaux, de même que leur frai, sont immédiatement tués par le contact de l’eau de mer, leur transport accidentel à travers l’Océan présente les plus grandes difficultés, et, par conséquent, à mon point de vue, il est tout simple qu’elles n’existent sur aucune île océanique. […] D’après ma théorie, la question est vite résolue, car aucun animal terrestre ne peut être transporté accidentellement à travers une vaste étendue de mer, tandis que des Chauves-Souris peuvent la traverser en volant. […] Il est un point sur lequel Édouard Forbes a souvent insisté : c’est qu’il existe un parallélisme frappant entre les lois de la vie dans le temps et dans l’espace ; les lois qui gouvernent la succession des formes organiques à travers la série des temps géologiques écoulés, étant presque les mêmes que celles qui gouvernent aujourd’hui leur distribution dans les diverses régions du globe. […] De ce que les organismes inférieurs ont en général une grande extension dans chaque période géologique, et une grande persistance à travers la série de ces périodes, si l’on infère qu’ils se transforment lentement, il ne faut pas déduire ensuite de ce qu’ils se transforment lentement, qu’ils doivent avoir une grande extension.
Mais enfin, en poursuivant cette lecture à travers les mille particularités dont elle se compose, et en faisant la part de la bienveillance et de l’optimisme de Dangeau, décidé à trouver tout bien, on arrive à un résultat qui, selon moi, ne trompe point : on ressent et l’on respire ce qui est dans l’air à un certain moment. Eh bien même à travers cette guerre immense et laborieuse, les années 1691, 1692, 1693, sont encore fort belles, et continuent de donner une bien haute idée de Louis XIV. […] Si l’espace me le permettait, j’aurais à noter, dans le tome Ve, les teintes plus sombres qui se laissent apercevoir à travers l’uniformité officielle et l’impassibilité souriante de Dangeau.
Thiers a commencé d’élever il y a quinze ans, qu’il n’a cessé d’édifier depuis avec ardeur et constance, à travers les vicissitudes de sa vie publique, comme dans sa retraite si noblement remplie, peut être considéré comme terminé. […] Se décidant aussitôt à se placer entre Schwarzenberg et Blucher, il laisse quelques corps et divisions échelonnés sur la Seine, et il se porte en secret, en toute diligence, vers la Marne, où il compte bien (car de son coup d’œil supérieur il a tout deviné) tomber en plein à travers les corps en marche de Blucher, dispersés et distants, et faire bombe au milieu d’eux. […] C’est par elle qu’on est sûr, bien que de loin et à travers tout ce qui sépare, de rester en sympathie et, jusqu’à un certain point, à l’unisson avec lui en de certaines occasions majeures et décisives.
Serve de la pensée, La phrase saine et souple, en son ordre placée, Vit, commande déjà : le poète aux abois Poursuit encor la rime à travers champs et bois. […] Il y a un certain progrès de civilisation, un certain résultat de lumières (vous avez beau rire) qui a filtré jusqu’à lui, et qui me le fait très-bien supporter quelque temps, à travers ses ridicules. […] » Mais il n’est pas si sot, ce bourgeois. il n’a pas lu Locke, mais il lui est arrivé, je ne sais comment, — à travers l’air, — quelque chose de sa réserve prudente.
Le lyrisme qui nous prend, est celui où transparaît sans cesse l’universel : il trouve au fond des tristesses et des désirs de l’individu, il aperçoit à travers les formes multiples de la nature, il pose et poursuit partout les problèmes de l’être et de la destinée. […] Nous avons vu, à travers le xviiie siècle français, croître l’individualisme, sous la double forme d’expansion sentimentale et d’amour de la nature. […] Avec un grand fracas de formules hautaines, et de métaphores ambitieuses, à travers de prodigieuses ignorances et des audaces inouïes d’affirmation arbitraire, faisant défiler magnifiquement tous les âges, et se grisant de la couleur ou du son des noms propres, Hugo posait l’antithèse du beau et du laid, du sublime et du grotesque ; et, en les opposant, il les unissait dans l’art.
Un autre roman ou nouvelle de lui, intitulée Eugénie (1803), est aussi l’histoire d’une jeune Anglaise restée en France pendant la Révolution, et y aimant presque à contrecœur un jeune Français qu’elle finit par épouser à travers les discordes et les guerres qui séparent les deux nations. […] Ces qualités de persévérance, d’attention, de curiosité, et presque d’attachement pour son sujet, qui mènent un habitant de la campagne à passer les journées et une partie des nuits en sentinelle pour observer, sans les effaroucher, ces petits insectes, ne diffèrent pas essentiellement de celles qui dirigent le biographe attentif dans les bibliothèques et à travers les livres, à la piste des moindres faits qui peuvent éclairer l’âme et la vie d’un écrivain préféré. […] Walckenaer est classique, mais il l’est à travers le goût de son temps et de sa jeunesse, et il y a une teinte première dont il ne s’est jamais débarrassé.
Mais dans le Faust il n’y a qu’un fatras incohérent, sans aucune espèce de composition, des tableaux vivants, quand ils vivent, et une érudition de moyen âge versée à travers ces tableaux qui se succèdent et ne s’engendrent pas. […] Il porte la redingote aux revers de soie, la haute cravate du temps, sans nœud, fixée par une pierre précieuse, et à travers les plis mous de laquelle se devinent, hélas ! […] Et, à travers tout cela, pas un mot venant du cœur, des entrailles, d’un sentiment ou d’une pensée quelconque. […] Scène délicieuse, que je vois, moi, à travers les indications sans netteté et les silences de ce récit impassible. […] D’ailleurs, après cet écrasement de Gœthe sous cette montagne de Newton, il n’y a plus à voir que l’homme, dans Gœthe, à travers les ruines du savant et du littérateur.
Certes, toute opération mathématique que l’on exécute sur une quantité donnée implique la permanence de cette quantité à travers le cours de l’opération de quelque manière qu’on la décompose. […] Comme nous n’avons point coutume de nous observer directement nous-mêmes, mais que nous nous apercevons à travers des formes empruntées au monde extérieur, nous finissons par croire que la durée réelle, la durée vécue par la conscience, est la même que cette durée qui glisse sur les atomes inertes sans y rien changer. […] Le moi, infaillible dans ses constatations immédiates, se sent libre et le déclare ; mais dès qu’il cherche à s’expliquer sa liberté, il ne s’aperçoit plus que par une espèce de réfraction à travers l’espace. De là un symbolisme de réfraction à travers l’espace. […] Ici encore, l’illusion de la conscience vient de ce qu’elle considère le moi, non pas directement, mais par une espèce de réfraction à travers les formes qu’elle a prêtées à la perception extérieure, et que celle-ci ne lui rend pas sans avoir en quelque sorte déteint sur elles.
Ou plutôt, à mesure que nos sens s’affinent, que notre intelligence s’élargit, plus cosmopolite, plus compréhensive, le prisme à travers lequel se réfracte le réel change de couleur. […] À certaines heures, les soirs de juin, les nuits d’hiver, à travers la campagne, au bord des océans, dans le silence de la chambre éteinte, tombent sur l’âme errante comme des gouttes de mystère. […] Le monde n’est plus regardé seulement à travers les objets, ces verres asymétriques qui déforment, il est perçu sans intermédiaire, irréfrangible. […] Le titre pédant de mon livre me plaît, me faisant songer aux mystiques, qui ont perçu le ciel à travers eux-mêmes et leur âme, réfléchie par les choses. […] Mais une fois pour toutes qu’à travers ces épithètes trop générales et trop vagues on veuille bien discerner des individualités.
Il rejeta la matière, méprisa l’industrie, se passa des beaux arts ; il abdiqua le royaume de la terre pour atteindre plus vite, à travers l’espace et les lieux, à travers l’empire de César, au but de ses conquêtes spirituelles.
Cette brièveté de la vie, dont Horace mêle sans cesse le souvenir à ses peintures les plus riantes, cette pensée de la mort, qu’il ramène continuellement à travers toutes les prospérités, rétablissent une sorte d’égalité philosophique, à côté même de la flatterie. […] On ne désire point, il est vrai, ce genre de supériorité dans l’histoire ; il faut que la nature humaine y soit représentée seulement dans son ensemble, il faut que les héros y restent grands, qu’ils paraissent tels à travers les siècles.
Alfred de Vigny, ce fut là un des côtés les plus saisissants de son originalité, sentit mieux que personne combien les poètes à travers le temps revivent en ceux qui leur succèdent et sont solidaires les uns des autres. […] On relira éternellement cette page du Mont des Oliviers, et, à travers ces beaux vers et ces magnifiques pensées, on peut entendre comme le sanglot viril du poète.
À travers leurs regards divins, brillent les attributs de leur glorieux Créateur : la vérité, la sagesse, la sainteté rigide et pure, vertu dont émane l’autorité réelle de l’homme. […] Bientôt le firmament étincela de vivants saphirs : l’étoile du soir, à la tête de l’armée des astres, se montra longtemps la plus brillante ; mais enfin la reine des nuits, se levant avec majesté à travers les nuages, répandit sa tendre lumière, et jeta son manteau d’argent sur le dos des ombres14.
des esprits toujours en exploration, ardents aux longues lectures à travers les grands auteurs, curieux des investigations philosophiques, enflammés pour le grec, idolâtres des vers latins, en un mot ne faisant la part de l’utile que pour réserver plus sûrement et plus largement la part du Beau ! […] Car il aura vu distinctement, à travers les chefs-d’œuvre admirés, le plus sublime des spectacles, la vertu couronnée par le génie !
On les lut comme on lisait celles de madame de Sévigné, — comme on lut aussi ces autres Petites Lettres de Louis Montalte, ce pseudonyme bientôt mis en pièces par le puissant nom de Pascal, qui passa brusquement à travers ! […] Ne rêvez-vous pas des déchirements, des blasphèmes, des revanches contre la prière abandonnée, et à travers tout cela l’idée, qui offusque tout dans une âme perdue, de la damnation éternelle ?
Cette relation, quoiqu’il soit constamment question d’elle à travers l’histoire de la philosophie, a été en réalité fort peu étudiée. […] Mais à travers cette complication, qui tient à la complication même de la réalité, nous croyons qu’on se retrouvera sans peine si l’on ne lâche pas prise des deux principes qui nous ont servi à nous-même de fil conducteur dans nos recherches.
» À travers nos suppressions, ce petit monument d’ordre composite ressemble à ces œuvres d’architecture étayées et retouchées à des époques diverses. […] « Ô toi, dit-il, soit que, porté à travers les cieux sur le char de la gloire, à la hauteur où montent les grandes âmes, tu dédaignes la terre et te ries des tombeaux, soit que tu habites, aux bords élyséens, le bocage de paix où s’assemblent les guerriers de Pharsale, et que les Pompée et les Caton accompagnent ton noble chant ; soit que, fière et sacrée, ton ombre ignore le Tartare, et que tu entendes de loin les supplices des méchants, et n’aperçoives que derrière toi Néron, pâle sous le regard irrité de sa mère, apparais-nous dans ton éclat !
… Ce devait être par ma faute… Est-ce que les grandes personnes voyaient à travers moi ? […] Mon père, debout, regardait à travers son monocle. […] La porte était fermée à clé et, à travers la grille, je vis des sœurs qui se promenaient en lisant des prières. […] À travers l’étoffe, j’y voyais un peu. […] Il était à demi-agenouillé dans un fauteuil, du haut duquel il nous considéra quelques instants à travers son monocle.
Le sang bondissait en cascades, le long des escaliers de pierre, et s’épandait à travers la ville. […] Sa gloire apparaît, comme un soleil tardif, à travers le brouillard, son rire spirituel se fait fièrement entendre à travers le bruit de bataille de là tumultueuse ville. […] René Bazin promenait sa curiosité douce à travers l’Italie et l’Espagne. […] Un autre commençait de s’intéresser à une des innombrables Mays qui circulent à travers les bals et les thés d’après-midi. […] Le souvenir de Taine l’a orienté à travers cette végétation et ces broussailles.
Les Dates et les Œuvres, à travers le portrait d’une époque fait donc celui de son auteur, à travers l’histoire des revues et des multiples courants poétiques reprend les grandes lignes de force d’une théorie, et sous l’apparence d’une chronique s’apparente fort à une autojustification. […] Mais c’était, en quelque sorte, à travers Zola que M. […] Il se promet, en terminant sa danse quelque peu ursine à travers les palettes et l’orchestre, de « ne plus me prêter le collet ». […] Evoluant à travers l’alexandrine mesure et à travers la période « Rythme-évoluant », les diverses énergies Rythmiques se scandent sur les diverses Mesures générées par les nombres deux et trois qui, additionnés ou multipliés entre eux, produisent les modes dissonants ou les Eurythmies. […] Il est, comme lui, épris d’Edgar Poe et le traduit : et c’est, semble-t-il, à travers le traducteur de Poe que Mallarmé s’attache au poète du « Corbeau ».
Nous entendons à travers les drames comme à travers l’histoire du temps ce grondement farouche : le seizième siècle ressemble à une caverne de lions. […] L’énergie et l’âpreté native font irruption à travers la perfection de la culture et les habitudes du comfort. […] À travers les éclats de la verve et les splendeurs de la poésie perce la tristesse foncière. […] Voilà déjà la peinture de l’orgueil insensé, de la fougue aveugle et meurtrière, qui, promenée à travers les dévastations, arrive à s’armer contre le ciel lui-même. […] Deux ou trois actions soudées bout à bout, ou enchevêtrées l’une dans l’autre, deux ou trois dénoûments inachevés, mal emmanchés, recommencés ; pour tout expédient, la mort prodiguée à tort à travers et à l’improviste, voilà leur logique.
Quoique le brouillard fût épais, à travers son épaisseur même, les avant-postes ennemis aperçurent la lueur des torches, entendirent les cris de joie de nos soldats, et allèrent donner l’alarme au général Tauenzien. » L’espace que Napoléon cherchait d’abord à conquérir pour y déployer son armée encore à demi cachée derrière les montagnes est balayé avant dix heures du matin. […] « Murat part au galop, réunit ses escadrons, puis les fait passer entre le cimetière et Rothenen, à travers ce même débouché par lequel le corps d’Augereau avait déjà marché à une destruction presque certaine. […] Enfin, l’une d’elles, lancée avec plus de violence, renverse sur un point l’infanterie ennemie, et y ouvre une brèche à travers laquelle cuirassiers et dragons pénètrent à l’envi les uns des autres. […] La marche de ces sept cent mille hommes à travers la Russie à la poursuite d’une bataille qui fuit toujours devant eux ; les tronçons d’armée laissés à chaque station et à chaque combat partiel sur cette longue route ; la victoire ruineuse de la Moskowa ; l’entrée à Moscou ; l’incendie de cette capitale qui ne laisse qu’un monceau de cendres à la conquête ; l’hésitation de la marche au-delà ou du retour qui rend les deux partis également funestes ; le retour à travers les frimas ; le passage de la Bérézina ; les convulsions héroïques et suprêmes de l’armée anéantie ; la dispersion de cette multitude dans les glaces de la Pologne ; le bilan sinistre de l’historien à Koenigsberg, qui réduit à une poignée d’hommes expirant dans les hôpitaux les débris de ces corps qui couvraient quelques mois avant les routes et les steppes de la Pologne ; cette nécrologie de la gloire est cette fois pour l’histoire la plus éloquente des rétributions. […] XXI Telle est cette histoire ; malgré le petit nombre de défaillances de pensée ou de style, nous n’en connaissons aucune qui ait fourni d’une si forte haleine une si longue course à travers un si long temps.
Dans le Nodier d’aujourd’hui, à travers la fatigue, il y a encore, par accès, du montagnard élancé à haute et large poitrine, de même que dans celui d’autrefois et jusqu’en sa pleine force, on dut entrevoir toujours quelque chose de ce qui a promptement fléchi. […] ce bouquet de cerises malicieusement promené sur les lèvres de celui qu’on croit endormi ; lorsque véritablement il paraît ne plus vouloir emprunter de ses précédents romans trop ensanglantés que les souriantes prémices ou les douleurs embellies, comme étaient dans Thérèse Aubert les adieux à la Butte des Rosiers et ce baiser à travers les feuilles d’une rose ; quand donc on se croit assuré qu’il en est là, tout d’un coup… qu’est-ce ? […] … Rien n’est doux et brillant comme de regarder à distance nos jeunes années malheureuses à travers ce prisme qu’on appelle une larme. […] Je n’essayerai pas de le deviner et de le suivre à travers ces enthousiastes chaleurs de la première et de la seconde Restauration. […] Et qui donc serait plus capable, en effet, de suivre en buissonnant l’histoire et les aventures de chaque mot à travers la langue ?
Il y a six mille ans, les plantes et les animaux de l’Égypte étaient pareils à ceux d’aujourd’hui ; plusieurs espèces de plantes et d’animaux n’ont pas varié à travers les énormes intervalles des périodes géologiques ; d’un bout à l’autre de la terre, de nos jours et à des époques séparées de notre temps par des myriades de siècles, le petit mollusque dont la coquille forme la craie a la même structure et la même vie. — Bien plus, beaucoup de nos corps chimiques, l’hydrogène, le fer, le sodium, d’autres encore, se rencontrent dans le soleil, à trente-cinq millions de lieues de notre terre, au-delà encore dans des étoiles si éloignées qu’il faut plusieurs années à leur lumière pour arriver jusqu’à nous, ou que leur distance échappe à toutes nos mesures. — À cette distance prodigieuse, les astres restent pesants comme notre terre ; on s’en est assuré par les mouvements des étoiles doubles. […] Les uns le sont davantage, les autres moins ; chacun d’eux est d’autant plus général qu’il est moins complexe et d’autant moins complexe qu’il est plus général. — En effet, considérons d’abord le groupe de caractères qui persiste dans un être particulier, dans tel homme, à travers les moments successifs de sa vie. […] Mais d’autre part ce groupe ne convient qu’à cet homme et ne dure comme lui qu’un court intervalle de temps. — À présent, de l’individu, passez à la race ; c’est l’inverse qui arrive ; sans doute ici, les caractères communs sont beaucoup plus répandus dans l’espace et durent bien davantage dans le temps, puisqu’ils se rencontrent dans un nombre indéfini d’individus contemporains et se répètent à travers un nombre indéfini de générations successives. […] Mais le type original se manifeste par des rapports fixes, par des retours subits, par mille traits incontestables, et l’idée de la feuille, dégagée de toutes les impressions sensibles, épurée, portée par l’abstraction énergique bien loin au-dessus de l’expérience vulgaire, n’est plus que l’idée presque géométrique d’un cycle d’éléments végétaux qui, à travers toutes les formes et tous les emplois imaginables, gardent leur ordre primordial. — Pareillement, chez les animaux, à travers toutes les diversités de structure et d’office, on trouve dans toute la classe des mammifères un même plan de squelette, dans toute la classe des crustacés, comme dans toute celle des insectes, un même plan des segments, de la bouche et des membres ; et ce plan est si tenace que, chez plusieurs espèces, on voit subsister ou apparaître, pour témoigner de sa présence, des dispositions ou des pièces inutiles ; une suture, une dentition, un ongle, un bourrelet osseux, des organes passagers ou rudimentaires le rendent visible en présentant son mémorial transitoire ou son reliquat survivant. […] Ce ne sont pas seulement les grosses masses célestes qui s’attirent mutuellement ; toutes leurs molécules, les plus éloignées comme les plus rapprochées, s’attirent entre elles suivant la même loi, en raison directe de leur masse et en raison inverse du carré de leur distance. — La pesanteur ainsi définie est un caractère si persistant, qu’il semble indestructible ; chaque corps conserve la sienne, toujours égale et intacte, à travers tous les changements d’état qu’on peut lui faire subir et dans toutes les combinaisons chimiques où il peut entrer.
Quand l’émotion, au contraire, est extrême, exaltée, infinie ; quand l’imagination de l’homme se tend, et vibre en lui jusqu’à l’enthousiasme ; quand la passion réelle ou imaginaire l’exalte ; quand l’image du beau dans la nature ou dans la pensée le fascine ; quand l’amour, la plus mélodieuse des passions en nous, parce qu’elle est la plus rêveuse, lui fait imaginer, peindre, invoquer, adorer, regretter, pleurer ce qu’il aime ; quand la piété l’enlève à ses sens et lui fait entrevoir, à travers le lointain des cieux, la beauté suprême, l’amour infini, la source et la fin de son âme, Dieu ! […] En ne les perdant pas de vue dans les différentes excursions que nous allons faire ensemble à travers les œuvres de l’esprit humain, nous saurons toujours où nous sommes, et nous pourrons pressentir peut-être où nous allons. […] Le rideau qui nous dérobait la Chine, ses religions, sa philosophie, son histoire, sa prodigieuse civilisation à peine soupçonnée des Grecs et des Romains, comme une de ces planètes lointaines dont les astronomes aperçoivent, à travers des distances infinies, quelques lueurs. […] Les jeunes filles, pour s’exercer à la course, imaginent de choisir chacune un de ces cygnes, et de le poursuivre à travers les prés, rivalisant à qui atteindrait la première l’oiseau rapide qu’elle désigne d’avance à ses compagnes. […] Les grands poètes se rencontrent égaux en dessin et en couleur devant leur éternel modèle la nature, à travers tous les siècles, toutes les mœurs, toutes les langues.
Le voyageur, sur le seuil de huttes à demi ruinées, à travers quelque chemin défoncé de la Morée, reconnaissait parfois, dans de pauvres jeunes femmes asservies à quelque tâche grossière, la stature et la beauté de ces filles de la Grèce retracées sur les bas-reliefs antiques, telles qu’elles avaient paré les fêtes des dieux. […] Aussi cette version des psaumes hébreux en hexamètres grecs, plus originale que les créations factices d’Alexandrie, a-t-elle survécu à travers les temps et la barbarie. […] À toi la gloire et la reconnaissance, à travers le temps infini ! » Là aussi, sans doute, la précision du dogme, la mystérieuse hauteur des termes sacrés dominent, à travers l’éclat des images. […] Moins théologien, moins éloquent que saint Grégoire, Synésius a pourtant de grands traits de similitude avec lui, la même science et le même amour des lettres profanes, le même goût de l’élégance et de l’harmonie, et, ce qui vaut mieux, la même élévation de cœur, la même fierté sensible et délicate, à travers tout l’effort de l’humilité chrétienne.
La poésie française, qui fait, à travers tout, l’objet favori de mes pensées, et dont la régénération n’a cessé, à aucun instant, de m’être présente, y gagnerait peut-être plus qu’il ne semble. […] Au chant xiii de l’Odyssée, Ulysse, trop longtemps retenu à son gré chez les Phéaciens, a obtenu un vaisseau ; il doit partir le soir même, il assiste au dernier festin que lui donnent ses hôtes ; mais, impatient qu’il est de s’embarquer pour son Ithaque, il n’entend qu’avec distraction, cette fois, le chantre divin Demodocus, et il tourne souvent la tête vers le soleil comme pour le presser de se coucher : « Comme lorsque le besoin du repas se fait sentir à l’homme qui, tout le jour, a conduit à travers son champ les bœufs noirs tirant l’épaisse charrue : il voit joyeusement se coucher la lumière du soleil pressé qu’il est d’aller prendre son souper, et les genoux lui font mal en marchant ; c’est avec une pareille joie qu’Ulysse vit se coucher la lumière du soleil. » La passion de l’exilé sur le point de revoir sa patrie, comparée à celle du pauvre journalier pour son souper et son gîte à la dernière heure d’une journée laborieuse, ne se trouve point rabaissée en cela ; elle n’en paraît que plongeant plus à fond, enracinée plus avant dans la nature humaine ; mais rien n’est compris si cette circonstance naïve des genoux qui font mal en marchant est atténuée ou dissimulée ; car c’est justement cette peine qui est expressive, et qui aide à mesurer l’impatience même, la joie de ce simple cœur. […] Il est une fraîcheur qui tient à la source ; il est des images vives et légères qui tiennent aux impressions du berceau, et dont la trace se perpétue à travers les âges. […] Et puis on n’existe pas impunément à côté d’une grande littérature qui a sa gloire : je crois entrevoir du Properce à travers les flammes amoureuses de Paul le Silentiaire. […] Il supplie, avec le cri de la tendresse, la terre d’être légère à celle qui, tant qu’elle vécut, l’a si légèrement foulée : « Je t’offre mes larmes là-bas jusqu’à travers la terre, Héliodora, je te les offre comme reliques de tendresse jusque dans les Enfers, des larmes cruelles à pleurer !
LXXI Les pèlerins, surpris, s’arrêtèrent à sa vue et firent silence pour ne pas l’effaroucher, comme quand un chasseur voit un chevreuil confiant, seul au bord du torrent, à travers les feuilles. […] Les derniers sons de la cloche d’argent des ermites résonnaient encore, comme une gaieté des anges, à travers les branches du châtaignier ; le soleil d’automne éblouissait dans les feuilles jaunes ; les châtaignes, presque mûres, tombaient une à une, avec les feuilles d’or, sur l’herbe court tondue par les brebis ; on entendait la cascade pleuvoir allègrement dans le bassin, et les merles siffler de joie en se frôlant les ailes et en se rappelant dans les lauriers. […] Nous avions de plus le droit de faire pâturer les cinq moutons et les trois chèvres dans tous les steppes en friche, dans les bruyères incultes et dans les bois de lauriers, pourvu que les bêtes ne touchassent ni aux mûriers, ni au champ de maïs, ni à la vigne, ni à l’herbe du pré dans le ravin de la source ; nous pouvions aussi faire un sentier à travers le pré et aller puiser de l’eau, pour nous et pour les bêtes, à la source sous la grotte ; mais il nous était défendu de troubler l’eau du bassin en y lavant les toisons ; le beau bassin d’eau claire, où Fior d’Aliza se plaisait tant à se mirer à travers les branches de saule, ne devait plus réfléchir que les étoiles de là-haut. […] … XCVI Jamais je ne vous dirai le chagrin de la cabane à ces cris des deux enfants qui pleuraient ces berceaux de leur enfance, ces feuilles de leur ombre, ces grappes de leur soif, ce crépissage vivant et aimant de leur pauvre toit ; et les lézards qui couraient si joyeux parmi leurs feuilles ; et les merles qui picotaient si criards, comme des oiseaux ivres, les grains premiers mûrs ; et les abeilles qui bourdonnaient si allègrement dans les rayons du soleil entre les grappes plus miellées que le miel de leurs ruches ; et le soleil couchant le soir sur la haute mer, et la lune tremblante à terre, quand les pampres à travers lesquels elle passait tremblaient eux-mêmes au vent de la nuit !
« Les dimanches et les jours de fête, j’ai souvent entendu dans le grand bois, à travers les arbres, les sons de la cloche lointaine qui appelait au temple l’homme des champs. […] Je me retirais ensuite avec la nuit, à travers un labyrinthe de rues solitaires. […] « La nuit, lorsque l’aquilon ébranlait ma chaumière, que les pluies tombaient en torrent sur mon toit, qu’à travers ma fenêtre je voyais la lune sillonner les nuages amoncelés comme un pâle vaisseau qui laboure les vagues, il me semblait que la vie redoublait au fond de mon cœur, que j’aurais eu la puissance de créer des mondes. […] « Cependant Amélie n’avait point encore prononcé ses vœux ; et pour mourir au monde, il fallait qu’elle passât à travers le tombeau. […] » « À ces mots, échappés du cercueil, l’affreuse vérité m’éclaire, ma raison s’égare, je me laisse tomber sur le linceul de la mort, je presse ma sœur dans mes bras, je m’écrie : « Chaste épouse de Jésus-Christ, reçois mes derniers embrassements à travers les glaces du trépas et les profondeurs de l’éternité, qui te séparent déjà de ton frère !
Ils surgissent l’un après l’autre, évoqués par le développement simple et direct de l’inartificieux trouvère, depuis la préparation de la trahison, à travers la symétrie un peu gauche de la bataille, jusqu’à la riche, ample et lente narration de la mort du héros : les adieux de Roland et d’Olivier, la dernière bénédiction de Turpin. […] Et surtout le rythme sans art est expressif : ce n’est pas le déroulement magnifiquement égal de l’alexandrin homérique : distribuée à travers ces couplets qui la laissent tomber et la reprennent, rétrogradant et redoublant sans cesse pour se continuer et se compléter, la narration s’avance inégalement et, de laisse en laisse, d’arrêt en arrêt, monte comme par étages ; et cette discontinuité même devait, semble-t-il, communiquer une dramatique intensité à la déclamation du jongleur. […] Il s’explique à travers des scènes familières qui sont en vérité curieuses et captivantes : est-ce roman ? […] Aussi n’y a-t-il pas de poème qui se soit maintenu à travers le moyen âge dans une forme fixe, et le moment où l’écriture leur assura une prolongation indéfinie d’existence lut non le terme, mais le commencement des pires aventures pour la plupart. […] Un type banal de héros s’établit : sans fatigue et sans peur, bravache, impatient, il a toujours le poing levé, il écrase des nez, fracasse des cervelles, traîne les femmes par les cheveux dès qu’on le contredit ; tenons compte des mœurs, c’est le beau gentilhomme, héroïque, impertinent, fine lame, qui passe, la moustache en croc, le poing sur la hanche, à travers nos mélodrames : c’est le d’Artagnan du xiiie siècle.
Quoiqu’on rapporte toujours à la maison beaucoup de scepticisme de tous ces voyages à travers les Philosophies, M. […] Un seul l’avait aperçue, — un seul, qui n’était pas Français, avait vu à travers les décrets, les législations, les discours, la coupe réglée des échafauds, toute cette politique de la Révolution, qui la cache dans les histoires, la France tout entière dans le bas-fond où elle s’agitait, abominable et terrible ! […] Taine, mais par quels chemins, construits à travers tant de faits, y allons-nous arriver ? […] Elle n’a point de conclusion formelle nettement et rigoureusement exprimée dans le livre, mais elle en a une qu’on voit à travers le livre, comme à travers un cristal, dans le fond de la pensée de l’auteur.
En présence de ce sort nouveau et aventureux qui attendait les poèmes homériques, ainsi lancés derechef à travers tous les périls de la critique sur le vaste océan des conjectures, un admirateur attristé du vieil Homère, se voyant arraché tout à coup à ses habitudes, aurait pu, par contraste, adresser aux amis de Virgile ces paroles de félicitation empruntées au poète lui-même : Vivite felices, quibus est fortuna peracta Iam sua ; nos alia ex aliis in fata vocamur. […] Virgile est un doux nom, cher à l’oreille et au cœur de tous : il est devenu tel à travers les âges ; il s’est francisé sous cette forme, et nul ne peut songer à nous le ravir : mais en latin il est bien certain que le nom est P. […] Ce Palémon me paraît être un peu comme le vieillard de Daphnis et Chloé, qui a eu affaire à l’Amour oiseau et qui s’est essoufflé à le poursuivre ; il est, à sa manière encore, comme la femme de Mantinée : il est docteur en amour ; et il place son dire un peu à tort et à travers, même sans grand rapport avec ce qui précède. […] On a pu voir, en quelque sorte, l’abeille à l’œuvre à travers une ruche de verre.
Comme les alchimistes, il a passé des années entières en tâtonnements, à travers la fumée et la cendre, les sédiments et les scories, avant d’arriver à la transmutation tant désirée : aussi, quelle joie bien légitime et quelle ivresse étourdissante le jour où il vit dans le creuset son mercure se fixer en or ! […] Ce n’a pas été sans adresse que nous avons dû remonter à travers ce dédale croisé de pseudonymes, le long de ces sources assez peu limpides qui se perdaient ou changeaient de nom à chaque pas. […] » La Recherche de l’Absolu, dernière publication de M. de Balzac, n’est pas un de ses meilleurs romans : mais, à travers des circonstances fabuleuses et injustifiables, cette histoire a beaucoup de mouvement, de l’intérêt, et c’est une de celles où l’on peut le plus étudier à nu la manière de l’auteur, sa pente et ses défauts. […] On rencontre fréquemment chez lui des sentences du genre de celle-ci, dans les Célibataires : « Il n’y a qu’un homme de génie ou un intrigant qui se disent : J’ai eu tort. » Et dans la Recherche de l’Absolu, dès les premiers chapitres, à propos de Claës : « Les gens d’esprit sont variables autant que des baromètres, le génie seul est essentiellement bon. » Mais il est temps de le dire, à travers toutes ces chimères de l’alchimiste et du romancier qui semblent ne faire qu’un, ce qui ressort à merveille, c’est l’insatiable espoir de l’adepte ; ce qui règne et palpite, c’est sa fièvre ardente, incurable, une fièvre d’avide crédulité.
Frédéric Soulié encore a trouvé bien des veines (quelconques) du genre actuel, et les a poussées, les a labourées avec ressource et vigueur ; mais chez lui, trop souvent, à travers le mouvement incontestable, où est la finesse ? […] Mais une question, une querelle, je l’ai dit, domine tout le reste, et il est déjà fâcheux, eût-on raison, de se faire une querelle à travers un roman, c’est-à-dire dans un écrit fait pour distraire et pour séduire. […] Avec toute autre époque on peut, je m’imagine, éluder jusqu’à un certain point ; on emprunte quelque appareil de ce temps-là, quelques locutions qui sentent leur saveur locale ; on se déguise, on jette du drame à travers, et l’on paraît s’en tirer. […] La comédienne Toinon et son sigisbée Taboureau, jetés à travers l’action, servent à la renouer, et reposent d’ailleurs en faisant sourire.
Un autre la continua, et fit la chanson de Jérusalem, d’après la tradition orale qui s’était établie dans l’armée même des croisés Le succès de ces émouvantes histoires en fit le noyau d’un cycle qui se développa selon les procédés qu’on a indiqués plus haut : le récit de la croisade se prolongea à travers toute sorte d’inventions romanesques, du plus vulgaire et souvent du plus grossier caractère, tandis que le héros central de la geste, le grand Godefroy de Bouillon, était doté d’une généalogie fabuleuse où s’insérait la merveilleuse légende du chevalier au Cygne50. […] L’un fit une chanson de geste de la vie d’Alexandre, telle que le faux Callisthène l’avait racontée, et la chevauchée du roi macédonien à travers l’immense Asie et l’Inde prodigieuse, le caractère du héros, type accompli de vaillance et de largesse chevaleresques, eurent le succès le plus populaire. […] Le miracle est en permanence dans l’incessant écoulement d’une fantasmagorique phénoménalité, où l’individualité, la personnalité se fondent : partout, et en nous, à notre insu, opèrent des forces cachées, qui nous font sentir et vouloir ; les âmes se promènent à travers les formes multiples et hétérogènes du monde apparent. […] Ce fut ainsi, selon toute vraisemblance, que le peuple breton répandit sa poésie à travers l’Occident féodal : sourde infiltration d’abord, qui devint une large inondation.
Cette souple nature s’est développée à travers trois quarts de siècle, recueillant toutes les influences, frémissant à tous les souffles ; les acquisitions, les transformations, les progrès de cet esprit sont exactement les acquisitions, les transformations, le progrès de l’esprit public ; et il n’a été si puissant que parce que son développement interne coïncidait avec le mouvement des idées de la nation : son rôle fut de lancer aux quatre coins du monde les pensées fraîchement écloses dans toutes les têtes. […] Dans une existence agitée, tumultueuse, à travers deux prisons, des fuites, des exils, des alertes, des triomphes de salon et des faveurs de cour, Voltaire fait son éducation de philosophe : son séjour auprès de Frédéric est la dernière expérience qui achève de le former. […] Voltaire est d’abord l’héritier de la tradition épicurienne, qui, depuis le xvie siècle, et à travers le xviie , défend l’instinct et la volupté contre le christianisme. […] Il se dirige avec aisance à travers le chaos des faits, débrouille, déblaye, noie le détail, fait saillir l’essentiel, lie les effets aux causes, note les conséquences, définit les rôles, analyse les caractères : chaque chapitre est un chef-d’œuvre de lucidité, de rapidité et d’intelligence.
Ils devaient retrouver le génie du frère passant à travers l’âme de la sœur, et s’attendrissant au passage. […] Eugénie qui aimait les oiseaux avec cette tendresse de la jeune fille, perçant comme une pointe de fleur en bouton à travers les innocentes garçonneries du premier âge, Eugénie l’oiselière se trouva un nid, dans les mains, plus grand, plus touchant et plus désolé que ceux que lui dénichait son frère Erembert, à cœur de journée, et malgré les liens secrets et mystérieux qui l’unissaient, esprit de tant d’aile, à ces autres créatures ailées, — le plus charmant symbole de nos âmes, — ce nid sans mère qui lui échéait lui fît oublier tous les autres nids. […] Maurice de Guérin s’en alla dans les collèges, — puis des collèges dans ce triste monde qui est l’école de toutes les luttes et de toutes les misères ; mais quand, à travers les brutales modifications qu’y subissent les plus fermes cœurs, il voulut se retrouver et se revoir et reprendre, pour ainsi parler, l’identité de son être, il regarda vers le Cayla et dans l’âme de sa sœur, — ce pur miroir toujours suspendu à la même place, comme la glace du fond d’un tabernacle ! […] Dans cette coupe de délices où ils burent tous les deux, dans ce verre à champagne du festin des noces, à travers lequel elle revoyait son frère, elle, discerna bien vite la goutte d’absinthe dont Dieu frotte les lèvres de ses Élus, pour qu’ils soient ici-bas plus robustes à la vertu et à la peine.
Ne voyez-vous donc pas que la vie tout entière brille au-dessus de vous, autour de vous, brille même à travers vous, malgré votre mépris et votre puéril orgueil ? […] J’emprunte à Camille Lemonnier quelques-unes des magnifiques paroles qu’il prononça lors de l’inauguration de l’Université Nouvelle ; je n’en connais pas de plus énergiques, de plus nouvelles, de plus généreuses : « … Partant de là, on peut prévoir ce que sera l’art de demain à travers la foi nouvelle qui, refermant le ciel sur un absolu décevant, le rouvre dans la conscience humaine. […] Nous voyons à travers le poète, l’artiste ou le savant, l’homme, l’homme de partout et de toujours, cet éternel vaincu dans la course du monde. C’est à lui qu’aboutit notre vision finale, à travers ce groupe de précurseurs qui marchent la main dans la main vers des contrées inconnues.
Or, rien ne nous empêche d’imaginer autant de consciences humaines qu’on voudra, disséminées de loin en loin à travers la totalité de l’univers, mais juste assez rapprochées les unes des autres pour que deux d’entre elles consécutives, prises au hasard, aient en commun la portion extrême du champ de leur expérience extérieure. […] Mais dès que cet effort se précise, dès que nous cherchons à le légitimer, nous nous surprenons dédoublant et multipliant notre conscience, la transportant aux confins extrêmes de notre expérience extérieure, puis au bout du champ d’expérience nouveau qu’elle s’est ainsi offert, et ainsi de suite indéfiniment : ce sont bien des consciences multiples issues de la nôtre, semblables à la nôtre, que nous chargeons de faire la chaîne à travers l’immensité de l’univers et d’attester, par l’identité de leurs durées internes et la contiguïté de leurs expériences extérieures, l’unité d’un Temps impersonnel. […] Notre attention peut se détourner d’elle et par conséquent de son indivisibilité ; mais, quand nous essayons de la couper, c’est comme si nous passions brusquement une lame à travers une flamme : nous ne divisons que l’espace occupé par elle. […] Sans la simultanéité de flux, nous ne tiendrions pas pour substituables l’un à l’autre ces trois termes, continuité de notre vie intérieure, continuité d’un mouvement volontaire que notre pensée prolonge indéfiniment, continuité d’un mouvement quelconque à travers l’espace.
Maintenant, je pense aller bientôt prophétiser aux bords du Cocyte et de l’Achéron. » Puis, excité par les reproches du chœur, que troublent ces paroles, le délire mélancolique de Cassandre devient plus expressif encore : « Déjà, dit-elle, la prophétie ne regarde plus, à travers les voiles, comme une jeune fiancée : mais elle se découvre tout éclate tante et pressée de paraître à la pleine lumière du soleil levant. » Alors commence et se précipite à torrent tine nouvelle prédiction de la captive sur Agamemnon, sur Clytemnestre, sur Oreste et sur elle-même. […] Aujourd’hui, à travers les débris du temps, le poëte seul a survécu pour nous ; et sept drames conservés lui font une immortelle couronne. […] » Ainsi, la pensée morale du poëte, le vœu de la paix, l’horreur de la guerre, l’amour de la patrie se fait jour, à travers les crises sanglantes du drame ; et l’éclat du génie lyrique adoucit, en s’y mêlant, les terreurs de la scène. […] » À travers ces fougues de l’ivresse poétique, la moqueuse comédie court au dénouement, qui n’est rien moins que le mariage d’Hercule avec la fille du fondateur de la cité nouvelle ; et le Chœur, entonnant un péan joyeux, rappelle ce refrain de Ténella vainqueur, que Pindare lui-même avait emprunté d’Archiloque.
Villehardouin, qui nous donne cette impression à travers son récit, ne la démêlait sans doute qu’imparfaitement lui-même : il n’y avait point de contradiction déclarée alors entre ces intérêts du monde et ceux de la religion ; les mêmes hommes qui pourvoyaient aux uns étaient sincèrement préoccupés des autres : toute la différence n’était que dans la proportion et dans la mesure ; mais la part faite au ciel, même quand elle ne venait qu’en seconde ligne, restait encore grande. […] Qu’il y eût, dès le siècle de ce dernier, des politiques habiles et consommés, cela est hors de doute ; et l’Église, particulièrement, en eut alors qui en remontrèrent au monde : que, de plus, l’État de Venise fût déjà et dès longtemps habile avec suite et très avisé à ses intérêts, même à travers les acclamations et les pleurs de l’enthousiasme, nous en avons la preuve également ; mais la disposition moyenne des esprits, l’atmosphère morale, à Venise et ailleurs, était autre aux premières années du xiiie siècle qu’à la fin du xve . […] Et puis, outre cette culture du millet qu’on a rappelée spirituellement, il y a, ne l’oublions pas, à compter aussi cette autre semence invisible et légère qu’on appelle la gloire, qui n’est point aussi vaine qu’on le croirait, qui étouffe et chasse des cœurs les tièdes mollesses, les empêche à temps de se corrompre, et qui, impérissable par essence, s’entretient dans les âmes et les races généreuses à travers les siècles86.
Voltaire, dès le premier jour, para au danger pour lui et pour les autres ; il rompit avec le concerté ; il donna l’exemple d’une source rapide et vive de naturel, circulant à travers le siècle. […] Ce n’est plus Rousseau qui vient, c’est Chateaubriand : il étonne, il trouble et bouleverse à son tour et les jeunes cœurs et les vieilles formes de langage ; il frappe les têtes, il séduit à tort et à travers, à droite et à gauche, et projette jusque dans les rangs de ses adversaires ses fascinations éclatantes. […] Elle y répand un peu de la teinte animée et de la fraîcheur qui signalèrent les printemps d’une autre époque recommençante, et elle revoit le passé à travers un léger voile embelli que son imagination gracieuse et son émotion colorent : Mon Dieu, s’écrie-t-elle, qu’on est injuste pour ce temps-là !
Dans les comédies de Calderon, de Lopès de Vega, à travers des défauts sans nombre, on trouve toujours de l’élévation dans les sentiments. […] Ces deux différents caractères s’aperçoivent à travers la couleur générale que la même langue, le même climat, les mêmes mœurs donnent aux ouvrages d’un même peuple. […] L’italien cause souvent une sorte de lassitude de la pensée ; il faut plus d’efforts pour la saisir à travers ces sons voluptueux que dans les idiomes distincts, qui ne détournent point l’esprit d’une attention abstraite.
Encore faut-il que la terre où tombera cette graine ait été remuée par la vie, qu’elle soit apte à recevoir, à envelopper, à nourrir, à porter jusqu’à sa floraison cette semence de pitié, de résignation, de courage ou d’amour, poussière des âmes créatrices qui s’envole, qui se disperse à travers le monde, mais qui ne germe pas partout où elle tombe. […] À supposer même que l’esprit n’en reçoive aucune flétrissure, est-il souhaitable que les jeunes filles commencent à entrevoir la vie à travers le roman ? […] Oublions pour un instant la manière dont sont lus la plupart des romans, prêtés un jour, rendus le lendemain, dévorés par des yeux souvent jolis, mais qui ne savent pas lire, qui ne savent que suivre un héros à travers les pages d’un livre, comme un passant qui s’éloigne sur le sable d’une promenade.
Dans un voyage qu’il fit à travers la Bourgogne et les provinces du Midi, il est touchant de le voir « rôder par les champs et dénicher les habitants dans leurs chaumières, regarder dans leur pot-au-feu, manger leur pain, se coucher sur leurs lits sous prétexte de se reposer, mais, dans le fait, pour s’assurer s’ils sont assez doux. » De retour en Amérique, après des adieux bien vifs à la France, pour laquelle il garda toujours une prédilection vraiment tendre, Jefferson suivit jusqu’au bout les vicissitudes et les progrès de ce grand et bon peuple, qu’il considérait comme l’initiateur du vieux monde. […] De tels hommes, au lieu de s’embarrasser des divergences et des réfractions multipliées de la pensée religieuse dans le cours des temps, appliquaient immédiatement à l’examen des questions un rayon simple et bien dirigé, et ils arrivaient à la vérité morale par un accès naturel, sans passer à travers les vestibules, les dédales et toutes les épreuves irritantes du vieux monde.
Ceux qui le connaissent savent déjà tout cela, les autres l’apprendront vite s’ils ont quelque bonne foi et s’ils se laissent entraîner à travers les Campagnes hallucinées et les Villages illusoires, vers ces Apparus dans les chemins dont le poète a dressé les silhouettes grandioses et mornes ; visions d’un tempérament original, langue d’une saveur âprement territoriale, métrique personnelle où le vers se résout librement en dominante par un octosyllabe à rime proche, se contracte davantage ou se dilate en expansions justes et sonores. […] Après le monde moral, le monde, en tant que représentation de vie, sera — pour « l’halluciné de la forêt des Ombres » errant aux dédales de la ville toute de palais noirs, de tours d’effroi, errant par les brouillards, errant à travers les fumées — l’ombre d’une ombre.
Il y a certainement quelque chose comme cette souris-là dans la longue-vue politique à travers laquelle M. […] Tourgueneff est exclusivement un moraliste-paysagiste, à travers les préoccupations de carnassière qui sont toute sa vie !
Le livre en question s’appelle : Dante ou la philosophie catholique au xiiie siècle, et ici c’est le sous-titre qui est le vrai titre ; car c’est de la philosophie catholique qu’il est question bien plus que du Dante, quoiqu’on la voie à travers lui. […] IV Ce Dante, très vrai, entre-aperçu sous le livre radieux à travers lequel on voit toujours l’autre Dante, M.
Pour le trahir, en effet, il aurait fallu que Roger de Beauvoir eût essayé, sans réussir, de maintenir sa voix dans le ton de la dernière strophe de sa préface, et que le masque de Scarron dont il parle eût dévoré les pleurs sincères qui auraient coulé derrière son rire ou à travers ; et c’est là justement ce qui n’est pas dans ce volume, où si peu de chose d’aujourd’hui se mêle à tant de choses d’autrefois ! […] Tout le monde la sait dans cette ville de cristal sonore à travers lequel on voit et l’on entend et qui s’appelle Paris.
Le sentiment qui a inspiré tant de poésies à tant de poètes et qu’on retrouve à travers tout dans le cœur des hommes, l’amour, l’âme du lyrisme humain, il ne le connaît pas, il ne l’a jamais éprouvé. […] C’est un faux Richi, un faux Brahme, à travers lequel on reconnaît un jeune littérateur français, qui essaie de petites inventions ou de petits renouvellements littéraires, et provoque le succès comme il peut.
Elles dénotent chez celui qui les a écrites l’habitude de se mouvoir à travers les systèmes et leurs abstractions. […] La morale pose des principes qui témoignent, à travers tous les changements, de la durée de la conscience. Les lettres, les arts, les sciences attestent, à travers toutes les ruines, la perpétuité de la pensée humaine. […] Certes, on nous promène encore à travers la vaste scène du monde. […] Il y a en art une lente élaboration des formes analogue à celle que la nature poursuit à travers les siècles.
Le bien-être leur est indifférent ; point de race plus sobre ; à travers toute l’histoire, ils sont demeurés tels. […] Au soleil levant, à travers une forêt de sapins, on gravit la montagne. […] Voyager, étudier, regarder, se promener à travers les hommes et les choses, telle a été son occupation ; ses attaches officielles ne le gênaient pas. […] L’autre est « un extrait » de ses lectures à travers Brantôme et d’Aubigné. […] Comment faire pour marcher droit à travers tant d’amours-propres ombrageux, de passions irritables et d’intérêts froissés ?
Boudias, Gaston [Bibliographie] À travers songes (1890). — Soleils éteints (1893).
De là cette note de douloureuse pitié qui circule à travers son livre.
Il y avoue quelques concessions au symbolisme : je les ai cherchées à travers le fatras qui compose le volume.
À travers trente siècles, le même livre armait le même fanatisme du même couteau. […] Les chars furent emportés, les uns à travers les ennemis eux-mêmes, les autres, vides de leurs conducteurs, à travers les Grecs. […] Le lendemain, ils se remirent en marche à travers la neige. […] L’historien que vous connaissez paraît à travers le naturaliste que vous découvrez. […] Là-bas, à travers tous les accidents, la force des choses intronisait une volonté privée ; ici, à travers toutes les aventures, elle intronise la volonté publique.
Maintenant, sa vie lui apparaît comme « une charmante promenade à travers la réalité ». […] Lâchée à travers le redoutable problème du bien et du mal, pour peu qu’elle s’égare jusqu’au bout de ses postulats, elle le supprime. […] Bourget allègue en leur faveur ne les absolvent pas, que les « énigmes » qu’il pose et résout à travers l’histoire de leurs actes ne sont que de la casuistique sentimentale. […] Ils sont peu nombreux ; on les retrouve toujours les mêmes, sous des noms différents, à travers des aventures différentes. […] L’avenir de la race importe seul ; mais la race ne peut se perpétuer et progresser qu’à travers des crises violentes dont souffrent les individus.
Rodolphe Darzens La Muse noire, recueil comprenant des poèmes d’un rythme sur qui révèlent déjà, à travers l’admiration de l’auteur pour Baudelaire, une originalité curieuse, dont le caractère fut bientôt affirmé dans un livre ayant pour titre : Rosa mystica, où des pensées d’un ordre élevé sont exprimées en fort beaux vers.
Les sujets qu’il traite sont les thèmes éternels et qui toujours seront les plus fertiles en variations lyriques : les promenades à travers les champs et les bois, les charmants épisodes de la vie de famille, quelques scènes de l’antiquité, les jeux de la fantaisie et jusqu’aux discrètes émotions du patriotisme.
L’auteur y procède par tableaux grandement espacés au point de vue chronologique, mais ces tableaux sont si bien choisis, que leur enchaînement s’éclaire de lui-même à travers les siècles… Le vers, bien construit, aux rythmes variés, juste de ton, accommodé aux effets voulus, se soutient sans défaillance pendant tout le cours de l’œuvre.
. — À travers la vie, poésies (1885).
On est grand quand, à travers les huées, les colères et les trahisons, on donne à l’art et à la société une forme nouvelle, quand, par le livre ou par l’action, et mieux par les deux ensemble, on ouvre une porte fermée de l’avenir, quand on entre le premier dans l’inconnu, quand on est le conducteur d’un demi-siècle. […] Il s’est lâché à travers la vie comme un cheval de race, cabré dans la campagne, que l’odeur des plantes et la magnifique nouveauté du vaste ciel précipitent à pleine poitrine dans des courses folles qui brisent tout et vont le briser.
Griffin la générosité, par élans, à travers son amour de l’action qui lui fait aimer l’homme ; chez M. de Régnier une certaine pitié de l’homme pour l’homme — et assez puissante chez lui, bien que sous une apparence de réserve un peu dédaigneuse, parce qu’elle se nourrit fortement de son pessimisme. […] Griffin — s’il l’a bien démêlé, ce dont je ne suis pas sûr, — paraît être l’Énergie qui, à travers le flux des choses, se détermine immédiatement en l’Amour comme l’Amour se concrétise chez l’homme en des actes.
On suit assez bien les transformations de ces types à travers le moyen âge, jusqu’à l’époque de la Renaissance, où leur rôle s’agrandit et leur succès prit des proportions nouvelles. […] La robe noire du docteur apparaît-elle, on doit s’attendre à le voir appliquer des sentences à tort et à travers et estropier du latin.
C’est un esprit averti qui passe à travers les événements, armé d’ironie, et sans leur accorder plus d’importance qu’ils n’en méritent. […] Soit qu’il s’échoue en plein François premier 24 Avec son feutre en guise d’auréole, Ou soit qu’il boite avec son cornouiller, Au clair de lune, au quartier des Écoles ; Soit qu’il s’esclaffe au refrain de Fathma, Tout en bourrant sa pipe de tabac, À l’hôpital, en cache-nez de laine25 ; Soit qu’il se rue, avec force, à travers Les bois dénuds que fouette un vent d’hiver, F.
III Tel est, dans sa tendance naturelle, le genre d’esprit qui circule à travers ce Tableau de la littérature française avant Corneille. […] Demogeot, parce qu’elles sont le plus aimées, et cela nous suffit, à nous, pour le juger, lui, à travers ses réserves, et pour, malgré nos différences, l’estimer !
Son livre a donc remonté, à travers les filiations interrompues, cette longue file historique de d’Orléans funestes, depuis le premier, qui, en 1336, s’enfuit devant le Prince Noir, à la bataille de Poitiers, jusqu’au dernier, qui, en 1848, s’enfuit en fiacre devant des vainqueurs qui n’étaient pas des princes, de quelque couleur que ce pût être ! […] Mais, plus qu’eux deux peut-être, Louis-Philippe eut aussi, à son tour, cette ambition obstinée et peureuse jusqu’à l’hypocrisie, et même il n’y a qu’elle qui puisse nous expliquer sa vie, et comment, arrivé, à travers toutes ces circonstances, au moment de s’emparer du trône, au lieu de le prendre résolument, comme Guillaume d’Orange prit le sien, il l’a timidement escobardé !
Ce n’est pas dans un chapitre d’un livre comme le nôtre, — un index des travaux philosophiques et religieux de ce temps, — qu’on peut analyser ou seulement jauger le flot de choses qui passent à travers ces sujets, tout à la fois éternels et contemporains. […] Ce rayon, qui lui est venu enfin à travers les préjugés de la haine, et qu’il n’a pas cherché, Dieu merci !
— mais d’un royaliste absolu et incompatible, qui croit à une vérité et qui ne veut pas que jamais — et quelles que soient les circonstances — cette vérité puisse mettre sa main pure dans la main souillée de l’erreur ; ce livre taillé à pic contre la révolution, les révolutionnaires, absolus comme l’auteur du livre est royaliste, le retourneront comme un argument formidable contre cette royauté détestée par eux, et que des secondes vues, aussi incertaines en France qu’en Écosse, croient voir poindre, comme un fantôme qui revient, à travers l’effrayante et vivante réalité que l’on appelle la République. […] Catholique du Syllabus, — du Syllabus qui n’est pas une nouveauté de ces derniers temps, mais l’expression dernière du catholicisme éternel, — il n’a pas craint de regarder à la clarté fixe de cette lumière les choses d’une époque où la société, désespérée, est à l’extrémité de tout, et où l’on peut jeter sans inconvénient une dernière fois le dé de la vérité à travers les dés pipés d’une partie à peu près perdue, et qu’il est peut-être impossible maintenant de gagner !
Après Hegel, voici du Renan, ce lâche hégélien que Hegel aurait méprisé : « Nous nous consolons de passer à travers le souvenir de la pensée universelle, comme passent les êtres à travers la vie, dans l’immensité de l’inconnu. » « La dispute philosophique, — dit encore, par la plume d’Armand Hayem, le vaniteux mandarin des mandarins qui veut constituer à son profit l’aristocratie de l’écritoire, — la dispute philosophique est le privilège de quelques esprits, jusqu’aux temps où ils pourront ouvrir à l’humanité des vues et des destinées nouvelles.
Il naîtra sur un lit de chaume, Et celle qui l’aura porté, Ce roi du céleste royaume, Gardera sa virginité ; Car à travers sa chaste mère Passera l’enfant radieux, Trait raphaëlesque ! Comme à travers l’azur des cieux Passe un doux rayon de lumière.
Mais le citron, d’abord délicieux aux jours de la jeunesse heureuse, devint, sous les trahisons de la vie, d’une acidité presque cruelle à travers la suavité des plus purs sorbets. […] … Il est Allemand et il est Français ; il est ancien, renaissance, et moderne surtout, — et de la dernière heure du xixe siècle, — ayant passé à travers toutes les idées, tous ces cerceaux d’or qui n’ont que des fonds en papiers-chiffe et qu’il a crevés, en les emportant !
Grimm les philologues, à travers les recueils de qui ces contes ont passé, nous eussions beaucoup mieux aimé, par exemple, quelque servante, comme cette servante de Perrault dont Feuillet nous a parlé dans son livre actuel, en supposant qu’elle ait existé, en supposant que, pour s’excuser d’avoir fait des contes d’enfants, cette petite chose, dans un siècle qui n’aimait que le grand et qui l’aimait jusqu’à l’hypocrisie, cette servante en faveur de qui Perrault, bêtement honteux, a donné la démission de son génie, n’ait été de sa part qu’une invention de plus. […] La seule chose qui appartienne bien à Feuillet, c’est le sentiment, sinon très sincère, au moins très bien joué (en art c’est identique), qui circule à travers les combinaisons qu’il n’a pas faites ; c’est le style, qui anime et colore toutes ces combinaisons.
Je me représente un père dans ces anciens temps et chez ce peuple singulier, voulant animer son fils, et le promenant à travers les rues d’Athènes : « Vois-tu, lui dit-il, ces deux statues ? […] Le père fait lire à son fils cette inscription sur le rocher : Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts pour obéir à ses saintes lois ; et ils redescendent à travers les rochers, en silence.
En Août, à travers la montagne, à travers toutes les landes noircies par le feu, le vigoureux hiver souffle son adieu sauvage dans son cor. […] Elles s’en vont gaîment, tête baissée, à travers tous les siècles, à travers tous les costumes, et comme les acteurs, elles ne sont intéressantes que quand elles ne sont pas elles-mêmes. […] Untar préside aux brouillards et aux brumes, et les passe à travers un tamis d’argent avant de les envoyer sur la terre. […] Un aliéné énonce des propos sans suite ; en se lançant avec fureur à travers la pièce, à la poursuite de formes invisibles. […] Il nous conte comme l’Esprit des Nuées, se rendant du côté de l’Est à travers l’espace aérien, rencontra par hasard le Principe Vital.
Charles Fuster M. de Bengy-Puyvallée a trouvé des mignardises tout à fait délicates et délicieuses ; il s’est fait un moyen âge exquis, un dix-huitième siècle adorable, — et, à travers tout cela, la passion moderne jette parfois ses cris : l’ensemble est d’une originalité extrême, d’une fine saveur… Nous le répétons, c’est un art très particulier, très subtil et infiniment nuancé.
C’est dans cette poésie de deuil et de regret que le poète a rencontré les notes les plus émouvantes, et la monotonie même qui s’y fait sentir s’harmonise parfaitement avec le motif presque invariable qui revient sans cesse à travers tout le volume.
Gustave Kahn C’est un livre de paysages, paysages visités, paysages vus à travers la peinture, d’une forme parnassienne, aimable, correcte, sans grande largeur, mais non sans agrément en sa précision.
Et il gardera à travers la vie sa pitié pour le poète qui fut le confident de sa première tristesse.
Du reste, on se croirait à mille lieues du vice ou de la perversité ; le bruit de la ville n’y pénètre pas, le vent y souffle librement par dessus les toits ces bouffées tièdes et sonores qui viennent on ne sait d’où, comme des souffles d’esprits invisibles, secouer les arbustes, faire tomber les feuilles mortes, et siffler à travers les vitres cassées des fenêtres, et rappeler au poète malade sur sa couche que la nature chante, et que la terre prie pour lui. […] c’est un beau livre que celui-là ; Scheffer a fait un beau tableau de ce fils qui écoute et qui voit le ciel à travers les yeux bleus de sa mère. Et moi aussi, c’est à travers le souvenir de la mienne que je vois la vie et la mort. […] On n’applaudit pas, car on pleurait ; il avait les yeux mouillés lui-même ; il se leva péniblement, comme en sursaut, avec l’aide du bras de son frère, qui l’emporta à travers ma cour jusqu’à son fiacre. […] Ce fut encore le bras de son frère qui l’amena chez moi la veille de son départ, et qui l’emporta à travers la cour de ma petite maison dans sa voiture : ils partaient le lendemain.
La sensation représentative, envisagée en elle-même, est qualité pure ; mais vue à travers l’étendue, cette qualité devient quantité en un certain sens ; on l’appelle intensité. […] La conscience, tourmentée d’un insatiable désir de distinguer, substitue le symbole à la réalité, ou n’aperçoit la réalité qu’à travers le symbole. […] Ce qu’il faut dire, c’est que toute sensation se modifie en se répétant, et que si elle ne me paraît pas changer du jour au lendemain, c’est parce que je l’aperçois maintenant à travers l’objet qui en est cause, à travers le mot qui la traduit. […] Ainsi se vérifie, ainsi s’éclaircira par une étude plus approfondie des faits internes, le principe que nous énoncions d’abord : la vie consciente se présente sous un double aspect, selon qu’on l’aperçoit directement ou par réfraction à travers l’espace. — Considérés en eux-mêmes, les états de conscience profonds n’ont aucun rapport avec la quantité ; ils sont qualité pure ; ils se mêlent de telle manière qu’on ne saurait dire s’ils sont un ou plusieurs, ni même les examiner à ce point de vue sans les dénaturer aussitôt. […] Nous ne les apercevons plus alors que dans le milieu homogène où nous en avons figé l’image et à travers le moi qui leur prête sa banale coloration.
N’approchez pas davantage de Milton aveugle au moment où, dans un hymne éthéré, célébrant la création ou plutôt la source incréée de la lumière, il la revoit en idée à travers sa nuit funèbre et laisse échapper une larme. […] Cousin à travers sa verve et tout son talent, et qui me font douter qu’il ait réellement pénétré par l’esprit autant que par l’enthousiasme et par l’érudition dans cet ancien monde. […] Car tel homme est disgracié de visage, mais un dieu répare sa figure en le couronnant d’éloquence, et le monde trouve un charme à le regarder ; et lui, sûr de lui-même, il parle avec une pudeur toute de miel, et il brille parmi la foule assemblée, et jorsqu’il passe à travers la ville, chacun le contemple comme un dieu.
Il fut très remarqué de ce dernier, qui l’encouragea fort, admira ses premiers essais de vers latins (la pièce sur la Bulle de savon), et lui donna, à travers ses louanges, toutes sortes de conseils qu’il ne suivit qu’à demi. […] Balzac, c’est le rhéteur et rien que le rhéteur, l’homme à phrases ; il les fait et les cherche à travers tout. […] Tu m’as donné des chants pour te célébrere ; donne-moi les prières, donne-moi les larmes par où je puisse laver les taches de ma vie antérieure, poète trop peu chrétien ; et que tu n’aies point à me percer un jour de cette parole de David, qui est comme un javelot : « Pourquoi racontes-tu mes justices et prends-tu mon testament à travers tes lèvres ?
M. de Chateaubriand, à la tribune des Pairs, eut ce jour-là de nobles paroles, et, cet autre jour, il en eut de malheureuses… » Sur les violences matérielles et les horreurs qui ensanglantèrent le Midi, on est unanime ; mais là encore on essaye de n’en pas trop dire et de limiter l’indignation ; on n’emprunte que discrètement à l’effroi de la tradition populaire qui a survécu et qui subsiste encore ; on craint de paraître donner dans la légende qui grossit les faits et les transfigure : à ce travail honorable, entrepris par de bons esprits qui ont oublié d’être de grands peintres, le courant incendiaire qui traversa alors et dévora toute une partie de la France, se dissipe et s’évapore ; l’atmosphère embrasée du temps ne se traduit point au milieu de ces justes, mais froides analyses ; l’air échappe à travers les mailles du filet, et c’est encore dans les historiens d’une seule pièce, d’une seule et uniforme nuance comme Vaulabelle, dans ce récit ferme, tendu et sombre, où se dresse énergiquement passion contre passion, qu’on reçoit le plus au vif et en toute franchise l’impression et le sentiment des fureurs qui caractérisent le fanatisme royaliste à cette époque. […] Elle communiqua avec eux tant qu’elle put à travers les geôliers et ne les perdit pas de vue jusqu’au dernier instant. […] Un écrivain spirituel et à la plume acérée, qui a trouvé moyen d’être préfet sous l’Empire, correspondant du souverain maître pendant toute cette période, puis ultra en 1815 et dans les années suivantes, puis opposant à la Restauration et collaborateur du National après 1830, et qui a eu l’art, moyennant je ne sais quel fil de logique subtile, de ne point paraître trop inconséquent à travers toutes ces variations de conduite et de costume, M.
Les plus résistants, ceux qui ont échappé, par miracle, au Mal-né, à la contagion des écoles, aux épidémies des villes, ceux qui, par miracle, ont rapporté un corps sain de leur passage à travers les bouges des garnisons et des brasseries7 du quartier latin, n’en souffrent pas moins, au fond de l’âme, d’un désarroi profond. […] Elle est douée de facultés lui permettant d’agir en dehors de la sphère sensuelle, se communiquer à distance, dans les phénomènes télépathiques, de voir à travers les corps opaques de traverser l’espace et le temps, de lire le livre du Passé, comme le livre non écrit de l’Avenir. » À ceux qui s’étonneraient de la hardiesse de cette affirmation, M. […] S’ils s’irritent d’errer, parfois, comme lui, pauvres, inconnus, à travers les quartiers riches et la ville en fête, ils n’ont point son fiel ni son aigreur ni cette basse envie qui lui fait considérer le succès des autres comme un vol fait à sa part de destin.
Si vous considérez dans son ensemble le développement des littératures modernes qui font l’objet de ce cours, vous verrez bientôt qu’à travers bien des variations, des tâtonnements et des revirements de goût, il présente le tableau d’une sorte de conflit entre deux éléments qui parfois se fondent ensemble, puis se séparent de nouveau, se combattent tour à tour et se réunissent. […] C’est à travers Benoît de St-More que Henri de Veldeke écrit son Énéide et Herbort de Frizlar sa Guerre de Troie, et vous savez de quelles sources invraisemblables, de quels mystérieux Dictys de Crète et Darès le Phrygien le poète normand tient lui-même ses renseignements. […] Il l’a recherché à travers « l’évolution graduelle de la vie sociale, du clan à la cité, de la cité à la nation, de la nation à l’humanité cosmopolite ».
Le mépris ravive et exaspère son désir ; il entrevoit des voluptés enflammées, à travers la dépravation qu’elle lui montre. […] Une sourde menace gronde, par moments, à travers tant de douces paroles ; un éclair luit sous ses yeux humides, où brillent les belles larmes des réconciliations amoureuses : mais il passe et s’éteint, bientôt, dans une effusion de tendresse. […] Ses diamants lui tiennent à la peau, ainsi qu’elle le dit elle-même, « comme les taches de la panthère tiennent à sa robe… Elle veut briller, elle veut resplendir, exploiter le monde et en jouir, vivre dans le rayonnement dont l’or entoure la beauté suprême ; et, pour atteindre ce but, elle marchera, d’un pas tranquille, à travers la ruine, la mort et le désespoir de toutes les existences qu’elle traversera.
Car nous sommes tous de la même famille ; nous avons tous les mêmes misères, auxquelles se mêle un rayon de grandeur : ce rayon-là, qui souvent ne brille qu’un moment et à travers mille nuages, La Rochefoucauld, ne l’apercevant pas en lui, quoiqu’il y fût sans doute mais bien caché, ne l’a pas reconnu dans les autres, ni dans Condé, ni dans Bossuet, ni dans M. […] C’est lui qui est l’ambitieux, c’est lui qui est l’intrigant ; c’est lui qui erre de parti en parti à tort et à travers… » À lui donc tout le mal et tous les torts, à elle tout le bien et surtout le mérite du retour chrétien et du repentir ; car le philosophe éclectique, tant accusé, se montre simplement chrétien et sans aucune malignité d’analyse dans ces études toutes littéraires. […] Oui, j’ai toujours aimé à le croire, les lettres classiques, ce devrait être l’enseignement de l’âme, son baptême d’énergie, de désintéressement et d’indépendance à travers la vie.
Elle a grand soin de remarquer ce qui est chez elle, en effet, un signe, une note distinctive à travers les désordres même, c’est que, tout enfant, et quand la mode était à la Cour d’être huguenot, et que tous ceux qui avaient de l’esprit, ou qui voulaient passer pour en avoir, s’étaient retirés de ce qu’on appelait la bigoterie, elle résista toujours. […] À travers cela, Marguerite, dans sa fleur alors épanouie de vingt-quatre ans, allait gagnant les cœurs, séduisant les gouverneurs de citadelles et ménageant d’utiles perfidies. […] Ayant obtenu, après des persécutions et des difficultés, de rejoindre son mari en Gascogne (1578), elle y resta trois ans et demi, y jouissant de sa liberté et la lui laissant ; elle comptait ces journées de Nérac, entremêlées, même à travers les guerres recommençantes, de bals, de promenades et « de toutes sortes de plaisirs honnêtes », pour une époque de bonheur.
J’ai vu une lettre de lui écrite à l’une de ses sœurs d’Espagne à l’âge de treize ans, où il y a déjà, à travers l’écolier, du Chérubin et du libertin, une facilité courante et de la gaieté. […] Laissons une bonne fois ce Beaumarchais-Grandisson qui fait fausse route, et arrivons, à travers les divers incidents de sa vie, au Beaumarchais véritable dont la veine comique jaillira à l’improviste et d’autant plus naturelle, même avant qu’il soit devenu le Beaumarchais-Figaro. […] J’ai voulu citer cette image heureuse et fraîche, et comme faire sentir cette brise matinale qui lui arrivait, malgré tout, à travers les barreaux de sa prison.
Qui le découvre à travers ces expressions si générales, tirées péniblement des faits par tant d’intermédiaires ? […] Qui surtout la remontera à travers tant d’anneaux brisés, de fautes de langue, de termes impropres ou obscurs ? […] Regardez de près : ces dominateurs du sol sont tous blessés à la base ; le mal a rongé leurs pieds ; l’eau s’infiltre à travers leur écorce.
L’oxygène extérieur, substance décomposante, se mêle au sang dans le poumon, organe construit avec un artifice infini ; il est charrié dans tout le corps vivant par un système compliqué d’artères, et va décomposer les tissus à travers les capillaires perméables. […] Nous attachons nos yeux sur ces définitions souveraines ; nous contemplons ces créatrices immortelles, seules stables à travers l’infinité du temps qui déploie et détruit leurs œuvres, seules indivisibles à travers l’infinité de l’étendue qui disperse et multiplie leurs effets.
Une route a été tracée par la société nous la trouvons ouverte devant nous et nous la suivons il faudrait plus d’initiative pour prendre à travers champs. […] Le naturel est en grande partie recouvert par l’acquis ; mais il persiste, à peu près immuable, à travers les siècles : habitudes et connaissances sont loin d’imprégner l’organisme et de se transmettre héréditairement, comme on se l’était imaginé. […] A ceux-là nous allons tout droit, à celle-ci nous ne venons que par un détour ; car c’est seulement à travers Dieu, en Dieu, que la religion convie l’homme à aimer le genre humain ; comme aussi c’est seulement à travers la Raison, dans la Raison par où nous communions tous, que les philosophes nous font regarder l’humanité pour nous montrer l’éminente dignité de la personne humaine, le droit de tous au respect. […] Ces références à l’arithmétique et à la géométrie sont caractéristiques de la justice à travers le cours de son histoire. […] Ce qu’ils ont laissé couler à l’intérieur d’eux-mêmes, c’est un flux descendant qui voudrait, à travers eux, gagner les autres hommes : le besoin de répandre autour d’eux ce qu’ils ont reçu, ils le ressentent comme un élan d’amour.
Il nous promène à travers une galerie de grotesques. […] C’est à travers une idée morale, à travers une conception religieuse, que Feuillet aperçoit l’image de la femme. […] C’est à travers de telles images qu’il aperçoit habituellement la nature. […] Les objets et la vie lui apparaissent à travers un grossissement d’hallucination. […] Quel souvenir l’homme avait gardé de son odyssée d’enfant de troupe à travers les chemins de France !
Bien fin qui, à travers Notre-Dame, entrapercevrait Eugénie Grandet ! […] Flaubert ne regarde rien qu’à travers un stéréoscope grossissant. […] Non ; mais on sent je ne sais quelle émotion douloureuse, quelle immense pitié circuler à travers ces phrases qui ne l’expriment pas. […] — Voyage à travers les Revues […] Leur puissance vient de leur sincérité ; c’est grâce à cette sincérité qu’il leur est donné de nous impressionner à travers les âges.
. — Je ris au wasserfall qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse. — Alors, je levai un à un les voiles. […] Tel apparaît, à travers son œuvre inachevée, ce poète qui inventa un sourire nouveau. […] Les cavales, qui traînaient à travers la nuit leurs chariots lourds et tumultueux, tout à coup disparaissent. […] Des fous vont et viennent à travers les chemins et les venelles ; on dirait qu’ils sont seuls vivants dans la campagne déserte. […] Dans la lutte ardente et l’ivresse du sang, il a songé « qu’à travers le bois sombre son âme le suivait peut-être comme une ombre ».
Ses sujets de prédilection sont les tableaux parisiens et les croquis rustiques : il aime à nous montrer les menus détails d’un intérieur paisible ; il adore le plein air, les courses à travers champs, les haltes au cabaret et sous la tonnelle, les dîners sur l’herbe ; enfin, toutes les échappées rurales.
Tu me pris dans tes bras et tu m’emportas à travers la cour. […] Quand j’accompagnais à Strasbourg le jeune baron, nous étions habitués à sortir en voiture, et tous les jours le char conduit par moi passait sous la porte sonore, et courait au loin dans la plaine, sous les tilleuls, à travers les chemins poudreux et la foule animée des promeneurs. […] « Comme le voyageur qui, le soir, fixant encore ses regards sur les derniers rayons du soleil, voit flotter son image dans un bosquet obscur, puis auprès d’un rocher, et, de quelque côté qu’il se tourne ensuite, croit toujours la voir courir devant lui et se reproduire en couleurs étincelantes, ainsi la suave image de la jeune fille se montre aux yeux d’Herman et paraît suivre le sentier qui s’en va à travers les champs de blé… Mais, ce n’est pas une illusion, c’est elle-même ! […] La lune projetait à travers les pampres quelques lueurs vacillantes ; mais, bientôt voilée entièrement de nuages, elle laisse le jeune couple dans une complète obscurité. […] La beauté morale du jeune favori transperçait à cette époque à travers la beauté matérielle de ses traits.
Il faisait entreluire à travers les fusils de ses vétérans des lueurs de constitution populaire et de vieux républicanisme qui fascinaient la multitude et qui prêtaient un prétexte aux tergiversateurs. […] Tu me rappelles les journées que nous avons passées ensemble, il y a quelques mois dans la vallée d***, à circuler vainement autour des murs du parc d’un autre grand poëte pour apercevoir seulement de loin son ombre se glissant à travers les arbres sur les allées de son jardin. […] Je ne sais ; mais elles se retournèrent plusieurs fois pour regarder en arrière, et j’entendis, à travers le bruit des roues, quelques exclamations enjouées, qui me firent croire qu’elles avaient reconnu en moi un admirateur timide, et qu’elles riaient de mon embuscade d’enthousiasme sur un revers de fossé. […] comme tout le monde, je n’ai saisi ma vision qu’au vol, et je n’ai vu l’amour et la gloire qu’à travers la poudre d’un grand chemin. Je t’envoie quelques vers que j’écrivis tristement le soir, en remontant à travers une forêt de châtaigniers, au château de V***, où l’on se moqua un peu de ma ferveur et de ma déception ; mais je me suis bien gardé de les envoyer à madame de Staël, etc., etc. » LVII La rencontre que je racontais ainsi à mon ami avait lieu précisément le jour et à l’heure où le canon de Waterloo foudroyait du dernier coup la fortune de Napoléon et rendait l’air libre à madame de Staël.
pour qui voit à travers les mots leur lumière, jamais il ne fut livre où l’idée catholique ait été plus réellement visée et atteinte. […] Leur opinion de moralistes ne rayonne pas à travers leurs peintures, comme les grands romanciers, comme Balzac, par exemple, la font rayonner à travers les leurs, même alors qu’ils ne l’expriment pas. […] Il pouvait très bien se dispenser de les écrire, ces trois pauvres pages, mais l’heure est aux systèmes, et il a voulu, sans nul doute, dire aussi, distinctement, son petit mot à travers l’assourdissante huaille du Naturalisme actuel, et déterminer les mérites de sa position dans la trifouillante poussée de cette littérature canaille. […] En ce livre où, à travers des détails rarement jolis, comme, par exemple, « le château aux paons blancs », qui a de la couleur d’Edgar Poe, il y a de très plats hors-d’œuvre qu’on pouvait supprimer pour y faire gagner le roman.
Maurice Le Corbeiller avait écrit, pour la circonstance, une scène élégante, en prose et en vers, intitulée : La Nuit de juin… Dans ces vers, inspirés de Musset, à travers l’expression un peu flottante, quelque chose a passé de la grâce et de la tendresse du cher poète… M.
À travers la grille neuve, on aperçoit les vieux arbres que l’auteur d’Atala avait plantés. […] Mon esprit lui-même est en train de baisser à travers tout cela ou du moins mon cerveau y craquera un de ces matins. […] Il l’aperçoit à travers un nuage de fleurs. […] Par n’importe quel temps, sous la pluie, sous la neige, il errait le long des quais, à travers les rues tortueuses de la Cité et de l’île Saint-Louis. […] Le Moyen Âge s’est prolongé à travers la Renaissance dans les lettres anglaises.
Le pouce de Loutherbourg y manque ; je veux dire cette manière de faire longue, pénible, forte et hardie qui consiste à placer des épaisseurs de couleurs sur d’autres qui semblent percer à travers, et qui leur servaient comme de réserves.
Voilà ce qu’il a peint admirablement dans son Werther, ce qui en fait l’âme, et qui en reste vrai pour nous encore, à travers toutes les vicissitudes de la mode et des genres. […] Arrivés au Mein, nous y trouvons mon fils qui patinait : il volait comme une flèche à travers la foule des patineurs ; ses joues étaient rougies par l’air vif, et ses cheveux châtains tout à fait dépoudrés. […] Ma sœur vous salue, mes demoiselles vous saluent, mes dieux vous saluent, nommément le beau Pâris à ma droite et la Vénus d’or de l’autre côté, et Mercure, le messager, qui se réjouit des courriers rapides, et qui attacha hier à mes pieds ses belles et divines semelles d’or, qui le portent avec le souffle du vent à travers la mer stérile et la terre sans limites56. […] Goethe a senti bien vite, même à travers les premières irritations des deux amis, qu’ils ne lui en veulent pas mortellement, et il s’empresse de profiter de la disposition pour les remercier, pour les ramener et les entraîner, s’il le peut, dans le sens de son œuvre : Oh !
Flaubert, souvent brutale, incorrecte, ne manque ni de franchise ni de netteté, et parfois même, à travers ses descriptions trop crues, une image subite révèle le sentiment de la poésie. […] Tantôt l’auteur supprime les choses connues, tantôt il invente à tort et à travers ce qu’on ne saura jamais. […] Une nuit, à travers mille dangers, il entraîne Mâtho dans Carthage, et, pénétrant au fond du sanctuaire redouté, il enlève le voile de Tanit. […] Immobile, éperdu, il contemple l’apparition merveilleuse, et quand Salammbô s’éveille, quand l’horreur succède chez la mystique vierge au premier éblouissement que lui a causé le voile divin, quand elle repousse Mâtho, quand elle appelle au secours, quand les esclaves accourent armés de leurs casse-tête, Mâtho, accompagné de Spendius, s’élance de nouveau par la ville, et au milieu d’une population folle de rage, à travers les imprécations impuissantes et les flèches mal lancées, il arrive triomphant aux portes des remparts, car le voile de Tanit le protège.
Nous commencerons par les derniers échelons de cette échelle de Jacob de l’histoire, qui ne conduit pas au ciel, quoiqu’elle soit fort longue, et sur laquelle on voit peu d’anges monter ou descendre Nous irons des petits aux grands, ou des plus faibles aux plus forts, dans cette tournée critique que nous voulons faire, à travers les œuvres historiques de ce temps. […] Il aime mieux dire plutôt avec une incroyable sincérité, en parlant de ces mœurs dont les hautes classes en délire donnaient le spectacle à tout un peuple, qui les regardait à travers la grille de Trianon : Certes, non ! […] L’historien du Maréchal de Richelieu n’a plus aperçu le dix-huitième siècle qu’à travers un pastel d’innocence qu’il s’en va veloutant de plus en plus, et les mirages d’un optimisme enchanté. […] sur le même banc de pierre que Louis XV, et d’appeler le fantôme charmant de la comtesse « à travers les vapeurs de la colline embaumée », pour se rassurer et pour se décider enfin à en publier la galante histoire.
Tous les détails de cette soirée, la présentation de Bénédict aux orgueilleux parents de Valentine, l’invitation à la danse, l’embarras du baiser, l’aisance de bel air de M. de Lansac, fiancé de Valentine, tout cela est délicieusement conduit ; et le départ ensuite, le retour, la manière dont Valentine s’égare, la rencontre des deux jeunes gens près des buissons fleuris de l’Indre ; cette voix limpide et nerveuse de Bénédict, qui le précède et l’annonce, et dont Valentine a de loin admiré le chant ; cette arrivée à la ferme par les jardins de derrière et à travers les haies, leurs deux haleines se confondant au passage dans les fleurs ; cette visite nocturne de Valentine à Louise, à sa sœur aînée, si longtemps perdue, si merveilleusement retrouvée, et qu’une faute amère, déjà bien ancienne, avait bannie d’un lieu qu’elle a voulu revoir ; — oui, tout, jusqu’à cette façon naturelle et rusée d’éconduire M. de Lansac, tout, dans cette première partie du récit, captive, enchante et satisfait. […] Ces courses de Valentine avec Louise et Athénaïs, Bénédict toujours présent, par les prairies, à travers le foin des granges et au bord de la rivière ; le moment surtout où Bénédict, lassé de courir et de pêcher, en blouse, négligemment assis les jambes pendantes sur un tronc de chêne au-dessus des eaux, est admiré pour la première fois et trouvé beau par Valentine qui le regarde du bord ; ce moment et les tendresses folâtres qui l’amènent et le suivent sont le triomphe du roman.
Thomas voit tout à travers un microscope. […] Où l'Orateur se plaît sur-tout à nous promener, c'est dans le monde physique, dans le monde moral, le monde politique, le monde intellectuel…… Le plus doux de ses plaisirs est d'imprimer le respect, d'imprimer la crainte, d'imprimer à, d'imprimer sur, d'imprimer au dedans, d'imprimer au dehors…… Si nous le suivons dans des phrases de plus longue haleine, il nous dira d'abord que les passions, comme un limon grossier, se déposent insensiblement en roulant à travers les Siecles, & la vérité surnage ; que la Nature varie par des combinaisons infinies les facultés intellectuelles de l'homme, comme les propriétés des êtres physiques *.
Entreprise énorme et difficile, que César Daly, après douze années et à travers tous les obstacles, a menée à bonne fin avec un talent qui tient du miracle, et qui, comme artiste réalisant, l’a, du premier coup, très grandement classé. […] Cela nous charme de voir le philosophe, dans Daly (malheureusement il y est), faire toujours paraître l’histoire à travers et derrière l’art, comme derrière un cristal qui la purifie et la rend plus belle !