/ 2224
38. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Dans la partie supérieure appelée la tête, et qui, vue du dehors, semblait un objet comme tous les autres, circonscrit dans l’espace, pesant, etc., je trouvai quoi ? […] En même temps nous pressentons un ordre supérieur dont nous semblons porter en nous le germe encore latent. […] Ainsi pourront se réconcilier, en ce qu’ils ont de plus essentiel, l’idéalisme et le naturalisme : les idées deviendront des formes supérieures de la vie et de la volonté, par cela même des idées-forces, au lieu de demeurer inactives dans un monde de reflets et de fantômes.

39. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Vulpian, il n’y a entre l’homme et les animaux supérieurs que des différences de degré. […] Le génie lui-même, cet état supérieur de la nature humaine, n’échappe point aux formules outrées d’une certaine analyse physiologique. […] La métaphysique peut toujours, avec Aristote, concevoir un idéal de la pensée pure et indépendante de tout organisme, en Dieu et chez des êtres supérieurs à l’homme. […] Ainsi se trouvent réconciliées dans une science supérieure les deux écoles, le vitalisme et l’organicisme, qui ont tant occupé le monde savant de leurs débats. […] Il y a de la spontanéité même dans la nature, et, s’il y en a là, comment ne la point reconnaître dans l’homme, ce type supérieur de la vie organique ?

40. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Au reste, il est moins intéressant de chercher, dans le développement d’un esprit supérieur, la trace de toutes les influences qui y ont aidé, qu’il ne résulte utile de considérer cet esprit dans ce qu’il a été et ce qu’il a produit ; puisque, aussi bien, — quelles qu’aient pu être les premières impressions d’un écrivain, ce n’est que grâce à un pouvoir intrinsèque d’en conserver en soi l’empreinte qu’il aura réussi à s’en organiser. […] Enfant, il eut la prescience, des réalités supérieures et il s’obstina d’autant plus fièrement dans les révoltes qu’insuffle au cœur le premier sentiment de notre tragique misère. […] Son scrupule fut supérieur à cet effroi ; ce fut le scrupule d’un homme loyal. […] Sans doute, ce pouvoir qui semble d’essence supérieure, qui a l’air de condenser de l’expérience, et de l’expérience éduquée, qui se révèle riche en lignes exactes et en presciences ordonnées, — témoigne, surtout lorsqu’il est aussi déterminé qu’en M.  […] Et nous admettons — puisque, dans ses fortuites dégénérescences, ce pouvoir va même jusqu’à contrarier les desseins propres du goût, nous admettons que l’on veuille en rendre subsidiaire le fait qu’un écrivain si condescendant et d’une telle ligne, qui nous captive en pensant nous en apprendre toujours, donne l’impression de devoir à sa complexité, plus qu’à sa droiture, de paraître aussi supérieur que bien aménagé.

41. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Et de même, quand une espèce semble avoir disparu avant que les strates supérieures de la formation soient déposées, il serait également présomptueux de supposer, d’après cela seulement, qu’elle soit entièrement éteinte. […] Aussi, plus d’un paléontologiste a-t-il fait l’observation que les dépôts les plus puissants sont communément très pauvres en fossiles, excepté vers leur limite inférieure ou supérieure. […] On pourrait encore prouver que parfois les couches inférieures d’une formation, après avoir été déposées, ont été soulevées et dénudées, puis submergées de nouveau, et enfin recouvertes par les couches supérieures de la même formation, autant de faits, trop souvent oubliés, qui montrent quelles longues intermittences en ont ralenti l’accumulation. […] C’est d’abord que si la vitesse de soulèvement est supérieure à la vitesse de dénudation des vagues côtières, il en résulte qu’une grande partie de la formation subsiste, d’autant plus que la différence des deux mouvements est plus grande ; si la différence est en sens contraire, non seulement la formation récente, mais encore les anciennes, sont dégradées et détruites. […] Tout au plus en pourrait-on retrouver des lambeaux altérés par l’action de l’atmosphère sur les plateaux granitiques dénudés les plus anciennement soulevés, encore sous deux conditions : c’est d’abord que la vitesse de leur soulèvement primitif ait été supérieure à la vitesse de leur dénudation, et que depuis ils n’aient jamais été submergés de nouveau.

42. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Le mot nous manque pour exprimer cet état intellectuel, où tous les éléments de la nature humaine se réuniraient dans une harmonie supérieure, et qui, réalisé dans un être humain, constituerait l’homme parfait. […] L’état analytique que nous traversons fût-il absolument inférieur à l’état primitif (et il ne l’est qu’à quelques égards), l’analyse serait encore plus avancée que le syncrétisme, parce qu’elle est un intermédiaire nécessaire pour arriver à un état supérieur. […] Un peu de réflexion a pu rendre impossible les créations merveilleuses de l’instinct ; mais la réflexion complète fera revivre les mêmes œuvres avec un degré supérieur de clarté et de détermination. […] Alors, c’est la multiplicité, c’est la division qui domine jusqu’à ce que la synthèse, venant ressaisir ces parties isolées, lesquelles ayant vécu à part ont désormais la conscience d’elles-mêmes, les fonde de nouveau dans une unité supérieure. […] Puis la forme supérieure dans la grande poésie de Gœthe, de Byron, de Lamartine, admettant simultanément tous les genres.

43. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

— Si l’on divise en deux séries les plantes qui peuplent une contrée et qui sont décrites dans sa flore, plaçant dans l’une tous les plus grands genres et dans l’autre tous les genres de moindre importance, un nombre supérieur d’espèces dominantes très communes et très répandues se trouvera du côté des plus grands genres. […] Il s’est invariablement trouvé une proportion supérieure d’espèces variables du côté des plus grands genres. De plus, parmi les espèces des grands genres qui présentent des variétés, le nombre moyen de ces variétés est invariablement supérieur à celui que renferment les espèces des plus petits genres. […] Les variétés ont généralement une extension très bornée : c’est d’une telle évidence qu’on pourrait se dispenser de le constater, car une variété se trouverait-elle avoir une extension supérieure à celle de l’espèce qu’on lui attribue pour souche, que leurs dénominations auraient été réciproquement inverses. […] Dans les genres qui possèdent un nombre d’espèces au-dessus de la moyenne, en quelque contrée que ce soit, les espèces de ces genres renferment un nombre de variétés aussi supérieur à la moyenne.

44. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

La morale sous toutes ses formes est, en somme, la résultante des efforts de cet être supérieur pour vivre et se créer par nous, pour nous dompter et nous faire travailler à ses fins. […] Et d’ailleurs qui admettra qu’un général a le droit de trahir sa patrie si elle est en guerre avec un adversaire bien supérieur en civilisation ? […] Mais si ce mouvement avait réussi, il aurait peut-être abouti, lui aussi, à un équilibre, un équilibre différent, mais peut-être supérieur à celui qui s’est produit. […] Mais si l’on veut donner à la loi une valeur extérieure et supérieure à la vie qui la réaliserait, alors on énonce une proposition inacceptable, et, je pense, incompréhensible. […] Il semble que si un être doit arriver quelque part à un état social très supérieur — peut-être cela s’est-il produit, mais nous n’en savons rien — ce ne sera pas l’homme et ce ne sera pas sur cette terre.

45. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

En une minute, mon sort fut décidé : « Faites-le venir », dit l’impétueux supérieur. […] Les observations dont le supérieur accompagnait la lecture des notes étaient la vie ou la mort. […] Le supérieur s’y mêlait, et, pendant près d’un an, aux lectures spirituelles, il ne fut pas question d’autre chose. […] » Tel était le résumé du discours d’adieu du supérieur à l’élève congédié. […] Il gâta par la passion des qualités supérieures.

46. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Cela est vrai surtout de l’enseignement supérieur. Soustrait à toute inspection, à tout contrôle officiel, le régime intellectuel des grands séminaires est celui de la liberté la plus complète : rien ou presque rien n’étant demandé à l’élève comme devoir rigoureux, il reste en pleine possession de lui-même ; qu’on joigne à cela une solitude absolue, de longues heures de méditation et de silence, la constante préoccupation d’un but supérieur à toutes les considérations personnelles, et on comprendra quel admirable milieu de pareilles maisons doivent former pour développer les facultés réfléchies. […] Renan avait reçu notamment une très vile impression des idées et des vues de Herder ; cette espèce de christianisme ou de fonds religieux supérieur, qui admet toutes les recherches, toutes les conséquences de la critique et de l’examen, et qui, avec cela, laisse subsister le respect, même l’enthousiasme ; qui le conserve et le sauve en le transférant en quelque sorte du dogme à l’histoire, à la production complexe et vivante, le rasséréna et le tranquillisa beaucoup ; il sentait que, s’il eût vécu en Allemagne, il eût pu trouver des stations propices à une étude indépendante et respectueuse, sans devoir rompre absolument avec des choses ou des noms vénérables, et à l’aide d’une sorte de confusion heureuse de la poésie avec la religion du passé. […] Eugène Burnouf, esprit supérieur, pour la méthode et le tact scientifique, il concourut par de savants Mémoires pour des prix proposés par l’Institut. […] C’est ce qu’il appelle la conscience du genre humain, — une sorte de miroir supérieur et mobile où se réfléchissent et se concentrent les principaux rayons, les principaux traits du passé, et qu’à chaque époque le nombre plus ou moins grand des hommes qui pensent promène avec soi et transmet à ceux qui suivent.

47. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Dès lors pourquoi s’inquiéter de la pensée, de l’industrie, de la science, de la littérature, de l’art qui se manifestent à l’étranger, puisque la pensée française, l’industrie française, la science française, la littérature française, l’art français sont nécessairement et à priori supérieur ? […] Pourquoi se comparer, lorsqu’on se sait d’avance supérieur ? […] Si vous insinuez timidement devant l’un d’eux, que l’étranger « a du bon » à certains égard, que diverses pratiques sont supérieures aux nôtres au-delà de nos frontières, que la France n’exerce peut-être plus toute sa suprématie d’antan dans toutes les branches de l’activité humaine, vous avez des chances pour paraître ou scélérat ou imbécile. Il est inutile que vous invoquiez des faits, que vous établissiez des comparaisons : les faits n’ont rien à voir avec les idées conçues a priori et aucune comparaison ne peut valoir une vérité supérieure transmise par les siècles, un dogme aussi essentiel que celui de la suprématie de la France. […] Il a pu vous approuver, lorsque vous citiez des faits irrécusables, mais vous ne parviendrez pas à lui arracher ce sentiment que la France est, par sa nature même, la nation supérieure, immortelle, et qu’en dépit des prophètes de malheur, sa victoire finale est inscrite là-haut, dans le livre des décrets célestes.

48. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

D’ailleurs, quand l’illusion des autres devrait durer, plus elle serait grossière, plus celle de l’amour-propre s’affaiblirait ; le plaisir que nous éprouvons à en imposer aux hommes, consiste en partie dans la satisfaction que nous ressentons de voir combien nous leur sommes supérieurs dans la connaissance de nous-mêmes et de nos talents. […] Ces différentes classes ainsi formées, et chacune n’ayant rien à démêler avec ses voisines ; si on n’est pas toujours équitablement jugé dans sa propre classe, on l’est au moins à peu près dans toutes les classes supérieures et inférieures. […] Si la philosophie pratique, c’est-à-dire cette partie de la philosophie qui proprement en mérite seule le nom, accompagnait un peu plus qu’elle ne fait les talents supérieurs, quelle satisfaction ne serait-ce pas pour eux, que les guerres des petites sociétés dont nous parlons, le mépris qu’elles affectent les unes pour les autres, ou plutôt la justice exacte qu’elles se rendent, l’air supérieur et décidé avec lequel elles cassent les arrêts de leurs rivales pour en prononcer d’aussi ridicules, le néologisme enfin qu’elles ont introduit dans nos livres, et dont nos meilleurs écrivains ont bien de la peine à se garantir ? […] L’Angleterre seule a cet avantage, que les talents vraiment supérieurs dans les lettres y ont quelquefois servi de degré pour s’élever aux grandes places. […] Supérieur aux préjugés, le seul mérite chez ce monarque distingue les hommes.

49. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Mademoiselle de Condé se retira en Lithuanie ; mais, avec la permission de ses supérieures, elle rejoignit en Angleterre son père et son frère, après neuf années de séparation… Seulement, toujours religieuse, plus religieuse encore que fille et sœur, elle entra, là, dans un couvent de Bénédictines, qu’elle ne quitta que pour revenir en France, où elle fut nommée Supérieure de l’Ordre du Temple sous le nom de Marie-Joseph de la Miséricorde. […] Elle a les modesties et les soumissions de Juliette, avec une pureté bien supérieure à la pureté de Juliette. […] , La Gervaisais lui écrivit un jour, seulement pour la prévenir d’un danger dont il la croyait menacée : c’était, je crois, quand le « malheureux homme » pour lequel elle priait tous les jours, depuis la mort du duc d’Enghien tomba de l’île d’Elbe sur Paris, où elle était Supérieure de l’Ordre du Temple, comme la foudre !

50. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Enfin ceux qui pensent que l’esprit humain ne peut atteindre les hautes vérités et qu’une autorité supérieure s’est chargée de les lui révéler détruisent également la science, en lui enlevant ce qui fait sa vie et sa valeur véritable. […] Le fétichiste est inconvertissable ; le moyen de l’amener à une religion supérieure n’est pas de la lui prêcher directement ; car, s’il l’accepte en cet état, il ne l’acceptera que comme une autre sorte de fétichisme. […] Mais, si l’on s’élève à un degré supérieur du développement de l’esprit humain, le supernaturalisme apparaît comme une conception dépassée. […] L’Allemagne, au commencement de ce siècle, a honteusement plié devant la France, et combien pourtant l’Allemagne de Gœthe et de Kant était supérieure pour la pensée à la France de Napoléon. […] Nous n’en appelons au principe des nationalités que quand la nation opprimée est supérieure selon l’esprit à celle qui l’opprime.

51. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

La partie supérieure de la fabrique de la gauche est aussi dégradée et revêtue de plantes parasites. L’artiste a encore décoré son extrémité supérieure d’un autre pot de fleurs. […] Des groupes de figures qu’on a peine à discerner sont répandus dans les entre-colonnemens de la partie supérieure. […] Si vous brisez la partie supérieure d’une statue, que les jambes et les pieds qui en resteront sur la base soient du plus beau ciseau et du plus grand goût de dessin. […] L’étage supérieur est un grenier à foin.

52. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

La balustrade supérieure est ornée de cent quatre-vingt-douze statues de douze pieds de haut, comme celles du pont Louis XVI. […] « Il ne s’agit donc pas ici d’une simple dispute de mots, comme il semble à quelques esprits aveugles ou distraits ; sous le voile des mots, la question est posée sur des substances : ici, substance matérielle, qu’admettent également les deux doctrines ; là, substance d’une autre nature, et d’une nature supérieure, dont la matière n’est que le support. […] « Dans l’autre cas, les destinées, ou plutôt les prédestinations de l’homme, rarement réalisées, sont celles du principe supérieur supporté par la matière ; dans la mesure même où l’homme entre en possession de ce principe supérieur, il en partage la nature et les destinées, et par les responsabilités d’ici-bas, et par les espérances immortelles. […] « Pour moi, l’essence saisissable de leurs caractères relatifs est là : que l’un est supérieur à l’autre et, par conséquent, prédestiné sur l’autre. […] « Mais, au-dessus des phénomènes physiologiques qui m’affirment un principe vital organique, j’observe, dans une région supérieure de mon être, un autre ordre de phénomènes parfaitement distincts des précédents, les phénomènes psychiques, source de tout idéal en moi, qui m’affirment un autre principe.

53. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. […] Mais à la pauvreté hautaine, étalée et presque cynique de Jean-Jacques, à la délicatesse de haut goût et un peu aristocratique de M. de Custine, à cette longue demande d’indispensables millions et de liste civile littéraire par M. de Balzac, je ne veux opposer, comme vérité, tact et dignité, qu’une page d’un écrivain bien compétent : « En vous rappelant sans cesse, écrit quelque part M. de Sénancour, que les vrais biens sont très supérieurs à tout l’amusement offert par l’opulence même, sachez pourtant compter pour quelque chose cet argent qui tant de fois aussi procure ce que ne peut rejeter un homme sage. […] Nous ne parlerons pas des deux premières nouvelles, la Femme supérieure, déjà publiée dans un journal, et la Maison Nueingen, à laquelle, sans doute à cause d’un certain argot dont usent les personnages, il nous a été impossible de rien saisir.

54. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Mais où les hommes supérieurs voient et concluent, les hommes superficiels n’osent pas seulement regarder. […] La thèse orthodoxe de l’auteur des Esprits est trop savante, trop étoffée, trop imposante ; l’auteur est trop au courant des sciences naturelles et médicales de son époque ; il a même, ici et là, trop de cette puissance de plaisanterie qui ne manque jamais en France aux écrivains supérieurs, et qui circule au sein des graves discussions auxquelles il se livre comme l’Esprit dormait sur les eaux, pour que la risée qui peut accueillir sa thèse soit bien forte. […] Et quand il a encore épuisé ces témoignages il prend les faits eux-mêmes, et ils sont nombreux dans son livre, et il démontre par eux l’intervention de ce « principe surnaturel » qui s’impose de vive force à l’observation la plus supérieure, en raison même de sa supériorité. […] Nous l’avons dit parfois, à propos de ce surnaturalisme dont il faudra bien finir par s’occuper sérieusement, tant il nous pèse sur la tête : nul écrit n’avait paru encore (et nous l’avons regretté) qui révélât dans son auteur une conception supérieure et donnât le signal d’une haute discussion.

55. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Et l’on se demande s’il est supérieur ! […] » se ramène pour moi à celle-ci : Y a-t-il au xixe  siècle quelques individualités supérieures qui ont réussi à s’exprimer par le moyen de la littérature ? […] Il n’en faudrait pas moins subir stoïquement cette calamité, si elle nous était imposée par les droits supérieurs de la raison et du goût. […] Notre langue nationale, devenue inexprimablement riche, apte à tout traduire, se fait l’expression supérieure de toutes ces tendances éparses. […] … Et ils se consacreront davantage au culte exclusif de l’athlète, expression supérieure de la brute moderne.

56. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Ainsi, toujours l’homme a trouvé ouverte devant lui une grande école de vie supérieure. […] Ils trouvent mauvais que les administrateurs et les instituteurs des provinces viennent puiser à Paris une éducation qui les rendra supérieurs à leurs administrés. […] Elle est en un sens supérieure à la loi politique, puisque celle-ci a en elle sa raison et sa sanction. […] Elle est même supérieure à l’État, puisque l’État y puise son principe. […] Il faut nécessairement que ce soit un malhonnête homme, autrement il me serait supérieur, ce qui ne peut pas être.

57. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Il s’applique ainsi à susciter des sentiments d’élévation, de plaisir, d’admiration, de complaisance en soi qui viennent de la vue d’un type humain supérieur dans un sens où il serait bon que la race tout entière le fût. […] En tout cas, la sensibilité maladive qu’il montre pour les visions et les imaginations d’horreur était impérieusement asservie et utilisée chez lui par des facultés de raisonnement supérieures. […] Comme la rose et comme l’orchidée double, l’homme supérieur, l’artiste, l’homme de lettres, est un monstre, un être factice et délicat, incomplet en certaines parties, anormalement développé en d’autres. […] En un livre, tout écrivain se propose de susciter chez ses lecteurs des émotions factices égales, et la plupart du temps supérieures à celles provoquées par de réels incidents. […] Par son inaction, la faiblesse actuelle de sa volonté, l’artiste correspond à une paix et une civilisation supérieures où les gros efforts laborieux seront superflus et disparus.

58. (1842) Discours sur l’esprit positif

L’adoration des astres caractérise le degré le plus élevé de cette première phase théologique, qui, au début, diffère à peine de l’état mental où s’arrêtent les animaux supérieurs. […] Or, il est évident que, sous cet aspect fondamental, la philosophie positive comporte nécessairement, chez les esprits bien préparés, une aptitude très supérieure à celle qu’a pu jamais offrir la philosophie théologico-métaphysique. […] Aussi la théologie a-t-elle toujours repoussé la prétention de pénétrer aucunement les desseins providentiels, de même qu’il serait absurde de supposer aux derniers animaux la faculté de prévoir les volontés de l’homme ou des autres animaux supérieurs. […] Tous les débats habituels sont restés essentiellement concentrés entre les diverses classes supérieures ou moyennes, parce qu’ils se rapportaient surtout à la possession du pouvoir. […] Les préjugés et les passions propres aux classes supérieures ou moyennes, s’opposent conjointement à ce qu’elle y soit d’abord suffisamment sentie, parce qu’on y doit être ordinairement plus touché des avantages inhérents à la possession du pouvoir que des dangers résultés de son vicieux exercice.

59. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Trente ans plus tard, il finira par les résoudre dans le sens favorable à l’âme, à sa force active, et encore en supposant cette force aidée et soutenue par une puissance supérieure et un esprit qui lui communique une sorte de grâce. […] C’est une vraie misère de vivre sur la terre. » Il a besoin d’un secours extérieur encore, mais, cette fois, de ce secours invisible qui opère par la grâce et moyennant le canal de la prière. « La plus fâcheuse des dispositions, dit-il, est celle de l’homme qui, se méfiant de lui-même au plus haut degré, ne s’appuie pas sur une force supérieure et ne se livre à aucune inspiration ; il est condamné à être nul aux yeux des hommes comme à ses propres yeux. » Il connaissait bien cet homme-là. […] Maine de Biran n’a pas de ces vigoureuses expressions de pensée qui se gravent, mais il a et il rend bien, à force d’y revenir et d’y abonder, la plénitude de son objet : À en juger par ce que j’éprouve, dit-il en un de ces endroits essentiels, et ne considérant que le fait psychologique seulement, il me semble qu’il y a en moi un sens supérieur et comme une face de mon âme qui se tourne par moments (et plus souvent en certaine temps, à certaines époques de l’année) vers un ordre de choses ou d’idées, supérieures à tout ce qui est relatif à la vie vulgaire, à tout ce qui tient aux intérêts de ce monde et occupe exclusivement les hommes. […] Il y a un régime physique comme un régime moral qui s’y approprie : la prière, les exercices spirituels, la vie contemplative ouvrent ce sens supérieur, développent cette face de notre âme tournée vers les choses du ciel, et ordinairement si obscurcie. […] Ce sentiment de pitié ou de compassion réfléchie du moi sur lui-même est encore assez doux à éprouver, en tant qu’il constate une nature supérieure à celle qui pâtit, quoiqu’elle lui soit intimement jointe.

60. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Premièrement, il étoit ami de Kœnig : leur liaison s’étoit formée du temps de madame du Châtelet, cette femme extraordinaire* & si supérieure à son sexe. […] Toutes les fois qu’ils se rencontroient dans une maison, Maupertuis y étoit mal à son aise : il jettoit d’abord quelques feux ; mais bientôt éclipsé par un homme supérieur dont la conversation a tant d’agrémens, il tomboit dans la tristesse & l’ennui ; de façon qu’on évitoit de les faire trouver ensemble. […] La requête présentée par le docteur Akakia à l’université de Léipsig, le décret donné par cette même université, la lettre d’un lapon Malouin, au secrétaire de l’académie, respirent encore une imagination enjouée & supérieure à toutes les maladies, à toutes les disgraces, à tous les événements de la vie. […] On discuta ses talens* : l’homme trop heureux fit évanouir dans Maupertuis l’écrivain supérieur.

61. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Il faut bien le dire : il a diminué la notion du roman, de cette chose complexe et toute-puissante, égale au drame par l’action et par la passion, mais supérieure par la description et par l’analyse, car le romancier crée son décor et descend, pour l’éclairer, dans la conscience de ses personnages, ce que le poëte dramatique ne fait pas et ne peut pas faire. […] Le roman d’aventure est dans les conceptions de l’esprit humain comme le roman complet, le roman d’observation supérieure, car il y a dans l’esprit humain des choses petites à côté des choses grandes, et même il y en a beaucoup plus… Si je ne reconnaissais à M.  […] Ce succès, comme on n’en a pas revu depuis pour des livres bien supérieurs, dut être un de ces faits décisifs dont l’influence reste sur l’imagination d’un jeune homme qui débutait, comme tout jeune homme débute, par l’imitation, mais qui, dans son imitation cependant, en donnant la patte, comme M.  […] Pour un homme de l’organisation supérieure de M. 

62. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Tant que la raison se réduit à cet office, son œuvre est celle d’un conseiller d’État, d’un prédicateur extraordinaire que ses supérieurs envoient en tournée et en mission dans le département de la philosophie et de la littérature. […] Ne pas manger de chair humaine, ne pas tuer les vieillards inutiles ou incommodes, ne pas exposer, vendre ou tuer les enfants dont on n’a que faire, être le seul mari d’une seule femme, avoir horreur de l’inceste et des mœurs contre nature, être le propriétaire unique et reconnu d’un champ distinct, écouter les voix supérieures de la pudeur, de l’humanité, de l’honneur, de la conscience, toutes ces pratiques, jadis inconnues et lentement établies, composent la civilisation des âmes. […] Tantôt, comme dans l’institution du droit d’aînesse, il fallait former et désigner d’avance le commandant militaire auquel obéirait la bande, ou le chef civil qui conserverait le domaine, conduirait l’exploitation et soutiendrait la famille390  S’il y a des raisons valables pour légitimer la coutume, il y en a de supérieures pour consacrer la religion. […] Bien mieux, quand il s’agit de démêler les impulsions primitives, il garde, à côté de l’amour-propre, une place indépendante et supérieure pour la pitié, la sympathie, la bienveillance, « la bienfaisance », pour toutes les affections généreuses du cœur qui se donne et se dévoue sans calcul ni retour sur soi  Mais auprès de lui, en voici d’autres, froids et bornés, qui, selon la méthode mathématique des idéologues403, construisent la morale à la façon de Hobbes. […] Les pièces inférieures y servent comme les supérieures ; toutes sont nécessaires, proportionnées, en place, non seulement le cœur, la conscience, la raison et les facultés par lesquelles nous surpassons les brutes, mais encore les inclinations qui nous sont communes avec l’animal, l’instinct de conservation et de défense, le besoin de mouvement physique, l’appétit du sexe, et le reste des impulsions primitives, telles qu’on les constate dans l’enfant, dans le sauvage, dans l’homme inculte414.

63. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Les règles du théâtre antique furent remises en honneur, et de ce respect pour les unités, et de l’imitation du théâtre espagnol, il sortit des pièces fort supérieures à celles de Hardi, quoique tombées dans le même oubli. […] Voilà par contre la condamnation de tout poème dramatique où l’on met en scène des passions « dont nous ne sommes pas susceptibles. » Cette vue supérieure de Corneille, Racine en fera la règle même de son théâtre. […] Mais il y a peut-être une vertu supérieure : c’est celle de ne rien dire de soi, ou de n’en dire que des choses qui laissent chacun libre de son jugement. […] Cette vérité, c’est celle d’une nature supérieure non à nos conceptions, mais peut-être à notre vertu : cet effet, c’est le devoir de l’imiter. […] Les circonstances extérieures y aidèrent ; mais le mal venait d’une fausse vue, et sous ce rapport Corneille est un grand exemple de ce que dit Descartes, qu’un homme est moins supérieur aux autres hommes par l’esprit que par l’emploi qu’il en fait.

64. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 412-415

C’est donc un nouveau degré de gloire pour les Héros du Parnasse Latin & François, d’avoir exercé les talens d’un homme dont les Ecrits seuls immortaliseroient le nom, si ses lumieres supérieures, ses vertus sociales ne le destinoient déjà à l’immortalité. […] Qu’il nous soit permis d’observer que Rousseau, quoiqu’inférieur à Horace, à bien des égards, nous paroît lui être supérieur à bien d’autres ; ce que le parallele ne fait pas assez sentir, à notre avis.

65. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Des deux méthodes, c’est la première qui doit céder le pas, basée, comme elle l’est, et comme nous la montrerons au chapitre suivant, sur des lois incertaines et présomptives dont la critique scientifique ne pourra tirer parti qu’après avoir vérifié, par ses propres travaux, la mesure dans laquelle elles s’appliquent aux hommes supérieurs. […] Comme esprit individuel et surtout comme esprit supérieur, ce mécanisme général est affecté de certaines altérations particulières qui constituent à proprement parler, sa personnalité, sa discernabilité, son essence à part, les caractères par lesquels il se sépare et existe. Ces excès et ces défauts forment, chez l’individu supérieur, la marque et la cause par lesquelles il se distingue d’autrui, et font qu’il dépasse ou déborde la moyenne. […] Elle servira donc à préciser ces lois et fournira de plus des matériaux précieux à l’un de ses départements les moins explorés, celui des fonctions supérieures de l’intelligence, auquel ne contribue ni la psychophysique qui occupe des fonctions élémentaires, ni la pathologie mentale, ni les données de l’hypnotisme qui étudient des esprits ou délabrés ou dégénérésda. Il convient d’attendre de la critique scientifique des notions neuves et précises sur l’imagination, l’idéation, l’action réciproque du langage et de la pensée, de l’émotion et de la pensée, des sensations et des idées, sur l’invention, sur les sentiments esthétiques et sur d’autres problèmes de même ordre ou supérieurs.

66. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] — Parmi les portraits, il en est d’achevés, tel que celui d’Elmire ou la femme d’un esprit supérieur, qui n’est autre que la duchesse de Chaulnes. […] la méchante fée a doué Aladin à son berceau d’un cœur sensible, d’un génie supérieur et d’une grande franchise : ce sont là les dons maudits dont elle a chargé l’enfant ; et Salem, au contraire, a été doué par la bonne fée d’un esprit médiocre et actif, d’un caractère patient et d’une âme froide ; voilà ses trésors. […] M. de Meilhan montre très bien ce duel engagé entre un monarque armé, qui se tient sur la défensive, et des agresseurs à outrance, pour qui tous les moyens sont bons : « Dans cette lutte sanglante de la royauté et de la démocratie, on croit voir, dit-il ingénieusement, deux combattants, dont l’un, bien supérieur en force, se contente de parer, et ménageant sans cesse la vie de son adversaire, finit par tomber sous les coups qu’il aurait pu prévenir. » Revenant sur sa distinction entre ce qui a été véritablement principe, cause, ou occasion, M. de Meilhan (et ceci est chez lui une vue originale) insiste sur cette idée favorite, qu’on a exagéré l’influence directe des écrivains sur la Révolution française. […] Je me crois toujours supérieur à ce que l’on connaît de moi, et prêt à l’abandonner… C’est ici que, professant cette absolue indifférence pour le fond de toute chose et pour la vérité en elle-même, il laisse échapper cet aveu que nous avons déjà recueilli et qui juge tout l’homme : « Rien n’a jamais fait effet sur moi comme vrai, mais comme bien trouvé. » Et il continue de se dessiner en se mirant : Je suis vivement paresseux, ce qui me donne deux inconvénients, celui de la paresse et celui de l’ardeur.

67. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Montesquieu a son moule à lui, comme sa pensée, et si ses Lettres persanes doivent quelque chose à un devancier, c’est à l’un de ces devanciers de la veille qui bientôt ne comptent plus et qui sont annulés par leur supérieur. […] Certes, tu n’es pas fait pour manquer d’aucune, ni de rien de ce qui appartient à une âme forte et supérieure : ne te laisse donc pas entraîner par l’excès même du courage vers le but où mènerait aussi le désespoir. » D’après tous ces passages, on voit que s’il y a quelque emphase, elle est rachetée aussitôt par bien des mérites, par des délicatesses infinies dépensées, et que la Romaine en Mme Roland n’a pas absolument la roideur du bas-relief ; elle est touchante, elle est Française encore, elle est femme, et c’est par l’ensemble de ces qualités réunies que les quatre Lettres retrouvées restent, toutes critiques faites, une acquisition hors de prix pour la littérature. […] Faugère le désir qu’il en fît usage pour rétablir la vérité et montrer que la part de gloire qui revenait légitimement à Mme Roland était assez grande sans qu’il fût besoin d’y rien ajouter aux dépens de son mari : « J’acceptai cette mission avec empressement, nous dit le nouvel éditeur, et je m’occupai dès lors à compléter les éléments d’un ouvrage qui sera consacré à faire connaître plus intimement Roland de La Platière, en même temps que la femme supérieure qui ne fut pas tout dans sa destinée, mais qui, en s’unissant à lui, a contribué à donner à son nom un éclat que son seul mérite n’aurait point produit. » Oserai-je dire à M.  […] Voici ce jugement mémorable et souvent cité : « Je vis, je ne fis que voir, dit-elle en parlant d’un de ses voyages à Paris, en février 1791, le puissant Mirabeau, Bétonnant Cazalès, l’audacieux Maury, etc. » ; et, se reprenant à ce nom de Mirabeau, elle ajoutait en manière de rétractation et de repentir : « Le seul homme dans la Révolution, dont le génie pût diriger des hommes, impulser une assemblée : grand par ses facultés, petit par ses vices, mais toujours supérieur au vulgaire et immanquablement son maître dès qu’il voulait prendre le soin de le commander. […] Je sais qu’il y a des personnes qui trouvent cela théâtral ; mais, en vérité, il me semble que l’échafaud est bien réellement un théâtre aussi ; elle ne l’avait pas choisi, il lui échut par le sort ; elle y parut comme il sied, et y joua son personnage d’une manière à la fois aisée, courageuse et supérieure, décente et digne.

68. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Si le bien qu’on aimait est connu pour faux, ou si on reçoit la notion d’un bien supérieur, l’âme déplacera son amour du moins parfait au plus parfait. […] Mais Polyeucte, converti, rebelle, martyr, lui révèle un héroïsme supérieur, tandis que la situation accuse les parties vulgaires de l’amour de Sévère : l’amour de Pauline se transportera donc à Polyeucte, d’où il s’élancera jusqu’à la souveraine perfection, jusqu’à Dieu. […] Et ce spectacle a sa moralité, très particulière et de qualité supérieure. […] Mais surtout, qu’arrivera-t-il, quand la volonté sera présentée dans sa force maxima, dans sa pureté supérieure : dominatrice, sereine, immuable ? […] Et c’est ainsi que Corneille dut faire Nicomède : toutes les passions du dedans supprimées, toutes les passions du dehors, chez les autres, impuissantes, la volonté, maîtresse de soi-même, supérieure à la fortune, se dresse dans le vide.

69. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

L’homme supérieur, et, de plus, l’homme excellent, sincère, amical, père de famille, s’y montre à chaque page dans toute la vivacité du naturel, dans tout le piquant de l’humeur, et, si l’on peut dire, dans toute la gaieté et la cordialité du génie. […] Il avait tenu entre ses mains, à Milan, le livre des Considérations sur la France, et il avait pu y reconnaître en quelques minutes un esprit de race supérieure, et tel qu’il les aimait. […] Quant au cabinet du roi légitime, c’est autre chose : l’effort généreux qu’a tenté, à sept cents lieues de là, le sujet fidèle, lui a causé « la plus grande surprise » : Voilà le mot, monsieur le chevalier, s’écrie M. de Maistre contenant à peine son ironie supérieure, le cabinet est surpris ! […] Les souvenirs dans certaines positions sont épouvantables ; je ne vois au-delà que les remords. » Longtemps on ne crut avoir dans le comte Joseph de Maistre qu’un homme d’un esprit supérieur et qu’un cerveau de génie ; aujourd’hui on est heureux de trouver tout simplement en lui un homme et un cœur. […] C’est dans cet ordre de vérités que M. de Maistre est supérieur, et qu’il est venu à point pour crier holà aux fausses théories des Condorcet et des philosophes excessifs du xviiie  siècle.

70. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Sans parler de l’antiquité, le XVIe, le XVIIe et le XVIIe siècles virent se constituer une Europe maîtresse du monde, au nom d’une civilisation supérieure. […] Les sociétés actuelles ne peuvent plus compter uniquement, comme celles d’autrefois, sur les qualités héréditaires de quelques familles choisies, sur des institutions tutélaires, sur des organismes politiques où la valeur du cadre était souvent fort supérieure à celle des individus. […] Voilà, si vous savez donner une règle supérieure à votre vie, ce qui ne vous manquera jamais.

71. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Le but n’est-il pas idéal et supérieur à toute « politique » ? […] Le but que vous poursuivez est idéal et supérieur à la politique, oui. Mais c’est comme si l’on disait que la victoire est supérieure au canon. […] Des centaines d’expériences de ce genre ne pouvaient que confirmer, à mes yeux, la valeur éducative supérieure des humanités. […] Espérez-vous les hausser à un point de vue supérieur à celui qui leur est naturel et que la logique même leur impose ?

72. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Du reste, ils n’apportent rien d’essentiel, rien qui ne dut découler, comme une conséquence naturelle, des découvertes des écrivains supérieurs. Mais ils sont pour la foule comme des interprètes qui l’aident à comprendre les écrivains supérieurs. […] En tête, sont deux hommes d’un sens supérieur, les lumières du droit civil et du droit politique à cette époque, le plus grand jurisconsulte du xvie  siècle Dumoulin et le plus grand économiste Bodin. […] J’y vois en outre une faiblesse des écrivains supérieurs commune aux plus médiocres par contagion, par laquelle ils font un tort à la langue de leur pays de résister à des conceptions molles ou extraordinaires. […] Les mêmes hommes qui ne croyaient pas qu’un poète pût être supérieur à Ronsard, imaginaient un prosateur plus parfait que Montaigne.

73. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Nous n’en sommes encore qu’au rôle militaire et au début des grades supérieurs. […] Les blessés sont l’élite de l’armée, écrivait Bonaparte au Directoire (13 novembre 1796) : tous nos officiers supérieurs, tous nos généraux d’élite sont hors de combat ; tout ce qui m’arrive est si inepte, et n’a pas la confiance du soldat ! […] Tous les cas y sont prévus, et en particulier celui d’une retraite après les lignes forcées et devant un ennemi supérieur. […] Il eut ordre, après la bataille du Tagliamento et pendant que l’armée française s’avançait en Carinthie pour arracher la paix sous les murs de Vienne, de partir de Trente (17 mars 1797), de s’enfoncer dans le Tyrol allemand, d’y battre l’ennemi auquel il était supérieur en forces, et couvrant ainsi la gauche de l’armée, de la rejoindre en débouchant par le Pusterthal.

74. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Il n’y a rien d’exagéré dans le spiritualisme de l’Évangile ni dans la prépondérance exclusive qu’il accorde à la vie supérieure. […] Je n’entends jamais sans colère les heureux du siècle accuser de basse jalousie et de honteuse concupiscence le sentiment qu’éprouve l’homme du peuple devant la vie plus distinguée des classes supérieures. […] Croyez-vous qu’il ne fait pas plus d’honneur à la nature humaine en témoignant, d’une façon irrationnelle sans doute, mais puissante, qu’il y a dans l’homme des instincts supérieurs à tous les désirs du fini et à l’amour de soi-même ! […] Mais on se console en songeant que, si sa puissance interne est diminuée, sa création est bien plus personnelle, qu’il possède plus éminemment son œuvre, qu’il en est l’auteur à un titre plus élevé ; en songeant que l’état actuel n’est qu’un état pénible, difficile, plein d’efforts et de sueurs, que l’esprit humain aura dû traverser pour arriver à un état supérieur ; en songeant enfin que le progrès de l’état réfléchi amènera une autre phase, où l’esprit sera de nouveau créateur, mais librement et avec conscience.

75. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Je ne m’étendrai point sur les devoirs de ces supérieurs, ils seront détaillés dans les règlements, et il n’y a rien qui distingue leurs devoirs de ceux que Sa Majesté Impériale a prescrits aux maîtres qui dirigent ses autres établissements sous des noms différents. […] La cloche commande aux supérieurs, aux maîtres, aux préfets, aux répétiteurs, aux étudiants aux domestiques, à tous. […] Les autres jours il pérorerait sur les devoirs des supérieurs, des maîtres, des élèves et même des domestiques. […] Dans nos écoles où l’on n’enseigne pendant cinq ou six ans de suite que les langues anciennes, trois ou quatre élèves supérieurs éteignent toute émulation dans les autres.

76. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Fustel de Coulanges n’en est jusqu’ici qu’au ras du sol, mais il va monter… Maître de Conférences à l’École normale supérieure quand il fit paraître ce livre, il n’a, pour moi, contre lui, que son titre d’universitaire ; mais c’est un esprit que je crois assez vigoureux pour secouer et mettre à ses pieds les préjugés traditionnels de l’Université et de son enseignement. […] II Ce point de vue supérieur, d’une unité grandiose, que l’auteur des Institutions politiques de l’ancienne France fait planer sur son histoire, et qui en contredit toutes les origines, c’est l’influence de l’Empire Romain sur le monde barbare, — c’est-à-dire tout le contraire de ce qu’on a pensé depuis des siècles. […] si la Gaule devint promptement romaine, c’est qu’elle avait compris, avec l’instinct d’une race supérieure, que l’unité Romaine valait mieux pour elle que les diversités dont elle souffrait. […] tout cela, pour moi, fait un premier livre supérieur, qui engage superbement la question des Institutions de l’ancienne France.

77. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Ce doit être le privilège des premiers monuments où la langue générale s’est enrichie des créations de quelque esprit supérieur. […] Il n’en a que plus de mérite à avoir relevé la pensée poétique d’Horace, par un sentiment chrétien, bien supérieur au développement descriptif du poète. […] Il a de plus que Villehardouin, d’avoir vécu dans l’intimité d’un homme supérieur, et d’avoir eu l’esprit aiguisé par ce commerce. Quelques-uns de ses entretiens avec saint Louis nous transportent dans un monde bien supérieur à celui où vivait Villehardouin. […] L’impartialité de Comines est le fruit d’une raison supérieure, plutôt que de l’indifférence.

78. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

La vanité des criminels, dit Lombroso, est encore supérieure à la vanité des artistes, des littérateurs et des femmes galantes. […] réflexe disproportionnée avec ce qui la provoque ; on dirait que les centres supérieurs ne sont plus là pour la modérer. […] Etant devenue ou s’étant flattée de devenir, grâce à la tyrannie croissante du journalisme, la dispensatrice de la renommée, elle a fini par se croire supérieure à la littérature vraiment féconde, à celle qui produit au lieu d’analyser. […] L’œuvre d’art est un centre d’attraction, tout comme la volonté active d’un génie supérieur. […] Enfin l’œuvre d’art la plus haute n’est pas faite pour exciter seulement en nous des sensations plus aiguës et plus intenses, mais des sentiments plus généreux et plus sociaux. « L’esthétique n’est qu’une justice supérieure », a dit Flaubert.

79. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

On ne dira pas que je diminue ceux que je viens de définir ; j’en viens hardiment aux autres : ces autres ne sont ni absolutistes ni serviles, je repousse ce nom à mon tour de toute la fierté à laquelle toute sincère conviction a droit ; mais il en est qui pensent que l’humanité de tout temps a beaucoup du à l’esprit et au caractère de quelques-uns ; qu’il y a eu et qu’il y aura toujours ce qu’on appelait autrefois des héros, ce que, sous un nom ou sous un autre, il faut bien reconnaître comme des directeurs, des guides, des hommes supérieurs, lesquels, s’ils sont ou s’ils arrivent au gouvernement, font faire à leurs compatriotes, à leurs contemporains, quelques-uns de ces pas décisifs qui, sans eux, pouvaient tarder et s’ajourner presque indéfiniment. Je ne sais si je fais injure à mes semblables, mais il me semble que les premiers progrès des hommes en société se sont opérés et accomplis de la sorte : je me figure des peuplades, des réunions d’hommes arrêtés à un degré de civilisation dont ils s’accommodaient par paresse, par ignorance, et dont ils ne voulaient pas sortir, et il fallait que l’esprit supérieur et clairvoyant, le civilisateur, les secouât, les tirât à lui, les élevât d’un degré malgré eux, absolument comme dans le Déluge de Poussin, celui qui est sur une terrasse supérieure tire à lui le submergé de la terrasse inférieure : seulement dans le tableau de Poussin, le submergé se prête à être sauvé et tend la main, et, souvent, au contraire, il a fallu, en ces âges d’origine et d’enfance, que le génie, le grand homme, le héros élevât les autres d’un degré de société malgré eux et à leur corps défendant, en les tirant presque par les cheveux : tel et non pas moindre je me figure qu’a dû être son effort. […] Les grands souvenirs d’entreprises glorieuses qui se rattachent aux époques libres où régnaient des Assemblées souveraines, tiennent aux hommes supérieurs enfantés par ces époques, et en qui le plus souvent la liberté a fini par se personnifier et quelquefois se perdre ; ceux qui l’ont concentrée et absorbée en eux sont les mêmes qui l’ont conduite. […] en France, le grand art consistera toujours à savoir user tantôt de l’une, tantôt de l’autre, à bien distinguer les temps et les moments : dans ce double jeu, la théorie peut avoir tort, l’habileté supérieure aura raison.

80. (1890) L’avenir de la science « V »

C’est qu’en effet la science n’aura détruit les rêves du passé que pour mettre à leur place une réalité mille fois supérieure. […] Disséquer le corps humain, c’est détruire sa beauté ; et, pourtant, par cette dissection, la science arrive à y reconnaître une beauté d’un ordre bien supérieur et que la vue superficielle n’aurait pas soupçonnée. […] Car le monde véritable que la science nous révèle est de beaucoup supérieur au monde fantastique créé par l’imagination. […] D’ailleurs, il est certain que le vrai système moral des choses est infiniment supérieur aux misérables hypothèses que renverse la sévère raison, qu’un jour la science retrouvera une réalité mille fois plus belle et qu’ainsi la critique aura été un premier pas vers des croyances plus consolantes que celles qu’elle semble détruire. […] Les Hébreux supposaient le ciel semblable à un miroir d’airain (Job, XXXVII, 18), soutenu par des colonnes (Job, XXVI, 11); au-dessus sont les eaux supérieures, qui en tombent par des soupapes ou fenêtres munies de barreaux, pour former la pluie (Ps., LXXVIII, 23 ; Gen.

81. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

L’ensemble eût pu être très supérieur à ce qu’il est, et c’est probablement ce qui arrive dans des mondes où le courant est lancé à travers une matière moins réfractaire. […] Mais l’une et l’autre peuvent exprimer que le bouleversement est un réarrangement systématique en vue d’un équilibre supérieur : l’image est alors symbolique de ce qui se prépare, et l’émotion est une concentration de l’âme dans l’attente d’une transformation. […] Le repos devient ainsi pour nous antérieur et supérieur au mouvement, lequel ne serait qu’une agitation en vue de l’atteindre. […] S’il lui arrivait de s’en écarter, nos mystiques n’hésiteraient pas à secouer son autorité et, forts de leurs relations directes avec la divinité, à se prévaloir d’une liberté supérieure 20 ». […] Remarquons qu’une émotion d’ordre supérieur se suffit à elle-même.

82. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXII » pp. 328-331

Mais en ce qui est de la poésie, nous avons peine à ne pas voir plutôt un avantage dans cette espèce de langue, non pas artificielle, mais supérieure à la langue usuelle et d’un ordre plus élevé, d’un ordre à part, qu’il est permis et même imposé à tout poëte sérieux de ressaisir et de s’approprier. […] Dans tout ce que nous venons de dire de la poésie française, nous désirons être bien compris ; nous ne prétendons en rien diminuer le mérite des poëtes français dont quelques-uns sont si évidemment supérieurs, nous ne parlons que de la langue même dans laquelle ils ont écrit et des conditions qu’elle leur a fait subir.

83. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Il y gagna le cœur d’une jeune personne, fille d’un des principaux fonctionnaires de la ville, d’une condition et d’une naissance supérieure à la sienne, et qui, malgré sa famille, lui donna sa main. […] — Le docteur Armand Paulin, médecin de l’École normale supérieure, chevalier de la Légion d’honneur, brusquement enlevé le 7 septembre par une attaque d’apoplexie pulmonaire, a été aujourd’hui enterré au cimetière d’Auteuil, où est le caveau de sa famille. […] Né en 1792, enfant d’une génération qui a produit des hommes supérieurs ou distingués en tout genre, élève de l’École normale dans la première ferveur de la création, il eut aussi, à sa manière, le souffle et le feu sacré ; il marqua de bonne heure, entre ses jeunes camarades, par des qualités qui étaient bien à lui.

84. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Le même Génie, si habile à dessiner les caracteres, étoit également supérieur lorsqu’il s’agissoit de leur donner les couleurs propres à les embellir. […] Ce défaut n’empêche pas néanmoins qu’elles ne soient supérieures, à bien des égards, à celles de Corneille, comme l’Enéide est supérieure à l’Iliade, sans que Virgile puisse être regardé comme un aussi grand Génie qu’Homere.

85. (1762) Réflexions sur l’ode

Un grand poète est un écrivain d’un ordre supérieur aux autres ; quand on a cette prétention, il est juste de la payer. […] Celui qu’on place avec justice au premier rang, est supérieur dans l’harmonie et dans le choix des mots : des juges, peut-être sévères, désireraient qu’il pensât davantage ; la partie du sentiment est chez lui encore plus faible. […] Mais les beautés supérieures d’un écrivain font oublier les critiques les plus justes ; et voilà par quelle raison, pour le dire en passant, les Aristarques et les Zoïles de l’antiquité ont également disparu ; perspective assez peu consolante pour leurs successeurs.

86. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

En somme, l’opposition ne représentait nullement un principe supérieur de moralité. […] La moralité supérieure du peuple allemand vient de ce qu’il a été jusqu’à nos jours très maltraité. […] Le maître, dit Aristote, a plus de devoirs que l’esclave ; les classes supérieures en ont plus que les classes inférieures. […] C’est surtout dans l’enseignement supérieur qu’une reforme est urgente. […] Mais on peut affirmer aussi que, dans un sens supérieur, la France aura sa revanche.

87. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

On avait réussi à lui retirer cette hauteur morale, cette largeur intellectuelle qui en avaient fait l’expression supérieure du christianisme français : on l’avait réduit à une bigoterie étroite, farouche et stérile. […] Mais il a eu des écrivains, de bons et solides écrivains, un seul grand, mais tel que ni en ce temps-là ni en aucun temps il n’y en a de supérieur. […] Mais c’est cela même qui fit le succès du livre, et qui en fait encore aujourd’hui la beauté supérieure. […] Aussi, du coup, l’éloquence française égale-t-elle la perfection souple et la sublimité aisée de l’éloquence attique : Démosthène est comparable, point du tout supérieur à Pascal. […] La foi est un moyen supérieur de connaissance : elle s’exerce au-delà des limites où la raison s’arrête (distinction de la raison et du sentiment ou du cœur).

88. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Peut-être aussi le génie a-t-il manqué aux poëtes dans ce siècle si fécond en hommes supérieurs, à moins que la servitude d’une double imitation n’ait fait avorter le génie dans des jeux d’esprit. […] C’est ce que fit Amyot, en traduisant les écrits d’un homme supérieur qui avait recueilli tous les souvenirs de l’antiquité grecque et romaine. […] Vrai magasin comme dit Vaugelas, d’idées raisonnables et pratiques sur la vie humaine inventaire complet de la sagesse antique personnifiée elle-même dans un homme supérieur, recueillant les traditions d’un monde qui touchait à sa fin. […] » Admirable leçon donnée par un esprit supérieur et impartial à tant d’esprits communs et violents qui s’arrogeaient la sagesse et la certitude. […] Quand il parle de ses faiblesses ou de certaines facilités qui, sans être des vices, sont bien moins encore des vertus, nous hésitons d’autant moins à les trouver en nous, que la pensée de les avoir en commun avec un homme supérieur nous en atténue le tort.

89. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

L’esprit donc ainsi assimilé, sous tous les rapports, à la raison supérieure, ne peut pas plus nuire qu’elle. […] L’association silencieuse d’une multitude d’hommes n’établirait aucun point de contact dont la lumière pût jaillir, et la foule ne s’enrichirait jamais des pensées des hommes supérieurs. […] Quand une nation acquiert chaque jour de nouvelles lumières, elle aime les grands hommes, comme ses précurseurs dans la route qu’elle doit parcourir ; mais lorsqu’elle se sent rétrograder, le petit nombre d’esprits supérieurs qui échappent à sa décadence, lui semble, pour ainsi dire, enrichi de ses dépouilles. […] À cet égard, leur esprit de corps a quelques rapports avec celui des prêtres ; il exclut de même le raisonnement, en admettant pour unique règle la volonté des supérieurs. […] Que de consolations nous sont données par les écrivains d’un talent supérieur et d’une âme élevée !

90. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Il y a, tout au contraire, en Diderot des parties de l’écrivain supérieur. […] Bernardin de Saint-Pierre élève l’âme en faisant trouver la chasteté supérieure à l’amour ; il épure à la fois les sentiments du jeune cœur qui aime et les souvenirs de ceux qui ont passé l’âge d’aimer. […] Je ne suis pas si inquiet sur la gloire de Bernardin de Saint-Pierre que cet apologiste qui, trouvant sans doute Paul et Virginie un trop petit bagage, nous renvoie aux Études, « non pour y voir le grand peintre, dit-il, ce qui est n’y rien voir, mais pour y admirer la pensée supérieure qui unit l’homme aux nations, les nations au monde, et le monde à Dieu125. » Si Bernardin de Saint-Pierre avait à attendre sa gloire jusqu’au jour où le monde sera d’accord avec son apologiste sur « la pensée supérieure » des Études, il l’attendrait longtemps. Bien lui a pris de la demander à un petit livre moins ambitieux, où il n’a rien mis de ses systèmes où, ce qu’il a rêvé est si supérieur à ce qu’il a pensé. […] Je pris le feuillet avec émotion, pensant y trouver le secret de ce travail supérieur qui, sous la plume des maîtres, amène les choses à la clarté, à la justesse éloquente, à l’accent.

91. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

M. de Fénélon est infiniment supérieur au Ministre Protestant, dans son Traité sur l'existence de Dieu, sans parler de plusieurs autres Ecrivains qui lui sont préférables & préférés. […] La raison commune s’est donc soumise dans tous les temps à une raison qu’elle reconnoissoit supérieure & préférable à elle-même ; &, en matiere de Religion, l’Homme, si souvent trompé par ses semblables, balotté depuis si longtemps par tant de systêmes plus absurdes les uns que les autres, refuseroit de s’attacher à une regle invariable, de s’en rapporter à son Dieu ! […] Ce qui prouve combien cette Foi est supérieure aux idées de l’Homme, c’est le désintéressement qu’elle exige de lui dans toutes ses actions, & la sublimité du but qu’elle lui propose. […] Il y a donc plus de bassesse & d’humiliation à se soumettre aux idées altieres & désordonnées de ces Maîtres fastueux, de ces tyranniques Dominateurs des esprits, qu’à écouter les leçons d’une sagesse supérieure qui fait taire l’Homme devant l’Homme ? […] Par elle seule, le Maître peut s’assurer de la fidélité de ses Serviteurs ; le mari, de celle de sa femme ; le pere, du respect de ses enfans ; le Commerçant, de la probité de ses Commis ; le Client, de l’intégrité de son Juge ; & tous les subordonnés, de la justice de leurs supérieurs.

92. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

J’ai eu occasion de passer quelques jours avec elle en 1791 ; cette femme, il faut en convenir, joignait un esprit supérieur à toutes les grâces de son sexe ; elle avait tout l’art nécessaire pour faire croire que tout chez elle était l’ouvrage de la nature. […] Quelque distingué que fût le groupe des Girondins, il ne s’y trouvait aucun homme réellement supérieur par le coup d’œil, et, comme Dumont l’a également remarqué, elle en fut réduite à s’exalter et à se monter la tête pour des esprits qui ne la valaient pas : « Il a manqué à son développement intellectuel (c’est encore Dumont qui parle) une plus grande connaissance du monde, et des liaisons avec des hommes d’un jugement plus fort que le sien. […] M. de Lamartine a là-dessus une fort belle page41 : c’est au point de départ de la jeune fille et à l’époque où Manon Phlipon voyait encore le monde et ses horizons lointains de sa fenêtre du quai de l’Horloge : « Du fond de cette vie retirée, elle apercevait quelquefois le monde supérieur qui brillait au-dessus d’elle ; les éclairs qui lui découvraient la haute société offensaient ses regards plus qu’ils ne l’éblouissaient. […] Les êtres supérieurs ont leur place marquée par leur nature, et tout ce qui les en écarte leur semble une usurpation… » M.  […] S’ils furent des artistes, ils ne furent en rien des artistes originaux, et Mme Roland, supérieure à la plupart, et je dirais hardiment, à tous s’il n’y avait Vergniaud, n’échappe point en cela à la condition commune.

93. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Elle craignit pour elle, à cause de sa jeunesse et de son extrême beauté qui nous avait déjà fait tant de mal, les dangers et les propos des mauvaises gens qui hantent les grandes villes ; elle lui envoya par le père Hilario une lettre de recommandation pour la supérieure des sœurs de charité de Saint-Pierre aux Liens, couvent de Livourne. […] Je demandai un peu plus loin l’adresse de la supérieure des religieuses qui soignaient les galériens. […] Je sonnai : la sœur portière ne voulait pas m’ouvrir si tard ; mais, à la vue de mon visage innocent, qu’elle entrevit à travers mon mezaro, quand je fus obligée de l’écarter pour chercher la lettre de la duchesse, elle me fit entrer et porta la lettre à sa supérieure. CCLXVII La supérieure était une femme âgée et sévère, qui, après avoir lu la lettre, descendit au parloir pour me voir et m’interroger. […] CCLXXII Enfin, monsieur, nos deux figures amenaient trop de foule dans la rue, et la supérieure me fit venir pour me dire que l’enfant et moi nous étions trop beaux à présent pour rester plus longtemps à Livourne, que cela pourrait donner lieu à de nouveaux bruits, bien qu’il n’y eût rien à me reprocher que l’enfant, dont tout le monde ne connaissait pas l’origine ; que Hyeronimo n’avait plus que six semaines pour achever sa peine, après quoi il pourrait revenir en liberté rejoindre, dans notre montagne, sa femme, son fils, sa mère et son oncle, et qu’il convenait que je disparusse immédiatement de Livourne, où ma jeunesse et ma figure faisaient trop de bruit et de scandale.

94. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

J’étais en retard depuis quelque temps avec Mme Sand ; je ne sais pourquoi j’avais mis de la négligence à lire ses derniers romans ; non pas que je n’en eusse entendu dire beaucoup de bien, mais il y a si longtemps que je sais que Mme Sand est un auteur du plus grand talent, que tous ses romans ont des parties supérieures de description, de situation et d’analyse, qu’il y a dans tous, même dans ceux qui tournent le moins agréablement, des caractères neufs, des peintures ravissantes, des entrées en matière pleines d’attrait ; il y a si longtemps que je sais tout cela, que je me disais : Il en est toujours de même, et, dans ce qu’elle fait aujourd’hui, elle poursuit sa voie d’invention, de hardiesse et d’aventure. […] Avec un talent du premier ordre et tel qu’on n’en trouverait pas de supérieur en notre littérature dès l’origine, elle semble craindre que ce talent, dans son activité et dans sa puissance, ne manque de sujet, ne manque de pâture. […] Elle les croit supérieurs parce qu’ils concluent carrément, comme si un grand peintre, un grand poète avait besoin absolument de conclure. […] Cette petite fille, qui se montre d’abord toute laide, qui ne se soigne pas plus qu’un méchant garçon, et qui est la bête noire du village, mais qui, au fond, se trouve avoir toutes les qualités de l’esprit, de l’imagination et du cœur, et qui finit même, sous l’éclair de l’amour, par se métamorphoser en beauté, cette petite Fanchon Fadet qui, sous sa verve de lutinerie, cache des trésors de sagesse, remplit ici le rôle qui est volontiers réparti aux femmes dans les romans de Mme Sand ; car elles y ont toujours le beau rôle, le rôle supérieur et initiateur. […] Mais il y a aussi des parties supérieures et peut-être plus fortes, plus poétiques en elle, et que je suis loin de méconnaître.

95. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Et montrant de plus, au sujet de la controverse avec Leibnitz, que Bossuet n’était entré, à aucun moment, dans l’esprit même de cet essai de conciliation chrétienne supérieure et avait prolongé, sans paraître s’en douter, un malentendu perpétuel, il se risquait à dire que cela donnait quasi raison à certains critiques délicats « qui trouvent à Bossuet l’imagination d’Homère et point d’esprit ». […] L’auteur de Jocelyn, dans ce Cours familier de littérature qui contient tant de parties supérieures et toujours aimables, a tenté autrefois ce portrait ; idée heureuse ! […] Il était le premier à sentir ce faible de son caractère ; et un jour qu’en quittant la supérieure d’une communauté de Meaux, il lui disait l’adieu d’usage : Priez Dieu pour moi, comme cette supérieure lui répondit : Que lui demanderai-je ?

96. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Cet adieu de Prevost à son supérieur le peint au naturel et plus au complet qu’on ne l’a vu nulle part encore ; on y sent percer, à travers les termes d’un respect fort dégagé, un accent d’ironie et une pointe de menace qui a son piquant, et qu’on n’est pas accoutumé de trouver sous sa plume. […] Il rappelle aux supérieurs de la Congrégation leur faiblesse dans l’affaire de la Constitution Unigenitus : « Vous avez reçu si respectueusement la Constitution, que je ne saurois douter que vous ne receviez de même un bref qui vient de la même source. » Il ne craint pas de montrer le bout de l’escopette, de laisser entrevoir au besoin, si on l’y force, toute une série de Provinciales nouvelles, déjà en embuscade, et prêtes à faire feu sur les rangs de la Congrégation : « Il est injuste, dit-il, que les Jésuites en fournissent toujours la matière. » Prevost a du faible pour les Jésuites, quoiqu’il les ait deux fois quittés. […] Ce supérieur général, grossier, sans naissance, sans mérite, aux manières dures, et qui ne fait nul cas des savants parce qu’il ignore jusqu’aux premiers éléments des sciences, n’est autre peut-être que celui à qui Prévost adressait cette lettre railleuse et à demi menaçante en partant ; je le soupçonne fort d’être le général de la Congrégation de Saint-Maur, dom Alidon en personne. […] Mais il la supprima lui-même, avant que les supérieurs en fussent instruits, par un quiproquo heureux et pour son auteur et pour le corps dont il étoit membre.

97. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

La baleine et plusieurs autres cétacés ont également un cerveau supérieur à celui de l’homme. […] L’homme, selon cette méthode, serait à peine supérieur au canard, à la corneille, au sanglier, au cheval et au chien. […] S’il en était ainsi en effet, l’embranchement des vertébrés, qui conserve jusque dans ses derniers représentants un même type de cerveau, devrait être absolument supérieur en intelligence à tous les autres embranchements où le cerveau, quand il existe, appartient à un type tout différent de celui du cerveau humain. […] Dans l’ordre des rougeurs, qui a passé longtemps pour être presque entièrement dépourvu de circonvolutions, le cabiai a le cerveau plissé : or il n’est nullement supérieur en intelligence aux autres rongeurs ; mais il l’emporte sur eux par la taille.

98. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Mais, ceci accordé, nous disions aussi que ces défauts sont néanmoins à éviter, parce qu’ils ne sont nécessaires à personne ; que de grands prosateurs, comme Chateaubriand et Buffon, en sont exempts46 ; que même ceux qui les ont ne les ont pas toujours et demeurent supérieurs là où ils ne les ont pas ; et qu’enfin, lorsqu’on enseigne le style, c’est par l’excellence des conseils et les bons exemples d’exécution qu’il faut l’enseigner, et non par des relâchements et des indulgences de doctrine. […] Nous faisions seulement remarquer que les défauts qu’ils peuvent avoir n’ajoutent rien à leurs qualités, et que leurs qualités sont même infiniment supérieures à leurs défauts, parce que ces qualités sont fondamentales et constituent l’essence même de l’art d’écrire. […] Ce sont précisément ceux-là qui me paraissent avoir eu, plus que d’autres et à un degré suréminent, le don suprême de l’écrivain : la vie qui est la chose nécessaire, supérieure à la correction, à l’harmonie, à l’élégance, à toutes les qualités possibles, comme nous l’avons proclamé cent fois dans nos livres.‌

99. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

D’abord elle voulut que les géants qui erraient dans les montagnes, effrayés des premiers orages qui eurent lieu après le déluge, cherchassent un refuge dans les cavernes, que malgré leur orgueil ils s’humiliassent devant la divinité qu’ils se créaient, et s’assujettissent à une force supérieure qu’ils appelèrent Jupiter. […] Ne devons-nous pas y reconnaître le conseil d’une sagesse supérieure à celle de l’homme ? […] Sans doute les hommes ont fait eux-mêmes le monde social, c’est le principe incontestable de la science nouvelle ; mais ce monde n’en est pas moins sorti d’une intelligence qui souvent s’écarte des fins particulières que les hommes s’étaient proposées, qui leur est quelquefois contraire et toujours supérieure.

100. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

La nature donne tout cela parfois aux génies supérieurs dès leurs premières œuvres. […] Mais tout cet archaïsme coûte plus qu’il ne vaut même à ceux qui savent y porter des facultés supérieures, et, malgré le succès de ses expériences, on sent la déperdition des forces colossales que le magnétisme du Génie doit employer, comme l’autre magnétisme, pour faire vivre ce qui ne vit plus.

101. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Elle agit sur l’orbiculaire supérieur des paupières, abaisse le sourcil. […] Par hypothèse, les éléments nerveux qui fonctionnent fournissent un travail supérieur à la moyenne. […] L’habitude des psychologues de s’en tenir à l’attention volontaire, et même à ses manifestations supérieures, cachait cette origine. […] Je ne peux guère y voir qu’une forme supérieure du deuxième moment, séparée par une nuance subtile et appréciable à la seule conscience du mystique. […] Les centres supérieurs sont impropres à les élaborer et à les lier.

102. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

On sait ses relations avec des Esseintes ; avec quelle ironie grave et douce, avec quelle flatterie supérieure, il accueillit cet énigmatique garçon. […] Pour eux, l’apathie, qui est l’absence complète d’émotions, était un état supérieur, une position aussi enviable que le bonheur des dieux. […] Jeux charmants et supérieurs, grâce à qui des tempéraments fort sévères et positifs purent parvenir au pathétique, et ce qui est moins aisé, à la passion ! […] Le plaisir littéraire disparaît devant une joie supérieure. […] La plupart de ses œuvres a été écrite, d’ailleurs, d’après cette conception supérieure.

103. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

La forme dégradée du type français, c’est l’esprit gaulois, fait de basse jalousie, d’insouciante polissonnerie et d’une inintelligence absolue de tous les intérêts supérieurs de la vie ; ou le bon sens bourgeois, terre à terre, indifférent à tout, hors les intérêts matériels, plus jouisseur que sensuel, et plus attaché au gain qu’au plaisir. […] Enfin, la forme grave et supérieure de notre intelligence, c’est l’esprit d’analyse, subtil et fort, et la logique, aiguë et serrée : le don de représenter par une simplification lumineuse les éléments essentiels de la réalité, et celui de suivre à l’infini sans l’embrouiller ni le rompre jamais le fil des raisonnements abstraits ; c’est le génie de l’invention psychologique et de la construction mathématique.

104. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Non contentes de s’abstenir du mal, elles veulent faire le bien : elles ont l’activité de l’amour, et se tiennent dans une région supérieure, et un peu exagérée. […] Enfin le christianisme a produit l’honneur ou la bravoure des héros modernes, si supérieure à celle des héros antiques.

105. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Or, nous savons que cet instrument a été perfectionné successivement par les efforts longtemps continués d’intelligences humaines d’ordre supérieur : et nous en inférons que l’œil doit avoir été formé par un procédé analogue. […] Tous les physiologistes admettent que la vessie natatoire est homologue, c’est-à-dire « idéalement similaire » en position et en structure avec les poumons des vertébrés supérieurs. […] Chez les vertébrés supérieurs, les branchies ont complétement disparu : les fentes sur les côtés du cou et les arcs aortiques continuent seulement à marquer chez l’embryon leur position primitive. […] Car dans une contrée très étendue, où il a pu vivre un plus grand nombre d’individus et des formes plus diversifiées, la concurrence a dû aussi être plus vive, et, par conséquent, le niveau supérieur du perfectionnement organique s’y sera élevé d’autant. […] Ces types et groupes de types, devant la concurrence de types ichthyomorphes supérieurs, se seraient peu à peu réfugiés, les uns dans les vases de fond ou les sables de rivages, où ils ont peut-être envoyé jusqu’à nous l’un de leurs descendants, l’Amphioxus, presque encore à demi mollusque et qui a été d’abord classé parmi les Gastéropodes ; tandis que les autres, au contraire, s’élevant dans les couches supérieures des eaux, préludaient par degrés successifs et par un nombre considérable de groupes transitoires de plus en plus élevés à l’organisation de l’être qui plus tard put devenir le rudiment de la classe des reptiles et de celle des oiseaux.

106. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Ils ont développé d’une manière supérieure la théorie métaphysique des facultés de l’homme ; mais ils connaissent et étudient moins les caractères et les passions. […] Les Français feraient un livre mieux que les Anglais, en leur prenant leurs idées ; ils les présenteraient avec plus d’ordre et de précision : comme ils suppriment beaucoup d’intermédiaires, leurs ouvrages exigent plus d’attention pour être compris ; mais la classification des idées y gagne, soit par la rapidité, soit par la rectitude de la route que l’on fait suivre à l’esprit En Angleterre, c’est presque toujours par le suffrage de la multitude que commence la gloire ; elle remonte ensuite vers les classes supérieures. En France, elle descendait de la classe supérieure vers le peuple.

107. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Jugements sur Rousseau Jugement sur la Nouvelle Héloïse S’il est vrai que le meilleur livre est celui dont il y a le plus à retenir, cet ouvrage peut avec justice être placé au nombre des bons : il m’a paru bien supérieur à tout ce que je connaissais jusqu’ici de l’auteur. […] Sans compliments, car vous savez que je n’en sais point faire, j’aimerais bien mieux avoir votre avis que de vous dire le mien ; j’ai trop souvent éprouvé combien, dans tout ce qui tient au sentiment et à l’âme, vous avez le tact supérieur à moi. […] Je suis étonné qu’un écrivain si supérieur ait affecté dans quelques endroits un langage scientifique dont il aurait pu se passer, et qui n’a qu’un air d’étalage ; comme quand il dit que l’homme de la nature est une unité absolue, et que celui de la société est une unité fractionnaire qui tient au dénominateur ; et tout cela pour dire que l’homme isolé est un tout, et que celui de la société n’est que la partie d’un tout.

108. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

On n’y sent pas l’insupportable oppression des notes, et l’imagination, qui n’a pas ce plomb sur la gaze de ses ailes, les y étend de toute leur longueur, III Car l’imagination, c’est la grande puissance de Saint-Victor, c’est le caractère original et supérieur de son livre. […] Ce livre, d’une conception magnifiquement nette, avait été déjà tenté, mais dans un plan tout à la fois plus vaste et plus étroit, par un homme de ce temps qui, comme Saint-Victor, unissait l’imagination à une érudition peut-être supérieure encore à la sienne. […] Chez les organisations supérieures, la maturité peut durer, comme la beauté chez les êtres bien nés et bien portants.

109. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Ses facultés, supérieures à ses œuvres, n’eurent jamais leur véritable encadrure. […] Il les remplit avec une capacité supérieure qui aurait stupéfié les aimables frivoles de Paris. […] La pensée qu’il pouvait ne jamais revenir à Paris fut la paille de son joyeux acier… Comme l’esprit épistolaire d’un homme est toujours l’esprit de sa conversation qu’il a transporté dans ses lettres, Galiani a transporté son esprit de conversation dans les siennes, et comme la qualité supérieure de cet esprit était la verve, le mouvement, le piétinement fécond sur une idée qui en fait sortir tous les aperçus, il a cette verve qui s’allume à la moindre question ou à la moindre suggestion et qui développe l’idée, mais en la creusant toujours.

110. (1903) Le problème de l’avenir latin

Se croire supérieur, alors qu’on n’est plus supérieur en fait, comme certaines expériences malheureuses l’ont plus d’une fois établi, c’est attirer la foudre sur sa tête. […] Le dolichocéphale blond du monde septentrional est un animal naturellement supérieur au brachycéphale du monde méridional. […] Le grec serait laissé aux spécialistes de l’enseignement supérieur. […] Autrement dit, les nations inférieures sont, par une loi constante, destinées à devenir la proie des nations supérieures. […] Cette fusion aurait fait d’elle comme un échantillon d’humanité supérieure.

111. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Il n’avait jamais été ni tout à fait pour les gouvernements qui s’étaient succédé, ni entièrement contre, étant vraiment un sage et d’un parti fort supérieur à tous les partis, celui de la raison. […] Et il comprit aussi que l’enseignement supérieur, plus qu’à tout autre régime, importe au démocratique, lequel est plus visiblement fondé sur la raison ; que d’ailleurs tous les ordres d’enseignement se tiennent secrètement et influent les uns sur les autres, soit que l’ordre supérieur fasse descendre dans les autres son esprit et leur fournisse leurs méthodes, soit qu’il se recrute continuellement et se renouvelle en eux, par la facilité offerte à tous ceux que ces méthodes ont éveillés de s’élever à un degré plus haut de la connaissance. […] Et pour l’enseignement supérieur, il fit tout ce qu’il put : mais assurément il fit beaucoup en créant l’École pratique des hautes études, si féconde et si vite illustre. […] Les deux plus chauds épisodes de la lutte furent la discussion au Sénat de la pétition Giraud (qui concluait à la liberté de l’enseignement supérieur), et l’assaut de quatre-vingts évêques contre les cours de jeunes filles ; « nos jeunes filles », disait l’un d’eux.

112. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Sa modestie certainement fut exagérée, puisqu’elle lui fit croire qu’il était disciple quand, en réalité, il était maître, et qu’on le vit se subordonner à des personnes auxquelles il était fort supérieur. […] Et voyez, Monsieur, combien notre sort est étrange et quelle ironie supérieure semble s’attacher à nos pauvres efforts ! […] Notre grand Littré passa toute sa vie à s’interdire de penser aux problèmes supérieurs et à y penser toujours. […] Les faits où l’on croit voir des interventions de volontés particulières, supérieures à l’homme et à la nature, disparaissent à mesure qu’on les serre de plus près. […] Son honnêteté supérieure couvrit tout, en l’élevant à ces hauteurs où ce que les uns blâment, ce que les autres approuvent, n’est plus que raison impersonnelle, dévouement et devoir.

113. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Cet aspect des choses, saisi par un esprit supérieur, est devenu pour lui l’univers tout entier. […] Sans doute nous ne devons pas oublier que notre siècle a vu un grand système dont l’ambition a été précisément de réconcilier et d’absorber tous les systèmes passés dans une synthèse supérieure : c’est l’idéalisme hégélien. Sans aborder ni même effleurer ici l’examen de ce grand système, contentons-nous de faire remarquer qu’il n’est encore lui-même, comme tous ceux qui l’ont précédé, qu’un point de vue pris dans la nature des choses ; et ce point de vue, si large qu’on veuille le supposer, n’est lui-même qu’un côté de la réalité, qu’un éclectisme supérieur doit corriger et compenser par d’autres points de vue que l’hégélianisme a trop sacrifiés. […] Le bon sens, ainsi entendu, ne se confondra pas avec les opinions vulgaires ; il pénétrera même aussi avant que possible dans les profondeurs de la pensée, pourvu qu’il soit guidé par les hommes de génie, supérieur à eux en ce qu’il les comprend tous, tandis qu’ils ne se comprennent pas entre eux. […] Sous ce rapport, les anciens sont supérieurs aux modernes ; ils ne sont point, comme ceux-ci, esclaves du systématique.

114. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Mais, pour le moment, nous, analyste et critique, qui n’oserions certes pas affirmer que notre intelligence est supérieure à celle de Virginie, constatons la crainte et la souffrance de l’ange immaculé devant la caricature. […] D’ailleurs, supposez l’homme ôté de la création, il n’y aura plus de comique, car les animaux ne se croient pas supérieurs aux végétaux, ni les végétaux aux minéraux. […] Comparant, ainsi que nous en avons le droit, l’humanité à l’homme, nous voyons que les nations primitives, ainsi que Virginie, ne conçoivent pas la caricature et n’ont pas de comédies (les livres sacrés, à quelques nations qu’ils appartiennent, ne rient jamais), et que, s’avançant peu à peu vers les pics nébuleux de l’intelligence, ou se penchant sur les fournaises ténébreuses de la métaphysique, les nations se mettent à rire diaboliquement du rire de Melmoth ; et, enfin, que si dans ces mêmes nations ultra-civilisées, une intelligence, poussée par une ambition supérieure, veut franchir les limites de l’orgueil mondain et s’élancer hardiment vers la poésie pure, dans cette poésie, limpide et profonde comme la nature, le rire fera défaut comme dans l’âme du Sage. […] Aussi le rire des enfants, qu’on voudrait en vain m’objecter, est-il tout à fait différent, même comme expression physique, comme forme, du rire de l’homme qui assiste à une comédie, regarde une caricature, ou du rire terrible de Melmoth ; de Melmoth, l’être déclassé, l’individu situé entre les dernières limites de la patrie humaine et les frontières de la vie supérieure ; de Melmoth se croyant toujours près de se débarrasser de son pacte infernal, espérant sans cesse troquer ce pouvoir surhumain, qui fait son malheur, contre la conscience pure d’un ignorant qui lui fait envie. — Le rire des enfants est comme un épanouissement de fleur. […] VI L’essence très-relevée du comique absolu en fait l’apanage des artistes supérieurs qui ont en eux la réceptibilité suffisante de toute idée absolue.

115. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Le récit de cette campagne contre Dumouriez, et des désastres de cette retraite de 1792, est écrit dans les Mémoires de Goethe avec cette placide impartialité qui prouve une âme supérieure à ses propres impressions. […] Cette divine impassibilité du grand artiste, qui se sépare pour ainsi dire en deux êtres, l’être sentant et l’être impassible, est supérieure à la sensibilité vulgaire, car elle l’élève au-dessus de la région des sensations jusqu’à la région de la pure intellectualité. […] Voilà pourquoi il se tenait soigneusement lui-même très haut, loin de terre, au-dessus de sa propre sensibilité, comme sur un isoloir de toute chose humaine, dans la région supérieure de la sublime indifférence. […] Cela ne veut pas dire que ces hommes fussent pervers, cela veut dire qu’ils étaient supérieurs. […] Nous sommes loin de le penser, sans doute ; nous ne pensons pas non plus que la nature produise souvent, et même produise deux fois un homme supérieur en puissance de tête à Goethe.

116. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

L’homme avec ses passions déchaînées et l’intellect avec ses pouvoirs supérieurs furent donc en Wagner comme deux natures diverses sans lien et sans trait d’union. […] Des musiciens de mérite ont trouvé la musique de Parsifal supérieure à toutes les œuvres de Wagner. […] Le maître allemand a donc créé une intégration supérieure d’éléments jusque là disconnexes, à la manière dont des feuilles alliées et modifiées constituent une fleur. […] C’est pour cela que l’œuvre d’art supérieur exige de celui qui la contemple un effort, elle exige qu’il la recrée, qu’il la revive. […] Avec une claire voyance supérieure aux myopies des écoles, M. 

117. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Dans le second cas, elle sera l’explication par certaines raisons d’ordre supérieur, qu’il s’agira de déterminer. […] Le maintien du vent du nord n’est rien de plus, pour le physicien, que le mouvement du vent du nord avec sa force supérieure à celle du vent du sud. […] Au fond, il s’agit de développer en nous une puissance consciente et intelligente ; donc, plus j’ai conscience, plus la puissance croit : l’idée même de la puissance s’ajoute à la puissance réelle et l’élève à un degré supérieur. […] Par cela même, elle réalise une certaine dose de liberté, qui se ramène à la détermination par un motif supérieur à tels et tels autres motifs donnés ; et ce motif supérieur est le moi lui-même, se posant en face des autres choses. […] C’est donc dans le déterminisme, non en dehors, qu’il faut chercher la vraie liberté, puisqu’elle est la détermination par des raisons supérieures, ayant leur unité dans l’idée même de notre moi comme cause et comme fin.

118. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Napoléon, qui découvre des ressources là où les autres n’en soupçonnent pas, n’a rien perdu de sa confiante certitude pendant les jours suivants. « Point troublé, point déconcerté, point amolli surtout, supportant les fatigues, les angoisses, avec une force bien supérieure à sa santé, toujours au feu de sa personne, l’œil assuré, la voix brusque et vibrante », il porte fièrement son fardeau ; il attend, il espère une faute des ennemis qui ne peuvent manquer d’en faire. […] Se décidant aussitôt à se placer entre Schwarzenberg et Blucher, il laisse quelques corps et divisions échelonnés sur la Seine, et il se porte en secret, en toute diligence, vers la Marne, où il compte bien (car de son coup d’œil supérieur il a tout deviné) tomber en plein à travers les corps en marche de Blucher, dispersés et distants, et faire bombe au milieu d’eux. […] Peut-on s’étonner que les nations s’identifient avec les figures de héros qui ont ainsi vécu et lutté jusqu’à l’extrémité pour leur grandeur, et qu’elles disent dans leur enthousiasme d’instinct et par une de ces raisons du cœur, supérieures à la raison même : Eux, c’est moi ! […] Le pouvoir est beau ; il est peut-être supérieur à tout, quand il est réellement le pouvoir ; l’action n’a rien qui la vaille.

119. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

S’agit-il d’étudier un homme supérieur ou simplement distingué par ses productions, un écrivain, dont on a lu les ouvrages et qui vaille la peine d’un examen approfondi ? […] Il est très-utile d’abord de commencer par le commencement, et, quand on en a les moyens, de prendre l’écrivain supérieur ou distingué dans son pays natal, dans sa race. […] On reconnaît, on retrouve à coup sûr l’homme supérieur, au moins en partie, dans ses parents, dans sa mère surtout, cette parente la plus directe et la plus certaine ; dans ses sœurs aussi, dans ses frères, dans ses enfants mêmes. […] Les esprits supérieurs ont plutôt un cachet qui se marque à un coin ; chez les autres, c’est tout un moule qui s’applique indifféremment et se répète.

120. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Il a besoin de clarté, d’idées rassérénantes, et il faut pour cela qu’il se tourne vers ces époques artistiques et littéraires, pendant lesquelles les hommes supérieurs, étant arrivés à un développement parfait, se sentaient bien avec eux-mêmes et pouvaient verser dans les âmes la félicité que leur donnait leur science. » Il fallut Walter Scott, son Ivanhoë et tant de délicieux romans, pour le réconcilier, un moment du moins, avec ces temps anciens et durs : nos essais français en ce genre n’y auraient réussi qu’imparfaitement. […] Et encore si les hommes supérieurs n’avaient à souffrir que les attaques de la masse des gens bornés ! […] Il n’était pas de ceux dont il s’est moqué quelque part, et qui, lorsqu’un génie trébuche ou qu’un grand homme tombe, se sentent tout enchantés et allégés, « comme si leur supérieur était mort et s’ils avaient reçu de l’avancement. » Une statue, érigée à Weimar, et due au talent de Reitschel, nous le montre rayonnant et heureux, imposant et doux, décernant la couronne à Schiller qui, debout à côté de lui, la reçoit de sa main presque sans y penser, le front inspiré et rêveur. […] Un jour donc, qu’il parlait de l’indécision des hommes, de leur lenteur et de leur résistance à faire ce qu’ils savent même le meilleur et le plus utile, — sur ce qu’il leur faudrait à chacun un démon toujours présent pour les guider, pour les exciter, pour les empêcher, après un éclair de vue supérieure et nette, de retomber dans le tâtonnement, dans le vague et l’obscurité : « Napoléon, s’écrie-t-il tout à coup, c’était là un homme !

121. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Une vénalité tempérée par de la modération et de la sagesse, une part faite à la corruption à laquelle on trace d’avance ses limites et que l’on subordonne à des intérêts supérieurs, on m’assure que c’est bien le vrai sur M. de Talleyrand ; M. de Senfft, qui est de cet avis, ne veut voir là qu’une simple tache, et il estime que M. de Talleyrand n’en gardera pas moins, pour de certaines résistances, « sa place glorieuse dans l’histoire. » Cela est possible ; mais c’est bien le cas de dire qu’il y a deux morales. […] Esprit supérieur et courageux, il a su, seul de ses collègues, se montrer toujours au-dessus de ses fonctions et même de la faveur. M. de Talleyrand, qui était tout aussi supérieur par les lumières, ne le fût pas toujours autant par le caractère. […] Soyez le supérieur et non le rival de vos subordonnés.

122. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

Il le montre bel esprit éloquent et profond, talent supérieur, caractère faible, et d’une sensibilité inquiète et maladive qui devance certaines tristesses toutes modernes. […] Héloïse y est proclamée et démontrée bien supérieure à lui de caractère et de cœur, et au moins son égale pour l’esprit, — peut-être la première des femmes.

123. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Je suis donc entré dans le camp comme un simple particulier, au grand désappointement du commandant supérieur ; mais hier, au moment de mon embarquement, je n’ai pu éviter les honneurs rendus par l’armée à son peintre. J’ai été forcé de passer devant la troupe au port d’armes et de recevoir quatre coups do canon, auxquels le Lavoisier a répondu. » J’ai sous les yeux l’ordre du jour signé du lieutenant-colonel commandant supérieur ; il est conçu en ces termes : « Ordre Supérieur. […] Le lieutenant-colonel, commandant supérieur, Signé, de Montagnac. » Et plus bas : « Pour copie conforme, le capitaine commandant la place, Bidon. » Voilà bien du bruit et de la gloire. […] Le beau portrait du frère Philippe, supérieur des Écoles chrétiennes, qui eut beaucoup de succès en 1815 et depuis, avait montré qu’il avait de la sympathie pour toute nature sincère. […] Il avait exposé, à ce Salon de 1845, la Prise de la Smalah et le portrait du Frère Philippe, supérieur des Écoles chrétiennes ; il pouvait être tranquille au fond : ces tableaux combattaient pour lui.

124. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Là, Malherbe, avec une sagacité impitoyable et un sens critique supérieur, arrachant sa défroque antique à la muse de Ronsard et dénonçant les mignardises de Desportes, rendait des jugements qui devenaient au dehors des arrêts de langage et de goût. […] Il préférait d’ailleurs les Latins aux Grecs, moitié par esprit de réaction contre la trop grande part que l’école de Ronsard avait faite à ceux-ci, moitié par un instinct supérieur qui lui faisait voir les profondes analogies et en quelque sorte la filiation directe du français et du latin. […] Son sens supérieur discernait, entre tous ces souvenirs, ceux qui étaient, en quelque sorte, communs au monde ancien et au monde moderne, et qui devaient se mêler à toujours aux idées nouvelles. […] Il disait que la bonne langue se parlait sur la place Saint-Jean expression exagérée d’une pensée pleine de justesse, où Malherbe laisse voir en même temps son sens supérieur et son esprit agressif et normand. […] L’école de Ronsard se croyait supérieure à Virgile, pour avoir renchéri sur la description que ce grand poëte a faite du cheval, par quelques détails techniques empruntés à la langue du palefrenier.

125. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

C’était le lieu de séjour momentané des élèves qui, en entrant au séminaire ou en en sortant, avaient besoin de quelques jours libres ; les ecclésiastiques en voyage, les supérieures de couvent qui avaient des affaires à Paris, y trouvaient un asile commode et à bon marché. […] Il avait écrit pour moi à M. l’abbé Gratry, alors directeur du collège Stanislas, et celui-ci me fit offrir un emploi de surveillant dans la division supérieure. […] La claire vue scientifique d’un univers où n’agit d’une façon appréciable aucune volonté libre supérieure à celle de l’homme devint, depuis les premiers mois de 1846, l’ancre inébranlable sur laquelle nous n’avons jamais chassé. […] Ce costume ne les gêne pas pour causer des choses supérieures ; mais l’idée ne leur viendrait pas, en un tel habillement, de fumer un cigare ensemble, ou de tenir d’humbles propos, ou de reconnaître les plus légitimes exigences du corps. […] Je me dis quelquefois, selon les idées de mes anciens maîtres, que l’amitié est un larcin fait à la société humaine et que, dans un monde supérieur, l’amitié disparaîtrait.

126. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Si M. de Voltaire est plus moraliste que nos autres Poëtes tragiques, combien lui sont-ils supérieurs pour l'invention des sujets, la contexture des plans, la conduite de l'intrigue, l'art de dessiner les caracteres, de les soutenir, de les varier, fruit précieux du vrai talent, & la marque la plus sûre du génie ? […] S'ils ajoutent que Corneille n'a que neuf ou dix Pieces restées au Théatre, nous répliquerons que celles de ce Poëte qui ont été rejetées, sont bien supérieures aux Tragédies de M. de Voltaire, qui ont eu le même sort, malgré le charme du style. […] La véritable doit également agir sur l'esprit & sur le cœur : sur l'esprit, par des principes éclairés, solides, & invariables ; sur le cœur, par des sentimens honnêtes, supérieurs, & à l'épreuve de tout : c'est par ce rapport des pensées & des sentimens qu'elle éleve l'Homme au dessus de la classe ordinaire. […] Le caractere du Philosophe est supérieur à toutes les foiblesses. […] Brutus a été dessiné sur le Brutus de Mlle Bernard, qui lui est resté supérieur.

127. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

À travers les lignes droites ou les sinuosités de l’argumentation supérieure de M.  […] Cabanis, qui a la froideur et les insinuations du serpent, est à coup sûr très supérieur à La Mettrie, entraîné par une expression à outrance et un tempérament désordonné ! […] Provoquer par des livres supérieurs, comme l’est celui de M. 

128. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Moland et d’Héricault le publient, nous paraît supérieur, non seulement à toutes les traductions que l’on a faites, depuis, de l’Imitation, mais, le croira-t-on et n’est-ce pas là une de ces choses qui vont paraître d’une singularité un peu forte à beaucoup d’esprits ? supérieur au texte même si vanté de l’original. […] Saint-Évremond, qui ne valait pas mieux que Fontenelle par la moralité réfléchie ou par la moralité instinctive, mais qui lui était très supérieur par le talent, Saint-Évremond était plus hardi, mais il était en Angleterre, — cet asile contre la France toujours.

129. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

celui-là est de bien des crans supérieur aux Frères Zemganno ! […] Seulement, il faut bien en convenir, quoique aux fanatiques cela puisse sembler impossible, ici, l’imitateur, venu plus de quarante ans après l’imité, lui est, d’exécution, très supérieur. […] , ce roman est partagé en deux parties, portant des sous-titres différents : la première, La demoiselle en or ; la seconde, La petite impératrice, et il rappelle un peu les romans oubliés d’Eugène Sue, mais avec une expression autrement vibrante et supérieure et un désintéressement de tout ce qui n’est pas l’effet dramatique, auquel la vérité humaine est sacrifiée dans la mesure qu’elle a, pour frapper plus fort.

130. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Madame Guyon avait demandé, pour supérieur de son monastère, le père Lacombe, qu’elle avait connu à Paris avant son mariage. […] XXVIII Fénelon montra bientôt, dans cette crise de sa vie, que son âme était supérieure encore à son esprit. […] Il s’agenouilla seulement un moment, le front dans ses mains, pour changer le sujet et le plan de son discours, et, se relevant avec la sérénité de son inspiration ordinaire, il parla avec une onction pénétrante sur la soumission sans réserve, due dans toutes les conditions de la vie, à la légitime autorité de ses supérieurs. […] C’est l’expiation des hommes supérieurs qui ne surent pas aimer, de n’être pas aimés après eux dans leur gloire. […] Il faut devenir le conseil du roi, le père des peuples, la consolation des opprimés, la ressource des malheureux, l’appui de la nation… écarter les flatteurs, distinguer le mérite, le chercher, le prévenir, apprendre à le mettre en œuvre ; se rendre supérieur à tous, puisqu’on est placé au-dessus de tous… Il faut vouloir être le père, et non le maître ; il ne faut pas que tous soient à un seul, mais un seul à tous pour faire leur bonheur. » XXXVII Le palais jusque-là désert de Fénelon à Cambrai devint le vestibule de la faveur.

131. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Les hommes supérieurs de ce temps-là sont des grammairiens et des érudits. […] Quelques esprits supérieurs, pour rendre plus prompte et plus générale la possession des chefs-d’œuvre du passé, dirigeaient eux-mêmes les imprimeries qui en multipliaient les exemplaires. […] Pour ne rien exagérer, ce fut bien plus une influencé bienfaisante qu’un écrivain supérieur. […] Il faut me faire violence pour refuser à Marguerite ce don supérieur ; mais c’est, trop peu pour mériter le titre d’écrivain de génie, de n’avoir eu que tout l’esprit et toute la politesse de son temps. L’écrivain de génie est supérieur à son temps et à tous les temps, et le titre n’en convient qu’à celui qui ajoute en quelque manière aux facultés de sa nation.

132. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Là encore il est tout entier de sa personne ; mais c’est le plus souvent cette personne par ses beaux côtés, par son bon sens qui est comme le bon sens de la France, par son goût supérieur à son talent, par ce naturel qui nous fait voir le fond de son cœur et nous apprend à lire dans le nôtre. […] Quand on lit les Épîtres et les Satires de Voltaire, on pense à Horace qui, dans la même morale, est plus élevé et plus aimable, et, par le tour et par l’image, plus poète ; à Boileau, qui, dans une morale supérieure, tire ses plus beaux vers de sa fidélité à cette morale ; on pense à Voltaire lui-même, qui, dans ses poésies légères, dira plus agréablement les mêmes choses. […] A tous les grands sentiments se joignait dans André Chénier une raison supérieure. […] Cependant, pour inventer, à la fin du dix-huitième siècle, parmi tous ces fades jeux d’esprit où achevait de s’énerver et de se perdre l’art des vers, une poésie jeune, fraîche, parfumée, qui nous transporte au milieu de vrais champs et nous ramène en nous-mêmes ; pour faire apparaître, parmi toutes ces fleurs de papier peint, un si charmant bouquet de fleurs naturelles, il fallait plus que les grands sentiments d’André Chénier, plus que sa raison supérieure ; il fallait ce qui peut s’appeler du même nom en religion et en poésie, il fallait la grâce. […] La gloire n’est que la même louange donnée aux œuvres supérieures par tous ceux qui sont capables de les goûter ; il n’y a de différent et de personnel que l’accent de chacun.

133. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Le XVIIIe siècle n’a ni Racine ni Bossuet ; et pourtant il est bien supérieur au XVIIe ; sa littérature, c’est sa science, c’est sa critique, c’est la préface de l’Encyclopédie, ce sont les lumineux essais de Voltaire. […] Supposez un homme instruit et noble de cœur exerçant un de ces métiers qui n’exigent que quelques heures de travail ; bien loin que la vie supérieure soit fermée pour cet homme, il se trouve dans une situation mille fois plus favorable au développement philosophique que les trois quarts de ceux qui occupent des positions dites libérales. […] Mais, s’ils avaient la tête pleine de littérature, d’histoire, de philosophie, d’humanisme, en un mot, s’ils pouvaient, en travaillant, causer entre eux des choses supérieures, quelle différence ! […] L’esclave cultivé, qui se sentait l’égal de son maître, devait le haïr et le maudire, mais l’esclave philosophe, qui se sentait supérieur à son maître, ne devait se trouver en aucune façon humilié de le servir. […] Le caractère sordide ou prétendu bas de certaines occupations pourrait aussi les désigner pour les personnes vouées aux travaux de l’esprit ; car ce caractère de bassesse devrait correspondre, ou à une paye supérieure, ou, ce qui revient au même, à une moindre durée des heures de travail.

134. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Tout a passé, pour être broyé, sous cette information supérieure, sous cette critique à laquelle on peut appliquer ce qu’Amelot de la Houssaye disait du gouvernement de Venise : C’est une verge couverte d’yeux. […] Enivrés, comme des gens qu’on consulte, ils brouillèrent toutes les nations par leur ignorance, leur importance, leur jalousie des classes supérieures ; ils puisèrent aux écrits des philosophes du xviiie  siècle les théories qui y dormaient comme des tempêtes, et ils les versèrent dans l’esprit public avec leurs brochures. […] Au contraire, à mes yeux du moins, ce jugement sur les hommes de la Révolution est le côté véritablement supérieur et profond de l’Histoire des Causes, et je demande qu’on me permette de déduire les raisons de cette opinion. […] Le trop célèbre professeur posait en principe qu’on ne devait se préoccuper que des faits glorieux d’une époque, et qu’on pouvait passer, les yeux fermés par un optimisme supérieur, sur les faits criminels et funestes : « Je renvoie — disait-il alors, avec la superbe d’un homme qui prend des effets oratoires pour des raisons philosophiques, — les horreurs et les crimes de la Révolution à qui de droit. » Pour qui voit clair sous les mots, cela signifiait qu’il les renvoyait aux hommes de la Révolution, c’est-à-dire à la Révolution même ; or, précisément, c’était le contraire que voulait dire Cousin. […] La vérité n’en doit pas moins être dite, pour des raisons supérieures, soit qu’elle blesse les partis toujours vivants, soit qu’elle contrarie les opinions faites ou même qu’elle paraisse trop piquante pour être admise.

135. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Mais cette délicatesse de goût, cette philosophie supérieure, que Molière a montrée dans ses comédies, il faut des siècles pour y amener l’esprit humain ; et quand un génie égal à celui de Molière eût vécu dans Athènes, il n’aurait pu deviner la bonne comédie. […] Le peuple d’Athènes, comme je l’ai déjà dit, était extrêmement susceptible d’enthousiasme ; mais il n’en aimait pas moins la satire qui insultait aux hommes supérieurs.

136. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

La force & la fécondité, l'élévation & la souplesse, le naturel & le sublime, un art supérieur d'exciter la surprise & d'entretenir l'admiration, sont, sous sa plume, des ressorts puissans qui élevent l'esprit du Lecteur, & le conduisent sans effort dans les routes sublimes que l'Auteur se fraye à lui-même. […] Il est certain qu'on n'y retrouve pas cette noblesse, cette élégance soutenue, cette même force de génie qui caractérise ses Poésies lyriques ; mais on seroit injuste de ne pas y admirer une raison supérieure, une poésie nerveuse, une facilité de style, une sûreté de goût, qui décelent le grand Maître, sur-tout dans les matieres où il parle de son Art.

137. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Une seule fois, lui ou du moins son Saint-Preux, il s’est aventuré dans la zone supérieure, dans les montagnes du Valais ; on peut voir dans la première partie de La Nouvelle Héloïse la xxiiie  lettre à Julie : « Tantôt d’immenses rochers pendaient en ruines au-dessus de ma tête ; tantôt de hautes et bruyantes cascades m’inondaient de leur épais brouillard ; tantôt un torrent éternel ouvrait à mes côtés un abîme, etc. » Cette peinture est bien, mais elle n’est qu’une première vue un peu générale, un peu confuse, et sans particularité bien distincte. […] Cette seconde région qui, ai-je dit, est la moyenne, mène à l’autre, à la supérieure et sublime, qui est la région des pics, des glaciers, des resplendissants déserts, et où la rigueur du climat « ne laisse vivre que des rhododendrons, quelques plantes fortes, des gazons robustes », au bord et dans les interstices des neiges éternelles. […] Les classiques d’alors s’attachaient à prouver, par toutes sortes de raisons techniques et de considérations d’atelier, que ces régions supérieures des Alpes étaient essentiellement impropres à être reproduites sur la toile et à devenir matière de tableaux. […] le pittoresque spectacle, s’écrie-t-il à la vue de l’évêque de Sion officiant en personne et de sept cents fidèles environ accourus d’Aoste, du Valais, de Fribourg, priant debout, agenouillés, ou assis par rangées sur les degrés et refluant jusque dans l’étage supérieur !

138. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Mais les grands bergers astronomes de Bailly, sur le haut plateau de l’Asie, ou peut-être plus loin encore vers le nord (en ce temps où le Nord n’avait point de glaces), étaient bien autre chose : ils avaient amassé durant des milliers d’années, et dans des conditions naturelles plus faciles, toute une science égale peut-être à la nôtre, ou même supérieure, et que nous autres modernes nous avons été réduits pour notre compte à réinventer péniblement à la sueur de nos fronts. […] Bailly a, ce me semble, une idée peu juste, en vertu de laquelle il juge très défavorablement de ces peuples anciens et les déclare incapables des inventions scientifiques, qu’il estime peut-être supérieures elles-mêmes à ce qu’elles étaient en effet : quand il voit chez eux des fables accréditées et prises au pied de la lettre, il croit que tout cela a dû commencer par être une poésie allégorique, et que ce n’est que par une sorte de corruption et de décadence qu’on en est venu à prêter graduellement à ces fables une consistance qu’elles n’avaient pas d’abord dans l’esprit des inventeurs : en un mot, il croit à une sorte d’analyse antérieure à une réflexion philosophique préexistante à l’enfance et à l’adolescence humaines si aisément riches de sensations et toutes fécondes en imagesj. […] Et revenant à son point de départ d’un plateau supérieur primitivement peuplé en Asie : Un de ces essaims d’hommes, dit-il, s’est avancé vers l’Inde. […] Après avoir plus ou moins établi qu’il se rencontre chez les anciens peuples connus de l’Asie des ressemblances d’idées, d’institutions, et particulièrement de notions ou mesures astronomiques qui sont d’une singularité frappante, Bailly se demande d’où peut provenir une telle similitude, et il ne voit pour l’expliquer qu’un de ces trois moyens : ou une communication libre et facile de ces anciens peuples entre eux ; ou une invention spontanée et directe, dérivant essentiellement de la nature humaine en chacun, ou enfin une origine, une parenté supérieure et commune à tous : et il discute ces trois suppositions.

139. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Sans parler de L’Improvisateur napolitain, par lequel il préluda à ses compositions supérieures, Léopold Robert a fait trois tableaux importants : Le Retour de la fête de la Madone de l’Arc (1827) ; L’Arrivée ou la Halte des moissonneurs dans les marais Pontins (1831) ; Le Départ des pêcheurs de l’Adriatique pour la pêche de long cours (1833). […] Artiste supérieur en quelques parties, incomplet par d’autres, mais si distingué par son principal cachet et qui mérite de vivre, quel est le rôle de Léopold Robert dans le travail moderne et dans le renouvellement de l’art ? […] Je le regarde comme bien supérieur à son Condé. […] Il n’y a que les ouvrages de Michel-Ange qui se distinguent d’une manière particulière ; mais son génie était si supérieur qu’il a presque inventé la représentation d’une force, d’un caractère et d’une énergie qu’il n’a pu trouver dans la nature qu’avec de grandes difficultés et une observation continuelle.

140. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

« Ce traducteur, disait La Harpe, est un homme qui paraît versé dans l’étude de l’histoire de l’antiquité. » — « Nous ne craignons point d’assurer, disait Grimm, que la traduction est fort supérieure à l’original ; ce que M.  […] N’est-ce pas celle qui garantit à une portion malheureuse de l’humanité les soins les plus prévenants, la condescendance la plus attentive, en un mot, ce tendre intérêt si supérieur à la simple compassion ?  […] Son récit de voyage dans les parties supérieures du Hasly offre des passages admirables, et plus simples peut-être d’expression qu’il n’en trouvera plus tard lorsque son talent, d’ailleurs, aura acquis sa plus entière originalité. […] Jamais je ne suis descendu de ces sommets sans éprouver qu’un poids retombait sur moi, que mes organes s’obstruaient, que mes forces diminuaient et que mes idées s’obscurcissaient ; j’étais dans la situation où se trouverait un homme qui serait rendu à la faiblesse de ses sens inhumains après l’instant où ses yeux, dessillés par un Être supérieur, auraient joui du spectacle des merveilles cachées qui nous environnent.

141. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

J’aime encore mieux pourtant dans ce monstre une cinquantaine de vers supérieurs à son siècle, que tous les vermisseaux appelés sonetti, qui naissent et meurent à milliers aujourd’hui, dans l’Italie, de Milan jusqu’à Otrante. […] et que d’appareils, que de machines il fallut pour le remorquer en quelque sorte, jusqu’à ce qu’il pût entrer librement et voguer, comme il paraît faire aujourd’hui, dans ce lac supérieur ! […] Il est bien prouvé que de même qu’on a dit qu’un peu de philosophie et de science éloigne de la religion et que beaucoup de philosophie y ramène, de même il y a un degré de poésie qui éloigne de l’histoire et de la réalité, et un degré supérieur de poésie qui y ramène et qui l’embrasse. […] Cet amour, dont les principaux accidents et les aventures se bornèrent à quelques saluts, à quelques regards échangés et à quelques sourires, tout au plus à de rares paroles, et qui ne devait empêcher aucune des deux personnes qui s’en entretenaient ainsi, de s’engager un peu plus tôt ou un peu plus tard dans les liens positifs du mariage ; cet amour qui semblait d’ailleurs à jamais rompu par la mort prématurée de Béatrix vers l’âge de vingt-six ans, devint et continua d’être la pensée profonde, supérieure, le ressort le plus élevé de la conduite et des entreprises de Dante.

142. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Pour n’avoir fait que traverser la Russie en calèche, elle a pourtant démêlé très finement les traits originaux du peuple russe, elle a saisi la complexité de l’esprit des classes supérieures, le fond national jeune, vierge, riche sous le vernis d’une civilisation raffinée : par un flair plus singulier encore chez une femme qui ne savait pas la langue, elle a deviné le moujik, au moins quelques parties essentielles de sa nature. […] Impuissante à créer, elle excelle à noter ; et si elle a le style le moins artiste du monde, comme écrivain d’idées elle est supérieure. […] Mais je ne sais ce qui a offusqué son clair esprit, retenu son âme affectueuse : elle qui savait, dans la Russie de 1812, deviner, aimer le moujik, elle n’a regardé, compté en France que les classes supérieures. […] Il y a quelque chose de très singulier dans la différence d’un peuple à un autre ; le climat, l’aspect de la nature, la langue, le gouvernement, enfin surtout les événements de l’histoire, puissance plus extraordinaire encore que toutes les autres, contribuent à ces diversités ; et nul homme, quelque supérieur qu’il soit, ne peut deviner ce qui se développe naturellement dans l’esprit de celui qui vit sur un autre sol et respire un autre air : on se trouve donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères ; car dans ce genre, l’hospitalité fait la fortune de celui qui la reçoit643. » Le conseil était bon et pratique : nous nous en sommes aperçus plus d’une fois en ce siècle, nous autres Français.

143. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Par le pouvoir de la notion chaque individu se conçoit d’une façon supérieure autre qu’il n’est, il voit se refléter dans sa conscience individuelle l’image abstraite de la pensée humaine tout entière. […] On a vu que le pouvoir de se concevoir autre apporte un bénéfice dans la mesure où il est accompagné de deux autres circonstances que voici : il doit comporter un pouvoir de réalisation ; la conception nouvelle qu’il réalise se doit pouvoir ajouter à l’ancienne, de façon à former avec elle une somme de forces supérieure à celle qui avait été jusque-là assemblée dans un même être, au lieu d’exiger une soustraction par où serait diminuée la somme ancienne. […] De même, ainsi qu’on l’a déjà noté, la civilisation romaine a servi de corset utile à celles de ces masses humaines qui se fixèrent dans le sud de l’Europe : agissant d’une façon plus directe que l’idéal chrétien, elle a été pour elles un puissant moyen d’organiser le droit de propriété, hase et moyen à son tour de toute civilisation supérieure. […] L’exemple de la Chine, figée depuis une période voisine, semble-t-il, de ses origines dans la répétition des mêmes pratiques et incapable de se modifier à l’instigation d’une civilisation supérieure, cet exemple est caractéristique.

144. (1887) Essais sur l’école romantique

Il y en a plusieurs autres qu’on pourra trouver supérieures. […] Toute la partie supérieure de la figure est d’un homme éminent par les qualités de l’esprit. […] S’il s’agissait de l’art supérieur des Racine, des Corneille, des La Fontaine et des Molière, nous irions chercher nos comparaisons dans les régions les plus élevées du monde moral. […] C’est par l’amour et la crainte, ces deux sentiments très divers, mais également profonds, qu’une époque se donne à un écrivain supérieur et qu’un écrivain supérieur domine et possède son époque. […] Ce qui fait le génie, c’est une raison supérieure, double fruit de l’instinct et de l’expérience, du naturel et du travail, des choses devinées et des choses apprises.

145. (1890) L’avenir de la science « VI »

Il semble pourtant que le peu d’importance que l’on attache parmi nous à l’enseignement supérieur, le manque total de quelque institution qui corresponde à ce que sont les universités allemandes en soient une des principales causes 61. […] Il y a pour la science, comme pour la littérature, un bon goût que nos compatriotes ont su parfois saisir avec une délicatesse supérieure. […] Chez eux, l’école et la science se touchent ; chez nous, tout enseignement supérieur qui, par sa manière, sent encore le collège, est déclaré de mauvais ton et insupportable ; on croit faire preuve de finesse en se mettant au-dessus de tout ce qui rappelle l’enseignement des classes.

146. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Excepté Eugénie de Guérin, sa rivale d’émotion, mais sa supérieure de talent, personne n’avait une telle place dans la publicité de ce siècle… Pourquoi donc ne l’avoir pas gardée ? […] Le roman est comme la poésie : quand il n’est pas excellent, exquis, supérieur, — incontestablement supérieur — il est détestable.

147. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Mais où l’artiste prendra-t-il les éléments de cette vie supérieure ? […] Ils se savaient une race supérieure, étrangère aux vils besoins qui embarrassent la foule. […] Alors le vieux mage tout-sachant lui explique la délice supérieure des jeunes amants évanouis. […] Les hommes sont des animaux supérieurs, plus compliqués, et, par suite, plus différents les uns des autres. […] Et de ces deux êtres supérieurs un fils est né, très beau, très robuste, et très sage.

148. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

De la liberté de l’enseignement Discours sur les pétitions signalant au Sénat les tendances matérialistes de l’enseignement dans certaines facultés et demandant la liberté de l’enseignement supérieur. […] Tantôt, comme dans le cas présent, c’est une dénonciation encore, dénonciation formelle bien qu’incertaine et vague en ses prétextes, qui vient soulever les plus graves questions de liberté d’enseignement supérieur, et qui s’attaque à une de nos Facultés qui jusqu’à ce jour avait été respectée dans sa liberté de doctrine […] Mais si le regard se porte dans une autre sphère, dans la sphère supérieure, ou plutôt à la couche mondaine superficielle, que voyons-nous ? […] Ceci me ramène à la question de la conclusion , — cette demande de la liberté de l’enseignement supérieur, car c’est sous cette humble et spécieuse forme de liberté que le parti aspire à l’ascendant dominant et à la suprématie. […] Si vous concédiez ici au clergé catholique l’enseignement supérieur et les facultés, laisseriez-vous (par compensation) se former de libres facultés laïques ?

149. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Un philosophe anglais a remarqué avec une admirable justesse que « si la nature douait un être d’une faculté de sentir et de penser trop supérieure à la faculté de sentir et de penser du commun des hommes, cet être en apparence privilégié ne pourrait pas vivre dans le milieu humain, ou vivrait le plus infortuné de tous les êtres. […] Or, si cette impossibilité de vivre est absolue pour un être qui serait complètement supérieur à la généralité des hommes, cette difficulté de vivre heureux est relative dans les êtres doués seulement d’une sensibilité supérieure de quelques degrés à celle de leurs semblables. […] Beaucoup imaginer, c’est beaucoup prétendre ; beaucoup penser, c’est beaucoup souffrir ; être grand, c’est être disproportionné dans un monde de médiocrités ou de petitesses ; être disproportionné, c’est être déplacé ; être déplacé, c’est créer autour de soi des inimitiés, c’est éprouver soi-même une inimitié involontaire et générale contre tous ceux qui ne vous cèdent pas la place aussi vaste que la demandent vos facultés supérieures. […] Dans le Tasse, la sensibilité et l’imagination seules étaient supérieures ; la raison, qui ne manquait pas à sa poésie, manquait à sa vie ; l’intelligence était saine, le caractère était égaré ; sa mélancolie, faiblesse de sa trame, comme dans Rousseau, obscurcissait sa raison. […] J’irai devant, dit-il, non pas que je me croie supérieur à vous, mais c’est pour vous conduire.

150. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Olier imagine comme bien supérieur à l’état de mort l’état de sépulture. […] Un jour, l’un de ceux-ci lut au supérieur, M.  […] Le supérieur de la maison d’Issy, quand j’y passai, était M.  […] Pinault était fort supérieur à M.  […] Un moment, cet homme vraiment supérieur arracha les voiles que le prudent M. 

151. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Il s’agit d’une cause à gagner, et plus la cause est importante, plus l’orateur doit s’oublier lui-même pour l’intérêt supérieur qu’il vise. […] Des poétereaux qui se croient fort supérieurs à Delille, et qui peuvent en effet avoir plus de talent, étrange et triste chose ! […] L’homme supérieur, a dit avec raison M.  […] Si cette capacité de généraliser ne s’accompagne point d’une égale capacité de création, l’homme supérieur reste un critique. Si c’est le contraire, et si le pouvoir créateur subsiste côte à côte avec le pouvoir de tout comprendre, l’homme supérieur devient une créature unique.

152. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

En Allemagne, les universités rivalisaient de zèle pour hausser le niveau de leur initiation supérieure. […] Suivant un terme très fort dans sa simplicité, il est un homme supérieur, on pourrait presque dire qu’il est l’Homme Supérieur. […] Renan cette antithèse de l’homme supérieur et de la démocratie. […] Il manquera sa destinée pour avoir eu des facultés supérieures à son milieu. […] Barrès s’est montré supérieur et où l’enseignement de M. 

153. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Jeune, au sein de la pauvreté, à travers les entraînements de l’âge, il ne cessa, par un travail secret, opiniâtre, de se préparer un talent supérieur aux choses légères et déjà charmantes auxquelles il s’essayait. […] Assez d’occasions s’offriront de ramener l’attention publique sur les titres d’une renommée qui est dès longtemps le patrimoine universel : aujourd’hui il convenait de remarquer avant tout cette partie supérieure et puissante du talent, par laquelle le poète léger, et si souvent brillant dans la gaieté et dans le badinage, a eu l’art et le bonheur de graver son nom sur l’un des marbres les plus indestructibles de l’histoire.

154. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

et d’une essence supérieure à celle des autres collégiens ; ils étaient déjà intolérants, défendaient durement leurs privilèges et leur coin de cour. […] J’ai rencontré tant d’hommes supérieurs et originaux qui n’en sortaient pas !

155. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Renan appartient à la famille des grands penseurs, des contempteurs de beaucoup de conventions humaines, que des esprits plus humbles, des gens comme moi, manquant « d’idées générales » vénèrent encore, et nul n’ignore qu’il y a une tendance chez ces grands penseurs, à voir, en cette heure, dans la religion de la Patrie, une chose presque aussi démodée que la religion du Roi sous l’ancienne monarchie, une tendance à mettre l’Humanité au-dessus de la France : des idées qui ne sont pas encore les miennes, mais qui sont incontestablement dans l’ordre philosophique et humanitaire, des idées supérieures à mes idées bourgeoises. […] Renan se fût réjoui des victoires allemandes ou qu’il les trouvât légitimes, mais j’ai dit qu’il considérait la race allemande, comme une race supérieure à la race française, peut-être par le même sentiment que Nefftzer, — parce qu’elle est protestante.

156. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Évidemment une vie supérieure, un ancêtre au-dessus de tous les ancêtres, un créateur au lieu d’un père. […] Ils ont oublié la moitié supérieure de l’univers et ils ont dit : « Voilà du mouvement, voilà de vils éléments matériels en circulation et en combustion, voilà des balances, voilà des poids dans ces balances, voilà des pesanteurs et des gravitations ! […] Un soldat qui avait passé sa vie entière dans les missions de l’Orénoque supérieur, campait avec nous sur les bords du fleuve. […] La partie inférieure de la tige n’est pas de taille à porter le poids de la partie supérieure ; le sipo va donc chercher un appui sur un arbre d’une autre espèce. […] « Les fougères arborescentes appartiennent aux collines de l’Amazone supérieure.

157. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Comme dans Notre-Dame de Paris, les tableaux d’ensemble sont supérieurs à la description des individus : si les amours de Marius et Cosette sont de la plus fade et banale élégie, l’insurrection fournit une large narration épique. […] On inculque ce beau principe aux individus dès le bas âge ; ils apprennent que le talent mène à tout : ils ont le talent ; ils apprennent que la supériorité sociale suit la supériorité intellectuelle : ils sont des esprits supérieurs. […] L’homme supérieur redevient un animal de proie. Par malheur le gendarme est là, et l’homme supérieur finit parfois sur l’échafaud, comme Julien Sorel, le héros de Rouge et Noir, un caractère d’une autre envergure que tous les ambitieux de Balzac, à qui il n’a manqué qu’un peu de chance pour faire agenouiller devant lui la société qui le condamne. […] Mais il est infiniment supérieur à Scribe ; et il ne donne jamais cette sensation de perfection vide que Gautier nous procure parfois.

158. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Il aimait fort recevoir des écrivains ; il se comparait à eux et se trouvait supérieur. […] C’est sans doute pour ces mauvais lecteurs que Nietzsche avait écrit cette page : « Une culture supérieure ne peut vraiment naître que là où la société forme deux classes distinctes : celle des travailleurs et celle des oisifs, capables d’un véritable loisir ; ou, pour mieux dire, la classe du travail forcé et la classe du travail libre. La question de la répartition du bonheur n’est donc pas capitale quand il s’agit de produire une culture supérieure. […] Et quand un échange entre les deux classes a lieu, de telle sorte que les familles et les individus moins affinés, moins intelligents, sont transplantés de la classe supérieure dans la classe inférieure et que, d’un autre côté, les hommes les plus libres de celle-ci obtiennent l’accès de la classe supérieure, on arrive à cet état au-delà duquel on ne voit plus que la vaste mer des désirs infinis. […] » Il dit encore : « Ce que les hommes et les femmes de race ont de supérieur aux autres et ce qui leur donne un droit indéniable à une estime plus haute, ce sont deux arts perfectionnés de siècle en siècle par héritage : l’art de savoir commander et l’art de l’obéissance fière.

159. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

156 L’échelle des instincts de plus en plus complexes représente les divers degrés par lesquels un instinct a passé avant d’arriver à sa forme supérieure. […] Ces jugements et idées portent sur les rapports des choses (similitude, différence, causalité, etc.), non plus sur leurs simples qualités sensitives, et il en résulte des actions d’ordre supérieur. […] Cette réaction n’en est pas moins un désir supérieur et intellectuel, s’opposant aux désirs sensibles et d’autant plus déterminé qu’il est plus intelligent, car l’intelligence est la détermination même. […] Après avoir répondu à ceux qui dotent le jugement d’une efficacité spécifique et même supérieure à tout déterminisme, nous devons répondre à ceux qui, par un excès contraire, lui refusent toute efficacité. […] L’affinité chimique fournit donc une comparaison supérieure à celle de la balance : elle permet de mettre en relief le caractère individuel de la réaction sous tel motif ou mobile.

160. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Sans doute, si vous entendez par moi la force qui pense, qui veut et qui a la conscience nette, lucide et réfléchie de toutes ses sensations, vous arriverez à l’isoler à peu près complètement des autres forces que vous supposez dans les divers organes ; mais encore, comme vous ne pouvez nier que dans l’homme, tel qu’on l’entend communément, corps et âme, il n’y ait une certaine unité, il s’ensuivra qu’en nous le je ne sais quoi nécessaire qui unit le moi tel que vous l’entendez dans un sens restreint, et les autres forces des divers organes, est le moi supérieur, le vrai moi, l’homme réel et vivant : que devient alors votre dualité ? Ce moi supérieur et complet, cette vie réelle et vraiment vivante, ce sentiment au sein duquel la conscience réfléchie, c’est-à-dire la connaissance, n’est qu’un redoublement plus marqué, échappe aux psychologistes qui se laissent prendre sans cesse à leurs propres abstractions. […] On sent que toute une nouvelle morale découle de là ; c’est qu’en effet nous sommes arrivés à une époque où un grand progrès est tout près de s’accomplir, où l’humanité en masse va s’élever d’une conception passée à une conception supérieure et où, par conséquent, la ligne de démarcation entre le bien et le mal doit être portée en avant.

161. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Les soupçons, les jalousies, les calculs de l’ambition, tout se réunit pour éloigner les esprits supérieurs des luttes révolutionnaires : les hommes violents et médiocres ne se rangent à leur place que quand l’ordre est rétabli : dans le bouleversement de toutes les idées et de tous les sentiments, ils se croient propres à perpétuer ce qui existe, la confusion ; et devenus les maîtres dans les saturnales du talent et de la vertu, ils pèsent sur la pensée captive de tout le poids de leur ignorance et de leur vanité. […] On veut, dans les monarchies absolues, qu’une sorte de mystère soit répandue sur les qualités qui rendent propres au gouvernement, afin que l’importante et froide médiocrité puisse écarter un esprit supérieur, et le déclarer incapable de combinaisons beaucoup plus simples que celles dont il s’est toujours occupé. […] Le mélange des qualités supérieures, bien que plaçant plus haut celui qui les possède, établit cependant plus de rapports entre l’homme extraordinaire et les autres hommes.

162. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

D’une part, on est porté à supposer ces créations trop impersonnelles ; on attribue à une action collective ce qui souvent a été l’œuvre d’une volonté puissante et d’un esprit supérieur. […] Bien loin que Jésus ait été créé par ses disciples, Jésus apparaît en tout comme supérieur à ses disciples. […] L’humanité dans son ensemble offre un assemblage d’êtres bas, égoïstes, supérieurs à l’animal en cela seul que leur égoïsme est plus réfléchi.

163. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Chez les animaux supérieurs, les spermatozoaires peuvent et doivent se séparer du tout pour reconstituer un individu de la même espèce. […] Grâce à ce despotisme cérébral qui s’est développé chez les animaux supérieurs, les centres de la moelle, de plus en plus dépourvus de spontanéité, sont devenus automatiques dans leur fonctionnement. […] Pourtant la vie propre des parties se manifeste encore, même chez les animaux supérieurs : le cœur enlevé à un éléphant peut continuer assez longtemps de battre ; l’homme décapité dont on blesse la poitrine peut, dans certaines conditions, faire avec le bras un mouvement de défense et porter la main à l’endroit menacé, — mouvement accompagné sans doute de vagues sensations douloureuses dans la moelle épinière.

164. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Elle devint cette petite fourmi, comme elle s’appelle avec une grâce d’humilité délicieuse en une femme qui avait le cœur plus grand que tous les mondes, parce que Dieu, en l’habitant, l’avait élargi, elle devint, non pas uniquement la créature d’élection et de perfection surnaturelle, dont le souvenir plane encore sur le monde ému, mais aussi la première, la plus grande, la plus auguste des supérieures d’Ordres, ornée, avec toutes les vertus du Ciel, de toutes les qualités prudentes, politiques, humaines, de la terre ! […] C’est une Blanche de Castille au cloître, mais supérieure à la mère de saint Louis par cela seul qu’elle est restée vierge et n’en fut pas moins mère — la mère de tous ceux qu’elle enfanta à la vie religieuse et qu’elle éleva pour les cieux ! […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique » exaltée par la prière et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour !

165. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Elle a eu de grands poètes, de grands artistes, des hommes politiques à la manière de Machiavel, comme furent Talleyrand et Fouché, des observateurs scientifiques de la force de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, et par-dessus tout elle a eu Napoléon, un homme taillé comme un diamant de plusieurs côtés différents, et par tous jetant le feu et la lumière, — Napoléon, l’homme le plus étonnant dans le fait qui ait peut-être jamais existé ; — mais de métaphysicien égal à ces esprits supérieurs dans sa spécialité transcendante, il faut le dire, pour apprendre aux philosophes à être modestes, le xixe  siècle et la langue française n’en ont point encore. […] Nous sommes supérieurs à ce Dieu détruit, d’une supériorité incomparable, puisque nous connaissons, voulons, aimons. […] Deux solutions attardées, disait-on, mais qui, cependant, malgré le débordement toujours croissant de nos lumières, n’ont pas été vaincues et remplacées par des solutions supérieures.

166. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

… Est-il assez supérieur pour pouvoir attendre son succès, et son succès certain, dans un temps donné, — inévitable ? […] Mais à cela près de cette nappe de lumière qu’un homme de génie versa, comme un Dieu bienfaisant, sur la tête d’un homme de talent trop obscur, Henri Beyle n’aurait été, aux yeux des hommes de son temps, qu’un dilettante supérieur d’art et de style, et non l’homme qui, dans cette première moitié du xixe  siècle, devait, après Balzac, marcher à la tête des artistes, des observateurs et des écrivains. […] Le livre de l’Amour, — ce chef-d’œuvre de pointillé dans l’observation et de grâce inattendue dans le bien dire, que Sterne aurait admiré, et où les nuances, qui ondoient, chatoient, se fondent et s’évanouissent comme des lueurs d’opale dans le merveilleux observateur du Sentimental Journey, sont nettement fixées sous le regard par un procédé supérieur d’analyse sans rien perdre de leur ténuité et de leurs qualités presque immatérielles, — ce livre d’un agrafeur de nuances (ces mots-là sont faits pour lui seul), ce livre qui a tout dit et fait le tour du cœur, de ce muscle qui renferme l’infini, comme on fait le tour de la terre, de cette misérable petite chose que Voltaire appelait « un globule terraqué », nous ne croyons pas que Paulin Limayrac l’admire et l’aime mieux que nous.

167. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Certes, la conscience des organismes supérieurs paraît solidaire de certains dispositifs cérébraux. […] Le rôle de l’aliment chez les animaux supérieurs est en effet extrêmement complexe. […] C’est ainsi que la complication de fonctionnement des organismes supérieurs va à l’infini. […] Une espèce qui revendique pour domaine la terre entière est véritablement une espèce dominatrice et par conséquent supérieure. […] On supposera que c’est par un effort plus ou moins conscient que l’être vivant développe en lui un instinct supérieur.

168. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

L’abbé De Pons ne se crut pas vaincu pour se voir condamné par des personnes d’un mérite supérieur. […] Ses deux poëmes, Clovis & la Magdelaine, sont des tissus d’extravagances, qu’il croyoit supérieurs à tout ce qu’il y a de mieux dans l’Iliade. […] Il définit l’Iliade « un beau monstre né du seul instinct d’un homme supérieur ». […] Le jésuite Rapin est du nombre de ceux-ci : Boivin & le P. le Bossu soutiennent, au contraire, qu’il y a tel morceau dans l’Iliade supérieur à toutes les beautés réunies de Virgile. […] Si Virgile imite Ennius & quelques poëtes subalternes, c’est en homme supérieur, en homme qui fait gloire de tirer, de quelque mine que ce soit, des diamants bruts, pour les polir & les mettre en œuvre.

169. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Quoique les Romains se soient moins livrés que les Grecs à la littérature, ils leur sont supérieurs par la sagacité et l’étendue dans les observations morales et philosophiques. […] Les principales bases des opinions philosophiques des Romains sont empruntées des Grecs ; mais comme les Romains adoptèrent, dans la conduite de leur vie, les principes que les Grecs avaient développés dans leurs livres, l’exercice de la vertu les a rendus très supérieurs aux Grecs, pour l’analyse de tout ce qui tient à la morale. […] Les Romains sont supérieurs aux Grecs dans la carrière de la pensée : mais combien toutefois dans cette même carrière ne sont-ils pas au-dessous des modernes ! […] Pour rédiger la loi des douze tables, on envoya des Romains consulter les hommes les plus éclairés de la Grèce ; et cette loi des douze tables, qui traite de la religion, du droit public et particulier, est citée par Cicéron, comme supérieure à tout ce que les philosophes ont jamais écrit sur ce sujet.

170. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

D’individus en individus, de classe en classe, la vanité souffrante n’était en repos que sur le trône ; dans toute autre situation, depuis les plus élevées jusqu’aux dernières, on passait sa vie à se comparer avec ses égaux ou ses supérieurs ; et loin de prendre en soi le sentiment de sa propre valeur, on cherchait dans les regards des autres l’idée qu’ils se faisaient de l’importance qu’on avait acquise parmi ses pareils. […] Mais la société, c’est-à-dire, des rapports sans but, des égards sans subordination, un théâtre où l’on appréciait le mérite par les données les plus étrangères à sa véritable valeur ; la société, dis-je, en France, avait créé cette puissance du ridicule que l’homme le plus supérieur n’aurait pu braver. […] L’on n’appelait aux grandes places, dans l’ancien régime, que les individus accoutumés, dès leur enfance, aux privilèges et aux avantages d’un rang supérieur ; le pouvoir ne changeait presque rien à leurs habitudes : mais dans la révolution, des magistratures éminentes ont été remplies par des hommes d’un état inférieur, et dont le caractère n’était pas naturellement élevé : humbles alors sur leur mérite personnel, et vains de leur pouvoir, ils se sont crus obligés d’adopter de nouvelles manières, parce qu’ils occupaient un nouvel emploi. […] Je dirai plus, une suite de hasards peuvent conduire un homme à se faire remarquer par quelques faits illustres, sans qu’il soit doué cependant ou d’un génie supérieur, ou d’un caractère héroïque ; mais il est impossible que les paroles, les accents, les formes qu’on emploie envers ceux qui nous environnent, ne caractérisent pas la vraie grandeur de la seule manière inimitable.

171. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

C’est, si je puis ainsi parler, un expédient de l’esprit humain, né tout à la fois de l’ignorance qui lui est insupportable, et de cet éternel besoin de principes, certains et supérieurs, qui règlent la vie, et arrachent l’homme à la domination de ses appétits. […] Quand une société n’a pas encore d’idées générales, faute d’avoir passé par les épreuves qui en sont le prix, s’il y naît un homme supérieur ou bien il se jette dans de folles spéculations d’esprit, ou bien il s’épuise en efforts ingénieux dans une méthode stérile et sans vie. […] Froissart en mêle trop rarement à ses charmants récits mais là composition est elle-même une idée générale d’un ordre supérieur. […] J’aime l’esprit français, dans l’image naïve que nous en ont donnée nos écrivains du xiie au xvie  siècle ; mais combien l’aimerai-je mieux au xvie , alors que la Renaissance en aura fait l’esprit humain Vienne donc cette époque désirée où la connaissance du passé doit ajouter aux forces naturelles de l’esprit français une force qui le tirera pour ainsi dire hors de lui-même, et qui le transformera en ce sens supérieur de l’humain, de l’universel image de la raison elle-même !

172. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Notre danse est si supérieure à celle-là par la grâce, par l’esprit, par la décence ! […]   La danse des gitanes, ardente, cynique et farouche, est cependant déjà supérieure, moralement, à ces danses ombilicales et solitaires de l’impur Orient.

173. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Ou, sous prétexte que les œuvres supérieures sont les plus expressives, l’histoire de la littérature doit-elle être seulement l’histoire des grandes individualités, des génies et des talents exceptionnels qui rayonnent dans l’ombre du passé ? […] Il faut, par conséquent, se rendre compte des conditions auxquelles un homme est reconnu pour supérieur et comme sacré grand homme de son vivant.

174. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

A mesure qu’on s’élève dans l’échelle des opérations mentales, les sentiments attachés aux idées deviennent de plus en plus complexes ; aussi, pour expliquer les sentiments supérieurs, par exemple les émotions esthétiques, morales, sociales, ce n’est plus au mouvement d’un seul nerf, c’est à tout un ensemble d’excitations et de motions qu’il faut avoir recours. […] Ces principes posés, passons succinctement en revue les catégories supérieures de sentiments et d’émotions ; nous les verrons s’expliquer par les mêmes lois.

175. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

Mais un petit nombre d’artisans est né avec du génie, et par consequent avec cette sensibilité ou cette délicatesse d’organes supérieure à celle que peuvent avoir les autres, et je soutiens que les artisans sans génie jugent moins sainement que le commun des hommes, et si l’on veut que les ignorans. […] Insensibles au pathétique de ses expressions, ils lui font son procès en consultant uniquement la regle et le compas, comme si un tableau ne devoit pas contenir des beautez supérieures à celles dont ces instrumens sont les juges souverains.

176. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est rare, quand un homme possède un talent supérieur évident, qu’on n’en profite pas pour lui en dénier un autre ; cela est de la nature humaine et de tous les temps. […] En effet, il y a à peine quelques années que vous êtes passé d’un service étranger au service de France, où vous avez débuté comme officier supérieur. […] Jomini ne fut donc point promu à un grade supérieur ; mais, loin de là, Berthier obtint contre lui un ordre pour lui faire garder les arrêts pendant quelques jours, en se fondant sur la nécessité de tenir les chefs d’état-major des corps dans la dépendance du major général. […] Il avait espéré en arrivant trouver l’empereur Alexandre investi d’un pouvoir supérieur et se l’était figuré comme une sorte d’Agamemnon dans la ligue des rois : avoir pour soi la confiance et l’oreille d’Alexandre eût tout simplifié. […] Le jour même de la bataille, sans avoir autorité pour rien, mais sur la simple vue des choses et après une reconnaissance qu’il avait faite de son côté comme Moreau du sien, Jomini ouvrit un seul avis, qui était de prendre toutes les masses accumulées au centre, de leur faire changer de front pour les faire tomber de concert avec la droite sur la gauche de Napoléon, qui s’aventurait vers Grima et Reick entre l’Elbe et une masse de forces supérieures.

177. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Rien ne réussit à cet homme, pourtant supérieur, parce qu’il n’avait pas une nature simple. […] Il me suffira de prendre pour type du genre l’œuvre supérieure qui contient et dépasse toutes les autres : je parle des Mémoires du cardinal de Retz352, puisque ceux de Saint-Simon appartiennent décidément au xviiie siècle. […] Mais il est à noter qu’il n’affadit pas son personnage : il lui arrive de se noircir à plaisir : il ne lui déplaît pas de montrer combien son âme est supérieure aux préjugés, aux vertus des âmes médiocres. […] Le goût des portraits, Retz l’a pris aussi à son monde ; il y a été vraiment supérieur. […] De là encore dérive ce don rare par lequel elle fait sortir le pathétique des idées abstraites : elle a cette forme supérieure de l’imagination qui érige en symboles les objets sensibles, et fait transparaître l’universel dans l’expression du particulier.

178. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Tous les deux, supérieurs dans la moquerie, se doutaient bien qu’ils ne s’exceptaient pas l’un l’autre du plaisir de railler les gens, et il ne manqua pas de complaisants intéressés qui en firent leur cour au roi et à l’écrivain. […] Par l’esprit, où Frédéric n’était pas loin d’égaler Voltaire ; par le caractère, où il lui est supérieur ; par l’ascendant de la puissance, qui fait que ce qu’un roi pense il le commande, le prince amène peu à peu l’écrivain à toutes ses opinions. […] Mais il nous a prémunis contre lui-même, et c’est grâce à sa méthode que, juges plus désintéressés de la vraisemblance et mieux informés de la vérité des témoignages, nous avons pu relever le moyen âge de ses mépris, et rendre au christianisme sa part dans une civilisation supérieure à celle que Voltaire a rêvée. […] Elles vivent par ces vérités supérieures qui, après avoir servi à réformer la société, servent encore à la perfectionner, et qui sont à la fois l’expression de ce qui s’est fait et l’idéal de ce qui reste à faire pour améliorer les sociétés humaines. […] Mais si l’on ne va pas jusqu’à ces chimères, on ira peut-être plus loin dans l’idée supérieure d’employer la peine au profit moral de celui qui la subit, et de la société qui la lui inflige ; et quelque progrès qu’on fasse en cette matière, Voltaire y aura sa part.

179. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Aujourd’hui ces mots d’honneur et de considération n’ont plus même de sens, puisque, d’un côté, l’inégalité n’est plus consentie quoiqu’elle subsiste, et que, d’un autre côté, le supérieur n’a de règle que son égoïsme. […] À l’inférieur aujourd’hui on a enlevé jusqu’au droit d’estimer ses supérieurs. […] Je vous entends : vous voulez que je continue à travailler pour des maîtres, des supérieurs, comme je faisais autrefois. […] Donnez-moi donc d’abord des supérieurs que je puisse respecter, ou souffrez que je haïsse les supérieurs que vous me donnerez… Mais pourquoi parler d’obéissance, pourquoi parler de maîtres, de supérieurs ? […] Pourquoi les inférieurs ne renverseraient-ils pas leurs supérieurs ?

180. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

L’histoire ne sera plus désormais ce qu’elle était pour Bossuet, le déroulement d’un plan particulier conçu et réalisé par une force supérieure à l’homme, menant l’homme qui ne fait que s’agiter sous elle ; elle ne sera plus ce qu’elle était pour Montesquieu, un enchaînement de faits et de causes ; ce qu’elle était pour Vico, un mouvement sans vie et presque sans raison. […] Je voudrais bien savoir comment les critiques absolus feraient pour prouver que ce poème est en effet supérieur à l’Iliade, ou pour mieux dire que l’Iliade vaut un monde, tandis que l’œuvre du moderne est destinée à aller moisir sur les rayons des bibliothèques, après avoir un instant amusé les curieux. […] C’est la masse qui crée ; car la masse possède éminemment, et avec un degré de spontanéité mille fois supérieur, les instincts moraux de la nature humaine. […] La critique de l’avenir les admirera comme l’anatomiste qui perce ces beautés sensibles pour trouver au-delà, dans les secrets de l’organisation, un ordre de beautés mille fois supérieur. […] L’anatomie comparée tire bien plus de résultats de l’observation des animaux inférieurs que de l’observation des espèces supérieures.

181. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Despois un effet d’horreur méprisante que sa sensibilité de lettré supérieur n’arrivait pas à vaincre. […] Aussi compterait-on les écrivains supérieurs, comme Balzac, dans l’un et dans l’autre genre. […] Il faut encore que la sincérité de l’artiste lui serve à dévoiler une personnalité supérieure, et, supérieur, Henri Beyle l’était au plus haut degré. […] Les faits que nous qualifions d’inférieurs produisent les faits que nous qualifions de supérieurs. […] Le supérieur ne naît pas de l’inférieur, il s’y superpose.

182. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Quelle que soit la beauté des vers de Virgile, la poésie chrétienne nous offre encore quelque chose de supérieur. […] Le second est en général supérieur au premier dans l’invention des caractères : Agamemnon, Achille, Oreste, Mithridate, Acomat, sont fort au-dessus des héros de l’Énéide.

183. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Il est vrai que cette compréhension ne se révèle qu’aux âmes extrêmement sensibles, aux intelligences douées d’une pénétration supérieure ! […] Toute œuvre d’art véritablement supérieure porte en elle ce caractère impérieux. […] Il se savait supérieur à eux ; il ne souffrit jamais l’atteinte, même la plus légère, à sa dignité d’homme ou à sa fierté d’artiste. […] Qui sait quel serait l’effet qu’il ferait aux yeux d’un juge supérieur de goût ? […] Richard Wagner, conseiller supérieur d’église.”

184. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Ou bien le prolétariat porte en lui la force de fonder une société nouvelle et elle ne peut être que supérieure à celle qu’il aura renversée. […] La Science en était une autre et combien supérieure ! […] « Ce qui manque aux dégénérés supérieurs, c’est la continuité, la logique, l’unité de direction. […] Il siège au Conseil supérieur de la guerre. […] Est-ce un hasard qui a rassemblé au bas de cet escalier ces cinq personnages, tous supérieurs, mais si différents de gloire et de destinée ?

185. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

À l’exception d’Hamlet, qui échappe à toute définition par son extrême complexité, les caractères virils me semblent de beaucoup supérieurs aux figures féminines. […] Je crois que les Ioniens et les Latins possédaient deux idiomes bien supérieurs aux langues modernes en richesse, en clarté et en précision. […] Il y a ici un éclat et un mouvement lyriques très supérieurs à tour ce qu’on admire dans les Méditations. […] Comme le labeur intellectuel lui est odieux et qu’il n’est avide que de distractions rapides et superficielles, toute conception supérieure lui reste inaccessible. […] Moïse est de beaucoup supérieur à Éloa.

186. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Ils étaient, peut-être, d’une classe légèrement supérieure à celle des La Fontaine, car les Pidoux ont constitué une dynastie de maires de Poitiers ; mais c’étaient des bourgeois comme les La Fontaine. […] J’insiste sur ce détail-là, car La Fontaine en parle dans son Voyage en Limousin, et cela n’est pas sans intérêt, parce qu’il est possible, il est même à peu près certain que La Fontaine tint pour un peu plus de sa mère que de son père, comme il paraît que cela est arrivé pour beaucoup d’hommes supérieurs. […] Je ne m’étendrai pas en considérations sur ce point ; je crois bien, seulement, que les esprits tout à fait supérieurs le sont déjà à l’état latent, en quelque manière, à l’état inconscient surtout, dans leur enfance, et qu’une éducation qui ne peut être faite que pour une moyenne, qui vise toujours une moyenne (Nietzsche a des considérations très intéressantes là-dessus), déplaît comme fatalement à l’homme qui sera plus tard un homme supérieur. […] Seulement il y avait quelqu’un de supérieur à Boileau et à La Fontaine, et qui s’appelait le Roi. […] Les grands hommes se mesurent de loin, et ce n’est que lorsque les siècles ont passé qu’ils paraissent tout à fait supérieurs aux La Chambre.

187. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Après sa mort, une lettre du supérieur de la maison professe, le père Martineauk ; un éloge mis en tête de ses Sermons par le religieux qui en fut l’éditeur, le père Bretonneau ; une lettre de M. de Lamoignon, son ami de tous les temps ; un autre hommage plus développé mais du même genre, par une personne de condition, Mme de Pringy, c’est tout ce qu’on a sur Bourdaloue ; et, je le dirai, quand on l’a lu lui-même et considéré quelque temps dans l’esprit qui convient, on ne cherche point sur son compte d’autres particularités, on n’en désire pas : on entre avec lui dans le sens de cette conduite égale, uniforme, qui est le caractère de la prudence chrétienne et le plus beau support de cette saine éloquence ; et l’on répète avec une des personnes qui l’ont le mieux connu : « Ce qui m’a le plus touché dans sa conduite, c’est l’uniformité de ses œuvres. » On ne sait rien ou à peu près rien non plus de la vie de La Bruyère ; mais, à l’égard de ce dernier, le sentiment qu’on apporte est, ce me semble, tout différent. […] Quelques sermons que Bourdaloue eut l’occasion de prêcher pendant qu’il professait la théologie morale, avaient cependant déclaré ce qu’il était avant toute chose, et le succès qu’ils eurent détermina le choix que ses supérieurs firent de lui pour l’appliquer uniquement à la prédication. […] Inférieur à Bossuet qui a cet éclat par lui-même et qui le rencontre dans l’inspiration directe de la pensée, il est supérieur toutefois à ceux qui le poursuivent et qui l’affectent, qui ne sont contents, en parlant des choses de Dieu et des vertus du christianisme, que lorsqu’ils les ont figurées en des termes forcés, singuliers, imprévus, que personne n’avait trouvés jusque-là. […]  » Je ne fais aujourd’hui que courir à travers Bourdaloue en indiquant les points supérieurs par où il rachète et relève cette uniformité qui fut sa vertu, mais qui, à distance, a besoin d’être un peu expliquée pour sa gloire.

188. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Au xviiie siècle, l’excellent peintre de genre, Chardin, semble avoir voulu renouer à eux pour les scènes d’intérieur et la représentation des objets naturels : « C’est là, c’est chez lui, disait Diderot, l’un de ses grands admirateurs, qu’on voit qu’il n’y a guère d’objets ingrats dans la nature, et que le point est de les rendre. » Chardin, qui était, en outre, un homme de beaucoup d’esprit, répandait sur ses reproductions naturelles une qualité que les Le Nain avaient trop négligée ou ignorée, l’agrément : ceux-ci lui restaient supérieurs peut-être par un trait moral plus prononcé, par une bonhomie plus antique. […] Elle n’est pas la même, ajoute-t-il, mais elle part du même principe. » Poussin, dans le touchant ou le grave de ses scènes champêtres ou autres, introduisait un principe supérieur dont les Le Nain ne se doutèrent jamais, je veux dire l’idéal antique, le groupe composé avec harmonie et contraste, un type habituel de beauté romaine, un souvenir des jours d’Évandre et de l’Arcardie : la réalité chez lui était commandée par une vue supérieure et une pensée. […] Il leur est supérieur, mais il n’est pas hors de mesure avec eux.

189. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Quand on dépouille sa personne de toutes ces drôleries anecdotiques qui sont le régal des esprits légers, et qu’on va droit à l’homme et au caractère, on s’arrête avec admiration, avec respect ; on reconnaît dès le premier instant, et à chaque pas qu’on fait avec lui ; un supérieur et un maître, ferme, sensé, pratique, actif et infatigable, inventif au fur et à mesure des besoins, pénétrant, jamais dupe, trompant le moins possible, constant dans toutes les fortunes, dominant ses affections particulières et ses passions par le sentiment patriotique et par le zèle pour la grandeur et l’utilité de sa nation ; amoureux de la gloire en la jugeant ; soigneux avec vigilance et jaloux de l’amélioration, de l’honneur et du bien-être des populations qui lui sont confiées, alors même qu’il estime peu les hommes. […] Doué d’un esprit supérieur, d’un caractère et d’une volonté à l’unisson de son esprit, Frédéric s’est mis au militaire comme il s’est mis à bien d’autres choses, et il n’a pas tardé à y exceller, à en posséder, à en perfectionner dans sa main les instruments et les moyens, bien que ce ne fût peut-être pas d’abord chez lui la vocation d’un génie propre et qu’il n’y fût pas d’abord comme dans son élément. […] Il est inconcevable qu’envisageant tout, comme il le faisait, au point de vue supérieur de l’État et de l’intérêt social, Frédéric ait considéré la religion comme un de ces terrains neutres où l’on peut se donner rendez-vous pour le passe-temps et la plaisanterie des après-dîners. […] Tout à côté des mesures et des calculs dictés par une hardiesse prévoyante, il reconnaît ce qu’il doit à « l’occasion, cette mère des grands événements », et il est soigneux de faire en toute rencontre la part de la fortune : Ce qui contribua le plus à cette conquête, dit-il, c’était une armée qui s’était formée pendant vingt-deux ans par une admirable discipline ; et supérieure au reste du militaire de l’Europe (remarquez l’hommage à son père) ; des généraux vrais citoyens, des ministres sages et incorruptibles, et enfin un certain bonheur qui accompagne souvent la jeunesse et se refuse à l’âge avancé.

190. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

… Dans son morceau sur Milton, dont je reparlerai encore, car il est le morceau tout à fait supérieur des deux volumes publiés jusqu’à présent, ne définit-il pas l’erreur, comme Milton, du reste (mais si les bêtises des gens d’esprit sont plus grandes que celles des sots, que ne sont pas celles des hommes de génie !) […] C’était bien là, du reste, la pensée que devait avoir sur l’erreur l’écrivain qui, en 1827, tirait l’innocence de Machiavel de la culpabilité universelle de son époque, et qui, en 1833, réduisit cette impudente thèse historique en axiome, quand il dit dans son Robert Walpole, innocenté comme Machiavel et encore mieux, car il était whig : « qu’on ne peut pas blâmer un homme de ce qu’il n’est pas supérieur à son siècle par sa vertu… » Certes ! […] Diverses, en effet, et même différentes : supérieures ici, inférieures là, selon les sujets que l’auteur y aborde. […] Or l’écrivain est, dans Macaulay, supérieur encore au critique.

191. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle devint cette petite fourmi, comme elle s’appelle avec une grâce d’humilité délicieuse en une femme qui avait le cœur plus grand que tous les mondes parce que Dieu, en l’habitant, l’avait élargi ; elle devint, non pas uniquement la créature d’élection et de perfection surnaturelle dont le souvenir plane encore sur le monde ému, mais aussi la première, la plus grande, la plus auguste des supérieures d’Ordres, ornée, avec toutes les vertus du Ciel, de toutes les qualités prudentes, politiques, humaines, de la terre ! […] C’est une Blanche de Castille au cloître, mais supérieure à la mère de saint Louis par cela seul qu’elle est restée vierge et n’en fut pas moins mère, — la mère de tous ceux qu’elle enfanta à la vie religieuse et qu’elle éleva pour les cieux ! […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique, exaltée par la Prière, et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour.

192. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Si vous citez de Saint-Marc quelque chose de l’article très-piquant qu’il a fait il y a trois semaines environ, dans les Débats, sur l’ouvrage de M. de Rémusat (Essais de philosophie), article qui a l’air flatteur et qui est bien malicieux, ne dites rien qui ne soit bien pour M. de Rémusat, si généreux sous son scepticisme, si probe, si désintéressé, et (entre nous) si supérieur vraiment à l’autre. […] Le recteur du collége de Nancy n’ayant pas permis à l’abbé Lacordaire d’y venir faire des prédications, l’aumônier a reçu ordre de son supérieur ecclésiastique de quitter cet établissement : pour n’être que provisoire, la mesure n’en est pas moins un défi, une menace, et non plus en paroles seulement.

193. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il ne me manque point de vaisseaux, ni de matelots, ni d’un grand nombre d’officiers de zèle, mais il me manque des chefs qui aient du talent, du caractère et de l’énergie. » Le désir, le besoin de Napoléon eût été de susciter quelque part, dans les rangs trop éclaircis de ses flottes, un grand homme de mer et du premier ordre, qui pût tenir en échec la puissance rivale dans cette moitié flottante de l’empire du monde ; mais un tel génie, à la fois supérieur et spécial, se rencontre quand il plaît à la nature, et ne se suscite pas. […] « Lorsque le tronc est à bas, disait-il encore, les branches meurent. » Revenu à Paris, subordonné à des déterminations supérieures, aux regrets de n’avoir point combattu une dernière fois devant la capitale dans la journée du 30 mars, il quitta la France à la première Restauration.

194. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

C’est dans le cercle resserré d’un petit nombre d’hommes supérieurs, soit par leur éducation, soit par leur mérite, que les règles et le goût du style peuvent se conserver. […] Il n’était pas permis d’étendre cette diversité aussi loin que la nature ; et l’on était contenu par un certain respect envers les classes supérieures, qui ne permettait pas de représenter en elles rien qui pût les avilir.

195. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Mais, comme il avait pourtant une imagination de poète et beaucoup de sincérité, il lui arrivait d’exprimer, avec un accent assez pénétrant, la tristesse de sa solitude morale et la mélancolie d’une âme qui se croit supérieure à sa destinée. […] Alphonse Lemerre me trouvait supérieur à Vauvenargues, et j’ai bien vu que je faisais de l’impression sur les poètes qui venaient chez lui… Mais moi, Seigneur, je sais que, sans vous, je suis plus vil que la poussière des chemins.

196. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

En somme, tradition ou progrès, l’une ne s’établit et l’autre ne se détermine que par la docilité et la crédulité des esprits subalternes, et par la suggestion qu’exercent sur eux quelques esprits supérieurs autour desquels se rangent, en deux camps, les snobs de la nouveauté et les snobs de l’habitude, diversement, mais également dociles, et satisfaits de l’être. […] Ainsi les snobs du commun ont pour guides des façons de snobs inventifs et supérieurs ; et, au point où nous sommes parvenus, le snobisme ne nous apparaît plus que comme un des noms particuliers de l’universelle illusion par laquelle l’humanité dure et semble même marcher.

197. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

Scott et Balzac (Balzac surtout, plus grand que Scott par ce côté) ont inventé des manières si supérieures de couper le jeu et de donner les cartes dans cette fameuse partie d’imagination, qu’après eux la difficulté a pris des proportions qui semblent la rendre invincible. […] En voyant cette nuance si supérieure à tout le reste du livre, nous avons cru qu’il y avait eu deux mains pour l’écrire.

198. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

On ne les aperçoit pas à la façon des personnages idéaux, reculés dans une antiquité lointaine, ou confinés dans un ciel supérieur. […] Aujourd’hui celle société supérieure a perdu l’empire. […] Il oppose la Chambre des représentants, composée d’inconnus et d’intrigants, au Sénat, composé, d’hommes supérieurs et illustres. […] Mais il y a plusieurs formes de l’art, et l’art de George Sand, fondé sur un principe contraire, est aussi d’espèce supérieure. […] Mais, dans cet emploi restreint, il a fait preuve d’une capacité supérieure.

199. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Thiers, nous le savons bien, mais c’est là où conduirait sa théorie historique de l’intelligence supérieure à tout dans le récit des événements humains. L’intelligence, selon nous, n’est ni supérieure ni inférieure dans l’histoire : elle est nécessaire ; mais l’émotion qui fait sentir, la pensée qui fait réfléchir, et la conscience qui fait juger, ne sont ni plus ni moins nécessaires que l’intelligence. […] Ici, comme cela se rencontre souvent en littérature, l’exécution est bien supérieure à la théorie. […] Thiers, est bien supérieure au système. […] Bonne, prodigue et frivole, point belle, mais parfaitement élégante, douée d’un charme infini, elle savait plaire beaucoup plus que les femmes qui lui étaient supérieures en esprit et en beauté.

200. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Certaines espèces appartenant à trois de ces genres (A, F et 1) ont transmis jusqu’aujourd’hui des descendants modifiés, représentés par les quinze genres (a14 à z14) de la ligne horizontale supérieure. […] Une preuve du petit nombre des groupes supérieurs, c’est que la découverte de l’Australie n’a pas ajouté un seul insecte appartenant à un nouvel ordre, et que, d’après les renseignements que je tiens de M.  […] Cependant tous ces organes si divers et destinés à de si différents usages sont formés au moyen d’un nombre infini de modifications d’une lèvre supérieure, de mandibules et de deux paires de mâchoires. […] C’est un fait de haute importance que les organes rudimentaires, tels que les dents de la mâchoire supérieure des Baleines et des Ruminants, s’aperçoivent souvent chez l’embryon, et disparaissent totalement ensuite. […] Agassiz a soutenu habilement cette règle de classification générale selon laquelle les formes terrestres sont toujours plus élevées dans la même classe que les formes aquatiques et les formes d’eau douce supérieures aux espèces pélagiques.

201. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Cet éloge regardait en particulier la morale de l’Auteur, absolument supérieure à sa Métaphysique. […] Le vieux de Troy, qui ne fut guere que portraitiste, admirait les talens du sien dans un genre bien supérieur. […] Il ne fait intervenir qu’à propos les intelligences supérieures. […] Parlerons-nous de Montfleuri, le même qui se croyait, dit-on, fort supérieur à Moliere ? […] Lefranc, Momus Fabuliste, de Fuselier, leur sont peut-être encore supérieurs.

202. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Si la capacité de s’organiser en ruche mesure le degré de civilisation d’un peuple, aucun n’est supérieur au peuple allemand. […] Nous tenons là un exemple très saisissant du mal que peut faire, même à un esprit très supérieur, le contact avec le génie d’un autre pays. […] Aucun de ces peuples n’est essentiellement supérieur à un autre, et de l’un à l’autre l’Impérialisme n’est plus légitime. […] Nous apercevons, derrière ces deux personnalités supérieures, et autour d’elles, une atmosphère ambiante d’idées, de méthodes, d’expériences. […] Mais l’enseignement supérieur peut et doit être affranchi de la tutelle de l’État.

203. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

» Et pourtant, malgré ces entraînements passionnés, téméraires, elle gardait une netteté de vue plus digne de son intelligence supérieure. […] on aime à le croire, et rien dans sa conduite d’alors ne dément l’idée d’une audace clairvoyante, d’une capacité supérieure et applicable. […] Elle aussi se sentait faite pour un rôle actif, influent, multiplié, pour cette scène principale où l’on rencontre à chaque pas l’aliment de l’intelligence et l’émotion de la gloire ; elle aussi, loin de Paris, exilée à son tour de l’existence agrandie et supérieure qu’elle avait goûtée, elle aurait redemandé, mais tout bas, le ruisseau de sa rue de la Harpe. […] Toutes les deux laissent échapper dans leurs récits un enjouement marqué, une verve également méprisante et moqueuse contre les persécuteurs de bas étage dont on les entoure ; elles sont maîtresses, dès qu’il le faut, en ce jeu de l’ironie, arme aisée des femmes supérieures. […] — adieu, cabinets paisibles où j’ai nourri mon esprit de la vérité, captivé mon imagination par l’étude, et appris, dans le silence de la méditation, à commander à mes sens et à mépriser la vanité. » On a voulu, dans ces derniers temps, faire de Mme Roland un type pour les femmes futures, une femme forte, républicaine, inspiratrice de l’époux, égale ou supérieure à lui, remplaçant par une noble et clairvoyante audace la timidité chrétienne, disait-on, et la soumission virginale.

204. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Mais si nous entrons dans cette voie, qui aura le courage de la suivre et s’il faut sacrifier l’inférieur, devra-t-on négliger sa famille pour une famille que l’on juge meilleure, et trahir sa patrie au profit d’une autre nation de civilisation supérieure, sera-ce un devoir strict ? […] Celle-ci peut-être d’ailleurs inférieure ou supérieure à la société réelle. […] Ils repoussent, par elle, toutes les idées, tous les sentiments supérieurs qui les assaillent et qu’ils ne peuvent recevoir. […] Ce qui nous enchante et nous paraît supérieur est encore insuffisant et médiocre. […] Il se rappellera que tout sentiment, tout acte n’est bon ou mauvais que dans des circonstances précises et que sa valeur dépend de ces circonstances ; que le meurtre, par exemple, est quelquefois moralement supérieur à la pitié.

205. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

L’art supérieur, l’art véritable ne commence qu’avec l’introduction du travail et, conséquemment, de la peine dans ce jeu d’abord tout spontané, qui était poursuivi non en vue de la réalisation du beau, mais en vue de l’amusement personnel de l’artiste ou, pour mieux dire, du joueur. […] Ainsi, ayant nous-même admis que l’émotion esthétique supérieure est une émotion sociale, nous accorderons volontiers que l’expression supérieure de la société est la caractéristique de l’œuvre supérieure, mais à la condition qu’il ne s’agisse pas seulement, comme pour M.  […] Spencer a montré que les sociétés primitives, en vertu des lois du progrès sociologique, ne tardent pas à devenir plus hétérogènes, à s’agréger à d’autres pour former une intégration supérieure d’Etats, à se diversifier pour se rassembler en nations, en vastes empires.

206. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Et cette fonction supérieure qui lui est réservée chez la plupart des hommes, à son défaut, d’autres espèces de la pseudo-sensation peuvent la remplir : la parole intérieure est remplacée chez les sourds-muets par des séries d’images visuelles ; chez Laura Bridgmann, la sourde-muette aveugle, par des séries d’images tactiles [ch. […] Mais ces deux fonctions n’épuisent pas l’énergie de la faculté des images ; il faut lui reconnaître un autre rôle encore, inférieur peut-être à celui que lui attribue l’école anglaise, supérieur à coup sur à celui auquel elle était restreinte dans la psychologie classique : parallèlement à la série continue des idées se développe une série continue d’images d’une seule espèce et pures de tout mélange, la série des signes intérieurs ; étroitement liées aux idées qui les accompagnent, les images-signes sont pourtant distinctes et séparables de ces groupes hétérogènes qui sont l’idée même ou la partie empirique de l’idée ; le signe, même intérieur, ne peut donc être confondu avec l’idée. […] Semblable à une statue ailée qui délaisserait son piédestal inutile et s’élèverait dans les airs pour aller puiser dans l’atmosphère une vie nouvelle et supérieure, l’image de la sensation a rompu sans violence avec ses origines matérielles ; appelée par une destinée plus noble, elle s’est tournée vers les régions supérieures de l’être ; désormais elle existe et se maintient, sinon pour et par elle-même, du moins pour et par la seule pensée ; et elle vit alors d’une vie si intense qu’elle peut même, — l’étude du sommeil le montrerait, — être dissociée d’avec la pensée sans subir pour cela un anéantissement passager, comme si l’être ailé, ayant dépassé les limites de l’atmosphère, volait encore d’un vol automatique, soutenu par son impulsion première. […] La parole intérieure considérée comme habitude Pour expliquer cette force étrange, que les origines de la parole intérieure ne pouvaient faire prévoir, il est nécessaire de recourir à des causes d’ordre supérieur.

207. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Venu après Villemain, et supérieur dans son Étude sur Virgile à ce qu’est Villemain dans son Étude sur Pindare, Sainte-Beuve retourna bientôt à la Critique, pour laquelle il n’était pas fait, car il faut à cette Critique les facultés qu’il n’a pas, la solidité, la profondeur, l’impartialité et la justice. Dans sa critique, sans principe d’ailleurs, sans métaphysique, sans absolu, toute de goût et de sensation comme celle de Villemain, Sainte-Beuve, il faut le reconnaître, est encore supérieur à Villemain, qui ne fut jamais qu’un humaniste plus ou moins vernissé par l’Université, tandis que lui, Sainte-Beuve, est un talent qui existait par lui-même, et ce talent nous allons le juger à distance des tapages d’une mort qui, si on se le rappelle, fut un événement. […] Mais il n’était rien de plus, et quoique cela fût, cela n’était pas le critique, car le critique conclut d’après une idée supérieure à ce qu’il vient de décrire, d’analyser, de disséquer… Et puis, je l’ai dit déjà, le critique est le Stator suprême… S’il revient sur son jugement, ce n’est plus un juge : c’est un pauvre homme qui s’est trompé. […] Seulement, prenez bien garde que cette partie supérieure du Port-Royal n’est nullement de la critique, mais une étude d’histoire très bien faite dans un espace de temps assez étroit. […] C’est un Trissotin… supérieur, oui !

208. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

La différence vient uniquement de ce que un corps brut se trouve dans le milieu extérieur et commun, tandis que les éléments des organismes supérieurs baignent dans un milieu intérieur et perfectionné, mais doué de propriétés physico-chimiques constantes, comme le milieu extérieur. […] Ils n’avaient soif que de liliales puretés dans l’univers, et dans l’homme, ils sacrifiaient hardiment le corps aux facultés supérieures. […] Il a négligé par suite de voir l’homme dans sa totalité et dans son ensemble, dans sa conscience supérieure comme dans son instinct. […] Il est impossible actuellement de ne pas posséder une notion singulièrement plus large du déterminisme vital et cosmique, conception qui est appelée à devenir la synthèse supérieure des deux termes anciens, si longtemps opposés l’un à l’autre : déterminisme, liberté. […] Je crois qu’Emile Zola pourrait méditer longuement et avec profit ces quelques lignes du poète américain Walt Whitman, cette vérité des vérités dont la révélation suffirait à la gloire d’un homme : En acceptant joyeusement de marcher sous la conduite de la science moderne, je n’en reconnais pas moins un fait supérieur à tous les faits quelle peut mettre en lumière.

209. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Avec quelle application l’inférieur n’a-t-il pas essayé, en tout temps, de ressembler extérieurement au supérieur — le supérieur de se distinguer extérieurement de l’inférieur95 ! […] Dans les sociétés où le travail se divise, les inférieurs ne tardent pas à crier aux supérieurs : « Que deviendriez-vous sans nous ?  […] Topinard 131, l’inégalité de ces différences mêmes peut tenir à l’inégalité des séries de crânes comparées, et il est encore impossible d’affirmer « que les variations individuelles soient moins étendues dans les races inférieures que dans les races supérieures ». […] Les temps sont passés où sans hésitation, du premier coup d’œil, on reconnaissait à la taille, à la couleur des yeux ou des cheveux, les supérieurs et inférieurs.

210. (1864) Études sur Shakespeare

Malheureusement, parmi les hommes supérieurs, Shakespeare est un de ceux dont la vie, à peine observée par ses contemporains, est demeurée le plus obscure pour les générations suivantes. […] L’Allemagne a eu ses minnesingers, la France ses trouvères et ses troubadours ; mais ces gracieuses apparitions de la poésie naissante montèrent rapidement vers les régions supérieures de l’ordre social, et tardèrent peu à s’évanouir. […] Supérieur à tout par la raison, accessible à tout par la sympathie, il ne voit rien qu’il ne le juge, et il le juge parce qu’il le sent. […] Quelquefois même de longs espaces de temps sont nécessaires pour que la révolution qu’a commencée un homme supérieur accomplisse son cours et ramène vers lui le monde. […] Ce n’est point là l’œuvre du poëte appelé à la puissance et réservé à la gloire ; il agit sur une plus grande échelle et sait parler aux intelligences supérieures comme aux facultés générales et simples de tous les hommes.

211. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Quelle est donc cette puissance supérieure à Jupiter, à Pluton, à toutes les Divinités de l’Olympe et de l’Hadès ? […] Mais la Cité romaine était une divinité antérieure et supérieure à tous ses grands hommes. […] Stephano, Trinkale, Pistol et le héros entre tous, Falstaff, sont bien supérieurs à leur propre personnage. […] Mais en même temps, et c’est surtout par là que le héros de Cervantes est éminemment comique, Don Quichotte est un homme supérieur. […] L’imagination se représente objectivement les lois divines et les puissances de l’âme comme formant le cercle des divinités supérieures.

212. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Et toujours la même question se pose : pourquoi disons-nous d’une intensité supérieure qu’elle est plus grande ? […] C’est cette sympathie mobile, toujours sur le point de se donner, qui est l’essence même de la grâce supérieure. […] Cette aspiration douloureuse a d’ailleurs son charme, parce qu’elle nous grandit dans notre propre estime, et fait que nous nous sentons supérieurs à ces biens sensibles dont notre pensée se détache momentanément. […] Nous accordons qu’une acuité supérieure de son évoque l’image d’une situation plus élevée dans l’espace. […] L’expérience nous a appris qu’il fallait attribuer à une puissance supérieure de la cause cette sensation affective, prélude de l’éblouissement, que nous éprouvons dans certains cas.

213. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Robertson, qui l’attendait avec quelque crainte au règne de Julien, le félicite d’avoir si bien touché et caractérisé, dans ce fameux exemple, ce mélange bizarre de fanatisme païen et de fatuité philosophique associés aux qualités d’un héros et d’un esprit supérieur. […] Je serais fort aise d’avoir plusieurs connaissances comme lui ; car, à tout prendre, il est supérieur à presque tous les gens avec qui je vis. […] Il était entré au Parlement dans des vues très positives et qu’il ne farde pas : Vous n’avez pas oublié, écrivait-il quelques années après à un de ses amis de Suisse, que je suis entré au Parlement sans patriotisme, sans ambition, et que toutes mes vues se bornaient à la place commode et honnête d’un Lord of trade (membre du Conseil supérieur de commerce). […] Son ami lord Sheffield lui a élevé le monument le plus digne et le plus durable en publiant ses Mémoires et ses lettres ; on y devine que la conversation de Gibbon était, en effet, supérieure en intérêt et en charme à ses écrits, et qu’en lui le lettré profond et accompli ne se séparait pas de l’homme de société le plus agréable.

214. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

lui écrivait-il de Marseille le 30 décembre 1785, vous me paraissez avoir beaucoup gagné depuis un an, et vos derniers vers, ainsi que votre dernière lettre, sont d’un ton bien supérieur à tout ce qui a précédé. […] Sans doute, si l’on prend chaque pièce en particulier, si l’on oppose l’original à la traduction, on trouvera aisément à triompher et à se donner l’air d’un connaisseur très expert et très supérieur en poésie. […] Mais le grand homme, dont le propre est de connaître les hommes mieux souvent qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, a distingué en lui, sous l’enveloppe modeste, une capacité supérieure qu’il ne craint pas de forcer et d’élever tout entière jusqu’à lui. […] À ces conseils littéraires il en joignait un supérieur, et qui est de morale sociale : « Vous êtes heureux d’avoir embrassé un état qui vous donne du loisir.

215. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] Tout ce qui a sa poésie demande à être exprimé dans une langue supérieure à la langue usuelle, expression des choses ordinaires. […] Fénelon, rappelé à Paris par l’archevêque, M. de Harlay, fut nommé, malgré sa jeunesse, supérieur des Nouvelles-Converties au catholicisme, dont les persécutions de Louis XIV avaient multiplié le nombre à Paris. […] Ce livre, bien supérieur à l’Émile, de Jean-Jacques Rousseau, n’est point l’utopie, mais la pratique raisonnée d’une éducation domestique pour l’époque où Fénelon écrivait.

216. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

L’ensemble du profil, ajoute le même Meister, se distinguait par un caractère de beauté mâle et sublime ; le contour de la paupière supérieure était plein de délicatesse ; l’expression habituelle de ses yeux, sensible et douce ; mais, lorsque sa tête commençait à s’échauffer, on les trouvait étincelants de feu. […] Ce faire étonnant, qui est la condition sans laquelle l’idée elle-même, après tout, ne peut vivre, cette exécution à part et supérieure qui est le cachet de tout grand artiste, quand Diderot la rencontre chez l’un d’eux, il est le premier à la sentir et à nous la traduire par des paroles étonnantes aussi, singulières, d’un vocabulaire tout nouveau dont il est comme l’inventeur dans notre langue. […] Le chef-d’œuvre proprement dit, la pièce achevée, définitive et complète, où le goût donne la mesure du mouvement et du sentiment, n’est pas son fait : la qualité supérieure, partout diffuse chez lui, n’est concentrée nulle part, nulle part encadrée et nettement rayonnante. […] Goethe, toujours plein d’une conception et d’une ordonnance supérieures, a essayé d’y trouver un dessin, une composition, une moralité : j’avoue qu’il m’est difficile d’y saisir cette élévation de but et ce lien.

217. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Fontenelle, dans le Dialogue entre Socrate et Montaigne, la touchait en quelques traits supérieurs et comme aurait pu faire un Saint-Évremond. […] Flourens a si bien fait ressortir les parties supérieures. […] Ce portrait de Fontenelle par La Bruyère est pour nous une grande leçon : il nous montre comment un peintre habile, un critique pénétrant, peut se tromper en disant vrai, mais en ne disant pas tout, et en ne devinant pas assez que, dans cette bizarre et complexe organisation humaine, un défaut, un travers et un ridicule des plus caractérisés n’est jamais incompatible avec une qualité supérieure. […] Totalement dénué de la forme poétique idéale supérieure et de cette richesse des sens qui en est d’ordinaire l’accompagnement et l’organe, il parle de la poésie en toute occasion comme ferait son ami La Motte, c’est-à-dire comme un aveugle des couleurs.

218. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Dans la préface qu’il mit à cette dernière traduction, il s’exprime en homme tout à fait maître du sujet, et il expose d’une manière claire, supérieure et presque piquante, les querelles qui s’étaient élevées à propos de l’invention de ce calcul de l’infini. […] Quand il parle des animaux, c’est toujours des animaux plus ou moins analogues à l’homme, des animaux vertébrés d’un ordre supérieur. […] Buffon ne voudrait pas réduire l’homme au bonheur stupide des animaux, mais il voudrait l’élever par la raison à un état de félicité supérieure. […] À la manière dont il parle « de cet horrible dégoût de soi-même, qui ne nous laisse d’autre désir que celui de cesser d’être », on voit que si cette âme calme et supérieure n’a jamais été atteinte du mal des Rousseau, des Werther et des futurs René, elle n’a pas été sans le reconnaître et sans le dénoncer à sa source : « Dans cet état d’illusion et de ténèbres, dit-il, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir. » Le vrai sage, selon lui, est celui qui sait maîtriser ces fausses prétentions et ces faux désirs : Content de son état, il ne veut être que comme il a toujours été, ne vivre que comme il a toujours vécu ; se suffisant à lui-même, il n’a qu’un faible besoin des autres, il ne peut leur être à charge ; occupé continuellement à exercer les facultés de son âme, il perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de nouvelles connaissances, et se satisfait à tout instant sans remords, sans dégoût, il jouit de tout l’univers en jouissant de lui-même.

219. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Cela est si vrai quant à la pensée et à la langue, que, lorsque les Mémoires de Retz parurent, une des raisons qu’alléguèrent ou que bégayèrent contre leur authenticité quelques esprits méticuleux, c’était la langue même de ces admirables Mémoires, cette touche vive, familière, supérieure et négligée, qui atteste une main de maître et qui choquait ceux qu’elle ne ravissait jamais. […] Ce ne serait pas la première fois qu’une nature supérieure se serait transformée en s’emparant du pouvoir et en l’exerçant ; et même on n’est tout à fait supérieur qu’à cette condition d’avoir en soi ce qui transforme et renouvelle, ce qui suffit à toutes les situations grandes. […] J’ai voulu glisser cette réserve parce que j’admire toujours à quel point les natures étroites et négatives sont empressées de dire à tout génie supérieur : « Tu n’as fait que ceci dans ta vie jusqu’à présent ; la fortune t’a empêché de t’essayer dans une plus large et plus ouverte carrière, donc tu n’aurais pu faire autre chose. » Ces gens-là ont besoin, de temps en temps, de recevoir quelques démentis comme celui que leur donne, par exemple, un Dumouriez aux défilés de l’Argonne.

220. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Devenu associé et l’un des chefs d’une maison de banque, il fit preuve, dans ses spéculations diverses, d’une sagacité supérieure et d’un esprit de combinaison que récompensa la fortune. […] Il y avait dans son tempérament un fond de méditation inactive, de calme supérieur et de paresse, dont il ne triomphait qu’à l’aide des mobiles les plus élevés, et par l’amour passionné qu’il nourrissait pour la noble louange. […] Il vengeait encore les négociants et leur finesse de coup d’œil supérieure à la théorie, dans un mémoire écrit au nom de la même Compagnie, et par lequel il répondait à un écrit de l’abbé Morellet (1769). […] Pour donner idée de Colbert, il croyait nécessaire de tracer auparavant l’idéal d’un administrateur des finances, et il amenait cette sorte de description générale et abstraite, à l’aide d’une raison des plus subtiles : Pour faire admirer un grand ministre, quelque supérieur qu’il soit, il faut encore user d’adresse avec la faiblesse et la malice humaines ; il faut peut-être présenter ses qualités séparées de son nom et de sa personne ; car les plus grandes perfections cessent de nous étonner quand nous les contemplons dans un homme : le rapport physique que nous nous sentons avec lui détruit notre respect, et nous ne croyons point à la grandeur de ce qui nous ressemble.

221. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Tourguénef a même fort peu des mérites externes de nos livres supérieurs. […] Enfin il l’a magistralement repris dans Terres vierges, sans un oubli de détail, avec une pénétration psychologique, une maturité d’art, qui mettent ce livre du petit nombre des romans supérieurs du siècle ; l’atrophie éclate avec tous ses symptômes définis ; elle mine peu à peu les conditions premières de la vie et finit par détruire fatalement l’organisme, qu’elle ravage. […] Ils sont de véritables recueils de vies humaines, ne défendent guère de thèse, ne généralisent ni ne déforment en vue de quelque effet esthétique supérieur, et à part le choix qu’ils font dans notre espèce, d’êtres particulièrement retors, compliqués et nuancés, n’ont d’autre but et d’intérêt que de donner à deviner quelqu’une de ces variables créatures aussi complètement et aussi artistement que cela se peut. […] Ses livres ont la qualité, absente aujourd’hui de presque toutes nos œuvres supérieures, de ne point être durs à l’homme.

222. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola, comme ceux de tout grand réaliste, possèdent une vérité supérieure. […] Clorinde Balbi a une nature courtisane, mystérieuse, supérieure et baroque. […] Zola, s’ils comptent un nombre considérable d’êtres bas, infimes, incomplets, malades ou rudimentaires, ne comprennent aucune des âmes supérieures et choisies, complexes, délicates et rares, que montrent les hauts romanciers. […] Il semble qu’en toutes ces occasions, M. ola touche aux spectacles prétendus honteux, en vertu de droits supérieurs, comme accomplissant une mission de grand révélateur de la vie, chargé d’en découvrir les sources charnelles.

223. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Sur la terrasse encore, au pied du même massif, un peu plus sur le fond que le groupe précédent, une femme morte, les pieds étendus du côté de l’homme convulsé, la face tournée vers le ciel, toute la partie supérieure de son corps nue, son bras gauche étendu à terre et entouré d’un gros chapelet, ses cheveux épars, sa tête touchant au massif. […] Du reste, le nuage épais qui s’étend sur le haut de vos bâtimens est très-vaporeux ; et toute cette partie supérieure de votre composition est affaiblie, éteinte avec beaucoup d’intelligence. […] Il n’en est pas ainsi de la partie inférieure ou de la terrasse, ni de la partie vaporeuse et supérieure. […] Quoique la partie supérieure de son tableau n’aille pas de pair avec l’inférieure, la gloire cependant est soignée, contre l’usage, qui la néglige ordinairement, hic quoque sunt superis sua jura ; et le tout rappelle bien mon épigraphe : multaque in rebus acerbis… etc. le besoin que Doyen et Vien ont senti de retoucher leurs tableaux en place doit apprendre aux artistes à se ménager dans l’attelier la même exposition, les mêmes lumières, le même local qu’ils doivent occuper.

224. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Si supérieure qu’elle puisse être, en réalité, cette forme non plus n’a pas échappé à la double influence qui lutte dans le poète, — la spontanéité et le parti pris. […] Mais quelle imagination supérieure ! […] supérieur peut-être aux martyrs de Dieu par la souffrance ; car les martyrs de Dieu ont l’extase qui les arrache à leurs bourreaux, en leur entr’ouvrant le ciel sur la tête, et qui peut miraculeusement changer leurs brasiers en des lits de roses, tandis que pour ces simples Déchirés de la vie à l’inspiration éternelle, des roses, de la masse de roses qui fleurissent dans leurs esprits et qu’ils sèment pour nous dans leurs œuvres, pas une seule ne tombe sur leur lit de douleur pour en atténuer la flamme, et il reste pour eux impitoyablement un lit de feu… Oui ! […] Aussi passa-t-il quatre-vingts ans à se droguer, vivant de café, de médecines et de clystères, dont il parlait souvent, comme Scarron, et dont il tirait des effets d’une bonhomie ou d’une hypocrisie comique… Mais ces maux qui ne tuèrent pas Voltaire, tandis que Henri Heine est mort des siens, sont aussi différents des maux de Heine que sa pâle poésie est différente de la poésie du grand poète allemand, lequel reste supérieur à Voltaire autant par la beauté de son génie poétique que par la sincérité tragique de ses douleurs.

225. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Lasserre, est l’œuvre d’un seul, mais que je n’hésite pas à ranger parmi les esprits supérieurs de ce temps, qui en a si peu. […] De cela seul qu’il est plus chrétien qu’eux, l’auteur de l’Homme est, d’emblée, et par le fond même des choses, supérieur à ces trois moralistes au cœur sec, qui regardent la société du haut de leur moi, et qui n’en ont guères peint que les surfaces. […] V Le livre d’Ernest Hello intitulé : Physionomies de Saints, n’est pas un livre de l’ordre littéraire accoutumé, mais d’un ordre littéraire spécial, supérieur, transcendant. […] Malgré tout ce que je reconnais de supérieur et d’étonnant dans son livre, j’attendais plus encore de cet intuitif de regard et de cet artiste de main que des physionomies.

226. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Cousin, infatigable et de plus en plus meneur dans tous les sens, a donné les lettres du Père André qu’il avait déjà publiées dans le Journal des Savants : ce Père André est un jésuite qui fut persécuté par ses supérieurs parce qu’il se montrait un peu cartésien dans son enseignement. Il était connu jusqu’ici par un traité Sur le Beau, agréable, élégant, mais qui n’a rien de supérieur.

227. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Nous estimons trop l’Université de France, nous avons une trop haute idée des esprits supérieurs, des maîtres illustres qu’elle a produits et qu’elle possède, et de ceux, plus jeunes, qui aspirent à les continuer, pour ne pas exprimer ici ce que nous croyons la vérité : l’Université n’a pas été sans préjugés et sans prévention dans l’étude du grec ancien et à l’égard de la Grèce moderne. […] Dans le cas présent toutefois, il y a une pensée supérieure qui doit dominer.

228. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Bref, c’est l’humanité supérieure qui fait sa rentrée dans l’œuvre de Maupassant ; et l’humanité supérieure est faite, en somme, de tout l’idéalisme du passé et de ses plus nobles rêves ; et les décrire ainsi et de ce ton, ce n’est peut-être pas y croire, mais ce n’est plus les répudier.

229. (1890) L’avenir de la science « XX »

Michelet, qu’il y a chez le peuple une sève vraie et supérieure en un sens à celle de la plupart des poètes aristocratiques. […] Quant aux écrits sociaux et philosophiques, où la forme est moins exigeante qu’en littérature, les ouvriers y déploient souvent une intelligence supérieure à celle de la plupart des lettrés.

230. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

La plupart des Grands, sans en excepter les Princes, semblables à ces arbres nés dans le silence, & accrus à l’ombre des forêts, vivent & meurent sans que leur existence & leur chute fassent une sensation & un vide dans le monde : il n’en est pas de même de l’homme qui a su se rendre utile par ses lumieres ou ses talens ; il est connu par-tout où ses Ouvrages pénetrent ; & plus ou moins honoré de ses Contemporains, selon qu’il s’est montré plus ou moins supérieur dans le genre qu’il a embrassé, il peut se flatter d’exister encore avec honneur dans la mémoire des générations futures. […] Un des caracteres distinctifs de la beauté & de la bonté de l’ame d’un homme revêtu d’une autorité [qui ne peut être qu’une subdivision d’une autorité supérieure], c’est d’exercer cette autorité sans dureté, sans orgueil, & sur-tout sans personnalité.

231. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Milton, quoi qu’on en dise, est toujours Milton, un génie supérieur à tous ses critiques, l’homme le plus fait pour aggrandir les idées des autres hommes. […] Mais, quelque mauvaise que fût sa prose, elle étoit encore supérieure à celle de son antagoniste.

232. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Quoique le grand Corneille soit generalement parlant bien supérieur à Rotrou, n’y a-t-il point plusieurs tragédies de Corneille, je n’en ose dire le nombre, qui perdroient le prix contre le Venceslas de Rotrou, au jugement d’une assemblée équitable. De même, quoique Menandre eut fait quelques comédies qui le rendoient supérieur à Philemon, un poëte dont les pieces gagnerent souvent le prix sur celles de Menandre, ne se peut-il pas que Philemon en eut fait plusieurs qui méritassent mieux le prix que certaines comédies de Menandre ?

233. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Qu’il nous menace, tant qu’il voudra, maintenant, de sa critique contre les premiers temps du Christianisme, il ne trouvera jamais de sujet d’un scandale supérieur à la Vie de Jésus qu’il nous a donnée. […] je suis bien obligé de dire que ce roman de Mademoiselle de la Quintinie, de madame George Sand, n’est pas de beaucoup supérieur dans son genre à celui d’Octave Feuillet dans le sien.

234. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

D’un jeune provincial infiniment estimable et aimable par sa gravité et son sens de la haute moralité, mais, ces qualités-là, il devait les témoigner peu après, avec une force lyrique et une exaltation tout à fait supérieures, dans un volumineux essai sur l’Avenir de la Science, qui dispense des préliminaires qu’on nous communique aujourd’hui.‌ […] L’amateur est supérieur au professionnel parce qu’il a l’esprit libre.

235. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

» Parce qu’il conçut un jour des désirs supérieurs à son état et dont la réalisation exigea le travail, l’entente et la subordination des volontés individuelles. […] Ici les plus fortes tentations qui puissent naître des passions et des sens, la conscience les dépasse et les dissipe par quelque sentiment supérieur qu’elle tire de son fonds comme par miracle. […] De son union avec l’orgueil naît l’expédient vital de se, faire accepter et admirer des hommes comme la victime d’une destinée supérieure. […] Quel homme supérieur de son époque (Goethe fut le plus réfractaire) n’a-t-elle pas stimulé à se déployer pour elle ? […] Il se flattait de peindre un esprit étranger et supérieur aux principes, aux convenances et aux sentiments de l’état social.

236. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Ayant manié la machine, ils savent comment elle joue, ce qu’elle vaut, ce qu’elle coûte, et ne sont point tentés de la jeter au rebut, pour en essayer une autre qu’on dit supérieure, mais qui n’existe encore que sur le papier. […] Qu’est-ce qu’un cercle où la haute politique et la critique supérieure ne sont point admises ? […] Elle est une sorte d’opéra supérieur où défilent et s’entrechoquent, tantôt en costume grave, tantôt sous un déguisement comique, toutes les grandes idées qui peuvent intéresser une tête pensante. […] Y a-t-il à Versailles un courtisan qui refuse de décréter l’égalité dans Salente   Entre les deux étages de l’esprit humain, le supérieur où se tissent les raisonnements purs et l’inférieur où siègent les croyances actives, la communication n’est ni complète ni prompte. Nombre de principes ne sortent pas de l’étage supérieur ; ils y demeurent à l’état de curiosités ; ce sont des mécaniques délicates, ingénieuses, dont volontiers on fait parade, mais dont presque jamais on ne fait emploi.

237. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

La raison de cette apparente contradiction réside dans la séparation presque absolue qu’ils établirent entre l’âme et le corps, entre la métaphysique et la physique : l’âme est, pour headartes, le principe supérieur qui se manifeste par la pensée ; la vie n’est qu’un effet supérieur des lois de la mécanique. […] De sorte que j’ai lieu de croire que dans les conditions indiquées ce point marque la limite supérieure de la germination. […] On y trouve en effet des muscles, des nerfs, des ganglions nerveux, des glandes, des œufs, tous les tissus en un mot qui constituent les organismes supérieurs (voy. […] Tous ces êtres subissent la vie oscillante, mais pour les animaux supérieurs, appelés animaux à sang chaud, la température compatible avec les manifestations de la vie est étroitement fixée. […] Un muscle en activité produit une quantité d’acide carbonique supérieure à la quantité d’oxygène absorbée dans le même temps.

238. (1888) Portraits de maîtres

Comme Ossian, il combine le vague, qui est un défaut, avec le sentiment de l’infini qui en poésie est un don supérieur. […] En poésie Lamartine a rencontré un maître après lequel il reste le plus grand ; en prose il n’a que peu d’égaux et pas de supérieur. […] Et quiconque a le cœur en partage est par là même bien supérieur au grand nombre de gens qu’aucune émotion n’a jamais fait vibrer. […] Composer, savoir composer, nous représente une des qualités supérieures de l’écrivain. […] Malgré l’appui de Villemain, Quinet attendit huit ans la chaire d’enseignement supérieur qui lui était promise et due.

239. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

C’est Homère qui caractérise la première époque de la littérature grecque : pendant le siècle de Périclès, on remarque les rapides progrès de l’art dramatique, de l’éloquence, de la morale et les commencements de la philosophie : du temps d’Alexandre, une étude plus approfondie des sciences philosophiques devient l’occupation principale des hommes supérieurs dans les lettres. […] Homère, quelque grand qu’il soit, n’est point un homme au-dessus de tous les autres hommes, ni seul au milieu de son siècle, et de plusieurs siècles supérieurs au sien. […] Maintenant la médiocrité toute puissante force les esprits supérieurs à se revêtir de ses couleurs effacées.

240. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Dans les situations communes de la vie, on se fait illusion sur son propre mérite ; mais un sentiment actif fait découvrir à l’ambitieux la mesure de ses moyens, et sa passion l’éclaire sur lui-même, non comme la raison qui détache, mais comme le désir qui s’inquiète ; alors, il n’est plus occupé qu’à tromper les autres, et pour y parvenir, il ne se perd pas de vue ; l’oubli d’un instant lui serait fatal, il faut qu’il arrange avec art ce qu’il sait, et ce qu’il pense, que tout ce qu’il dit ne soit destiné qu’à indiquer ce qu’il est censé cacher : il faut qu’il cherche des instruments habiles, qui le secondent, sans trahir ce qui lui manque, et des supérieurs pleins d’ignorance et de vanité, qu’on puisse détourner du jugement par la louange ; il doit faire illusion à ceux qui dépendent de lui par de la réserve, et tromper ceux dont il espère par de l’exagération. […] La pensée d’un ambitieux est constamment tendue à la recherche des symptômes d’un talent supérieur ; il éprouve tout à la fois et les peines de ce travail et son humiliation ; et pour arriver au terme de ses espérances, il doit constamment réfléchir sur les bornes de ses facultés. Si vous supposez, au contraire, à l’homme ambitieux un génie supérieur, une âme énergique, sa passion lui commande de réussir ; il faut qu’il courbe, qu’il enchaîne tous les sentiments qui lui feraient obstacle ; il n’a pas seulement à craindre la peine des remords qui suivent l’accomplissement des actions qu’on peut se reprocher, mais la contrainte même du moment présent est une véritable douleur.

241. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

La vanité règne quelquefois à l’insu même du caractère qu’elle gouverne ; jamais du moins sa puissance n’est publiquement reconnue par celui qui s’y soumet : il voudrait qu’on le crût supérieur aux succès qu’il obtient, comme à ceux qui lui sont refusés ; mais le public, dédaignant son but, et remarquant ses efforts, déprise la possession, en rendant amère la perte. […] il a vieilli dans les affaires sans y prendre une idée, sans atteindre à un résultat, cependant il se croit l’esprit des places qu’il a occupées ; il vous confie ce qu’ont imprimé les gazettes ; il parle avec circonspection même des ministres du siècle dernier ; il achève ses phrases par une mine concentrée, qui ne signifie pas plus que les paroles ; il a des lettres de ministres, d’hommes puissants, dans sa poche, qui lui parlent du temps qu’il fait, et lui semblent une preuve de confiance ; il frémit à l’aspect de ce qu’il appelle une mauvaise tête, et donne assez volontiers ce nom à tout homme supérieur ; il a une diatribe contre l’esprit à laquelle la majorité d’un salon applaudit presque toujours, c’est, vous dit-il, un obstacle à bien voir que l’esprit, les gens d’esprit n’entendent point les affaires. […] La vanité des hommes supérieurs les fait prétendre aux succès auxquels ils ont le moins de droit ; cette petitesse des grands génies se retrouve sans cesse dans l’histoire ; on voit des écrivains célèbres ne mettre de prix qu’à leurs faibles succès dans les affaires publiques ; des guerriers, des ministres courageux et fermes, être avant tous flattés de la louange accordée à leurs médiocres écrits ; des hommes, qui ont de grandes qualités, ambitionner de petits avantages : enfin, comme il faut que l’imagination allume toutes les passions, la vanité est bien plus active sur les succès dont on doute, sur les facultés dont on ne se croit pas sûr ; l’émulation excite nos qualités véritables ; la vanité se place en avant de tout ce qui nous manque ; la vanité souvent ne détruit pas la fierté ; et comme rien n’est si esclave que la vanité, et si indépendant, au contraire, que la véritable fierté, il n’est pas de supplice plus cruel, que la réunion de ces deux sentiments dans le même caractère.

242. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Il en est de même pour les mots trois, quatre ; cela est plus difficile pour les mots cinq, six ; la difficulté va croissant pour les nombres supérieurs, et il y a toujours un chiffre plus ou moins élevé où tout esprit s’arrête ; nous ne pouvons pas percevoir ou nous représenter distinctement ensemble au-delà d’un certain nombre de faits ou d’objets ; d’ordinaire, c’est cinq ou six, plus souvent quatre. — Pour remédier à cet inconvénient, nous négligeons le groupe qui correspond au mot ; nous ne donnons plus d’attention qu’au mot substitut ; après avoir vu ensemble quatre objets, nous les oublions pour ne plus songer qu’au mot quatre, et nous pouvons les oublier, parce que plus tard, revenant sur le mot et appuyant dessus, nous les reverrons intérieurement, sans méprise ni confusion. […] Arithmétique, algèbre, géométrie, géométrie analytique, mécanique, calcul supérieur, toutes les propositions des sciences mathématiques sont des substitutions. […] Mais, au bout d’un temps, celles-ci ne nous frappent plus ; n’étant plus nouvelles, elles ne sont plus singulières ; n’étant plus singulières, elles ne sont plus remarquées ; dès lors, dans le manuscrit comme dans l’imprimé, il nous semble que nous ne suivons plus des mots, mais des idées pures. — On voit maintenant pourquoi, dans nos raisonnements et dans toutes nos opérations supérieures, le mot, quoique présent, doit paraître absent.

243. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

On ne peut tout étaler ; il est légitime de choisir, entre les intérêts divers, celui qui nous paraît essentiel ou supérieur. […] Dans tous les examens, primaires, secondaires, supérieurs, l’explication française avait pris peu à peu sa place. […] Qu’il s’agît du brevet supérieur, de la licence, de l’agrégation, du certificat des jeunes filles, de l’entrée à l’École Normale de la rue d’Ulm ou à celle de Sèvres, l’exercice de l’explication française devint l’épreuve importante et décisive où la culture française du candidat se jugea7.

244. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Or, Jules Janin, tête sans métaphysique supérieure, ayant le bon sens et le discernement mais sans haute portée et sans grande profondeur, se vengeant de cette médiocrité par une imagination adorablement colorée et par la plus vive sensibilité d’écrivain, n’avait ni cette fermeté de jugement, ni cette connaissance des lois de l’esprit, ni ces principes qui constituent la Critique et son mâle génie. […] Et on le vit bien, quand il fit ce chef-d’œuvre de style qui s’appelle La Fin d’un Monde ou la suite du Neveu de Rameau, dans lequel ce fils de Diderot — il l’était — se montra égal, si ce n’est supérieur, à son père ! […] S’il avait été, de hauteur de pensée, supérieur à l’homme de lettres, s’il avait été un critique, il aurait méprisé l’Académie.

245. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Premièrement, d’où sait-on que le lien entre l’ordre mécanique et les ordres supérieurs est lâche et susceptible de ruptures ? […] En mécanique, on considère une force qui conserve toujours la même nature et la même qualité ; en physique, au contraire, la qualité diffère ; le travail est d’une qualité supérieure à la chaleur ; la chaleur à 100° est d’une qualité supérieure à la chaleur à 99°. […] A beaucoup d’entre nous le mouvement paraît supérieur au repos. […] Pour rendre possibles des facultés supérieures, les cellules se sont différenciées et ont acquis des structures compliquées. […] Comme les espèces présentent une stabilité et une harmonie frappantes, elles doivent dépendre de principes supérieurs à la matière.

246. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Bossuet l’évita en rangeant la sienne à la tradition, c’est-à-dire en la mettant à la suite de tant de grands hommes, de tant d’intelligences supérieures, de tant de sagesses accumulées, qui en formaient comme la chaîne. […] Tronson, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice. […] On ne vit plus une question de dogme, mais un prince de l’Eglise, un archevêque, un esprit supérieur, devenu le sectaire d’une femme que les plus indulgents tenaient pour folle. […] C’était en ce temps-là l’écueil de tout esprit supérieur faisant de sa foi son travail : Pascal y avait usé sa tête et sa vie ; Fénelon s’y était desséché. […] L’histoire des lettres n’offre pas un plus grand exemple de ce que peut tirer de force un écrivain supérieur de son obéissance à quelque grand principe, à une foi, soit religieuse, soit politique.

247. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Il enseigne la raison supérieure aux sens, l’intelligible au sensible, l’idéal au réel, les principes aux faits. […] À l’un de ces degrés, elle est susceptible d’entretenir la vie : à un degré supérieur, elle donne naissance à l’humanité. […] A un premier degré, elle est inconsciente et forme un tout quasi indivis ; à un degré supérieur, elle se partage en consciences distinctes, en individus, à peu près comme la nébuleuse primitive s’est brisée en noyaux divergents. […] L’âme n’est donc qu’un résultat, une fonction de la matière, infiniment supérieure cependant à la matière, comme l’harmonie de la lyre, suivant l’admirable comparaison de Platon, est supérieure à la lyre elle-même, quoiqu’elle ne soit rien sans elle. […] Vacherot, dans sa préface, nous accorde que le Dieu de l’esprit et de la conscience est supérieur au Dieu de la nature ; mais il demande si l’on ne peut pas concevoir un Dieu supérieur au Dieu de l’esprit.

248. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Œuvre supérieure et singulière, où le mauvais esprit philosophique côtoie sans cesse le bon, mais où le bon est de telle sorte qu’il n’y en a guère de meilleur. […] En lisant ces peintures voluptueuses sans amour, on rougit de confusion pour l’homme supérieur qui se commet pour peindre, au lieu de la passion, le libertinage discret. […] Si quelque chose peut les faire réfléchir, ce sont des révélations supérieures sur l’homme et sur les gouvernements, comme il en échappe à Tacite, à Machiavel, à Montesquieu. […] Supérieur à la fois dans le roman et au théâtre, il a inventé des caractères et créé des personnages presque plus populaires que leur père. […] Un homme supérieur qui avait reçu la pensée de Bossuet de la bouche même de ce grand homme, Fleury, avait écrit, avant le Traité des études, et presque sous le même titre, son Traité du choix et de la méthode des études.

249. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Seulement, comme ses erreurs sont celles d’un esprit supérieur, et ses fautes celles d’un homme qui n’était pas sans qualités, l’éclat de ces contrastes rend son portrait plus séduisant. […] Il est, par moments, moraliste supérieur. […] Certes, les qualités supérieures de l’esprit ne lui manquèrent pas ; ce qui lui manqua, ce fut le talent de se faire une part dans les fruits de son travail. […] Cette bonne foi étrange a fait illusion même à des esprits supérieurs. […] Quoique moraliste parfois supérieur, aucun n’a exprimé sur la nature humaine plus d’idées contestables sans être originales.

250. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Les classes supérieures de la société parlaient les deux langues ; mais le latin dépérissait chaque jour et la langue usuelle se perfectionnait. […] Je les suivis d’un regard surnaturel et éternel dans les principales transfigurations angéliques ou humaines qu’elles avaient à subir dans les mondes supérieurs et inférieurs, se rencontrant quelquefois, sans se reconnaître jamais complétement, de sphère en sphère, d’âge en âge, d’existence en existence, de vie en mort et de mort en renaissance, dans le ciel et sur la terre. […] Il m’accueillit avec cette bonté un peu supérieure d’un homme fait envers un adolescent. […] Je goûtais beaucoup ces entretiens avec un homme supérieur en âge, en érudition et en politique. […] Selon lui, Dante serait une espèce d’Ovide supérieur ; ses poèmes seraient des espèces de métamorphoses chrétiennes, racontant, chantant, expliquant tous les dogmes surnaturels de la religion nouvelle qui avait remplacé le paganisme.

251. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Cette opération est la dernière de celles que l’on peut appeler préparatoires aux travaux de critique supérieure (interne) et de construction. […] Imposé par ordre supérieur à un personnel élevé exclusivement dans l’étude de la littérature, il ne pouvait trouver sa place dans le système de l’enseignement classique, fondé sur l’étude des formes, indifférent à la connaissance des faits sociaux. […] Mais il faut s’attendre à ce que la réforme soit beaucoup plus lente. que dans l’enseignement supérieur. […] L’enseignement supérieur de l’histoire en France L’enseignement supérieur de l’histoire a été en grande partie transformé, dans notre pays, depuis trente ans. […] Avant les dernières années du Second Empire, l’enseignement supérieur des sciences historiques était organisé en France d’une manière incohérente248.

252. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Là où la veille il n’y avait rien, le lendemain il y a un monde : que ce monde soit celui de Shakespeare ou d’Homère, de Molière ou d’Aristophane, de Sophocle ou de Corneille, d’Archimède ou de Pascal ; que ce soit, dans l’ordre réel, l’enchaînement des hauts faits d’un héros ou ces autres bienfaits publics émanés d’un législateur et d’un sage, il n’importe : la médiocrité de la foule, en ajoutant petit à petit tout son effort durant des années, n’aurait pu y atteindre ; tous les ingénieux Marivaux en tout genre, tous les distingués et les habiles, tous les grands médiocres (comme Marivaux lui-même les appelle), entasseraient grain sur grain pendant des siècles pour s’élever et se guinder en se concertant jusqu’à cette sphère supérieure, ils n’en sauraient venir à bout : ce sont des facultés distinctes et diversement royales, don de la nature et du ciel, qui destinent et vouent quelques mortels fortunés à ces rôles, tout aisés pour eux, d’enchanteurs de l’humanité, de conducteurs vaillants et de guides. […] Ne croyez point d’ailleurs que ce soit par pur esprit de chicane que Marivaux ait ainsi maille à partir avec les hommes supérieurs ; il ne laisse pas de mêler à ce qui est une vue incomplète bien des considérations aussi neuves que justes. […] Je crois, pour moi, dit Marivaux, qu’à l’exception de quelques génies supérieurs qui n’ont pu être maîtrisés, et que leur propre force a préservés de toute mauvaise dépendance, je crois qu’en tout siècle la plupart des auteurs nous ont moins laissé leur propre façon d’imaginer que la pure imitation de certain goût d’esprit que quelques critiques de leurs amis avaient décidé le meilleur. […] Il me semble que mon âme, en mille occasions, en sait plus qu’elle n’en peut dire, et qu’elle a un esprit à part, qui est bien supérieur à l’esprit que j’ai d’ordinaire.

253. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Pourtant, cet état de choses ayant cessé, et une place de lieutenant se trouvant vacante dans le bataillon, Pelleport, présenté sur la liste des candidats par les lieutenants ses supérieurs immédiats, fut nommé par les capitaines, et le général en chef confirma le choix : « Je n’étais, dit-il, que le dixième sous-lieutenant par rang d’ancienneté. » Quelques mois après, en garnison à Venise, le conseil d’administration de la demi-brigade le nomme adjudant-major lieutenant dans le 2e bataillon (juillet 1797) : « Cet emploi, dit-il, m’assurait, après dix-huit mois, le grade de capitaine. […] Pelleport en est lui-même une preuve lorsqu’au commencement de la retraite de Moscou et de ces fatigues sans nom, supportées par une partie de l’armée avec tant d’héroïsme, il dit tout d’un coup et en y revenant sans qu’on s’y attende : « Je crois, tout amour-propre de côté, que nous avons, en cette circonstance, laissé bien loin de nous les Romains, dont l’Empereur nous parlait tant en Italie et en Égypte. » Pelleport, très occupé du détail et de ce qu’il voit, nous apprend un fait assez singulier, c’est que dans les combats de Chobrakhit, qui précédèrent la bataille des Pyramides, il y eut du tâtonnement et quelque inhabileté pratique à exécuter les commandements du chef : L’armée d’Italie, bien que brave et intelligente, manquait de flexibilité pour les manœuvres ; les officiers inférieurs et supérieurs, les généraux eux-mêmes qui venaient de faire la guerre, avec une grande distinction, avaient négligé l’étude de la petite tactique (manœuvres) ; aussi se trouvèrent-ils embarrassés pour former les carrés tels qu’ils avaient été indiqués par Bonaparte : il fallut prendre successivement les pelotons et bataillons par la main pour les porter sur le terrain qu’ils devaient occuper dans la disposition générale. […] Envoyé à Rotterdam et nommé commandant supérieur de cette partie de la Hollande, il y exerce un véritable pouvoir dictatorial. […] Un employé de cette maison, très habile du reste, ne trouva alors rien de plus ingénieux que de proposer à ses patrons d’acheter le colonel commandant supérieur.

254. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

… soyez enthousiastes, soyez romanesques tout à votre aise… Et, comme je serais flatté que les anges enviassent mes larmes, j’approuve tout à fait ces lignes du Journal d’une femme : Mais tu me restes, ma fille… J’écris ces dernières lignes auprès de ton berceau… J’espère mettre un jour ces pages dans ta corbeille de jeune femme, mon enfant ; elles te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque… Tu apprendras peut-être d’elle que la passion et le roman sont bons quelquefois avec l’aide de Dieu, qu’ils élèvent les cœurs, qu’ils leur enseignent les devoirs supérieurs, les grands sacrifices, les hautes joies de la vie..   […] Celui-ci, avec « son beau visage fatigué et hautain », a tous les talents et compose des valses et des symphonies « d’un mérite tout à fait supérieur ». […] Montrez-nous un amoureux qui ne soit pas un homme supérieur ! […] Par deux fois il est amoureux, je dis follement amoureux, et ce n’est guère le fait d’un homme qui vit les yeux fixés sur le féroce testament de son père et que l’exercice de l’esprit critique, le détachement supérieur et le scepticisme transcendental auraient dû empêcher d’aimer de cette façon et à ce degré.

255. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

En lisant les Caractères, je regrette de temps en temps l’autorité du prédicateur chrétien, qui me rendrait ma mobilité suspecte et me ferait craindre que mon indifférence sur les vices ne fût de la complicité ; mais, pour une fois que ma liberté m’est incommode et m’embarrasse, combien de fois ne suis-je pas flatté de l’avoir entière, et combien n’ai-je pas plus de goût pour l’écrivain supérieur qui a trouvé l’art de la caresser sans la corrompre ! […] Il vaut mieux dire simplement que La Bruyère, comme tous les écrivains supérieurs, sait dire tout ce qu’il veut, et ne dit que ce qui est dans sa nature et dans son dessein. […] C’est de la difficulté vaincue, il est vrai ; mais le mérite de la difficulté vaincue n’est une qualité supérieure que là où elle fait valoir les choses et non l’écrivain. […] L’art de l’écrivain supérieur est de les aller chercher au fond de nous-mêmes, où elles sont comme étouffées et assoupies par nos besoins et nos passions, et de les exprimer dans le caractère et la sévère beauté de la langue de son pays.

256. (1890) L’avenir de la science « II »

On comprend que l’antiquité, n’ayant pas le grand mot de l’énigme, le progrès, n’ait éprouvé qu’un sentiment de crainte respectueuse en brisant les barrières qui lui semblaient posées par une force supérieure, que, n’osant placer le bonheur dans l’avenir, elle l’ait rêvé dans un âge d’or primitif 15, qu’elle ait dit : Audax Iapeti genus, qu’elle ait appelé la conquête du parfait un vetitum nefas. […] Chez les peuples primitifs, toutes les oeuvres merveilleuses de l’intelligence sont rapportées à la Divinité ; les sages se croient inspirés et se vantent avec une pleine conviction de relations mystérieuses avec des êtres supérieurs. […] C’est une raison pour pousser à bout la réflexion, en se tenant assuré que la réflexion parfaite reproduira les mêmes œuvres, mais avec un degré supérieur de clarté et de raison. […] Un peu plus loin : on établit que la propriété territoriale est supérieure à tout autre, parce que le fruit en dépend moins de l’homme et plus des causes aveugles.

257. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Quelle différence d’impression morale, au milieu d’une précision scientifique semblable ou même supérieure ! […] La pureté de ses eaux, les beaux ombrages qui l’entourent, les rochers escarpés et les épaisses forêts qui en défendent l’approche ; ce mélange de beautés tout à la fois douces et imposantes cause un saisissement difficile à exprimer, et semble annoncer la secrète présence d’un Être supérieur à l’humanité. […] Après bien des tourbillons affreux et des tempêtes, le ciel tout d’un coup se rassérène ; la seizième et dernière soirée que passent les voyageurs en ce haut lieu est d’une beauté ravissante : « Il semblait que toutes ces hautes sommités voulussent que nous ne les quittassions pas sans regrets. » L’horizon en tout sens se colore, les cimes supérieures se nuancent, ainsi que les neiges qui les séparent : Tout l’horizon de l’Italie paraissait bordé d’une large ceinture, et la pleine lune vint s’élever au-dessus de cette ceinture avec la majesté d’une reine, et teinte du plus beau vermillon. […] Quoique par la forme ce livre n’eût rien de séduisant, et qu’il rompît par le ton avec la mollesse des écrits en vogue sous Louis XVI, quoiqu’il ne fût pas possible, pour tout dire, de moins ressembler à Bernardin de Saint-Pierre que Volney, celui-ci trouvait, à certains égards, un public préparé : c’était l’heure où Laplace physicien, Lavoisier chimiste, Monge géomètre, et d’autres encore dans cet ordre supérieur, donnaient des témoignages de leur génie.

258. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

En premier lieu, il faut que les sensations et sentiments dont l’art produit l’identité dans tout un groupe d’individus soient eux-mêmes de la nature la plus élevée ; en d’autres termes, il faut produire la sympathie des sensations et sentiments supérieurs. […] Précisément en ce que les sensations et sentiments supérieurs auront un caractère à la fois plus intense et plus expansif, par conséquent plus social : — « La solidarité sociale est le principe de l’émotion esthétique la plus haute et la plus complexe. » Les plaisirs qui n’ont rien d’impersonnel n’ont, rien de durable ni de beau : « Le plaisir qui aurait, au contraire, un caractère tout à fait universel, serait étemel ; et étant l’amour, il serait la grâce. C’est dans la négation de l’égoïsme négation compatible avec la vie même, que l’esthétique, comme la morale, doit chercher ce qui ne périra pas3. » En second lieu, l’identité des sensations et des sentiments supérieurs, c’est-à-dire la sympathie sociale que l’art produit, doit s’étendre au groupe d’hommes le plus vaste possible. […] Guyau attachait d’autant plus d’importance au caractère social et à l’influence sociale de fart qu’il considérait les religions comme destinées à s’affaiblir et à disparaître de plus en plus, d’abord dans les classes supérieures de la société, puis, par une contagion lente, dans les classes inférieures.

259. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Pourquoi votre spécialité « littéraire » serait-elle supérieure à la spécialité du marchand de confection ou du coiffeur ? […] On m’objectera que ceux-là ne furent pas seulement des intellectuels et des métaphysiciens ; mais c’est justement parce qu’ils furent à la fois, et dans une harmonie supérieure, des penseurs et des artistes, qu’ils sont une preuve vivante de ce que je soutiens, à savoir que la génialité plonge ses racines dans la sensualité, loin d’en être l’ennemie. […] Celui qui s’adonne à la femme perd secrètement, sans s’en douter, la faculté de penser métaphysiquement et d’avoir conscience de son moi supérieur. […] Tout en étant persuadé, comme je le suis, qu’une sorte de conciliation des deux thèses dans une synthèse supérieure pourrait être opérée, malgré leur apparence d’opposition nette, en poursuivant la discussion d’une façon plus serrée, — malgré ce sentiment, je crois toutefois, en m’expliquant plus complètement et avec quelques réserves de détail, pouvoir maintenir les grandes lignes de la mienne.

260. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Une nécessité supérieure, dit M.  […] Et il n’est pas dit que cet accroissement résulte d’une nécessité supérieure, ou même se réalise partout. […] Un autre phénomène multiplie d’ailleurs les effets dus au grand nombre des individus rassemblés dans ces mêmes, sociétés, et les rend, quantitativement supérieures à toutes les autres : c’est la faculté dont jouissent leurs unités de franchir plus d’espace en moins de temps, c’est la mobilité sociale. […] Tout ce qui tend au contraire à nous faire voir de près et comme toucher familièrement les individus réputés supérieurs nous incite à penser que, eux aussi, ils sont des hommes.

261. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Mais son exemple n’en demeure pas moins fécond et mémorable ; encourageant pour les esprits supérieurs qu’un instinct invincible pousse en toute espèce d’étude à la recherche des principes et des lois, puisqu’il agrandit pour eux la carrière, en leur ouvrant l’histoire ; glorieux pour celle-ci, puisqu’il l’enrichit d’un genre nouveau, l’élève en quelque sorte au rang de science, et lui assure ainsi les veilles de ceux-là même qui autrement peut-être lui eussent refusé jusqu’à leur estime. […] Un pas de plus encore ; que cette force soit supposée émanée d’en haut, qu’elle ne soit que la voix humaine par laquelle se promulgue une volonté supérieure, l’instrument par lequel elle s’accomplit, et voilà que d’un seul coup on est transporté dans le système de Bossuet.

262. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

L’excès du malheur retrempa les âmes ; le joug tranquille énervait les esprits supérieurs, ainsi que la multitude ; les fureurs de la cruauté, longtemps souffertes, avilirent encore davantage la masse de la nation ; mais quelques hommes éclairés se relevèrent de cet abattement général, et ressentirent plus que jamais le besoin de la philosophie stoïcienne. […] Les écrivains du temps des empereurs, malgré les affreuses circonstances contre lesquelles ils avaient à lutter, sont supérieurs, comme philosophes, aux écrivains du siècle d’Auguste.

263. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

La gaieté piquante, plus encore même que la grâce polie, effaçait toutes les distances sans en détruire aucune ; elle faisait rêver l’égalité aux grands avec les rois, aux poètes avec les nobles, et donnait même à l’homme d’un rang supérieur un sentiment plus raffiné de ses avantages ; un instant d’oubli les lui faisait retrouver ensuite avec un nouveau plaisir ; et la plus grande perfection du goût et de la gaieté devait naître de ce désir de plaire universel. […] Molière, et même après lui quelques autres comiques, sont des hommes supérieurs, dans leur genre, à tous les écrivains des autres nations.

264. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Voltaire, même dans la poésie légère, reste infiniment supérieur à Piron, comme à Gresset, comme à tous les autres : il est au-dessus du genre ; il a des idées, qui lui donnent corps et substance. […] Mais l’artiste supérieur en cette bagatelle, c’est Lebrun, le faiseur d’odes, celui qu’on appelait Lebrun Pindare.

265. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Necker et autres esprits supérieurs qui ont trouvé leurs lettres de grande naturalité dans leurs œuvres, mais il diffère infiniment de ses célèbres compatriotes, gens lourds, empâtés et gauches dans leur génie, quelque brillants qu’ils soient, et qui ont tous un peu de goitre quelque part, même Rousseau. […] C’est par là qu’il se fera pardonner tout ce qu’il a de supérieur, et, par exemple, son style, qui est de premier ordre pour l’envergure, les articulations, la richesse des vocables, et toutes les qualités diaphanes et substantielles des grands maîtres.

266. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Sans un don supérieur, sans l’ironie qu’il manie en maître, il faudrait le classer, comme penseur et comme écrivain, bien au-dessous de Diderot, l’homme du feu sacré et des grosses belles larmes, de Diderot dont il rappelle parfois le style érudit, la déclamation, l’hyperbole, et, j’en suis bien fâché pour un socialiste comme lui ! […] La féodalité elle-même n’avait été à son heure qu’un progrès relatif vers cette centralisation supérieure où le génie de la France tendait, à travers l’action de ses plus grands hommes.

267. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

A part toute opinion politique, et pour qui ne veut voir que les grands effets et la beauté des choses telle que les artistes et les poètes la comprennent, nulle période dans le monde moderne ne fut poétiquement supérieure à cette période de l’Empire dont nous, prosaïque et pacifique génération, sommes si rapprochés et si séparés en même temps, — car il est des moments dans l’Histoire où la longueur d’une lame d’épée semble quelque chose d’infini. […] Le caractère du talent de Belmontet est une fougue âpre et non sans fierté, qui rappelle en plus d’un endroit la manière de Lebrun, le lyrique, auquel il reste supérieur par la grandeur des sujets qu’il traite et l’ardeur de ses sentiments.

268. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Est-elle aussi riche en vérités supérieures à la vérité vulgaire ? […] L’expérience nous révèle beaucoup moins de vérités supérieures que le sentiment. […] Rarement le même acte peut servir à la fois les besoins grossiers et les aspirations supérieures, Dieu et Mammon. […] C’est donc la vérité supérieure, la vérité invisible qui a besoin d’un symbole : ce symbole est la beauté. […] Or la langue littéraire se forme essentiellement dans les classes supérieures.

269. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Voilà les faits, de nature si diverse, que nous avons vus analysés et décrits avec une précision supérieure, parmi d’attachants récits, dans des ouvrages dont la civilisation moderne et la révolution d’Angleterre ont fourni les sujets. Le caractère philosophique de ces livres, la morale tirée des événements, la profondeur et la gravité des maximes ; des vues supérieures et des leçons éloquentes sur la part de chacun dans la bonne et la mauvaise fortune des sociétés ; plus de penchant pour le principe d’autorité que pour le principe de liberté, dans une conviction égale de la nécessité des deux choses pour la bonne conduite et pour la gloire des sociétés humaines : toutes ces qualités indiquent que les nobles habitudes de l’enseignement public ont passé par là. […] Peut-être eût-on désiré pour une si belle plume une fortune plus haute que l’histoire ou la critique des systèmes ; peut-être un nouvel effort supérieur d’invention et de démonstration, pour nous faire monter quelques échelons de plus vers l’inaccessible, eût-il plus servi la philosophie que les modestes affirmations de l’éclectisme. […] Les pièces en vers, pourvu qu’il n’y manque pas un poète, ont plus de chance de durée, parce qu’il y a là un travail supérieur qui élève l’écrivain au-dessus du temps présent, qui l’excite à chercher dans le rôle le caractère, dans le personnage le type, qui le préoccupe d’idéal, qui le met en commerce avec les maîtres de l’art et le fait penser à la gloire. […] Si l’on inventait pour le dix-septième siècle un titre supérieur à celui de grand, je dirais volontiers que les soixante premières années du dix-neuvième siècle sont plus de la moitié d’un grand siècle.

270. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Montesquieu, bourgeois, parlementaire, méthodique, plaît à Faguet comme un Faguet supérieur. […] Ces délicieux et infaillibles Parlements auraient pu cependant être recrutés par un mode supérieur à l’achat des charges. […] La sévérité rectiligne du parnassien donne une impression de contrainte et son mépris pour le romantique, nature si visiblement supérieure, le fait paraître un cuistre étroit peu séduisant à fréquenter. […] Un poète vint, qui avait toutes les qualités de Racan à un degré supérieur et qui y joignait quelques mérites nouveaux ; qui aimait d’une sincérité première et spontanée, et qui, d’un accent plus pénétré, chantait comme les plus précieux des biens, ce qui n’était pour Racan que des consolations. […] Le professeur supérieur pourrait faire autre chose aussi bien ou aussi mal que ce qu’il fait, dire le contraire de ce qu’il dit, et il trouverait un égal plaisir à se plier aux règles d’un autre jeu.

271. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Elle ne dépend pas d’une cause extérieure, n’est pas un reflet d’un monde supérieur. […] Il faut qu’entre les choses, l’esprit conçoive un ordre supérieur. […] Il a l’espace, limite supérieure, et le point limite inférieure de l’étendue. […] C’est elle qui fait que les uns sont supérieurs aux autres. […] Attachons-nous donc aux plaisirs qualitativement, et non quantitativement supérieurs.

272. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

C’est très supérieur le silence hautain, dont on me fait compliment, mais je trouverais encore plus triomphante la réplique à la critique, et telle qu’aucun écrivain de l’heure présente, n’ose la faire, la réplique sans merci ni miséricorde. […] Antoine est très bien dans Boussanel, et tout à fait supérieur dans l’acte de Fontaine près Lyon. […] Un type particulier, ce paysan d’une race supérieure, d’une race aristocratique, chez laquelle le travail des champs, sous le beau ciel du Midi, prend une idéalité qu’il n’a jamais eue dans le Nord. […] … Pourquoi en face de ce paysage, nous livrons-nous à des conversations supérieures ? […] Daudet possède tout à fait à un degré supérieur l’invention scénique, qu’ont bien moins que le romancier de Sapho, les faiseurs attitrés du théâtre.

273. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Cependant je n’hésite pas à déclarer ce recueil supérieur à toutes les œuvres lyriques de M.  […] Ce recueil, en effet, envisagé littérairement, est certes supérieur aux Chants du crépuscule. […] Ce recueil nous paraît supérieur à toutes les œuvres lyriques de M.  […] Hugo ne relèvent ni du temps, ni de l’espace, et sont par conséquent supérieures à l’histoire. […] Lorsqu’il pardonne, il ne continue ni l’un ni l’autre, et il est supérieur aux deux personnages dont il procède.

274. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

» La philosophie succède tout à coup, et par un retour bien motivé aussi, à l’imprécation ; l’ode, devenue pensive de passionnée qu’elle était, réfléchit gravement sur la criminelle audace des hommes qui luttent avec les forces de la nature supérieure à l’humanité. […] Rendue plus fière par la certitude d’une mort volontaire et délibérée, elle ravit à nos vaisseaux victorieux l’orgueil d’emmener une reine supérieure à sa destinée au char des triomphateurs à Rome !  […] Walckenaer trouve, avec raison, supérieur à l’apologue de même nature versifié par La Fontaine ; le voici : « D’aventure, par une étroite fente un mulot fluet s’était glissé dans un vaisseau chargé de froment ; et, après s’être largement repu, il s’efforçait, de toute la tension de son corps, d’en ressortir. […] » XXI Cette épître d’Horace est un poème à propos de tout, mille fois supérieur aux épîtres de Boileau à Louis XIV ou aux épîtres de Voltaire à Frédéric. […] Non ; ces accents supérieurs, qui sont l’immortelle poésie de Pindare, d’Homère, de Virgile, de Pétrarque, de Racine, de David, et de quelques lyriques spiritualistes de nos jours, que je nommerai peu parce qu’ils vivent et chantent encore au milieu de nous, ces sublimités de la poésie divine ou humaine ne sont pas à la portée de la main badine et épicurienne d’Horace.

275. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Que l’on considère que les sociétés primitives, en vertu des lois du progrès, tendront à devenir plus hétérogènes, à s’agréger à d’autres pour former une confédération supérieure d’États, à se diviser et à s’assembler en nations, en vastes empires. […] Une faculté créatrice est simplement une faculté assez puissante pour provoquer le désir et l’accomplissement de manifestations ; elle ne diffère d’une faculté purement réceptive de même nature que par une intensité supérieure. […] En dehors d’esprits supérieurs qui no sont exclusifs pour personne, on ne rencontre guère de gens aimant également et à un même moment Lamartine et Hugo, Balzac et Dumas, la basse et la haute littérature. […] L’âme d’un peuple vit dans ses monuments, non pas parce qu’il les a formés, déterminés et qualifiés, mais parce que son art, produit dans ses œuvres supérieures par une série d’hommes dénués souvent du caractère que l’on peut attribuer à leur race ou à leur époque, montre par la suite de ses manifestations glorieuses et dans la mesure même de cette gloire, quel a été le cours des penchants, le génie propre de la nation, son développement spirituel dans ses diverses époques et ses divers milieux. […] Hennequin souscrit au modèle historiographique du « grand homme », corrélé à une théorie du « génie », comme à une hiérarchie entre « homme supérieur » et « masse », qui trouve alors de nombreux échos dans les milieux symbolistes associant individualisme et aristocratisme, à un moment où l’on redécouvre Stirner et Carlyle, où l’on subit l’influence de Renan, et où l’on découvre Spencer et Nietzsche.

276. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Pour ceux qui, distraits des pures Lettres ou occupés ailleurs (comme il est permis), auraient besoin qu’on les remît sur la voie, je rappellerai qu’Eugénie de Guérin, sœur de Maurice de Guérin, de l’admirable auteur du Centaure, était son égale en dons naturels, en génie, sa supérieure en vertu, en force d’âme, son aînée vigilante et tendre, et qu’elle fut pendant neuf années sa survivante douloureuse, son Antigone ou son Électre, toute consacrée à sa mémoire et comme desservante d’un tombeau. […] J’ai dit autrefois dans un précédent article, j’ai redit ici même tout à l’heure que la sœur de Maurice avait un génie égal, sinon supérieur à celui de son frère : prenez génie dans le sens le plus naturel et le plus simple. […] tandis que tout le monde pleure, deux enfants couvrent de fleurs ce tombeau céleste, et, après un peu de temps, comme celui que nous passerons dans la tombe, le drap se replie peu à peu et laisse voir la radieuse sainte qui se lève au chant du Te Deum et, conduite par la mère supérieure, va donner un baiser à chacune des sœurs.

277. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Je distinguerai dans les ouvrages de tout grand auteur ceux qu’il a faits selon son goût propre et son faible, et ceux dans lesquels le travail et l’effort l’ont porté à un idéal supérieur. […] Mais non : Racine, revenant ici, dans le dernier acte, à l’inspiration supérieure et majestueuse de la tragédie, a rendu énergiquement cette stabilité héroïque de l’âme à travers tous les orages, et n’a voulu laisser aucun doute sur ce qui demeure impossible : En quelque extrémité que vous m’ayez réduit, Ma gloire inexorable à toute heure me suit ; Sans cesse elle présente à mon âme étonnée L’empire incompatible avec notre hyménée, Me dit qu’après l’éclat et les pas que j’ai faits, Je dois vous épouser encor moins que jamais. […] Avec tous les dons qu’elle a reçus, si sur quelque point il pouvait y avoir défaut, l’intelligence supérieure intervient à temps et achève.

278. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Quel est l’esprit supérieur qui ne trouve pas dans un véritable sentiment le développement d’un plus grand nombre de pensées, que dans aucun écrit, dans aucun ouvrage qu’il puisse ou composer ou lire ? […] Peut-être, pour qu’il ne fut pas trop supérieur au nôtre, ont-ils déjà reçu tout le bonheur que nous espérons dans l’autre vie ; peut-être que pour eux il n’est pas d’immortalité. […] Une sorte de ridicule s’est attaché à ce qu’on appelle des sentiments romanesques, et ces pauvres esprits, qui mettent tant d’importance à tous les détails de leur amour propre, ou de leurs intérêts, se sont établis comme d’une raison supérieure à ceux dont le caractère a transporté dans un autre l’égoïsme, que la société considère assez dans l’homme qui s’occupe exclusivement de lui-même.

279. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Il affecta seulement de dire partout qu’il étoit supérieur aux brocards d’un jeune poëte difficile en matière de goût ; qu’il ne lui feroit pas l’honneur de lui marquer de la sensibilité ; que ce seroit s’avilir de prendre la peine de le confondre. […] Il est aussi supérieur dans son genre que Despréaux dans le sien. […] C’est à ces tracasseries que nous devons Alceste, Thésée, Atys, Phaeton, Armide ; ouvrages bien supérieurs à tout ce que l’Italie avoit produit dans le même genre.

280. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Il a donné les Entretiens et il a publié le Civilisateur : « Déjà presque au terme de ma longue carrière, a-t-il écrit dans la préface de cet ouvrage, avant d’avoir perdu une seule note de ma voix, mon ambition serait de recevoir en bas, dans les rangs obscurs mais honorables du peuple, la naturalisation littéraire et poétique que j’ai reçue autrefois en haut, dans les rangs supérieurs et élégants de la société. […] Le grand homme qui nous l’enseigne ne cherche point à nous embellir de vertus rares, il ne nous apprend pas le jeûne et l’abstinence ; il ne nous demande point des pensées supérieures, et il n’agit pas avec nous comme Jésus avec ses disciples dans le désert.

281. (1865) Du sentiment de l’admiration

Mais pour comprendre de bonne heure que cette recherche platonicienne et surtout chrétienne de l’idéal dans les chefs-d’œuvre de l’art est la fin supérieure des vraies études, il faut bien un peu de cette folie dont je parlais tout à l’heure, folie qui a son nom et l’un des plus beaux noms qui soient ici-bas, l’enthousiasme. […] Placez avec moi devant ces classiques aimés le jeune homme qui sait admirer : transporté par l’essor de l’imagination dans les régions supérieures, il habite, cet adolescent épris de Sophocle et de Corneille, il habite une cité idéale qui n’est pas encore la cité de Dieu mais qui n’est déjà plus la cité des hommes.

282. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Sans être un poète de cette envergure et de cette hauteur, sans même avoir des facultés relativement supérieures, si Labutte avait eu seulement en lui cette poésie d’écho que les grands spectacles éveillent dans tout homme passablement organisé, il eût parlé autrement d’une époque dont Schiller disait : « Le Moyen Âge a sur nous l’avantage de la vertu poétique, — de l’enthousiasme du cœur, — de l’élan des idées, — de la force du caractère. […] Nous pensons même que le livre médiocre va plus loin dans les masses que le livre distingué ou supérieur, et qu’il s’enlève d’autant plus aisément sur la bêtise ou l’ignorance humaine, comme une plume sur l’aile favorable des vents.

283. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

… Il était supérieur, ce clown… Le revoyez-vous par le souvenir, avec sa face immobile et pâle, — sa face de craie, glacée et figée, — son geste précis et coupant, — tout à la fois bouffon et sinistre ? […] Henri Rochefort, si supérieur par les instincts qu’il puisse être aux autres jeunes gens de sa génération, n’a pas encore, je le crains bien, sa valise de moraliste complètement faite pour les expéditions morales.

284. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

cette admirable figure de Don Quichotte, d’où sort tant de mélancolie qui se répand dans tout le livre et pénètre jusqu’aux endroits où il semble être le plus gai, cette figure et ce sentiment, supérieurs dans l’œuvre de Cervantes à tous les personnages qui y vivent et à tous les sentiments qui s’y expriment, voilà précisément ce qui manque à l’œuvre de son continuateur. […] Rappelant l’illusion de ce Don Quichotte avec lequel sa pensée est si familière, il transforme cette grossière continuation d’une œuvre supérieure en une espèce de Dulcinée du Toboso littéraire.

285. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

L’homme qui la lui donna était Louis Wihl, l’auteur des Hirondelles 34 et du Pays bleu 35, le poète dont nous allons parler ; Louis Wihl, l’homme le mieux fait pour assister Heine à son heure dernière, car il était son parent par l’esprit, le talent, la faculté poétique, et il était son supérieur par la foi en Dieu, les grandes croyances gardées, la droiture morale de la vie, et, tronc solide, il était bien en droit d’offrir à la liane qui allait s’abattre un dernier appui. […] Supérieure ou inférieure, il restait avec l’originalité de la sienne.

286. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Ils durent être dans la famille des rois absolus, supérieurs à tous les autres membres, et soumis seulement à Dieu. […] Dans ce dernier genre d’héroïsme, les Romains se montrèrent supérieurs à tous les peuples de la terre, puisqu’ils surent également Parcere subjectis, et debellare superbos.

287. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Keunan, des hommes d’éducation supérieure et de haute culture intellectuelle. […] Un silence glaçant suivit cet ardent, cet éloquent, ce suppliant appel à la justice supérieure. […] Mais qu’est-ce qu’un paradoxe, sinon, le plus souvent, la forme saisissante et supérieure, l’exaltation de l’idée ?  […] Moi je trouve admirable et supérieur que M.  […] L’arbitraire est ici une nécessité supérieure de composition.

288. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Il faut donc ici l’intervention d’un principe supérieur. […] Ainsi nous les voyons dans une lumière supérieure à nous-même, et c’est dans cette lumière supérieure que nous voyons aussi si nous faisons bien ou mal, c’est-à-dire si nous agissons ou non selon ces principes constitutifs de notre être. […] Je ne prétends pas que chacun d’eux n’ait des rivaux, même des supérieurs. […] Shakspeare, nous en convenons, est supérieur à Corneille par l’étendue et la richesse du génie dramatique. […] En est-il un, Jean Cousin excepté, qui soit supérieur à Jacques Sarazin ?

289. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

La descendance modifiée des branches les plus parfaites, les plus élevées et les plus récentes dans la lignée généalogique, devra sans doute souvent prendre la place des branches plus anciennes et plus imparfaites, et par conséquent les exterminer : c’est ce qui est indiqué sur la figure par celle des branches inférieures qui n’atteignent pas les lignes horizontales supérieures. […] En continuant le même procédé pendant un grand nombre de générations, comme on le voit dans la partie supérieure de la figure sous une forme plus simple, nous obtenons huit espèces indiquées par les lettres a14 à m14, espèces qui descendent toutes de A. […] Pourquoi, en effet, les formes supérieures n’ont-elles pas partout supplanté et exterminé les inférieures ? […] Ou du moins son niveau supérieur, et, par le fait, son niveau moyen. […] Or, plus la diversité organique est grande et plus les termes extrêmes de l’échelle des êtres vivants sont éloignés, plus les degrés de la série des êtres qui vivent aux dépens les uns des autres sont nombreux et plus, par conséquent, la quantité de vie possible s’accroît, puisque c’est une loi presque générale que les êtres d’organisation inférieure servent de proie aux êtres d’organisation supérieure.

290. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Voici l’analyse raisonnée de sa Politique : trouvez mieux, et étonnez-vous que ce livre, bien supérieur à Rousseau et à Montesquieu, ait été recueilli il y a tant de milliers d’années comme l’évangile infaillible de la politique. […] La foule se révolte de l’inégalité des fortunes, et les hommes supérieurs s’indignent de l’égale répartition des honneurs ; c’est le mot du poète : Quoi ! […] « Même objection toute pareille contre l’aristocratie, qui se fonde sur la vertu ; car, si tel citoyen est supérieur en vertu à tous les membres du gouvernement, gens eux-mêmes fort estimables, le même principe lui confère la souveraineté. […] Mais la loi n’est point faite pour ces êtres supérieurs ; ils sont eux-mêmes la loi. […] Certes le droit d’en faire une appartiendrait bien plus légitimement aux citoyens d’un mérite supérieur, quoique ceux-là n’usent jamais de ce droit ; mais, de fait, l’inégalité absolue n’est raisonnable que pour eux.

291. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Supérieur en tant de points à sa société, il était aussi aveugle qu’elle. […] Ce n’est pas seulement une grande plume de lutte toujours prête, c’est un grand artiste en histoire, et c’est exclusivement comme artiste, d’une force littéraire peut-être supérieure à sa force politique, que nous avons à le juger. […] Supérieur à force de bon sens dès qu’il regarde le fait, Granier de Cassagnac nous a tracé du règne de Louis-Philippe, non pas le récit (on dit qu’il doit le donner plus tard, année par année), mais un résumé qui peut très bien l’en dispenser. […] J’ai souvent appelé l’attention publique sur ses œuvres, à mesure qu’il les produisait, mais, aujourd’hui qu’il ne peut plus y ajouter, je me placerai au-dessus d’elles, comme il y était lui-même ; — car il avait cette particularité superbe des hommes véritablement supérieurs, d’être inaccessiblement plus haut que ses ouvrages et, aurait-il fait un chef-d’œuvre, de ne s’y épuiser jamais. […] Si Granier de Cassagnac, avec un génie d’écrivain qui pouvait le mener droit à la gloire, n’est allé qu’à la renommée ; s’il n’a pas laissé derrière lui un de ces livres achevés, accomplis, qui barrent le flot du temps et que le temps n’emporte pas, c’est qu’il y eut évidemment pour lui un intérêt supérieur à l’intérêt de sa personne et de sa gloire.

292. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Sans doute, se dit-on, cette vision instantanée à distance n’est pas possible en fait ; il n’y a pas de vitesse supérieure à celle de la lumière. […] Nous savons en effet qu’il n’y a pas de vitesse supérieure à celle de la lumière. […] La même raison qui lui fait dire qu’il n’y a pas de vitesse supérieure à celle de la lumière, que la vitesse de la lumière est la même pour tous les observateurs, etc., l’oblige à classer dans l’avenir du lieu P′ un événement qui fait partie du présent de l’observateur en N′, qui fait d’ailleurs partie de son présent à lui, observateur en N, et qui appartient au présent du lieu P. […] Égalité ne prend un sens absolu, supérieur à toute convention de mesure, que dans le cas où les deux termes comparés sont identiques ; et on les déclare identiques du moment qu’on les suppose interchangeables. […] Donc cette théorie, bien loin d’exclure l’hypothèse d’un Temps unique, l’appelle et lui donne une intelligibilité supérieure.

293. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Rienzi est une maladroite imitation des Muette de Portici ae ; le Hollandais Volant, supérieur à toutes les œuvres de Weber et de ses disciples, peut charmer qui se contente d’émotions moyennes grossies par de petits moyens : Tannhæuser, plus prétentieux, est la réalisation si grossière d’une si grossière conception, qu’il ne peut être agréé que des professeurs de rhétorique amoureux de plans très bien faits ; dans Lohengrin enfin, le sujet est si romanesquement chimérique et la musique si lourde de formules poncives, démodées et éternellement banales, qu’un ennui s’en dégage comparablement aux Rinaldo des Brahms. […] La musique, expression de la vie supérieure et réelle de l’âme, est la force capable à l’auditeur idéal (idéal : le Pur et Simple) pour suggérer toute la réelle et supérieure vie de l’âme : mais à nous, l’auditeur non idéal, à nous, hélas, le misérable végétant, impur et perverti, à l’accoutumé de l’unique Apparence, au vivant de l’Illusion, à l’ignorant du Vrai, hélas, à nous la pure musique ne sera-t-elle pas l’inintelligible langage d’un inonde inconnu, et ne dirons-nous pas le dissolvant « pourquoi ?  […] Puis, je quittai Rouen, quoique lieu par l’opinion doté des naissances de Corneille et de Boieldieu ; c’était en 1878 ; les nécessités de me prédisposer à l’École Normale Supérieure me conduisirent à Paris, et pendant trois années à l’éminent lycée de Louis-le-Grand. […] Enfin et enfin fut le jour où solennellement l’École Normale Supérieure refusa mon assistance. […] Et, bons wagnéristes, n’enquérez plus au cours du spectacle bayreuthien une alliance de poésie, de musique et de mimique ; n’espionnez pas Gurnemanz s’il exprime par un geste ce que sa parole n’a pas dit et rougissez de vous être intéressé aux mines de quelque cabotin ; n’affirmez plus, non, n’affirmez plus que la musique du Parsifal n’est pas supérieure au livret ou aux décors ; qui vous croirait ?

294. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

On voit que ces beautés sont diverses, mais non inférieures les unes aux autres ; on voit que le Créateur, qui n’a rien fait que de beau, quand on considère ses ouvrages de ce point de vue supérieur et général où la raison se place pour tout adorer et tout comprendre, a distribué par doses au moins égales leur beauté propre à toutes les années de l’existence humaine. […] Phénomène rare et admirable d’une nature parfaitement pondérée qui semble toujours prête à glisser ou dans la mélancolie ou dans le cynisme, mais qui n’y glisse en réalité jamais, et qui, par la merveilleuse élasticité de son ressort, se relève toujours de la douleur ou de la plaisanterie dans la sérieuse sérénité d’une philosophie supérieure à ses propres impressions. » V La raison d’être de cette littérature est dans la nature même du cœur humain. […] Son prodigieux talent comme pamphlétaire, bien supérieur, selon nous, à son très médiocre talent comme poète, l’avait bien vite naturalisé Français. […] Elle me traitait en ami supérieur en âge à qui l’on se plaît à se confier, parce qu’on sent l’affection désintéressée dans le conseil. […] Elle épousa un homme supérieur dans l’art qu’elle aimait.

295. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Ils lui promirent d’envoyer un messager au monastère pour demander au supérieur de faire descendre le vieux camaldule et de l’autoriser à demeurer dans un autre couvent de la ville, ou même dans la prison, jusqu’au jour de la mort du meurtrier des sbires. […] Je n’oserais prendre sur moi seul, sans l’aveu de mes supérieurs, sans le consentement de vos parents et sans la permission de l’évêque, d’unir secrètement deux enfants qui s’aiment dans un cachot, au pied d’un échafaud, et de mêler l’amour à la mort, dans une union toute sacrilège, si elle n’était toute sainte. […] Je vais d’abord consulter l’évêque aussi rempli de charité que de lumière, je monterai ensuite à San Stefano pour obtenir les dispenses de mes supérieurs ; je confierai ensuite à votre mère et au père de Fior d’Aliza la mission sacrée dont je suis chargé auprès d’eux ; j’obtiendrai facilement pour eux l’autorisation d’entrer avec moi dans votre prison, pour recevoir les derniers adieux du condamné, et pour ramener leur fille et leur nièce, veuve avant d’être épouse, dans leur demeure ; préparez-vous par la pureté de vos pensées, par la vertu de votre pardon à l’union toute sainte que vous désirez comme un gage du ciel, et surtout ne laissez rien soupçonner ni au bargello ni à ceux qui vous visiteront par charité, du mystère qui s’accomplira entre l’évêque, vous, votre cousine, vos parents et moi ; les hommes de Dieu peuvent seuls comprendre ce que les hommes de loi ne sauraient souscrire ! […] Voilà, mot à mot, les paroles du père Hilario ; mais j’ai bien vu à son accent et à son visage qu’il avait plus de confiance que de doute sur le succès de sa confidence à l’évêque et à ses supérieurs, et que mon désir était déjà ratifié dans sa pensée. […] Le supérieur de San Stefano avait dit de même.

296. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Les grands événements dont il est le moteur, le centre et l’objet, semblent si peu conformes aux combinaisons vulgaires, qu’on ne devrait point s’étonner que des imaginations fortement religieuses crussent de semblables desseins dirigés par des conseils supérieurs à ceux des hommes. […] La supérieure du couvent me fit prévenir qu’on avait préparé un banc dans le sanctuaire, et elle m’invitait à me rendre à la cérémonie, qui devait avoir lieu dès le lendemain. […] Elle était de la supérieure de… Elle contenait le récit des derniers moments de la sœur Amélie de la Miséricorde, morte victime de son zèle et de sa charité, en soignant ses compagnes attaquées d’une maladie contagieuse. […] La supérieure ajoutait que, depuis trente ans qu’elle était à la tête de la maison, elle n’avait jamais vu de religieuse d’une humeur aussi douce et aussi égale, ni qui fût plus contente d’avoir quitté les tribulations du monde. […] On n’est point, monsieur, un homme supérieur, parce qu’on aperçoit le monde sous un jour odieux.

297. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

A cette conclusion qu’il y a des intelligences supérieures à nous, et que, de ces intelligences sublimes à l’animal le plus bas dans l’échelle de l’animalité, il y a une hiérarchie, il y a une gradation, il y a une échelle. Tout en haut, il y a des intelligences qui nous dépassent même infiniment ; ici, où nous sommes, il y a nos intelligences ; un peu plus bas, il y a des intelligences rudimentaires qui sont celles des hommes qui n’ont pas de culture et qui ne sont pas capables d’en recevoir ; il y a l’intelligence du sauvage, il y a l’intelligence du primitif ; plus bas, il y a l’intelligence des animaux supérieurs ; plus bas encore, il y a les intelligences des animaux placés tout à fait au dernier degré de l’animalité. […] Voltaire a dit qu’il était ridicule de comparer La Fontaine à l’Arioste tant la différence était grande entre l’Arioste et La Fontaine, tant l’Arioste était supérieur à La Fontaine. […] Il a eu un talent supérieur dans tous les genres, excepté dans la tragédie, abandonnée du reste si vite par lui ; et il a eu du génie dans les genres qui sont le conte et la fable. […] Il est un classique supérieur et voilà tout ; car ma définition du classique est celle-ci : le classique est un homme qui a des qualités de romantique, car il lui faut de l’imagination, de la sensibilité ; qui a des qualités de réaliste, qui a l’observation du réel avec passion, avec une fidélité passionnée — et qui, avec cela, a du goût.

298. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Dumas y a exprimé, sous la forme dramatique, avec une réelle puissance, l’exaltation forcenée, sauvage de cet amour que le romantisme faisait supérieur à tous les devoirs, à toutes les lois, à toute morale. […] De Vigny, une seule pièce compte, Chatterton (12 février 1835) : mais elle est supérieure. […] Les Nuits à part, Musset n’a rien fait de supérieur à cinq ou six de ses comédies. […] Même Musset a eu dans un degré supérieur le sens de la caricature artistique, qui ramasse et déforme un type par une simplification vigoureuse : dame Pluche, Blazius, Bridaine, le prince de Mantoue, le podestat Claudio sont de charmants grotesques.

299. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Je vais jusqu’à dire que, si jamais l’esclavage a pu être nécessaire à l’existence de la société, l’esclavage a été légitime : car alors les esclaves ont été esclaves de l’humanité 171, esclaves de l’œuvre divine, ce qui ne répugne pas plus que l’existence de tant d’êtres attachés fatalement au joug d’une idée qui leur est supérieure et qu’ils ne comprennent pas 172. […] L’inégalité est révoltante, quand on considère uniquement l’avantage personnel et égoïste que le supérieur tire de l’inférieur ; elle est naturelle et juste, si on la considère comme la loi fatale de la société, la condition au moins transitoire de sa perfection. […] La nature nous montre sur une immense échelle le sacrifice de l’espèce inférieure à la réalisation d’un plan supérieur. […] Le nôtre serait supérieur à son maître, parce qu’il sentirait mieux le divin et échapperait par l’amour à l’affreuse réalité.

300. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

La morale de Kant est bien supérieure à toute sa logique ou philosophie intellectuelle, et nos Français n’en ont pas dit un mot. […] j’avoue n’avoir jamais rien rencontré de plus distingué ; j’ai trouvé en lui de la vraie philosophie et un esprit décidément supérieur ; ce n’est que de ce moment que j’ai appris à le connaître. […] Dupanloup a cessé d’être supérieur du petit séminaire, et moi de faire partie du collège Stanislas. […] Je ne me repens de rien, et il y a à souffrir pour son devoir une joie bien supérieure à toutes celles dont on a pu faire le sacrifice.

301. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

La souveraineté populaire et l’égalité des conditions sont des principes dont on peut abuser, que l’on peut corrompre, mal entendre, mal appliquer, mais enfin des principes légitimes, bons par eux-mêmes, et une société qui repose sur ces principes est supérieure, toutes choses égales d’ailleurs, à celles qui s’appuient sur des principes opposés. […] La révolte des peuples contre les aristocraties a eu peut-être sa cause beaucoup moins dans le partage inégal des avantages sociaux que dans l’irritation causée chez les classes inférieures par le mépris et souvent l’indignité des classes supérieures. […] Ce qui est bien autrement redoutable, c’est le mal que voici. — Supposez une société démocratique née d’une révolution qui a aboli tous les privilèges de l’aristocratie, supposez que dans cette société il y ait encore, comme dans toutes les sociétés du monde, des heureux et des misérables, des riches et des pauvres : croit-on qu’il serait difficile de persuader à ceux-ci que la pauvreté des uns et la richesse des autres sont le résultat de certains privilèges des classes supérieures, et viennent de l’oppression des pauvres par les riches ? […] Je crois volontiers que l’égalité, dans les premiers moments de la jouissance, et lorsque la grandeur de la lutte a cessé, tend à répandre un certain esprit de médiocrité parmi les hommes ; mais je ne désespère pas qu’avec le temps, et si elles échappent à l’anarchie et au despotisme, les sociétés démocratiques ne finissent par découvrir pour l’individu un nouveau genre de grandeur, égale ou supérieure même à celle de l’aristocratie.

302. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Celui-ci est bien supérieur au Dante. […] Le Tasse paroît sur-tout supérieur à Homere dont il semble avoir suivi les traces, par l’art de nuancer les couleurs, & de donner aux différentes espêces de vertus & de vices les traits qui leur sont propres & qui les distinguent le plus. […] L’essai sur l’homme du même Ecrivain, est bien supérieur à son essai sur la critique par le grand nombre d’idées neuves, élevées, hardies, exprimées d’une maniere vive & énergique, mais quelquefois trop concise, source de fatigue pour le lecteur. […] Malgré cela, il faut convenir qu’on y trouve des élans de génie supérieur en quelque sorte aux forces humaines ; on y rencontre plusieurs tableaux admirables tels que la description de la mort ; l’épitaphe d’un homme qui quitte le monde, satan sortant de ses prisons au jour du jugement.

303. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

La médecine, avant lui, avait des chaires, il lui créa une tribune, et les avantages de cette tribune ont paru jusqu’ici supérieurs aux inconvénients. […] Le coup d’œil supérieur de Turgot et son zèle pour tout perfectionnement ne pouvaient que favoriser un tel projet ; ses successeurs pensèrent de même. […] Les nombreux éloges de Vicq d’Azyr ne portent pas tous sur des sujets importants ni sur des hommes supérieurs ; mais dans tous, même dans les plus tempérés, on sent des parties vives, l’art de connaître et de faire aimer les hommes.

304. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

En l’absence d’un homme énergique supérieur et capable de gouverner dans l’autre sens, c’était peut-être ce qu’il y avait de mieux à faire. […] C’était la puissance de l’homme, bien supérieure à celle de l’orateur. » Le contraire est vrai de M. Guizot : la puissance de l’orateur fut très supérieure chez lui à celle de l’homme d’État.

305. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il n’est rien de tel pour fortifier son jugement et accroître son expérience que d’écouter les esprits supérieurs et de recueillir leurs témoignages quand ils ne s’expriment pas en vue de la foule et pour amuser la galerie, mais quand ils parlent avec netteté et simplicité pour se laisser voir tels qu’ils sont à ceux qui sont dignes de les bien voir. […] Cet être puéril et grossier ne cessa ainsi, durant des années, d’entretenir cette jeune fille, belle, fière, supérieure, et qui, de nom du moins, était sa femme, des sottes et grotesques amourettes qu’il entamait à droite et à gauche avec les femmes les plus laides et les plus indignes, lesquelles, de leur côté, le méprisaient encore, comme le firent, au reste, et comme en avaient apparemment le droit, toutes celles à qui il eut affaire dans sa vie. […] Il dit qu’une philosophe de quinze ans ne pouvait se connaître soi-même, et que j’étais entourée de tant d’écueils, qu’il y avait tout à craindre que je n’échouasse à moins que mon àme ne fût d’une trempe tout à fait supérieure ; qu’il fallait la nourrir avec les meilleures lectures possibles : et à cet effet il me recommanda les Vies illustres de Plutarque, la Vie de Cicéron, et les Causes de la grandeur et de la décadence de la République romaine, par Montesquieu.

306. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Et en général, cette école de philosophes systématiques et distingués qui, dans leur classification un peu bizarre des grands hommes de l’histoire, ne voulaient voir en Napoléon dont ils méconnaissaient toute l’œuvre de création civile qu’un grand et puissant rétrogradateur, ne saurait soutenir désormais un pareil sentiment après tant de paroles de sagesse, de haute clairvoyance et presque de prophétie sociale, sorties de Sainte-Hélène, et qui révèlent un fond d’âme égal ou supérieur, s’il se peut, aux actes, et parfois meilleur. […] Qui n’a lu ses admirables Précis des campagnes de Turenne, de Frédéric, de César, suivis d’observations détaillées, — tout l’art et la science de la guerre résumés en quelques pages concises, et ramenés à des principes fixes, supérieurs, qu’il n’appartient pourtant qu’au génie ou au talent de savoir, à des degrés divers, mettre en pratique et appliquer ? […] Thiers, en les écrivant, n’a pas pensé à faire un morceau ; mais au terme de cette grande étude, de l’œuvre de sa vie, il est arrivé de tous les points, par la force même de la vérité et la convergence des faits, à cette conclusion énergique, à cette condensation supérieure de sa pensée.

307. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Notez-le bien : les excès de la passion littéraire, chez ce La Harpe si souvent mis en cause, valent mieux que les mêmes écarts ou les manquements chez Fréron, ils partent d’un meilleur principe ; ils sont d’un ordre supérieur, de l’ordre tout intellectuel, exempts et purs de tout trafic, sans alliage d’industriel et de mercantile. […] La Harpe, dans sa chétive personne, presque aussi exiguë que celle de Pope, sous cette enveloppe petite et frêle, que tous ces hommes gros et gras lui reprochaient grossièrement, avait des qualités vives, des susceptibilités fines, des nerfs délicats ; il sentait en lui un principe supérieur, une flamme, ce qui est devenu à certain jour un flambeau, ce qui lui a fait entreprendre et mener à bien les belles parties de son Cours de Littérature. […] On sent que Grimod de La Reynière, qui les a inspirées, est, parmi les Pères de la table, aussi supérieur à Brillat-Savarin que Mathurin Régnier l’est à Boileau.

308. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Né à Grésy-sur-Isère le 1er juillet 1810, élevé au petit séminaire de Saint-Pierre d’Albigny, dont le supérieur, l’abbé Gex, existe encore, il termina ses études chez les Jésuites à Chambéry. […] Ses idées religieuses se réveillèrent, mais supérieures, épurées et transfigurées par la méditation et la souffrance. […] Il avait retrouvé une sœur d’une nature pareille à la sienne, mais plus forte et mieux conservée, une sœur à la Pascal, si l’on peut dire, supérieure et fondatrice d’établissements religieux, une personne des plus considérées dans son Ordre ; il lui adressa ses plus doux et ses plus intimes épanchements.

309. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Il entretient les esprits supérieurs auxquels il s’adresse des sujets élevés qui leur sont familiers, et dans une langue doucement égayée d’esprit, heureusement tempérée de raison, d’élégance et d’agrément. […] C’est en cela que Loyson est fort supérieur à Casimir Delavigne, son contemporain, et à côté de qui il débuta dans les concours de l’Académie française. […] Ravaisson et Lachelier, comme un mouvement d’affinité naturelle et un redoublement d’estime pour la large et libre source méditative de Maine de Biran, laquelle me paraît supérieure en sincérité et en plénitude à ce qui en est sorti du côté de l’éclectisme.

310. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

« Le rôle qu’il joua à cette armée prouva que, si beaucoup de généraux du second rang s’éclipsent au premier, un génie supérieur ne peut rien quand il est forcé de remettre aux autres le soin d’apprécier ses projets et de les exécuter. » Jomini. […] Ce qu’il y a de singulier et ce qui, à la réflexion, ne paraîtra point pourtant très extraordinaire, c’est que cette science qui de tout temps a été devinée, comprise et pratiquée par des hommes d’un génie naturel supérieur, et qui, dans les détails d’exécution, a été remaniée et travaillée à l’infini, n’a été rédigée et ramenée à ses vrais principes généraux qu’à une époque très récente, et quand elle atteignait à ses plus vastes applications. […] Frédéric le Grand, par ses actions glorieuses, par une série d’exemples et d’opérations d’un ensemble et d’un ordre supérieurs à ce qui avait précédé, vint renouveler la matière des raisonnements et ouvrit le champ de la théorie : il suscita de nouveaux historiens et des critiques dignes de lui.

311. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Ajoutez le plaisir malin de dire à un homme supérieur en quelque genre : Monseigneur, vous baissez. […] Ici, en effet, est le mérite supérieur de la pièce de M. […] Mais, je le répète, ce n’est là que la formalité de clôture, en quelque sorte, dans un thème donné : l’essentiel et le fond, c’est cet ensemble de réflexions morales provoquées chemin faisant, c’est le sentiment judicieux, généreux, sincère, qui ressort de tout l’ouvrage, qui déclare l’honneur supérieur à toutes les opinions de parti, qui le fait voir toujours possible au sein même de ces opinions contraires, comme dans la belle scène finale entre sir Gilbert et Mortins qui mouille les yeux de larmes.

312. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Ils ont fait, pour ainsi dire, une invasion dans les classes supérieures de la société, et tout ce que nous avons souffert, et tout ce que nous condamnons dans la révolution, tient à la nécessité fatale qui a fait souvent confier la direction des affaires à ces conquérants de l’ordre civil. […] Les femmes n’ont point composé d’ouvrages véritablement supérieurs ; mais elles n’en ont pas moins éminemment servi les progrès de la littérature, par la foule de pensées qu’ont inspirées aux hommes les relations entretenues avec ces êtres mobiles et délicats. […] S’il existe une distance infinie entre les derniers hommes célèbres de l’antiquité et les premiers, qui, parmi les modernes, se sont illustrés dans la carrière des sciences et des lettres ; si Bacon, Machiavel et Montaigne ont des idées et des connaissances infiniment supérieures à celles de Pline, de Marc-Aurèle, etc., n’est-il pas évident que la raison humaine a fait des progrès pendant l’intervalle qui sépare la vie de ces grands hommes ?

313. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Pour les républiques populaires, il faut distinguer deux époques tout à fait différentes, celle qui a précédé l’imprimerie, et celle qui est contemporaine du plus grand développement possible de la liberté de la presse ; celle qui a précédé l’imprimerie devait être favorable à l’ascendant d’un homme sur les autres hommes, les lumières n’étant point disséminées ; celui qui avait reçu des talents supérieurs, une raison forte, avait de grands moyens d’agir sur la multitude ; le secret des causes n’était pas connu, l’analyse n’avait pas changé en science positive la magie de tous les effets. Enfin, l’on pouvait être étonné, par conséquent entraîné ; et des hommes croyaient qu’un d’entre eux était nécessaire à tous ; de là les grands dangers que courait la liberté, de là les factions toujours renaissantes, car les guerres d’opinions, finissent avec les événements qui les décident, avec les discussions qui les éclairent ; mais la puissance des hommes supérieurs se renouvelle avec chaque génération, et déchire, ou asservit la nation qui se livre sans mesure à cet enthousiasme ; mais lorsque la liberté de la presse, et ce qui est plus encore, la multiplicité des journaux rend publiques chaque jour les pensées de la veille, il est presque impossible qu’il existe dans un tel pays ce qu’on appelle de la gloire ; il y a de l’estime, parce que l’estime ne détruit pas l’égalité, et que celui qui l’accorde, juge au lieu de s’abandonner ; mais l’enthousiasme pour les hommes en est banni. […] Si l’on veut examiner la cause, du grand ascendant que dans Athènes, qu’à Rome, des génies supérieurs ont obtenu de l’empire presque aveugle, que dans les temps anciens ils ont exercé sur la multitude, on verra que l’opinion n’a jamais été fixée par l’opinion même, que c’est à quelques pouvoirs différents d’elle, à l’appui de quelque superstition que sa constance a été due : tantôt ce sont des rois, qui jusqu’à la fin de leur vie ont conservé la gloire qu’ils avaient obtenue ; mais les peuples croyaient alors que la royauté avait une origine céleste : tantôt on voit Numa inventer une fable pour faire accepter des lois que la sagesse lui dictait, se fiant plus à la crédulité qu’à l’évidence.

/ 2224