J’ose entreprendre d’éclaircir ce paradoxe et d’expliquer l’origine du plaisir que nous font les vers et les tableaux. […] Pour demêler leurs fautes, il est necessaire de reflechir et souvent même de s’instruire ; mais la matiere que j’ose traiter est présente à tout le monde.
On a osé faire à la reine l’éloge de mon ouvrage. […] Mais laissons cela ; votre motif est trop honnête pour oser vous gronder. […] Dites le contraire, si vous osez. […] C’est un vrai service que vous me rendriez et que j’ose espérer de vous. […] Comment des étrangers auraient-ils osé témoigner pour elle lorsqu’elle avait peine à trouver des gens de bien qui s’occupassent pour elle et des juges qui osassent prononcer en sa faveur ?
Cependant, il me toucherait encore plus si je né le voyais si grand raisonneur, et j’ose dire que je comprendrais mieux son infortune s’il me l’expliquait un peu moins. […] Si la beauté confie à la colombe messagère le secret qu’elle n’oserait révéler à ses austères gardiens, il ajoute : « Prête à voir l’oiseau charmant s’élever dans les airs, en emportant les vœux de sa tendresse, elle voudrait le retenir, comme on retient un aveu qui va s’échapper. » S’il parle des bouquets mystérieux qui racontent et les tendres inquiétudes et les douces espérances d’une jeune captive : « Messager, dit-il, plus discret que notre écriture, maintenant si connue, son parfum est déjà un langage, ses couleurs sont une idée. » L’ouvrage dont nous venons de rendre compte est suivi d’une espèce de nouvelle historique sur la vie du Camoëns. […] Denis et de la littérature portugaise, et des ouvrages du poète, il devait oser se passer des combinaisons du roman, et ne chercher l’intérêt que dans la simple réalité.
« Voici, dit-il dans la préface de son nouveau recueil, le complément nécessaire de mes deux ouvrages antérieurs, voici quelques pas de plus dans la route où j’ose dire être entré le premier, où plusieurs ont marché depuis et où bien d’autres s’élanceront plus tard… » Et encore : « Un critique illustre a bien voulu déclarer qu’Amour et Foi était le premier mot d’une poésie toute nouvelle, la poésie du dogme pur… » Il y a ici, ce me semble, quelque illusion dans le poète, et il y a eu de la part du critique illustre, qu’on ne nomme pas, quelque complaisance. […] je n’osais boire au céleste torrent, Moi n’étant pas aussi pur qu’elles. […] Son volume se divise en deux parts : la première, sous le titre de Livre d’Amour, est censée un legs d’un jeune poète mort à Moscou ; mais ce linceul n’est qu’un domino rose pour oser dire tout haut ses tendresses.
Jusque dans les louanges que le consul donne au prince, il y a un détail minutieux de petits objets ; j’ose même dire que le ton n’a pas toujours la noblesse qu’il devrait avoir. […] On n’osait approcher ; on n’osait même adresser la parole à un prince toujours caché dans l’ombre, et fuyant les regards, et qui ne sortait de sa profonde solitude que pour faire de Rome un désert.
Au lieu d’emprunter des heros aux grecs et aux latins, qu’on ose donc en faire de nos rois et de nos princes. […] Qu’on ose donc chanter les choses que nous avons sous les yeux, comme sont nos combats, nos fêtes et nos céremonies.
Elle adorait trop les anciens pour oser les juger, dédaignait trop les modernes pour en faire une sérieuse étude. […] Moquons-nous donc un peu même des véritables lois ; proclamons le despotisme de la fantaisie ; dédaignons la critique et, au besoin, le bon sens, s’il ose prendre parti pour elle. […] De là son embarras à l’endroit de l’idéal : elle n’ose le rejeter tout à fait et ne sait pas où le chercher ; car la nature ne le distingue point. […] Il fallait oser dire : Non, le but de l’art n’est pas de reproduire la nature ; car Daguerre serait le premier des peintres ; c’est d’émouvoir l’âme en l’agrandissant. […] Jupiter seul ose s’en vanter ; encore se flatte-t-il un peu.
Aucun jeune homme du village n’aurait osé être indiscret avec elle, tant on respectait son père. […] Bien rarement une femme pieuse ose se servir de la confession pour une confidence d’amour. […] Elle voulait, si j’ose le dire, voler sa reconnaissance, l’amener par violence à lui savoir gré de quelque chose. […] Le troisième jour, les gens du village osaient à peine s’aborder, se communiquer leurs réflexions. Tous, en effet, avaient la même pensée et n’osaient se la dire.
Oserai-je ouvrir toutes grandes les portes de la Maison du péché et dévoiler à tous les yeux ce que Gaston Deschamps aime réellement en Marcelle Tinayre ? […] Et la vraie pensée de Montesquieu, c’est la pensée — si j’ose dégrader ce mot — de M. […] Il n’ose pas tout à fait nous vendre les contes de Boccace ; il nous détaille des analyses chatouilleuses, encore que critiques, de toutes sortes de nouvelles florentines. […] Mais le choc des épées le grisait et il finissait par tuer des indifférents pour n’avoir pas osé chagriner par un refus d’autres indifférents. […] Oui, vraiment, le prétendu critique ose dire que les bavardages élégants de M.
Si on les en croit, l’essence de l’enthousiasme est de ne pouvoir être compris que par les esprits du premier ordre, à la tête desquels ils se supposent, et dont ils excluent tous ceux qui osent ne les pas entendre. […] J’oserai donc exposer là-dessus ma conjecture, qui ne peut être qu’utile, quand elle ne feroit qu’exciter quelqu’un à en trouver le faux, et à lui opposer la vérité. […] J’ai osé traduire quelques-unes de ses odes, où je serai demeuré sans doute fort au-dessous de mon original : mais comme il n’y en a point encore de traduction publique en vers françois, qu’il n’en a couru de tems en tems dans le monde que de simples imitations, et même la plûpart en vers irréguliers, je me suis encore laissé gagner à la nouveauté. […] Cependant j’oserai avancer qu’il a imité Pindare, en homme qui connoissoit son modéle ; jusques-là que ce qu’il emprunte d’Horace devient pindarique entre ses mains. […] J’ose les assûrer que ce n’est ni obstination, ni paresse ; mais l’impuissance du poëte, et peut-être aussi celle de l’art.
Mme de Maintenon avait dû plus d’une fois songer, dans les degrés divers de son élévation, à cette histoire romanesque de Marianne, et elle savait gré sans doute à Lassay d’avoir osé mettre un jour la sagesse de conduite et la vertu au-dessus du rang. […] Redemandant cette même faveur d’être aide de camp du roi pour la campagne qui suivit celle de Namur, et qui fut la dernière que fit Louis XIV, Lassay savait bien qu’il allait au cœur de Mme de Maintenon lorsqu’il insistait sur la prudence et qu’il disait bien plus en courtisan qu’en soldat : Si je ne regardais que mon intérêt particulier, par toutes sortes de raisons je souhaiterais ardemment qu’il (le roi) allât commander ses armées, mais je crois qu’il n’y a pas de bon Français qui doive souhaiter qu’il y aille : quand je songe à Namur, je tremble encore ; sans compter les autres périls, le roi passait tous les jours au milieu des bois qui pouvaient être pleins de petits partis ennemis ; on n’oserait seulement porter sa pensée à ce qui pouvait arriver : que serait devenu l’État, et que serions-nous devenus ? […] Il s’était trompé en effet, et je n’ose dire qu’il en souffrit beaucoup. […] C’est cette même marquise de Lassay pour laquelle Chaulieu, qui en était épris, et qui la rencontrait sans cesse dans la petite cour de Mme la Duchesse à Saint-Maur, a fait une foule de jolis vers, et ceux-ci entre autres où il parle de son cœur d’un ton presque aussi ému que l’eût pu faire La Fontaine : Il brûle d’une ardeur désormais éternelle ; Et, livré tout entier à qui l’a su charmer, Il sert encore un Dieu qu’il n’ose plus nommer51. […] Au cinquième acte, Hippolyte exilé par son père veut engager Aricie à fuir avec lui, et à venir recevoir sa foi dans un temple fameux, voisin de Trézène : Aux portes de Trézène, et parmi ces tombeaux, Des princes de ma race antiques sépultures, Est un temple sacré, formidable aux parjures ; C’est là que les mortels n’osent jurer en vain ; Le perfide y reçoit un châtiment soudain… Pourquoi, observait M. de Lassay, puisque ce temple était connu par son caractère redoutable et sacré, pourquoi Hippolyte, accusé par son père et le trouvant incrédule à sa parole, n’a-t-il pas eu aussi bien la pensée de lui offrir le serment devant l’autel même où la vérité se déclarait et, pour ainsi dire, éclatait à l’instant ?
Vous avez trop bonne opinion de la nation pour ne pas croire qu’elle puisse produire des gens qui, soutenus uniquement par leur zèle, osent penser noblement… Trop heureux s’ils peuvent être bien connus, et si des ministres éclairés, attentifs, justes, sans humeur et sans passion (avis à Chamillart !) […] Dans cette guerre du Rhin en particulier, Louis XIV avait besoin, en 1702, qu’on opérât une puissante diversion en faveur de l’électeur de Bavière, qui osait, au cœur de l’Allemagne, se déclarer pour lui, et qui était en danger, si on ne les partageait, d’avoir à porter le gros des forces de l’empire. […] Voilà ce qui fait, monseigneur, que l’on n’a plus d’armée quand on met tout en garnison… — Pardonnez-moi, monseigneur, mes raisonnements ; je les soumets avec le respect que je dois, et j’ose me flatter que vous n’en désapprouverez pas la liberté. […] Il y faisait voir non pas de l’égalité seulement et une activité paisible, mais presque un jeu continuel, si on ose s’exprimer ainsi. » Bien que cela ait été dit dans un discours académique, cela est vrai. […] En attendant, « j’ose assurer Votre Majesté, écrivait le maréchal de Villars après Friedlingen, que ce qui ne sera pas exécuté par l’armée dont il lui a plu de me donner le commandement n’aura pu l’être ; et il ne viendra pas de lettre de ladite armée qui dise que l’on pouvait faire plus. » Villars pense à assurer ses quartiers d’hiver et à parer aux nouvelles dispositions de l’ennemi.
L’abbé de Caumartin eut l’idée assez naturelle que l’évêque de Noyon, du moment qu’il entrait à l’Académie, ne devait pas être reçu comme un autre, et oubliant la gravité du rôle auquel il n’était pas encore accoutumé, il osa songer à le railler en face, et presque au nom de la compagnie, du droit que les délicats croient si aisément avoir sur la vanité et sur la sottise qui vient s’étaler. […] disait-il, le sublime génie qui anime et soutient cet illustre corps m’a seul inspiré le glorieux dessein d’en être membre ; et comme, étant supérieur à tout, il n’a que de grandes vues, j’en reçois heureusement celles que je n’aurais osé prendre de mon chef, et que vous avez bien voulu rendre effectives. […] Le public, ou du moins cette élite du monde qui tenait lieu alors de public, était décidée à être des trois quarts dans l’ironie pour peu qu’il s’y prêtât ; et il s’y prêta plus même qu’il n’était nécessaire : Monsieur, dit-il, si les places de l’Académie française n’étaient considérées que par les dignités de ceux qui les ont remplies, nous n’aurions osé vous offrir celle dont vous venez de prendre possession, et peut-être n’auriez-vous pas eu vous-même tout l’empressement que vous avez témoigné pour l’avoir. […] Après l’éloquent panégyrique que vous venez de faire de ce grand prince, je n’obscurcirai point par de faibles traits les idées grandes et lumineuses que vous en avez tracées : je dirai seulement que pendant qu’il soutient seul le droit des rois et la cause de la religion, il veut bien encore être attentif à la perte que nous avons faite, et la réparer dignement en nous donnant un sujet auquel, sans lui, nous n’aurions jamais osé penser. […] Tel est presque en entier ce discours qui fit alors tant de bruit, qu’on n’osa imprimer d’abord dans les recueils de l’Académie française, et qui ne fut imprimé que plus tard dans ceux qu’on publiait en Hollande.
Nous n’aurons pas ce dédain aujourd’hui ; nous tâcherons, sans mentir en rien et sans rien surfaire, d’apprécier à sa valeur ce talent qui ne fut ni très élevé, ni très énergique, ni très étendu, mais qui fut modeste, naturel, sincère, et qui se montra gai, vif, fertile, agréable et fin, lorsqu’il osa être tout entier lui-même, et qu’il ne sortit pas de ses justes emplois. […] Osez m’assurer que vous ne venez pas de chez M. […] Lacretelle l’a très bien fait observer en nous peignant ce Florian réel, qui avait le privilège d’inspirer partout la joie par ses bons mots, ses contes et ses chansons : « Il osait peu se livrer à sa gaieté naturelle en écrivant. C’est un don de l’expérience et même d’une profonde étude que d’être familier et de rire avec ses lecteurs. » Plus jeune, il avait osé rire et pleurer à la fois dans ses arlequinades pour Mme Gonthier ; plus mûr, et un peu enhardi par les débuts de la Révolution, il osa être piquant, gai, malin, en même temps que moral encore et bienveillant, dans ses Fables.
Il aimerait peu la jeune fille anglaise ou américaine, qui a du muscle, qui voyage seule, qui veut, qui décide, qui ose. […] Dans le chapitre : La Mouche et l’Araignée, cherchant comment elle peut être amenée à la faute, il n’ose imaginer que deux cas : si elle tombe, — c’est qu’une perfide amie avait résolu de la faire tomber, la pauvre petite ; — ou c’est que, de très bonne foi, elle voulait, la chère enfant, servir les intérêts de son mari… Et pour elle Michelet imagine des fractions de responsabilité morale. […] Il en fait bénéficier jusqu’à la jeune fille qui se laissa endommager et qui ne s’en vante pas la nuit de ses noces : « Vous devez, dit-il au mari, vous fier à elle tout d’abord pour son passé : que serait-ce si elle osait vous interroger sur le vôtre ? […] Il faut se mettre à genoux avant d’oser y regarder… Je ne connais pas l’étonnant artiste.
Cela posé, et en conséquence de cette loi, il a été démontré, par d’assez nombreux exemples, que les talents les plus vrais parmi les femmes de ce siècle (comme de tous les siècles, du reste, si on en écrivait l’histoire), qui ont osé la littérature, ont toujours été ceux-là qui ont affecté le moins d’être littéraires ou qui ont eu le bonheur d’oublier, en faisant leur livre, qu’ils en faisaient un. […] Mais heureusement pour nous, et j’ose dire heureusement pour elle, — car l’âme des saints doit être avide, même dans le ciel, de faire, par leur exemple, d’autres saints sur la terre, — il y eut dans sa vie, toujours cachée ou empêchée, le hasard providentiel de la rencontre d’un poëte et d’un cœur religieux, sans lequel nous n’aurions aujourd’hui ni l’immense poëte qu’elle fut, elle, ni la sainte aux grâces transcendantes, que M. […] Pour ceux donc qui lurent la traduction que M. l’abbé Cazalès en donna, il y a quelques années, et qui en furent émus, cette émotion de la première lecture sera certainement ravivée dans toute sa profondeur à la seconde ; mais les récits nouveaux qu’on nous donné, quoique très curieux souvent, très beaux toujours et partout marqués du caractère particulier et distinctif de ce que j’ai osé appeler le talent de la sainte Mystique, n’ajouteront rien à cette émotion ravivée et à la connaissance qu’on avait déjà de ce talent, qui, ne le fût-il pas d’une autre manière, par l’intensité seule de sa touche, serait encore surnaturel ! […] Et voilà pourtant ce qu’a fait la sœur Emmerich, et avec une telle certitude, une telle sûreté d’elle-même, qu’elle a réussi de manière à ce que les théologiens l’absolvent, tout au moins, quand ils ne la glorifient pas, et que nous, critiques littéraires, nous admirons au nom de la beauté, telle que l’art la conçoit, l’intuition, quelle qu’elle fût, qui fut en elle et qui nous a donné ces trois livres, comme on n’en avait pas vu encore dans la littérature sacrée, — ces trois livres d’histoire qui, en définitive, sont trois poëmes ; car l’histoire se puise à des sources, et ici il n’y a pas d’autre source qu’une âme en extase, — ces trois livres enfin dont on peut dire : « théologiquement, il n’est pas de rigueur d’y croire », mais dont on n’oserait dire cependant : « théologiquement, ils sont faux !
… Aurait-il osé écrire tout ce qu’il en disait ? […] Il n’a cueilli que cette rose pâle dans la gerbe des roses noires ensanglantées de lord Byron· Il n’a pas osé, tout hardi qu’il est, mettre la main dans le buisson terrible. […] Osons nous plaindre, à l’heure où le peuple qui monte Semble nous refuser jusqu’au droit de souffrir.
L’idée de la Calomnie est aussi courageuse que spirituelle ; on doit remercier l’auteur d’avoir osé dire et su faire accepter au public, si esclave des journaux, bon nombre de vérités assez neuves sur la scène. […] Le second acte a des parties énergiques dans le rôle du ministre ; il en est partout de délicates et de fines dans le rôle de Cécile, surtout au moment où, forcée par la calomnie, elle ose regarder en elle-même et s’avouer son amour pour son tuteur : ce revirement de cœur est traité à merveille.
J’osai, dans le ciel même, déclarer la guerre au roi du ciel. […] Ce n’était pas par des promesses de soumission que je les séduisis, lorsque j’osai me vanter de subjuguer le Tout-Puissant.
Les Détracteurs de Despréaux n’osent pas, il est vrai, disconvenir de la beauté de cette Poétique ; mais ils tâchent d’affoiblir le mérite de l’Auteur, en disant qu’elle n’est qu’une imitation de celle d’Horace, & le plus souvent une simple traduction. […] Qu’on lise les Mémoires de sa vie ; on y applaudira à la générosité de ses bienfaits, répandus sur les Littérateurs qu’il se croyoit obligé d’attaquer dans ses Ecrits ; on y apprendra qu’il a été le bienfaiteur de Liniere, qui ne cessoit de déclamer contre lui ; qu’il donna des secours à Cassandre, dont il estimoit peu les talens ; qu’il se réconcilia avec Perrault, en oubliant ses calomnies ; qu’il rendit justice à Boursault, en reconnoissant son mérite qu’il avoit trop méconnu ; qu’il conserva au célebre Patru sa Bibliotheque, en l’achetant plus cher qu’il ne vouloit la vendre, & en lui en laissant la jouissance ; qu’il osa refuser le paiement de la pension que lui faisoit Louis XIV, en disant à ce Prince, qu’il seroit honteux pour lui de la recevoir, tandis que Corneille, qui venoit de perdre la sienne, par la mort de Colbert, se verroit privé de ses bienfaits : ce qui valut à ce dernier un présent de deux cents louis ; qu’il eut un grand nombre d’amis dans les rangs les plus élevés, comme parmi les plus célebres Littérateurs de son temps, & qu’il les conserva toute sa vie. […] Si on ose nous répéter encore qu’il manquoit de sentiment, nous dirons qu’il aima mieux le mettre dans ses actions que dans ses Ouvrages, & qu’il n’en est que plus estimable.
Oui, nous oserions en jurer, telle fut la pensée de Marie-Thérèse. […] Dans cette lumière qu’il faut allumer, et que MM. de Goncourt n’ont pas allumée, on distingue, on discerne jusqu’au fond mystérieux, mais clair, de cette merveilleuse source d’innocence ; on peut enfin juger cette vie, dont on ose dire encore « Est-ce sûr ? […] En racontant comme ils l’ont fait Marie-Antoinette, ce règne qui passe entre deux insultes : l’insulte de Louis XV, qui osa bien présenter Mme Du Barry à la Dauphine, femme de son fils, et l’insulte des Tricoteuses qui vouaient à la mort l’Autrichienne, ils n’ont raconté que la Reine, mais pas assez la femme du Roi.
S’ils osent prétendre qu’il a une bosse, cet esprit droit, il l’a roulée, du moins, dans tous les chemins du Seigneur, devenus pour lui des chemins maudits… Il sait la vie moderne comme pas un ; la vie qu’il méprise ! […] Leur faiblesse avait fait sa force… Et je ne parle pas des pauvres Bourbons, qui n’osèrent rien contre qui avait tout osé contre eux ; je parle de l’homme qui paraissait le plus providentiellement créé pour être l’Hercule de cette Hydre et qui ne le fut point.
Je ne conseillerai jamais à personne de se passer autour du cou ces jougs dangereux, car ils deviennent une cangue pour le talent qui l’ose ! […] Maurice Bouchor a osé… Ce moderne si fier, si enivré d’être un moderne, a cru qu’il pourrait moderniser Faust. […] Anglais de mœurs poétiques, Maurice Bouchor est un shakespearien d’une telle préoccupation qu’il a coupé son poème en vers par des couplets en prose, comme le fait quelquefois Shakespeare dans ses drames, ce que j’ose blâmer, même en Shakespeare ; car ce que je respecte plus encore que Shakespeare lui-même, c’est la beauté dans les œuvres et leur unité, sans laquelle la beauté n’est pas !
Et lorsque dans leurs idées de réforme, ils ont décidé de revenir à l’antiquité grecque et romaine, toujours fidèles à cette logique incomplète du bon sens qui n’ose pousser au bout des choses, ils se tiennent aux Romains de préférence aux Grecs ; et le siècle d’Auguste leur présente au premier aspect le type absolu du beau. […] Jaloux de défendre Homère, Boileau, au lieu d’accueillir bravement la critique de Perrault et d’en décorer son poëte à titre d’éloge, au lieu d’oser admettre que la cour d’Agamemnon n’était pas tenue à la même étiquette de langage que celle de Louis le Grand, Boileau se rejette sur ce que Longin, qui reproche des termes bas à plusieurs auteurs et à Hérodote en particulier, ne parle pas d’Homère : preuve évidente que les œuvres de ce poëte ne renferment point un seul terme bas, et que toutes ses expressions sont nobles. […] Boileau seul, conseillé de son bon sens, osa défendre l’expression ; mais il la défendit bien moins comme nette et franche en elle-même que comme reçue dans le style noble et poli, depuis que Vaugelas et d’Ablancourt l’avaient employée. […] « On ne m’a pas fort accablé d’éloges sur le sonnet de ma parente, écrit Boileau à Brossette ; cependant, monsieur, oserai-je vous dire que c’est une des choses de ma façon dont je m’applaudis le plus, et que je ne crois pas avoir rien dit de plus gracieux que : A ses jeux innocents enfant associé, et Rompit de ses beaux jours le fil trop délié, et Fut le premier démon qui m’inspira des vers. […] Rien ne saurait mieux donner idée du degré de défaveur que la réputation de Boileau encourait à un certain moment, que de voir dans l’excellent recueil intitulé l’Esprit des Journaux (mars 1785, page 243) le passage suivant d’un article sur l’Épître en vers, adressé de Montpellier aux rédacteurs du journal ; ce passage, à mon sens, par son incidence même et son hasard tout naturel, exprime mieux l’état de l’opinion courante que ne le ferait un jugement formel : « Boileau, est-il dit, qui vint ensuite (après Regnier), mit dans ce qu’il écrivit en ce genre la raison en vers harmonieux et pleins d’images : c’est du plus célèbre poëte de ce siècle que nous avons emprunté ce jugement sur les Épîtres de Boileau, parce qu’une infinité de personnes dont l’autorité n’est point à mépriser, affectant aujourd’hui d’en juger plus défavorablement, nous avons craint, en nous élevant contre leur opinion, de mettre nos erreurs à la place des leurs. » Que de précautions pour oser louer !
Ils osent à peine lever les yeux l’un sur l’autre ; on dirait qu’ils ont peur de leur changement réciproque et qu’ils craignent de fondre en larmes en se voyant si vieillis, si grimaçants, si maussades. […] Ce secret, que Jane avoue à cet étranger, inconnu la veille, une fille oserait à peine le balbutier à sa mère, entre deux sanglots. […] La pièce se ressent de sa triste influence ; elle se met au ton de ce dur railleur ; les sentiments tendres n’osent guère s’y montrer. […] Non content de l’avoir souillée, il ose la flétrir. […] Jeannine, agenouillée sur son fils, la tête cachée dans ses vêtements, sanglote doucement à cette voix chérie qui lui révèle un bonheur qu’elle n’ose espérer.
Nous avons donc vû Quinault plaire durant un temps sans que ceux ausquels il plaisoit osassent soutenir qu’il fut un poëte excellent dans son genre. […] Il y a cinquante ans qu’on n’osoit dire que Quinault fut un poëte excellent en son genre.
Sur un seul point j’oserai contredire Retz : il refuse l’imagination à La Rochefoucauld, qui me semble l’avoir eue grande134. […] Après tout, la philosophie morale de La Rochefoucauld n’est pas si opposée à celle de son siècle, et il profita de la rencontre pour oser être franc. […] L’homme est tellement réhabilité de nos jours, qu’on n’oserait lui dire tout haut ni presque écrire ce qui passait pour des vérités au dix-septième siècle. […] Ceci devient piquant, et j’oserai tout révéler. […] On n’osait pas être tout à fait soi-même ; on avait égard aux autres.
Dès qu’ils sont au monde, osez vous dire que votre jeunesse va passer dans la leur ; ô mères ! […] L’oserai-je bien dire ? […] L’imagination n’osait aller bien loin sur cet article, et nos souverains eux-mêmes s’efforçaient en vain de chercher ce qu’ils pouvaient permettre. […] Osons, non pas en vue de louange pour elle, mais en vue du fruit pour quelques-uns, osons soulever un coin du saint voile ; elle s’écriait : « … C’est vous, mon Dieu, qui avez permis que je vinsse un moment dans ce monde, où nous sommes tous appelés, pour y faire un court et pénible voyage. […] Oserai-je vous parler de ces faibles vertus dont les hommes insensés me louaient, parce qu’ils ignoraient qu’elles n’étaient point accompagnées de sacrifices ?
Je n’ai pas la prétention de juger ici en quelques mots un personnage comme Bonaparte, qui offre tant d’aspects, et dont la venue a introduit dans le monde de si innombrables conséquences ; mais pour rester au point de vue qui m’occupe, j’oserai dire qu’il est l’homme qui a le plus démoralisé d’hommes de ce temps, qui a le plus contribué à subordonner pour eux le droit au fait, le devoir au bien-être, la conviction à l’utilité, la conscience aux dehors d’une fausse gloire. […] Nous sommes de son avis en cela, et il nous semble qu’en ce qui touche les portions toutes romanesques de la vie des grands hommes, s’il y a peu à faire pour les rendre plus complètes et harmonieuses, il est permis de l’oser ; mais un goût parfait, une discrétion extrême, devraient présider à ces légères et chastes atteintes. […] Lorsqu’on pousse trop loin l’idée de la prédestination des grands hommes, il arrive qu’on est amené, sans y prendre garde, à être sévère et injuste pour une foule d’hommes secondaires, mais estimables, qui dans leur temps et au nom de leur bon sens ou de leur vertu, et aussi de leurs passions, ont osé contredire sur quelque point et retarder un moment les triomphateurs. « A quarante ans, dit le poëte, il se déclare autour de Mirabeau, en France, une de ces formidables anarchies d’idées où se fondent les sociétés qui ont fait leur temps. […] Ceux-ci n’osaient venir toucher leurs redevances, et ils attendirent qu’il fût mort pour réclamer de sa veuve les arrérages qui montèrent à 50,000 francs à la fois. Ses fils le voyaient à peine et ne l’interrogeaient pas ; ils n’auraient pas même osé lui adresser un culte direct : « Je n’ai jamais eu l’honneur, dit le marquis, père de Mirabeau, de toucher la chair de cet homme respectable. » Sa femme, par nature ou par obéissance, avait contracté les mêmes mœurs.
Ce que seraient devenues ces adorables Poésies d’André Chénier si elles étaient tombées en d’autres mains, en des mains académiques de ce temps-là, ce qu’elles auraient subi de retranchements, de corrections, de rectifications grammaticales, on n’ose y songer. […] Il n’osait pas lancer résolument son dard ou son javelot ; il n’osait point attaquer les gens face à face, et à peine si ceux qu’il visait en s’esquivant s’apercevaient que cela, allait à leur adresse. […] Lorsque Ganganelli vient d’être élu pape, et que Carlin est allé à Rome, c’est un sentiment délicat que celui qui empêche le comédien d’oser se présenter familièrement à son ancien ami, malgré l’instance qui lui en est faite ; car ce comédien est Italien, il est catholique et dévot ; il révère, il adore presque dans cet ami, qu’il tutoyait la veille, le vicaire de Jésus-Christ sur la terre. […] Quand j’ai osé relever ma paupière, vos yeux étaient encore sur moi… et dans tes yeux j’ai vu briller une larme. […] C’était comme une lampe qui n’a pas d’air… Son enthousiasme pour la littérature allemande et pour la transformation de la nôtre l’a beaucoup subjugué : depuis j’ai osé m’étonner que sa poésie, bien qu’élégante, mais cérémonieuse toujours, se fût à peine dégagée de l’esclavage dont il avait horreur… Son esprit parlé était plus irrésistible quand il se croyait bien écouté et bien compris, et qu’il respirait de sa maladie noire.
Puisque j’ai osé écrire ce grand diable de mot, qu’on me permette d’ajouter qu’il y en a de deux espèces : celle précisément qui vient d’en haut et qui reste longtemps sans descendre, et celle qui vient d’en bas et qui ne reste pas longtemps même là. […] À qui peut la juger il est évident que cette œuvre, qui a demandé tant d’années, ce hardi et magnifique travail exécuté sur la cathédrale de France la plus effrayante de beauté et la plus désespérante pour qui oserait se charger d’y porter la main, peuvent faire pressentir à la critique un architecte créateur pour plus tard, un architecte, enfin, pour le propre compte de son génie ! […] tout ce que je veux, et ce que j’ose affirmer, c’est que jamais théorie plus impartiale et plus étendue n’a été posée, en quelque matière que ce soit, et n’a mieux donné la caractéristique de l’esprit qui l’a inventée.
Jamais personne, en son temps, ne fut plus digne de porter la cigale d’or dans ses cheveux — Mais parce qu’il est cela, — incontestablement, — est-ce une raison pour que la Critique n’ose pas mesurer son niveau et porter sur lui le regard qu’elle y porterait si cette œuvre paraissait aujourd’hui et fût toute neuve dans la gloire ?… C’est une raison au contraire pour qu’elle l’ose, car, le difficile, voilà ce qui tente les esprits vraiment courageux. […] Et voilà que nous nous retrouvons une cinquantième fois devant une vieille poétique abattue, qu’on n’oserait peut-être pas relever en littérature, mais qu’on croit pouvoir très bien relever en histoire, et qui est vraie partout, ou qui ne l’est pas plus en histoire qu’en littérature !
Seulement, j’ose affirmer que de telles rubriques, employées bien plus pour accrocher le public qui passe que pour satisfaire le public qui s’assied, un véritable historien, si jamais on les suggérait à sa pensée, les rejetterait avec le mépris qui convient. […] Il n’est ni l’écrivain pittoresque, ni l’écrivain moraliste, ni l’écrivain judicieusement profond qu’il faudrait pour constituer la triplicité de talent qui est de rigueur quand on ose toucher à l’Histoire. […] Ce chef-d’œuvre de bonne humeur dans l’audace et l’exécution, qui refit un roi en Suède, rétablit la tradition historique, et arracha le pays aux oligarques corrompus qui le vendaient, morceau par morceau, aux enchérisseurs étrangers, fut la grande leçon donnée pour jamais aux Pouvoirs faibles qui savent oser… Et ce restera la gloire de Gustave III de l’avoir donnée, cette leçon.
. — Il ne nous restera, tout cela démontré, qu’à supplier l’amitié elle-même de nous pardonner d’avoir pu être si analyseur à son égard, et d’avoir tant osé distinguer ici et là. […] Il a pensé avec les Bénédictins, et par des raisons que j’ose dire plus profondes, que l’histoire littéraire de la France ne se pouvait circonscrire aux siècles où l’on a commencé d’écrire en français. […] Ampère a très-bien rapproché les louanges sans mesure prodiguées par Ausone aux vers de saint Paulin, et les ridicules compliments que Balzac adresse au Père Josset : « Oserai-je, écrivait Balzac, hasarder une pensée qui vient de me tomber dans l’esprit ? […] Mais ce n’était là qu’un premier essai bien incomplet, bien arriéré et nullement méthodique ; dans sa modestie laborieuse et à la fois dans sa pleine confiance en Celui qui est la force des faibles, le pieux bénédictin osa embrasser un plan immense qu’un autre bénédictin, dom Roussel, avait déjà également conçu : rassembler dès les origines toutes les parties éparses de notre histoire littéraire, en composer un corps méthodique et régulier. […] Il suffit même qu’il soit dit quelque part que tel Gaulois ou tel Français a écrit quelque chose pour qu’on lui accorde un rang dans la liste et qu’on en fasse mention dans le corps de l’ouvrage ; avoir été simplement homme de lettres, ou même avoir haï et persécuté les sciences (comme l’empereur Caracalla), est un titre pour avoir un article à part, et un digne éloge ou un juste blâme. » Osons le redire à notre tour ; oui, Prévost avait raison ; échappé lui-même des Bénédictins et de leur méthode, il en parlait pertinemment.
On ne peut donc que le plaindre d’avoir eu le courage de paroître Philosophe, avec tant de risques ; & la foiblesse de n’oser cesser de l’être, avec tant de moyens d’assurer sa gloire par d’autres bons Ouvrages qu’il étoit capable de donner. […] Comment a-t-il osé m’imposer d’avoir outragé M Helvétius, que j’ai, au contraire, cherché à excuser ?
J’ose dire cependant, que ce devroit être tout le contraire. […] Et puisque l’on a osé fuir en sa présence, y a-t-il lieu d’espérer qu’on sera plus ferme quand on ne le verra plus ? […] On me fait encore une querelle, sur ce que j’ose appeller grossiers, ces temps prétendus héroïques. […] Principe qu’on me conteste, et que j’ose encore soûtenir après la réfutation. […] Je connois peu l’amour, mais j’ose te répondre qu’il n’est pas condamné, puisqu’on veut le confondre.
On se les rendit bientôt assez familiers, pour oser les faire passer, soit Grecs, soit Latins, dans notre langue, toute barbare qu’elle étoit encore. […] Richelieu céda enfin à l’Auteur du Cid la palme qu’il avoit osé lui disputer. […] Comment ose-t-on décider des rangs, apprécier le mérite, quand on est incapable de comparer par soi-même les talens des uns & des autres ? […] Osera-t-on soutenir qu’ils sont capables de la remplacer ? […] A peine la critique ose-t-elle élever la voix, qu’elle irrite la bile des Auteurs, arme la calomnie, produit les haines & les inimitiés les plus cruelles.
Mais comment oser s’ouvrir à elle ? […] On aura remarqué les caractères physiques par lesquels le poëte accuse les progrès de la passion chez Médée, et ce siége de la nuque qu’il assigne au foyer du mal : ainsi osaient faire les Anciens. […] … » La délicatesse moderne n’ose plus parler de la sorte, et c’est tout ce qu’elle peut faire que de supporter la traduction sans fard de ce langage. […] J’oserai même ajouter qu’à l’autre extrême, et dans un groupe tout différent, madame de Warens n’est pa-plus sujette à ce noble mal que Béatrice. […] avides, altérées, Ont osé cette fois descendre et se poser : Ton beau cou s’inclina, ta brune chevelure Laissa monter dans l’air un parfum plus charmant ; Mais quand je m’arrêtai contemplant ta figure, Deux larmes y coulaient silencieusement.
Mais pour cette mesure il fallait une délibération au moins de quelques membres du sénat, et pas un d’eux n’osait souscrire un tel acte. […] Nul député, nul écrivain n’exprimera librement sa pensée s’il peut être banni quand sa franchise aura déplu ; nul homme n’osera parler avec sincérité, s’il peut lui en coûter le bonheur de sa famille entière. […] Elle revint jouir de sa gloire à Coppet, à Genève, à Rouen, à Auxerre, enfin dans une terre de M. de Castellane, à douze lieues de Paris, sans oser s’en rapprocher davantage. […] « Le même jour, Napoléon frappa l’illustration et la vertu dans M. de Montmorency, la beauté dans madame Récamier, et, si j’ose le dire, en moi quelque réputation de talent. […] Cependant elle n’osa pas résider ouvertement dans le seul pays ennemi de la France où sa résidence eût été un crime, puni peut-être dans la fortune de ses enfants.
A cela près pourtant, tout était bien et aurait continué de l’être, si, le moment de ferveur passé, le poëte, revenant à ses goûts secrets, avait quitté une arène où il ne s’était jeté que par élan ; si, rentrant en quelque sorte dans la vie privée, il avait osé redevenir lyrique, comme il l’avait été d’abord, avec ses impressions personnelles, affections douces, mystérieuses, pudiques, écloses et nourries sous un ciel idéal, dans le calme des bocages sacrés, ou parmi les danses des guerriers et des vierges. […] S’il n’a pas retrouvé dans ses publications lyriques d’une date postérieure la même veine et le même jet, c’est aussi que ce moment de 1819 était unique pour célébrer cette simple douleur patriotique de la défaite, et qu’à moins d’entrer au vif dans la chanson antidynastique avec Béranger, à moins d’oser la satire personnelle avec les auteurs de la Villéliade, on n’avait à exprimer, dans le sentiment libéral, que des thèmes généraux plus spécieux que féconds. […] enfin faut-il oser repasser par le pis en vue de revenir au mieux ? […] Delavigne, nous lui dirions d’oser être, à la scène, plus d’accord avec ses goûts, avec ses sympathies littéraires, qu’il ne se l’est accordé peut-être depuis quelques années.
En sortant du Temple, si on ose se former l’idée de ces mystères de la douleur, il me semble que la vie comme l’âme de Madame Royale était achevée dans ce qu’elle avait d’essentiel ; elle était fermée du côté de l’avenir : toutes ses sources et toutes ses racines étaient désormais dans le passé. […] Le monde, pour elle, se présentait comme partagé nettement en deux, les bons et les méchants : les méchants, c’est-à-dire tout ce que l’imagination humaine, dans les heures de paix et de régularité sociale, ose à peine se représenter à nu, la brutalité dans toute sa grossièreté et sa bassesse, le vice et l’envie dans toute l’ivresse ignoble de leur triomphe et dans la cruauté de leurs raffinements ; les bons, c’est-à-dire quelques-uns, touchés, pleurant, timides, adoucissant le mal à la dérobée et se cachant. […] Elle s’y montre très frappée de la dignité de sa mère qui, aux paroles de diverse sorte qu’on adressait aux nobles captifs, n’opposait le plus souvent que le silence : Ma mère, comme à l’ordinaire, ne dit mot, écrit Madame à propos d’une nouvelle insultante qu’on leur annonçait, et elle n’eut pas même l’air d’entendre ; souvent son calme si méprisant et son maintien si digne en imposèrent : c’était rarement à elle qu’on osait adresser la parole. […] Enfin la Convention, après le 9 Thermidor, s’adoucit : l’opinion publique se fit jour, et la pitié osa murmurer.
Celle qui fut ma fille à mes yeux va périr Sans trouver un guerrier qui l’ose secourir : Ma douleur s’en accroît, ma honte s’en augmente. […] Je n’ose m’en flatter. […] Je n’ose m’en flatter. […] Sais-tu ce que j’ose tenter ?
J’oserais dire à Boucher. […] Préviens, si tu l’oses, le jugement de la postérité ; ou si tu n’en as pas le courage, peins-moi du moins celui qu’elle a porté. […] J’ose proposer au plus intrépide de nos artistes de nous effrayer autant par son pinceau que nous le sommes par le simple récit du gazetier, de cette foule d’Anglais expirants, étouffés dans un cachot trop étroit, par les ordres d’un nabab. […] Ceux-ci regardent les premiers comme des têtes étroites, sans idées, sans poésie, sans grandeur, sans élévation, sans génie, qui vont se traînant servilement d’après la nature qu’ils n’osent perdre un moment de vue.
Ces messieurs (qui s’étaient couchés sans doute un peu en gaieté) se réveillèrent un beau matin avec serment d’exterminer tout homme de lettres ne pouvant justifier d’un diplôme de licencié : Francisque, le plus osé des deux, se réserva de tomber le romantisme, tandis qu’Edmond retroussait en riant ses manches pour assommer ses anciens amis du Figaro. — Journalistes et romantiques, poètes et polémistes, qui vaquaient sans défiance à leur besogne littéraire, sont assaillis pêle-mêle… Victor Hugo et Villemessant, Th. de Banville et Monselet, tous reçoivent sur la tête le buste de Voltaire. — Ils se contentent d’abord de s’étonner, puis finissent par se fâcher sérieusement. […] IV Si j’osais, je vous renverrais — avant de terminer — au dernier livre de l’auteur de Tragaldabas (!!!) […] Nul concours de sergents de ville ne se pressait sur nos pas. — J’ose même espérer que, si mes jambes me permettent un jour de faire le tour de France de l’écrivain, c’est-à-dire le tour de la presse parisienne, on ne me fermera pas au nez la porte des gazettes en criant à la garde ! […] Gautier est un drôle bien osé !
Quant à elle-même, portant et cachant son mal, ce mal, dit-elle, dont on n’ose souffrir, dont on n’ose ni vivre ni mourir, elle découvre tout au fond de son cœur, un jour, qu’il n’y a qu’un remède, un consolateur ; et comme elle a en elle de cette flamme et de cette tendresse qui transportait les Thérèse et les Madeleine, comme elle a sucé la croyance avec le lait, elle regarde enfin là où il faut regarder, et elle s’écriera dans des stances qui se peuvent lire, ce me semble, après certain sermon de Massillon : La couronne effeuillée J’irai, j’irai porter ma couronne effeuillée Au jardin de mon père où revit toute fleur ; J’y répandrai longtemps mon âme agenouillée : Mon père a des secrets pour vaincre la douleur. […] Je n’oserai répondre de l’exacte théologie et de la parfaite orthodoxie de cette prière ; on a le Pater de M.
Au moment du danger, personne n’ose compter sur ses voisins ou sur ses pareils. […] La province subit les événements de la capitale ; « les gens n’osent bouger, ils n’osent pas même se faire une opinion avant que Paris ait prononcé. » — C’est à cela qu’aboutit la centralisation monarchique.
Il a sucé le lait des tendresses humaines dans la tétrelle de Cousin, et, s’il osait, il serait plus pour les précieuses que contre elles. […] J’oserai dire, fait-il, j’oserai dire que Conrart savait le latin !
Je n’ai point à m’occuper ici de ses Œuvres, que tout le monde dévore parce que tout le monde a ôté dévoré par elles… Quel serait l’académicien, n’ayant pas voulu voter pour Balzac quand il fut question de le mettre à l’Académie, qui oserait présentement nier son génie ? Qui oserait toucher irrespectueusement à cette arche de la Comédie humaine et à Balzac, ce Balzac presque insulté, il y a vingt ans, jusque par ce pauvre petit Doudan, qui n’était pas méchant, mais qui eut le tort, toute sa vie, de pondre les jolis œufs qu’on a dénichés depuis, dans un nid d’oies académiques qui les a gâtés ! […] Nous avions déjà, dans la littérature, des lettres d’amour célèbres et d’un intérêt irrésistible, de cela seul qu’elles sont des lettres d’amour ; mais, j’ose le dire, pas un seul de ces recueils de lettres n’a la valeur de celui-ci… Au siècle dernier, on eut les lettres de Rousseau, de Mirabeau, de Mademoiselle de l’Espinasse, mais Rousseau et Mirabeau tachent d’une sensualité, quelquefois grossière, l’amour qu’ils expriment ; Mirabeau surtout, ce porc à longue crinière qu’on prit trop facilement pour un lion, et qui avait roulé son âme dans la fange de toutes les impuretés de son siècle !
Toujours est-il qu’on avait l’air de ne pas oser… On vivait, non sur les vieilles histoires, mais à côté des vieilles histoires (car on ne les lisait guères) d’Abelly et de Collet, ces modestes garde-notes historiques qui n’eurent jamais, du reste, la prétention de s’élever à ce que nous autres modernes appelons de l’histoire, nous dont le seul mérite devant la postérité sera d’en avoir élargi la notion. […] Or, voilà ce qui est montré avec une autorité, un détail, une vérité plénière, dans cette vie nouvelle de saint Vincent de Paul que, pour cette raison, j’ose appeler la première histoire qu’il ait eue. […] Si l’on osait parler d’originalité à propos d’un livre qui est bien plus une action sacerdotale qu’autre chose, on dirait que, parmi tous les livres, histoires et biographies dont nous sommes recrus sur le xviie siècle, celui-ci a changé tout ce qu’on connaît, en éclairant l’histoire de la divine lumière qui sort de saint Vincent de Paul.
Il osa s’élever contre le goût de son siècle, & se brouiller avec la plus belle moitié du genre humain. […] Ils ont été rendus trop heureusement dans notre langue, pour qu’on ose revenir sur cet endroit.
Peut-être il eût été à souhaiter qu’au moment où le premier orateur se présenta pour prononcer le premier panégyrique devant un prince, même vertueux, un citoyen plein de courage se mît tout à coup entre le prince et l’orateur, et élevant sa voix avec force, s’écriât : « Prince, qu’oses-tu permettre, et que vas-tu entendre ? […] » On ne peut douter qu’un prince ami de l’humanité, si on avait eu le courage de lui parler ainsi, avant qu’il entendît un de ses panégyriques, n’eût à l’instant congédié l’orateur, et que le peuple assemblé n’eût prononcé des imprécations contre le premier citoyen qui dans la suite oserait renouveler cet usage.
Ô toi dont, un seul jour, j’osai nier la loi, Veux-tu bien, Despréaux, que je parle de toi, Que j’en parle avec goût, avec respect suprême, Et comme t’ayant vu dans ce cadre qui t’aime ! […] Dans l’époque, à la fois magnifique et décente, Qui comprit et qu’aida ta parole puissante, Le vrai goût dominant, sur quelques points borné, Chassait du moins le faux autre part confiné ; Celui-ci hors du centre usait ses représailles ; Il n’aurait affronté Chantilly ni Versailles, Et, s’il l’avait osé, son impudent essor Se fût brisé du coup sur le balustre d’or.
Il est plus essentiel de remarquer que ce ne fut qu’après vingt années d’étude & de réflexions des voyages dans presque toutes les parties de l’Europe, que M. de Montesquieu osa prendre sur lui d’instruire les Hommes, & de s’ériger en Législateur des Nations. […] « Bayle , dit-il, après avoir insulté toutes les Religions, flétrit la Religion Chrétienne ; il ose avancer que de véritables Chrétiens ne formeroient pas un Etat qui pût subsister.
Racine même la fait de ce genre dans notre langue, La mort est le seul Dieu que j’osois implorer. […] Si toutefois nous osions proposer nos doutes, peut-être que ce tour élégant, nous laissâmes échapper le livre par qui nous fut révélé le mystère de l’amour, ne rend pas tout à fait la naïveté de ce vers : Quel giorno più non vi leggemmo avante.
Quelque désir que j’eusse d’être bien reçu par Napoléon, je n’aurais jamais osé croire qu’il en arrivât là. […] « À cette troisième profession de foi, si j’ose ainsi parler, il ne se contint plus ; mais, me regardant fixement, il éclata en ces paroles : “Oh ! […] En présence du pape Murat n’osa pas se prononcer. […] « Monseigneur, « Je n’ai pas osé interrompre les premiers moments de votre douleur. […] Les habitudes de vie de Consalvi confirmant l’une ou l’autre de ces interprétations, je n’oserais pas affirmer laquelle est la plus vraie.
Personne, j’ose le croire, ne verra dans les avertissements que je prends la liberté de vous donner, les vils motifs de la haine et de l’envie. […] Cependant, Monsieur, si, malgré toutes les précautions que l’on prend pour faire votre public, quelques hommes des anciens jours se rencontrent dans la salle et osent vous donner leur avis, selon l’ancienne manière, ils se voient bientôt environnés des hommes les plus menaçants. […] Ce mot du maestro, je n’oserais pas vous conseiller, Monsieur, de vous l’appliquer, mais cependant fasse le ciel que vous soyez assez sage pour imiter Dellamaria. […] si mon utopie venait à se réaliser, s’il plaisait au gouvernement de rétablir le Théâtre-Français sur des bases durables, si nous pouvions être débarrassés tout à fait des cabaleurs, des billets donnés et de tous ces publics portant la livrée de tel ou tel auteur, enfin, Monsieur, si je retrouvais le théâtre ce qu’il était autrefois, j’oserais peut-être encore rentrer dans la lice, et me mesurer avec nos jeunes auteurs. […] Quel est l’Anglais qui oserait ternir la gloire des Shakespeare, des Milton, des Pope, etc. ?
Si on ne se laissait pas démoraliser par cette renommée, si on osait regarder ses œuvres, on verrait bientôt que l’on s’est entendu un peu trop aisément et trop vite pour les trouver de grandeur et de force à honorer la tradition littéraire d’un pays. […] c’est précisément à Bossuet, au biblique et à l’homérique Bossuet, c’est-à-dire à un grand écrivain de nature humaine, qu’il ose comparer ce Pindare qui, hors de son rythme et de son haillon de couleur locale, disparaît et n’existe plus. […] Deux grandes questions de critique qu’un jour il faudra bien résoudre, quoique les pusillanimes de ce temps n’osent y toucher, de peur de ne plus avoir ά se trouver de talent. […] Ce livre, qui ose s’appeler La Tribune moderne, n’est l’histoire, en somme, que de quelques tribuns, triés sur le volet par le goût individuel de Villemain et ses préférences politiques. […] Il faut être la fille de l’auteur pour oser publier, dans une illusion de tendresse, ce livre posthume que son père avait abandonné… En littérature, ce n’est pas suffisant, les vertus domestiques !
Chénier, Lemercier, Delavigne, eussent osé s’affranchir des règles dont on a reconnu l’absurdité depuis Racine, ils nous auraient donné mieux que Tibère, Agamemnon ou les Vêpres siciliennes. […] S’il vivait de nos jours, et qu’il osât suivre les règles nouvelles, il ferait cent fois mieux qu’Iphigénie. […] Lebrun a osé être à demi-romantique.
L’oserai-je dire ? […] Le jour où l’on osa dire pour la première fois que la littérature de Louis XIV était une littérature admirable, mais ancienne, ce furent des cris et un scandale dont il me souvient encore. […] J’oserai d’autant plus les comparer, qu’ici je n’aurai réellement pas à conclure, et que, tout balancé, je ne puis qu’admirer des deux parts sans incliner à une préférence.
Eh bien, Messieurs, j’ose l’affirmer, on y suivrait la trace de tous les grands événements ; on devinerait, par elles, toutes les révolutions politiques et morales des deux siècles, et c’est dans la comédie que se retrouverait l’histoire. […] Les grands seigneurs, les magistrats sont parodiés en plein théâtre ; Figaro paraît, et ils permettent, ils souffrent qu’un valet réformateur ose leur donner des leçons ! […] Et cependant certains hommes osent soutenir que la carrière de la comédie est fermée !
J’ose à peine citer Burke, parce que son nom ressemble, pour la thèse que je défends, à un nom de parti : cependant il n’est pas hors de propos de remarquer que cet illustre antagoniste de la révolution française puisait aussi ses arguments dans un système opposé à celui de la réformation. […] Une grande tristesse est accourue les saisir ; ils ont été dégoûtés de la vie sans oser désirer la mort, ou plutôt sans chercher ce qui peut consoler de vivre dans des temps aussi terribles. […] Si Dieu lui-même ne veillait pas à la conservation du christianisme, j’oserais dire qu’il faudrait que les hommes s’en occupassent.
Il fallut des années pour qu’on osât entreprendre une traduction que Philarète Chasles n’avait qu’entamée. […] Nous trouvons cela déplacé et d’ailleurs impossible, quelle que soit la force de la main qui ose se permettre cette épouvantable compression. […] Odysse Barot n’a pas osé, lui, décapiter le génie quand il l’a rencontré dans son histoire.
Oui, lord Byron est le seul, dans ce temps, qui ait osé dire un mot cruel et insolent sur Horace (je me l’explique, il l’avait paraphrasé), sur le poète le plus accepté, le plus incontesté, le plus classique de l’antiquité tout entière ; car Horace est tout cela. […] Seul, le sublime écolier d’Harrow, dont la violente fantaisie avait bu l’ennui dans cette coupe correcte, et gardé en sa nature profonde l’impression et le ressentiment de cet ennui, puisé dans cette poésie sans âme, a osé dire le secret de beaucoup d’esprits qui se taisaient, — lâches comme toujours, devant deux mille ans de gloire consacrée et d’idolâtrie, — et sa vérité à lui, sur un poète, au fond, médiocre d’inspiration et de génie, mais adoré et gardé par tous les médiocres de la terre : et les médiocres d’imagination, et les médiocres de passion, et les médiocres de cœur. […] Je n’ai pas osé changer le mètre et la facture des vers de la mâle Sapho (elle l’était plus que lui !)
J’oserais presque dire qu’un tel livre est involontaire, et qu’il est tombé du cœur plus que du cerveau, comme un fruit mûr. […] Ainsi, pour n’en donner qu’un seul exemple, s’ils ont à parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de son divin sacrifice, ils s’obstineront à rappeler Christ avec la simplicité d’une irrévérence naïve, et ils oseront comparer, avec une familiarité sacrilège, le philosophe Socrate au fils de Dieu. […] En regard et en contraste, d’un autre côté, je pourrais citer, avant tout, pour prouver ce que j’ose appeler le catholicisme inné des facultés de Dargaud, cette sereine figure du curé et celle plus divine encore de la vieille tante Berthe, deux anges captifs dans des corps de vieillards, deux adorables têtes de saints comme le catholicisme seul en peut produire et le sentiment deviné du catholicisme en peut seul exprimer !
Quinet n’a pas osé revenir au vers. […] C’est un peu osé, comme vous le voyez, toutes ces réminiscences, mais que voulez-vous ? […] Dans cette succession d’événements qui osent tout, — le chimérique et l’absurde, sous prétexte de merveilleux, — on se demande vainement où finit la légende, fruit de l’imagination des poètes ou des chroniqueurs du passé, et où commence l’inspiration du poète moderne et son travail… Quel est le fait ou la combinaison, de quelque nature qu’ils soient, qui, réellement, lui appartiennent ?
ou ne serait-ce pas plutôt par le contraste qu’elle fait avec cet osé et terrible nom ? […] Par un de ces étranges hasards qui ont l’air de se moquer de la majesté de l’Histoire, il s’est trouvé que ce type de femme bestialement ardent, que cet animal de volupté, — animal voluptatis , — comme disait Tertullien, dans sa brutalité africaine, même des femmes qui n’étaient pas des Messalines ; il s’est trouvé que cet être vulgaire, mais assez rare pourtant dans sa hideuse vulgarité, a été un jour impératrice, et que, femme du maître du monde, elle a souvent quitté son lit de pourpre et ses plafonds étoilés pour aller… là où Juvénal, certainement plus hardi qu’Arsène Houssaye, nous conduit avec elle et ose nous la montrer. […] Le héros du roman a pourtant tout ce qu’il faut pour être irrésistible, — pour justifier la romance de Julie Candeille : Au temps orageux des folies J’osai me choisir un vainqueur !
Un esprit abattu et comme dompté par l’accoutumance au joug, n’oserait plus s’enhardir à rien. […] l’illustre vieillard, qu’osaient calomnier l’injustice et la cupidité, sortit vainqueur de cet odieux-procès : un chef-d’œuvre de son génie servit de défense à sa raison. […] Racine, en s’excusant d’avoir osé mettre sur la scène une histoire si récente que celle de Bajazet, donne sur ce point d’excellents avis. […] Et, plus faibles que lui, serions-nous assez orgueilleux pour oser marcher sans règles ? […] Aristote et Corneille osent avancer tous deux que leur base, antérieure il est vrai à l’exposition, est quelquefois l’absurde.
Catilina ose s’y présenter, convaincu que l’absence de preuves contre lui attestera son innocence, ou que l’audace intimidera le consul. […] Oses-tu le nier ? […] Clodius, à la tête de la populace, osa l’affronter encore. […] Osera-t-on la révoquer en doute parce qu’elle échappe à nos sens et qu’elle ne se montre pas à nos regards ? […] Qui oserait s’étonner que ces grands patriotes hésitent à choisir ?
Personne après Molière n’était de force à l’oser. […] Dufresny s’en avisa le premier, et osa le dire. […] Ici le Dorante n’est pas un valet ; mais s’il est quelque chose de plus, c’est de fort peu : il est l’intendant de celle qu’il ose aimer. […] Oser faire deux pièces avec les mêmes personnages, et y réussir, c’était jouer de bonheur. […] Je suis surpris que la Harpe n’ait guère trouvé qu’à louer dans ses vers, et que, pour faire acte de critique, il se soit attaqué à quelques lignes de prose oubliées, où le bon Collin est assez osé pour risquer le mot singer.
Mais qui donc osera se vanter d’avoir saisi les procédés d’un Baudelaire, d’un Lautréamont, d’un Rimbaud ? […] Le premier qui leur fut porté fut celui de l’enquête menée au lendemain de la guerre, en 1919, par la revue Littérature qui osa demander aux pontifes : Pourquoi écrivez-vous ? […] Leurs réponses les trahissaient mais ils n’osaient se taire, intimidés par l’audace des nouveaux venus qui ne craignaient point de recourir à des procédés aussi directs, dédaignaient de composer, interrogeaient les autres et soi-même sur les questions essentielles. […] Déjà voici venir le temps où nul n’osera sans rire se justifier par des raisons formelles et c’est ainsi que le professeur Curtius, dans un récent article sur Louis Aragon, a pu le louer d’« avoir vaincu la beauté, ce prétexte, par l’authentique poésie »by. […] Se suicident ceux-là qui n’ont point la quasi universelle lâcheté de lutter contre certaine sensation d’âme si intense qu’il la faut bien prendre, jusqu’à nouvel ordre, pour une sensation de vérité. […]/ J’ai voulu ouvrir la porte et n’ai pas osé.
Massillon les raille, eux qui rejettent toute autorité pour croire, d’avoir eu besoin de l’autorité et du témoignage d’un homme obscur pour oser douter. […] quels rebuts à essuyer de celui peut-être à qui on a sacrifié son honneur et sa liberté, et dont on n’oserait se plaindre ! […] » Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ». […] Duclos et Saint-Simon ont donné là-dessus les seules raisons, et les meilleures, pour l’excuser de n’avoir pas dit non : Dubois, dit Saint-Simon, voulut (pour second assistant) Massillon, célèbre prêtre de l’Oratoire, que sa vertu, son savoir, ses grands talents pour la chaire, avaient fait évêque de Clermont… Massillon, au pied du mur, étourdi, sans ressources étrangères, sentit l’indignité de ce qui lui était proposé, balbutia, n’osa refuser.
La vanité faisait ce que la charité devait faire. » Dans une seconde lettre, il relève quelques expressions d’une oraison que Santeul avait faite à Jésus-Christ : il lui marque qu’à sa place il n’oserait pas se nommer le poète de Jésus-Christ : Vous avouez, lui dit-il, que la vaine gloire vous a fait faire des hymnes ; par où osez-vous croire que c’est lui qui vous les a inspirées ? […] si vous étiez comme moi, ou plutôt si nous étions tous deux comme nous devons être, nous tremblerions de peur d’avoir osé, vous chanter, et moi prêcher la sainteté de Dieu, sans l’avoir respecté. […] » Or, cette prière qui est, je l’ose dire, plus forte et plus pénitente que Santeul, et qui a trouvé grâce auprès de ceux mêmes qui ont parlé de lui le moins favorablement, c’est M.
Mais, après cet aveu, j’ose vous supplier d’examiner le pitoyable état de votre ennemie (Marie-Thérèse) lorsque vous étiez devant Prague. […] J’ose vous dire bien plus ; croyez-moi, si votre courage vous portait à cette extrémité héroïque, elle ne serait pas approuvée ; vos partisans la condamneraient, et vos ennemis en triompheraient. […] J’ai été sur le point de vous envoyer un courrier, mais je n’ai osé le faire. […] Voltaire, malgré ses merveilleux talents, n’avait point, osons le dire, ce qui est propre à conférer l’immortalité aux morts et à leur assurer une dernière et impérissable couronne.
Un cordonnier-poëte ouvrait la marche et précédait le cortège de ces évangélistes d’un nouveau genre, jetant l’injure à qui lui déplaisait24 en même temps qu’il entonnait les louanges du maître ; cela osait s’intituler : Mémoires de Béranger. […] S’il me fallait diriger un seul homme, surtout s’il était jeune, je ne l’oserais faire dans un pareil moment. […] Ne regardant point le théâtre comme étranger à la politique, pensant même qu’une route immense serait ouverte à l’auteur qui oserait tenter de donner, par le spectacle, une direction à l’esprit public, il me serait impossible d’accorder mon utopie théâtrale avec les maximes précédemment débitées dans la chaire où l’on me ferait monter. […] « N’y comptez pas, lui écrivait Béranger ; il n’osera jamais entrer en lutte avec Rossini, je vous le prédis. » Et tout aussitôt : « Ce dont je vous félicite bien, c’est d’avoir une bonne redingote d’hiver, voilà du bonheur. » Cette redingote d’hiver nous amène à une certaine lettre du pantalon, qui est impayable.
Devinez maintenant, si vous l’osez. […] Maintenant oserai-je exprimer ma pensée ? […] On baissait les yeux ; à peine osait-on respirer. […] Mais on peut tout entendre sans scrupule à cette distance, et, en faisant la part d’hommage à la personne qui eut en don le charme, il faut oser voir les mœurs d’alors comme elles étaient.
Cooper est allé se perfectionnant de jour en jour ; il a mieux connu son talent, à force de le mettre à l’œuvre ; sa manière, d‘abord timide et douteuse, est devenue plus ferme, plus large, plus originale ; il a osé avoir ses qualités et ses défauts propres ; en un mot, sans jamais cesser d’appartenir à la famille du romancier écossais, il a suivi sa route à part, et le colon s’est émancipé. […] Je dirais, si je l’osais, que dans ce roman les deux navires sont les deux personnages principaux, et que le Dauphin intéresse plus que le corsaire lui-même.
Je m’étais laissé dire, quand j’habitais Alger, que, pour former les moukères à cette danse éminemment significative, on était obligé de les prendre toutes petites, et qu’elles piochaient ferme, et que ces exercices déterminaient souvent, chez les jeunes sujets, des désordres intestinaux, si j’ose m’exprimer ainsi. […] Mais la provocation à ce qu’on n’ose dire y est moins directe.
Par parenthèse, j’oserai blâmer cette clémence, car, en frappant sur un talent faux et perverti, on raffermit l’opinion publique, ce tonneau plein de vilaines choses qu’il est toujours bon de recercler ! […] J’ose trouver sa comédie mauvaise, — aussi mauvaise que la préface dont il l’a fait précéder pour la défendre et dans laquelle il a tout l’air d’un tapissier maladroit qui ne sait pas planter un clou sans s’écraser les doigts.
Il est, dans la sphère humaine, dans le domaine de la pensée comme dans l’ordre social, des couches profondes, des cercles extrêmes qu’il faut avoir visités et traversés, qu’il faut sans cesse oser pénétrer du regard, sans quoi l’on n’est jamais un philosophe achevé ni même un parfait et consommé politique. […] Pour varier le ton, pour relever la matière et accidenter, si j’ose dire, le paysage, il n’avait pas à son service l’imagination, comme Montesquieu. […] Il présage, dès ce moment, un coup de vent soudain qui peut tout renverser, un 24 février possible ; il songe même, lui homme d’un autre temps, au rôle de courage et d’audace qu’il aurait à remplir, tel cas échéant et en telle rencontre : le Si forte virum quem… lui revient à l’esprit, et il a conscience que ce jour-là il ne se tairait pas comme Sieyès et qu’il oserait. […] J’v reviendrai, non pour prendre part aux affaires courantes, mais dans cette confiance présomptueuse, qu’il y aura peut-être telle circonstance, tel jour où il me serait permis de devancer les hommes de ce temps-ci et d’oser ce qu’ils n’oseraient pas. […] Je vous demande pardon d’oser vous répondre et suivre avec vous une telle controverse ; mais, puisque vous le voulez, je vous dirai que le moment sera venu quand vous aurez terminé votre grande entreprise, et mis par là le sceau à votre réputation ; car vous serez plus fort, plus puissant, plus imposant, et cette considération a d’autant plus de poids que vous ne terminerez peut-être pas, si vous êtes jeté dès à présent dans le mouvement des affaires.
Mais longtemps il n’osa confier au refrain que sa gaieté et ses sens. C’était comme un esquif trop frêle, une bulle trop volatile, pour qu’il osât y risquer ses autres sentiments plus précieux. […] Béranger devait être le chantre consécrateur des vaincus et des morts : mais il fallut Waterloo pour qu’il osât. […] Si son oubli délaissait un vengeur , Tu la couvrais d’une honnête rougeur : Puis un couplet indulgent la déride… Pourtant, tout bas, j’ose en glisser l’aveu, Deux ou trois fois, sœur de la cantharide , L’abeille ardente outre-passa le jeu. […] Quoi qu’il en soit, et voici le seul point où j’insiste, il a de bonne heure témoigné à ce qui s’annonçait d’heureux et de grand dans les groupes nouveaux une bienveillance sincère, intelligente, qui, de la part de tout écrivain célèbre, à l’égard des générations qui s’élèvent, n’est pas, j’ose le dire, la moindre marque d’une âme saine et d’un cœur justement satisfait.
En attendant que nous nous procurions les secours qui nous manquent pour l'achever, nous croyons ne pouvoir mieux terminer celui-ci, que par quelques réflexions contre les Détracteurs de la Religion, qui osent lui attribuer la plus grande partie des maux qui affligent le genre humain. […] Oser avancer que sa Morale flétrit & endurcit le cœur, n’est-ce pas le comble de l’effronterie & de la contradiction ? […] Et l'on ose dire que cette Religion renferme une Morale nuisible & incompatible avec les devoirs de Citoyen ! […] Ils ont osé même lui imputer avec assurance des désordres dont elle n'a été que le prétexte, & ont poussé la mauvaise foi jusqu'à mettre sur son compte toutes les horreurs commises par le Fanatisme. […] Philosophes, osez vanter encore les lumieres que vous avez répandues !
Clytemnestre seule ose et agit, exécute et frappe, et le coup porté par une femme paraît plus terrible. […] A peine ose-t-il par instants fermer les paupières, de peur de manquer la flamme attendue. […] Aux dieux seuls de pareils honneurs ; je n’oserais jamais, moi mortel, marcher sur la pourpre. […] — « Oseras-tu le faire, femme, toi qui l’as tué ? Oseras-tu le pleurer ?
Mais je veux bien même écarter cette difficulté, quoique très grande, et je l’ose dire, insurmontable. […] Il avait fait ou projeté sur ce sujet une espèce de dialogue, qu’il n’osa publier, de peur de désobliger deux ou trois régents qui avaient pris la peine de mettre en vers latins l’ode que ce poète avait faite en mauvais vers français sur la prise de Namur ; mais depuis sa mort on a publié et imprimé dans ses œuvres une esquisse de ce dialogue. […] Cependant on entend les gens sans se fâcher, et j’oserai prendre, avec votre permission, la liberté de vous dire mon petit avis. […] Pour moi, j’ose assurer que s’il n’avait jamais étudié l’italien que dans les livres, il n’aurait jamais écrit en cette langue que très imparfaitement. […] J’ose même le croire supérieur aux Jouvency, aux Commire et aux autres jésuites tant célébrés sur le Parnasse latin moderne.
de quel front oserais-je me montrer, pour ainsi dire, aux yeux de ces grands hommes de l’antiquité que j’ai choisis pour modèles ? […] Par exemple, nous n’osons assigner les rangs aux tragédies de Racine, nous nous bornons à les admirer : eh bien ! […] Pour établir le danger, ne suffit-il pas qu’il y ait peine de mort pour quiconque ose enfreindre cette loi sacrée ? […] Après les tableaux gracieux de Catulle et d’autres écrivains de l’antiquité, comment ose-t-on présenter au public des images aussi dégoûtantes ? […] c’est ce que je n’ose décider.
Il est probable même qu’un seul été ne suffirait point à faire un grand homme : Socrate flâna des années ; Rousseau jusqu’à quarante ans ; La Fontaine toute sa vie. » Jules, j’ose le dire après ample informé, c’est exactement le jeune Rodolphe quant aux impressions, aux sentiments, et sauf les aventures. […] On ne saurait croire, hors de Paris, combien nous sommes sensibles, au delà de tout, aux plus légers manques de distinction à l’extrême surface, et c’est aussi la seule raison (si raison il y a) qui m’empêchera d’oser considérer comme chef-d’œuvre l’Héritage, dont l’idée est très-heureuse, et l’exécution souvent fine et toujours franche. […] Et quel moment mieux choisi, si on l’avait choisi, pour oser toutes les expériences de couleur et de poésie dans le langage ! […] Sauve qui peut dans ce désarroi, et butine qui ose ! […] Lui-même il a, depuis six mois, ses poches remplies de lettres qu’il écrit sans cesse et qu’il relit solitaire, sans jamais oser les remettre.
» répond-elle au demi-dieu, « j’oserais m’approcher de cet anachorète pur, sévère et terrible, au front resplendissant comme le feu du sacrifice, redoutable comme le temps qui détruit tout ? […] disposer seule de mon cœur, écoute, ô roi, les conditions qu’une fille timide ose apporter à son mariage avec toi. […] … quel est l’insolent qui, sous le règne d’un des descendants de Pourou, de Douchmanta, cet ennemi déclaré du vice, ose insulter les filles innocentes des pieux ermites ? […] … ce sourire dérobé, sur lequel on vous faisait prendre aussitôt le change d’une manière si adroite, n’est-ce pas là la preuve d’un amour qui, retenu par la plus aimable pudeur, s’il n’ose se dévoiler en entier, se laisse cependant deviner en partie ? […] « Ô père », dit-elle à l’ermite, « lorsque cette charmante gazelle, qui n’ose se hasarder loin de l’ermitage, et dont la marche est ralentie par le poids du petit qu’elle porte dans ses flancs, sera devenue mère, ah !
Vacquerie, disciple en ceci de ce dernier, et d’ailleurs normand comme Corneille, qui ait osé de nos jours un provincialisme comme : J’aurais fini par supporter Un chœur d’Esther ». […] La force de la routine est telle que Victor Hugo, qui se glorifiait de pouvoir dire : J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin, n’avait pas osé déplacer la césure.
Jean Baptiste Thiers en fut indigné ; mais il n’osa point encore prendre ouvertement le parti des dévots outrés. […] On est étonné que l’abbé Boileau, qu’un homme de son état & d’un genre de vie sévère, ait osé les mettre sous les yeux du lecteur.
Qui est-ce qui oserait aujourd’hui braver le ridicule et le mépris ? […] XLII) n’ose pas tout ce qu’elle ambitionne. […] — Oui, mais de vertueux personnages qu’il osait consulter sur un parricide. […] Et osera-t-il impunément ce qu’on blâmerait dans un pasteur avec une ouaille de son troupeau ? […] Lisez ce qui suit, et accusez encore Sénèque et Burrhus, si vous l’osez.
C’est ce que j’ose un peu regretter. […] Oserai-je avouer que M. […] Si cependant ils l’osaient ! […] Je n’oserais en répondre. […] J’ose ne point partager cet avis.
Et quelle suite si dangereuse peut avoir la sincérité sur le chapitre d’Homere, pour n’oser convenir de ses défauts qu’à l’oreille ? […] Qu’un homme ose blâmer Homere de ses répétitions, croira-t’on lui fermer la bouche, en disant que c’étoit le goût du tems ? […] J’ose récuser absolument Alexandre. […] J’ai poussé souvent la hardiesse plus loin, j’ai retranché des livres entiers, j’ai changé la disposition des choses, j’ai osé même inventer : et c’est de cette conduite, si téméraire au premier aspect, qu’il me reste à rendre raison. […] On dira que je suis un téméraire d’avoir osé toucher à une réputation de plus de deux mille ans.
Osons contempler un moment ces soleils lointains, ces zones lumineuses que la nuit nous découvre, et dont aucune intelligence humaine ne peut concevoir ni l’ensemble ni les limites. […] Malheureux de ne pouvoir accorder ses opinions et sa conduite, il éprouva, jusqu’à sa dernière heure, qu’il vaudrait mieux n’être pas né que de ne rien attendre de Dieu, et de ne pas oser se fier aux hommes. […] Osez proposer le Contrat social à une ville plus grande que Genève, et ces lois si savamment méditées ne produiront que d’effroyables révolutions. […] Elle rougissait en le regardant, elle frissonnait à ses paroles ; elle n’osait pas s’avouer qu’elle l’aimait ; mais il lui inspirait seul un attrait sérieux qu’elle n’avait jusque-là imaginé pour aucun autre. […] Nul, depuis vous, n’a osé cultiver cette terre désolée ni relever ces humbles cabanes.
J’avais bien rougi en lui avouant ce que je sentais, sa voix avait bien tremblé en me confessant pour la première fois que je ne faisais pas deux avec lui dans son idée et dans ses rêves, et que s’il n’avait rien osé dire encore à sa mère et à son oncle pour qu’on nous fiançât ensemble à San Stefano, c’était à cause de mes silences, de mes tristesses, de mes éloignements de lui depuis quelques mois, qui lui avaient fait douter s’il ne me causerait pas de la peine en me demandant pour fiancée à nos parents ; il me dit même qu’il ne regrettait en ce moment ni la prison, ni la mort, puisque son malheur avait été l’occasion qui avait forcé le secret de mon cœur. […] Je ne sais pas où je les prenais, mais le bonheur de savoir qu’il m’aimait et le soulagement que j’éprouvais de lui avoir osé dire enfin : « Je t’aime ! […] Je n’osai rien témoigner de mon angoisse, de peur de me révéler, et j’attendis que le bargello fût ressorti de la prison pour faire parler, si j’osais, sa bonne femme. […] Ces réponses uniformes m’avaient donné d’abord à penser que votre fille n’avait pas osé entrer à Lucques et qu’elle errait çà et là dans les villages voisins, comme un enfant qui regarde les fenêtres des maisons et qui voudrait bien y pénétrer, sans oser toutefois s’approcher des portes.
Il osa corriger plusieurs fois avec supériorité les ébauches du maître en son absence. […] Dire quel est le plus accompli des deux, c’est facile ; mais dire quel est le plus grand, nul ne l’oserait sans craindre de blasphémer dans l’un l’imitation de la nature, dans l’autre l’imagination du surnaturel. […] Michel-Ange fit venir de Florence à Rome les meilleurs peintres à fresque de la Toscane pour l’assister dans son œuvre ; mais bientôt, mécontent de leur pinceau trop inégal à son génie, il les congédia tous et, s’enfermant dans la vaste enceinte dont il fit murer les portes à l’exception d’une étroite issue dont il emportait la clef, il conçut, dessina et peignit seul ce poëme de l’infini qu’il avait osé tenter. […] Il rentra dans son atelier et peignit les prophètes et les sibylles où l’on sent, si l’on ose ainsi parler, l’accent biblique, viril, héroïque de Michel-Ange. […] Ses débris, comme ceux des pyramides, de Thèbes, de Palmyre ou de Balbek, feront encore la stupeur de l’homme qui ose incarner ainsi ses dieux.
mon ami par l’absence, Je n’ose dire, hélas ! […] C’est là le miracle… Moi, je deviendrai folle ou sainte dans cette ville… Mélanie, on n’ose plus manger, ni avoir chaud, contre de telles infortunes… » Et ailleurs : « Quel spectacle depuis deux mois ! […] …) Suit cette réflexion : « Plus je lis, plus je pénètre sous les voiles qui me cachaient nos grandes gloires, moins j’ose écrire ; je suis frappée de crainte, comme un ver luisant mis au soleil. » — À propos du retour des cendres : « Les vers de Hugo sont dans le Siècle, 14 décembre. […] Je n’ose pas penser à cette rue de Seine : il me semble que je vais retrouver là l’horrible hiver de l’an passé. […] De loin, ne se souvenant plus que du grand cœur de sa mère, Ondine osait se livrer davantage, ainsi que nous l’avons vu.
C’est une admiration vraie et sentie qui m’amène après tant d’autres, non pas aux pieds de ta statue (car tu n’en as pas encore), mais sur ta tombe où j’ose apporter à tes cendres des hommages qu’une autre main peut-être devrait te présenter. […] Si j’étais assez malheureux pour pouvoir jamais être le détracteur d’un grand homme, oserais-je louer Racine ? […] L’homme, revenu de son premier étonnement, relève la vue et ose fixer d’un regard attentif ce que d’abord il n’avait admiré qu’en se prosternant. […] à ce parti si nombreux des écrivains médiocres, qui, sans s’aimer d’ailleurs et sans être d’accord sur le reste, se réunissent toujours comme par instinct contre le talent qui les menace, se joignait cette espèce d’enthousiastes qui avaient déclaré qu’on n’égalerait pas Corneille, et qui étaient bien résolus à ne pas souffrir que Racine osât les démentir. […] Qu’il était beau d’oser introduire un pareil personnage, parlant de l’amour avec le plus grand dédain, à côté de cette Roxane qui en a toutes les fureurs !
Ce qu’apprenant Victor-Amédée, il fit venir le jeune comte dans sa chambre, lui ôta son épée, en lui demandant s’il ne savait pas que le duel était un crime d’État ; puis, ne se contenant plus, il se jeta sur lui, le frappa avec rage, lui répétant à chaque coup « d’aller porter cela en France, qu’il n’était qu’un palefrenier, qu’il allât servir le roi de France, etc. » On arracha de ses mains le jeune homme tout meurtri et qui n’osait se défendre ; les parents non plus n’osèrent se plaindre. […] On se perd dans ces mille artifices qui se croisent et se multiplient, jusqu’à ce qu’enfin l’hostilité se déclare et qu’il devienne et apparaisse, aux yeux de tous, ce qu’il est bien réellement quand il ose, un jeune prince glorieux, fier et obstiné. […] Vous entendez bien, sans vous en dire davantage, ce que cela signifie. » On n’oserait affirmer que, sans Louis XIV et ses procédés écrasants, Victor-Amédée, né comme il était, eût eu une conduite toute différente, moins retorse et moins subtile ; il suivait la politique obligée de sa position géographique et de sa maison.
Déjà du temps de Job, elle était fort ébranlée ; les vieillards de Théman qui la professaient étaient des hommes arriérés, et le jeune Elihu, qui intervient pour les combattre, ose émettre dès son premier mot cette pensée essentiellement révolutionnaire : la sagesse n’est plus dans les vieillards 154 ! […] Il n’y avait qu’un rhéteur, habitué à répéter de vieilles phrases dénuées de sens, pour oser prétendre que ces malheurs venaient des infidélités du peuple 156. […] Une nature ravissante contribuait à former cet esprit beaucoup moins austère, moins âprement monothéiste, si j’ose le dire, qui imprimait à tous les rêves de la Galilée un tour idyllique et charmant. […] Un Messie aux repas de noces, la courtisane et le bon Zachée appelés à ses festins, les fondateurs du royaume du ciel comme un cortège de paranymphes : voilà ce que la Galilée a osé, ce qu’elle a fait accepter.
Thiers, j’ai osé toucher à Napoléon législateur et conquérant ; aujourd’hui, à propos de ces nouveaux Mémoires très authentiques, publiés il y a deux ans par les fils du général Bertrand et restés, je ne sais pourquoi, inaperçus, je voudrais dire quelque chose de Napoléon écrivain et l’un des maîtres de la parole. […] J’ai dit que je n’osais citer ce portrait de Kléber ; mais, maintenant que j’ai pris mes précautions, pourquoi ne le citerais-je pas ? […] Napoléon s’assura qu’il pouvait oser, et il osa. » La prise de Malte ne retarda la marche de l’armée que de dix jours.
Elle fait l’Agnès : « Je suis un peu comme Agnès ; je crois ce qu’on me dit et ne creuse point davantage. » Elle fait aussi la régente : « Je n’oserais montrer votre lettre ; on n’aime pas ici que les dames parlent d’affaires. » À toutes ces ironies fines et serrées, son adversaire répond par des ironies plus hautes, et aussi avec des éclats de colère qui déclarent une nature plus franche du collier : Tant mieux, répond-elle, si on n’aime pas en France que les femmes parlent d’affaires ! […] D’autres racontent (et ces divers récits se complètent sans se contredire) que Mme des Ursins ayant protesté de son dévouement à la nouvelle reine, et assuré Sa Majesté « qu’Elle pouvait compter de la trouver toujours entre le roi et Elle, pour maintenir les choses dans l’état où elles devaient être à son égard, et lui procurer tous les agréments dont Elle avait lieu de se flatter, la reine, qui avait écouté assez tranquillement jusque-là, prit feu à ces dernières paroles, et répondit qu’elle n’avait besoin de personne auprès du roi ; qu’il était impertinent de lui faire de pareilles offres, et que c’en était trop que d’oser lui parler de la sorte ». […] Tout porte à croire, en effet, que ce fut le roi d’Espagne qui, oubliant les longs services de Mme des Ursins, et à bout de sa domination dont il n’osait s’affranchir, donna l’ordre à sa nouvelle épouse de prendre tout sur elle ; et cette dernière qui, ainsi qu’Alberoni, son conseiller, était de la race des joueurs intrépides en politique, n’hésita pas un seul instant à faire pour son coup d’essai cette exécution de maître. […] La publication des pièces officielles et des dépêches des ambassadeurs de France, pendant la durée de l’influence de Mme des Ursins à Madrid (si cette publication se fait un jour), pourra seule achever de déterminer avec précision toute l’importance et la qualité de son action politique ; nous en savons déjà assez pour porter sur elle une appréciation morale ; et quant à son mérite littéraire, nous osons dire qu’il ne manque à ce qu’on a de Mme des Ursins que des éditeurs moins négligents pour qu’elle devienne un de nos classiques épistolaires.
Sa gaieté et sa galanterie percent à travers le masque antique, mais timidement, sans oser se montrer, avec toutes sortes d’incertitudes et de disparates. Son roman est une pastorale de courtisans modernes habillés à la grecque, occupés à disserter longuement, à rire froidement et à sourire mignardement, Psyché était trop déesse pour être à sa place entre les mains de La Fontaine ; il n’ose être familier avec elle ; quant à être grave et respectueux, c’est ce qu’on ne lui demandera jamais. […] J’ose dire que ce sont ceux de sa race, et qu’ils apparaissent dans les moeurs régnantes comme dans les écrits populaires, depuis les fabliaux jusqu’à Rabelais et Montaigne, depuis La Fontaine et Molière jusqu’à Voltaire et Béranger.
Pourtant, fût-on à même de dire avec une certitude parfaite à quelle mystérieuse combinaison de libres nerveuses celui-ci doit d’avoir été plutôt que celui-là doué du génie créateur ; est-on en état de déclarer à coup sûr : cet homme a eu telles aptitudes, parce que telle était la conformation ou la composition chimique de son cerveau ; ce serait sans doute une conquête inappréciable pour le psychologue, mais j’ose soutenir que l’historien n’en serait guère plus avancé. […] Quand Diderot insérait dans l’Encyclopédie des protestations de respect pour l’Eglise catholique, je n’oserais jurer de sa sincérité. […] Cet homme, quoique aisé, n’osait manger le pain qu’il avait gagné à la sueur de son front, et ne pouvait éviter sa ruine qu’en montrant la même misère qui régnait autour de lui.
Le premier qui ait osé se montrer, a pour titre, les Oreilles des Bandits de Corinthe, digne régal pour les oreilles de tous les Bandits du monde. […] Nous avons osé nous déclarer en faveur de la Religion, & ils se sont soulevés contre nous comme contre des sacriléges : nous avons cherché à rétablir la gloire des Lettres, & ils se sont récriés sur nos attentats : nous avons vengé les Grands Hommes, & ils nous ont appelés des* monstres : nous avons humilié les petits, & nous voilà qualifiés d’assassins : nous avons démasqué les ennemis de la Patrie, du véritable honneur de nos Concitoyens, & ils ont eu la mal-adresse de se déclarer les nôtres. […] Après de tels assauts, pourrions-nous n’être pas aguerris contre tout ce qu’on osera dire & faire dans la suite ?
On a de moins, enfin, tout ce qui a causé le malheur ou la faute, et si, nonobstant, on les prend à son compte tous les deux par l’approbation qu’on leur donne, c’est, sans doute, pour prouver qu’il peut y avoir plus coupable que le coupable : c’est-à-dire le juge, qui n’ose pas ou ne sait pas juger. […] Circonvenue par des gouvernements lâchement et doctement impies, lesquels n’osaient ni ne voulaient s’opposer à l’impiété audacieuse de leurs peuples, la papauté, en supprimant l’Ordre de Jésus, avait non seulement coupé son bras droit victorieux, mais elle avait par cette mutilation, qui, sans la grande parole du Sauveur, eût été peut-être un suicide, donné courage et foi en eux-mêmes aux ennemis de l’autorité divine, et prêté les deux flancs du monde aux révolutions. […] Mais il est plus libre et plus hardi quand il accuse les amis de ceux qu’il n’ose pas… accuser.
Ce paysan d’Arpinum, qui parvint sept fois à la première place du monde, n’était pas sans doute un modèle de vertus pour Cicéron ; mais un Romain devait louer en lui les talents et les victoires, et un républicain pouvait louer ce caractère altier qui osa braver tous les grands de Rome, qui leur reprochait avec audace leur corruption et leur mollesse, qui se vantait de son obscurité, comme les grands se vantaient de leurs aïeux ; qui, dans un siècle poli, consentait à passer pour ignorant, et avouait qu’il n’avait appris qu’à combattre et à vaincre ; qui opposait ses triomphes en Afrique, et les quatre cent mille Teutons ou Cimbres qu’il avait exterminés en Italie ou dans les Gaules, aux tables, aux cuisiniers et au faste des patriciens dans Rome ; il faut observer d’ailleurs que cet éloge fut composé avant les guerres civiles de Marius, et Cicéron était alors dans l’âge où l’énergie du caractère est ce qui frappe le plus, et où l’on mesure les hommes plus par les grands effets, que par les grands motifs. […] Assassin d’une partie de sa nation, et devenu le tyran de l’autre, César osait pardonner, comme s’il eût été un roi légitime qui eût combattu des sujets rebelles. […] J’ai vu des hommes s’indigner de ce que Montesquieu avait osé dire, et moi aussi je suis peintre .
Tel enfin parut, dans Constantinople, un orateur, que six empereurs honorèrent successivement ; qui, panégyriste, ne parla jamais que pour dire aux princes les vérités les plus nobles ; à qui l’admiration éleva des statues, sans que l’envie même osât murmurer ; et qui, malgré ses imperfections et ses défauts, eut un caractère fort supérieur à l’esprit général de son temps ; c’est le philosophe Thémiste. […] Thémiste osa parler de douceur à un fanatique, et d’humanité à un barbare ; et ce qui est plus étonnant, il réussit. […] si vous vous apercevez que je vous trompe, si le moindre mensonge se mêle à mes paroles, élevez tous votre voix contre un lâche orateur ; repoussez-moi du sanctuaire de la sagesse, et ne permettez plus à celui qui l’outrage, d’oser en donner des leçons ; mais si toutes les fois que je louerai, je dis la vérité, ne regardez pas comme une vile flatterie ce qui est un juste éloge.
Osons avouer toutefois que, malgré le silence prolongé de ses adversaires, la querelle ne nous paraîtras définitivement vidée, qu’elle renaîtra probablement d’ici avant peu, moins prématurée et moins inégale, et qu’il en jaillira à coup sûr pour tout le monde de nouvelles et vives lumières sur les grandes questions sociales. […] Il ose, entre autres audaces paradoxales, relever et proclamer la capacité politique de Robespierre, qui a été presque universellement niée jusqu’à ce jour.
Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extraordinaire et la plus naïve aussi, comparable, — et oserai-je le dire ? […] Maeterlinck, au-dessus de la vaine littérature, j’ose dire que c’est Marc-Aurèle.
d’Alembert n’ont osé les louer ; de sorte qu’ils sont tombés sans la moindre réclamation, dans un mépris dont ils ne se releveront jamais. Après avoir osé éclipser quelques rayons de sa gloire, nous nous livrons avec plaisir aux justes éloges qu’il mérite par d’autres Productions.
Perse ose comparer Néron au roi Midas : Auriculas asini Mida rex habet. […] Ce monstre, qui souhaitait que le genre humain n’eût qu’une tête, pour avoir le plaisir de la couper, n’osa faire subir à Perse le sort de Lucain.
Je n’ose pas la donner dans son texte et avec l’orthographe du temps. […] Pétrarque est un poète immense ; c’est un modèle escarpé, si j’ose dire. […] Alors ses vers chantent pour lui ce qu’il n’ose dire. […] Le soleil craignait d’éclairer Et craignait de se retirer, Les étoiles n’osaient paraître, Les flots n’osaient s’entre-pousser, Le Zéphire n’osait passer, L’herbe se retenait de croître. […] Mais pour le caractère général, le style de Rotrou est en avance, j’ose dire, sur celui de Corneille.
L’homme qui a osé les écrire fut plus et moins qu’un homme en les dictant, il fut le martyr du ciel et de la terre ; il faut chercher son nom et ne pas le prononcer, comme celui de la passion ineffable devant l’ineffable feu du désir et les ineffables larmes de l’expiation. […] Moi-même, très-indigne que mon nom soit prononcé après de pareils noms, moi qui n’oserais pas me comparer comme écrivain en prose à M. de Chateaubriand, je lisais, il y a peu de jours, dans un critique célèbre de mon temps, quelques lignes où mes vers avaient l’avantage sur sa prose, et j’en étais non pas convaincu, mais frappé. […] ………… Et moi, debout, saisi d’une terreur secrète, Je n’osais m’approcher de ce reste adoré, Comme si du trépas la majesté muette L’eût déjà consacré ! […] Les ministres, ses ennemis, n’osèrent pas lui refuser l’autorisation ; mais il fut trompé, il n’eut que trois souscripteurs, parmi lesquels M. […] Chateaubriand le sentit et osa faire de cette convenance, un dogme politique.
Elle était Hollandaise ; il faut oser dire tous ses noms. […] Comment oser la porter en cet état ? comment oser retourner chez ses maîtresses si gringes ? […] C’est une sorte de lien, mais qu’osai-je dire ? […] N’importe que cette idée soit confuse ou débrouillée, qu’elle naisse d’une source ou d’une autre, qu’elle se porte sur tel ou tel objet, qu’on s’y soumette plus ou moins imparfaitement : j’oserai vivre avec tout homme ou toute femme qui aura une idée quelconque du devoir. » Là-dessus, grand débat !
Il y avait, si j’ose dire, un peu de ce dernier dans M. de Méré. […] Je ne pouvois vivre en l’absence de cette aimable personne, et je ne l’osois aborder ; j’avois tant d’amour et de joie, tant de respect et de crainte, que quand je me voulus lever, il me prit, un tremblement comme d’un accès de fièvre. […] J’eus beaucoup de peine à me défaire de cette mauvaise habitude quand j’allai dans le monde, et même à ne pas user de ces certains termes qui n’y sont pas bien reçus, outre que je me trouvois si neuf et si mal propre à ce que les autres faisoient que je ne m’osois montrer en bonne compagnie. […] L’autre se couvroit de temps en temps de son manchon, et, d’un air modeste et même timide en apparence, faisoit semblant de n’oser paroître auprès d’une si belle personne ; mais on sentoit bien, à la regarder, que ces façons ne tendoient qu’à vaincre plus-sûrement et de meilleure grâce. […] Aussi je m’en allois si l’on ne m’eût retenu, et je n’ose vous écrire combien la débauche fut grande ; vous le pouvez conjecturer par l’emportement du sage ***, qui ne se contenta pas de nous parler des secrètes beautés de sa femme, et qui vouloit encore que nous en pussions juger par nous-mêmes.
Antigone, sœur du mort, ose, au mépris du décret royal, couvrir de poussière le cadavre de Polynice et faire des libations sur sa tête chérie. […] Mais elles s’acharnent à Oreste, parce que la femme dont il a osé devenir le meurtrier l’avait formé et nourri dans ses entrailles. […] Ils savent combien vaine est la lutte que la folie humaine ose engager contre eux. […] Son Misanthrope est si sérieux qu’il se redresse avec une gravité offensée contre les insolents qui osent le trouver plaisant. — Son Tartuffe, il est vrai, ne se prend pas lui-même au sérieux, puisqu’il est Tartuffe. […] Quant à moi, son disciple, je n’ose, je ne puis en faire autant.
Il est vrai qu’il n’y a rien dans ce testament qui fasse mention de nœuds-d’épaule totidem verbis ; mais j’ose conjecturer que nous les y trouverons contenus totidem syllabis. […] Les larmes de la duchesse l’emportèrent sur les instances des ministres, qui n’osèrent exiger de la reine le sacrifice de ses scrupules. […] Sans oser avouer cette union à Vanessa, il se conduisit de telle sorte avec elle, qu’elle se retira à Cellbridge, près de Dublin, toujours aimante, toujours effrayée et accablée de la conduite de Swift. […] Wood et à ses agents comme à des voleurs de grands chemins s’ils osent m’obliger à recevoir un liard de leur monnaie sur un paiement de 100 liv. […] Après l’universelle clameur de l’Irlande, personne n’avait osé comparaître pour une pareille cause, quoique le gouvernement offrît les frais du voyage et les indemnités des témoins.
J’ai osé d’avance appeler préjugé l’opinion qui suppose que les grands ont eu une meilleure éducation, et qu’ils doivent par conséquent, toutes choses égales, être des connaisseurs plus éclairés. […] Je ne crains point qu’à cette censure malheureusement trop juste de l’éducation publique que reçoivent les grands, on oppose les éloges que d’illustres personnages lui ont donnés ; je répondrais ou qu’ils parlaient seulement de ce qu’elle pourrait être, ou que s’ils parlaient de ce qu’elle était de leur temps, elle n’est plus reconnaissable ; et j’oserais dire à ces sages : venez et voyez. […] J’en appelle à ces productions avortées que leurs illustres auteurs condamnent avec tant de raison à ne point sortir de l’obscurité, et que méprisent tout bas ceux qui les connaissent, après les avoir louées tout haut ; j’en appelle surtout à la manière dont le public en pense, lorsque, par quelque malheur ou quelque maladresse de la vanité, elles osent se montrer à la lumière. […] La première renferme ceux qui se connaissent assez pour n’oser paraître au grand jour, mais qui ne se bornent pas, comme la plupart de leurs confrères, à commander durant leur digestion, du sublime à un poète, ou des découvertes à un savant ; ils ont de plus la prétention d’éclairer leurs courtisans, de leur fournir des plans d’ouvrages, et de les diriger dans l’exécution. […] C’est principalement à certains journalistes étrangers que ce reproche s’adresse (car je n’ose croire que parmi ceux de France, il y en ait aucun qui le mérite).
Sur ce point délicat je me borne encore à dire, en écartant tout ce qui est indigne d’être entendu, que si, vers l’âge de trente ans, Marie-Antoinette en butte à toutes sortes d’intrigues et d’inimitiés, entourée d’amis qui la compromettaient fort et qui n’étaient pas tous désintéressés ni bien sincères, avait cherché et distingué dans son monde et dans son cercle intime un homme droit, sûr, dévoué, fidèle, un ami courageux, discret, incapable d’épouser d’autre intérêt que le sien, et si elle s’était appuyée sur son bras à certain jour, même avec abandon, il n’y aurait à cela rien de si étonnant ni de fait pour révolter ; et de ce qu’on admettrait, sur la foi des contemporains d’alors les mieux informés, cette sorte de tradition qui, à son égard, me paraît, si j’ose l’avouer, la plus probable, il ne s’ensuivrait pas qu’elle dût rien perdre dans l’estime de ceux qui connaissent le cœur humain et la vie, ni qu’elle fût moins digne de tout l’intérêt des honnêtes gens aux jours de l’épreuve et du malheur. […] Avec sa sœur Marie-Christine elle entre dans plus de détails ; elle parle plus à cœur ouvert et ose avouer ses craintes qu’avec un peu de superstition il ne tiendrait qu’à nous de prendre pour des pressentiments : « Ma chère Christine, la seule à qui j’ose parler à cœur ouvert, je suis arrivée à Augsbourg aussi navrée que la dernière fois que je vous ai écrit. […] Je n’ose pas parler devant lui depuis que je l’ai entendu à un cercle reprendre déjà pour une petite faute de langue la pauvre Clotilde qui ne savait où se cacher.
Jusque-là, cette poésie, en ce qu’elle avait de particulier, et j’oserai dire d’essentiel, semblait décidément subalterne, inférieure à la prose, incapable dans ses vieilles entraves d’atteindre à tout un ordre d’idées modernes et d’inspirations, qui s’élargissait de jour en jour. […] Qu’il ose donc, sous de beaux symboles, à l’exemple du chantre de Pollion, toucher quelques points de la transformation profonde qui s’opère ! Son ami, l’auteur des Iambes, et aujourd’hui du Pianto, a osé beaucoup : proférant des paroles ardentes, et d’une main qui n’a pas craint quelque souillure, il a fouillé du premier coup dans les plaies immondes, il les a fait saigner et crier. […] Sa préface exprime très-vivement ce goût, oserai-je dire cette manie de diversité ?
Nous autres ignorants étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier. » Et il ajoute avec un vif sentiment de ce bienfait : « Grâce à lui, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école : c’est notre bréviaire. » Rien ne saurait prévaloir contre un tel témoignage. […] C’est un peu une traduction faite comme par La Fontaine, ou bien (l’oserai-je dire ?) par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux.
Il faut oser le redire : le poëte créateur du moyen âge est l’élève de l’antiquité. […] Jamais la pensée humaine n’osa si prodigieuse invention, et ce qui en est le défaut en est aussi la merveille : je veux dire la longueur de cette invention et l’inépuisable emploi de la même pensée, l’idéal de la grandeur divine et l’idéal de l’amour humain. […] La poésie du Dante alla plus loin : tel homme pervers, qu’elle avait désigné, n’osa se tuer, par effroi même des peintures du poëte, mais traîna la vie sous la damnation de ses remords, dans la solitude que lui faisait la juste horreur de ses concitoyens. […] Il n’y avait pas de maison sans famille, et Sardanapale n’en était pas venu à montrer ce qui peut s’oser dans une chambre.
— Oui, Pancrace ; j’ose le trouver bon sans le congé de messieurs les experts. […] Qui aurait osé parler aux Racine, aux Despréaux, d’un poème épique sur Adam et Ève ? […] J’osai dire aussi qu’il y a deux sortes de vers dans Boileau : les moins bons, qui sont d’un bon élève de troisième, et les meilleurs, qui sont d’un bon élève de rhétorique. […] Personne n’ose dire : nationale aussi, française sous la plume d’un Français, allemande sous celle d’un Allemand, et toute pleine de patriotisme. […] Ta toilette était de la dernière élégance, et quelques personnes osaient dire tout bas que tu ne semblais pas ignorer l’emploi des cosmétiques.
On se rappelle à Paris la malencontreuse journée où il essaya de répondre à Lamartine au moment de la grande défection de celui-ci : c’était, nous assuraient les témoins, un singulier et triste spectacle que, dans une situation où pourtant il y avait, rien qu’avec du bon sens, tant et de si bonnes choses à dire, de voir un orateur aussi habile, une langue aussi dorée et aussi fine que l’est Villemain, balbutier, chercher ses mots et ses raisons ; on aurait cru qu’il n’osait frapper par un reste de respect pour le génie littéraire ; que l’ombre de ce génie, un je ne sais quoi, le fantôme d’Elvire debout aux côtés du poëte et invisible pour d’autres que pour l’adversaire, fascinait son œil et enchaînait son bras. […] C'est une singulière organisation que celle de ce brillant et facile talent, et après l’avoir entendu nous-même, en ses beaux jours, et à écouter ceux qui l’ont pu mieux connaître, nous oserions dire : Villemain n’aime et ne sent directement ni la religion, ni la philosophie, ni la poésie, ni les arts, ni la nature.
— Aujourd’hui que les questions et les passions politiques trop flagrantes sont apaisées, qu’il y a lieu à des débats plus théoriques et de principes, que le sac de l’archevêché est oublié, et que le clergé, en reparaissant, n’a plus peur de se faire lapider dans les rues, il ose extrêmement : il ose d’autant plus qu’une portion notable s’est ralliée à la dynastie de Juillet, et qu’en réclamant ce qu’il croit son droit, il le demande de plus presque au nom des services rendus.
Ses ennemis affecterent de prendre ce ménagement pour de la timidité ; ils prétendoient qu’il n’osoit pas imprimer sa Piece, & lui adresserent, à ce sujet, les défis les plus plaisans du monde. […] Corneille, le grand Corneille auroit-il osé prendre ce ton à l’égard des détracteurs du Cid ?
C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine. […] C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.
Tous les écrivains le détestoient : mais aucun n’osoit encore rompre des lances avec lui. […] On osa mettre en vers ces idées abominables, & les présenter au public.
Lecocq, nous faudra-t-il songer, avant de l’oser dire, que Beethoven était Allemand ? […] Oserons-nous en proposer une autre ? […] Je n’ose ici le calculer. […] Edmond de Goncourt, s’il en avait, oserait peut-être en faire un roman. […] Coppée nous poussait, nous oserions bien dire que nous l’aimons mieux.
L’un des premiers, il l’a invité à oser être enfin lui-même. […] Si je l’osais dire, et qu’il put m’entendre, cette manière de louer son originalité le ferait frémir d’indignation et décoléré. […] Oserai-je me servir ici d’une locution un peu familière ? […] Que maintenant les choses, dans la réalité, se soient ainsi passées, je n’oserais en répondre. […] Fontenelle ose l’entreprendre.
Cette étendue d’esprit, cette force d’imagination, cette activité d’ame, ne donnent-elles pas plus de prise à ce feu qui semble d’autant plus redoutable qu’on ose le combattre, & ne voila-t-il pas cet homme si orgueil, leux de sa sagesse, esclave comme un autre ; non. […] Je sçais que la Philosophie oblige les Rois de porter pendant toute leur vie le triste fardeau du Sceptre qu’un destin fatal leur a imposé ; je sçais qu’elle leur défend d’oser s’élever à un état plus heureux, mais elle est aussi trop severe. […] Dignes compagnes de l’homme, osez penser avec lui ; la Nature vous a donné le même esprit.
Je le dirai tout à l’heure, si je l’ose ; mais certainement le poète ne croit pas qu’elle lui ait manqué. […] Il hésite à prononcer tout haut le nom illustre de son père, ce nom qui était le sien : Virgile, qui d’Homère apprit à nous charmer, Boileau, Corneille, et Toi que je n’ose nommer, Vos esprits n’étaient-ils qu’étincelle légère ? […] C’est là que, Paul et Virginie en main, j’ose à mon tour faire la leçon à M. de Lamartine, et lui demander compte de ce qu’il m’a tout à l’heure si bien appris à sentir.
Ceux qui ne peuvent pas l’être par la foi n’osent pas ne pas l’être par la raison, et tel qui résiste aux dogmes s’incline devant la plus sublime des philosophies. […] C’est en m’enfermant dans ces limites que j’oserai juger ses trois plus illustres organes, aux dix-septième et dix-huitième siècles. […] Il semble qu’il n’ait pas osé élever ses regards jusqu’à elles, et qu’il n’ait pas cru permis au chrétien de s’en faire des images trop sensibles. […] Il y croit de foi ; il l’aime d’un amour qui n’ose être tendre, et dans ce double sentiment, il fait taire toutes ses pensées. […] Il osait plus se croire poète par l’invention que par la langue, où il s’inquiétait de la concurrence des poètes du dix-septième siècle, même de Boileau.
Le vulgaire admire de confiance et n’ose hasarder de lui-même un jugement sur ces œuvres qui le dépassent. […] Rien ne se fait par le calme : on n’ose qu’en révolution. […] Fichte a osé concevoir un état social si parfait que la pensée même du mal fût bannie de l’esprit de l’homme. […] Gœthe, l’ami d’un grand-duc, aurait pu se voir en France poursuivi devant les tribunaux ; le traducteur de Feuerbach n’a pas trouvé d’éditeur qui osât publier son livre. […] Les grandes et larges idées sur Dieu ont été et sont, en Allemagne, la doctrine de tout esprit cultivé philosophiquement ; en France, nul n’a encore osé les avouer, et celui qui oserait le faire trouverait plus d’obstacles qu’il n’en eût trouvé à Tubingue ou à Iéna sous des gouvernements absolus.
Pour se donner la réputation d’un homme capable, il osa contredire les personnes les plus célèbres par leur érudition, & assigner aux poëtes épiques une route nouvelle. […] Fénélon, quoiqu’ami de La Mothe, n’osa l’approuver dans tout. […] Fontenelle osa encore moins que personne embrasser ouvertement un parti. […] On peut tout feindre, tout oser dans un poëme, du moment qu’on ne nuit pas à la suite des événemens de l’histoire ; qu’on n’est point démenti par une opinion générale ; qu’on ne suppose rien qui ne puisse avoir été fait. […] Son étonnement est extrême, de voir qu’on ose rectifier les plans des grands-maîtres.
Mais j’ose bien dire en réponse qu’il n’y a rien de moins vrai. […] J’ose croire, pour ma part, exactement le contraire. […] Pour une seule raison, Mesdames ; pour qu’en le croyant mort, Phèdre ose faire à Hippolyte la brûlante déclaration que Racine, sans cela, n’aurait jamais osé mettre sur ses lèvres. […] Mais qu’il en résulte assez naturellement de là quelque chose d’obscur dans le rôle même de Phèdre, c’est ce que j’ose encore ajouter. […] Oserai-je dire encore ici qu’il n’importe pas que les Grecs en eussent donné l’exemple ?
Voilâ celui qu’Arnauld osa provoquer au combat, par un autre motif que celui de s’instruire. […] Les Anglois se croyoient offensés qu’on osât mettre en parallèle Newton avec Léibnitz. […] Rousseau de condamner ce qui fait toute sa gloire, & d’oser ainsi battre sa nourrice. […] Le plus grand nombre n’ose la faire remonter qu’à Élie. […] On ose attenter à la vie de Henri IV.
Il avait auprès de lui sa famille, mais il n’osait encore se permettre les amis, ni demander pour eux les autorisations nécessaires. […] Que Bernis eût réellement cette tranquillité et ce contentement dont il parle, et que ce soit chez lui l’état fondamental en ces années d’inaction et d’exil, je n’oserais en répondre : il suffit qu’il y tende, qu’il y revienne le plus possible par la réflexion, et que son humeur ne jure pas avec son désir. […] J’ai peut-être dans le fond de mon cœur l’insolence de… ; mais je n’ose pas… » Bernis ne répond jamais sur ces insinuations et fait la sourde oreille à ces louanges outrées, et en effet insolentes, du malin. […] Mais Voltaire est tenté, à tout moment, d’envoyer à Bernis autre chose encore que des tragédies ; il veut lui envoyer ses contes, ses légèretés, Ce qui plaît aux dames : « Mais je n’ose », ajoute-t-il en se retenant à peine.
Villars, malgré son vif désir, n’osa prendre sur lui l’événement contre l’avis de ses officiers généraux, qui, la plupart, lui firent et pour la seconde fois, au moment même de commencer l’attaque, dans la nuit du 23 avril (1703), de très fortes et obstinées représentations. […] Villars n’était pas fâché peut-être d’exagérer auprès du roi l’inconvénient de n’avoir pas osé attaquer ce jour-là. […] Qu’elle ne craigne jamais que mon intérêt particulier ait la moindre part à mes actions : j’ose dire que je suis né véritable et vertueux. » Villars ici se pavoise trop ; il donne évidemment à ce mot de vertu l’acception toute personnelle qui sied à Villars : mais il n’est que dans le vrai lorsqu’après la victoire d’Hochstett, réclamant son congé du roi et se plaignant de n’être plus écouté, souffrant de tant de fautes, et de celles qu’on fait sous ses yeux et de celles qu’on va faire, il lui échappe ce mot qui trouverait si souvent son emploi : « Heureux, Sire, heureux les indolents ! […] J’ose dire, Sire, que je sais et pratique ce qui peut inspirer et conserver cette ardeur.
Et dire qu’il y a des gens assez stupides pour oser porter la main sur un pareil chef-d’œuvre, assez cruels pour porter la désolation dans une si charmante famille ! […] c’est sa sensation exacte ; elle a osé la rendre. […] Les Anglais osent de ces choses dans leur poésie, dans leur peinture, et c’est pourquoi leurs poètes peintres ont souvent plus de relief et de vérité que les nôtres. […] Penser pour soi et pour ses amis, sans prétention à s’afficher ; vouloir se former des opinions justes sur les choses essentielles, sans aspirer à les produire ; étudier, vivre, regarder, oser sentir et dire, est une marque de distinction dans une nature.
Il aurait voulu, à cette fin d’année, être nommé non-seulement commandant général, mais gouverneur général, mais lieutenant pour le roi dans les Pays-Bas25 : une prétention excessive et dont on n’osa pas même parler au roi qui venait de le combler. […] Osons rétablir ici (n’en déplaise à M. Saint-René Taillandier que je choque de plus en plus, bien malgré moi, mais il est par trop prêcheur aussi), osons rétablir tout ce joli début d’un certain chant VII : Lorsqu’autrefois, au printemps de mes jours, Je fus quitté par ma belle maîtresse, Mon tendre cœur fut navré de tristesse, Et je pensai renoncer aux amours ; Mais d’offenser par le moindre discours Cette beauté que j’avais encensée, De son bonheur oser troubler le cours, Un tel forfait n’entra dans ma pensée.
Je ne serais pas embarrassé de le dire, si j’osais me montrer aussi sévère envers M. […] Un Allemand de beaucoup de savoir et d’esprit, le docteur Hermann Reuchlin, le même qui fait en ce moment là-bas une histoire de Port-Royal, comme moi ici, et qui me devancera, je le crains bien, me disait un jour : « Vous autres catholiques, quand vous allez à la recherche et à la discussion des faits, vous êtes toujours plus ou moins comme une troupe qui fait sa sortie sous le canon d’une place et qui n’ose s’en écarter. Nous autres protestants, nous osons charger à fond à la baïonnette. » J’aurais pu lui répondre : « Oui, mais prenez garde qu’en devenant victorieux, et l’ennemi chassé, vous ne vous trouviez tout juste à la place qu’il occupait auparavant. » M. […] En quelques rares endroits, si je l’osais remarquer, son raisonnement, en faveur de l’authenticité historique qu’il soutient, m’a paru plus spécieux que fondé, comme quand il dit par exemple : « Les premiers siècles de Rome vous sont suspects à cause de la louve de Romulus, des boucliers de Numa, du rasoir de l’augure, de l’apparition de Castor et Pollux… ; effacez donc alors de l’histoire romaine toute l’histoire de César, à cause de l’astre qui parut à sa mort, dont Auguste avait fait placer l’image au-dessus de la statue de son père adoptif, dans le temple de Vénus191. » Une fable qu’on aura accueillie dans une époque tout avérée et historique ne saurait en aucune façon la mettre au niveau des siècles sans histoire et où l’on ne fait point un pas sans rencontrer une merveille.
En un mot, s’il n’était pas un homme d’État, j’oserais dire qu’il a en lui tout ce qu’il faut pour être, en toute matière, un excellent et consciencieux critique. […] nous osons le dire, s’écriait-il en faisant allusion aux idolâtries classiques qu’il ne voulait point voir remplacées par d’autres idolâtries, eh bien ! le temps de ces exagérations est déjà passé pour les Français ; nous osons le prédire, il y a, dans le bon sens général, tel que les controverses qui s’agitent depuis quinze ou vingt ans l’ont développé et préparé, un obstacle invincible à ce que ces adorations individuelles gagnent jamais du terrain, et deviennent des opinions communes et des doctrines reçues. […] Qui est-ce qui ose entrer dans une salle de spectacle, quand il ne connaît la pièce que de nom ?
Ayant à parler des Directions pour la conscience d’un roi, écrites par Fénelon pour le duc de Bourgogne, l’abbé Maury n’avait osé une première fois, en présence de l’Académie, définir nettement la confession et le confessionnal ; il avait dit vaguement : « Ce n’est plus à un enfant, c’est au chrétien qu’il s’adresse. […] À l’égard de Massillon, Maury, à propos de ce Petit Carême si vanté et qu’il met au-dessous du Grand, du premier Carême, ose prononcer le mot de décadence, et il en donne la raison avec une grande fermeté de sens. […] Je n’ose pas ennuyer mes amis de cette lecture ; je me ferais un véritable scrupule d’exiger d’eux une pareille corvée, et il n’y a que vous au monde qui ayez le courage et la bonté d’entendre un sermon ailleurs qu’à l’église. […] On loua quelques parties de son discours de réception ; mais ce qui parut à tout le monde un néologisme intolérable et une énormité du plus mauvais goût, ce fut d’avoir osé dire, en résumant les principaux écrits et les événements de la vie de son prédécesseur : « Tel est, messieurs, le tableau que présente la vie de l’écrivain justement célèbre qui entre aujourd’hui dans la postérité !
Au second sapin que j’ai tourné, me voyant presque dans ma route, je me suis trouvé si insolent, que, si j’avais eu une troisième main, je lui aurais montré ma bourse comme le prix de sa valeur, s’il était assez osé pour la venir chercher. […] Il était naturellement et abondamment gai ; il osa l’être dans Le Barbier : c’était une originalité au xviiie siècle. « Faites-nous donc des pièces de ce genre, puisqu’il n’y a plus que vous qui osiez rire en face », lui disait-on. […] Avec cette assurance et cet air osé qui n’est qu’à lui, il chercha aide et appui auprès même des courtisans, c’est-à-dire de ceux dont il s’était le plus moqué : figaro.
Et on restait, malgré des travaux importants de littérature et d’histoire qui auraient dû changer ou du moins faire réfléchir l’opinion prévenue, on restait sous cette absurde idée de bégueulisme à propos du talent le moins bégueule qui ait jamais existé, à propos de l’esprit le plus correct, c’est la vérité, mais le plus aimable, le plus doué de cet agrément que les agréables ou les formidables de la littérature contemporaine ont osé lui refuser… pendant trente ans ! […] Partout ailleurs, il n’a osé… Il a été retenu par une incroyable délicatesse. […] mais comme l’esprit le moins raide et au contraire le plus souple, et le plus large, et le meilleur dans la Critique, et si j’osais — et pourquoi pas ? […] Trelawney, le Trelawney des Mémoires de lord Byron et de notre imagination prévenue, dans l’écrivain quelconque qui a tenu la plume et qui a osé signer du nom de Trelawney les Recollections.
« J’espère qu’ils n’oseront pas jeter aux murs de Grenelle ces jeunes cervelles trop chaudes, mais si généreuses. […] Rentré chez moi, je fis un choix de mes pièces de vers et les envoyai à Victor Hugo, ce que je n’avais osé jusqu’alors avec personne ; car je sentais bien que mes maîtres du Globe, vraiment maîtres en fait d’histoire ou de philosophie, ne l’étaient point du tout en matière d’élégie.
et l’issue, oseriez-vous affirmer qu’elle aurait été la même ? […] Un philosophe, qui écrivait d’ailleurs dans le but évident de rabaisser la puissance humaine, a bien osé dire : « Un grain de sable placé dans l’urètre de Cromwell a décidé du sort de l’Europe.
Je n’oserais affirmer le contraire, et pourtant, du moment qu’on en veut juger en toute connaissance de cause, comme c’est la prétention de la critique, voilà l’interminable voyage qui recommence. […] Nous ne craignons pas de le recommander à tous ceux qui osent étudier et accepter sous ses aspects les plus divers, sous ses vêtements les plus insolites, la pensée de la liberté future.
Au moment d’exécuter cette détermination hardie, il conçut d’abord la pensée de placer en tête de cette seconde édition ce dont il n’avait pas osé charger la première, savoir quelques vues générales et particulières sur le roman. […] C’est donc avec le soin le plus scrupuleux qu’ont été revues les épreuves de cette nouvelle publication, et maintenant l’auteur ose croire, ainsi qu’un ou deux amis intimes, que ce roman restauré est digne de figurer parmi ces splendides écrits en présence desquels les onze étoiles se prosternent, comme devant la lune et le soleil 4.
Ceux qui ont osé manger des poissons qu’on y trouve quelquefois, ont presque tous païé de leur vie une curiosité témeraire. […] Enfin l’air de la campagne de Rome tuë aussi promtement que le fer, l’étranger qui ose s’exposer à son activité durant le sommeil.
Pendant que la prude Angleterre n’osait faire qu’un baronnet de Walter Scott et chicanait le titre de Lord à ce magnifique génie, qui ne chicanait pas, lui, à l’Angleterre, la gloire qu’il versait sur son écusson, Hebel, commandeur du Lion de Zœhringen, était revêtu de la dignité de prélat, la plus éminente dans la hiérarchie protestante, et pouvait siéger dans la Chambre haute du grand-duché. […] Quand les poésies de Hebel parurent, Goethe et Jean-Paul, qui tenaient le sceptre de la Critique en Allemagne, firent entendre de ces paroles qui étaient le jugement antidaté de la postérité, la question de toute supériorité intellectuelle n’étant jamais rien de plus qu’une avance de la Pensée sur le Temps : « Je viens de lire pour la sixième fois — s’écriait Jean-Paul — ce recueil de chants populaires qui pourrait trouver place dans celui de Herder, si on osait faire un bouquet au moyen d’un autre.
Restent donc, pour le fantastique essayé, Le Rêve du cousin Elof, qui n’est qu’un rêve somnambulique d’un effet usé et qu’il fallait renouveler, comme Edgar Poe, quand on ose toucher à ce genre de fantastique ; La Montre du Doyen, qui n’est qu’une histoire de la Gazette des tribunaux ; Les Trois Âmes, Hans Storkus, L’Araignée-Crabe. […] le vague de cette histoire de Hugues-le-Loup est celui-là que la faiblesse laisse tomber sur ce qu’elle n’oserait pas faire voir.
Quoique ce prince fût encore vivant, Paul Jove ose l’appeler de son véritable nom, c’est-à-dire, un monstre ; il est vrai que ce monstre était alors détrôné et enfermé dans une cage de fer ; mais beaucoup d’autres auraient craint que la cage ne fût brisée, et que ce monstre, en remontant sur le trône, ce qui est arrivé quelquefois, ne redevînt un très grand prince. Enfin, pour connaître l’esprit de ce temps-là, il ne sera pas inutile d’observer que Paul Jove loue avec transport ce Pic de La Mirandole, l’homme de l’Europe, et peut-être du monde, qui à son âge eût entassé dans sa tête le plus de mots et le moins d’idées ; qu’il n’ose point blâmer ouvertement ce Jérôme Savonarole, enthousiaste et fourbe, qui déclamant en chaire contre les Médicis, faisait des prophéties et des cabales, et voulait, dans Florence, jouer à la fois le rôle de Brutus et d’un homme inspiré ; qu’enfin il loue Machiavel de très bonne foi, et ne pense pas même à s’étonner de ses principes : car le machiavélisme qui n’existe plus sans doute, et qu’une politique éclairée et sage a dû bannir pour jamais, né dans ces siècles orageux, du choc de mille intérêts et de l’excès de toutes les ambitions joint à la faiblesse de chaque pouvoir, fait uniquement pour des âmes qui suppléaient à la force par la ruse, et aux talents par les crimes, était, pendant quelque temps, devenu en Europe la maladie des meilleurs esprits, à peu près comme certaines pestes qui, nées dans un climat, ont fait le tour du monde, et n’ont disparu qu’après avoir ravagé le globe.
Mais il est là, près de mes armes : Un instant osons l’entrevoir. […] C’était le conseil de l’hésitation ; nul n’osait dire ce qu’il voulait, le plus grand nombre ne le savait pas. […] J’ai osé tâter le pouls à la France ; tranquillisez-vous, elle est immortelle. […] La république a cent fois plus de force qu’il ne lui en faut ; tout son danger est dans l’excès : en voyant voter Béranger pour la sagesse, qui donc osera être fou ? […] Il avait, si j’ose dire toute ma pensée, rétréci son devoir, afin de l’accomplir toujours et d’être plus sûr de l’accomplir.
Tout esprit est plus ou moins armé, en présence des idées, du bouclier ou miroir de la réflexion, et du glaive de l’invention, de l’action pénétrante et remuante : réfléchir et oser. Le génie consiste dans l’alliance proportionnée des deux moyens, avec la prédominance d’oser. […] Son tort, si nous osons percer au dedans, est, selon nous, d’avoir trop combattu le génie actif qui s’y mêlait à l’origine, d’avoir effacé l’imagination platonique qui prêtait sa couleur aux objets et baignait à son gré les horizons. […] Allez, osez, ô Vous dont le drame est déjà consommé au dedans ; remontez un jour en idée cette Dôle avec votre ami vieilli ; et là, non plus par le soleil du matin, mais à l’heure plus solennelle du couchant, reposez devant nous le mélancolique problème des destinées ; au terme de vos récits abondants et sous une forme qui se grave, montrez-nous le sommet de la vie, la dernière vue de l’expérience, la masse au loin qui gagne et se déploie, l’individu qui souffre comme toujours, et le divin, l’inconsolé désir ici-bas du poëte, de l’amant et du sage ! […] La psychologie en elle-même (si je l’ose dire), à part un certain nombre de vérités de détail et de remarques fines qu’on en peut tirer, ne sert guère qu’au sentiment solitaire du contemplateur et ne se transmet pas.
À la danse des veillées, dans le grand vestibule, le petit Didier n’osait pas même se mêler aux rondes ou prendre la main de la Jumelle. […] Elle aimait, sans oser l’avouer, celui qu’on la soupçonnait le moins de regarder avec prédilection parmi tous les autres. […] Sans se parler jamais, la Jumelle et Didier finirent par comprendre qu’il y avait entre eux deux un secret, qu’aucun des deux n’osait tout à fait ni révéler ni comprendre. […] Elle l’avait bien vu venir de loin par le sentier des chèvres, mais elle n’avait rien osé dire, et elle s’était en allée dans le verger, derrière la maison, pour le laisser seul avec son père. […] Il n’osa ni l’embrasser ni la regarder ; il sentait qu’il l’emportait dans sa poitrine.
Vêtu, en effet, d’une saie gauloise de diverses couleurs et de braies, vêtement étranger, il osait donner audience ainsi à des citoyens en toges. […] XIII Mucien, que Vespasien pouvait rencontrer comme rival en Syrie, puisqu’il y commandait plus de légions que lui, le convie lui-même à tout oser. […] « Et cet homme que nous n’osons pas poursuivre parce qu’il a été seulement questeur, voyons-le un jour préteur et consul ! […] Règnes-y, puisque tu oses y régner en présence de César ! […] « Burrhus lui répond que les prétoriens sont trop attachés à toute la famille des Césars, et surtout à la mémoire de Germanicus, pour oser se porter à aucun attentat contre sa fille ; que c’était à Anicétus d’accomplir ce qu’il avait promis.
Taine a osé nous dire sur Napoléon Bonaparte ? […] En littérature, il avait le goût, si j’ose dire, un peu « pompier » Il n’était pas proprement cruel ; j’entends qu’il n’a fait tuer presque personne en dehors des champs de bataille. […] Osons le dire, ces inexactitudes, ces habiletés d’interprétation à demi volontaires, vous les trouverez chez tout historien digne de ce nom, qu’il soit artiste, philosophe ou politique. […] Stella nous dit que, dans cette bienheureuse planète, les grands artistes contemplent enfin leur idéal vivant : Ils possèdent leur songe incarné sans effort : C’est aux bras d’Athéné que Phidias s’endort ; Souriante, Aphrodite enlace Praxitèle ; Michel-Ange ose enfin du songe qui la tord Réveiller sa Nuit triste et sinistrement belle. […] Il ne m’eût pas déplu, d’abord, que le poète éliminât de son paradis l’amour charnel, parce que c’est un bien trop douteux, trop rapide, mêlé de trop de maux, précédé de trop de trouble, suivi de trop de dégoût… J’ose presque dire que M.
Mais qui oserait se croire doué de l’impartialité de Quinctilius Varus, ou du jugement prophétique de Boileau ? […] Je suis trop peu sûr de m’être gardé de toutes ces causes d’erreur, pour oser juger en historien les ouvrages d’esprit de mon temps. […] Un récit qui nous l’eût expliqué n’eût pas rendu Néron plus aimable ; mais il nous eût appris par quelle dépravation une société, devenue incapable d’une liberté réglée, se rend tout à la fois la complice et la proie d’un de ces despotismes monstrueux auxquels on ose à peine croire, même sur la foi d’un Tacite. […] C’est une complaisance qu’on n’ose plus avoir pour soi-même quand on a lu de Maistre. […] Si je ne craignais d’être doublement dans l’illusion, comme contemporain et comme ami, j’oserais prédire à deux conteurs charmants et populaires, aussi heureux dans le roman qu’au théâtre, que leurs œuvres auront des lecteurs en France, tant qu’on y goûtera les délicatesses du sentiment et de la pensée exprimées dans la langue des bons écrivains.
Pourquoi n’a-t-il pas osé pousser jusqu’à la fameuse formule : « Ne plus ne moins que la fleur nommée héliotrope… ? […] Oserai-je dire pourtant que ce savoir étendu et solide a ses lacunes et ses défaillances ? […] Ganderax serait le premier à sourire, si j’osais affirmer qu’il a toujours résisté aux tentations d’adoucir ou de taire la vérité. […] J’ose même dire que le tableau tracé par lui s’est trouvé plus vrai le lendemain de ses articles que la veille. […] Je n’oserais l’affirmer.
Peu d’actrices, peut-être, auraient osé se charger de rôles aussi libres et aussi gaillards que ceux-là. […] M’ose-t-il bien quitter, après tant de forfaits ? […] Osons dire qu’ici elle paraît plus grande et plus simple. […] Mais Corneille eût-il pu et osé faire entendre ce galop de cheval, détail bien réaliste pour la scène française de ce temps-là ? […] Don Lope ose répliquer à la Reine qu’au moins faut-il que Carlos dise auparavant de qui il est fils.
Tout cela est grave, et, pour moi, je n’ose être assuré que le quatrième évangile ait été écrit tout entier de la plume d’un ancien pêcheur galiléen. […] Tout au contraire, j’ose défier qui que ce soit de composer une vie de Jésus qui ait un sens en tenant compte des discours que Jean prête à Jésus. […] Si Jésus avait jamais parlé dans ce style, qui n’a rien d’hébreu, rien de juif, rien de talmudique, si j’ose m’exprimer ainsi, comment un seul de ses auditeurs en aurait-il si bien gardé le secret ? […] » Qui oserait le soutenir ? […] Une espèce d’éclat à la fois doux et terrible, une force divine, si j’ose le dire, souligne ces paroles, les détache du contexte et les rend pour le critique facilement reconnaissables.
Plus qu’aucun peuple nous tournons dans le cercle vicieux des mêmes formes et des mêmes idées, nous n’osons rompre la barrière, et nous ressemblons à un cheval de manège aveuglé par un bandeau et qui croit faire beaucoup de chemin parce qu’il ne s’aperçoit pas qu’il tourne toujours. […] Les adorateurs aveugles de ces chimères éteintes sont comme les héros qu’ils encensent à grands coups d’alexandrins ; ils remuent les yeux, la tête et les bras, mais ils ne vivent pas ; ils ont à eux une façon de parler particulière qui ne ressemble à rien ; ils tournent autour d’une idée sans oser l’attaquer, comme un chacal autour d’un tigre ; le mot propre les épouvante. […] Ils ont publiquement pris en main la cause de filous condamnés pour vol ; ils avaient des amis ; quand ces amis furent morts, ils écrivirent, sous prétexte d’honorer leur mémoire, d’infâmes libelles qu’ils n’osèrent même pas signer et qu’ils avaient glanés sans doute dans les rognures des manuscrits du marquis de Sade ; en faisant ainsi, en accumulant monstruosités sur monstruosités, en crachant sur tout, en calomniant tout, hélas ! […] — À ce que la littérature n’a point encore osé aborder les œuvres modernes et réellement vivantes. […] Imiterons-nous cet ex-philosophe qui eut de la célébrité sous la restauration et un ministère sous le roi Louis-Philippe, et qui, comme Panurge, n’aimant pas les coups, lesquels il craint naturellement, se tient prudemment à l’écart sans oser se mêler au combat ?
quand ils virent la riche et belle flotte, qui avait si peu perdu pour attendre, surgir à toutes voiles et passer bientôt tout près d’eux, « ils en eurent si grande honte, dit Villehardouin, qu’ils n’osèrent se montrer » ; et le comte de Flandre ayant envoyé une barque pour les reconnaître, un des soldats non chevaliers, qui était parmi les transfuges, se laissa couler dedans, et cria de là à ceux qu’il abandonnait : « Je vous tiens quittes de tout ce que je laisse à bord, mais je m’en veux aller avec ceux-là qui m’ont tout l’air de devoir conquérir du pays. » Ce soldat, qui s’échappait d’avec les fugitifs pour s’en revenir avec les conquérants, fut reçu à merveille, on le peut croire ; on l’accueillit comme l’enfant prodigue87, et cet épisode anima la traversée. […] Nicétas, l’historien des vaincus, et Villehardouin celui des vainqueurs, s’accordent pour nous en une conclusion : les Grecs de Byzance, qui osent encore s’intituler Romains, sont lâches et traîtres, deux défauts qui, en s’unissant, marquent la fin et l’extrême décrépitude des peuples. […] Ces empereurs grecs qu’ont en face les guerriers francs n’osent sortir de leurs murailles, se mettre à la tête des vaillants hommes qui leur restent ; ils s’enfuient de nuit par des portes dérobées, et vont chercher dans des palais moins en péril ce qu’ils espèrent sauver de la ruine universelle, un reste de voluptés et de délices.
Cette mauvaise fortune, et cette extrême délicatesse morale qu’il y conserve, le rendent un peu susceptible dans ses rapports avec Saint-Vincens ; et lorsque celui-ci, qui paraît encore plus aimé de Vauvenargues qu’il ne l’aime, et qui est assez irrégulier dans ses lettres, tarde un peu trop à lui répondre, Vauvenargues s’alarme, il suppose que le souvenir de l’argent prêté entre pour quelque chose dans ce ralentissement, que son ami en a besoin peut-être et n’ose le lui dire ; il se plaint, il offre de s’acquitter, et il a ensuite à se justifier envers son ami qui a cru voir de l’aigreur dans la chaleur de ses reproches : Je te supplie, du moins, de croire qu’en t’offrant, comme j’ai fait, de m’acquitter avec toi, je n’ai jamais été fâché un seul moment de te devoir. […] Il n’a pas plutôt articulé cette dernière proposition qu’il la trouve ridicule, indigne d’un fils de famille ; il l’a articulée pourtant, et Saint-Vincens est libre d’agir et de risquer l’ouverture, s’il le veut et s’il l’ose. […] On sent dans cette lettre qu’il aurait pu, ce jour-là même, tracer le caractère de Sénèque ou l’orateur chagrin, l’orateur de la vertu, qui commence en ces termes : Celui qui n’est connu que par les lettres, n’est pas infatué de sa réputation, s’il est vraiment ambitieux ; bien loin de vouloir faire entrer les jeunes gens dans sa propre carrière, il leur montre lui-même une route plus noble, s’ils osent la suivre : Ô mes amis, leur dit-il, pendant que des hommes médiocres exécutent de grandes choses, ou par un instinct particulier, ou par la faveur des occasions, voulez-vous vous réduire à les écrire ?
Il voudrait l’amener à Dieu, l’enchaîner par quelque promesse formelle, par quelque vœu préservatif : il n’ose pas tout à fait lui proposer de porter sous sa robe de bal (comme Mme de Longueville) un petit cilice ; mais, s’il osait, je ne répondrais pas qu’il ne le fît. […] Si j’osais me permettre aujourd’hui une espèce de jugement sur une société à jamais regrettable, dont j’ai été, et dont l’auteur des Mémoires veut bien m’assurer que j’aurais pu être encore davantage, je dirais qu’en admettant qu’il y eût péril et inconvénient par quelque endroit dans ce monde gracieux, ce n’était pas du côté du goût ; il s’y maintenait pur, dans sa simplicité et sa finesse ; il s’y nourrissait de la fleur des choses : s’il y avait un danger à craindre, c’était le trop de complaisance et de charité ; la vérité en souffrait.
Notre tragédie, à nous, est, si j’ose ainsi dire, d’un cran plus bas ; elle s’attaque particulièrement au cœur et à ses sentiments délicats et déliés jusqu’au sein de la passion ; elle s’encadre avec la société, non plus avec le temple ; elle vit à l’infini sur des luttes, sur des scrupules intérieurs nés du christianisme ou de la chevalerie, et dès longtemps élaborés par une élite polie et galante. […] Bérénice entre en scène comme aurait fait La Vallière, si elle eût osé ; elle entre le cœur tout plein de son amour, empressée de se dérober à la foule des courtisans, ne pensant qu’à l’objet aimé, n’aimant en lui que lui-même. […] Ce qui me frappe en elle, si j’osais me permettre de la juger d’un mot, ce n’est pas seulement qu’elle soit une grande actrice, c’est combien elle est une personne distinguée.
Quelle profondeur de raisonnemens, quelle rapidité de pensées, quel langage élevé, pur, élégant & pittoresque dans le grand saint Basile, qu’Érasme osoit préférer à Démosthène ! […] Ceux qui l’ont réformée d’ailleurs, n’ont osé rien changer à cet égard. […] Le célèbre La Rue, le prédicateur de son siècle qui débitoit le mieux, le vrai Baron de la chaire, si on osoit le dire, étoit d’avis de l’affranchir de cet esclavage.
L’homme d’esprit en rit ; le sot même n’ose plus les croire. […] Mais si un peuple a des mœurs frivoles et légères ; si, au lieu de cette sensibilité profonde qui arrête l’âme et la fixe sur les objets, il n’a qu’une espèce d’inquiétude active qui se répande sur tout sans s’attacher à rien ; si, à force d’être sociable, il devient tous les jours moins sensible ; si tous les caractères originaux disparaissent pour prendre une teinte uniforme et de convention ; si le besoin de plaire, la crainte d’offenser, et cette existence d’opinion qui aujourd’hui est presque la seule, étouffe ou réprime tous les mouvements de l’âme ; si on n’ose ni aimer, ni haïr, ni admirer, ni s’indigner d’après son cœur ; si chacun par devoir est élégant, poli et glacé ; si les femmes même perdent tous les jours de leur véritable empire ; si, à cette sensibilité ardente et généreuse qu’elles ont droit d’inspirer, on substitue un sentiment vil et faible ; si les événements heureux ou malheureux ne sont qu’un objet de conversation, et jamais de sentiment ; si le vide des grands intérêts rétrécit l’âme, et l’accoutume à donner un grand prix aux petites choses, que deviendra l’éloquence chez un pareil peuple ? […] Osez mêler un ton mâle aux chansons de votre siècle ; mais surtout ne vous abaissez point à d’indignes panégyriques : il est temps de respecter la vérité ; il y a deux mille ans que l’on écrit, et deux mille ans que l’on flatte ; poètes, orateurs, historiens, tout a été complice de ce crime ; il y a peu d’écrivains pour qui l’on n’ait à rougir : il n’y a presque pas un livre où il n’y ait des mensonges à effacer.
Ennius avait été soldat, comme Eschyle : et il osait se dire à lui-même : « Salut ! […] Dans ces jours de servitude, où des vers élégiaques non publiés et lus seulement par l’auteur à quelques cercles de femmes, étaient punis de mort, quel poëte aurait osé porter sur la scène les crimes ou les revers de la tyrannie ? […] On les aimait mieux en parodie, dans ces représentations burlesques des Trois Hercules faméliques, ou de Diane fouettée, dont parle plus tard Tertullien : et quant aux grands hommes de l’histoire, leurs images étaient bannies de la scène et ne pouvaient pas plus y paraître qu’elles n’osaient se produire même aux funérailles de leurs descendants.
Qui oserait se flatter de ne jamais outrepasser ce point ? […] Telle est la conclusion que l’auteur ose mettre dans la bouche de Lysistrate, parlant en face aux Athéniens. […] Il n’eût peut-être pas osé les donner plus gravement, et présumait les faire passer à la faveur de ses folles inventions. […] Quel siècle a vu la comédie attaquer les choses publiques qu’il ose reprendre ? […] quel perfectionnement de mœurs, de goût, que de n’oser appeler les choses par leur nom !
Je puis fixer à mon gré le jour de mon départ, ma route en France et en Italie, et même, ce que je n’aurais pas osé demander, le jour de mon arrivée. […] Depuis six semaines, je fais ce que je désespérais d’oser jamais, je monte en chaire sans aucunes notes, et parle un peu de mémoire, un peu d’inspiration. […] Je n’aurai jamais tant lu ni tant osé. […] Peut-être oserai-je vous dire que j’ai gagné quelque chose en fermeté et en raison ; mais ma tâche est devenue plus lourde, et, tout compensé, ce sont bien les chaînes d’autrefois que j’ai reprises après les avoir secouées. […] Cela m’a fourni l’occasion de revoir les illustres qui connaissaient déjà ma figure, et aussi quelques-uns de ceux que je n’avais pas encore osé aborder.
En parlant du Tasse, il a dû s’interdire d’entrer dans les jardins d’Armide ; il ose pourtant indiquer Clorinde, la belle guerrière, Clorinde qui du moins mourra chrétienne et baptisée. […] Il ose dire, par exemple, que la tragédie classique est morte et de sa belle mort « de mort naturelle » ; que le drame est désormais la seule forme possible.
Voilà l’homme à qui Pradon osa se comparer. […] Il n’osa point parler hautement en faveur du poëte qu’il admiroit : lorsque je voulois, disoit-il, défendre Racine contre Pradon, des favoris de Plutus me fermoient la bouche.
Rien n’a plus contribué à lui faire un nom que l’espèce de tribunal qu’il osa s’ériger lui-même pour juger tous les ouvrages nouveaux. […] Vinot l’eût peu connu, il n’osa point, par commisération, refuser de lui rendre service.
Il n’échappa au lieu commun de la mort du temps qu’en s’engageant dans la marine, et l’ironie qui gouverne le monde fit du professeur de beau langage, du doux Ionien de la rhétorique que nous avons connu, un matelot à bord du Brûle-Gueule… Je n’oserai jamais dire un rude matelot ! […] Le fédéralisme girondin n’a pas même touché au manche du couteau de Charlotte Corday, à moins que l’héroïque jeune fille ne l’ait saisi d’indignation en voyant la lâcheté de ses compatriotes, quand avortait chez eux ce qu’ils osèrent appeler une insurrection !
Eh bien, je regretterais beaucoup, j’ose le dire, celui d’Henri Rochefort, si, dans un temps donné, la Chronique, cette Jourdan vide-tête, allait nous en priver ! […] Je sais bien que l’Histoire des Français de la décadence est un titre plus grand que le livre qui ose le porter, mais, en somme, il y a dans ce livre un aigu de regard et un nerveux de poignet que rien n’a faussé ni fait faiblir.
Le Racine fils du romantisme, plus heureux que l’autre, qui n’osa pas toucher aux tragédies, est arrivé au bruit par le drame, comme son père… Cela parut naturel et presque juste… En fait de théâtre, Alexandre Dumas fils est tellement né là-dedans, il est tellement l’enfant de cette balle, et le théâtre de ces derniers temps doit tant à son père, que ce théâtre semblait comme tenu de le faire réussir… Il n’y a pas manqué. […] que la scène qu’on n’ose pas décrire, parce qu’elle n’est pas descriptible, qui précède le coup de couteau de la fin ?
D’abord il querelle très sérieusement la fortune de ce qu’elle a osé attaquer un grand homme tel que Polybe : cependant il voit bien qu’elle a été très adroite, car elle a trouvé le seul endroit par où elle le pût blesser. […] À l’égard de Martial, on ose dire qu’il est encore plus étonnant.
Quoique ce défaut, qui tient à l’abus de la méthode dite d’analyse, n’ait pas laissé de restreindre, j’ose le croire, la portée de M. […] Une piqûre assez irritante qu’il reçut au sein de l’Académie des sciences morales et politiques, lorsque celle-ci, à sa renaissance, osa lui préférer M. […] Il n’entendait rien du tout, j’oserai dire, au grand homme non littéraire, et n’admettait pas plus Mahomet que Grégoire VII, pas plus Alexandre que Napoléon. […] disait Cromwell à son peintre, en lui montrant les rugosités et les verrues de son visage ; il faut avoir soin de nie le laisser. » Mais il est peu de gens qui osent prendre sur eux de le faire. […] Il l’invita à dîner aux Tuileries : « Je veux vous présenter à ma femme, lui dit-il, elle a envie de vous connaître. » Daunou n’osa refuser.
J’osai lui en demander la cause. […] J’ose soutenir contre madame de Staël, que les bons historiens ne sont jamais dénués de philosophie. […] Mais sa muse, si je l’ose dire, a été comme abattue en présence de ces deux grands hommes, et n’a pu porter tout le poids de leurs pensées. […] J’ose croire que leur sévérité sera désarmée après quelques réflexions que je leur soumets. […] Le petit nombre de ceux qui osaient l’attaquer dans ses premières bases, n’obtenait que le mépris ou l’horreur.
Il perdit la tête, il n’osa pas prier l’homme du pont de le laisser aller pour rien. […] Ses hommes n’osaient rien dire et étaient pâles. […] Intimidés, nous le considérions sans oser faire un pas. […] Je l’ignorais alors et sans doute je n’eusse pas osé donner sciemment un titre aussi lumineux à une œuvre aussi peu éclatante. […] Mais lui, d’où vient qu’il l’ose ?
La ceinture de Boccace pouvait séduire un imitateur, à cause de la devise : je vous aime et n’ose vous le dire . […] Qu’on se représente surtout le malheureux époux obligé de quitter la scène sans pouvoir, sans oser proférer une parole ; et qu’on dise ensuite, si un dénouement pareil, outre qu’il est plaisant, ne prémunit pas bien contre les démarches précipitées de la plupart des hommes en se choisissant une compagne. […] Molière, contraint de retirer sa pièce, n’osa même pas la faire imprimer. […] Il est des comédiens que personne n’ose remplacer. […] Pourquoi, dans ses disputes avec Boileau, osa-t-il mêler un homme qui l’avait toujours assez dédaigné pour ne pas s’occuper de lui ?
Il était fanatique de l’Homère de Ferrare, le divin Arioste ; et le crime du Tasse, à ses yeux, était d’oser entrer en parallèle avec cette mémoire. […] L’enthousiasme pour son nom devint si passionné et si unanime, qu’Alphonse n’osa retenir plus longtemps dans une loge de fou celui que l’Italie et la France proclamaient à l’envi le Virgile de son siècle. […] Et que serait-ce donc, si le Tasse eût osé employer les grandes machines du christianisme ? […] Les avocats de la maison d’Avellino osèrent lui opposer sa démence, qui le rendait, disaient-ils, incapable d’intenter légalement un procès. […] Il ne consentit à cette solennité que parce qu’il n’osa pas contrister Cinthio et le pape en la refusant ; mais il retarda sous de vains prétextes son retour à Rome.
Donc mettons hardiment la main à l’œuvre, et si Gelpfrât avec Else ose attaquer notre suite, qu’il leur en arrive malheur ! […] Elle parla: « Maintenant, sire Hagene, qui vous a envoyé quérir, que vous ayez osé chevaucher en ce pays, vous, qui savez bien tout le mal que vous m’avez fait. […] Il attendait que quelqu’un osât encore venir l’attaquer. […] « Oui, quand même le chef de Vérone serait encore plus fort et plus terrible, s’il veut se venger sur nous de ses pertes, j’oserai rudement lui tenir tête. » Ainsi parla Hagene. […] Quelqu’inimitié que j’eusse contre lui, j’en suis vraiment affligé. » Alors le vieux Hildebrant parla: « Elle ne jouira pas de la joie d’avoir osé le tuer.
Il existe malheureusement, de par cette nation privilégiée, quelques « mauvais esprits » assez pauvres de confiance, pour ne pas se contenter de cette adhésion héroïque à la Vérité totale, et qui osent même demander des comptes, les insensés ! […] J’oserai considérer le rôle de l’Église, dans l’histoire de la France moderne, à un point de vue quelque peu différent du point de vue en honneur, celui de la vérité simplement humaine, et je choisirai pour représenter cette Église, l’une de ses plus grandes gloires : Bossuet. […] En 1585, les Réformés étaient assez nombreux et avaient acquis assez d’importance dans l’État, pour que le Parlement, protestant contre les efforts insensés de la Ligue, prît hardiment leur défense. « Qui sera-ce qui, s’écriait-il, sans forme de justice aucune, osera dépeupler tant de villes, détruire tant de provinces, et convertir tout ce royaume en tombeau ? […] Mais comment Bossuet osait-il faire jeter en prison ceux que ses exhortations n’avaient pas convaincus ? […] Michelet — qui, malgré son respect, a cloué Bossuet au pilori de l’histoire pour sa conduite à l’égard des Réformés — a su caractériser cette hypocrisie sanglante : « Les effrontés apologistes de la Révocation, Maimbourg, Brueys, Varillas, osaient écrire et imprimer qu’on n’avait point persécuté.
« Osez quelque chose, dit-il aux Romains, osez en faveur de votre citoyen ! […] La terreur est ici si profonde qu’on n’ose se parler qu’à l’oreille, la nuit, et dans quelques lieux retirés. Moi-même, qui ne refuserais pas de mourir pour la vérité, si ma mort pouvait être de quelque profit à la république, je n’ose signer cette lettre ! […] Son ami Boccace venait de Florence le visiter ; Boccace n’osait pas lui lire son Décaméron, recueil de contes charmants, mais légers, dont il avait amusé et scandalisé l’Italie pendant sa jeunesse. […] On m’a beaucoup insulté en Italie et en France, l’année dernière, pour avoir osé dire que la Divine Comédie du Dante ressemblait plus à une apocalypse qu’à un poème épique.
Tant qu’il leur restera du sang, elles viendront l’offrir, et bientôt une rare jeunesse se fera raconter ces guerres désolatrices produites par les crimes de ses pères. » Et il conclut ce magnifique dithyrambe philosophique par ces mots les plus fatalistes qu’aucune plume ait osé écrire : La guerre est donc divine, puisque c’est une loi du monde. […] VI Après avoir ainsi divinisé la guerre, il divinise la force matérielle, et il l’autorise à martyriser toutes les forces intellectuelles qui osent penser autrement que l’État ne veut qu’on pense. […] Ici il s’arrête, comme s’il n’osait achever et révéler au monde la nature des freins et des supplices dont, lui, ministre de l’État, il bâillonnerait et musellerait ceux qui oseraient penser et parler autrement que lui, philosophe ! […] C’est un publiciste de l’école des castes ; il était né pour être un législateur des Indes ; mais, à ces systèmes et à ces préjugés près, on ne peut lui refuser en politique de la grandeur, de la profondeur, de l’horizon, de la nouveauté dans l’esprit ; il ose comme Machiavel, il analyse comme Montesquieu, il éclaire d’un mot comme Tacite ; il écrit autrement, mais aussi éloquemment que J. […] Prophétisez donc, ô hommes présomptueux, qui osez prendre votre sagesse pour celle de Dieu ; mais, si vous voulez prophétiser à coup sûr, annoncez au monde de demain le monde à peu près semblable au monde de la veille, changeant de siècle plutôt que de sort, flottant dans les mêmes oscillations entre l’erreur et la vérité, cherchant sans cesse et ne trouvant jamais l’absolu que dans ses désirs, figure qui passe, comme dit l’Écriture, mais qui passe, hélas !
Sans doute, ce n’est pas ainsi que l’envisagent les supernaturalistes modernes, lesquels, forcés par la science, qu’ils n’osent froisser assez hardiment, d’admettre un ordre stable de la nature, supposent seulement que l’action libre de Dieu peut parfois le changer et conçoivent ainsi le miracle comme une dérogation à des lois établies. […] Aujourd’hui nous ne concevrions plus de grande éloquence sur une tombe sans un doute, un voile tiré sur ce qui est au-delà, une espérance, mais laissée dans ses nuages, doctrine moins éloquente peut-être, mais certainement plus poétique et plus philosophique qu’un dogmatisme trop défini, donnant, si j’ose le dire, la carte de l’autre vie. […] L’orthodoxie met, si j’ose le dire, toute sa provision vitale dans un tube dur et résistant, qui est un fait extérieur et palpable, la révélation, sorte de carapace qui la protège, mais la rend lourde et sans grâce. […] Il y a là tout un monde que personne n’ose dire. […] L’homme civilisé qui se possède si énergiquement est bien plus homme, si j’ose le dire, que le sauvage qui se sent à peine et dont la vie n’est qu’un petit phénomène sans valeur.
Elle avait lu d’aventure Tom Jones en français, et peut-être Gusman d’Alfarache ; elle avait commencé Paul et Virginie, sans oser le finir. […] Mme Valmore, en avançant, aura, par accès peut-être, des cris plus déchirants, des éclairs plus perçants et plus aigus, comme aux approches de l’ombre ; mais ici ce sont de doux éclairs du matin, de jolis rayons d’avril, les lilas aimés, le réséda dans sa senteur, et déjà s’exhalent pourtant, à travers des gémissements tout mélodieux ces beaux élans de passion désolée oui la mettent tant au-dessus et à part des autres femmes, de celles même qui ont osé chanter le mystère. […] Je n’ai plus qu’à mettre à la suite les plaintes sans trêve, mais toujours humbles et soumises, de celle que j’ose appeler la Mater dolorosa de la poésie : « (1er avril 1853)… Ma bonne Camille, je te remercie de la tendre compassion de ton amitié. — Tu comprends bien ma blessure. — Elle est sanglante. — Je n’ose pas plus que toi-même appuyer sur la terrible épreuve qui est maintenant accomplie sur la terre. […] je n’ai pas osé, moi, trancher la difficulté.
Je n’oserais pas dire, si M. […] S’il eût vu Dorothée belle, courageuse et fière au bord de la fontaine, il eût osé lui dire : « Laisse-moi boire. » Si, comme Dante, il eût vu Béatrix sortant les yeux baissés de l’église de Florence, peut-être un rayon eût traversé sa vie, et peut-être la fille de Falco Portinari eût-elle souri de sa peine. […] C’est se suicider que d’écrire des phrases comme celle-ci : « L’homme est destiné à vivre sans religion : une foule de symptômes démontrent que la société, par un travail intérieur, tend incessamment à se dépouiller de cette enveloppe désormais inutile. » Que si vous pratiquez le culte du beau et du vrai, si la sainteté de la morale parle à votre cœur, si toute beauté, toute vérité, toute bonté vous reporte au foyer de la vie sainte, à l’esprit, que si, arrivé là, vous renoncez à la parole, vous enveloppez votre tête, vous confondez à dessein votre pensée et votre langage pour ne rien dire de limité en face de l’infini, comment osez-vous parler d’athéisme ? […] Elles n’ont pas cette prodigieuse subtilité psychologique, cet esprit de limite, d’intolérance, de particularisme, si j’osais dire, cette force d’abstraction, vrai vampire qui est allé absorbant tout ce qu’il y avait dans l’humanité de suave et de doux, depuis qu’il a été donné à la maigre image du Crucifié de fasciner la conscience humaine. […] Nous avons réformé leurs institutions politiques devenues surannées ; nous n’avons osé toucher à leur établissement religieux.
Justement parce que le temps est à l’histoire, justement parce qu’on sait assez pour reconnaître la science là où elle est, on s’est détourné d’une étude qui eût mis en relief des faits incompressibles contre lesquels tout ce qu’on oserait serait nul de soi. […] Ce qui n’a pas répugné à la prudence d’une pareille tête peut donc être osé sans péril. […] Effrayés de l’avoir vu toucher de si près à la tiare, les ministres de France et d’Espagne osèrent insinuer d’abord, et proclamer ensuite, que si les cardinaux ne se conformaient pas au vœu des couronnes, la France, le Portugal, l’Espagne, les Deux-Siciles, se sépareraient de la communion romaine. […] qui oserait le nier ? […] Clément promettait, biaisait, n’osait, refusait de voir le général des Jésuites, et pourtant promulguait un bref dans lequel il glorifiait leurs missions.
Boissonade ose plus et s’émoustille davantage que quand il écrit en français ; il use et abuse même des diminutifs ; il se permet toutes ses coquetteries et ses gentillesses (je tiens au mot). […] Il attendit, il tarda, et bientôt il n’osa plus. […] Hase osait ouvrir le fond du cœur et décharger ses pensées à huis clos. […] Dans une lettre précédente, du 15 février 1808, par laquelle il répondait déjà à Boissonade qui n’avait osé, disait-il, lui envoyer son Philostrate comme étant trop faible et trop plein de fautes, il lui avait fait cette légère leçon sous forme d’éloge : Neque convenit tantæ tuæ doctrinæ tanta sive μιχροψυχία, sive είρωνεία… Savant comme vous êtes, c’est vraiment trop de pusillanimité à vous, ou d’ironie. » Le mot de pusillanimité est en grec, mais il est lâché.
Cette année, Messieurs, l’Académie n’a pas d’action d’éclat à célébrer et à couronner ; elle a mieux, si j’ose dire : elle a des existences, des vies tout entières dévouées au bien à récompenser et à raconter devant vous. […] la charité, c’est un beau mot à prononcer, une belle chose à célébrer un jour de fête en Académie ; mais les conditions habituelles, journalières, la réalité et le matériel, si j’ose dire, de la charité, y pense-t-on bien ? […] Et moi-même, si j’osais me citer en exemple, avant que la bonté toute particulière de l’Empereur voulût bien m’appeler à l’honneur de siéger parmi vous, qu’étais-je ? […] Mais aussi il n’est rien de respectable et de touchant (je reprends le mot, et, pour ma part, je sais aussi de tels exemples) comme de voir un homme, lui-même laborieux ou distingué dans son étude, dans sa profession, s’honorer d’une femme remarquable par un talent et un don qui la rend célèbre et qui ne la laisse pas moins aimable ; lui en permettre le libre et facile exercice, s’y prêter ; ne parler d’elle qu’avec respect et une sorte de modestie ; oser l’admirer et cependant rougir presque lui-même quand on la loue.
Que s’il nous trouve un peu osé de venir rattacher si familièrement ses vues à sa personne et à ses motifs, il se rappellera que nous sommes plutôt pour la littérature réelle et particulière que pour la littérature monumentale. […] Or, ce livre sur les poëtes latins de la décadence n’est en effet, dans son but principal, j’ose le dire, qu’un manifeste raisonné, assez érudit d’apparence, mais plein d’allusions, qui vont, je le crois bien, jusqu’à compromettre en plus d’un endroit la réalité historique et l’exactitude biographique, un manifeste contre la poésie moderne dite de 1828, et ses prétentions, et même ses principaux personnages. […] Si quelque chose pouvait nous faire apporter quelque réserve à l’admiration, à l’estime que nous inspirent certains écrivains de nos jours, énergiques et simples163, ce serait la manière, j’oserai dire fastueuse, avec laquelle M. […] Mais il faudrait prendre garde, peut-être, que Buffon, parlant de Dieu, ne le relègue si haut que faute d’oser le reléguer plus loin encore.
Il est arrivé qu’il y a eu, pour les ouvrages de l’esprit, une critique alerte, quotidienne, publique, toujours présente, une clinique chaque matin au lit du malade, si l’on ose ainsi parler ; tout ce qu’on peut dire pour ou contre l’utilité de la médecine se peut dire, à plus forte raison, pour ou contre l’utilité de cette critique pratique à laquelle les bien portants même, en littérature, n’échappent pas. […] Il n’aurait pas dit qu’il voudrait bien aller de temps en temps à Paris se ravictuailler en esprit et en connoissances ; il n’aurait pas parlé de madame de La Sablière comme d’une femme de grand esprit qui a toujours à ses trousses La Fontaine, Racine (ce qui est inexact pour ce dernier), et les philosophes du plus grand nom ; il aurait redoublé de scrupules pour éviter dans son style les équivoques, les vers, et l’emploi dans la même période d’un on pour il, etc., toutes choses auxquelles, dans la préface de son Dictionnaire critique, il assure bien gratuitement qu’il fait beaucoup d’attention ; en un mot, il n’aurait plus tant osé écrire à toute bride (madame de Sévigné disait à bride abattue) ce qui lui venait dans l’esprit. […] Si nous osions nous égayer tant soit peu à quelqu’un de ces badinages chez lui si fréquents, nous pourrions soutenir que la faculté critique de Bayle a été merveilleusement servie par son manque de désir amoureux et de passion galante130. […] Bayle est, dit-on, fort vif ; et, s’il peut embrasser L’occasion d’un trait piquant et satirique, Il la saisit, Dieu sait, en homme adroit et fin : Il trancheroit sur tout, comme enfant de Calvin, S’il osoit ; car il a le goût avec l’étude.
Si l’avenir lui décernait un jour la gloire de l’avoir fait, ce qu’il n’ose espérer, il ne voudrait pas d’autre couronne. […] Comme on n’ose plus décapiter en Grève depuis juillet, comme on a peur, comme on est lâche, voici ce qu’on fait. […] Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ? […] Osez-vous bien l’expédier si lestement ?
que mes mains soient captives ; Je n’ose me soustraire aux peines excessives Que mes remords me font. […] Elle lui parle ; elle s’exprime ainsi : Je ne sais pas ce que vous allez dire De voir Constance oser venir ici Vous déclarer sa passion extrême. […] Je suis bien loin d’être le chêne, Mais, dites-moi, vous qu’en un autre temps… J’aurais nommée Iris, ou Philis ou Climène, Vous qui, dans ce siècle bourgeois, Osez encor me permettre parfois De vous appeler ma marraine, Est-ce bien vous qui m’écrivez ainsi, Et songiez-vous qu’il faut qu’on vous réponde ? […] Je n’oserais, si ce n’était pour vous ; Car c’est beaucoup que d’essayer ce style Tant oublié, qui fut jadis si doux Et qu’aujourd’hui l’on croit facile.
. — Je n’oserais dire de Balzac, si instruit, si docte même, qu’il n’a pas eu la connaissance d’Homère, mais je dirai sans crainte que l’habitude d’Homère lui a manqué. — Pascal, au génie sévère et à l’imagination sombre, le connaît peu ; il en parle comme de l’auteur d’un beau roman, il ne voit en lui que le père des mensonges. […] Gandar, qui arrive aux mêmes conclusions, n’y est conduit en quelque sorte qu’à regret ; il s’applique à excuser Ronsard de son illusion, tournée si vite en défaillance, et il cherche çà et là dans cette Franciade trop insignifiante, que le poète n’a pas même osé écrire en vers alexandrins, quelques passages heureux, quelques détails pittoresques. […] Le blâme, la froideur, la pâleur et l’effroi Et la peur d’une mère ont perdu votre empire… Mais je n’oserais trancher la question, et, comme M.
Thiers, c’est moins la conclusion qui m’importe que le chemin lui-même et les éléments dont il se compose : il a établi, grâce aux matériaux qu’il avait en main et au soin qu’il y a mis, la plus belle route et, si j’ose dire, le plus beau pavé de l’histoire qu’on ait jamais vu. […] Sire, et j’ose dire votre gloire, ne vous permettent pas de prolonger davantage l’ignominieuse agonie d’un frère sur le trône d’Espagne, exposé, dans un lieu si élevé, aux risées de vos ennemis et à la déconsidération de ses amis… Toute entrave qui nuirait au but que doit se proposer tout prince honnête homme me rend la place que j’occupe insoutenable. […] Il résistait donc, autant qu’il l’osait faire, aux ordres de Paris, et il avait des objections, contre son habitude.
Un jour, un officier dépêché d’une de nos frontières arrive au Comité de salut public ; il annonce que les armées sont en présence, mais qu’on n’ose envoyer le soldat au feu parce que les eaux-de-vie sont empoisonnées : des malades qui en ont bu dans les hôpitaux sont morts. […] Pour toute réponse, un d’eux (Berthollet) fait apporter un filtre, y passe la liqueur, et n’hésite pas à en boire : tous les autres suivent son exemple, « Comment, lui dit Robespierre, osez-vous boire de ces eaux empoisonnées ? » — « J’ai bien osé davantage, répondit-il, quand, j’ai mis mon nom au bas du Rapport. » Le mot, dans son genre, est sublime.
Bref, Mâtho, toujours poussé par les épaules, après avoir traversé en tremblant des scènes de fantasmagorie bizarre dignes de la franc-maçonnerie, se saisit du voile impossible appelé Zaïmph, que Spendius a osé décrocher le premier et qu’il a jeté à terre. […] Les menaces, les imprécations le poursuivent ; mais toujours revêtu de l’inviolable étole, s’en servant comme d’un bouclier, bravant les traits qu’on n’ose lui lancer que de loin et en tremblant, il arrive à l’une des portes principales, parvient à l’ouvrir par un tour de main digne de Samson, et, à la vue de tous, sort sans trop se presser, majestueux et triomphant, emportant avec lui la fortune de Carthage. […] Il y a là un travers qu’il faut absolument oser signaler.
Chamillart, ministre de la guerre, n’avait jamais osé mettre sur la liste des candidats le petit-fils de Fouquet ; mais, quand il présenta cette liste au roi, ce fut Louis XIV le premier qui lui adressa cette question : Pourquoi il n’y avait pas mis le comte de Belle-Isle ? […] Je n’ai osé ni oserai écrire à ce malheureux citoyen (le maréchal de Belle-Isle).
Mais il est un point que j’oserai croire plus essentiel qu’aucun, et pour lequel il n’y a aucune innovation à demander ; j’en parlerai donc ; il ne s’agit pas du Dictionnaire. C’est que dans ce temps de mœurs littéraires si mauvaises et si gâtées, en ce temps de grossièreté où la littérature, ce qu’on ose appeler ainsi, trop souvent imite la rue et n’en a pas la police, il importe que l’Académie reste un lieu où la politesse, l’esprit de société, les rapports convenables et faciles, une transaction aimable ou du moins suffisante, la civilisation enfin en littérature, continuent et ne cessent jamais de régner. […] Ils agréent chacun dans sa forme ; on a, si on l’osait dire, du goût pour eux.
Et, par là-dessus, elle a sa voix, dont elle sait tirer parti avec la plus heureuse audace une voix qui est une caresse et qui vous frôle comme des doigts si pure, si tendre, si harmonieuse, que Mme Sarah Bernhardt, dédaignant de parler, s’est mise un beau jour à chanter, et qu’elle a osé se faire la diction la plus artificielle peut-être qu’on ait jamais hasardée au théâtre. […] Elle fait ce que nulle n’avait osé faire avant elle : elle joue avec tout son corps. […] Elle n’ose pas et elle ne peut pas, car elle songe à son rôle.
Mais les bons et louables esprits sont ceux qui ont dans le passé un goût bien net, une préférence bien déclarée, et qui s’en iraient tout droit par exemple à Molière, même sans s’arrêter devant Bossuet ; ce sont ceux enfin qui osent avoir une passion, une admiration hautement placée, et qui la suivent. […] Si j’ai péri d’une manière infamante, voilà qu’en un instant j’obtiens plus que personne n’eût osé espérer de la faveur du grand Jupiter. […] Il produisit une grande révolution dans la politique… Je n’oserai accepter tout à fait cette manière d’expliquer l’histoire moderne et d’en rapporter le principal résultat à deux ou trois noms, à deux ou trois livres.
Celui-ci lui ayant lu sa pièce du Lot supposé avant la représentation, il l’avait approuvée, et il se croyait comptable devant l’auteur et devant tous de son premier jugement : Il me semble, disait-il, que lorsqu’un ouvrage livré à notre censure nous a semblé bon, nous devons à l’auteur l’hommage public du jugement avantageux que nous en avons porté… Quand il me serait arrivé de trouver bon un ouvrage que le public aurait ensuite jugé mauvais, il n’y aurait pas grand mal à cela, et j’ose assurer que je serais en ce cas moins mécontent de moi, que si, dissimulant lâchement mon estime, je m’étais épargné cette espèce d’humiliation. L’abbé de Pons est donc un critique brave, et qui, au besoin, ose approuver tout haut et le premier ; il a, comme nous dirions aujourd’hui, le courage de son opinion et de ses admirations.
dites que c’est là le trait distinctif de la littérature de ce temps, et plus d’un écrivain qu’on lit non sans plaisir et qui vous paraît facile, vous avouera, s’il l’ose, qu’il corrige, qu’il rature et qu’il recopie beaucoup. […] Quant à Racine, j’eusse à peine remarqué peut-être ce qu’il y a d’insuffisant et d’un peu maigre, même d’un peu aigre, dans la part qui lui est faite, attribuant ce défaut au manque d’espace ce jour-là, et comptant sur une prochaine revanche, si, dans un dernier feuilleton, non encore recueilli, je n’avais lu sur le pauvre auteur de Phèdre l’accusation grave d’être, j’ose au plus le répéter, … d’être un intrigant, et d’avoir cabalé à la cour et chez les grands seigneurs favoris contre Pradon, tandis que Pradon cabalait à l’hôtel de Nevers et au théâtre contre Racine lui-même.
Le public ne sçut point du tout gré à l’auteur d’avoir eu cette attention, & le traita de ridicule, comme les autres, pour avoir osé innover. […] De serviles compilateurs de phrases, d’une langue qu’on a bien de la peine à entendre, plus amateurs des mots que des choses, osèrent se donner pour des oracles en fait de prononciation.
Le tyran n’osoit plus y chercher ses victimes. […] dans ce lieu sacré J’ose parler d’amour, et je marche entouré Des leçons du tombeau, des menaces suprêmes !
— frappait et refrappait, de sa baguette de fée enchanteresse, sur nos fronts charmés, et nous aveuglait de ces coups délicieux qu’on aime… Mais nous osons écrire qu’il nous aveuglait ! […] Pour cela, il eût fallu oser une biographie intellectuelle, et ne pas suspendre à la tête de son édition ce vieux morceau de tapisserie académique, ouvrage oublié du bonhomme Suard !
Ils avaient dû certainement aviser l’objet, dans son coin sommeillant, mais ils n’avaient pas osé réveiller le chat qui dormait ; car c’était pour eux un chat, que ce manuscrit, roulé et tapi dans son carton, qui aurait sauté à la figure de leurs idées, de leurs manières de voir, de leurs portraits, et qui les aurait mis en pièces… Songez donc ! […] Mais quoi que ce soit, il est sûr qu’il se dégage du Journal où l’on trouve ces choses un Louis XVI auquel vraiment on n’aurait jamais osé penser.
Mirabeau, tout Mirabeau qu’il fût, n’avait jamais parlé que de « vertus inertes », mais Suleau, qui trempa, d’ailleurs, dans ce glorieux complot de Mirabeau pour sauver une monarchie qui ne voulut pas être sauvée, Suleau sut dire le mot terrible qu’aucun royaliste d’alors n’eût osé prononcer et qu’aucun n’ose prononcer encore, quoique ce mot soit devenu le jugement suprême et définitif de l’histoire !
Quand on a lu ce triste et traître morceau, impossible de se méprendre sur l’incurable faiblesse d’esprit d’un homme qui a osé écrire au front de son livre les mots d’histoire et de philosophie religieuse et qui, précisément dans ces deux grands ordres d’idées, ne procède que par sophismes vulgaires et a démontré qu’il n’y avait en lui que la pauvreté de l’erreur. […] Gervinus, il n’ose pas s’inscrire en faux contre cet Allemand qui lui impose comme tout Allemand, mais ailleurs, quand il a besoin de flétrir, je crois, les vieux catholiques intolérants, il oublie que Machiavel « est un grand cœur pur de citoyen », finement ironique seulement quand il est atroce, et il se permet une tournure hautaine.
Autran, qui a osé toucher, lui aussi, dans ses Laboureurs et Soldats, à ce grand sujet, — l’idylle héroïque, — M. de Laprade, l’auteur des Symphonies et d’une foule d’autres poèmes Revue des Deux-Mondes, M. […] Dans sa Rosa mystica, il a osé toucher à cette robe écarlate de Beatrix, qui doit dévorer, nouvelle tunique de Nessus, tous les poètes qui ne sont pas des Hercules.
Tout d’abord nous n’aurions pas osé lui garantir cette destinée : il était jeune, il débutait. […] … Nous n’oserions le décider.
On voit d’ailleurs paraître ici le dernier reproche que nous osions adresser à Pascal. […] Ils ne mettent pas à part, dans un coin, si je l’ose dire, les vérités de la foi, pour s’occuper uniquement de mécanique ou de géométrie. […] S’il y a dans l’épopée bouffonne de Rabelais un sens, non pas certes caché ni secret, mais intime, j’ose bien dire qu’il n’y en a pas d’autre. […] La satire y est évidemment plus âpre, la gaîté plus amère, et si je l’ose dire, le rire, par instants, presque convulsif. […] Laboulaye s’en indigne, et, s’il l’osait, il injurierait cet imprudent ami.
Avons-nous cette sensibilité puérile qui ne souffre que l’amusement, et que l’on ose à peine émouvoir ? […] Eh bien, messieurs, ce choix, l’aurais-je osé déterminer durant l’esclavage dont on s’efforça d’accabler nos esprits ? […] Mais quel est ce vieillard malheureux « Qui, dans l’ombre, ose entrer sous la tente d’Achille ? […] Osons donc proclamer les louanges de Jeanne, sans craindre de chanter la palinodie à l’exemple de notre austère directeur. […] « Oses-tu frapper l’arbre auquel j’unis mon sort ?
Ainsi l’amour auquel il osait prétendre nous aura causé grand dommage. » « — Quittez ces soucis. […] Il y avait tant de chiens que nul n’osait tirer. […] Désormais nous n’en trouverons plus guère qui oseront nous résister. […] Comment oserions-nous aller dans le pays d’Etzel ? […] Ils offrirent également aux messagers de riches présents que ceux-ci n’osèrent accepter, à cause de leur maître.
Préface La vérité, que personne ne veut ou n’ose dire, je cherche, de mon vivant, à la dire un rien, en attendant que, vingt ans après ma mort, ce journal la dise tout entière.
Et cela, ni vous ni vos disciples n’osez guère l’essayer. […] Il osait avoir des principes et s’y tenir. […] Or, qu’on ose regarder en face le principe de la théorie anarchiste ! […] » Répondra non qui l’osera ! […] Vous osez trouver qu’il y a du mal dans l’univers !
J’ose prétendre qu’il l’expliqua d’une façon fort superficielle en usant, sans bonheur, de la méthode de M. […] Mais ce qui m’irrite, ce qui me surprend davantage, c’est que certaines gens osent encore comparer quelquefois la verve anecdotique de M. […] On sait avec quelle bonne grâce il s’est soumis à l’enquête physiologique du docteur Toulouze, comment il a osé subir ses épreuves dont tant d’hommes seraient restés amoindris. […] … oui, vous avez invoqué la Justice et aussi l’Égalité, en faveur d’un homme dont on a osé assimiler le crime à un crime politique ! […] Vous osez projeter cette ombre terrible sur les esprits les plus clairs, troubler de cette équivoque des intelligences jusque-là lucides et qui, angoissées par vos audacieuses affirmations, peuvent se laisser un instant détourner de l’accomplissement du grand devoir qu’elles ont assigné à leur activité, la défense du prolétariat travaillant et souffrant !
J’ose constater ici ce suffrage unanime de mes compatriotes, parce que je sentis qu’il s’adressait moins au talent du littérateur qu’à l’énonciation des principes du citoyen, et que s’en honorer n’est point orgueil, mais reconnaissance et juste fierté. […] J’ai vu la même tranquille fermeté troubler un de ses pareils, qui troublait tous ceux qui n’osaient le bien regarder. […] Je ne sais d’ailleurs par quelle humble retenue on n’oserait, dans l’étude des lettres aussi bien que dans celle des sciences exactes, appuyer les principes que l’on émet des expériences et des découvertes qu’on peut avoir faites soi-même. […] La poésie, s’écrie-t-il, osera-t-elle porter ses regards sur un mystère que Dieu seul connaît dans toute son étendue ? […] Daigne purifier le mien ; alors j’oserai, quoique d’un pas mal assuré, entrer dans la carrière redoutable qui s’ouvre devant moi ; alors, avec la voix tremblante d’un mortel, j’oserai chanter un Dieu réconciliateur. » C’est ainsi que l’auteur allemand reproduit dans son invocation la forme qu’avait imaginée Milton, qui lui-même s’était enrichi de celle du Tasse à laquelle il avait joint son invocation au Saint-Esprit.
je n’ose l’espérer. […] Puisque voilà la question résolue, j’ose espérer qu’on m’excusera de ne pas m’y étendre davantage. […] Si c’était là son ambition, on n’oserait dire qu’il a complètement échoué. […] Enfin, il clôt cette croisade contre la lourde gaieté britannique par un mot — oserai-je le répéter ? […] Je dis m’acquitter, car, oserai-je l’avouer ?
Garasse attribue un certain Parnasse satirique, Ouvrage rempli d’impertinences & d’obscénités, où l’on trouve un grand nombre d’Epigrammes & d’autres Pieces de la façon de Sicognes, de Motin, de Théophile, de Ménard, de Sarrasin, &c. si licencieuses, que ces Auteurs n’ont osé les insérer dans la collection de leurs Œuvres.
puis sa flamme rapide, son naïf et irrésistible abandon, son attache soudaine et forcenée ; le caractère de Raymon surtout, ce caractère décevant, mis au jour et dévoilé en détail dans son misérable égoïsme, comme jamais homme, fût-il un Raymon, n’eût pu s’en rendre compte et ne l’eût osé dire ; une certaine amertume, une ironie mal déguisée contre la morale sociale et les iniquités de l’opinion, qui laisse entrevoir qu’on n’y a pas échappé ; tout, selon nous, dans cette production déchirante, justifie le soupçon qui a circulé, et en fait une lecture doublement romanesque, et par l’intérêt du récit en lui-même, et par je ne sais quelle identité mystérieuse et vivante que derrière ce récit le lecteur invinciblement suppose. […] Indiana ne comprend pas encore, elle s’explique moins profondément qu’il ne convient cette catastrophe funeste arrivée à sa compagne chérie ; elle ne peut et n’ose deviner.
Je me garderai bien de répéter ici les accusations voilées que la pudeur de ces autres critiques n’osait articuler sur le sens ineffable du livre : il faut laisser certaines pensées où elles sont nées. […] Quoi qu’il en soit, Lélia, avec ses défauts et ses excès, est un livre qui méritait grandement d’être osé.
Rossignol établit, avant tout, ce soin scrupuleux et presque religieux que mirent les Grecs à distinguer les genres divers de poésie, et à maintenir ces distinctions premières durant des siècles, tant que chez eux la délicatesse dans l’art subsista : La nature dicta vingt genres opposés D’un fil léger entre eux chez les Grecs divisés ; Nul genre, s’échappant de ses bornes prescrites, N’aurait osé d’un autre envahir les limites… André Chénier s’est fait, dans ces vers, l’interprète fidèle de la poétique de l’antiquité. […] J’oserai ajouter que M.
Pour moi, j’oserai le dire, quant à ce qui est tout à fait contemporain et d’hier, et qui demande une comparaison attentive, éveillée et de détail, un étranger, quelque instruit et sensé qu’il soit, ne peut, demeurant absent, porter qu’un jugement approximatif, incomplet, relatif, et, pour parler dans le style en usage sous Louis XIV, qu’un jugement grossier, comme le ferait le plus reculé des provinciaux qui voudrait être au fait de la littérature de la capitale. […] Scott a été lu, admiré, aimé, et, si l’on ose dire, compris ici de telle sorte, qu’on n’est pas suspect quand on lui refuse une part de plus.
D’ailleurs sous une monarchie absolue, on pouvait, comme Rousseau l’a fait dans le Contrat social, vanter sans danger la démocratie pure ; mais on n’aurait point osé approcher des idées plus vraisemblables. […] Il semble que les Anglais n’osent se livrer entièrement, que dans l’inspiration poétique : lorsqu’ils écrivent en prose, une sorte de pudeur captive leurs sentiments : comme ils sont tout à la fois timides et passionnés, ils ne peuvent se livrer à demi.
Je frémis en songeant que vous auriez pu vous taire ; j’ose à peine concevoir la signification, écrasante pour moi, qu’on eût donnée à ce silence ; et je vous remercie de m’avoir épargné une si rude épreuve. […] Il est bien vrai que la Bonne Hélène a été refusée par le comité, l’un de ces Messieurs ayant dit que, si l’on recevait cet ouvrage blasphématoire, il n’oserait plus jouer la tragédie.
Il leur prête le projet d’une académie qui fera dans la langue des remuements ; une fondatrice ose dire : Par nos lois, prose et vers tout nous sera soumis, Nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis. […] De nos jours, des commentateurs ont osé faire ce dont les écrits du temps de Molière se sont abstenus, et ce à quoi la volonté de Molière a été de ne donner ni occasion, ni prétexte ; ils ont pris sur eux d’appliquer des noms propres aux personnages ridicules, même odieux des Femmes savantes.
Il agitera, sans hésitation, les questions les plus délicates, et, comme le petit enfant thébain, il osera secouer la peau du lion. […] — Parce qu’elle est la littérature du dix-neuvième siècle. » — On ose affirmer ici, après un mûr examen, que l’évidence d’un tel raisonnement ne paraît pas absolument incontestable.
et qu’il osât répondre franchement, il dirait : C’est mon ennemi on c’est mon licteur101 . […] S’il eût été le pacificateur des troubles populaires, le conciliateur des pères avec les enfants, des époux et des parents entre eux, le consolateur de l’affligé, le défenseur de l’opprimé, l’avocat du pauvre, quelque absurdes qu’aient été les dogmes d’une classe de citoyens aussi utiles, qui d’entre nous aurait osé les attaquer ?
Une innocente prolonge sans fin sa toilette de nuit ; elle tremble, elle s’arrache avec peine des bras de son père et de sa mère, elle a les yeux baissés, elle n’ose les lever sur ses femmes, elle verse une larme. […] Voilà donc en un instant le fruit des veilles du talent le plus rare mis en pièces ; et qui de nous osera blâmer la main honnête et barbare qui aura commis cette espèce de sacrilège ?
Depuis 1700 cependant, l’Académie a continué à vivre, mais Livet, n’ayant pas trouvé d’autres chroniques sur l’Académie qu’il pût réimprimer comme les deux premières, n’a pas osé continuer de son chef et de sa plume l’histoire commencée par ces illustres devanciers qui ont imposé à sa jeune modestie. […] IV Eh bien, réellement, osons le dire !
Il a osé préférer le pauvre Pierre Saliat, qui n’était qu’un écrivain, à un puissant Monsieur de l’Académie des inscriptions comme Larcher, et quoiqu’il ait pris (il faut en convenir) bien des précautions… professorales pour toucher à ce puissant Monsieur d’Académie, car les académiciens sont pour les professeurs ce que pour les bourgeois doivent être des duchesses, M. […] Comme les écrivains les plus admirés qu’il y ait dans l’Histoire littéraire, et j’oserais dire les plus immortels parmi les immortels, Hérodote écrivait à une époque où la langue avait ce degré d’accomplissement dans la jeunesse qui s’accordait le mieux avec son genre de génie.
nous oserions en jurer, telle fut la pensée de Marie-Thérèse. […] En racontant comme ils l’ont fait Marie-Antoinette, ce règne qui passe entre deux insultes : l’insulte de Louis XV, qui osa bien présenter madame Du Barry à la Dauphiné, femme de son fils, et l’insulte des Tricoteuses qui vouaient à la mort l’Autrichienne, ils n’ont raconté que la Reine, mais pas assez la femme du Roi.
. — Cette ambition qui voudrait, qui convoite et qui n’ose… le Régent l’avait entre ses ivresses. […] Quant à l’affreux Égalité, « l’Héliogabale », personne n’ignore comme il l’eut et ce qu’il en fit, de cette ambition qui n’osait !
J’ose penser… que, si les temps avaient été moins critiques, moins irritants, on n’aurait pas cru pouvoir consciencieusement me condamner à mort ni à de longues années d’une affreuse captivité. […] … le Racine de la poésie italienne, comme l’a osé dire de Silvio cette menteuse de littérature pour faire sa cour à la politique, le Racine de la poésie italienne ne sera plus peut-être qu’un imbécile, quelque chose de niais et de plat, — un Pradon !
J’ose penser… que, si les temps avaient été moins critiques, moins irritants, on n’aurait pas cru pouvoir consciencieusement me condamner à mort ni à de longues années d’une affreuse captivité. […] … le Racine de la poésie italienne, comme l’a osé dire de Silvio cette menteuse de littérature, pour faire sa cour à la politique, le Racine de la poésie italienne ne sera plus peut-être qu’un imbécile, quelque chose de niais et de plat, — un Pradon !
Grâce à elle, en effet, au xive , Étienne Marcel avait osé proclamer la souveraineté populaire, et plus tard Louis XI, ce roi conventionnel, comme l’appelle F. […] Or, si cela est, et qui oserait le contester ?
Nul concurrent ne pouvait ou n’aurait osé s’y tromper… Des hommes si profondément littéraires, connaissaient trop l’histoire pour supposer que l’esprit de parti ou de secte la violât dans un travail qu’ils devaient juger et couronner. […] Schmidt et Chastel sur cette question du paupérisme qui est la grande question des sociétés modernes, lesquelles tuent l’âme au profit du corps, et n’ayant osé accepter non plus la solution catholique du travail de Martin Doisy (la seule solution qui puisse exister jamais en Économie politique), l’Académie, avec cette grandeur de pressentiment, cette haute divination de critique qui entraîne vers les œuvres fortes, se tourna vers le livre de Mézières vanté par Villemain, et, y reconnaissant tout ce qu’elle aime en fait de tranquillité d’aperçu et de vues grandes comme la main, elle lui décerna la couronne.
Est-ce parce qu’il fut malheureux qu’on n’oserait plus juger un poète ? […] Mürger comme d’un Sterne plus osé que l’autre (il n’était que cela !)
Or, pour rester dans l’ordre littéraire, qui oserait dire que le dix-neuvième siècle n’est pas arrivé à l’heure de l’abaissement dans l’Idéal ? […] Chose sans prix, Le dire à peine si j’ose, etc.
Pour notre compte, nous ne l’oserions pas. […] Qui dit spécial dit plus artiste, et à l’exception des deux odes, dont nous parlions tout à l’heure, deux belles intruses auxquelles on pardonne en faveur de leur beauté, Chateaubriand et La mer à Biarritz, et de quelques fables dans lesquelles il n’a point imité La Fontaine, le seul genre d’éloge qu’on puisse donner à qui ose écrire une fable après l’incomparable et désespérant Maître Jean, M.
Les quesnellistes judicieux gémissent au souvenir de ce fanatisme qu’on ose encore faire revivre. […] Le chirurgien ignorant n’osoit se déterminer à opérer, & le médecin nullement versé dans ce genre, n’osoit prendre sur lui d’ordonner. […] Puis, s’ingérant de manier les minéraux ou les métaux, ils osent en venir jusqu’à préparer le mercure ». […] Il avoit osé avancer qu’en fait d’éducation de la jeunesse, aucune école ne vaut celle des jésuites. […] J’ose vous demander comment vous l’avez appris.
Karl Boès sont remarquables d’abord par la quantité de noms propres qu’ils recèlent, et de noms communs promus à de hautes dignités par la toute-puissance de la majuscule… Je n’ose déclarer d’ailleurs que tout cela suffise à constituer un livre, et encore moins de beaux vers.
Je n’ose juger des figures, mais je crois le paysage beau.
— Il est un fait que j’oserai révéler. […] Déjà, à Alexandrie, on avait fait un poème des Pierres précieuses qu’on osa imputer à Orphée. […] M. de Feletz a écrit le lendemain de sa mort : « J’oserai dire qu’il a été plus heureusement doué encore comme homme d’esprit que comme grand poète. » En y mettant moins de prenez-y-garde, nous ne dirions guère autrement. […] Son vers voisin de la prose, et qui en était si distinct pour Racine et pour lui, ressemble, j’oserai dire, à ces digues de Hollande qui paraissent au niveau de la mer et qui pourtant n’en sont pas inondées. […] — Il est un fait que j’oserai révéler.
L’esprit humain n’avait jamais osé, même dans l’antiquité, concevoir un pareil drame. […] Ma belle demoiselle, oserais-je vous offrir mon bras et ma protection pour vous conduire où vous allez ? […] Il lui fait astucieusement entendre à demi-mot que son cœur est tendre et libre, et qu’il pourrait bien, s’il l’osait, se présenter à elle pour finir son dur veuvage. […] Ma douce amie, qui oserait dire : Je crois en Dieu ? […] Qui oserait nommer Dieu et faire cette profession : Je crois en lui ?
J’oserai le faire dans la mesure de mes forces. […] Je ne m’étonne pas que ce mariage, où un sophiste a remplacé la mère auprès de la jeune fille et Dieu auprès des deux époux, où l’homme qui défend qu’on parle des vices aux enfants, pour ne pas les rendre vicieux, ose parler de l’incontinence dans le mariage, au risque d’en suggérer l’idée ; je ne m’étonne pas, dis-je, qu’un pareil mariage ait mal tourné. […] J’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu, ô Éternel… Que chacun de mes semblables se découvre à son tour au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu’un seul te dise, s’il ose : Je fus meilleur que cet homme-là ! […] Mais comment croire à la sincérité d’un homme qui défie d’avance son lecteur d’oser se trouver plus honnête homme que lui ? […] Voilà pourquoi, parmi ses griefs contre son siècle, Rousseau a osé comprendre l’abandon de ses enfants.
— Il ose, il ose dire cela du Misanthrope ! […] Du reste, un chef de famille pas commode ; notre père qui était chef d’escadron à vingt-cinq ans et qui passait pour un vrai casse-cou parmi ses camarades de la Grande Armée, racontait qu’il lui arrivait de garder dans sa poche, huit ou dix jours, une lettre de son père, avant d’oser l’ouvrir. […] » C’est l’originale phrase dont nous salue notre fermier Foissey des Gouttes, et comme nous lui demandons de faire manger sa fille avec nous, la mère, en train de faire des toutelots à la cuisine, nous crie : « Elle n’ose pas venir, elle dit qu’elle est trop maigre ! […] Sous ce blanc et or, sur ce velours rouge, les hommes de la Brasserie n’osent pas s’aventurer. […] 4 décembre Beaufort, le nouveau directeur du Vaudeville, a dit à Saint-Victor que notre pièce n’est ni refusée ni acceptée, seulement il n’ose pas la jouer dans ce moment ; il y voit un danger et veut attendre.
Il oppose à ses amis la prospérité du méchant ; il n’ose en conclure, mais il laisse conclure l’indifférence ou l’iniquité de Dieu, par conséquent l’athéisme. […] « Qu’on ose m’accuser ! […] « Oseras-tu anéantir ma justice, et me condamneras-tu pour te justifier ? […] Inspirez-moi, et j’oserai parler ! […] Qui oserait le dire ?
Il est vrai peut-être qu’il n’a pas eu l’occasion de voir dans son temps, comme nous dans le nôtre, des réunions entières de ce peuple singulier… Je n’oserais communiquer à quelqu’un d’autre qu’à vous ces remarques qui pourraient paraître présomptueuses ; mais, comme je vous le disais tout à l’heure, je ne peux m’empêcher de trouver les œuvres du Créateur bien autrement sublimes que toutes les représentations que les créatures les plus heureusement douées en peuvent faire. […] Quoique je sois bien loin d’avoir tous ces avantages, il s’en faut beaucoup que je ne me félicite pas de mon sort, et je serais un ingrat envers la divine intelligence si j’osais lui adresser l’ombre d’une plainte, surtout maintenant que j’ai le bonheur de vivre en famille. […] J’ose dire que je me sens des moyens dont je n’ai pu donner que des échantillons jusqu’ici ; car, pour rendre ce que je sens, ce que je vois, il faut un travail difficile et pénible.
Enrichir la palette de quelques tons agréables à l’œil, ajouter quelques notes aux accents connus, quelques nombres et couplets aux rythmes en usage, justifier surtout par des exemples retrouvés à propos ce qu’osaient d’instinct les poètes novateurs de notre temps, renouer la tradition sur un point où l’on n’avait jusque-là signalé que des débris, c’était mon ambition la plus haute. […] Mais qu’un peu de pitié console enfin tes mânes ; Que, déchiré longtemps par des rires profanes, Ton nom, d’abord fameux, recouvre un peu d’honneur ; Qu’on dise : il osa trop, mais l’audace était belle ; Il lassa, sans la vaincre, une langue rebelle, Et de moins grands depuis eurent plus de bonheur. […] Elle n’ose jamais procéder que suivant la méthode la plus scrupuleuse et la plus uniforme de la grammaire : on voit toujours venir d’abord un nominatif substantif qui mène son adjectif comme par la main ; son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe qui ne souffre rien entre deux ; et le régime appelle aussitôt un accusatif, qui ne peut jamais se déplacer.
Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux ! […] Je n’osai pas coucher seule dans ma chambre ; je fis veiller ma femme de chambre avec moi toute la nuit, avec beaucoup de lumières et en priant. […] Retirée les jours suivants à sa maison de Meudon, et devenue peu après assez sérieusement malade, elle reçut un matin, par les mains d’un vieux valet de chambre, une lettre du duc d’Orléans, très affectueuse, dans laquelle il regrettait de ne pas oser venir lui-même, et la priait de passer chez lui dès qu’elle serait mieux, « ajoutant que tout le monde l’avait abandonné et qu’il espérait que sa malheureuse situation lui vaudrait un pardon, si elle le croyait coupable ».
Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ? […] Il est cependant des cas où il y a excès évident, et, si je l’ose dire en parlant d’un tel esprit, où il y a superstition légère. […] Livet, il cherche et trouve des raisons subtiles et profondes à une institution et à une durée mémorable dont il ne me convient pas assurément de vouloir amoindrir le prestige ; mais il semble croire qu’il en est de l’Académie comme de Rome, qu’elle est vouée à l’éternité ; « Qu’on essaye, dit-il, de se figurer un pouvoir, quelque autorisé à tout faire qu’on le suppose, qui ose porter atteinte à ce chiffre de quarante, devenu sacramentel en littérature ; on n’y réussira pas. » Grâce à Dieu, l’Académie n’est pas et n’a jamais été bien menacée de nos jours ; mais pour cela je ne crois pas que ce chiffre de quarante ait une telle vertu historique.
aurait-on osé ? […] Que celui qui aurait osé, s’il avait été Romain, reprocher à l’antique Sénat sa politique persévérante, conquérante et assimilatrice à tout prix, cette politique qui agissait et opérait uniquement en vue de la grandeur et des destinées de Rome, que celui-là jette la pierre à Louvois, tout occupé de former et de remparer d’une enceinte infranchissable ce vaste quartier de terre, ce pré carré, comme l’appelait Vauban, ce beau gâteau compacte qui constitua depuis lors l’unité de notre territoire ! […] Cette affaire de Strasbourg dont il fit la sienne fut conduite avec un art et une habileté consommée ; il se posa le problème à loisir, le caressa et en trouva la solution la plus parfaite et, j’ose le dire, la plus élégante.
Le maréchal n’ose s’avancer jusqu’à le promettre, et il fallut plus tard toutes sortes de manœuvres habiles pour tourner la difficulté. […] Il rend bonnes grâces pour bonnes grâces, et voit tout sous le meilleur jour : « J’ai été enchanté de Mme la Dauphine, écrit-il au comte de Loss, et n’osais pas m’imaginer la trouver comme je l’ai vue ; j’en ai rendu un compte au roi qui, sûrement, lui fera grand plaisir. […] Je ne vous dis rien de trop, mais je n’en dis pas tant aux autres. » Je le crois bien, ceci est osé ; mais on n’est pas Richelieu pour rien, et convenez que d’un Richelieu à un Maurice de Saxe il ne se pouvait de propos plus assorti.
Il est bien vrai qu’autrefois, dans sa première édition, l’Académie avait écrit phantôme, phantastique, phrénésie et que depuis elle a osé écrire fantôme, fantastique, frénésie, etc. Osera-t-elle bien maintenant appliquer la même réforme à d’autres mots et faire une économie de tous ces h peu commodes et peu élégants, écrire nimfes, ftisie, diftongues… ? […] Je ne puis tout dire et je ne prétends en ce moment que signaler l’estimable et utile travail, depuis longtemps réclamé, que l’Académie vient d’entreprendre, en l’exhortant (sous la réserve du goût) à oser le plus possible ; car ses décisions qui seront suivies et feront loi peuvent abréger bien des difficultés, et, notre génération récalcitrante une fois disparue, les jeunes générations nouvelles n’auront qu’à en profiter couramment.
Il semble avoir été écrit en prévision du 18 Fructidor et des déportations prochaines : on n’ose dire pourtant que la Guyane et Sinnamari aient en rien répondu à la description des colonies nouvelles que proposait Talleyrand d’un air de philanthropie, et en considération, disait-il, « de tant d’hommes agités qui ont besoin de projets, de tant d’hommes malheureux qui ont besoin d’espérances. » Il y disait encore, en vrai moraliste politique : « L’art de mettre les hommes à leur place est le premier peut-être dans la science du gouvernement ; mais celui de trouver la place des mécontents est, à coup sûr, le plus difficile, et présenter à leur imagination des lointains, des perspectives où puissent se prendre leurs pensées et leurs désirs est, je crois, une des solutions de cette difficulté sociale. » Oui, mais à condition qu’on n’ira pas éblouir à tout hasard les esprits, les leurrer par de vains mirages, et qu’une politique hypocrite n’aura pas pour objet de se débarrasser, coûte que coûte, des mécontents. […] Répondant dans cet écrit à ses ennemis et ses détracteurs, il disait : « Ils osent affirmer que c’est moi qui ai aliéné de nous les États-Unis, lorsqu’ils savent bien qu’au moment précis où ils impriment cet étrange reproche, des négociateurs américains arrivent en France, et qu’ils ne peuvent ignorer la part qu’il m’est permis de prendre dans cet événement, à raison du langage plein de déférence, de modération et j’ose dire aussi de dignité, que je leur ai adressé au nom du Gouvernement français… » Il sut les attirer en effet par d’adroites paroles ; mais comment les actes et les procédés y répondirent-ils, et que devint cette dignité de ton en présence des faits ?
J’oserai penser que ses fonctions d’inspecteur général des monuments n’ont été que le prétexte : la science elle-même l’attirait. […] De telles considérations, si judicieuses et lumineuses, appartiennent à cette véritable et, j’ose dire, unique philosophie de l’histoire, comme Machiavel et Montesquieu l’entendaient, qui ne procède qu’appuyée sur l’observation humaine et sur les faits. […] Nous n’oserions dire qu’il a également saisi et rendu au vrai celle de Cicéron.
À la vue des armes et du costume des Troyens, Achéménide effrayé s’arrête un instant, et il se demande s’il osera se faire voir à eux ; mais le sentiment de sa misère l’emporte : Au nom des astres, au nom des dieux, s’écrie-t-il en s’avançant, par cet air commun que nous respirons, prenez-moi, Troyens, partout où vous voudrez emmenez-moi ; c’est tout ce que je vous demande. […] Le tableau que Portalis y trace de la France est de main de maître et accuse une touche plus ferme que celle qu’on rencontre dans ses discours publics ; il ose plus dans la familiarité et en causant. […] » Allant même sur le terrain des adversaires incrédules, pour les réfuter et les combattre en politique : Il n’y a point à balancer, ose-t-il leur dire, entre de faux systèmes de philosophie et de faux systèmes de religion.
Longtemps on n’a osé le mettre tout à fait au même rang que les autres grands hommes, que les autres grands poètes qui ont illustré son siècle : Le Savetier et le Financier, disait Voltaire, Les Animaux malades de la peste, Le Meunier, son Fils et l’Âne, etc., etc., tout excellents qu’ils sont dans leur genre, ne seront jamais mis par moi au même rang que la scène d’Horace et de Curiace, ou que les pièces inimitables de Racine, ou que le parfait Art poétique de Boileau, ou que Le Misanthrope ou le Tartuffe de Molière. […] En voilà plus que Pascal lui-même n’osait dire sur le mouvement de la terre, tout géomètre qu’il était. […] Dans la fable, Les Deux Rats, Le Renard et l’Œuf, adressée à Mme de La Sablière, La Fontaine discute, il raisonne sur ces matières subtiles, il propose même son explication, et, en sage qu’il est, il se garde d’oser conclure.
Il se garda bien de répéter ce qu’avait osé dire Paillard de Villeneuve, l’avocat de Karr, demandant au tribunal comment on osait requérir contre nous, à propos d’un article non incriminé, et dont l’auteur n’était pas avec nous sur le banc des accusés. […] À cette trouvaille bienheureuse, noyée dans une marée de paroles baveuses, nous sentîmes le murmure d’une cause gagnée courir l’auditoire… Mais ne voilà-t-il pas que la cause était remise à huitaine. « C’est cela, disions-nous, ils veulent faire passer notre condamnation au commencement, aujourd’hui, ils n’osent pas, l’auditoire nous est trop favorable. » Et cependant ce fut notre salut que cette remise de l’affaire.
Cette austérité des habitudes républicaines, cette aridité du régime constitutionnel, sont peu à notre usage : nous aimons à pouvoir nous occuper de la chose publique, comme de tout, et en nous jouant, si j’ose parler ainsi ; car tout ce qui nous intéresse, tout ce qui fait le sujet de nos études ou de nos méditations, nous aimons à en parler, le, soir, dans la chambre des dames, comme disaient nos anciens chevaliers sur le champ de bataille ou sur la brèche d’une forteresse ouverte par leur vaillance. […] Cette séparation que j’ose ici conseiller existait, par le fait, dans la plupart des sociétés anciennes. […] Dans un pays où le bien-être social consiste en des choses de délicatesse et de goût, où l’existence intime repose sur l’honneur, où les discours légers ont tant de gravité, où les interprétations d’une conduite exempte de tout reproche peuvent être si fatales, ou les femmes sont tellement mêlées à la société, et y mêlent tellement toutes les sortes de susceptibilités, et j’oserais dire toutes les sortes de pudeur, où tous les amours-propres sont toujours éveillés et si facilement irritables ; dans un tel pays, avouons-le, la médisance devient de la calomnie, les écrits indiscrets feront des blessures profondes que nulle puissance au inonde ne pourra guérir, la censure deviendra un tribunal public dont les arrêts justes ou injustes seront trop souvent des outrages.
Pour qu’aucune voix n’ait osé porter ce fait à la connaissance de tous, il a fallu une ignorance et un manque de jugement extraordinaires, dont profita le parti catholique. Éclairés par toute l’expérience des vingt-quatre années qui nous séparent du vote réactionnaire, il nous est impossible de dissimuler aujourd’hui ce qu’aucun député n’a su voir ou n’a osé dire en 1873. […] La race française ondoyante, incertaine — je n’ose dire indifférente — semble trop souvent hésiter devant le but à poursuivre.
Celui-ci osa tout pour retrouver la vérité perdue ; il entreprit de construire une philosophie seul, sans maître, avec toutes les précautions de la méthode et tous les scrupules du doute, sur un terrain obstrué, inconnu, périlleux, hérissé d’obstacles qu’il avait et qu’il comptait. […] Devant des parents et des fonctionnaires, il osa dire, en style de poëte : « Le sommet de la vie vous en dérobe le déclin ; de ses deux pentes, vous n’en connaissez qu’une, celle que vous montez. […] Jouffroy, quoique philosophe officiel, osait dire que sa tête est invulnérable, et bien au-dessus de nos coups58.
C’est à ceux de vous dont l’âge se rapproche du mien que j’ose m’adresser en ce moment ; à vous qui formerez la génération qui s’avance ; à vous l’unique soutien, la dernière espérance de notre cher et malheureux pays. […] On oublia d’autres paroles très-expressives, trop expressives, qu’on avait autrefois jetées contre le christianisme, que les critiques n’osent citer, et dont tous les contemporains se souviennent. […] J’exposerai simplement comment on doit les chercher ; il s’agit du moyen de découvrir, non de la découverte ; j’ose parler de la voie, et non du but.
Quoi qu’il en soit, Pyat a lancé un article foudroyant que le Charivari, dont il est rédacteur ordinaire, n’a pas osé insérer en son entier, mais que la Réforme a accueilli.
Et à Dieu ne plaise, que nous osions prétendre que les voyages n’ont pas leur utilité. […] Le cœur est bien corrompu quand on ose avoir de la vanité dans le sein du déshonneur. […] J’ose même dire qu’en pardonnant à un scélérat de cette trempe, il auroit commis lui-même une énorme faute. […] Et vous ne dites rien du ridicule qu’on donne à quiconque ose parler de Dieu. […] Ceux qui seroient disposés à tyranniser le foible, n’osent l’entreprendre.
Aussi n’y a-t-il eu que les Vergier, les Grécourt, & quelques autres Conteurs de ce genre, qui aient osé puiser dans une pareille source.
. — Quand même on aurait osé les noter, on n’en aurait pas démêlé le sens et la portée. […] Rousseau convoque les générations par la trompette du jugement dernier et s’y présente hardiment aux yeux des hommes et du souverain juge : « Qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là411 ! […] Autour de cette idée centrale se reforme la doctrine spiritualiste Un être si noble ne peut pas être un simple assemblage d’organes ; il y a en lui quelque chose de plus que la matière ; les impressions qu’il reçoit par les sens ne le constituent pas tout entier. « Je ne suis pas seulement un être sensitif et passif413, mais un être actif et intelligent, et, quoi qu’en dise la philosophie, j’oserai prétendre à l’honneur de penser. » Bien mieux, ce principe pensant est, en l’homme du moins, d’espèce supérieure. « Qu’on me montre un autre animal sur la terre qui sache faire du feu et qui sache admirer le soleil. […] Elle est le mal dans l’espèce humaine, et, quand le mal sera supprimé, il ne restera plus que du bien. « Il arrivera donc ce moment424 où le soleil n’éclairera plus sur la terre que des hommes libres, ne reconnaissant pour maîtres que leur raison ; où les tyrans et les esclaves, les prêtres et leurs stupides ou hypocrites instruments n’existeront plus que dans l’histoire et sur les théâtres ; où l’on ne s’en occupera plus que pour plaindre leurs victimes et leurs dupes, pour s’entretenir par l’horreur de leurs excès dans une utile vigilance, pour savoir reconnaître et étouffer sous le poids de la raison les premiers germes de la superstition et de la tyrannie, si jamais ils osaient reparaître. » — Le millénium va s’ouvrir, et c’est encore la raison qui doit le construire. […] Partie II, livre IX, 368. « Je ne comprends pas comment on ose parler dans un cercle… Je me hâte de balbutier promptement des paroles sans idées, trop heureux quand elles ne signifient rien du tout… J’aimerais la société tout comme un autre, si je n’étais sûr de m’y montrer, non seulement à mon désavantage, mais tout autre que je ne suis. » — Cf.
Canning, pour ne pas perdre toute influence en Europe, en Russie, en Prusse, en Autriche, n’osait pas rompre ouvertement avec ces puissances alliées de l’Angleterre, mais il voulait ajourner, embarrasser, compliquer, et enfin faire avorter le congrès, pour empêcher la France de prendre la responsabilité de venger la monarchie de famille en Espagne. […] « Elle passa en Égypte ; elle fut la première femme qui osât pénétrer sous les voûtes de la grande pyramide ; puis elle fit naufrage sur l’île de Chypre. […] Jusqu’ici, je n’ai osé les confier à personne ; promettez-moi que vous les lui remettrez vous-même, quelle que soit l’époque de votre retour à Paris, et les dernières volontés du pauvre voyageur seront ainsi accomplies.” […] Au milieu de toutes ces idolâtries, je n’osais me créer une divinité ; mais aujourd’hui ma croyance est fixée, et, à force de bienfaits versés sur mes semblables, je veux mériter les bienfaits de ce Dieu, seul et tout-puissant, dont mon âme tout entière reconnaît l’existence. […] Mais il est un autre Stanhope qui a osé en plein parlement calomnier la nation française, la grande nation !
Qui oserait dire pourtant que sa résignation fût complète ? qui oserait affirmer qu’à la mort de son amant, au milieu de sa douleur et de ses larmes, elle ne se sentit pas, sans se l’avouer à elle-même, plus légère, plus à l’aise, et comme débarrassée d’une chaîne pesante ? […] « Vous avez lu sans doute les Martyrs de Chateaubriand ; c’est la chute la plus brillante dont nous ayons été témoins, mais elle est complète : les amis mêmes n’osent pas le dissimuler, et, quoiqu’on sache que le gouvernement voit avec plaisir ce déchaînement, la défaveur du maître n’a rien diminué de celle du public. […] Sans doute l’intérêt bien entendu des coalisés serait encore aujourd’hui même d’accord avec celui de la France et de l’humanité ; mais est-ce une raison pour oser se flatter qu’il sera écouté ? […] Mais Alfieri n’avait ni charme, ni grâce, ni douceur : on l’aimait par surprise, on continuait de l’aimer par crainte ; on se figurait que la force de ses traits était une marque de la force de son génie, et que ce génie était démesuré comme son corps… Ce génie n’était qu’imaginaire ; on n’osait pas en douter tout haut, on se résignait tout bas à son erreur.