Un homme des générations antérieures reparaît, après un long intervalle, avec des croyances, des préjugés, des goûts disparus depuis plus d’un siècle, qui rappelle une civilisation évanouie. […] Les claqueurs ont leur goût comme les académiciens. […] Il avait le goût du laid, de l’ignoble, du monstrueux ; et puis il ne savait pas dessiner, il cassait plus de membres qu’un rebouteur n’en eût pu remettre. […] Eugène Devéria avait le goût des ajustements fastueux comme un Vénitien du seizième siècle. […] Car, ne craignons pas de le répéter, Barye n’est pas seulement un admirable faiseur d’animaux, c’est un statuaire dans toute la force du mot, du plus grand goût et du plus grand style.
Rivollet la ramène au goût du sien ; il l’a romantisée ; il en fait un drame romantique. […] Et ce dernier est une preuve, ce me semble, du goût des Bretons pour le théâtre. […] Ils ont montré beaucoup de goût dans leurs adaptations. […] J’en avise quelques-unes et je vous les présente pour vous mettre en goût. […] Les goûts changent avec le temps.
On avait également contracté dans le commerce de l’histoire le goût du portrait et celui de la psychologie. […] Qu’en a-t-il retranché, qu’y a-t-il ajouté pour l’accommoder au goût français de son temps ? […] Il a le goût des actions qu’il appelait lui-même implexes et qui seraient mieux appelées invraisemblables. […] Mais le goût public n’était pas encore au réalisme du roman picaresque. […] Première épreuve ou premier crayon d’Arnolphe, ce Sganarelle n’en diffère que pour être traité moins sérieusement, dans le goût de Scarron, si je puis ainsi dire, plutôt que dans le grand goût de Molière.
« Si l’on vous disait : Il est un jeune homme, heureusement doué par la nature et formé par l’éducation ; il a ce qu’on appelle du talent, avec la facilité pour le produire et le réaliser ; il a l’amour de l’étude, le goût des choses honnêtes et utiles, point de vices, et, au besoin, il se sent capable de déployer de fortes vertus. […] Depuis bien des jours, il se demande s’il est une seule minute où l’un de ses goûts ait été satisfait, et il ne la trouve pas. […] qu’elle aimait encor, sur le portrait fidèle Que ses doigts blancs et longs me tenaient approché, Interroger mon goût, le front vers moi penché, Et m’entendre à loisir parler d’elle près d’elle ! […] Le devoir de l’ami clairvoyant envers l’ami infirme consiste donc à lui ménager cette initiation délicate qui le ramène d’une espérance à l’autre ; à lui rendre d’abord le goût de la vie ; à lui faire supporter l’idée de lendemain ; puis, par degrés, à substituer pieusement dans son esprit, à cette idée vacillante, le désir et la certitude du lendemain éternel. […] « Dieu donc et toutes ses conséquences ; Dieu, l’immortalité, la rémunération et la peine ; dès ici-bas le devoir et l’interprétation du visible par l’invisible : ce sont les consolations les plus réelles après le malheur, et l’âme, qui une fois y a pris goût, peut bien souffrir encore, mais non plus retomber.
Elle sent le renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le goût d’une salle où l’on a dîné ; elle pue le service, l’office, l’hospice. […] Quand ses filles furent en âge d’être mariées, elles purent choisir leurs maris suivant leurs goûts : chacune d’elles devait avoir en dot la moitié de la fortune de son père. […] Quoique l’isolement dût me porter à la rêverie, mon goût pour les contemplations vint d’une aventure qui vous peindra mes premiers malheurs. […] Déjeuner avec une tasse de café au lait était un goût aristocratique, expliqué par le prix excessif auquel montèrent les denrées coloniales sous Napoléon. […] Mais après avoir effleuré le frais jasmin de sa peau et bu le lait de cette coupe pleine d’amour, j’avais dans l’âme le goût et l’espérance de voluptés humaines ; je voulais vivre et attendre l’heure du plaisir comme le sauvage épie l’heure de la vengeance ; je voulais me suspendre aux arbres, ramper dans les vignes, me tapir dans l’herbe ; je voulais avoir pour complices le silence de la nuit, la lassitude de la vie, la chaleur du soleil, afin d’achever la pomme délicieuse où j’avais déjà mordu.
Lamartine lui-même, qui est un piano à vendre ou à louer, l’a en horreur… Il n’y a que quelques peintres qui ont ce goût-là. » … « En musique, ils en sont maintenant à un gluckisme assommant, ce sont des choses larges, lentes, lentes, ça retourne au plain-chant… Ce Gounod est un pur âne1. […] … » Le jeune Anglais ajoutait placidement et posément : « Moi j’ai les goûts cruels, mais je m’arrête aux hommes et aux animaux… Dans le temps, j’ai loué, avec un ami, une fenêtre, pour une grosse somme, afin de voir une assassine qui devait être pendue, et nous avions avec nous des femmes pour leur faire des choses — il a l’expression toujours extrêmement décente — au moment où elle serait pendue. […] Et je l’ai entendu de mes oreilles, ces années-ci, demander chez Rochoux ce que c’était qu’une gravure avant les armes, et aujourd’hui, j’apprends qu’il pousse le goût de la propreté de l’art, jusqu’à faire gratter la patine des bronzes antiques de sa collection. […] Puis de là, à un moment, on descend aux mystères des sens, à l’inconnu des goûts bizarres, des tempéraments monstrueux. […] Ils ne fabriqueront jamais que les monstres du récit de Théramène, le vrai monstre au goût de la France classique et tragédique.
Et ces albums, et ces bronzes, et ces ivoires, ont cela de bon, qu’ils vous rejettent le goût et l’esprit dans le courant des créations de la force et de la fantaisie. […] Samedi 20 février Les gens riches, il leur arrive parfois d’avoir du goût dans les porcelaines, dans les tapisseries, dans les meubles, dans les tabatières, dans les objets de l’art industriel. […] Il semble vraiment qu’aux richards, sauf de très rares exceptions, est défendu le goût de l’art, supérieur, — de l’art fait par des mains, qui ne sont plus des mains d’ouvrier. […] Dans les bronzes, des merveilles, des merveilles qui semblent l’idéal de ce que le goût et l’art savant de la fabrication peuvent produire. […] Et le sobre et sévère goût d’ornementation qui pare ce beau métal.
On pourrait, je crois, en dire presque autant de la belle langue attique chez les Grecs, laquelle était certainement quelque chose d’un peu artificiel, bien que se rapportant de préférence au ton et au goût du peuple d’Athènes, tout comme en Italie la belle langue aime à se réclamer du peuple de Florence.
Mais il est à craindre que cet adoucissement ne soit que passager chez M. de Bonnières et que, bientôt, il ne revienne à ses véritables goûts.
Comme Brizeux, auquel il ressemble par la pudeur de son lyrisme voilé, il a aimé la Muse d’un amour exclusif, délicat et scrupuleux… Le poète de l’Âme vierge n’a pas attendu, pour nous dire sa chanson, que les annonciateurs de « formules » nouvelles aient prédit une révolution du goût.
Ce dernier Ouvrage est écrit avec cette précieuse simplicité, qui n’exclut ni l’élévation des pensées, ni la noblesse des expressions, & il donne à l’Auteur le droit de figurer dans la classe très-peu nombreuse des Ecrivains qui sont demeurés invinciblement attachés aux vrais principes de la morale & du goût.
Ce fut lui qui en inspira le goût & en apprit les regles à Madame Deshoulieres ; peut-être même a-t-il sacrifié, à la gloire de cette Dame, quelques morceaux dont il auroit pu lui-même se faire honneur.
LAUS DE BOISSY, [Louis] fils d’un Epicier, des Académies de Rome & de Madrid, de celle des Ricovrati de Padoue, Correspondant de celle de Montpellier, & Lieutenant Particulier du Siége de la Connétablie & Maréchaussée, né à Paris en 1747, est un ancien soi-disant Secrétaire du Parnasse, qui fut bientôt réprouvé de cette fonction, parce qu’il faut du jugement & du goût pour la remplir.
Santeuil étoit né Poëte, & ce fut sous le célebre Jésuite Cossart qu’il acheva de se former le goût.
M. de Voltaire appelle l’Abbé de Voisenon un des Conservateurs de la gaieté Françoise ; il auroit pu ajouter qu’il est également Conservateur du goût.
Dans notre étude sur la Littérature et la Critique littéraire au xixe siècle nous avons rencontré le problème si difficile, et d’un intérêt si général, de la conciliation de l’autorité et de la liberté, de la tradition et du changement, des lois du goût et des droits du génie ; et tout en restant fidèle à notre admiration pour les principes éternels de l’art classique, nous avons défendu la liberté de l’invention en littérature ; car ces lois éternelles elles-mêmes ne sont que l’expression des grandes inventions du génie.
Il y a plus : cette sorte d’allégorie est contre les principes du goût, et même de la saine logique.
Le sacrifice d’Abraham, par exemple, est aussi touchant, et d’un goût plus simple que celui d’Iphigénie : il n’y a là ni soldats, ni groupe, ni tumulte, ni ce mouvement qui sert à distraire de la scène.
La tête en est coiffée dans le goût antique ; elle est bien dessinée.
Et il répète, dans l’hiatus de sa bouche restant grande ouverte, au milieu de hou hou, ayant l’air de demander à la fin de chacune de ses phrases, l’approbation de son auditeur, il répète plusieurs fois que Millet, Rousseau, et les autres, étaient des gens de haut goût, ce qui n’est pas commun dans ce bas monde. […] Je le revoyais dans la Haute-Marne, à Breuvannes, là, où se sont passés les étés de mon enfance, par les ensoleillés matins de juillet et d’août, marchant de son grand pas, que mes petites jambes avaient peine à suivre, marchant à la main, un paisseau arraché dans une vigne, et m’emmenant avec lui boire une verrée d’eau, à la « Fontaine d’Amour », une source au milieu de prés fleuris de pâquerettes, apportant aux gourmets d’eau, le bon et frais goût d’une eau, qu’il trouvait comparable à l’aqua felice de Rome. […] Et le soir, rentrant à la pension Goubaux, dans un rêve qui tenait du cauchemar, ma tante de Courmont, l’intelligente femme, dont j’ai fait Madame Gervaisais, celle qui, tout enfant, m’a appris le goût des belles choses, m’apparaissait en une réalité, à douter si ce n’était pas une vraie apparition, me disant : « Edmond, ton père ne passera pas trois jours ! […] Et l’on s’avoue, que les Américains qui sont en train de se faire le goût, lorsqu’ils l’auront acquis, ne laisseront plus en vente un objet d’art à l’Europe… qu’ils achèteront tout, tout. […] ” « Ce sont certainement ces dimanches, qui ont fait de moi le bibeloteur que j’ai été, que je suis, que je serai toute ma vie. » Mais ce n’est pas seulement à ma tante que je dois le goût de l’art — du petit et du grand — c’est elle qui m’a donné le goût de la littérature.
J’accorderai, certes, à Véron en bien des points tout ce qu’il voudra : d’être un homme d’esprit (c’est bien juste), même d’être un homme de goût, d’être un amphytrion modèle, d’être un impresario habile, un directeur de théâtre ou de journal comme il n’y en a pas ; d’être… quoi encore ?
Tout au commencement, avant sa dévotion, du temps de l’Assemblée constituante, il s’était montré fort épris ; mais elle avait alors son goût déclaré pour M. de Narbonne.
. — Je vous le répète, elle a pris cela toute seule sous son bonnet : elle est très-liée avec la reine des Belges (fille de Louis-Philippe), elle s’est très-prise depuis, et d’un goût très-vif, pour la princesse Clémentine (duchesse de Cobourg) ; elle lui avait dit depuis déjà assez longtemps : « Je médite d’aller voir vos parents à Eu, laissez-moi arranger cela, et gardez-moi le secret. » La visite récente du prince de Joinville et du duc d’Aumale à Londres n’était pas pour l’inviter, comme on l’a cru.
Soyez sûrs que les cendres de Gautier ont frémi de joie, à l’apparition de ce livre, et que, dans le paradis des lettrés, l’ombre de Flaubert hurle, à l’heure qu’il est, des phrases de Pierre Louÿs, les soumet à l’infaillible épreuve de son gueuloir, et qu’elles la subissent victorieusement… Enfin voilà donc un jeune, un vrai jeune — Pierre Louÿs n’a pas vingt-six ans — qui nous donne un beau livre ; un livre écrit dans une langue impeccable, avec les formules classiques et les mots de tout le monde, mais rénovés et rajeunis à force de goût et d’art ; un livre très savant et où se révèle, à chaque page, une connaissance approfondie de l’antiquité et de la littérature grecque, mais sans pédantisme aucun et ne sentant jamais l’huile et l’effort ; un livre dont la table contient sans doute un symbole ingénieux et poétique, mais un symbole parfaitement clair ; un livre, enfin, qui est vraiment issu de notre tradition et animé de notre génie et dans lequel la beauté, la force et la grâce se montrent toujours en plein soleil, et inondées d’éclatante lumière !
» C’était pour protester contre tant de solennelle gravité que le Décadent insérait des échos dans ce goût : « Notre ami Piombino s’étant laissé barboter son manuscrit en tramway, n’a pu nous donner, en temps utile, sa chronique hebdomadaire.
Nous n’étions pas revenus de notre surprise, elle augmenta encore lorsque nous vîmes entrer le président, dont l’aspect et les manières étaient tout à fait opposés à l’idée que nous nous étions faite de lui : au lieu d’un grave et austère philosophe dont la présence aurait pu intimider des enfants comme nous étions, la personne qui s’adressait à nous était un Français gai, poli, plein de vivacité, qui, après mille agréables compliments et mille remerciements pour l’honneur que nous lui faisions, désira savoir si nous ne voudrions pas déjeuner ; et comme nous nous excusions (car nous avions déjà mangé en route) : « Venez donc, nous dit-il, promenons-nous ; il fait une belle journée, et je désire vous montrer comme j’ai tâché de pratiquer ici le goût de votre pays et d’arranger mon habitation à l’anglaise. » Nous le suivîmes, et, du côté de la ferme, nous arrivâmes bientôt à la lisière d’un beau bois coupé en allées, clos de palissades, et dont l’entrée était fermée d’une barrière mobile d’environ trois pieds de haut, attachée avec un cadenas : « Venez, dit-il après avoir cherché dans sa poche ; ce n’est pas la peine d’attendre la clef ; vous pouvez, j’en suis sûr, sauter aussi bien que moi, et ce n’est pas cette barrière qui me gêne. » Ainsi disant, il courut à la barrière et sauta par-dessus le plus lestement du monde.
Ajoutez qu’on sent dans l’historien de foi un ton, nous dirions presque un goût d’honnête homme, qui fait qu’on est disposé à croire ce qu’il raconte.
De graves commentateurs ont chargé de notes ce tas de sottises bouissonnes ; des éditeurs les ont abrégées ; mais nous n’indiquerons pour l’intérêt du goût & des mœurs aucun de ces commentaires, ni aucune de ces éditions.
Tout au contraire, l’abondance fastidieuse de ses devanciers semble avoir accru chez elle le goût du concis. […] Il y a un temps pour tout, et telle ou telle disposition de l’âme ou de l’esprit nous donne de la répugnance ou du goût pour un homme ou pour un livre. […] Mais cette façon d’agir pouvait bien prouver de sa part un manque de goût, et une science de la musique peu profonde. […] chez ce poète dont la hardiesse s’échappe toujours des surprises du faux goût. […] L’auteur avoue que c’est contre son goût qu’il a mis la mort de Mariamne en récit au lieu de la mettre en action.
Des femmes ont du goût pour les couleuvres, surtout pour celles qui sont enrichies de diamants, mais ces goûts excentriques ou coûteux ne renirent pas dans notre sujet. […] Il en est de même du goût. […] Des goûts et des couleurs… Cet aphorisme n’est point aussi frivole qu’on pourrait le croire. […] L’étude des goûts et des couleurs devrait faire partie de la psychologie. […] Le goût du rouge signale la rudesse, et le goût du vert, la douceur du caractère.
C’est encore Chateaubriand qui a provoqué le goût et la compréhension de notre histoire nationale. […] Plus tard une traduction vint attester le goût passionné de Chateaubriand pour le visionnaire de l’Éden. […] Plus tard il nous dira avoir brûlé deux volumes d’élégies composées dans le goût de Bertin et de Parny. […] C’était remplir un devoir d’homme de goût que de détester ainsi l’affectation et le charlatanisme. […] L’enthousiasme n’exclut ni la finesse du goût, ni la solidité de l’érudition, et par réciprocité l’érudition et le goût ne doivent pas tenir l’enthousiasme à distance.
Mais je rimais avec entrain, le goût des vers tenant, ainsi que moi, la plupart de mes compagnons. […] Ce gros homme a un goût désordonné pour les blondes délicates, fluettes, un peu pâles. […] Il n’est rien, dans leur pays, qui ne froisse nos habitudes, qui ne choque notre goût, qui ne déconcerte nos instincts. […] Ils revinrent à leur goût inné pour les belles entreprises et pour les hommes intelligents. […] La nouveauté de ces cantilènes n’était pas assez hardie pour effaroucher le goût des gens du monde.
Rares sont les tables où tous peuvent s’asseoir, où le pain et le vin de vie sont du goût de tous les convives. […] Ce jacobinisme qui, servi froid, est de nos jours un repas si détestable, n’eut-il pas, chaud, du goût et de l’aspect ? […] Chez Benjamin Constant comme chez beaucoup d’autres, le goût de la vie était gâté dès la naissance. […] Et le sonnet prend comme un goût nouveau, par cette étrange métamorphose historique. […] Sorte de salade pimentée, où l’on trouve pêle-mêle les ingrédients les plus divers, il lasse le goût dès la première bouchée.
On voit qu’à certains moments elle voudrait vivre uniquement par l’esprit et par le goût esthétique. […] Preuve d’un grand goût et d’une grande maîtrise, il n’y en a pas beaucoup. […] Votre goût naturel de la torture est pleinement satisfait et comblé dans ce dernier cas. […] Car, par instinct, goût personnel, parfaitement légitime, tout au contraire de M. […] Adrien Moreau, lui aussi, a un pinceau fin et délicat ; mais il a des idées, du goût, et il sait composer.
Ce goût enfantin m’a laissé la connaissance de tous les termes techniques de marine. […] Les figures de ses romans se détachent ordinairement sur des paysages d’un effet tranquille et doux qui rappellent la manière et le goût du peintre Fiers. […] Cet amour du monde, des arts et de la spirituelle causerie, n’empêchait pas madame Sophie Gay d’avoir le goût de la nature. […] Il voulut former une association dans le goût de celle qui réunissait Ferragus, Montriveau, Ronquerolles et leurs compagnons. […] trop rare, car en France le goût de ces conférences publiques, de ces critiques parlées, n’est pas sérieusement venu encore.
Mais au fond je trouvais que mon homme d’esprit académicien faisait preuve de goût et de franchise en me parlant ainsi ; et que nos autres académiciens non romantiques qui se sont pris subitement à vouloir revendiquer cette œuvre comme de leur école sont dupes et vraiment niais.
On n’a pas cessé d’être au temps de Sidoine Apollinaire ; avec plus ou moins de goût, c’est la même chose depuis des siècles.
Alfred de Musset : 1° la Confession d’un Enfant du siècle, revue et corrigée avec le goût que l’auteur apporte désormais à tout ce qu’il écrit ; 2° les Comédies et Proverbes en prose ; 3° les Poésies complètes.
Si donc quelques-uns de nos confrères les critiques croient trouver qu’il serait de meilleur goût à nous de leur laisser le champ libre désormais et de nous taire, nous continuerons (ne leur en déplaise, et qu’ils nous le pardonnent !)
Par contre, il faut signaler particulièrement de petites pièces, dans le goût des poètes grecs, qui sont ravissantes, la Rose jalouse, entre autres : Comme elle m’embrassait, une rose au corsage, La rose me piqua, jalouse du visage ; Je baisai donc la fleur qui, rose avec pâleur, Me parut un sourire appuyé sur ma bouche Ce que voyant (l’amour pour un rien s’effarouche), L’enfant m’égratigna, jalouse de la fleur.
Marcel Schwob a un goût spécial, une prédilection pour les êtres très simples, héros ou criminels, en qui les idées se projettent sans nuances, en tons vifs et crus.
Chacun des trois volumes des précédentes éditions représentait la manière de l’auteur à trois moments, et pour ainsi dire à trois âges différents ; car, sa méthode consistant à amender son esprit plutôt qu’à retravailler ses livres, et, comme il l’a dit ailleurs, à corriger un ouvrage dans un autre ouvrage, on conçoit que chacun des écrits qu’il publie peut, et c’est là sans doute leur seul mérite, offrir une physionomie particulière à ceux qui ont du goût pour certaines études de langue et de style, et qui aiment à relever, dans les œuvres d’un écrivain, les dates de sa pensée.
Son goût des anciens l’y aidait aussi ; Virgile ou Orphée, tenant le rameau d’or, le guidaient dans les Dodones ou dans les Tempés. […] Mais les idées de goût qu’on se formait alors allaient à faire envisager comme sauvage et barbare tout ce qui, en pittoresque, était l’opposé de la culture savante et régulière de Versailles. […] Le Père Lemoyne dans ses épîtres, Rapin, Vanière et autres dans leurs poésies latines, ont rempli à cet égard avec talent, et quelques-uns avec goût, l’intervalle qui sépare Du Bartas de Delille. […] La Prière à Dieu qui termine la première Étude de la Nature : « Les riches et les puissants croient qu’on est misérable… », n’est autre chose qu’une copie abrégée, intelligente et pleine de goût, une copie, accommodée au xviiie siècle, de la Prière à Dieu, plus mystique, qui termine la première partie du traité de l’Existence de Dieu par Fénelon.
Le Pastor fido, de Guarini, fut peu de temps après la plus heureuse imitation de l’Aminta du Tasse ; mais le Tasse lui-même ne parut pas attacher à cette œuvre de sa jeunesse l’importance qui s’y attacha dans le goût du temps ; il aspirait avant tout à la gloire épique, ce sommet de l’art selon son siècle ; il ne voulut pas donner la mesure de son génie dans un monument inférieur à l’épopée. […] Avec des sens plus délicats, plus impressionnables, plus raffinés ; avec des sensations plus vives et plus pénétrantes ; avec un goût plus délicat, que tous les objets dont il est entouré blesseraient ou ne pourraient satisfaire ; obligé de vivre toujours dans une sphère qui répugnerait à la perfection de ses organes, il vivrait de souffrance, ou périrait de désir ». […] Le Tasse obtint l’autorisation de se rendre à Rome, à Padoue, à Venise, pour épurer son poème de tout ce qui pouvait blesser les plus légers scrupules de la théologie, de la philosophie, de la langue ou du goût. […] On voit néanmoins dans ses lettres que cette faveur purement littéraire dont il jouissait à la cour commençait à offenser son ambition, et qu’il aspirait à des honneurs plus conformes à sa naissance et à son goût pour les armes et pour les affaires.
Il suffisait des progrès du goût, pour rendre impossibles les manifestations éclatantes d’irréligion, les indécentes parodies où se plaisaient les Roquelaure et les Matha. […] En un mot, ils n’ont pas fait Racine, mais ils l’ont formé : c’est là qu’il a pris son goût, son sens exquis de l’hellénisme, c’est à eux d’abord qu’il doit de n’avoir pas sombré dans le bel esprit précieux. […] A douze ans, le petit Blaise, dont on ménageait la délicatesse, donne de telles marques de son goût pour les mathématiques, que son père se décide à le laisser s’y appliquer librement : à seize ans, un de ses travaux, un traité des sections coniques, étonnait Descartes ; puis il s’occupe d’applications pratiques ; il construit une machine à calculer. […] Les Provinciales sont, dans notre prose, le premier chef-d’œuvre du goût classique.
D’une part, ce sont les anciennes doctrines philosophiques ou religieuses, les vieilles institutrices de l’humanité, menacées par ces conquérants nouveaux jusque dans les domaines jusqu’alors inviolables de l’absolu, contraintes à renouveler leurs arguments et leur défense, grandissant par cette contrainte même, brusquement réveillées de leur quiétude et rajeunies elles-mêmes dans leur commerce avec la science, dont elles acquièrent de plus en plus l’intelligence et le goût, et dans laquelle elles puisent, avec une conception plus étendue et plus précise de l’univers, des idées plus approfondies sur le vrai sens de la finalité et sur les grands aspects de l’ordre universel. […] Quel que soit le sort de cette tentative auprès du grand public, qui n’est pas toujours en goût de faire des efforts pour comprendre, elle mérite d’être signalée à deux points de vue, comme l’essai hardi d’un talent personnel et comme un symptôme des temps. […] On voit que le poète s’est mis tout entier dans son œuvre avec son goût pour les grands problèmes, sa haute culture scientifique, avec tout son talent et aussi son entière sincérité. […] C’est le devoir de la critique de faire l’examen de conscience du public, le nôtre et celui du poète, et de chercher les raisons de cette hésitation ou de cette froideur qui semblent injustes. — Il ne servirait de rien d’accuser le public, son incompétence, sa frivolité, son peu de goût pour les matières abstraites, son visible ennui « dès que le sujet traité cesse d’être aisément accessible aux esprits de moyenne culture ».
Et à juste titre il s’est peu servi de la rime, qui depuis les excès des Parnassiens, est devenue à nos oreilles tellement insupportable, qu’une rime riche maintenant nous paraît plutôt une faute de goût et un manque de beauté qu’une preuve d’art ou de sentiment. » Son âme, qui s’apparente parfois à celle des poétesses ultra-romantiques, se complaît dans des décors de nature idéalisée suivant le cœur de Mme de Staël. […] Béatrice promène une âme romanesque Dans un luxe d’objets arabes et persans, De tapis à ramage et de plats reluisants Dans le goût somptueux des hispano-mauresques… Béatrice de Manissès, à sa fenêtre, Parait avec l’aurore et le chant des oiseaux, Pour voir le jour venir sans changements nouveaux Et monotonément passer et disparaître. […] Je suis la volupté qu’ils n’atteindront jamais, Tous les espoirs, toutes les joies et tous les rêves, Tout l’amour que pour eux filent les heures brèves… Mais nul ne doit cueillir la fleur de ma beauté, Car ma lèvre cruelle a le goût de la mort. […] Elle dira à la nature : « Voyez de quel désir, de quel amour charnel, De quel besoin jaloux et vif, de quelle force, Je respire le goût des champs et des écorces !
C’est ainsi qu’on s’explique que Mme Navier, portée à la charité, ait pris de plus en plus le goût, l’habitude, le besoin des bonnes œuvres. […] Son patrimoine, ses économies, ses privations ont passé à ces œuvres pies, à ces œuvres utiles, qu’il a accomplies en toute simplicité, sans aucune idée de gloire ni d’honneur ; et comme après l’inauguration solennelle des grands établissements de Blamont, son œuvre capitale, on s'étonnait devant lui que son nom fût le seul qui n’eût pas été prononcé dans les comptes rendus de la cérémonie, il répondit : « Je suis très-content qu’il ne soit pas question de moi ; c’est assez que le bon Dieu le sache, c’est de lui seul que j’attends ma récompense. » De fait, l’abbé Brandelet a le goût des fondations, des constructions, et ce qui est beau à lui, c’est d’avoir su trouver moyen d’en faire un si grand nombre en les rendant utiles. […] J’aurais cru manquer de goût et de mesure en me permettant la moindre allusion publique à un livre dont le personnage type n’est point suffisamment connu, et n’est pas apprécié comme il pourrait l’être ; mais il n’est aucun des lecteurs du roman auquel ne soit venu en idée, en m’entendant célébrer le bon curé de Laviron, cet autre curé, si touchant et si respectable, honneur et douleur de la famille des Courbezon ; et je suis bien sûr de ne point manquer au respect que j’ai pour mon sujet, en glissant ici cette note qui satisfera les littérateurs et que comprendront les moralistes.
Royer s’était, en quelque sorte, refusée de bonne heure à lui-même par la hauteur et la difficulté de son goût ; mais, comme homme, Tocqueville était plus faible, moins décisif ; sa complexion physique le disait assez ; la nature, à première vue, ne l’avait pas destiné à une grande autorité actuelle et présente, à une prépondérance imposante dans les Assemblées ; il ne tranchait pas comme l’autre ; il ne se faisait pas écouter. […] Il est vrai qu’on ne voit pas dans les natures actuelles, de main capable de l’imprimer ; mais il n’est pas toujours besoin de marteau contre des édifices mal construits ; un coup de vent peut suffire… » Revenant à lui-même, à sa prochaine réélection, au rôle ultérieur et suprême qui lui était réservé peut-être, et s’expliquant comme il aimait à le faire sur ses goûts favoris, il disait : « Sans m’occuper aucunement de mon élection, je reviendrai à la Chambre, si d’eux-mêmes les électeurs qui m’y ont envoyé neuf fois m’y renvoient encore. […] Royer-Collard eut toujours un grand goût pour Tocqueville.
Son goût dut s’y élargir. […] Il a de plus le charme d’un caractère candide, et les goûts les plus sobres. […] Il trouva à la fin, en septembre 1852, cette place humble, mais honorable et selon tous ses goûts, à la Bibliothèque impériale, à la rédaction du catalogue.
De plus, il nageait avec excès et jusqu’à l’épuisement, ainsi que Byron ; il aimait les violentes courses à cheval dans le goût d’Alfieri, de même qu’aux champs il grimpait à l’arbre comme un écureuil. Plus enfant, m’a-t-on dit, à Saint-Malo, dans sa petite chambre haute (contraste charmant de goûts qui le peint d’avance), il avait aimé à faire de la dentelle. […] Il y a nombre de chapitres qui nous semblent l’idéal de la beauté théologique telle qu’elle resplendit en plusieurs pages de la Cité de Dieu ou de l’Histoire universelle, mais ici plus frugale en goût que chez saint Augustin, plus enhardie en doctrine que chez Bossuet, et aussi, il faut le dire, moins souverainement assise que chez l’un, moins prodigieusement ingénieuse que chez l’autre.
J’y fus entraîné malgré moi, en quelque sorte, par plusieurs de mes compagnons, et sans doute aussi par ma destinée : car depuis un certain temps j’évitais ces sortes de spectacles, ou si quelquefois je m’y rendais, c’était moins par goût pour ces amusements que par égard pour l’usage. […] Sans jalousie pour son frère Julien, jeune homme de dix-sept ans, très-distingué et déjà très-populaire par son goût pour les arts et pour les lettres, il lui donna les maîtres les plus éminents pour achever son éducation. […] Il était devenu en quelque sorte l’arbitre du bon ton ; et ceux qui avaient les mêmes goûts et les mêmes opinions que lui, étaient sûrs d’avoir part à la gloire et aux applaudissements publics qui semblaient s’attacher à toutes les actions de sa vie.
Déjà surtout la chevalerie dénature la poésie celtique pour l’accommoder au goût de l’aristocratie féodale. […] Il faut lui tenir compte aussi d’avoir enchanté son siècle, dont il réalisait toutes les aspirations, et caressait tous les goûts. […] Ces romans de Graal inspirés du même esprit qui animait les grands ascètes et les ardents mystiques du xiie et du xiiie siècle, étaient trop en contradiction avec les goûts, les désirs et les nécessités même de la société laïque, pour représenter autre chose que l’idéal exceptionnellement conçu par quelques âmes tourmentées.
J’ai pu me figurer l’heure d’une fin de jour d’hiver, aux vastes fenêtres, pas l’ennui, qui frappa latéralement une compagnie avec goût composée. […] À nul égard, le génie ne peut cesser d’être exceptionnel, altitude de fronton inopinée dont dépasse l’angle ; cependant, il ne projette, comme partout ailleurs, d’espaces vagues ou à l’abandon, entretenant au contraire une ordonnance et presque un remplissage admirable d’édicules moindres, colonnades, fontaines, statues — spirituels — pour produire, dans un ensemble, quelque palais ininterrompu et ouvert à la royauté de chacun, d’où naît le goût des patries : lequel en le double cas, hésitera, avec délice, devant une rivalité d’architectures comparables et sublimes. […] Quel goût pour démontrer (personne, irrésistiblement, n’a tant à dire à autrui !)
Avec son vocabulaire opulent et varié d’où surgissent à chaque phrase les mots strictement choisis, avec sa claire vision de paysages fondus, ses images dorées, ses plastiques ondulantes ou sévères, M. de Régnier a le goût qui distingue, élit, compare et dispose ; il a l’instinct souverain de l’ordonnance qui assigne à ses poèmes la solidité du verbe immobilisé comme un marbre. […] Le cadre populaire n’est pour lui, d’habitude, qu’un décor propice judicieusement interprété, mais dont le choix s’indique seulement par une préférence momentanée, un goût de personnages plus humbles après de brillantes ou de rares visions. […] Edmond Picard — mais le naturel, la sincérité et aussi le goût de ce qui est lumineux, frais, vivace et pur.
Les comédies de Marivaux, le Vert-Vert de Gresset, les poésies musquées d’un Dorât ou d’un Bernis, portent la marque ineffaçable de cette condescendance au goût féminin. […] Il ne songe pas à imposer ses goûts et sa volonté. […] Je crois pourtant nécessaire de ne point passer outre sans ajouter qu’elle développe chez ceux qui s’y complaisent le goût d’une certaine simplicité de manières et de langage, la propension au ton moral et aux vertus bourgeoises, l’habitude d’exprimer ses sentiments intimes sans apprêt et sans crainte du détail terre à terre.
C’est encore de la résignation et aussi de la prudence, mais c’est surtout le goût de la médiocrité conçue, désirée comme une chose excellente, comme un état divin. […] Il est certain que de fables véritablement morales, dans La Fontaine, de fables qui dépassent résignation, prudence, goût de la médiocrité et goût du travail, vous n’en trouverez point, si ce n’est les cinq ou six que je viens de mentionner.
Il nous semble qu’il y a là un manque de goût littéraire, et que ce manque de goût tient au vice fondamental du talent de Lamennais, la tendance à l’emphase et à la déclamation.
Mordre l’inconnu est dur ; le goût, ce je ne sais quoi d’indéfinissable qui devrait être de tous les temps et de toutes les écoles, rejette de pareilles expressions. […] Sully Prudhomme, à son tour, s’adresse à Musset ; il le prend sur un tout autre ton avec toutes les cérémonies et tous les respects, mais ce n’est que pour mieux marquer sa dissidence et pour faire acte de séparation : on ne dira pas du moins qu’il ne l’a pas senti et loué comme il faut : Toi qui naissais à point dans la crise où nous sommes, Ni trop tôt pour savoir, ni, pour chanter, trop tard, Pouvant poser partout sur les œuvres des hommes Ton étude et ton goût, deux abeilles de l’art ; Toi dont la muse vive, élégante et sensée, Reine de la jeunesse, en a dû soutenir Comme un sacré dépôt l’amour et la pensée, Tu te plains de la vie et ris de l’avenir !
Une année de pension, le second mariage de son père, qui épousa une jeune personne, douée elle même du goût et du talent d’écrire60, apportèrent quelque variété dans l’existence concentrée et casanière de notre poëte. […] L’âme noble, la raison saine, le goût juste de Mme Tastu, y ont naturellement réussi : on peut voir les petites pièces de vers qu’elle a sensées dans ses excellents ouvrages d’éducation (librairie de Didier).
. — Cependant, dans ses églises et dans ses couvents, il conservait les anciennes acquisitions du genre humain, la langue latine, la littérature et la théologie chrétiennes, une portion de la littérature et des sciences païennes, l’architecture, la sculpture, la peinture, les arts et les industries qui servent au culte, les industries plus précieuses qui donnent à l’homme le pain, le vêtement et l’habitation, surtout la meilleure de toutes les acquisitions humaines et la plus contraire à l’humeur vagabonde du barbare pillard et paresseux, je veux dire l’habitude et le goût du travail. […] Tous les goûts, tous les sentiments sont subordonnés au service ; il y a tel point de la frontière européenne où l’enfant de quatorze ans est tenu de marcher, où la veuve jusqu’à soixante ans est forcée de se remarier.
Donc il ne la formera pas sur le goût d’un public ignorant et léger : il bravera, s’il le faut, le ridicule ; mais il écrira ce qu’il doit écrire, conformément aux grands modèles et au sentiment de son âme. […] Le tort qu’il a eu, c’est d’essayer cela deux siècles et demi trop tôt : nos romantiques ont légué à nos naturalistes le goût des substantifs abstraits mis à la place des adjectifs classiques.
Il a, de plus, celui de sentir, de signaler le caractère, la justesse expressive des physionomies, des gestes, des attitudes ; ses critiques et ses remarques sont d’un goût original ; on reconnaît l’homme qui voyait naturellement dans leur particularité et dans leurs rapports respectifs les formes extérieures de la vie. […] Au public enfermé jusqu’ici dans le goût littéraire, il ouvre des fenêtres sur l’art ; à travers toutes ses expansions sentimentales et ses dissertations de penseur, il fait l’éducation des sens de ses lecteurs ; il leur apprend à voir et à jouir, à saisir la vérité d’une attitude, la délicatesse d’un ton.
Je suis peut-être de méchante humeur ; mais il me semble qu’il y a dans les Deux Cortèges quelque chose de cet art un peu banal, quelque chose qui sent le goût de la province et les Jeux floraux. […] Ce « je ne sais quoi », ne serait-ce pas le goût, la crainte de paraître trop content de son esprit, le discernement rapide du point qu’il ne faut pas dépasser sous peine de devenir affecté et ridicule ?
Grâce à ses bonnes habitudes littéraires, il a su apporter de la délicatesse et du goût dans cette débauche, et même de la modestie. […] Ce qu’il y a de masculin dans leur génie me blesse comme une atteinte aux droits de mon sexe, et surtout me chagrine comme une faute de goût du Créateur.
Voici, je pense, les raisons de ce goût singulier. […] Je crois que ce qu’il y a de sincère en lui, c’est le goût de la grandeur, de la force, de l’héroïsme, et la joie de se sentir « différent » de ses contemporains.
Enfin on peut signaler le goût de l’isolement dans la tour d’ivoire ; l’éloignement pour l’action, le dédain de toute idée morale et sociale. […] Au moins elle ne sévit pas contre elles d’une manière positive ; elle n’applique aux œuvres qui s’écarteraient trop du goût et du sentiment général que les sanctions négatives de l’indifférence, de l’ignorance et du silence.
On n’a goût à rien produire, quand tout est mis en question. » Mais songez donc que, depuis le commencement du monde, tout est ainsi en question, et que si les grands hommes dont les travaux nous ont faits ce que nous sommes eussent raisonné de la sorte, l’esprit humain serait resté éternellement stérile. […] Pour prendre goût à ces paisibles jouissances, il faut n’avoir rien à faire ni rien à craindre ; pour rechercher d’aussi innocentes diversions, il faut avoir le temps de s’ennuyer.
Tels sont, en dernière analyse, les véritables termes de la question ; et c’est ainsi que nous aurions voulu la voir présenter dans le discours préliminaire du secrétaire perpétuel de l’Académie française Et maintenant, comment l’auteur d’un travail aussi important, comment cet homme assez érudit, et en même temps assez intelligent, pour concevoir et conduire à fin, seul, une entreprise de cette taille, le premier répertoire complet du langage français ; ce savant qui à la qualité d’érudit intelligent et laborieux réunissait à un haut degré la verve originale du romancier, le goût dans la critique, la vivacité d’esprit du pamphlétaire ; comment cet homme a-t-il pu descendre dans un aussi complet oubli ? […] L’identité d’inspiration se retrouve jusque dans le choix des personnages de la charmante nouvelle allégorique que Furetière a, suivant le goût du temps, intercalée dans la seconde partie de son roman.
Cet homme, heureux dès sa jeunesse, qui n’eut jamais, comme les bohèmes de son temps — qui fut le temps de la Bohème — de déchirure à son coude, n’eut pas non plus pour s’en venger le luxe momentané de Balzac, aux boutons d’or pur, chez la princesse de Belgiojoso… Il ne se sentait aucun goût pour ces somptuosités d’artiste, — quoique pourtant il en fût un ! […] Foncièrement, et d’études et de goût et de tout, Jules Janin était un classique.
Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations, il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux Lettres dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] Tout en aimant d’un goût involontaire le plaisir intellectuel qu’il nous donne, nous n’en avons pas été abruti au point de ne pas voir tous les défauts et toutes les misères d’un écrivain qui en eut, pour sa part, autant que personne, si ce n’est peut-être davantage.
Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations ; il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux lettres, dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] Tout en aimant d’un goût involontaire le plaisir intellectuel qu’il nous donne, nous n’en avons pas été abruti au point de ne pas voir tous les défauts et toutes les misères d’un écrivain qui en eut, pour sa part, autant que personne, si ce n’est peut-être davantage.
Homme qui se déplace bien plus qu’il ne voyage, il a déjà bu, les yeux mi-clos, à cette large coupe de la Contemplation sous le ciel bleu, et il l’a trouvée d’un goût si friand qu’il y revient encore tout en se grondant d’y revenir. […] Eugène Fromentin (ses goûts le décèlent) n’est point un penseur très actif.
Sa vocation, ce semble, si elle avait pu se développer naturellement, eût été le commerce des poètes, des artistes, parmi lesquels il n’aurait pris, à titre de poète lui-même, qu’une place modeste ; il se faisait de l’art une si haute idée, il avait un tel dédain du goût vulgaire, qu’il n’admettait guère les essais incomplets et qu’il ne voulait que les œuvres sûres.
Le goût de M.
Ajoutons encore deux volumes de prose, Roseaux pensants et Autels privilégiés, où, par un goût très rare, l’auteur se plaît à évoquer des physionomies d’artistes oubliés ou méconnus.
Son garçon a du goût pour la lettre moulée.
De même encore, il n’est guère possible de suivre et de noter jour par jour la marche des variations du goût ; de marquer, à l’instant même où elle a dû agir, chacune des causes qui ont modifié son insensible évolution.
Nous avons à nous demander maintenant si l’historien peut se borner à constater des faits ; s’il n’est pas obligé en une certaine mesure de juger les œuvres dont il parle ; si dès lors n’intervient pas une question de goût qu’il faut poser et résoudre.
Le Traducteur n’a pas toujours suivi littéralement son Original, parce que son Original n’est pas toujours propre à se soutenir dans notre Langue ; il a cru devoir adoucir certains traits qui nous eussent paru singuliers, & supprimer des traits ennuyeux ou extravagans, qui refroidissent l’intérêt & choquent les gens de goût.
Saint-Didier, [Ignace-François Limojon de] né à Avignon en 1668, mort dans la même ville en 1739, cultiva la Poésie Provençale avec succès, & auroit pu également réussir dans la Poésie Françoise, s’il eût eu plus de goût & des amis prompts à le censurer.
De tromper les Peuples sur cet objet, me suis-je dit à moi-même, c'est enlever à la Philosophie la base de cette admiration qu'on a pour elle ; c'est montrer qu'elle n'est pas seule, comme elle le dit, dépositaire de la raison & du Génie ; c'est ouvrir les yeux à une jeunesse inconsidérée, qui, séduite par le ton imposant de ces Maîtres superbes, croit qu'ils sont aussi infaillibles en matiere de foi qu'en matiere de goût.
Il est vrai qu’il eût dû être plus modéré ; mais il faut distinguer les égaremens du goût, de ceux des sentimens : M. de Fontenelle fut toujours son ami, après avoir été son maître.
Il descend de la haute éloquence à la familiarité, et passe de la plaisanterie au raisonnement, sans jamais blesser le goût ni le lecteur.
Avec quel goût merveilleux les saints docteurs ne réfléchissent-ils point sur les vanités du monde !
C’est que le premier au milieu de ses phrases emphatiques, avoit de l’harmonie, de l’élégance & cette sorte de pompe qui flatte les oreilles ; c’est que le second avoit naturellement l’esprit délicat & fin : mérite qui ne s’accorde pas toujours avec le goût, mais qui répandoit des agrémens jusques sur ses plus mauvaises Lettres.
Le goût de déclamation y regne bien moins que dans les tragedies de ses compatriotes.
C’est son goût dominant. […] …) C’est égal, cette simplicité de goûts, très sincère chez Jean-Jacques, est un de ses charmes, et que rien ne pourra lui enlever. […] Le sujet est encore dans le goût de Marivaux. […] En dépit de son goût pour la solitude matérielle, il n’est préoccupé que de l’impression qu’il fera sur les autres. […] Tout le poussait de ce côté, son goût et son intérêt.
Comme Pascal, avec la faculté de concevoir les ensembles, Bossuet avait le goût et le souci du détail. […] Ainsi du moins en avaient jugé leurs contemporains tous trois ou tous quatre, et je crois qu’en dépit des progrès de la science et des changements du goût, ils avaient bien jugé. […] Pellissier ; et pour le moment, puisqu’elle était nécessaire, il n’est pas question de savoir s’il a fait preuve, pendant un demi-siècle qu’il l’a obstinément poursuivie, d’autant de goût que de fécondité d’invention verbale et de génie. […] Aucun goût, aucune délicatesse d’oreille, aucune idée précise des ressources de la langue et du vers français n’a guidé l’entreprise et les ambitions de la Pléiade. […] « Tous les goûts sont dans la nature », dit un commun proverbe ; et cela signifie qu’irréductibles, et quelquefois inconciliables entre eux, « nos goûts » sont nous-mêmes, la base physique de notre être, si l’on peut ainsi dire, puisqu’ils sont en nous l’héritage de toutes les influences qui nous ont façonnés.
Il avait des « goûts d’artiste », comme nous disons maintenant, l’amour des beaux ameublements, des œuvres d’art, d’un intérieur riche et un peu fastueux ; ces goûts étaient assez rares, à cette époque, dans la bourgeoisie. […] Considérée comme œuvre de polémique elle attaque le goût régnant dans la ville ; considérée en soi elle est une pièce sans sujet. […] L’idéal de la génération précédente était encore le goût de l’extraordinaire. […] Moquons-nous donc de cette chicane où ils veulent assujettir le goût du public et ne consultons dans une comédie que l’effet qu’elle fait sur nous. […] Aucun personnage de Molière ne peut être une abstraction, il a trop le don de la vie et le goût de la matière vivante.
Elle n’est pas mauvaise ; elle est d’un goût judicieux et sûr ; elle n’est pas bonne ; elle est froide et terne ; malgré son goût très vif pour Musset, M. […] Cette conclusion qui, avec beaucoup de goût, n’est qu’indiquée, est amusante. […] Une observation seulement, que je soumets (je tiens à souligner le mot) à son goût si sûr. […] Guitry, a montré beaucoup de tact, de goût et de sens du réel. […] Jean Raidzell n’aime plus sa femme et trouve qu’avec son peu de goût pour le monde et ses goûts simples elle est une maîtresse de maison peu décorative.
Cela tient à ce fait que les aînés méconnaissent toujours leurs cadets, que les pères se méprennent souvent sur les goûts des fils, qu’ils ne les voient pas distinctement et les jugent à contresens. […] On devrait la confier à des hommes de savoir, de pensée et de goût. […] Mais s’il en était autrement, si on s’intéressait à pareille poésie, notre état moral serait très grave, et le goût de notre époque dans un piteux état de perversion. […] Vielé-Griffin — ce qui est une preuve de goût. […] Mais, par la suite, on s’aperçut que ses goûts l’entraînaient sur une pente fatale, et que son amour exagéré pour la forme le précipitait vers les perversions les plus dangereuses et les plus maladives du sens esthétique.
Celui-ci consiste dans la manière ; ce n’est pas un genre à part, c’est le défaut de tous les genres : les amours d’une bourgeoise et l’ivresse d’un marquis peuvent être du comique grossier, comme tout ce qui blesse le goût et les mœurs. […] Plus on a le goût fin et exercé sur les bons modèles, plus on le sent ; mais c’est de ces choses qu’on ne peut que sentir. […] L’amour pastoral a une candeur, une aménité, un charme ravissant ; il rappelle l’âge d’or, où le goût seul faisait le choix des amants, et le sentiment, leurs liens et leurs délices. […] Pour sentir le mérite de la première, il ne faut que des oreilles et du bon sens ; mais la comédie chantée paraît être faite pour l’élite des gens d’esprit et de goût. […] Il est beau pour l’homme de goût, lorsque le musicien a bien saisi, non seulement le principal caractère de la déclamation, mais encore toutes les finesses qu’elle reçoit des intérêts de ceux qui parlent et agissent dans le drame.
Tout est du même goût. […] Ses amusements sont barbares et ceux de Smollett sont du même goût. […] Every man in his humour, ce titre d’une comédie du vieux Ben Jonson indique combien ce goût, chez eux, est ancien et national. […] Il ne voit en l’homme que la manie, et ce qu’il appelle le dada, le goût des fortifications dans l’oncle Tobie, la manie des tirades oratoires et des systèmes philosophiques dans M. […] C’est parce qu’ils sont pour nous insipides et lourds que le goût d’un Anglais s’en accommode ; nous comprenons à présent pourquoi ils prennent comme favori et révèrent comme philosophe le respectable et insupportable Samuel Johnson1098.
… Mérite-t-il de faire partie de la bibliothèque d’un homme de goût, si ce n’est comme les livres que Joubert — un critique bien autrement exquis que Sainte-Beuve — mettait dans la sienne ? […] A cette époque, le Romantisme, qui s’était affolé de Diderot et qui le proclamait presque le premier homme du xviiie siècle, car le Romantisme n’a jamais eu grand goût pour Voltaire, lui donna, en le faisant jouer, cette marque de considération dernière ; mais depuis il ne vint à personne l’idée de ressusciter Diderot à la scène. […] Dans ces jours solennels on représentera une belle tragédie qui apprenne aux hommes à redouter les passions ; une bonne comédie qui les instruise de leur devoir et qui leur en inspire le goût. » Voilà pourtant à quel point il était tombé dans la foi niaise à cette comédie qui n’a jamais corrigé personne. […] Grimm fut la couveuse du goût de Diderot, qui avait en lui le germe de tous les goûts, pour les tableaux et les statues. […] Ils n’ont de goût que pour ceux qui rampent.
Il ne se distingue point par le goût, par le jugement, et il a de singulières saillies d’imagination.
Dans cette seconde moitié, Casimir Delavigne s’attache à servir les goûts du public plutôt que les siens propres ; il côtoie et suit, il ne précède pas ; c’est le poëte obséquieux.
Michelet, selon moi, n’apprécie qu’à demi l’aimable précepteur et ne sent pas très bien tout Fénelon : il est plus choqué du théologien (et je le suis aussi) qu’il n’est attiré par l’homme de goût attique.
Élevé en Suisse où il reçut une éducation libre, rêveuse et solitaire, que n’aurait pas désavouée Rousseau, devenu plus tard le disciple et l’ami de Bonnet, qui dès l’abord s’empara, comme il le dit, de toute son âme, et depuis transporté dans les différentes contrées du nord et sous le ciel de l’Italie, il dut garder dans le commerce des hommes les habitudes intellectuelles de sa vie première, et surtout un goût décidé pour l’étude de soi-même et des autres.
J « Fleurs de luxe, de charme et de beauté, que l’on cultive encore aujourd’hui et qui seront bientôt les seuls vestiges du Japon splendide d’autrefois, … artificielles princesses choisies parmi les beautés les plus rares, élevées dans tous les raffinements du goût aristocratique, instruites des rites et de l’étiquette, savantes, virtuoses en tous les arts, jeunes, passionnées, enivrantes et… accessibles », ces Princesses d’amour, dans la cité d’amour, content et vivent des histoires d’amour évoquant les précieux décamérons et les merveilleuses « Mille et Une nuits ».
Son nom peut servir à deux époques différentes dans l’Histoire, chez notre Nation : au développement de la Philosophie, & à la corruption du goût.
La plupart sont d’un goût & d’une délicatesse capables d’effacer tout ce que la plupart de nos Poëtes fugitifs modernes ont fait de plus passable.
On peut ajouter que sa Poétique n’est nullement propre à servir de guide aux jeunes Auteurs qui voudront se former le goût.
La Poésie galante paroissoit être plus du ressort de son génie ; c’est pourquoi son Théatre lyrique réunit tous les suffrages ; & personne, depuis Quinault, n’a mieux saisi le vrai caractere, n’a mieux développé le goût, n’a porté plus loin l’intelligence nécessaire dans cette partie de nos Spectacles.
Rapin a joint celui d’écrire avec pureté & avec goût dans sa propre Langue.
Des suffixes en ose, la chimie et la médecine ont créé les mots dont glucose, amaurose sont des types assez bons et qui démontrent qu’avec un peu de goût la formation savante serait maniable sans danger pour la langue.
Ce vers si simple et si aimable : Je ne l’ai point encor embrassé d’aujourd’hui, est le mot d’une femme chrétienne : cela n’est point dans le goût des Grecs, et encore moins des Romains.
Pour que deux hommes soient parfaits amis, ils doivent s’attirer et se repousser sans cesse, par quelque endroit ; il faut qu’ils aient des génies d’une même force, mais d’une différente espèce ; des opinions opposées, des principes semblables ; des haines et des amours diverses, mais au fond la même sensibilité ; des humeurs tranchantes, et pourtant des goûts pareils ; en un mot, de grands contrastes de caractère et de grandes harmonies du cœur.
Ces jugements d’après [lesquels] nous appelons beau dans la rue ce que nous appellerons laid dans l’atelier, et alternativement ne nous permettent pas d’avoir une certaine sévérité de goût.
De là encore son goût si vif pour la tradition, pour le respect de l’évolution lente.
Furieux, nous avons combattu, le feu planait sur la demeure des hommes, et nous avons endormi dans le sang ceux qui veillaient aux portes de la ville. » Par ces propos de table et ces goûts de jeune fille, jugez du reste20.Les voici maintenant en Angleterre, plus sédentaires et plus riches : croyez-vous qu’ils soient beaucoup changés ? […] Nul goût pour la volupté : chez eux l’amour est tardif, l’éducation dure, la nourriture simple ; pour tous divertissements, ils chassent l’uroch et sautent parmi les épées nues. […] Le chemin des audacieux, la frontière de la terre, l’hôtellerie des fleuves, la source des pluies. » Bien plus, il achève ses instructions par des énigmes dans le goût des scaldes, comme on en trouve encore dans les vieux manuscrits avec les chants barbares. […] Bien plus, sous la contrainte du climat et de la solitude, par l’habitude de la résistance et de l’effort, le modèle idéal s’est déplacé pour lui ; ce sont les instincts virils et moraux qui ont pris l’empire, et parmi eux, le besoin d’indépendance, le goût des mœurs sérieuses et sévères, l’aptitude au dévouement et à la vénération, le culte de l’héroïsme. […] On peut voir encore les traces de ce goût dans les constructions anglaises.
On a parlé de l’article de Strindberg sur l’infériorité de la femme, d’après l’étude de ses sens, ce qui est incontestable sous le rapport du goût et de l’odorat, et à propos de cette infériorité, je rappelais une observation d’un livre de médecine, où il est affirmé que le squelette d’homme a une personnalité, que n’ont pas les squelettes de femmes, qu’on dirait fabriqués à la grosse. […] Et sur la passion de la peinture de Bracquemond fils, d’après des vitraux, il me confesse avoir ce goût, et avoir travaillé à Chartres, à Reims, et à Notre-Dame, à Notre-Dame, qu’il a habitée la matinée, presque deux années, visitant tous les coins et les recoins des tours, au milieu de ces anges suspendus dans le ciel, ayant comme des mouvements de corps, pour se retenir et ne pas tomber en bas. […] « Vous n’avez vécu que pour les choses de l’intelligence ; et, non content de chercher dans l’observation de notre coin de nature et d’humanité, matière à remplir vos études et à satisfaire la curiosité de vos goûts, vous avez élargi l’horizon contemporain, vous avez ressuscité le charme d’un siècle disparu, vous avez rapproché de nous la fantaisie et le mystère des arts lointains. […] Mardi 30 avril Le goût de l’Empire s’impose à tout, aux chaises même de jardin, de la Ménagère. […] Et le Parisien mangerait dans cette salle à manger, au milieu de ces panneaux en faux acajou, agrémentés de ces arabesques en poudre d’or, près de cette cheminée, jouant le chauffoir pour les serviettes d’un établissement de bains ; et le Parisien coucherait dans cette chambre à coucher, entre ces deux chaises épouvantant le goût, dans ce lit, qui est un matelas posé sur une pierre tombale !
Il semble qu’on n’ait plus, en ce moment, le temps ni le goût de lire des livres. […] On sentait en lui un homme de savoir, de forte culture, de goût raisonné, d’intelligence subtile et précise. […] Chaque baiser lui laisse aux lèvres comme un affreux goût de mort ; dans chacune des étreintes, il goûte comme une volupté sauvage et meurtrière d’étouffement. […] J’aime le goût de Francis Jourdain, et j’en fais grand cas. […] Marie-Claire est une œuvre d’un grand goût.
Delille s’est rendu célèbre par son goût pour la périphrase didactique ; mais je crois qu’il a été mal jugé. […] Un autre défaut auquel les artistes remédient instinctivement quand ils ont du goût, c’est la brièveté des jambes, si accentuée dans les photographies de femmes nues. […] Si vos goûts vous portent vers les femmes, ne faites pas étalage d’une inclination trop commune pour qu’elle puisse jamais attirer sur vous l’attention du monde. […] Dans le cas où vous auriez vraiment ce goût à la mode, je vous conseillerais au contraire une certaine réserve. […] Les goûts changent, et d’un jour à l’autre ; appliquée à l’amour, cette insinuation paraîtra très claire.
Quelques écrivains, médiocrement penseurs, doués seulement d’une vive sagacité littéraire, ouvrirent dès l’abord une ère nouvelle pour l’expression ; le goût, qui implique le choix et l’exclusion, les poussa à se procurer l’élégance à tout prix et à rompre avec les richesses mêmes d’un passé dont ils n’auraient su se rendre maîtres. […] Ce qui se marque plus volontiers pour nous dans le livre, et peut nous y intéresser encore, c’est un goût de science reculé et recélé du vulgaire, et le tenant à distance lui et ses sottes opinions, c’est le culte secret d’une sagesse qui, comme il le dit, n’aime pas à se profaner. […] En général, toutefois, le goût des livrés est acquis en avançant. […] Pour ce dernier, le goût des livres est une des formes les plus attrayantes de la propriété, une des applications les plus chères de cette prévoyance qui s’accroît en vieillissant ; il a ses bizarreries et ses replis à l’infini, comme toutes les avarices. […] Dans cette Rome des Barberins, Naudé put se croire d’abord transporté au règne de Léon X, d’un Léon X un peu affadi : son goût littéraire ne sentait peut-être pas assez la différence.
XX À son arrivée à Paris, M. de Talleyrand, toujours et justement favori des femmes célèbres par leur goût pour l’élégance d’esprit, par leur beauté ou par leur génie, retrouva dans madame de Staël une amie capable d’apprécier son charme et son talent. […] Son goût pour le premier n’était que de l’engouement ; son goût pour le second était de la politique. […] Thiers, Mignet, Villemain, auxquels il donnait le goût des grandes vues et le ton des grandes élégances : magister elegantiarum , portant son aristocratie naturelle dans ces jeunes aristocraties de nature. […] C’est une faute de goût autant que de point de vue : il faut savoir admirer.
On dira que nous avons raison l’un et l’autre, et qu’il ne faut pas plus disputer des goûts que des couleurs. […] Le besoin toujours croissant de bien-être, la soif d’amusement, le goût effréné du luxe, tout ce qui nous inspire une si grande inquiétude pour l’avenir de l’humanité parce qu’elle a l’air d’y trouver des satisfactions solides, tout cela apparaîtra comme un ballon qu’on remplit furieusement d’air et qui se dégonflera aussi tout d’un coup. […] Plus particulièrement, la comparaison des faits actuels à ceux d’autrefois nous invite à tenir pour transitoires des goûts qui paraissent définitifs. […] Beaucoup estiment que c’est l’invention mécanique en général qui a développé le goût du luxe, comme d’ailleurs du simple bien-être. […] Faites que je puisse meubler ma tête selon mon goût propre, et j’accepterai pour elle le chapeau de tout le monde.
L’Italie méridionale particulièrement conservait ce goût d’universalité, qui avait caractérisé le génie de la Grande-Grèce. […] Mais il aimait trop les généralités, pour s’occuper avec goût de la pratique du droit. […] Tandis qu’un Damiano Romano, accusait le système de Vico d’être contraire à la religion, le journal de Leipzig10 insérait un article envoyé par un autre compatriote de Vico, dans lequel on lui reprochait d’avoir approprié son système au goût de l’église romaine . […] Dans ses poésies, proprement dites, il a trop souvent sacrifié au goût de son siècle. […] Cet article, où l’on reproche à Vico d’avoir approprié son système au goût de l’Église romaine , avait été envoyé par un Napolitain.
C’est bien aussi la même veine de plaisanterie, grave, gauloise, le même goût du terme pittoresque ; mais le vocabulaire du « moderne » est plus varié, plus imprévu, plus fréquemment traversé de métaphores lumineuses. […] Dès les vers latins du collège, il révéla son goût pour les rythmes subtils et les paroles cadencées. […] Des jeunes gens venaient d’en exalter l’ambitieuse activité ; il avoua que cette époque était un peu tumultueuse et trouble pour son goût. […] On avouera que c’est ici une caricature, exécutée avec un art au moins malicieux, dans le goût de l’ami Coppée. […] Verlaine doit bien autre chose au « vieux Sachem » Théophile Gautier qu’une leçon de goût.
Cette fille d’un de nos meilleurs romanciers tient de son père la justesse pénétrante du trait, le goût de l’humble et quotidienne observation. […] Ses distractions étaient quelques dîners dont les convives avaient comme lui le goût passionné des idées. […] Le goût de la vie, partout visible chez les artistes toscans, devait se rebeller sans cesse contre les sévérités du mysticisme. […] Qu’ils soient romans, gothiques ou qu’ils annoncent la Renaissance, tous ces palais ont ce caractère commun de révéler à la fois un esprit guerrier et un goût raffiné de seigneurs riches. […] Il en a tous les caractères, le perpétuel étalage, le goût inné de la mise en scène, le souci constant de l’effet à produire.
Deux puissances la dirigent, l’une européenne, l’autre anglaise ; d’un côté ce talent d’analyse oratoire et ces habitudes de dignité littéraire qui sont propres à l’âge classique, de l’autre ce goût pour l’application et cette énergie de l’observation précise qui sont propres à l’esprit national. […] L’eau multiplie et amollit les tissus vivants ; les plantes foisonnent et n’ont point de suc ; la nourriture surabonde et n’a pas de goût ; l’humidité enfante, mais le soleil n’élabore pas. […] L’on comprend vite pourquoi, sous cette obligation de lutter et de s’endurcir, les sensations fines disparaissent, pourquoi le goût s’émousse, comment l’homme devient disgracieux et roide, comment les dissonances, les exagérations viennent gâter le costume et les façons, pourquoi les mouvements et les formes finissent par être énergiques et discordants à la façon du branle d’une machine. […] Point de pays où l’on soit plus exigeant à cet endroit. « Notre vice, me disait un d’eux, c’est la passion exagérée de toutes les choses bonnes et commodes ; nous avons trop de besoins, nous dépensons trop ; nos paysans, sitôt qu’ils ont un peu d’argent, au lieu d’acquérir un bout de terre, achètent le meilleur sherry, les meilleurs habits1328. » À mesure qu’on monte vers les hautes classes, ce goût devient plus fort.
ces ruptures-là sont irrévocables, — elle se trouva absolument isolée, avec l’habitude du travail de moins et le goût du plaisir de plus. […] Et puis, il faut le dire, tout cela finit par un paradoxe de goût qui fait faire une moue de répugnance à cette saleté de style, comme si l’on avait marché sur une immondice ! L’idée souffre le paradoxe, le goût ne le souffre pas. […] Parce que tout homme trouve en lui le discernement prompt et sûr qui fait admettre ou rejeter une pensée fausse, surtout en matière sociale, et que tout homme porte en lui le goût qui fait discerner le propre et le sale dans la langue comme dans la nature.
Ainsi s’explique la renommée dont il jouit en son temps ; et, si elle dépasse son mérite, elle fait honneur au goût de ceux qui la lui ont donnée429. […] Mais il ne parlera pourtant jamais la langue académique et mondaine : et la raison eu sera dans son tempérament plutôt que dans son goût. […] On goûte des parleurs académiques, élégants, descriptifs, satiriques, sensibles, qui prêcheront dans le goût des vers de Saint-Lambert ou de Delille, de plus en plus fades et édulcorés à mesure que le siècle avance. […] Lié avec Vaugelas, Balzac, D’Ablancourt, plus tard avec Boileau et La Fontaine, il faisait autorité en matière de langage et de goût.
Le génie du moraliste s’était révélé de bonne heure en lui par un goût très vif pour les livres où l’on traite de l’homme. […] Il vécut comme suspendu dans le vide, n’ayant plus les goûts qui, sans jamais le contenter, l’avaient du moins tenu occupé de recherches ou distrait par la réputation, et n’ayant pas encore cette curiosité des choses de la foi qu’il devait garder jusqu’à la mort. C’est même la peur de la perdre, et de ne retrouver ni la curiosité des choses de la science, ni le goût du monde, c’est l’horreur de ce vide qui fut la passion d’une partie de sa vie ; voilà le précipice qu’il avait sous les yeux, et au bord duquel il se tint comme accroché avec ses mains sanglantes, quelquefois affaibli, jamais épuisé. […] A défaut des exemples domestiques, le goût des spéculations de morale eût entretenu en lui la croyance du chrétien, tant il est impossible de s’occuper de morale sans rencontrer le christianisme, qui en est la science la plus complète.
Il est parfaitement dans le goût de Josèphe, et si cet historien a fait mention de Jésus, c’est bien comme cela qu’il a dû en parler. […] Cette façon de se prêcher et de se démontrer sans cesse, cette perpétuelle argumentation, cette mise en scène sans naïveté, ces longs raisonnements à la suite de chaque miracle, ces discours raides et gauches, dont le ton est si souvent faux et inégal 53, ne seraient pas soufferts par un homme de goût à côté des délicieuses sentences des synoptiques. […] On peut dire certaines choses de ses goûts et de ses tendances particulières : c’est un dévot très exact 72 ; il tient à ce que Jésus ait accompli tous les rites juifs 73 ; il est démocrate et ébionite exalté, c’est-à-dire très opposé à la propriété et persuadé que la revanche des pauvres va venir 74 ; il affectionne par-dessus tout les anecdotes mettant en relief la conversion des pécheurs, l’exaltation des humbles 75 ; il modifie souvent les anciennes traditions pour leur donner ce tour 76. […] Une seule chose : c’est que les textes ont besoin de l’interprétation du goût, qu’il faut les solliciter doucement jusqu’à ce qu’ils arrivent à se rapprocher et à fournir un ensemble où toutes les données soient heureusement fondues.
XI Une des circonstances qui grandit en moi ce vague sentiment littéraire m’est encore présente à l’esprit ; j’aime à me la retracer quand je me demande à moi-même d’où m’est venu l’instinct et le goût des choses intellectuelles. […] XII Mon père, à qui son goût pour la chasse avait fait découvrir ce site élevé et presque inabordable, s’y rendait souvent après le dîner, d’où l’on sortait alors à deux heures ; il y portait avec lui un livre, pour y passer en société d’un grand ou aimable esprit les longues soirées des jours d’été ; il m’y conduisait souvent avec lui, quand, vers l’âge de dix à douze ans, le collège me rendait à la famille. […] Il avait les goûts élégants et nobles dans une misérable fortune ; il adorait mon père comme un modèle du gentilhomme loyal et cultivé, qui l’entretenait de cour, de guerre et de chasse ; il aimait M. de Vaudran, qui lui avait ouvert sa bibliothèque ; il commençait à m’aimer, tout enfant que j’étais moi-même, de cette amitié qui devint mutuelle quand les années finirent par niveler les âges alors si divers ; amitié restée après sa perte au fond de mon cœur comme une lie de regrets qu’on ne remue jamais en vain. […] Ai-je goût pour rentrer dans ces lices politiques qui, fussent-elles rouvertes, ne reconnaîtraient plus nos accents posthumes ?
V Tel est ce drame : on y aperçoit déjà un raffinement de style qui touche de près à la corruption du goût chez les peuples vieux ; mais la candeur, la douceur, l’innocence des sentiments et des mœurs qui forment le fond de la religion et de la civilisation des Indes primitives, y édifient partout le lecteur ou le spectateur. […] VIII Cette littérature a eu ses époques d’enfance robuste et inculte comme les nôtres ; puis de perfection, où la simplicité s’unit au goût, à la richesse et à la force ; puis de décadence, où l’ornement et la manière efféminent le sentiment ou l’idée. […] IX Par une métaphore qui doit être bien naturelle à l’homme, puisqu’elle se retrouve dans les langues modernes comme dans cette langue primitive, les littérateurs indiens donnent aux différentes impressions morales produites par les genres divers de leur poésie, le nom de goût ou saveur ; ils y ajoutent l’assimilation des différents genres de littérature aux différentes teintes de couleurs qui affectent diversement les yeux. […] Puissent l’imagination dramatique et le goût délicat du poète lui assurer la gloire due au grand maître de son art poétique, et puisse-t-il nous initier toujours davantage dans cette science mille fois plus sublime et plus sainte, qui nous donne la connaissance des perfections de l’Être unique en qui se résument tous les êtres : Dieu !
Mais avec Esther et les représentations toutes royales qui s’en étaient suivies, il y avait eu un enchantement plus insensible et comme une légère ivresse de la communauté tout entière : le goût de l’esprit, de la poésie, des écritures de tout genre, s’était glissé dans ces jeunes têtes, et menaçait de corrompre à sa source l’éducation simple et droite, et principalement utile, dont elles avaient avant tout besoin. […] L’austérité, au reste, y est plutôt pour les maîtresses dont la vie se passe dans la vigilance, dans les précautions continuelles, et qui deviennent dès lors de vraies religieuses régulières par la solennité et la perpétuité des vœux : quant aux élèves et demoiselles, lors même qu’elles ont été guéries ou préservées, dans ce second et plus sûr régime, des dissipations d’esprit et des goûts d’émancipation trop mondaine, Mme de Maintenon a toujours lieu de dire : « Je ne crois pourtant pas qu’il y ait de jeunesse ensemble qui se divertisse plus que la nôtre, ni d’éducation plus gaie. » Les craintes qu’avait fait naître à un moment l’invasion du bel esprit étant passées, et le correctif ayant réussi, on revint à Saint-Cyr à une voie moyenne, et où le bon langage eut sa part d’attention et de culture.
Avec des goûts sérieux, il paraît s’être demandé de bonne heure comment il pourrait remplir de quelque occupation suivie cette existence toute d’étiquette ou de loisir, et il pensa qu’un journal dans le genre de celui de Dangeau, mais dressé et digéré avec plus de soin, pourrait avoir son utilité. […] Dussieux et Eudore Soulié ont eu l’idée de mettre au jour ces Mémoires du duc de Luynes, dont ils connaissaient l’existence, et ils ont été secondés dans leur désir par l’obligeance du duc actuel, qui a donné le dernier lustre à cette curiosité héréditaire dans sa famille par son amour éclairé des arts, par ses collections célèbres, et par le goût aussi bien que par la munificence qu’il y a portés.
Mais il s’aventure un peu trop, l’habile docteur, quand il exprime l’idée qu’on pourrait donner à la femme le dégoût du mal avant l’entière expérience, lui faire connaître les déboires de la trahison, avant qu’elle soit irréparable ; bref, mettre la femme en goût d’un amant et l’en déprendre avant qu’il soit trop tard : un vrai tour de passe-passe. […] Partout l’empreinte d’un goût délicat et d’une main blanche… Une atmosphère doucement imprégnée des parfums favoris… Quelque chose à la fois de voluptueux et de sacré… Je ne sais quel demi-jour de pudeur voilant l’éclat d’un luxe profane… » Il continuerait encore longtemps sur ce ton lorsque Clotilde rentre.
Ce sentiment ne prit point corps ni figure : Maurice, pauvre et n’ayant rien à offrir, alla à Paris suivre ses études, s’attacha à M. de Lamennais, le quitta, donna des leçons, essaya de la vie littéraire ; distrait et guéri, une jeune fille riche, une de ses élèves créole, se rencontra qui se prit de goût pour lui ; il se maria pour mourir presque aussitôt. […] Eugénie, plus âgée que Louise, l’aime beaucoup, l’aime comme une jeune sœur, la croit par moments un peu inégale en amitié, ne cesse pourtant de la chérir, et doucement, la voyant si légère avec sa couronne de seize ans, la sermonne un peu jusqu’à ce que Louise, à son tour, finisse par devenir elle-même sérieuse, posée, recueillie, et se laisse entrevoir à nous dans un coin du salon lisant par goût du saint Jérôme.
Un certain goût modéré de bien-être matériel ne les révolte nullement ni ne les scandalise ; ils ne trouvent pas que le moral en souffre nécessairement, et ils se montrent disposés à prendre leur part des bienfaits acquis à tous ; ils admettent volontiers que la santé vaut mieux que la maladie ; et en se résignant aux maux inévitables, en s’y soumettant même avec constance ou douceur, il ne leur arrive plus guère, comme aux dures époques et aux âgés de fer, d’appeler à haute voix les calamités, de les demander au Ciel comme un moyen d’expiation, et de les saluer presque comme une bénédiction et comme une grâce. […] « Ce qui constitue la qualité d’être civilisé, ce ne sont pas les délicatesses du goût, les ornements de l’esprit, le train de vie que l’on mène ; ce sont les actes, c’est la conduite, c’est le caractère.
Beugnot, celui pour lequel il était le plus fait par la nature de son esprit et par ses goûts, c’est la fin des belles années de Louis XVI, au lendemain de la guerre d’Amérique, l’heure de la popularité suprême et du dernier éclat des parlements. […] Il s’étonne presque de trouver Rœderer plus lettré, plus entendu aux choses de goût, moins étranger à la culture des arts, qu’il ne l’avait cru.
Mais n’admirez-vous pas la différence des époques, la décadence du goût plus sensible encore chez ceux qui ne craignent pas de se montrer en déshabillé ? […] Après tout chaque coterie a raison dans son genre de goût, à la condition de le garder pour elle et de ne pas prétendre l’imposer.
Mais, en réduisant cette dernière à sa juste valeur et en ne voyant dans la princesse naine qui y tenait le sceptre qu’un bel esprit impérieux et fantasque, il serait vraiment injurieux de pousser plus loin la comparaison et de confondre pour la qualité des goûts la duchesse du Maine avec son neveu. […] C’est presque une profanation, à côté de cette Mlle Leduc, même épousée et devenue comme dans une mascarade marquise de Tourvoie, de nommer la comtesse de Bouflers qui présidait avec tant d’intelligence et de goût au salon de l’Isle-Adam, cette généreuse amie de Hume, de Rousseau et de Gustave III, esprit supérieur malgré de légers travers, et dont quelques pages, aujourd’hui retrouvées, sont dignes de l’histoire41.
Quant à moi, n’est-ce rien que d’avoir été sauvé des dernières extrémités et d’être parvenu jusqu’à ce jour sans flatteries, sans bassesses, sans dépendance, même en général, et sans dettes, ayant reçu des services, mais en ayant rendu, ayant des amis (et choisis) et n’ayant eu ni chefs ni maîtres ; n’ayant pu, il est vrai, remplir ma destination, mais enfin n’ayant rien fait qui en soit précisément indigne ; connu d’un très-petit nombre (ce qui est fort selon mes goûts), mais un peu aimé ou estimé, un peu triste sur la terre et humilié de mes faiblesses, mais sans remords et sans déshonneur, très-mécontent de moi et déplorant le cours rapide d’une vie si mal employée, mais n’ayant point à la maudire ? […] J’étais destiné de toutes manières à voir la vie sans prestige, mais non sans goût et sans entraînement.
Cet homme de Schopenhauer, « qui n’aurait été conduit ni par son expérience personnelle, ni par des réflexions suffisamment profondes, jusqu’à reconnaître que la perpétuité des souffrances est l’essence même de la vie ; qui au contraire se plairait à vivre, qui dans la vie trouverait tout à souhait ; qui de sens rassis consentirait à voir durer sa vie telle qu’il l’a vue se dérouler, sans terme, on à la voir se répéter toujours ; un homme chez qui le goût de la vie serait assez fort pour lui faire trouver le marché bon, d’en payer les jouissances au prix de tant de fatigues et de peines dont elle est inséparable », cet homme-là ne se répandrait guère en chants lyriques ; et cet homme-là, c’est nous. […] Elle y eut cet avantage de rencontrer un état social qui leur donnait plus d’empire, et lit une loi de leur goût.
Car nul symptôme dans la montée démocratique ne laisse prédire une renaissance du goût public. […] À des allures sociales nouvelles correspondront des goûts insoupçonnés.
Bain, qui a peu de goût, comme on peut le voir, pour les expéditions métaphysiques, déclare qu’il n’abordera point le problème de la nature de la connaissance, difficile en lui-même et obscurci par des discussions séculaires. […] Il s’agit, pour l’artiste, de faire plaisir à la nature humaine, « d’accroître la somme de son bonheur. » Le premier but de l’artiste doit être de satisfaire le goût.
Pour moi qui, en qualité de critique, suis de ce lendemain plus que je ne veux, je me demande, après avoir lu Raphaël non pas s’il y a assez de beautés pour nous toucher çà et là et pour ravir les jeunes cœurs avides et qui dévorent tout ; mais je me demande si les esprits devenus avec l’âge plus délicats et plus difficiles, ceux qui portent en eux le sentiment de la perfection, ou qui seulement ont le besoin du naturel jusque dans l’idéal, ne sont pas arrêtés à tout moment et ne trouvent pas, à cette lecture, plus de souffrance de goût que de jouissance de cœur et d’émotion véritable. […] On a peine à s’expliquer de telles absences de goût.
Le goût de M. de Musset est arrivé à la maturité, et il serait beau à son talent de servir désormais son goût et de ne plus se permettre de faiblesses.
Il affecta seulement de dire partout qu’il étoit supérieur aux brocards d’un jeune poëte difficile en matière de goût ; qu’il ne lui feroit pas l’honneur de lui marquer de la sensibilité ; que ce seroit s’avilir de prendre la peine de le confondre. […] Ces chefs-d’œuvre qui firent les délices de la nation, le réconcilièrent avec elle & avec Despréaux : car cet excellent maître, en matière de goût ; fut toujours le premier à revenir de ses idées quand il s’apperçut qu’elles n’étoient pas justes.
Au reste, toute cette pièce est très-agréable ; mais elle fait peut-être allusion à quelque petit secret de société qui la rendait plus piquante : par exemple, au peu de goût que mademoiselle de la Mésangère pouvait avoir pour le mariage, ou pour quelque prétendant appuyé par sa mère. […] La Fontaine a senti l’objection prise du tort que l’on ferait à la société, si le goût de la retraite devenait trop général.
Seneque le pere qui exerçoit une profession des plus graves qui fussent de son temps, confesse que son goût pour les représentations des pantomimes étoit une véritable passion. […] Il y a environ vingt ans qu’une princesse, qui joint à beaucoup d’esprit naturel, beaucoup de lumieres acquises, et qui a un grand goût pour les spectacles, voulut voir un essai de l’art des pantomimes anciens qui pût lui donner une idée de leurs représentations plus certaine que celle qu’elle en avoit conçue en lisant les auteurs.
Défendez-vous de la maladie de votre siècle, ce goût fatal de la vie commode, incompatible avec toute ambition généreuse. […] Tout s’y tient, tout s’accorde pour définir le génie de l’auteur ; tout indique la domination définitive de la faculté maîtresse que nous avons reconnue dans les beautés et dans les défauts de son style, dans ses goûts et dans son impuissance d’historien et de peintre, et que nous reconnaissons dans le but, comme dans toutes les parties de sa philosophie, dans sa théorie de la certitude, de la raison, de la Divinité, de la justice et de l’art.
. — Perfection du style et du goût ; inspiration rare, hors celle du plaisir. — Charme puissant et longue durée de cette poésie. […] Mais il ne reste rien que d’exquis pour le goût et la vivacité des couleurs : il n’y manquerait pas même l’enthousiasme, le mens divinior, ce qu’Horace demandait au poëte, et ce qu’il a trouvé pour lui-même, parfois sans y prétendre.
Quoi qu’il en soit, il y eut procès, condamnation même, et c’est à la veille de cette plaidoirie plus que littéraire que j’adressai à l’auteur la lettre suivante, dans la pensée de venir en aide à la défense et de ramener la question à ce qu’elle était en soi, c’est-à-dire à une simple affaire de goût relevant de la seule critique.
J’en donnerai un extrait à l’usage des curieux en matière de biographie littéraire et qui, une fois mis en goût sur un auteur de renom, trouvent qu’on n’en sait jamais trop : …… Peut-être ne vous sera-t-il pas indifférent d’avoir quelques détails sur la jeunesse du philosophe dont vous suiviez avec tant d’amour les leçons dans sa petite chambre de la rue du Four.
Le faux goût est pire que le mauvais goût.
La critique, le goût et le style lui manquent tout à fait : rien que cela.
Tranchons le mot, tout cela est triste et honteux pour les Lettres, et nous avions grand’raison d’insister sur la nécessité pour le véritable homme littéraire et pour le poëte de modérer ses goûts, ses désirs de bien-être matériel, et de se tenir dans une certaine médiocrité, nourrice des bonnes et saines pensées.
Le second point de vue, la Mort dans la Vie (et ces espèces de jeux de mots symétriques, vie dans la mort, mort dans la vie, sont bien dans le goût du moyen âge), présente une vérité réelle plus aisée à reconnaître, tout ce qu’il y a de mort et d’enseveli au fond de l’âme de ceux qui passent pour vivants : Et cependant il est d’horribles agonies Qu’on ne saura jamais ; des douleurs infinies Que l’on n’aperçoit pas.
Que ne puis-je de même remédier aux défauts de composition, de goût et de clarté qui s’y rencontrent en foule !
Surtout Fénelon l’est par le goût, le délicat, le fin le négligent d’un tour simple et divin ; il l’est dans son Télémaque, dans ses essais de traduction d’Homère, ses Aventures d’Aristonoüs ; il l’est partout par une sorte de subtilité facile et insinuante qui pénètre et charme : c’est comme une brise de ces belles contrées qui court sur ses pages.
Bataille et d’Humières représente la pièce mondaine par excellence ; c’est travaillé par un peintre de salon et un officier de cavalerie, c’est du pathos convenable, policé, élégant, très étoffe de chez Liberty ; il y a des vers pâles et des phrases pour tous les goûts snobs.
Le poète a beaucoup de goût pour ses payses.
Poètes satiriques l’un et l’autre, il leur importait d’être défendus contre les ennemis qu’ils se faisaient, et protégés, non par le pouvoir royal, mais par l’approbation d’un prince dont le règne brillant dominait l’opinion générale, et faisait une mode de tout ce qui était de son goût.
M. de Voltaire auroit dû s’en tenir à ce jugement, qui faisoit honneur à ses lumieres & à son goût, & ne pas dire, dans un autre Ouvrage, que le Discours sur l’Histoire universelle n’est qu’une éloquente déclamation qui peut éblouir un jeune Prince, mais qui contente peu les Savans ; ce qui ne prouve que son injustice & son inconséquence.
Cet Auteur seroit-il moins estimable, en se montrant plus attentif à rejeter l’esprit de systême, qui lui fait envisager les choses du côté le plus singulier ; à éviter de certaines discussions, propres à faire briller l’éloquence, à la vérité, mais rarement d’accord avec l’exactitude & la solidité du jugement ; à interdire à son imagination quelques essors un peu trop libres ; & à retrancher de sa maniere d’écrire, des expressions, qui, pour être pittoresques & supposer la facilité la plus heureuse, n’en sont pas toujours, pour cela, conformes à la dignité du style & à la sévérité du goût ?
Malgré mon peu de goût pour tout ce qui peut paraître une affectation, j’ai cru devoir transcrire leurs noms tels que la langue grecque les présente.
Ceux de raisonnement & de morale furent principalement de son goût.
La morale, la curiosité, la noblesse de l’art, la pureté du goût, et peut-être la nature envieuse de l’homme, obligent donc de prendre les acteurs de la tragédie dans une condition élevée.
D’une part, vous pouvez offrir le tableau des mœurs dans toute sa naïveté : un vieux château, un large foyer, des tournois, des joutes, des chasses, le son du cor, le bruit des armes, n’ont rien qui heurte le goût, rien qu’on doive ou choisir ou cacher.
On oppose toujours Milton, avec ses défauts, à Homère avec ses beautés : mais supposons que le chantre d’Éden fût né en France, sous le siècle de Louis XIV, et qu’à la grandeur naturelle de son génie il eût joint le goût de Racine et de Boileau ; nous demandons quel fût devenu alors le Paradis perdu, et si le merveilleux de ce poème n’eut pas égalé celui de l’Iliade et de l’Odyssée ?
Chapus est un de ces rares esprits distingués par tant de tournure et une aristocratie si naturelle qu’ils doivent longtemps manquer le succès dans une société positive comme la nôtre, enragée d’égalité et d’envie, et chez qui, en fait d’appréciation des choses de goût, tout est devenu gros de ce qui était fin autrefois.
Charles Asselineau, qui a écrit d’une plume sobre et ferme la notice sur Furetière placée en tête de l’édition nouvelle, Charles Asselineau a plus que du goût littéraire, ce bon sens des petites choses ; il a aussi le bon sens des grandes, c’est-à-dire la virilité du bon sens.
Avec ses trois à quatre mille francs de rente personnelle, ses goûts modestes, il était exempt, pour sa vie entière, de soucis d’argent, et, après avoir vécu sans avarice, il devait laisser à sa mort deux cent mille francs d’économies. […] Amiel, Genevois attaché à Genève moitié par goût et moitié par force ; mais, en Monnier et Cherbuliez, le Genevois forain, que moitié par goût, moitié par illusion, emporte l’appel de Paris. […] Marc Monnier (Français d’ailleurs de naissance) va s’établir à Paris « plein de verve, de ressort, de gaieté et d’imagination, avec son étoile et son balancier, son goût sûr et sa facilité féconde ». […] Le goût d’Amiel pour l’œuvre de Frederika Bremer datait de loin. […] Il avait, quoi qu’il paraisse, peu de goût pour la solitude continue.
Sa première marque, c’est la connaissance et le goût des choses du théâtre. […] Legouvé met d’accord son goût pour la vertu et son goût pour l’art dramatique en considérant le théâtre comme une école. […] Legouvé y est presque tout entier, avec ses goûts et même avec ses manies. […] Bientôt Jalabert se lasse de la ville et des Varennes de la campagne ; mais dans l’intervalle, Mme des Varennes a pris le goût des champs, et Mme Jalabert le goût de Paris. […] Le goût s’en va de chez nous, et la mesure, et la délicatesse, et une certaine pudeur.
Et, le goût public, où serait-il ? […] Avec beaucoup de soin, de méthode et aussi de goût, MM. […] Ce n’est pas le goût de M. […] Goût de la vengeance. […] Goût de la vengeance, dit-il encore.
Dès l’enfance, il montra — le goût de la révolte, serait trop dire, — au moins le goût de l’originalité, une désinvolture assez coquette. […] Et Flaubert, qui avait le goût de la perfection, l’eût corrigé, son roman, plus d’une fois avant de le faire imprimer. […] Et le jeune Zola, que la griserie anime, confesse (ou proclame) qu’il a le goût dépravé. […] » Il a ses goûts et, chez lui, aurait grand tort de se gêner. […] Un mot bien vague, la justice ; le socialisme a le goût de ces mots bien vagues.
Celui qui le sent et qui l’aime, a le goût parfait ; celui qui ne le sent pas et qui aime en deçà et au-delà, a le goût défectueux. » C’est du La Bruyère, aux meilleurs passages. […] C’est un homme d’un goût si fin et si habile ce M. […] Croyez-moi, mes chers confrères, quand vous voudrez rester dans les bornes légitimes du goût, du style, des convenances, de l’imagination et de l’esprit, soit que M. […] D’art et de goût, de vérité et même de décence, il en est à peine question. […] Notre goût est ailleurs, et vraiment il n’y a pas de quoi s’arracher les cheveux.
Il manque de certaines délicatesses, il manque un peu de sensibilité véritable, de tact, de goût, et tout cela concorde. […] En revanche, il a beaucoup de goût pour la morale, pour un monde que tantôt il développe avec abondance et que tantôt il condense en un aphorisme. […] Mais le goût du plaisir, ce n’est pas l’amour. […] C’est un certain goût inné de l’élégance. […] Vous voyez que, comme théoricien, Théophile Gautier est allé trop loin, et c’est que, je crois, il avait le goût du paradoxe.
En revanche, les Mélanges du prince de Ligne, arrangés et publiés par Mme de Staël, « une vraie crème fouettée », obtiennent un succès fou ; ils ont jusqu’à trois et quatre éditions de suite dans la même année (1809) : « Et toute cette gloire, remarque Sismondi, a un peu consolé le vieux général des malheurs de sa patrie. » C’était l’année de Wagram en effet, et ce succès disproportionné qu’on faisait à un livre léger s’explique très-bien par la générosité française, j’aime à le croire, et aussi par ce goût d’opposition naturel de tout temps à certains salons. […] Le goût des voyages lui avait passé ; il s’était attelé à cette longue et interminable entreprise de l’Histoire des Français, qu’il devait mener jusqu’au vingt-neuvième volume sans la finir ; il trouvait encore, à travers cela, le moyen de plaider pour une économie politique moins hâtive que celle qui a prévalu, pour une science moins avide de résultats généraux et de satisfactions théoriques et plus soucieuse des individus, plus compatissante pour les générations qui vivent et qu’on ne supprime pas en un clin d’œil. […] Les idées des Thierry, des Guizot, ont peu influé sur lui ; on trouve, à le lire, un goût particulier de naturel et de sincérité ; c’est une lecture judicieuse, copieuse et saine.
Je ne vois âme qui vive de ce monde littéraire qui forme le goût, qui épure le langage. […] C’est là ce que vous avez compris et avec quoi vous me défendez contre le goût que j’ai si souvent et si innocemment offensé : qui remplira jamais cette tâche comme vous venez de le faire ? […] Heureusement que c’était à un poète lui-même qu’elle l’adressait ; car il se trouva que la Préface, mise en tête de ces humbles Essais, et qui n’était probablement pas de l’auteur des vers, se ressentait plus qu’il n’aurait fallu de l’existence de prolétaire à laquelle elle se rattachait, et avait un certain goût de doctrines sociales réputées dangereuses.
Laissez-moi achever, messieurs ; je crois que ce sera de meilleur goût ; je tiens à avoir mon affront jusqu’au bout, de même que j’ai mon public. […] On se plaint souvent que la littérature actuelle ne soit pas plus forte, plus élevée, plus semblable à celle des siècles précédents, des grandes époques précédentes : je ne sais ce que ces plaintes ont de fondé ; nous sommes trop juge et partie peur avoir voix au chapitre dans la question ; mais, en admettant le fondé du reproche, comment voulez-vous que la littérature, la véritable, celle qui a son inspiration propre, celle qui n’est animée ni du désir du gain ni de l’ambition des honneurs, mais qui a sa verve naturelle, originale, son goût de fantaisie ou de vérité, et d’une vérité piquante et parfois satirique (car ce ne sont pas les sujets qui manquent), comment voulez-vous que cette littérature qui sacrifie tout à elle-même, à sa propre satisfaction, au plaisir de rendre avec art, avec relief, et le plus excellemment possible ce qu’elle pense, ce qu’elle voit et dans le jour sous lequel elle le voit, comment voulez-vous qu’elle ait toute sa vigueur, sa joie, sa fierté et son indépendance, si, à tout moment, l’écrivain qui tient la plume a à se faire cette question : « Aurai-je affaire ou non à messieurs du parquet, à messieurs de la police correctionnelle ? […] Il est des travers et des vices qui ne relèvent que du ridicule : c’est un principe du goût, et la loi le méconnaît par cet article 11.
On monte l’escalier obscur, on sait où mettre la main pour trouver le bouton de la serrure, on s’imagine soi-même à table, à la place accoutumée, on revoit à droite la carafe et à gauche la salière, on savoure intérieurement le goût d’un certain plat du dimanche, on s’étonne, en levant les yeux, de ne pas voir, au même endroit du mur, une vieille gravure que, tout enfant, on a regardée. […] Quand, à la couleur et à la forme, nous prévoyons le goût d’une gelée de groseille, ou quand, les yeux fermés, sentant le goût de cette gelée, nous imaginons sa teinte rouge et le lustre de sa tranche vacillante, nous avons en nous des images avivées par la répétition.
C’est de là que date pour moi ma mésestime du gouvernement parlementaire d’alors, et mon goût pour la république ; gouvernement quelquefois terrible, mais au moins vigoureux et franc, où les dictatures ont la force des institutions, et qui font faire aux nations ce qu’elles veulent, et non pas ce que veut un groupe d’intrigants, mentant au peuple du haut de la presse et de la tribune, et faisant peur aux rois des peuples, et des rois aux peuples. […] XVIII Quoi qu’il en fût, M. de Marcellus, par esprit littéraire, et par esprit sérieusement chrétien, se mit à parcourir la Grèce nouvelle et l’Albanie, ni littéraire ni chrétienne, mais tour à tour, et selon le goût des Albanais, chrétienne ou mahométane comme son héros Scanderbeg, pour y chercher un nouvel Homère. […] Le peuple n’a ni le goût ni le temps, il a l’haleine courte ; s’il est pieux, un couplet des cantiques de Marseille ; s’il est impie, un couplet de Béranger, voilà son affaire ; s’il est soldat, une strophe armée de la Marseillaise ; voilà la poésie populaire.
Sensibilité vive, mais passagère et sans vapeurs ; raison nourrie sans être profonde, n’enfonçant guère dans les choses, mais parfois, et de la première vue, en découvrant le fond ; gaieté, sans rien d’éventé ; une douce mélancolie qui se forme et se dissipe au moment où elle s’exprime ; pas de vieillesse, sans la prétention de ne pas vieillir ; beaucoup de mobilité, avec le lest d’un grand sens qui écarte de la conduite l’imagination et les caprices ; du goût pour les gens en disgrâce, mais sans rancune contre les puissants ; une pointe d’opposition, comme chez tous les frondeurs pardonnés qui n’osaient ni se plaindre ni regretter, et qui se ménageaient pour un retour de fortune ; le cœur de la meilleure mère qui fut jamais, quoi qu’on en ait dit, capable d’amitiés persévérantes, et qui craignit l’amour plutôt qu’elle ne l’ignora ; tels sont les principaux traits de ce caractère, où le solide se fait sentir sous l’aimable, et où l’aimable n’est jamais banal. […] Mme de Sévigné y avait pris, avec le goût pour le relevé, qui en était le beau côté, la recherche du rare, qui en était le travers. […] Un critique qui, après cette première impression de vérité et de vie, voudrait faire des réserves au nom du goût, trouverait à noter dans ces portraits plus d’une infraction aux règles de l’art et plus d’un effet illégitime.
Quel contraste entre la douceur naïve d’un enfant, et les meurtres, les peines, les ruines, les fatigues, les maladies, les souffrances de toute nature qui ont rendu possible sa venue en ce monde après tant de générations ; que représentent sa vie même, sa nourriture, ses vêtements, les objets de ses premiers désirs et de ses goûts enfantins ! […] Et l’ironie, ici encore, peut permettre à nos goûts et à nos idées de se déployer avec plus d’harmonie. […] Il n’est pas mauvais que nous nous en apercevions quelquefois et que nous n’ayons point trop la prétention d’ériger en dogme éternel et immortel, nos opinions et nos goûts qui sont toujours affaire de temps, de lieu, de circonstances et qui relèvent même de notre fantaisie.
Également convaincus de l’insignifiance des choses passagères, épris du même goût de l’éternel, nous ne pourrions nous résigner à l’aveu d’une distraction consentie vers le fortuit et l’accident. […] Si les gens de goût me reprochent de m’être montré fils de mon siècle en prétendant ne pas l’être, je les prie d’être bien persuadés au moins que cela ne m’arrivera plus. […] J’ai eu un goût vif de l’univers.
En un mot, M. de Latouche, en cette occasion, fit un acte de goût, original et courageux, ce qui est aussi rare et plus rare encore qu’un acte de courage dans l’ordre civil. […] Je ne tirerai qu’une conséquence purement relative à la littérature et au goût. […] Il est fâcheux pour Béranger qu’il ait persisté publiquement dans une opinion aussi contraire, je ne dis pas seulement aux faits, mais au goût et à la saine critique, que de croire Latouche coauteur des Poésies d’André Chénier et de l’en déclarer capable.
Toutefois, dans son ensemble, et précisément parce qu’elle est pratiquée par de nombreux esprits d’espèces fort diverses, la littérature déconcerte souvent par sa richesse et sa variété ; la valeur relative et la valeur absolue se confondent, les goûts se contredisent, les idées heurtent des opinions personnelles, et, dans l’enchevêtrement des causes, des effets, des précurseurs, des attardés, des formes traditionnelles, des formes neuves et sincères, il est presque aussi malaisé de dégager la ligne essentielle qu’il est difficile de définir « la vie ». […] Dans une pareille étude, malheur à celui qui, dénué d’esprit philosophique et de goût esthétique, se laissera tromper par la ressemblance extérieure des formes, qui confondra la valeur relative avec la valeur absolue, la tradition avec la création, ou qui, dédaigneux des faits de la réalité, voudra mettre l’histoire au service de ses sympathies personnelles ! […] Le trottin de Paris, qui se fait pour une somme modique une toilette originale qu’elle porte avec goût, est une artiste ; le fruttivendolo, qui dispose avec amour et avec un sens très sûr des couleurs et des formes ses fruits et ses légumes, est un artiste.
Disons donc, si l’on le veut, que c’est une preuve de peu de goût. […] Son goût personnel n’est de rien dans le choix de ces mots. […] Joignez le goût de la contradiction. […] Ces plaisanteries nous semblent aujourd’hui d’un goût douteux. […] Le goût n’y était plus !
Il institue ainsi un faux Sublime, auquel la foule se laisse prendre, et qui perturbe le goût public. […] Pensez à la substance immortelle qu’il y a dans un seul petit vers de Villon, à goût de pain et odeur de fumée ! […] Ils ont perdu le goût du vin et la connaissance des bons crus. […] Mais quel goût, quelles nuances dans l’appréciation, et quelle force dans le départ, l’élan, le démarrage ! […] Il s’était présenté à lui par sa grimace, qui était factice et puérile, non par son goût, qui était direct et sublime.
Je me considérerais donc comme très-ingrat (et il mit le billet de banque dans sa poche) si je vous refusais la faveur que vous voulez bien me demander aujourd’hui. » Voilà de quel air un homme de goût faisait ses affaires. […] À Paris, disait lord Chesterfield à son fils, recherchez la conversation polie ; « elle tourne sur quelque sujet de goût, quelques points d’histoire, de critique et même de philosophie, qui conviennent mieux à des êtres raisonnables que les dissertations anglaises sur le temps et sur le whist815. » En effet, nous nous sommes civilisés par la conversation ; les Anglais, point. […] Ces sermons n’ont point l’art et l’artifice, la correction et la mesure des sermons français ; ils ne sont pas comme eux des monuments de style, de composition, d’agrément, de science dissimulée, d’imagination tempérée, de logique déguisée, de goût continu, de proportion exquise, égaux aux harangues du forum romain ou de l’agora athénienne. […] Avec Addison, avec Steele et Swift, le goût et le génie font irruption dans la polémique. […] Dubois, qu’on fait tomber dans le ruisseau. — Ces jeunes filles si correctes vont voir jouer Love for Love de Congreve ; les parents ne craignent pas de leur donner miss Prue en spectacle. — Voyez aussi par contraste le personnage du capitaine anglais, si rustre ; il est l’hôte de Mme Duval, et la jette deux fois dans la boue ; il dit à sa fille : « Molly, je vous conseille, si vous faites quelque cas de mes bonnes grâces, de ne plus avoir un goût à vous, en ma présence. » — Le changement est surprenant, depuis soixante ans.
Il n’y a pas jusque dans la forme, assez simple d’ordinaire, une persistance d’un goût douteux à insister sur de certains effets, qui ne vienne, elle aussi, du roman anglais. […] Or, Julien a le goût du sang ; sa première victime est une souris blanche, puis ce sont les oisillons du jardin, et les pigeons du colombier. […] Ils ont une ferme intention et un propos délibéré : c’est de donner au public ce que le public demande, et de le servir selon son goût. […] Et dans son arrière vieillesse, bien marié, bien renté, le goût de ce baiser, s’il lui remonte aux lèvres, lui reviendra comme un joyeux souvenir de sa conquérante jeunesse. […] Et alors, si c’est une mystification, ils la trouvent d’un goût douteux, mais si c’est une gageure, ils n’hésitent pas à dire que M. de Goncourt l’a perdue.
Il fallait songer à placer le jeune garçon dans un milieu où il pût satisfaire son goût pour l’étude et développer les rares qualités qu’il avait déjà manifestées. […] Ils étaient en même temps d’accord pour critiquer chez lui un goût immodéré pour les classifications, les abstractions et les formules. […] L’enseignement universitaire et l’École normale développèrent encore en lui certains côtés de l’esprit classique : le besoin de généraliser et d’abstraire, le goût pour la systématisation et pour la raison oratoire. […] Mais on sent le goût de la réalité concrète qui le saisit et l’entraîne. […] J’ai cru y reconnaître un désir sincère et un effort énergique pour se corriger de son défaut principal, qui est un goût excessif pour l’abstraction.
Il s’agit du garde des sceaux d’Argenson tel qu’il était en province dans sa jeunesse : Voici le vrai texte : Au reste, il était gaillard, d’une bonne santé, donnant dans les plaisirs sans crapule ni obscurité ; la meilleure compagnie de la province le recherchait ; il buvait beaucoup sans s’incommoder, avait affaire à toutes les femmes qu’il pouvait, séculières ou régulières, un peu plus de goût pour celles-ci… Il disait force bons mots à table, il était de la meilleure compagnie qu’on puisse être.
Jasmin, au milieu de ses airs d’improvisation, travaille beaucoup ses poëmes : il est de l’école qui fait difficilement des vers faciles, et qui revient par le goût à la nature.
Née à la Havane dans cet opulent climat qui plus tard lui faisait paraître l’Andalousie si chétive, et où les mouches volantes seraient seules des clartés suffisantes de la nuit, la jeune Mercedès Jaruco, élevée d’abord et très gâtée chez sa grand-mère, puis mise au couvent où elle ne peut tenir et d’où elle s’échappe un matin, puis auprès d’une tante de chez laquelle elle s’échapperait non moins volontiers, nous apparaît dans sa beauté native, sachant lire à peine, souvent sans bas, un peu sauvage, ne s’arrêtant jamais entre un désir et son but, courant à cheval et tombant, grimpant à l’arbre et s’évanouissant au toucher d’une couleuvre, bonne pour les nègres, dévouée au premier regard pour ce qui souffre ; on se plaît à admirer une enfance si franche et si comblée des plus riches dons, racontée avec finesse et goût par la femme du monde.
La sagesse s’acquiert, parce qu’elle est toute composée de sacrifices ; mais se donner un goût, mais inspirer un penchant, sont des mots contradictoires.
Il interprete les Loix, comme l’eût fait le Législateur lui-même ; il expose le Droit naturel & le Droit public, comme s’il étoit l’interprete de la Nature & de toutes les Nations ; il parle de Littérature, comme si les Muses, les Graces & le bon Goût l’eussent rendu dépositaire de leurs oracles.
Le goût, ou pour mieux dire, une passion enthousiaste pour les Lettres, le porta à de grands sacrifices, & l’engagea dans de grands écarts.
Tout un mois, chaque année, au sortir des noires et mélancoliques études de la vie contemporaine, il était le travail dans lequel se recréait, comme en de riantes vacances, leur goût du temps passé.
Cette incertitude, ce doute où La Fontaine s’enveloppe avec l’apparence naïve de la bonne foi historique, est bien plaisante et d’un goût exquis.
Elle se perfectionna sous la Muse française, se soumit aux règles du goût, et atteignit sa troisième époque.
Si un homme qui fait bien aujourd’hui et mal demain, est un homme sans caractère ou sans principes, que faut-il dire du goût de celui qui associe dans un même cabinet des choses si disparates ?
Il n’a pas assez regardé les grands maîtres de l’école d’Italie ; il a rapporté de Rome le goût, la négligence et la manière de Boucher qu’il y avait portés.
Sa malice le poussant à contredire ce que son goût l’inclinait à approuver, il a réussi à satisfaire ses deux penchants et, tout compte fait, j’aurais, je crois, mauvaise grâce à me plaindre.
D’un autre côté, que madame de la Fayette fût de l’hôtel de Rambouillet et portât des jupons musqués de peau d’Espagne, la quintessence du goût dans une si délicate créature ne pouvait aller jusqu’au faux et au violent, et l’aurait, à ce qu’il nous semble, empêchée d’écrire l’épisode de la chemise, au madrigal sanglant, qui touche à l’impudeur, et qui est bien plus une idée du temps d’Henri IV qu’une idée du temps de Louis XIV.
L’honneur militaire, de ce point de vue borné, paraît une folie ; le goût des grandes choses, la gloire de l’esprit sont des chimères ; l’argent dépensé pour l’art et la science est de l’argent perdu, dépense follement, pris dans la poche de gens qui se soucient aussi peu que possible d’art et de science. […] Il était supérieur en un sens à la majorité du Pays ; il aimait le bien ; il avait un goût réel peu éclairé sans doute, cependant, de la noble culture de l’humanité. […] Les classes éclairées n’ont pas laissé dépérir le goût de l’art, de la science, de la littérature, d’un luxe élégant ; mais la carrière militaire a été abandonnée. […] C’est le goût de la démocratie superficielle. […] Il faut un centre aristocratique permanent, conservant l’art, la science, le goût, contre le béotisme démocratique et provincial.
« L’Académie, dit-il, a des devoirs qui contrarient ses goûts. […] Ils attendaient quelque chose de plus conforme à leurs aspirations et à leurs goûts. […] C’est à sa manière un don Quichotte du vice, qui a le goût des aventures et des moulins à vent. […] La paresse, le goût de la parure, la soif effrénée du plaisir, sont les auxiliaires les plus habituels de la corruption des mœurs. […] Victor Hugo peint monseigneur Myriel comme ayant un goût très vif pour la culture des fleurs.
La philologie doit être, à mon avis, œuvre d’artiste, tout comme la littérature : il y faut aussi du goût et du choix. […] En voici quelques vers qui suffiront à donner une idée du goût de l’époque. […] C’est un imbroglio dans le goût du temps. […] Il s’en fallait de beaucoup que Corneille eût le goût aussi sûr que son génie était puissant. […] Son premier soin a été de se faire habiller de pied en cap au goût du jour.
Pourtant, dans ses goûts changeants, Paris a gardé une sorte de fidélité à l’un de ses plus singuliers bijoux, à Mme Sarah Bernhardt. […] Mais c’est un goût, ou plutôt un dégoût particulier que j’ai comme cela. […] Et pour donner à sa thèse l’autorité d’un exemple convaincant, il parla, les larmes aux yeux, des goûts campagnards de celui qu’une légende menteuse nous représentait comme un coureur de salon et de ruelles. […] Le goût qui présida à l’ameublement de ce livre fut exquis. […] En revanche, je demande qu’on me laisse libre dans le goût que j’ai de lui.
qui ne soit, ou qui ne puisse être indépendant des goûts personnels, des sympathies particulières de celui qui se propose d’expliquer, de classer, ou de juger ? […] France en perdit ce jour-là jusqu’au goût d’atticisme, — ou plutôt d’alexandrinisme, — dont il se pique d’habitude. […] Il savait bien que si son goût était bon, ce n’était pas comme sien, mais, au contraire, comme extérieur et supérieur au sien propre, et que l’objet de la critique est d’apprendre aux hommes à juger souvent contre leur propre goût. […] Convenons-en donc de bonne grâce ; mettons quelque chose au-dessus de nos goûts ; et puisqu’il faut de la critique, disons qu’il n’y en saurait avoir qui ne soit objective. […] Même, à ce prix, nous voyons qu’on lui passe, comme à Fielding, de manquer de goût, comme à Balzac, de manquer de style, comme à Tolstoï, de manquer d’art ou de composition.
Le rôle de Mercutio paraît avoir coûté à son goût et à la justesse de son esprit. […] Il paraît que, dans cette pièce, Shakspeare avait pour but de faire la caricature d’une troupe de comédiens rivale de la sienne, et peut-être de tous ces artistes amateurs chez qui le goût du théâtre est une passion souvent ridicule. […] C’est bien le même homme, il serait impossible de le méconnaître ; mais encore vieilli, encore plus enfoncé dans ses goûts matériels, uniquement occupé de satisfaire aux besoins de sa gloutonnerie. […] Ah pour l’être trop peu, blessures trop cruelles, De peur de m’obliger vous n’êtes point mortelles, Tel était le malheureux goût de ce temps-là. […] Nouvelle preuve du goût du temps.
Daburon, qui s’occupait avec succès de botanique, lui en inspirait le goût, et le guidait pour les premières connaissances. […] D’illustres savants, que j’ai nommés déjà, et dont on a relevé fréquemment les sécheresses morales, conservèrent aussi jusqu’au bout, et malgré beaucoup d’autres côtés moins libéraux, le goût, l’amour des sciences et de leurs progrès ; mais, notons-le, c’était celui des sciences purement mathématiques, physiques et naturelles. […] Les Lettres de Jean-Jacques sur ce sujet lui tombèrent un jour sous la main, et le remirent sur la trace d’un goût déjà ancien. […] Ce goût, cette science des poëtes se mêla passionnément à sa botanique, et devint comme un chant perpétuel avec lequel il accompagnait ses courses vagabondes.
” » Ces paroles si bonnes et le goût que le caractère grave et la figure gracieuse et modeste du futur cardinal inspiraient au majestueux et beau pontife Braschi, ranimèrent les espérances bornées de Consalvi. […] J’éprouvais un goût très prononcé pour les voyages, goût que je n’avais pu satisfaire jusqu’alors que par une petite course à Naples et en Toscane, d’où j’étais revenu depuis peu. […] Consalvi crut nécessaire de lui suggérer que, pour ne pas les augmenter et même pour les diminuer autant que possible, non-seulement il était indispensable de conserver le secret le plus absolu jusqu’à ce que la chose fût ébruitée par les adversaires, mais encore qu’à l’instant où ils la soumettraient aux intéressés, lui, cardinal Braschi, pour témoigner une grande modération et une parfaite indifférence, devait répondre que, ses relations particulières avec le cardinal Chiaramonti pouvant faire arguer qu’en le patronnant auprès de ceux de son parti il cherchait plutôt à satisfaire son amitié et ses goûts qu’à procurer le bien de tous, il entendait renoncer en une certaine façon à l’honneur de chef de parti.
C’était un mince petit volume d’une magnifique impression, édité à cinq ou six cents exemplaires, et qui paraissait plus fait pour être offert par un auteur timide à un petit nombre d’amis d’élite et de femmes de goût, qu’à être lancé à grand nombre dans le rapide courant de la publicité anonyme ; je n’avais pas même permis à M. de Genoude et au duc de Rohan, mes amis, qui s’en occupaient à mon défaut, d’y mettre mon nom. « Si cela réussit, leur disais-je, on saura bien le découvrir, et si cela échoue, l’insaisissable anonyme ne donnera qu’une ombre sans corps à saisir à la critique. » III Le volume ne fut mis en vente que la veille de mon départ de Paris. […] Il avait conservé ce goût de musique et cet instrument du temps de sa jeunesse où il avait été fifre dans un régiment du roi de Sardaigne. […] Léopold, quoique frère de l’empereur d’Autriche, et empereur ensuite lui-même, avait inoculé le goût et l’habitude des gouvernements libres à l’Italie ; il y avait été le précurseur de la révolution et de la tolérance administrative et religieuse descendues du trône sur les sujets. […] Princesses de Saxe, elles avaient apporté de ce pays lettré, dans cette terre des beaux-arts, l’instruction et le goût de tout ce qui est l’idéal des grands esprits et des cœurs enthousiastes.
J’étais vulnérable par mon goût pour la société. […] Il me savait attachée à mes amis, à la France, à mes ouvrages, à mes goûts, à la société ; il a voulu, en m’ôtant tout ce qui composait mon bonheur, me troubler assez pour que j’écrivisse une platitude dans l’espoir qu’elle me vaudrait mon rappel. […] Quand il s’agit de plaire au théâtre, l’art de se circonscrire dans un cadre donné, de deviner le goût des spectateurs, et de s’y plier avec adresse, fait une partie du succès ; tandis que rien ne doit tenir aux circonstances extérieures et passagères dans la composition d’un poëme épique. […] « Boileau, tout en perfectionnant le goût et la langue, a donné à l’esprit français, l’on ne saurait le nier, une disposition très-défavorable à la poésie.
Les austères séquences du contre-point pur s’étaient retirées, devant le goût nouveau d’une Eurythmie stable, dont le schème facile semblait répondre à la direction exclusive de la musique vers l’euphonie italienne. […] Contre l’entraînement d’un goût dépravé, il avait à défendre son trésor, le trésor d’une richesse infinie. […] Les deux maîtres étaient partis d’une situation égale : tous deux placés, sans fortune personnelle, dans un monde où les choses utiles, seules, sont payées, où les choses belles doivent, pour être récompensées, flatter les goûts extérieurs ; où les choses sublimes demeurent, nécessairement, sans rémunération. […] Mais sa nature lui permettait de vivre sans demander au monde aucune jouissance d’agrément extérieur ; et il en est résulté pour lui une nécessité moindre, aussi bien à faire des œuvres rapides et superficielles, qu’à s’efforcer vers la satisfaction d’un goût avide, seulement, de distractions plaisantes.
» VII Nous ne parlons pas ici de rabelais, le génie ordurier du cynisme, le scandale de l’oreille, de l’esprit, du cœur et du goût, le champignon vénéneux et fétide, né du fumier du cloître du moyen âge, le pourceau grognant de la Gaule, non le pourceau du troupeau d’Épicure comme dit Horace : … Epicuri de grege porcum ! […] Deux écrivains du xviie siècle ont laissé à la France, en l’amusant, la délicatesse de ses plaisirs et de son goût. […] J’avais encore cinq ou six ans à aimer le théâtre, la musique, la table ; il faut vivre de privations et d’économies ; je saurai me passer de ce que je ne puis avoir sans m’enchaîner, je suis un philosophe également éloigné de la superstition et de l’impiété, un voluptueux qui n’a pas moins d’aversion pour la débauche que de goût pour le plaisir. […] Son père, administrateur par état, était homme de lettres par goût ; il avait profondément étudié J.
Vouloir, par un calque minutieux et servile, prendre les images et les couleurs de Pindare ou de Sophocle afin d’en couvrir la simplicité évangélique, c’était un faux travail, un sacrilège pour le goût plus encore que pour la foi. […] Moins théologien, moins éloquent que saint Grégoire, Synésius a pourtant de grands traits de similitude avec lui, la même science et le même amour des lettres profanes, le même goût de l’élégance et de l’harmonie, et, ce qui vaut mieux, la même élévation de cœur, la même fierté sensible et délicate, à travers tout l’effort de l’humilité chrétienne. […] Moins inquiet, dans une moindre église, éloigné de la controverse et des intrigues de cour, il gardera plus librement le goût de ses premières études, comme il a conservé les tendresses domestiques de sa première union, et son espérance naïvement exprimée, d’en voir naître de nombreux enfants. […] C’est le goût du bonheur terrestre, du repos honoré, de l’heureuse médiocrité, le vœu de l’épicurien Horace ; c’est la crainte et l’aversion de la pauvreté, que bénissait l’Évangile ; c’est sans doute aussi la crainte des troubles et des vices, mais par sobriété philosophique et par sagesse mondaine.
. — Celui qui l’a lu (j’entends toujours lu à la source), dans tout ce monde du xviiie siècle, ce n’est ni d’Alembert, ni Duclos, ni Marmontel, ni même le critique La Harpe, dont ce serait pourtant le devoir et le métier ; ce n’est pas même Fontanes, d’un goût si pur, mais paresseux. […] Et c’est ainsi que les trois poètes, en présence d’un ancien, nous donnent tour à tour la mesure de leur procédé et de leur goût.
Il annonçait du goût pour l’état ecclésiastique. […] On a quitté Nevers, on est allé à une campagne voisine, aux Coques : Désert, calme, solitude, vie de mon goût qui recommence.
Biot, qui se sentait un certain goût pour son métier d’artilleur, avait même inventé un petit instrument, une petite hausse, qu’il adaptait à sa pièce pour mieux pointer. […] Littérateur correct et instruit, il établit dans cet article un principe qu’il pousse un peu loin, et sur lequel il ne varia jamais : c’est que les grands écrivains et les grands poètes du passé, Homère tout le premier et ensuite Virgile, lequel, dit-il, « avait plus de goût encore qu’Homère, » n’ont jamais rien dit, n’ont jamais employé pour peindre les choses un seul mot qui ne fût pris dans la nature : « On ne rencontre pas dans les Géorgiques une seule expression impropre, une seule épithète oiseuse ou inexacte.
Méchancetés, indiscrétions, mensonges, faux rapports, tracasseries, toutes les bêtises de la malice humaine rassemblées dans un cercle étroit et redoublées par l’étiquette, elle éprouve tout cela dans ses relations avec sa mère, avec l’Impératrice, avec son fiancé, avec les femmes qu’on lui donne pour argus ; elle est obligée de garder des mesures avec chacun, et, malgré sa grande jeunesse et son goût vif d’amusement et de plaisir, elle s’en fait une loi : comme chez tous les grands ambitieux (Sixte-Quint, Richelieu), sa passion dominante est assez forte pour se plier à tout et s’imposer d’abord la souplesse ; son orgueil fait le mort et rampe pour mieux s’élever ; seulement, femme et charmante femme qu’elle est, elle a ses moyens à elle, et elle y met de la grâce : « Au reste, je traitais le mieux que je pouvais tout le monde, et me faisais une étude de gagner l’amitié, ou du moins de diminuer l’inimitié de ceux que je pouvais seulement soupçonner d’être mal disposés en ma faveur. […] Cependant, quand les dames avaient ordre d’y venir en habits d’homme, j’y venais avec des habits superbes, brodés sur toutesles coutures ; ou d’un goût fort recherché, et cela passait alors sans critique : au contraire cela plaisait à l’Impératrice, je ne-sais pas trop pourquoi (on vient de voir au contraire qu’elle soupçonne bien pourquoi).
Un homme de goût, que les questions archéologiques intéressent, me disait en sortant de cette lecture : « C’est plus fatigant qu’ennuyeux. » Le mot me paraît très-bien résumer l’impression des plus sérieux lecteurs. […] Flaubert très-vivant, que nous l’aimons et qu’il nous aime, qu’il est cordial, généreux, bon, une des meilleures et des plus droites natures qui existent, je dis hardiment : Il y a là un défaut de goût et un vice d’école.
Elle avait vingt-cinq ans, un goût très-vif pour les lettres et les beaux-arts, un caractère d’ange, et, malgré toute sa fortune, des circonstances domestiques pénibles et désagréables, qui ne lui permettaient d’être ni aussi heureuse ni aussi contente qu’elle l’eût mérité. » Ces circonstances, on peut assez les préciser aujourd’hui. […] Elle était de taille moyenne, mais bien prise et d’une grande blancheur ; elle avait de très beaux yeux, les dents parfaitement belles, l’air noble et doux, un maintien simple, élégant et modeste ; son esprit, cultivé par la lecture des meilleurs auteurs, y avait puisé un discernement juste, et acquis la facilité de bien juger des hommes et des ouvrages de goût. » Alfieri, qui n’avait fait d’abord que traverser Rome et qui s’était livré ensuite à des courses errantes et comme haletantes dans le midi de l’Italie, n’y tint pas ; il revint, et lui, si altier, si fier, mais encore plus amoureux, il fit tant et si bien auprès du bon cardinal et de tout le Sacré Collège et de tous les monsignori du lieu, qu’il obtint à son tour la grâce d’habiter la même ville que son amie.
Viollet-Le-Duc se soit piqué d’honneur et ait tenu à faire ses preuves d’homme de goût ? […] Beulé a comme répondu à cet appel que je faisais à sa générosité et à son goût : dès le mois suivant, à propos d’un livre sur les Antiquités mexicaines dont l’Introduction était due à M.
J’ai cru remarquer pourtant que de ces deux parties de Don Quichotte, toutes deux si agréables dans leur diversité et qui se complètent si bien, les lecteurs d’un goût difficile et d’un jugement plus froid estiment la seconde supérieure, tandis que les esprits plus poétiques ou qui accordent davantage à la fantaisie, continuent de donner la préférence à la naïveté de la première. […] G. de Lavigne a fait plus, il a critiqué la seconde partie du Don Quichotte de Cervantes et s’est mis par là en contradiction avec le goût public presque universel.
C’étaient là des fautes de goût que peu de personnes par-delà sentirent. […] Le poëte vieillissant a mis ses goûts à la raison ; il s’efforce d’accepter la loi du temps, de s’y soumettre sans murmure ; lui si fier de sa chevelure de jais, si épris dans sa jeunesse de la beauté réelle et sensuelle, il en est venu aux délicatesses morales, aux subtilités mortifiées ; il célèbre, il a l’air d’aimer les cheveux blancs ; il dira, par exemple : L’AMOUR PUR.
Le duc de Rohan, qui avait les goûts très-littéraires et la passion des beaux vers, lui dit qu’à ses yeux le grand seigneur était celui qui avait le plus de parenté de nature avec Racine, et qu’il n’hésiterait pas à le prouver en venant lui-même chez moi solliciter mon amitié. […] Son peu de goût pour le mariage, qu’on imputait généralement à la mort affreuse de sa femme, le rendait trop compréhensible ; mais les traditions de sa famille, la mémoire de son oncle le cardinal Louis de Rohan, si fameux par l’affaire du collier et de madame de Lamothe, plus fameux par son repentir sincère et par son retour courageux à la royauté de Louis XVI, ses instincts véritablement religieux le prédisposaient ; on peut dire que le mousquetaire était né pontife.
Toutefois Du Bellay n’avait pas l’étoffe d’un chef d’école : il avait trop de délicatesse, trop de facilité à suivre tous ses goûts ; pas assez d’orgueil, de force et, si j’ose dire, de volume. […] Ce qui manque surtout à Ronsard, ce qui reste à acquérir, c’est l’indépendance intellectuelle, la nette conscience du sentiment personnel, le goût : en un seul mot, la raison.
Il fut le principal rédacteur des articles littéraires de l’Encyclopédie ; ni les connaissances ni le goût ne lui manquaient ; et le recueil de ces articles, qui forme les Éléments de littérature, est l’expression la meilleure que nous ayons du goût moyen du xviiie siècle.
Il avait encore une certaine grossièreté de sentiment moral et des instincts de mauvais sujet qui lui appartenaient bien en propre et à quoi correspondait, dans son style, un goût marqué pour les grossièretés de langage. […] V Nous connaissons donc à présent les goûts dominants de M.
Pour ce qui touche à la question des prix, l’Académie a commis quelques erreurs grossières, qui font peu d’honneur à son goût. […] Anatole France, Maurice Barrès, Henri de Régnier et… quelques autres que je vous laisse à choisir selon vos goûts.
Si quelqu’un doit être expert en attitudes simples et naturellement nobles, en nuances du cœur et de l’esprit, en charme, en propreté de tenue et de caractère, en goût sûr et sobre, c’est l’être qui, éloigné de tout sport brutal, de tout négoce et de toute violence, sert des intérêts abstraits, fait de la pensée et de la plastique sa principale étude. D’où vient cependant que dans toute réunion citadine un créateur de peintures ou de poèmes doive être reconnu à une faute de goût quelconque, même menue, à un certain égarement, à une attitude distraite qui n’est pas précisément la gaucherie ni la timidité, mais ce qu’on appelle « l’air artiste » qui donne toujours l’appréhension vague de quelque impair à la maîtresse de maison ?
Ces personnes auxquelles l’avaient lié des goûts et peut-être des préventions communes, c’étaient Mme de la Fayette et d’autres dames de la cour, dont l’esprit délicat aiguisait le sien, et au tact desquelles il éprouvait, comme à une pierre de touche, la vérité de ces réflexions qui, sous le nom de Maximes, allaient devenir des vérités immortelles. […] Dans le même temps qu’il néglige ces diversités de physionomie, pour lesquelles La Bruyère et Saint-Simon eurent peut-être trop de goût, il adoucit un bon nombre de ses maximes, et il trouve dans la vérité modérée le fini de l’expression.
Il a le goût sain au fond et naturel, quand il juge des choses du théâtre. […] Il a pris ces noms et ce cadre de l’institut de l’Enfance comme un simple prétexte et un canevas à ses vives études et à ses goûts du moment ; il a voulu tracer, comme il dit, « un capricieux tableau d’histoire ».
Dargaud, qui sont trop dans le goût du jour pour ne pas se recommander d’elles-mêmes, je demanderai à suivre de préférence un historien plus sévère, et dont le jugement et la marche m’inspirent toute confiance. […] Plus aimable qu’habile, très ardente et nullement circonspecte, elle y revenait avec une grâce déplacée, une beauté dangereuse, une intelligence vive mais mobile, une âme généreuse mais emportée, le goût des arts, l’amour des aventures, toutes les passions d’une femme, jointes à l’extrême liberté d’une veuve.
Aujourd’hui, sous le titre de Gaietés champêtres, il rentre dans l’époque de Louis XV et se livre plus à cœur-joie que jamais à ses goûts instinctifs de style, de fantaisie et de couleur. […] Eugène, qui se sent d’ailleurs peu de goût pour la basoche, et qui ne connaît pas son père, nous a dès l’abord tout l’air d’être le fils de quelque grand seigneur qui a oublié de le reconnaître, et qui lui a légué de ses instincts.
La sincérité profonde de son deuil et de son affliction filiale eut en cela le même effet qu’aurait pu désirer le goût le plus éclairé et le plus sévère. Toute cette littérature plus ou moins exaltée, et dans le goût de Mme Cottin, qui s’agitait autour de la jeunesse de Madame Royale, ne l’atteignit évidemment en rien, et le récit qu’elle a tracé en 1795 des événements du Temple serait la critique de tous ces autres récits et de ces faux tableaux d’alentour, si on pouvait songer seulement à les rapprocher.
Je sais des gens de goût qui ont pu ressentir l’amertume, mais qui l’ont dissimulée galamment : une grande fortune et une situation faite sont un excellent coussin dans la chute, pour parer aux contrecoups. […] Il est difficile aux hommes de notre âge, avec nos habitudes et nos goûts, d’être des satisfaits ; c’est assez d’éviter le faible des mécontents.
Il avait le goût d’écrire et l’habitude assez étrange de recommencer sans cesse un même ouvrage ; mais il n’avait pas le goût de la publication, il la craignait.
Les mœurs simples et utiles, le caractère de la vertu, de l’honnêteté, du bon sens relèvent tout ; ce sont nos appartements avec nos glaces, nos buffets, nos magots précieux, qui sont vils, petits, bas et sans vrai goût. […] deux têtes d’enfants. même éloge, toutes deux très-belles et peintes dans le goût de Rubens ; bonne couleur, bien dessinées, et d’une belle manière.
Enfin il ne trouve que là les douceurs de l’étude, le goût pour les sciences, les pensées généreuses, les sentiments élevés, la gloire, noble et immense instinct de l’immortalité ; car l’immortalité elle-même n’est qu’au sein de la société, comme la société seule est conservatrice des traditions religieuses. […] Le goût de la solitude est donc une dégradation morale qui finit par pervertir l’homme.
Nous ne nous en plaignons pas : ce qu’il y a de plus savoureux dans le talent, c’est le goût des terroirs ! […] Nous venons de le dire plus haut, il appartient à ce groupe d’esprits qui se sont pris pour la Renaissance d’un goût rétrospectif et passionné, et qui ont relevé et réchauffé dans leur imagination le symbolisme tombé et refroidi de cette mythologie que le xviiie siècle — ce siècle aimé de Babou pourtant — a flétrie et déshonorée.
Non, la vraisemblance, le goût instinctif demandent que la vision d’un héros de roman soit une vision passionnée, c’est-à-dire en étroite relation avec la passion qui agite le cœur. […] Jean de La Fontaine eut cette faculté géniale, ce tact qui arrête l’écrivain avant la faute de goût.
Poinsot et Normandy sur les tendances de la poésie nouvelle, j’insisterai à mon tour sur des innovations nécessaires qui tendent à élargir le domaine poétique, qui sont acceptées par des poètes de grand talent et dont l’emploi est fort justifiable, pourvu qu’il se fasse avec méthode, tact et goût, afin de garder à la pensée sa pleine valeur et sa juste expression, ce respect du bien dire. […] Cela ne peut vraiment choquer les gens de goût, et le souffle poétique, loin d’en être diminué, y peut trouver matière à un élan que la torture des rimes entrave quelquefois.
Il s’est jeté d’abord dans les bras d’Aguado le Mécènes, qui voulait en faire quelque chose, mais qui est mort emportant son secret et ses écus ; — puis il vient de se remettre entre les mains de M. de Castellane, le même qui a un si grand goût pour les théâtres de société, pour les académies de femmes, pour le bel esprit à tout prix. — Avec M. de Castellane sont arrivés des légitimistes comme M.
Campenon, mort il y a un mois environ, n’était qu’un poëte gracieux de l’école de Delille, et un homme de goût, né à la Guadeloupe et paresseux comme un créole.
Cette révolution peut, à la longue, éclairer une plus grande masse d’hommes ; mais, pendant plusieurs années, la vulgarité du langage, des manières, des opinions, doit faire rétrograder, à beaucoup d’égards, le goût et la raison.
Dans le premier cas, on cherche si l’œuvre est conforme aux lois provisoirement « nécessaires » du genre auquel elle appartient, ou simplement aux exigences ou habitudes de l’esprit et du goût latins, et, d’autres fois, si elle est conforme aux intérêts de la moralité publique et de la conservation sociale.
Il est néanmoins certain, et il sera prouvé que la guerre de Molière et de ses amis contre ce qu’ils appelaient les précieuses, a été fort malentendue dans le siècle dernier, qu’elle l’est toujours plus mal, à mesure que nous avançons ; il est de fait que l’unique intention de Molière a été d’attaquer les affectations et l’hypocrisie des Peckes (ou Pécores) provinciales et bourgeoises ; qu’il respectait, non pas l’hôtel de Rambouillet qui ne subsistait plus de son temps, mais les personnages qui en restaient, notamment le gendre de la marquise, ce duc de Montausier, dont il emprunta plusieurs traits pour peindre l’austérité de principes et de goût, et pour en orner le liant caractère de son Misanthrope.
C’était l’ennemi du faux en toutes choses, du faux goût, du faux savoir ; du faux en morale, en politique, en littérature, en conversation ; l’ennemi des esprits faux et des cœurs faux.
On pourrait objecter, semble-t-il, à cette préoccupation du philosophe que, par le fait de la multiplicité des êtres, de la diversité des désirs et des goûts, les purs spectaculaires sont assurés de n’être jamais sevrés de leur spectacle.
Sans érudition, le goût littéraire s’anémie ; et, refuser l’érudition, c’est se priver de mille aubaines. […] L’Allemagne serait pacifique, selon ses goûts, selon ses intérêts. […] Glesener, de temps en temps, mène un peu loin l’audace, et il n’a pas toujours une exquise sûreté de goût. […] Ils ont, pour les retenir, du goût ; leur goût les avertit de ne dépasser point la mesure : et ils honorent la raison. […] Sans doute aussi avait-il le goût de la grâce jeune.
Ils avaient du goût pour les épices. […] Elles ont eu à souffrir d’un puritanisme de goût bien réjouissant. […] Les comédies-ballets satisfaisaient tous ses goûts. […] Le goût de l’apparat a toujours été le défaut de ces hommes qui vivent si simplement et qui ne possèdent rien. […] Ce qui donnait à ce conflit un coté légèrement comique, c’est que le fils avait hérité du père le goût de la peinture.
Est ce bien, à la vérité, un goût littéraire qui a empli chaque soir la salle du Gaiety’s Théâtre ? […] On devait lutter contre la tradition, contre les habitudes du public, le goût et l’inertie des comédiens, surtout la coquetterie des comédiennes. […] Puis, il y a encore cette rage de belles toilettes qui s’est déclarée dans le goût même du public. […] Puis, ce goût excessif des toilettes riches a ceci de désastreux qu’il pousse les auteurs dans la peinture d’un monde factice, d’une distinction convenue. […] J’imagine qu’elle a dû être souvent blessée par ces bons mots d’un goût douteux ; ce qui exclut l’idée qu’elle payait des gens pour les publier.
D’ailleurs, que m’importe la vaine multitude, si je puis lui opposer l’élite, si j’ai pour moi Aristophane, Shakespeare, et aussi (je le dis bien haut) un poète obscur et méprisé dans sa nation, parce qu’une raison pesante et froide ne recommande pas son théâtre au goût de la France, et que l’imagination et la gaieté en font seules tous les frais, Legrand, l’auteur du Roi de Cocagne 6, chef-d’œuvre méconnu que la critique allemande aura la gloire de rendre à l’immortalité ? […] Le genre dramatique comprenant le tragique et le comique, le tragique doit être tout ce que n’est pas le comique, et le comique doit être tout ce que le tragique n’est pas, à peine d’éliminer l’a priori de la science, c’est-à-dire de réduire la critique littéraire à n’être plus qu’une branche de l’histoire, ou, ce qui est moins encore, qu’une arène ouverte à l’interminable lutte de tous ces goûts individuels dont la sagesse populaire a dit qu’il ne faut point disputer. […] À la faveur de la perte à jamais regrettable des ouvrages de Ménandre, et grâce à l’ignorance des critiques français qui méprisaient Aristophane, ne connaissaient pas Shakespeare, et néanmoins imposaient leur goût à l’Europe étonnée, un homme s’est rencontré qui a usurpé et gardé jusqu’à aujourd’hui le premier rang parmi les poètes de la comédie nouvelle et même de toute la littérature comique. […] Dans la profusion le goût se ralentit ; Il n’est, mes chers amis, viande que d’appétit. […] Connaissant son goût pour les coups de bâton (t.
« M. de Talleyrand, issu de la plus haute extraction, destiné aux armes par sa naissance, condamné à la prêtrise par un accident qui l’avait privé de l’usage d’un pied, n’ayant aucun goût pour cette profession imposée, devenu successivement prélat, homme de cour, révolutionnaire, émigré, puis enfin ministre des affaires étrangères du Directoire, M. de Talleyrand avait conservé quelque chose de tous ces états ; on trouvait en lui de l’évêque, du grand seigneur, du révolutionnaire. N’ayant aucune opinion bien arrêtée, seulement une modération naturelle qui répugnait à toutes les exagérations ; s’appropriant à l’instant même les idées de ceux auxquels il voulait plaire par goût ou par intérêt ; s’exprimant dans un langage unique, particulier à cette société dont Voltaire avait été l’instituteur ; plein de réparties vives, poignantes, qui le rendaient redoutable autant qu’il était attrayant ; tour à tour caressant ou dédaigneux, démonstratif ou impénétrable, nonchalant, digne, boiteux sans y perdre de sa grâce, personnage enfin des plus singuliers et tel qu’une révolution seule en peut produire, il était le plus séduisant des négociateurs, mais en même temps incapable de diriger comme chef les affaires d’un grand État ; car, pour diriger, il faut de la volonté, des vues et du travail, et il n’avait aucune de ces choses. […] Doué d’un goût exquis, d’un tact sûr, même d’une paresse utile, il pouvait rendre de véritables services, seulement en opposant à l’abondance de parole, de plume et d’action du premier Consul, sa sobriété, sa parfaite mesure, et jusqu’à son penchant à ne rien faire. […] Thiers, par ses instincts et par son goût pour les armes, est plus enclin à la philosophie de la guerre. […] Elle essayait, en attendant, de détourner son mari des idées d’une grandeur exagérée, osait même lui parler des Bourbons, sauf à essuyer des orages, et, malgré ses goûts, qui auraient dû lui faire préférer M. de Talleyrand à M.
Enfin j’aurais voulu lui faire proclamer à nouveau — lui, qui a été le seul défenseur des tentatives révolutionnaires au théâtre, que tout ce qui est permis aux étrangers ne l’est pas à nous, de par notre critique actuelle, qui nous défend un théâtre élevé, littéraire, philosophique, original, un théâtre qui dépasse le goût et l’intelligence d’un Sarcey, un théâtre autre, que celui renfermé dans les aventures bourgeoises du ménage d’aujourd’hui. […] » Mercredi 22 février Je parlais à une Américaine, en visite chez moi, du roman d’Elsie, ce roman, où la fille d’une femme mordue par un serpent, au commencement de sa grossesse, est un peu la fille de ce venin, a les goûts, les habitudes du serpent. […] Puis, passant d’un sujet à l’autre, avoue son goût passionné de pâtisserie, dont il mange toute une assiette, à son thé de quatre heures ; ensuite se met à célébrer l’insomnie, disant que c’est là, où il prend ses déterminations, qui deviennent des actions, lors de la mise de ses bottines, qu’il chausse en pensant tout haut : « Me voilà sur mes pieds ! […] Là-dedans, une seule chose d’un goût personnel, de grandes peaux d’ours blancs, mettant dans le coin où se tient la femme, une blancheur lumineuse. […] Roger Marx m’entretient de la danseuse Loïe Fuller, qui le fréquente, et qui aurait un véritable goût d’art, s’étendant de sa danse à un tableau, à un bronze, et me dit, que rien n’est amusant comme une répétition, où elle essaie les couleurs de l’arc-en-ciel, dans lesquelles elle va développer la grâce de ses attitudes.
J’ai indiqué ici1 quelques-uns des ravages subits par des villes comme Rouen, jadis si riche en pierres sculptées, si riche qu’il en reste encore beaucoup, le revirement du goût n’ayant pas laissé aux vandales le temps d’achever leur œuvre de nivellement. […] Les marchands d’Égypte qui continuent ce commerce, non plus pour les malades, mais pour les antiquaires, n’ont eu qu’à le perfectionner légèrement pour le mettre au goût du jour et au goût américain, car c’est l’Amérique maintenant qui absorbe le plus de fausses momies. […] Le goût se blase. […] Mais dans le fait, cette liberté est strictement commandée par ses goûts, ses curiosités, la capacité de son appétit.
Tous les goûts sont dans la nature et je sais pardonner aux erreurs d’autrui ; ces divergences d’opinion n’altèrent pas les amitiés sincères. […] Si dans le grand banquet du Parnasse le « plat de résistance » (passez-moi le mot vulgaire) est vraiment Victor Hugo, nous n’avons pas le droit de négliger certaines douceurs savoureuses, certains desserts de goût délicat qui complètent le bonheur des convives. […] Que s’il faut cependant livrer le secret de nos propres goûts poétiques en marquant à quels poètes nous devons nos émotions les plus profondes, — j’entends celles qui nous révèlent tout entiers à nous-mêmes — je mettrai pour ma part, en première ligne : Lamartine et Vigny ; Lamartine qui « ne sut que son âme » mais qui l’eut si riche et si humaine ; Vigny, le seul poète peut-être qui ait pu donner aux songes de l’homme je ne sais quelle grandeur cosmique, quel retentissement infini… Et cela ne m’empêche point d’admirer autant que personne la magnificence d’Hugo ; mais c’est déjà un autre sentiment. […] Mon choix personnel, dicté par mon plaisir et mes goûts, irait surtout à Baudelaire, souvent à Lamartine ou à Vigny ; mon vote est pour Victor Hugo. — Je lui en veux de son gongorisme, de sa brutalité quelquefois maladroite ; je me permets ds penser sa politique au-dessous de la sottise la plus consommée, et je déplore chez lui certains de ces côtés communs que Taine a seuls voulu envisager à l’exclusion des autres ; mais des poèmes comme Booz endormi, les Chevaliers Errants et le Satyre, comme l’Hymne à Pégase dans les Chansons des Rues et des Bois , comme l’Élégie funèbre de Gautier, de telles pièces — choisies entre mille — contiennent un souffle, une vision, une force poétiques dont aucun auteur du xixe siècle n’a doté les lettres françaises. — Hugo — le père Hugo — est un arbre immense, et les autres poètes sont autour de lui comme des fleurs. […] Des goûts comme des couleurs on ne discute pas… Et puis ce serait trop long à expliquer ; vingt-cinq lignes n’y suffiraient pas.
Le romancier gracieux, qui a si souvent introduit dans ses ouvrages des figures de personnages aristocratiques en y mêlant une fine pointe d’ironie, n’a eu cette fois qu’à imaginer un personnage de plus, celui d’un homme de lettres né dans les rangs du peuple, aussi peu né que possible, mais avec des goûts distingués et une vocation d’homme de qualité, qui eût été abbé dans l’ancien régime, qui eût été toute sa vie le gentil abbé de l’hôtel d’Uzès et à qui il n’a manqué de nos jours, pour remplir cette destinée d’autrefois, que le titre et le petit collet.
Son âge même était gravé dans toutes les mémoires, et la date, lorsque l’on s’interrogeait ces jours derniers, revenait voltiger en chanson : Dans ce Paris plein d’or et de misère, En l’an du Christ mil sept cent quatre-vingts, Chez un tailleur, mon pauvre et vieux grand-père, Moi nouveau-né, sachez ce qui m’advint… Sa vie fut simple ; par son bon sens, par sa probité, par la modération de ses mœurs et de ses goûts, il sut la rendre constante et digne.
Ce sont des fruits de ma jeunesse qui n’ont plus de goût ni pour moi, ni pour les autres.
Le goût manqua donc à leur langage en même temps et par la même raison que la moralité à leurs actes, et, comme ils furent humains sans vertu, ils furent vrais avec emphase.
Un critique, qui l’a apprécié dans la Revue germanique, lui trouve quelque rapport avec Jean-Paul pour le goût des comparaisons.
Ils échappent à la séduction de l’art pur dans le style, peut-être faute de pouvoir comprendre ce que c’est, plutôt que par la résistance d’un goût sûr et du bon sens.
C’est un jeune écrivain anglais qui a publié un volume de contes, très remarquable, paraît-il, un peu dans le goût de Maupassant, et intitulé : Wreckage.
Ce chaos monstrueux de vers étonnés de se rencontrer ensemble rappelle de temps en temps ce que le goût a de plus pur, ce que la verve a de plus vigoureux.
Ils expriment bien un des caractères essentiels de notre race, ce goût que nous avons de l’ordre et de l’achevé, cet amour de la clarté.
J’ai toujours eu le goût de la vie, j’en verrai la fin sans tristesse ; car je l’ai pleinement goûtée.
Ne faut-il pas qu’il découvre et montre la raison d’être de tous les goûts, de toutes les théories qui ont tour à tour régné sur les hommes ?
La voie est déjà grande ouverte à ces enquêtes fécondes : il reste à s’y enfoncer résolument ; il reste surtout à perfectionner les méthodes employées, à en éliminer les chances d’erreur qu’amène l’intrusion de la question de goût là où elle n’a que faire.
Lenglet Dufresnoy ; par un Eloge funebre, écrit en Latin, de Marie-Thérese-Félicité d’Est, Duchesse de PENTHIEVRE ; par un autre Eloge écrit aussi en Latin, du Comte d’Ons-en-Bray, Président de l’Académie des Sciences de Paris ; par plusieurs autres Productions de ce genre, qui prouvent que Mlle d’Eon eût pu enrichir notre Littérature de plusieurs Ouvrages d’Eloquence, si des occupations plus importantes lui en eussent laissé le temps, comme elle en avoit le goût.
Et véritablement, sans être taxé de trop de rigueur, on peut dire, de l’aveu du Goût, que le meilleur des Opéra ne sera jamais un excellent Ouvrage.
Ses désirs sont réglés, ses goûts toujours les mêmes ; elle s’enchante par ses larmes, et ses soupirs sont pour le Ciel.
Ce morceau est d’un goût exquis ; mais le Dante est peut-être aussi touchant dans la peinture des campagnes des pleurs.
Le goût de Boucher gagne, surtout dans les petites compositions.
Les attributs dispersés sur le tapis sont sans intelligence et sans goût.
Un homme de cette trempe, que les conjonctures engagent à se faire peintre, imite servilement plûtôt qu’exactement le goût de son maître dans les contours et dans le coloris.
Quant aux principes sur lesquels elle s’appuie… pour clouer, — cette Critique, qui n’est, telle que nous la concevons, ni la Description, ni l’Analyse, ni la Nomenclature, ni la Sensation morbide ou bien portante, innocente ou dépravée, ni la Conscience de l’homme de goût, c’est-à-dire le plus souvent la conscience du sentiment des autres, toutes choses qu’on nous a données successivement pour la Critique, elle les exposera certainement dans leur généralité la plus précise, mais lorsque l’auteur des Œuvres et des Hommes arrivera à cette partie de son Inventaire intellectuel, intitulée : Les Juges jugés ou la Critique de la critique… Seulement d’ici-là, sans les formuler, ces principes auront rayonné assez dru dans tout ce qu’il aura écrit, pour qu’on ne puisse pas s’y tromper.
J’aimerais de connaître leur famille, leurs goûts, quels papillons elles aiment, les gouttes de rosée qu’il leur faut, leurs propriétés pour m’en servir au besoin. […] C’est de Montels que je t’écris, dans une chambre écartée où j’ai, par bonheur, trouvé de l’encre ; j’avais oublié d’en prendre, et c’était grande privation de ne pouvoir rien tracer de tout ce qui se peint en moi dans cette demeure de mon goût. […] À cette époque percent çà et là quelques mots qui font entrevoir un goût naissant, mais caché, pour un ami de son frère, M. d’Aurevilly, homme de même race, qui lui donne de temps en temps des nouvelles de son frère et qu’elle semble aimer par reconnaissance.