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55. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

C’est ainsi que la langue ayant tiré du latin capitale la forme cheptel a fait, avec le même mot, la forme capital. […] Ce n’est donc pas là un doublet véritable ; mais si le vieux français avait tiré un mot de unionem (unir), nous dirions, sans rire : L’oignon fait la force. […] Renonculacées a plutôt été tiré directement de renoncule.

56. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

L’éducation d’Isabelle a porté ses fruits : la pupille a appris à tirer parti des travers du tuteur. […] C’est de là qu’il va la tirer pour en faire sa femme. […] Il a un duel, pour avoir voulu tirer d’un poète l’aveu que ses vers sont mauvais. […] dans une contrariété vive et présente, on peut tirer quelque soulagement d’une autre passion ; mais un aphorisme de morale n’y fait rien. […] Mais quel parti Molière n’a-t-il pas tiré de l’anecdote !

57. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 109

Le mérite de l’Art de se connoître soi-même a été senti non seulement par les Lecteurs ordinaires, mais encore par plusieurs Auteurs qui ont su en tirer le plus grand parti. On l’a fondu presque tout entier dans le Dictionnaire Encyclopédique, sans qu’on ait daigné le citer, même dans les articles qu’on en a tirés mot à mot.

58. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

La législation considère l’homme tel qu’il est, et veut en tirer parti pour le bien de la société humaine. […] Le même axiome nous montre que les philosophes sont restés à moitié chemin en négligeant de donner à leurs raisonnements une certitude tirée de l’autorité des philologues ; que les philologues sont tombés dans la même faute, puisqu’ils ont négligé de donner aux faits le caractère de vérité qu’ils auraient tiré des raisonnements philosophiques. […] Ainsi c’est du latin qu’on tirera les preuves philologiques les plus concluantes en matière de droit des gens ; les Romains ont surpassé sans contredit tous les autres peuples dans la connaissance de ce droit. […] Les hommes s’engagent dans des rapports de bienfaisance, lorsqu’ils espèrent retenir une partie du bienfait, ou en tirer une grande utilité ; tel est le genre de bienfait que l’on doit attendre dans la vie sociale. […] De même sur les rivages de Tarente il y eut une colonie syrienne appelée Siri, que les Grecs nommèrent ensuite Polylée ; Minerve, qui y avait un temple, en tira le surnom de Poliade.

59. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Elle était de la race des sœurs de génie, qui ont en partage le même feu sacré dont le frère célèbre tirera des flammes, et qui l’entretiennent plus pur. […] Elle ne paraît pas avoir été faite pour ce qu’on appelle les passions ; elle le dit elle-même quelque part : Je ne puis tirer grande gloire de ma vertu. Je suis d’opinion que cette qualité ne consiste qu’à résister aux tentations ; comme je n’y suis point exposée, et que je possède l’attribut de n’en point être susceptible, je ne puis tirer vanité d’un mérite inné avec moi. […] Je crois qu’il s’en tirera par une gambade ; il n’en aura pas moins d’esprit, mais son caractère en sera plus méprisé que jamais. […] ) Je ne donne ici que la moralité que tire Frédéric de ce démêlé avec Voltaire : quant à ses jugements sur l’homme, ils sont trop sévères, trop durs, pour qu’une plume française se complaise à les répéter.

60. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

De là vient qu’il court des journées entières après des inconnus qui ont quelque chose de singulier dans leur marche, dans leur costume, dans leur ton et dans leur regard ; qu’il réfléchit avec profondeur sur une circonstance contée légèrement et que personne ne trouve digne d’attention ; qu’il rapproche des choses complètement antipodiques et qu’il en tire des comparaisons extravagantes et inouïes. » « Lélio s’écria à haute voix : « Arrêtez, c’est là notre Théodore. […] Les phénomènes singuliers et subtils dans lesquels se complaît le génie d’Hoffmann, lorsqu’il ne les tire pas d’un concours plus ou moins romanesque d’événements tout extérieurs, et lorsque la nature humaine et l’âme sont sur le premier plan, se rapportent plus particulièrement, comme on peut le penser, à ces âmes sensibles et maladives, à ces natures fébriles et souffrantes, qui peuvent en général se comprendre sous le nom d’artistes : ce sont elles qui font le sujet le plus fréquent et le plus heureux de ses expériences. […] Aussi, dès qu’il se borne à peindre l’art et les artistes dans ce moyen âge, où il y avait du moins harmonie et stabilité pour les âmes, quelque chose de calme, de doré et de solennel succède aux délirantes émotions qu’il tirait des désordres du présent ; depuis l’atelier de maître Martin le tonnelier, qui est un artiste, jusqu’à la cour du digne landgrave de Thuringe, où se réunissent autour de la jeune comtesse Mathilde, luth et harpe en main, les sept grands maîtres du chant, partout dans cet ordre établi, on sent que le talent n’est plus égaré au hasard, et que l’œuvre de chacun s’accomplit paisiblement ; s’il y a lutte encore par instants dans l’âme de l’artiste, le bon et pieux génie finit du moins par triompher, et celui qui a reçu un don en naissant ne demeure pas inévitablement en proie au tumulte de son cœur.

61. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

Tel est le sujet de la comédie politique, diplomatique et un peu physiologique, qui aurait pu être un excellent conte drolatique sous la plume rabelaisienne de Balzac, mais qui n’est point un conte, et dont le très peu drolatique Baschet nous fait le détail, — Armand Baschet, un Capefigue correct, cravaté, tiré à quatre épingles, curieux peut-être ici comme le garçon d’honneur d’une noce, mais solennel comme un notaire et impassible comme un chambellan : Se gardant bien de rire en ce grave sujet ! […] Et cela, non pas une nuit, mais des années, se faisant prier par tout le monde pour être heureux, comme un mulet obstiné qui se ferait tirer sur la bride pour passer un petit fossé de rien du tout. […] II Figurez-vous donc qu’au lieu du précieux, compendieux et sérieux Armand Baschet, qui ne rirait pas pour un empire, nous eussions ici affaire à quelque génie plein d’abandon et de sincérité, à quelque grand caricaturiste historique, — car un caricaturiste peut être un historien, puisque la caricature n’est qu’une certaine manière de regarder la vérité, — figurez-vous donc, par exemple, un esprit comme Thomas Carlyle, que je regarde comme l’Hogarth de l’Histoire, tombant sur l’histoire de Baschet, le Dangeau posthume de Louis XIII, et demandez-vous quels effets grotesques et charmants et quelle conclusion de savoureuse moralité humaine il aurait tirés de ce conte de La Fontaine historique, qui fut une réalité, et, pour les gens intéressés à l’achèvement de ce mariage resté en l’air, la plus plaisante des mélancolies !

62. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Ce poète lyrique n’a guère parlé de la nature ; il n’en tire même pas beaucoup de comparaisons, ou d’images ; celles dont il use le plus volontiers, et qu’il répète infatigablement, il les prend moins dans la nature que dans la mythologie et l’histoire. […] L’usage aussi lui fournissait la règle du sens et du genre des substantifs, et de l’usage il tirait des lois universelles et nécessaires. […] Mais ici se découvre un autre principe, que .Malherbe extrait de ce qu’il estime être la fonction littéraire de la langue : il veut qu’on satisfasse à la raison, ainsi qu’à l’usage ; et l’usage même tire son autorité de la raison. […] Dans le magasin trop rempli de la Pléiade, il tire quelques formes, quelques rythmes, strophes de quatre, de six ou de dix vers : alexandrins dans les stances de quatre ou de six vers, vers de sept ou de huit syllabes dans les strophes de dix vers, vers de six mêlés diversement aux alexandrins.

63. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Les exemples, il les prend dans ce qu’il sait le mieux, c’est-à-dire dans ce qu’il a vu, et surtout dans ce qu’il a fait et dirigé ; il expose au long chaque entreprise de sa façon, même les plus secondaires en apparence, et il en tire des leçons directes ; chaque fait de guerre est suivi de son commentaire en règle et d’une exhortation. […] Il en tire, selon son habitude, l’occasion d’une petite moralité à l’usage des capitaines ses compagnons qui lui feront l’honneur de lire sa vie : l’important, c’est de chercher dès ses débuts à montrer ce qu’on vaut et ce qu’on peut faire ; ainsi les grands et chefs vous connaissent, les soldats vous désirent et veulent être avec vous, et par ce moyen on a toute chance d’être employé : « Car c’est le plus grand dépit qu’un homme de bon cœur puisse avoir, lorsque les autres prennent les charges d’exécuter les entreprises, et cependant il mange la poule du bonhomme auprès du feu. » M. de Lautrec, à la première occasion, donne à Montluc une compagnie ; celui-ci n’avait guère que vingt ans. […] Deux trous furent pratiqués à la muraille, et Montluc aussitôt se jeta dans l’un tête baissée : « Dieu me donna (alors), dit-il, ce que je lui avais toujours demandé, qui était de me trouver à un assaut pour y entrer le premier ou mourir. » Ce dernier vœu faillit se vérifier ; ses soldats, assaillis d’une grêle de pierres, ne purent le suivre, et n’eurent d’autre moyen de le secourir que de le tirer dehors par les jambes, quand, blessé et renversé à terre, il eut à faire sa retraite à reculons ; mais ils ne le tirèrent pas si bien que, roulant de haut en bas jusqu’au fond du fossé, son bras ne se rompît en deux endroits : « Ô mes compagnons ! […] Dans l’invasion de la Provence par Charles-Quint (1536), il se signale par un coup de main heureux et qu’il raconte avec complaisance ; car c’est par là qu’après cette interruption pénible, lui qui ne hait rien tant que sa maison et à qui les « jours de paix sont des années », il se remet en train aux choses de guerre et qu’il rafraîchit l’idée de sa réputation que ce temps d’oisiveté et la longueur de sa blessure avaient un peu mise en oubli : « Ce n’est rien, mes compagnons, dit-il, d’acquérir la réputation et un bon nom, si on ne l’entretient et continue. » Il s’agissait d’affamer l’armée de Charles-Quint et de détruire certains moulins d’où il tirait ses farines, notamment les moulins d’Auriole entre Aix et Marseille.

64. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

On avait tiré de ses courts et inachevés ouvrages la plus haute idée qu’on se pût faire de l’homme. […] La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes. […] Il faudra voir cependant s’il n’y a point de milieu ; et, et l’on ne peut rien tirer de tout cela, nous nous tournerons ailleurs. […] Gilbert, faisant à merveille son devoir d’avocat et d’ami de Vauvenargues, observe d’ailleurs avec justesse qu’on ne doit pas prendre trop au sérieux une idée en l’air, et dont Vauvenargues avait été le premier à faire bon marché et à rire. — La seule conclusion que je veuille tirer, c’est que nous avons désormais en Vauvenargues un sujet plus compliqué qu’on ne l’imaginait, un sujet plus mélangé et plus humain, et moins pareil (au moral) à une belle statue d’éphèbe. […] Avec l’esprit de commentaire qui règne aujourd’hui dans la critique et qui tire de l’inédit souvent bien plus qu’il ne contient, prise isolément, elle mènerait à faire trop insister sur un accident malheureux qui n’était pas un vice, et à faire exagérer un Vauvenargues endetté et sans ressemblance.

65. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Par un raffinement de la même vanité, il parlait des moindres auteurs non moins magnifiquement que de lui-même ; excellent moyen d’en tirer le double. […] M. de Longueville l’apprend : il se fait amener Chapelain, et, après quelque conversation avec lui, il tire d’une cassette un parchemin, demande à Chapelain son nom de baptême, et l’y inscrit. […] On cite à ce propos une anecdote piquante, dont on n’a peut-être pas tiré toute la morale. […] Chaque fois d’ailleurs que les idées de d’Alembert et de Marmontel sont justes, remontez à leur source : vous les trouverez dans l’Art poétique, et vous pourriez les en tirer comme du fruit on tire la semence. S’ils ne les y ont pas vues, c’est que l’amour-propre leur a caché l’origine et la tradition de leurs pensées, et qu’ils ont cru inventer des principes, quand ils ne faisaient que tirer des conséquences.

66. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXV » pp. 254-255

Il s’en est tiré, comme toujours, avec esprit et souplesse ; mais n’y aurait-il pas à la fin un moyen bien plus simple de se tirer de tous ces pas périlleux, c’est-à-dire avec fermeté, en homme sûr de soi qui fait la part et qui l’impose ?

67. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 319-320

Il la vit s'evanouir en un moment avec la même tranquillité qu'il l'avoit acquise ; & lorsqu'il se trouva réduit au simple nécessaire : Me voilà tiré d'affaire , dit-il ; je revivrai de peu, cela m'est plus commode . […] Ce bon M. de Lagny ne s'étoit occupé toute sa vie que de calcul : étant à l'extrémité, sa famille qui l'entouroit, n'en put tirer une seule parole.

68. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Me voyant sans ressource pour retourner chez moi, j’eus recours aux cendres de cet or, d’où j’en tirai à peu près une livre et demie, avec intention de vous le rendre, quand je le pourrais. […] Près de là, je voulus tirer quelques oiseaux avec mon arquebuse ; un petit fer qui s’y trouvait me déchira la main droite ; et, sans ressentir beaucoup de mal, ma main versait beaucoup de sang. […] Un jour, le prélat étant à sa fenêtre, Benvenuto allait tirer sur lui, s’il ne s’était retiré ; mais, ayant manqué son coup, il tira sur un pigeon qui couvait au haut du palais, et lui enleva la tête, chose difficile à croire ; car il ne voyait que cela du corps de l’oiseau. […] Mais cela n’arriva pas ; et je crus m’en être tiré à bon marché. […] Le jour d’après, ils me tirèrent de cette caverne, et me remirent au lieu où ils m’avaient pris ; et devant eux, en revoyant la figure de mon Dieu, je répandis des larmes de joie.

69. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Une fonction plus haute encore, et tirée de son essence même, était dévolue à Hermès. […] Un autre Père tire hardiment un anagramme divin du nom du Titan, et il l’appelle Pro-Theus, symbole et proto-type de l’Homme-Dieu. […] Ce dieu même obscurément annoncé, qui devait le racheter par sa descente aux Enfers, figurait, sous une autre forme, Jésus descendant aux Limbes pour en tirer les Justes de l’ancienne Loi. […] Des vapeurs exhalées de l’eau que cette flamme portée au foyer faisait bouillir dans un vase, il a tiré la force terrible qui concentre, dans les rouages d’une machine, les mille bras des Cyclopes battant leurs enclumes. […] On y voyait Prométhée tiré du Tartare, et remis aux chaînes sur le sommet du Caucase.

70. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Il n’y a plus, après cela, qu’à tirer l’échelle de ce côté : mais, de l’autre, les autorités et les raisons ne sont pas moindres. […] Dans ce cours d’études de Tanneguy Le Fèvre, il se mêle de la gaieté, une sorte de plaisir qui réjouit le maître et anime l’enfant : « Car ôtez le plaisir des études, je suis fort persuadé qu’un enfant ne saurait les aimer. » C’est ainsi qu’à la lecture d’Homère, de Térence, même d’Aristophane (en y mettant du choix), il jouit de voir la jeune intelligence prendre et se divertir comme à une chose naturelle, et tirer d’elle-même plus d’une conclusion avant qu’on ait besoin de la lui montrer : « On m’a dit souvent, et je l’ai lu aussi, qu’il y a beaucoup de plaisir à voir croître un jeune arbre ; mais je crois qu’il y a plus de plaisir encore à voir croître un bel esprit. » C’est pendant qu’on élevait de la sorte l’un ou l’autre de ses frères que Mme Dacier enfant, et à laquelle on ne songeait pas, écoutait, profitait en silence ; et un jour que son frère interrogé ne répondait pas à une question, elle, sans lever la tête de son ouvrage, lui souffla ce qu’il devait répondre. […] J’ai lu les lettres que lui adressait Chapelain, avec qui il était en correspondance ; il est question dans presque toutes du désir bien plutôt que des moyens qu’on aurait de le tirer de cette position inférieure, où il avait rencontré encore des envieux et des rivaux : Ne serons-nous jamais assez heureux, lui écrivait en mai 1665 Chapelain, ce premier commis des grâces de Colbert, pour faire rendre justice à votre mérite, et faut-il qu’il languisse toujours dans des emplois sans doute fort honnêtes, mais sans doute aussi fort au-dessous de lui ? […] Mme Dacier a tiré bon parti, pour ses remarques et ses interprétations, d’Eustathe, l’archevêque de Thessalonique, excellent critique moral, critique surtout des beautés ; Eustathe, qu’a suivi volontiers Mme Dacier, est lui-même une espèce de Rollin byzantin, mais plus fort. […] Elle en écrivait son impression à une amie de son âge en des termes qui valent mieux qu’un jugement, et qui représentent le profit qu’en ont tiré des générations entières : J’ai promis, ma bonne Henriette, de le communiquer mon opinion sur l’Odyssée : je vais répondre à ton désir.

71. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Ma conclusion est qu’il faut acheter l’armistice à quelque prix que ce puisse être, supposé qu’on ne puisse pas finir les conditions du fond avant le commencement de la campagne. » Or, l’honneur de Villars est précisément, par des moyens qui étaient en lui et qu’il puisait dans sa nature assez peu fénelonienne, d’avoir su remédier à ce découragement universel, et d’avoir tiré des étincelles d’héroïsme là ou les plus pénétrants ne voyaient plus qu’une entière prostration. […] La retraite des deux ailes, vers deux ou trois heures de l’après-midi, s’était faite régulièrement et sans être inquiétée. « Notre canon, dit l’un des généraux de l’artillerie, tira toujours sur l’ennemi jusqu’au dernier moment de la retraite, et le contint si bien, que les derniers coups qui se tirèrent en cette journée furent des coups de canon. » Le maréchal de Bouflers eut toute raison d’écrire au roi, de son camp de Ruesne, dès le 11 au soir : « Je puis assurer Votre Majesté que jamais malheur n’a été accompagné de plus de gloire. » On lit dans la relation de la bataille qui fut publiée par les alliés (c’est-à-dire les ennemis) : « On ne peut refuser au maréchal de Villars la gloire d’avoir fait ses dispositions et ménagé ses avantages avec autant d’habileté qu’un général pût jamais le faire. » L’honneur de nos armes dans ces contrées, qui était resté comme accablé et gisant sous le coup des défaites d’Oudenarde et de Ramillies, se releva ; les adversaires, les Anglais surtout, avouaient qu’ils avaient, en ce jour, retrouvé les braves Français, les Français d’autrefois, et qu’on voyait bien qu’ils ne demandaient qu’à être bien menés pour être toujours les mêmes. […] Eugène, plein de confiance, venait d’investir Landrecies, qui était de ce côté la clef du royaume ; il tirait ses munitions et ses vivres de Marchiennes, un peu éloignée, et croyait sa communication assurée par le camp retranché de Denain. […] Il aurait bien voulu pour récompense l’épée de connétable, cette épée de du Guesclin, trop profanée par de Luynes, enterrée avec Lesdiguières, refusée à Turenne lui-même, et que lui, Villars, poursuivit toujours ; il aurait désiré du moins (car il ne faisait pas fi des pis-aller) être nommé chef du conseil des finances, cette charge étant venue à vaquer en ce temps-là ; mais elle fut donnée au maréchal de Villeroy. « Pour moi, madame, écrivait-il à ce propos à Mme de Maintenon, je me trouve toujours trop heureux quand je songe qu’ayant le bonheur d’approcher le plus grand et le meilleur maître du monde, je ne lui rappelle pas de fâcheuses idées ; qu’il peut penser : Celui-là m’a plusieurs fois mis en péril, et cet autre m’en a tiré. […] Louis XIV résista à ses instances, et s’en tira en l’embrassant par deux fois ; il chercha par toutes sortes d’égards et de bonnes grâces à dédommager Villars, à l’honorer ; on lui fit avoir la Toison d’or.

72. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Les créations fabuleuses, les êtres dont la raison, la légitimation ne peut pas être tirée du code du sens commun, excitent souvent en nous une hilarité folle, excessive, et qui se traduit en des déchirements et des pâmoisons interminables. […] Si celle-ci paraît tirée de loin et quelque peu difficile à admettre, c’est que le rire causé par le grotesque a en soi quelque chose de profond, d’axiomatique et de primitif qui se rapproche beaucoup plus de la vie innocente et de la joie absolue que le rire causé par le comique de mœurs. […] Quant au comique des Contes de Voltaire, essentiellement français, il tire toujours sa raison d’être de l’idée de supériorité ; il est tout à fait significatif. […] Encore un exemple : celui-là est tiré d’un auteur singulier, esprit très-général, quoi qu’on en dise, et qui unit à la raillerie significative française la gaieté folle, mousseuse et légère des pays du soleil, en même temps que le profond comique germanique. […] Je pourrais tirer de l’admirable Hoffmann bien d’autres exemples de comique absolu.

73. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

À la bataille de Sediman, où Mourad Bey à la tête de ses mameluks se brisait contre les carrés français, mais où un feu de quatre pièces tiré des hauteurs emportait bien des hommes, qui une fois tombés et laissés sur le champ de bataille étaient massacrés, le général Desaix, affligé de voir ces braves périr d’une mort horrible, eut un moment l’idée de rejoindre les barques pour les y déposer ; il demanda l’avis de Friant qui lui répondit aussitôt, en lui montrant les retranchements ennemis : « Général, c’est là-haut qu’il faut aller ; la victoire ou la mort nous y attend, nous ne devons pas différer d’un moment l’attaque. » — « C’est aussi mon sentiment, répliqua le général Desaix, mais je ne puis m’empêcher d’être ému en voyant ces braves gens périr de la sorte. » — « Si je suis blessé, repartit le général Friant, qu’on me laisse sur le champ de bataille !  […] J’aime mieux essayer de les faire sentir que de repasser sèchement toutes les grandes batailles où il fut un des vigoureux artisans, Austerlitz, Auerstaedt, Eylau, Eckmuhl, Wagram, Smolensk, la Moskowa : — une intrépidité de premier ordre, cela va sans dire ; — l’affection de ses troupes qui lui permettait de tirer d’elles de merveilleux surcroîts de fatigue et des combats acharnés au sortir des marches les plus rudes : — « Cet homme me fera toujours des siennes », disait l’empereur, en apprenant une de ces marches sans exemple à la veille d’Austerlitz ; — l’habileté des manœuvres et le coup d’œil sur le terrain, le tact qui lui faisait sentir l’instant décisif, ce talent pratique qui est du tacticien et du capitaine, et qui montre l’homme né pour son art (cela se voit surtout dans sa conduite à Auerstaedt, à Eckmuhl) ; — oser prendre, au besoin, la responsabilité de ses mouvements dans les circonstances critiques, sans se tenir à la stricte exécution des ordres ; et, quand il se bornait à les exécuter, une activité sans trêve. […] Alors il tire son épée, chose unique dans sa vie ordinaire, fait battre un ban, reconnaît lui-même le général Friant et lui donne l’accolade. […] allez où l’on tire le canon, vous le trouverez. » L’empereur disait cela le 29 octobre 1813, et, le lendemain 30 à Hanau, Friant et la Garde avaient à rouvrir à travers les Bavarois de De Wrède la route de Francfort, c’est-à-dire, la route de France.

74. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Ils commencèrent à user sérieusement de ce stratagème au dix-huitième siècle ; du moins ne voit-on, avant cette époque, même dans Furetière, que peu de termes médicaux tirés du grec. […] Les lexiques spéciaux contiennent environ trois mille cinq cents mots français tirés du grec, mais ils sont tous incomplets ; il est vrai que l’un de ces ouvrages attribue au grec la paternité d’une quantité de vocables purement latins, ou allemands, comme pain et balle. […] De l’usage des termes grecs dans les sciences médicales, on donne cette explication qu’il est impossible de tirer tel dérivé nécessaire de tel mot français. […] Mais du mot œil l’ancienne langue a été œillet, œillade, œillère 33 ; de oreille, elle a tiré oreillon (orillon, dans Furetière), oreillard, oreiller, oreillette, oreillé (terme de blason).

75. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

II Tel est pourtant l’avenir très prochain qui nous menace, si la voix de la raison ne vient nous tirer de l’ivresse où nous ont plongés de si misérables enseignements. […] Tel est le fait incontestable et fréquent dont nous ne voulons pas tirer de conclusion, tant elle serait cruelle ! Mais Napoléon l’a tirée, lui, quand il disait, avec cette profondeur de bon sens qui caractérisait son génie, que, « toujours et partout, la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit ». […] Il faut y réfléchir pour y croire : ce qui scandaliserait l’Antiquité, si on la tirait du sépulcre, ne scandalise nullement le christianisme de nos mœurs.

76. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Il ne nous indique point, avec l’étincelante netteté que doit avoir un titre, la Montmorency, héroïque ou charmante, qu’il s’en va tirer de la gloire de famille où elle est ensevelie et où, si fameuse en son temps, elle est maintenant trop oubliée ! […] L’hôtel de Rambouillet, cette caserne du bel esprit que Molière fit crouler, Jéricho ridicule, sous le son vif de son sifflet, était de fondation féminine ; et la Fronde, cette bataille de dames, cette guerre où les femmes tiraient le canon comme on l’a vu tirer à des serins et à des colombes, était une guerre enrubannée et galante où les villes se prenaient pour les beaux yeux des belles, comme disait le maréchal d’Hocquincourt. […] Amédée Renée nous a raconté avec toutes les nuances du détail cette vie, cette mort, et enfin ce survivre, le pire des malheurs pour l’âme humaine, a dit un homme qui se connaissait en douleur, et de tout cela il a tiré un chef-d’œuvre d’intérêt légitime qui ne sera peut-être pas compris à cette époque d’adultère, mais qui, s’il l’était, aurait l’éloquence d’une leçon.

77. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Il les a tirés contre l’Église, Rhoïdis, l’Église catholique, la grande cible dans laquelle ils tirent tous, les uns après les autres, leur coup inutile, comme s’ils tiraient contre le ciel ! et c’est bien contre le ciel qu’ils tirent.

78. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Il n’en restera pas moins acquis comme un enseignement qui vient à temps, que cette faiseuse de découvertes, la métaphysique du xixe  siècle, représentée par une intelligence très digne d’elle, est arrivée à confesser tout simplement au nom de la science ce que la philosophie moderne regardait de fort haut, c’est-à-dire la vieille induction tirée des facultés de l’homme aux attributs de Dieu, et le grand raisonnement, mêlé de raison et de foi, des causes finales. […] Quant au parti que l’abbé Gratry a tiré de sa découverte, il faudrait, pour en bien juger, le suivre dans chaque partie de ce large traité où la pensée fait, à tout bout de champ, nappe de lumière. […] L’ouvrage actuel de l’abbé Gratry atteste avec une irrésistible éloquence la dépendance de la philosophie de la grande donnée théologique, et le parti que la science purement rationnelle pourrait tirer de leur union. […] Le procédé simple et puissant dont l’abbé Gratry a tiré un si bon parti et qu’il a élevé jusqu’à la rigueur d’une méthode, est le procédé de l’humanité tout entière pour aller à Dieu, — comme nous disons, nous, — pour passer du fini à l’infini, comme disent les philosophes, — et soit que nous y allions sur les fortes ailes de la Méditation ou sur les humbles ailes de la Prière.

79. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Voici l’article sur Cinq-Mars, tiré du Globe, 8 juillet 1826 : Pendant que Richelieu, vainqueur des grands et des calvinistes au dedans du royaume, et de la maison d’Autriche au dehors, poursuivait tout ensemble, dans cette triple voie de l’organisation intérieure, de la religion et de la politique, les plans tour à tour conçus et ébauchés par Louis XI contre la féodalité, par François Ier contre la réforme, et par Henri IV contre la postérité de Charles-Quint, Louis XIII, indolent et mélancolique, renfermé dans ses maisons de plaisance, cherchait à tromper son ennui par des jeux puérils ; son goût le plus prononcé était d’élever et de dresser des oiseaux. […] Quant au roi, il tira sa montre vers l’heure de l’exécution, et dit nonchalamment à ses courtisans : « Je crois que cher ami fait à présent une vilaine mine. » Certes, il y a bien là matière à un roman historique ; ou plutôt il est tout fait dans les Mémoires de ce temps-là, et il ne s’agit que de l’en extraire. […] Avenel : le dernier Épisode de la vie du cardinal de Richelieu, qui a été depuis recueilli en brochure et tiré à un petit nombre d’exemplaires.

80. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

A une époque comme celle-ci, où la marche est libre, dégagée, où il ne s’agit point de renverser le mauvais, mais seulement de ne plus le reconstruire, où les passions ardentes et aveugles ont cédé à une raison calme, patiente et vigoureuse, il faut se garder des fausses analogies ; et, puisqu’on a tout loisir d’étudier le passé, de le comparer avec le présent et d’en tirer des leçons, puisque l’expérience est invoquée à chaque instant, il importe de ne point s’abuser sur ces réponses de l’histoire, et que le passé, au lieu de nous éclairer, ne nous embrouille pas. A ceux qui, séduits par des ressemblances extérieures, ne voyaient dans notre révolution de 1830 que le pendant de celle de 1688, et n’en prétendaient guère tirer plus de conséquences, nous avons tâché de prouver que ces ressemblances assez piquantes ne jouaient qu’à la surface, n’apparaissaient que dans les hommes ou dans les mouvements des partis, mais qu’au fond les différences politiques étaient considérables. […] Ce qui nous fâche et nous étonne, c’est que des jeunes hommes qui semblaient pleins d’âme et d’avenir, d’une intelligence étendue et exercée, plus propre sans doute à spéculer qu’à agir, s’étant imaginé de tout temps qu’ils auraient, dans une révolution, à jouer le rôle de Girondins, se figurent probablement que l’heure est venue, et, par une étrange illusion, s’arrêtent, non pas devant des échafauds à dresser (nous n’en sommes pas là encore, et on abolira peut-être la peine de mort en attendant), mais devant les conséquences à tirer de leurs idées politiques.

81. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XV » pp. 61-63

On a tant tiré ce jeune homme qu’il n’a plus su choisir son véritable groupe au milieu de cette cohue. […] Honneur à lui s’il s’en tire !

82. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 377-379

Il faut en montrer l’unité, & tirer, pour ainsi dire, d’une seule source tous les principaux événemens qui en dépendent. […] Des vûes excellentes, une grande connoissance dans la Littérature ancienne & moderne, étrangere & nationale, dans la Morale & la Politique, prouvent que cet Auteur a bien su choisir la matiere de ses lectures, qu’il les a bien digérées & en a tiré parti.

83. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

De là un combat éternel, dont l’imagination peut tirer une foule de beautés. […] On doit sentir dans ces orages une puissance, forte seulement pour détruire ; on y doit trouver cette incohérence, ce désordre, cette sorte d’énergie du mal, qui a quelque chose de disproportionné et de gigantesque, comme le chaos dont elle tire son origine.

84. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Il la tirait avec dévotion d’un portefeuille crasseux. […] Le mystagogue Julien Leclercq y tirait l’horoscope d’un chacun et vaticinait, en caressant de ses doigts effilés son ample chevelure de chamelier nubien. […] Il en tirait gloriole aux yeux du commun. […] Ainsi le poète, qui tire son essence des autres hommes, en devient le miracle par un simple jeu de cristallisation et acquiert, sur eux, une valeur inestimable. […] Ridé, long et maigre, dans ses vêtements floches, la chemise issant en bourrelet de son pantalon tire bouchonné, mais aussi chargé de joyaux qu’une châsse de basilique, il vint à nous et se fit charge de nous introduire.

85. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Après avoir relevé les principaux traits de cette constitution populaire d’Athènes et de l’esprit du peuple athénien, après avoir signalé l’influence souvent souveraine de ses grands hommes, des Thémistocle et des Périclès, Grimm (ou l’auteur, quel qu’il soit, de ce chapitre) tirait hardiment cette conclusion : Il est donc permis de dire que la démocratie la plus démocratique qu’il y ait eu peut-être au monde n’eut point de moyen plus sûr de se soutenir que de cesser souvent de l’être, et que c’est toutes les fois qu’elle fut le moins démocratique de fait qu’elle jouit aussi du sort le plus brillant, le plus véritablement digne d’envie. […] On sent le guide en peine et qui ne s’en tire qu’avec effort : on n’arrive qu’à la fin au pied de l’escalier qui conduit à la citadelle ; on le monte lentement et avec fatigue. […] Un Niebuhr, un Otfried Müller savent tirer des textes et des monuments ce qu’un autre moins hardi et moins pénétrant n’y aurait pas vu. […] La conclusion à tirer pour moi de cette longue suite d’essais où l’on a été tour à tour dans les extrêmes et où l’on a si rarement atteint le point précis, c’est qu’on ne transporte pas une littérature dans une autre, ni le génie d’une race et d’une langue dans le génie d’un peuple différent ; que, pour bien connaître la Grèce et les Grecs, il faut beaucoup les lire et en très peu parler, si ce n’est avec ceux qui les lisent aussi, et que, pour en tirer quelque chose dans l’usage courant et moderne, le plus sûr encore est d’avoir du talent et de l’imagination en français.

86. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 210-213

Le dialogue est juste & concis, le comique des personnages est tiré de la pensée, quelquefois de la situation, & ne consiste point dans des jeux de mots ou de froides saillies, ressources ordinaires des Auteurs médiocres. Les portraits qu’elles présentent tirent leur principal agrément de la Critique, & non de la Satire, comme ceux de quelques Poëtes comiques qui sont venus après lui.

87. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Argument » pp. 287-289

Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. […] Autres preuves tirées de la manière dont chaque état nouveau de la société se combine avec le gouvernement de l’état précédent.

88. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Ce qui suit est tiré d’un roman-poème du XIIIe siècle, Partonopeus de Blois, œuvre de Denis Pyram, un poète des plus polis. […] Fais-moi là un tour plus ample ; à présent découvre-moi un peu la joue, baisse le pli qui touche aux yeux ; tire en bas, tire en haut ; rabaisse un peu au milieu du front ; tire un peu de là en arrière, j’en aurai une figure plus large. […] L’ornementation, à laquelle aujourd’hui on sacrifie tout, ne vient qu’en seconde ligne, et elle doit, comme la disposition générale, tirer son caractère de sa destination. […] On comprend les avantages et le profit qu’un esprit juste, élevé, a pu tirer ensuite de tous ces détails et de tout cet acquit pour la pratique de son art.

89. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Création, dans le sens de faire quelque chose de rien et de tout tirer de soi, il n’en saurait être question ici, puisque toute l’étoffe est fournie d’ailleurs : la création de Corneille est et ne saurait être que dans le ménagement habile, dans le travail complexe qu’il a su faire avec une décision hardie et une aisance supérieure. La Jeunesse du Cid, de Guillem de Castro, pièce en trois journées, était sa matière première : quel fut au juste le profit qu’il en tira ? […] La première est dans l’original espagnol, et l’autre est tirée sur ce modèle. […] Don Diègue tire l’épée, mais le comte la lui fait tomber des mains et, pour comble d’insulte, la lui rend. […] Le roi tiré des deux parts, et qui ne sait trop de quel côté pencher, paraîtrait un peu comique, si l’on avait le temps d’y prendre garde.

90. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

L’on en tirera le profit que Sa Majesté connaîtra l’attention que mérite cette frontière et qu’il ne sera pas si aisément détourné de ce qui lui est proposé pour sa sûreté, par le sentiment de ceux qui ne la connaissent point, et qui ont pu lui faire concevoir là-dessus des facilités qui n’y sont point. » Catinat ne croyait pas cette utilité réelle pour l’avenir trop payée d’un léger désagrément personnel. […] « Votre Majesté a donné un témoignage de sa puissance et de sa bonté en me faisant maréchal de France ; c’est une élévation qui ne me fera que mieux connaître qui je suis, et d’où elle m’a tiré. […] Cependant, dans ces allées et venues il cherchait à tirer des lumières, pour se guider et nous duper. […] Leganez et Caprara84 étaient d’avis de se retirer par Orbassan, mais le duc dit qu'il fallait bien boire le vin tiré et que, puisqu’il y avait au moins autant de péril à ne pas combattre qu’à combattre, le temps était cher et qu’il ne fallait plus songer qu’à mettre l’armée en bataille. […] Marcher en avant, la baïonnette au bout du fusil, sans tirer un coup, c’était l’ordre du maréchal : « D’abord que nous fûmes dans l’ordre que je viens de marquer, dit-il dans sa Relation au roi, nous marchâmes droit devant nous pour charger tout ce que nous trouverions.

91. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

J’ai donc eu l’idée, en m’aidant de conversations avec des hommes sages qui l’ont connu, de tirer à clair mes obscurités sur son compte, et j’exposerai naturellement le résultat de ma curiosité. […] On admirait surtout l’art avec lequel l’orateur avait su se tirer de l’endroit périlleux des Croisades : En lisant le Panégyrique de saint Louis, prononcé par M.  […] Voilà l’inépuisable mine dans laquelle il trouve ses preuves, ses comparaisons, ses exemples, ses transitions et ses images… Il fond si bien les pensées de l’Écriture avec les siennes, qu’on croirait qu’il les crée ou du moins qu’elles ont été conçues exprès pour l’usage qu’il en fait… Tout, en effet, dans un sermon, doit être tiré de l’Écriture, ou du moins avoir la couleur des livres saints ; c’est le vœu de la religion, c’est même le précepte du bon goût. […] » — Et à un homme qui le menaçait de l’envoyer dire la messe à tous les diables, il tira de sa poche deux pistolets qu’il portait par précaution, en lui disant : « Tiens, voilà deux burettes pour la servir !  […] Il me tira à part dans une embrasure de fenêtre ; je crus qu’il voulait me communiquer quelque chose qu’il avait imaginé pour me tirer de l’abîme où je suis tombé. — Il sortit de sa poche trois pommes qu’on venait de lui donner, et dont il me fit présent pour mes enfants.

92. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

C’est pourquoi nous devons indiquer tout de suite en gros, avant de passer au détail, pourquoi les explications qu’on tirerait ici de l’« adaptation » nous paraissent insuffisantes. […] De tout temps, la doctrine de la finalité a tiré parti de la structure merveilleuse des organes des sens pour assimiler le travail de la nature à celui d’un ouvrier intelligent. […] Notre oeil tire parti de la lumière en ce qu’il nous permet d’utiliser par des mouvements de réaction les objets que nous voyons avantageux, d’éviter ceux que nous voyons nuisibles. […] Nous avons concentré tout l’effort de notre discussion sur un exemple tiré de la phylogenèse. […] De même pour beaucoup d’exemples tirés de la domestication progressive des animaux.

93. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Enfin soit que les philosophes physiciens ou critiques posent mal leurs principes, soit qu’ils en tirent mal leurs conclusions, il leur arrive tous les jours de se tromper quoiqu’ils assurent que leur methode conduit infailliblement à la verité. […] Que de calculs, que de combinaisons à faire avant que d’être en droit de tirer la consequence, si l’on veut la tirer juste.

94. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Mais c’était de la raison de remarquer dans Balzac ce style relevé, ce beau choix de paroles, cet ordre et cet arrangement d’où elles tiraient leur force, tant de perfectionnements de détail dont ses critiques mêmes étaient d’accord avec ses apologistes. […] Sur ce dernier point surtout, il est très abondant, et il tire à chaque instant son discours sur les blessures faites à sa vanité. […] C’est au fond la seule morale qu’il voulait qu’on tirât de toutes les pages de son livre. […] Richelieu ne le tira pas de sa campagne de Balzac. […] Goulu mort, et après quelque répit, il lui vint un adversaire plus redoutable, qui, au lieu de l’attaquer, lui disputait le prix dans l’art qui avait fait sa gloire et tirait un meilleur prix de ses Lettres.

95. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

On lit des fables à tous les âges de la vie, et les mêmes fables ; à chaque âge elles donnent tout le plaisir qu’on peut tirer d’un ouvrage de l’esprit, et un profit proportionné. […] Ils en tirent ainsi une première idée de la justice. […] Leurs ressemblances avec les hommes n’y sont pas tirées de leurs mœurs. […] La même brièveté donne à la morale l’air d’aphorismes tirés de quelque poète gnomique et adaptés à un petit récit. […] Il faut pourtant défendre La Fontaine du reproche d’avoir voulu tirer gloire ou profit du scandale de ces Contes.

96. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

C’est même, si l’on veut, l’idéal pour une science de pouvoir se tirer tout entière de deux ou trois principes féconds, comme le sont les axiomes qui servent de base à la géométrie. […] La simple induction, tirée d’un grand nombre de faits particuliers, qu’en telles circonstances données les choses se passent de telle ou telle façon.

97. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Le besoin que nous avons des choses ne peut pas faire qu’elles soient telles ou telles et, par conséquent, ce n’est pas ce besoin qui peut les tirer du néant et leur conférer l’être. […] Le sentiment que nous avons de l’utilité qu’elles présentent peut bien nous inciter à mettre ces causes en œuvre et à en tirer les effets qu’elles impliquent, non à susciter ces effets de rien. […] C’est d’elle qu’il tire son énergie, mais aussi il la lui restitue à l’occasion et, par conséquent, ne peut pas disparaître sans qu’elle s’en ressente61. […] Mais on se méprendrait étrangement sur notre pensée, si, de ce qui précède, on tirait cette conclusion que la sociologie, suivant nous, doit ou même peut faire abstraction de l’homme et de ses facultés. […] Mais cette interprétation des faits, pour être classique, n’a jamais été méthodiquement démontrée ; elle semble bien tirer à peu près toute son autorité de la seule tradition.

98. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Ces faits qu’il épingle, ces citations dont il arrange la mosaïque insidieuse et éblouissante, il a sa manière personnelle, sa manière à lui de les montrer, de les arranger, de les mettre en valeur, — pour en tirer lui-même ou en faire tirer aux autres des conclusions… L’homme est ainsi fait qu’il ne peut pas ne point ajouter aux choses qu’il touche. […] Je l’y aperçois bien un peu ; je pressens bien un peu, en lisant cet accumulateur à la charge de l’Ancien Régime, les conclusions d’ensemble que devra plus tard tirer l’historien. […] Ils le vantaient outrageusement, croyant par là se l’attacher, quoiqu’il ne ressemblât nullement aux gens de ce temps à compères, qui cultivent les journaux et composent leurs salles de spectacles avec un talent supérieur à leurs pièces… Toute leur vie, ils l’avaient regardé comme un gros canon de leur arsenal, un gros canon qui — politiquement — n’avait pas tiré encore, mais qui tirerait, à coup sûr. Et il a tiré, mais c’est contre eux !!! […] … Carlyle s’en tira avec deux ou trois coups de pinceau qui firent penser tout ce qui est capable de penser.

99. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

La Fontaine tire un parti ingénieux du ton qu’il vient de prêter au bœuf, c’est de le faire appeler déclamateur par l’homme qui lui reproche de chercher de grands mots : tout cela est d’un goût exquis. […] La répétition de ce mot volontiers est pleine de grâces ; et ce vers : Volontiers gens boiteux haïssent le logis, fait voir comment La Fontaine sait tirer parti des plus petites circonstances. […] Quel résultat moral peut-on tirer de-là ? […] Il est aisé de reconnaître l’auteur des Maximes dans la comparaison du gâteau ; mais il aurait dû dire à La Fontaine qu’il n’en avait pas tiré le meilleur parti possible.

100. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Cette assertion est fondée sur tous les enseignements que l’on peut tirer de l’étude approfondie des doctrines anciennes. […] Le dépôt des connaissances humaines est peu à peu sorti du lieu mystérieux où les sages le tenaient caché pour en tirer des trésors qu’ils dispensaient aux peuples dans le temps, et autant que le besoin s’en faisait sentir. […] D’abord il a pu paraître assez singulier que j’aie admis aussi facilement une hypothèse que je regarde comme peu exacte ; et que je sois parti d’une donnée aussi contestable, pour en tirer non seulement les inductions que l’on vient de lire, mais encore celles que je me propose d’en tirer dans la suite de cet écrit.

101. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Il ne tirait pas de feux d’artifices dans un salon. […] Cet homme contenu, cet ajusteur, cet archer qui tirait toujours à l’œil droit de Philippe ou au talon d’Achille et qui ne les manquait jamais, ne se cambrait point en Apollon du Belvédère quand il avait lancé sa flèche. […] Il n’y parlait point ambitieusement, ni par nappes ; il ne tirait point à lui toute la couverture de la conversation. […] Il est évident que ce genre d’esprits, qui entendent, d’ailleurs, presque toujours les choses sociales : la notion qu’on se fait de Dieu impliquant tout le reste, l’emportent, et de beaucoup, sur les esprits qui ne se préoccupent que des problèmes terrestres de la vie, et ne songent qu’à tirer — extraction sublime, néanmoins ! 

102. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Et là-dessus le fameux moraliste tire l’échelle, comme le bourreau après pendaison. Il ne pouvait pas ne point la tirer, quoiqu’il ne puisse pendre personne. […] C’est elle-même, cette fleur de dix-sept ans et du mal, dirait Baudelaire, qui, dans cette auberge pleine, descend le matin, tire les verrous et se jette à Desgrieux qui l’enlève ! […] Quand Desgrieux tire sa maîtresse de l’hôpital, il la déguise et lui donne sa propre culotte, et il s’en passe, lui !

103. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Aussi, comme on le voit déjà par l’exemple tiré de Jupiter, tous les sens mystiques d’une haute philosophie attribués par les savants aux fables grecques et aux hiéroglyphes égyptiens, paraîtront aussi choquants que le sens historique se trouvera facile et naturel. […] La première propriété fut divine : Dieu s’appropria les premiers hommes peu nombreux, qu’il tira de la vie sauvage pour commencer la vie sociale. — La seconde propriété fut humaine, et dans le sens le plus exact ; elle consista pour l’homme dans la possession de ce qu’on ne peut lui ôter sans l’anéantir, dans le libre usage de sa volonté. […] Éclairée par les preuves que lui fournit la théologie civile, elle éclaire elle-même avec celles qui lui sont propres, les preuves que la philologie tire de l’histoire et des langues ; trois sortes de preuves qui ont été énumérées dans le chapitre de la méthode. […] Le ciel était pour les Perses le temple de Jupiter, et leurs rois, imbus de cette opinion, détruisaient les temples construits par les Grecs. — Les Égyptiens confondaient aussi Jupiter et le ciel, sous le rapport de l’influence qu’il avait sur les choses sublunaires et des moyens qu’il donnait de connaître l’avenir ; de nos jours encore ils conservent une divination vulgaire. — Même opinion chez les Grecs qui tiraient du ciel des θεωρήματα et des μαθήματα, en les contemplant des yeux du corps, et en les observant, c’est-à-dire, en leur obéissant comme aux lois de Jupiter.

104. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Or, l’homme habile, à expédients, le génie à métamorphoses, le Mercure politique, financier ou galant, l’aventurier en un mot, ne dit jamais non aux choses ; il s’y accommode, il les prend de biais, il a l’air parfois de les dominer, et elles le portent parce qu’il s’y livre et qu’il les suit ; elles le mènent où elles peuvent ; pourvu qu’il s’en tire et qu’il en tire parti, que lui importe le but ?

105. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

Il y a apparence que Madame Deshoulieres les avoit parcourues, car son Idylle des Moutons est tirée presque mot à mot de ce Recueil. […] Les Promenades de Coutel offrent encore plusieurs Pieces qui ne sont pas indignes de figurer à côté de celle-là, témoin ce morceau tiré d’une de ses Elégies.

106. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Il est encore certaines Observations morales d’un anonyme qu’il aurait pu faire tirer à part, s’il l’avait voulu, et ne pas joindre à l’édition : c’est appeler la confrontation avec le maître du genre et compliquer le rôle d’éditeur. […] La Bruyère réduit à observer la bourgeoisie, les lettrés, s’en serait tiré encore ; mais qu’il y aurait perdu, et que nous y aurions perdu avec lui ! […] On a tiré grand parti, dans ces derniers temps, de quelques billets de M. de Pontchartrain, desquels il résulterait que La Bruyère était sujet à des accès de gaieté extravagante. […] N’exagérons rien pourtant et ne tirons pas les moindres mots par les cheveux. […] Destailleur, racontant le fait, en tire-t-il cette conclusion que « La Bruyère ne paraît pas avoir connu tout le prix de son œuvre, ni en avoir pressenti le prodigieux succès ? 

107. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Le surintendant trouvait de l’argent sur ses promesses (personnelles), mais la prudence ne lui conseillait pas d’engager si avant sa fortune particulière dans la publique ; il allait pourtant passer par-dessus, quand de grands et doctes personnages lui montrèrent clairement qu’il ne le pouvait ; car de prêter ces grandes sommes sans en tirer aucun dédommagement, c’était ruiner impitoyablement sa famille ; d’en prendre le même intérêt qu’un homme d’affaires, cela était indigne et même usuraire ; de faire un prêt supposé sous le nom d’un autre, c’était une fausseté. […] Dix-neuf jours après la fête de Vaux, la Cour était à Nantes, et Fouquet malade de la fièvre venait d’y arriver, lorsque Louis XIV, qui avait tout concerté et pris soin, jusqu’à la fin, de tirer du surintendant les ordonnances de paiement qui étaient nécessaires au service, le fit arrêter par d’Artagnan (5 septembre) au moment même où Fouquet sortait de travailler avec lui. […] Mais Pellisson ne tirait pas moins le plus heureux parti, pour la défense de son client, de cette dissimulation qui était une qualité loyale et qui, dans l’application présente, avait été poussée si loin. […] Il l’avait tiré de la province et fixé à Paris ; il lui avait donné une pension à cette condition qu’il en paierait chaque terme par une pièce de vers ; et le paresseux s’en acquitta toujours. […] C’est ainsi qu’on avait tiré conjecture et présage d’une comète qui avait paru dans le temps de son procès.

108. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Durand, le ministre plénipotentiaire français, lui témoignait de l’estime et cherchait à tirer de lui des renseignements sur les affaires d’Amérique, il se tenait sur la réserve : « Je m’imagine, disait-il (août 1767), que cette intrigante nation ne serait pas fâchée de s’immiscer dans nos affaires, et de souffler le feu entre la Grande-Bretagne et ses colonies ; mais j’espère que nous ne lui en fournirons point l’occasion. » L’occasion était toute produite et tout ouverte dix ans après, et c’était Franklin qui venait lui-même solliciter la nation et le roi d’y prendre part et d’en profiter. […] La vogue était d’aller tirer l’épée pour les Insurgents, comme elle sera plus tard d’aller chercher de l’or en Californie. […] Mais, prendre le christianisme et le tirer si fort en ce sens, n’est-ce pas en altérer, en retrancher ce qui en a fait jusqu’ici l’essence, à savoir l’abnégation et l’esprit de sacrifice, la patience fondée sur l’attente immortelle ? […] La correspondance de Franklin, en ces années, est d’une lecture des plus agréables et des plus douces : l’équilibre parfait, la justesse, l’absence de toute mauvaise passion et de toute colère, le bon usage qu’il apprend à tirer de ses ennemis mêmes, un sentiment affectueux qui se mêle à l’exacte appréciation des choses, et qui bannit la sécheresse, un sentiment élevé toutes les fois qu’il le faut, un certain air riant répandu sur tout cela, composent un vrai trésor de moralité et de sagesse. […] Je le tire d’une lettre adressée à son ancienne amie miss Mary Stevenson, devenue mistriss Hewson : J’ai trouvé, lui écrit-il de Philadelphie (6 mai 1786), j’ai trouvé ma famille ici en bonne santé, dans de bonnes conditions de fortune, et respectée par ses concitoyens.

109. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Les détails que l’on va lire sont tirés de cet inestimable monument ; ceux qui ne pouvaient entrer ici ont été rejetés dans l’appendice du discours. […] Elle tire son unité de la religion, principe producteur et conservateur de la société. […] On peut l’observer dans le latin, langue plus héroïque, moins raffinée que le grec ; tous les mots y sont tirés par figures d’objets agrestes et sauvages. […] Retiré dans sa solitude comme dans un fort inexpugnable, il méditait, il écrivait quelque nouvel ouvrage, et tirait une noble vengeance de ses détracteurs. […] « Celle du second conduit à reconnaître pour principe physique l’idée éternelle qui tire d’elle-même et crée la matière.

110. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Peu de temps après, on apprit qu’une pièce tirée de son roman : L’Assommoir allait être montée à l’Ambigu. […] Gastineau ; celui-ci, après l’avoir lu avec soin, crut qu’on on pouvait tirer un vaudeville en trois actes pour les Variétés. […] Zola l’autorisation de tirer une pièce de son roman. […] Que le drame soit bon ou mauvais, qu’il réussisse ou qu’il tombe, je n’en veux pas moins dire d’avance mon sentiment très net sur le livre d’où il est tiré. […] Les paresses l’amolissaient, son besoin d’être heureuse lui faisait tirer tout le bonheur possible de ses embêtements.

111. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Seulement, réduit à Elle, il en aurait pu tirer plus de parti qu’il ne l’a fait dans son Egmont. […] s’en est toujours assez bien tiré. Quand on a de l’âme, on ne s’en tire pas ; on y reste… déchiré, en morceaux ; mais c’est-il ce qui fait l’artiste sublime ! […] Il se serait tiré d’affaire, là comme ailleurs. […] Un romancier — et il était romancier — eût pu tirer un grand parti de ces détails, mais lui, non.

112. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Falconet » pp. 250-251

C’est une matière une, dont le statuaire a tiré trois sortes de chairs différentes. […] Si ce groupe enfoui sous la terre pendant quelques milliers d’années, venait d’en être tiré, avec le nom de Phidias en grec, brisé, mutilé, dans les pieds, dans les bras, je le regarderais en admiration et en silence.

113. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVIII »

Mon premier livre étant une réfutation des Cours de littérature ordinaires, ne suis-je pas un peu excusable d’avoir poussé trop en avant ceux qui voulaient nous tirer trop en arrière ? […] Albalat en a tiré une méthode pratique dont on peut dire que, si elle ne formera aucun écrivain original, il le sait bien lui-même (?)

114. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

En un mot, on peut soutenir, sans crainte de calomnier son temps, qu’il y a un rapport assez exact entre l’état des mœurs littéraires et le taux des profits qu’on tire des lettres ; les plus grandes fortunes correspondent à des époques de décadence. Nous nous rappelons très-bien, en énonçant cette loi fâcheuse, que Byron, Walter Scott, Chateaubriand, sont ou étaient au nombre des enrichis ou de ceux qui auraient dû l’être ; des sommes immenses, produit de leurs œuvres, leur ont passé par les mains ; mais ces grands exemples même ne font que nous confirmer dans la triste conséquence que nous tirons. […] Ces messieurs auront entendu dire que le célèbre Monti s’était admirablement tiré de sa traduction d’Homère sans lire directement dans l’original : mais nos arrangeurs ne sont pas des Monti.

115. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Il est bien plus naturel & plus juste de les considérer comme autant de préceptes mis en action, comme autant de préceptes mis en action, comme autant d’Apologues dont il est facile de tirer le sens moral ; & l’Apologue a toujours été regardé comme la tournure la plus propre à inculquer les leçons. […] Il a fait plus ; semblable à l’Abeille qui fait tirer des fleurs les sucs primitifs dont elle fait son miel, en les transformant en sa propre substance, il s’est nourri des beautés de ce grand Poëte, sans qu’on puisse l’accuser de lui avoir rien dérobé, & par-là il est devenu lui-même original. […] Ces précautions consistent à ne pas s’enthousiasmer si fort d’un Auteur, qu’on néglige de joindre aux secours qu’il nous fournit, les secours qu’on peut tirer des autres Auteurs d’un genre différent.

116. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Si Quinault ne fait pas tirer l’épée à Phaëton dans la conversation qu’il lui fait avoir avec épaphus, c’est qu’il introduit sur la scéne deux égyptiens et non pas deux bourguignons ou deux vandales. […] Or les poetes ont raison de pratiquer ce que Quintilien conseille aux orateurs, c’est de tirer leurs avantages des idées de ceux pour lesquels ils composent, et de s’y conformer. […] Claudien est si surpris que les mules obeïssent à la voix du muletier, qu’il croit qu’on en puisse tirer un argument pour prouver la fable d’Orphée.

117. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Taine pourrait même (contrairement à son observation) tirer tant qu’il pourrait mon cordon, que, pardieu ! […] Nous n’en tirerions jamais de quoi cacher notre pauvreté philosophique, assez dénuée aujourd’hui dans l’auteur du livre De l’Intelligence, pour qu’il me fasse l’effet d’être nu comme un petit saint Jean. […] Toutes ces constructions de sensations, toutes ces reviviscences d’images, toutes ces études d’hallucination, toutes ces dentelles d’analyses physiologiques faites au microscope, tous ces fils de la Vierge qu’on nous montre entre l’index et le pouce, toutes ces bluettes, en fin, qu’on veut nous donner et qu’on nous donne, c’est pour que nous ne puissions apercevoir du premier regard le but où l’on veut nous conduire, et ce but, c’est de réduire les plus grandes et les plus vivantes choses qu’il y ait dans le cœur et la tête de l’homme : Dieu, l’âme et le devoir, à n’être qu’une vile sensation, un ridicule bruit de sonnette dont on tire le cordon, en attendant qu’avec ce cordon on puisse les étrangler.

118. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

C’est chez les Daudet et chez moi, avec une grande émotion, un étonnement qu’ils aient pu tirer du livre, une chose scénique. […] Mais mon frère, en sa qualité de plus jeune, a voulu passer absolument le premier, et en dehors du sentiment paternel que j’avais à son égard, je le connaissais avec sa paresse de corps et son horreur pour les exercices violents et l’escrime, destiné à rester sur le terrain, tandis que moi qui tirais très mal, qui ne tirais pas du tout, j’avais cependant un jeu difficile, déconcertant même pour ceux qui tiraient bien. […] c’est de vieux bouquins qu’il les tire ses personnages, et malgré toute la sauce de génie qu’il y met, je le répète, ça m’embête, et je trouve qu’on est plus grand homme, quand on tire ses créations de sa propre cervelle. […] Un moment Montégut a tiré tant de coups de revolver qu’on ne peut plus respirer. […] » Ils font nenni de la tête, et répètent avec entêtement, sans qu’on puisse en tirer rien de plus : « Nous sommes ben las ! 

119. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

. — Les Tristes, ou les Mélanges, tirés de la tablette d’un suicidé (1806). — Stella ou les Proscrits (1808). — Archéologie ou Système universel et raisonné des langues (1816). — Questions de littérature légale ; plagiat, supercheries (1812). — Dictionnaire de la langue écrite (1813). — Histoire des sociétés secrètes de l’armée (1815). — Jean Sbogar (1818). — Thérèse Aubert (1819). — Adèle (1820). — Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France (1820). — Smana ou les Démons de la nuit (1821). — Bertram ou le Château de Saint — Aldobrand (1821). — Trilby ou le Lutin d’Argail (1822). — Mélanges tirés d’une petite bibliothèque (1829). — Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux (1830). — La Fée aux miettes, roman imaginaire (1832). — Mademoiselle de Marsan (1832). — Souvenirs de jeunesse (1839). — La Neuvaine de la Chandeleur ; Lydie (1839). — Trésor des fèves et fleur des pois ; le Génie bonhomme ; Histoire du chien de Brisquet (1844).

120. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 38, que les remarques des critiques ne font point abandonner la lecture des poëmes, et qu’on ne la quitte que pour lire des poëmes meilleurs » pp. 554-557

Qu’on choisisse donc dans l’histoire moderne un sujet neuf où l’on ne puisse pas se prévaloir des inventions ni des phrases poëtiques des anciens, mais où il faille tirer de son génie la poesie du stile et toute la fiction. […] Un homme capable par les forces de son génie d’être un grand poete, et qui pourroit tirer de son propre fond toutes les beautez necessaires pour soutenir une grande fiction, trouveroit mieux son compte à traiter un pareil sujet dans lequel il n’auroit point à éviter de se rencontrer avec personne, qu’il ne pourroit le trouver en maniant des sujets de la fable ou de l’histoire grecque et romaine.

121. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Ainsi comme nous disons tirer un homme de prison, tirer un écu de sa poche, nous disons par imitation que Dieu a tiré le monde du néant. […] sont alors des prépositions inséparables, tirées du Latin. […] En voici un exemple tiré du second livre de l’Enéide de Virgile, v. 330. […] Détruisez la force du témoignage, combien de choses que la bonté de Dieu nous a accordées, dont nous ne pourrions tirer aucune utilité ! […] Cependant une raison égale doit faire tirer une conséquence pareille : par ratio, paria jura desiderat : co, ne, pe, &c.

122. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

En Hollande, Spinoza n’a fait autre chose que tirer des conséquences rigoureuses des principes de Descartes. […] On s’est occupé des objets de nos connaissances et non de l’esprit qui connaît ; on a demandé ce que c’était que Dieu, s’il était ou s’il n’était pas ; on a fait des systèmes sur le monde ; on a comparé les divers êtres entre eux ; on a saisi des rapports ; on a tiré des conséquences, toujours en travaillant sur des objets, c’est-à-dire sur des existences hypothétiques. […] Dans ces jugemens vous tirez la partie du tout, vous affirmez le même du même, en vertu du principe de contradiction. […] Il ne suffit plus ici d’analyser le sujet pour en tirer l’attribut ; car j’aurai beau décomposer la notion de corps, la notion de pesanteur n’en sortira pas comme partie intégrante. […] S’il était le principe de toutes les vérités mathématiques, ces vérités seraient des propositions purement analytiques ; or Kant prouve par des exemples tirés de l’arithmétique et de la géométrie qu’il n’en est point ainsi.

123. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Victor Pavie faisait, il y a peu d’années, à Angers, pour Joachim Du Bellay : il vient d’en publier une charmante édition de luxe, tirée à 200 exemplaires, avec notice de M. […] Les preuves de ce fait général seraient abondantes, et le Père de Colonia, sans en tirer toutes les conséquences, a pris soin d’en rassembler un grand nombre dans l’histoire littéraire qu’il a tracée de sa cité adoptive. […] La fête même de cette réception était dirigée dans son ensemble par Maurice Sève, ancien conseiller-échevin et poëte distingué du temps ; les Sève tiraient leur origine d’une ancienne famille piémontaise. […] Les mœurs de chaque siècle sont si à part et si sujettes à des mesures différentes, qu’il serait, après tout, très-possible que Louise, en sa qualité de bel-esprit, se fût permis, jusque dans le sein du mariage, ces chants d’ardeur et de regret, comme une licence poétique qui n’aurait pas trop tiré à conséquence dans la pratique. […] Et quant à la preuve qu’on veut tirer, pour son mariage, de la description que fait certain poëte du beau jardin voisin du Rhône qu’on dit être celui de son mari, je ne vois pas pourquoi le père de Louise n’aurait pas eu aussi bien, de ce côté, un jardin tout proche des terrains qui servaient aux travaux de leur commune profession.

124. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

La scène est cruelle, mais d’un brio diabolique ; les traits percent, les épigrammes font trou, les personnalités écorchent jusqu’au sang ; c’est un rude railleur que cet Olivier ; il tire les colombes de Vénus avec des balles de gros calibre. […] Elle sait se tirer du moins de ce pas extrême, et son insolence se redresse à la hauteur du mépris des autres. […] » Elle a raison ; donc l’honnête Olivier se déclare, de son propre aveu, un personnage équivoque qui couvre sa rancune d’un masque d’honneur, et qui ne pourrait se tirer à son avantage d’un examen de conscience sérieusement passé. […] Alexandre Dumas n’a voulu tirer que des situations et des caractères. […] Sur quoi, M. de Cayolle lui réplique que l’argent ne sert pas seulement à tirer Jean Giraud et compagnie du néant, mais encore à créer et à susciter les grands hommes.

125. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

C’eût été le moment sans doute pour un gouvernement d’une autre nature de songer à tirer parti de ses propres ressources et de redemander à un sol fertile ses richesses trop oubliées. […] On loue ; mais cela ne tire point à conséquence. — Il a des vertus, dit-on ; mais ces vertus, à quoi mènent-elles ? […] Quand je suis malheureux, je tire l’épée de son fourreau et je combats ma peine à outrance. […] La dernière des lettres que j’ai sous les yeux, et d’où je tire cette pensée, est du 4 novembre 1831, de trois mois seulement avant la mort de Bonstetten. […] Le despote sut tirer parti des lumières d’un siècle nouveau, et comme il était lui-même une lumière, il épargna à ses subordonnés les fausses mesures et les vues étroites de la médiocrité, qui, en faisant le mal du temps présent, préparent encore des maux à la postérité.

126. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Le comte don Ossorio, gouverneur du roi, prend vite don Fernand par la main et le tire à part en lui disant : « Seigneur, que vous semble ? […] » Le roi, en effet, à qui cette demande imprévue tire une terrible épine du pied, se hâte de consentir ; il envoie des lettres à don Diègue et à Rodrigue par un messager pour les mander incontinent auprès de lui, et sans faire dire autre chose, sinon que Rodrigue, si Dieu le permet, sera bientôt en haut rang. […] La seconde chanson se rapporte au triste épisode de ce double mariage et à la vengeance qu’il tire de ses lâches et misérables gendres. […] combien d’hommes honorables tu obliges à faire, pour se tirer d’embarras, mille choses mal faites !  […] Après l’épopée et les fragments épiques, la tragédie est possible : c’est au talent à l’en tirer et à la construire.

127. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Sorbière avait parlé d’elle tout autrement en effet ; c’est Pellisson, à qui le livre était dédié, qui, s’apercevant qu’à l’article Scarron il y avait des choses qui n’auraient pas fait plaisir à la dame, alors régnante, se conduisit en vrai courtisan, fit réformer toute l’édition, qui était déjà tirée, et mettre un carton où se trouvent aujourd’hui les belles louanges qui passent sur le compte de Sorbière. […] On ne tire de lui rien de précis ; il ajourne, il est malade, il ne sait quand il travaillera ; « enfin, c’est un sot homme. » On voit par les lettres de Marais et du président Bouhier en quelle médiocre estime le tenaient ces vrais savants : lui, il n’était qu’un courtier de savants. […] Ce n’est pas le comte de Maistre, comme on l’a cru et imprimé, c’est un autre qui a dit : « Tout est dans Bayle, mais il faut l’en tirer. » Marais l’avait dit avant moi. Parlant de la Réponse aux Questions d’un Provincial : « Si l’on examinait bien, dit-il, on y trouverait tout. » Et à propos de je ne sais quelle historiette qui se trouve dans les Nouvelles de la République des Lettres, et d’où lui-même l’avait tirée pour une citation : « Car il faut toujours faire honneur à Bayle qui a tout dit. » — M. de Tracy disait exactement la même chose de Voltaire. […] Mathieu Marais, en citant de mémoire, a un peu changé le texte de Cicéron et l’a tiré à lui, comme il arrive souvent.

128. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Un biographe élégant, l’abbé de Marsollier, nous l’a peint avec une sorte de complaisance : « Il étoit à la fleur de l’âge, n’ayant qu’environ vingt-cinq ans ; sa taille étoit au-dessus de la médiocre, bien prise et bien proportionnée ; sa physionomie étoit heureuse et spirituelle ; il avoit le front élevé, le nez grand et bien tiré sans être aquilin ; ses yeux étoient pleins de feu, sa bouche et tout le reste du visage avoient tous les agréments qu’on peut souhaiter dans un homme. […] Un jour, par exemple, qu’il était allé se promener avec son fusil sur un terrain alors inhabité, derrière l’église de Notre-Dame, se proposant de tirer quelque oiseau au passage, il fut atteint dans l’acier de sa gibecière d’une balle qu’on lui lâcha de l’autre côté de la rivière ; la boucle amortit le coup. […] Un des grands oracles d’alors, et que consulta avec le plus de fruit l’abbé de Rancé, fut l’évêque d’Aleth, Nicolas Pavillon ; comme ce digne prélat devint plus tard une des autorités et des colonnes extérieures de Port-Royal, on chercha à en tirer parti contre Rancé et à insinuer qu’il y avait du venin janséniste dans sa conversion. […] Sa pensée principale était que chaque parti chercherait à tirer le saint abbé à soi, et qu’il fallait au contraire l’imiter, en se tenant, comme il avait fait, dans l’éloignement de tous les partis. […] Le danger n’est guère aujourd’hui, malgré la renaissance religieuse si exacte dont nous sommes témoins, qu’on tire Rancé à soi du côté des bénédictins, du bord des jansénistes ou de celui des molinistes.

129. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

C’est parce que nous ne concevons pas que rien devienne quelque chose, que nous demandons toujours la cause de tout effet, c’est-à-dire ce dont l’effet tire son existence et n’est qu’une transformation. […] Dès les premières lueurs de l’intelligence, nous tirons des conclusions, mais des années se passent avant que nous apprenions l’usage des termes généraux. […] Mill croit que, quand nous tirons des conséquences de notre expérience personnelle, nous concluons plus souvent du particulier au particulier que par l’intermédiaire d’une proposition générale. […] Tandis que certains logiciens y voient le type universel du raisonnement, et pensent que tout procédé discursif se réduit en dernière analyse à tirer les idées les unes des autres, M.  […] Mill fasse grand cas de la preuve si souvent tirée de la conscience de notre libre arbitre.

130. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

D’autres, tirées de la fange par l’amour ou par le hasard, ne souhaitent que d’y retomber, pour n’en plus sortir. […] Elle se dit que ce qui lui reste d’honneur vaut bien, après tout, l’enjeu de la vie d’un homme : elle on appelle à l’épée de Fabrice — Fabrice n’a qu’à la tirer du fourreau… Annibal détale à toutes jambes, l’échine pliée et l’oreille basse. […] Non, jamais un raffiné du temps de Louis XIII n’aurait consenti à remettre une bravade au fourreau, quelque extravagante qu’elle pût être : « Le sang est tiré, il faut le boire !  […] On n’épouse pas après une telle malencontre ; madame de Rohan le fait comprendre à ce bandit, et celui-ci, pour se tirer du mauvais pas, s’avise d’insulter grossièrement la jeune fille qui échappe à sa convoitise. […] » — Elle a tiré ce cri de sa poitrine jusque-là fermée aux accents suprêmes, comme une lame vengeresse d’un sombre fourreau.

131. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Au milieu de cette existence, il a été à une noce où la demoiselle d’honneur était une femme qui fait tirer des loto dans les gargots, et où la mère de la mariée a fait apporter, pendant la promenade, des canons de chez un marchand de vin à toutes les personnes rassemblées dans cinq ou six fiacres, et buvant à la portière, et où la mariée, au repas de noce, lui voyant mettre de l’eau dans son vin, lui a demandé s’il avait une vilaine maladie ? […] Pas une amertume, rien que le regret d’avoir été tiré de son travail ordinaire. […] C’est ma première eau-forte que je fais tirer chez Delâtre : le portrait d’Augustin de Saint-Aubin… Oui, voilà plusieurs jours que nous sommes plongés dans l’eau-forte, mais jusqu’au cou et même par-dessus la tête. […] C’est de lui-même qu’il en tire l’image. […] De dessous la table elle tire un dessin empaqueté dans une serviette, et c’est le fameux dessin de l’exposition de 1781.

132. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Les Espagnols, non ; cependant il a encore le regard tourné de ce côté-là, mais enfin, je ne connais que le fameux Paysan du Danube, qu’il a tiré d’un auteur espagnol tout récemment traduit. […] Les Deux Rats, le Renard et l’Œuf, sont tirés du journal d’un voyage fait aux Indes orientales. L’histoire bizarre, singulière, est, paraît-il, vraie : un rat volant un œuf et se faisant tirer par la queue comme un chariot par un autre rat. […] » — « Oui, tâchez de vous tirer d’affaire le mieux possible et un peu par tous les moyens. […] Sur le bonheur de la médiocrité vous avez, par exemple, les Deux Mulets, le mulet financier, le mulet qui porte les trésors de la gabelle et le mulet du meunier : le meunier qui porte les trésors de la gabelle est attaqué par les bandits ; le mulet du meunier se tire d’affaire et, ce qui est du reste très vilain, il insulte au malheur de son camarade.

133. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Les gens d’esprit comme Lucien s’en tiraient par des moqueries et des plaisanteries fines, mais ne faisaient pas école. […] D’abord révolté, récalcitrant, ruant et fort roué de coups, voulant parler et crier à tous ce qu’il est, ce qu’il a sur le cœur, et ne parvenant qu’à braire, puis soumis et résigné, il n’a pas tardé à s’apercevoir que le plus sage pour lui est encore de faire son métier d’âne en conscience ; peu à peu, la curiosité aidant, il y prend presque plaisir et trouve çà et là, pour prix de sa patience, de petits dédommagements, jusqu’à ce qu’à la fin son mérite singulier le tire du pair et qu’il devienne un âne savant et tout à fait célèbre, un âne à la mode, un âne à bonnes fortunes. […] On peut juger de son désespoir ; les brigands ont beau la rassurer et lui promettre tous les égards possibles, ne désirant tirer de leur capture qu’une bonne rançon, elle ne cesse de gémir et de crier. […] Quelle moralité philosophique prétendrez-vous tirer d’histoires comme celle-ci ? […] Quant à cette classe de romans si nombreux dont on ne peut dire que ce soient des chefs-d’œuvre, et en y faisant la part des faiblesses, des défauts, même des remplissages, il est encore pour eux une manière honorable et fort agréable de s’en tirer, c’est quand ils offrent des scènes vraies, vives, naturelles, monuments et témoins des mœurs d’un temps, ou quelque épisode mémorable qui se détache et qui, à lui seul, paye pour tout le reste.

134. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Le caractère et la vocation politique de Mme des Ursins se montre bien en ce qu’elle est curieuse et avide de connaître les personnages distingués du monde, les gens capables, et de les apprécier en eux-mêmes pour en tirer ensuite quelque usage par rapport aux, choses de l’État. […] Il n’y a rien que j’aime tant que de faire raisonner les personnes qui font une figure distinguée dans le monde, et qui ont eu occasion, par de longues expériences, de remarquer les fautes de la plupart des hommes, aussi bien que leurs bonnes qualités ; on peut tirer une grande utilité de ces connaissances. […] Elle s’attache de bonne heure à Villars et semble deviner que ce général qu’on appelle fou sera en définitive le sauveur : « Car il y a trop de sages, dit-elle, ou au moins trop de gens qui croient l’être quand ils ne hasardent rien ; et je suis persuadée qu’il faut quelquefois laisser les choses au hasard, pourvu qu’on ne les pousse pas jusqu’à une témérité qui n’appartient qu’aux héros de romans. » Ce dernier défaut, elle le sent bien, serait volontiers celui de Villars ; elle le lui pardonne pourtant au milieu de l’abaissement trop universel : « Ce maréchal de Villars parle et agit, dit-elle, comme ces héros de romans qui croient porter la victoire partout où ils vont : j’aime assez ces airs-là présentement, si opposés à ceux qui nous ont jetés si près du précipice. » L’héroïque défense du maréchal de Boufflers dans Lille la transporte et tire d’elle de nobles accents : L’exemple que ce maréchal a donné en défendant Lille comme il l’a fait devrait bien causer de l’émulation et de la honte en même temps, si l’on compte encore pour quelque chose l’honneur. […] L’ironie se montre plus fréquente chez Mme des Ursins à travers tous les compliments et les politesses, et l’aigreur piquante se glisse sous la plume de Mme de Maintenon : « Le roi et la reine d’Espagne ont bien des raisons de vous aimer, madame ; la passion que vous avez pour eux vous fait cesser d’être Française. » Et encore : « Consolez-vous, madame, il n’y a nulle apparence de paix. » En ces moments, Mme de Maintenon (on la voit d’ici) se tire et se fronce ; elle prend un air mortifié et de victime : « Je suis accoutumée, dit-elle, à vivre de poison. » Elle en laisse distiller des gouttes ; chaque trait pique. […] Elle mérita que Bolingbroke, qui connaissait son faible et ce qu’on pouvait tirer d’elle en lui donnant de l’Altesse, pût dire pendant les négociations de ce temps : « Il y a pour nous un avantage réel à flatter l’orgueil de cette vieille femme, puisque nous n’avons pas les moyens de flatter son avarice. » Cette affaire de souveraineté acheva de rompre l’accord entre elle et Mme de Maintenon.

135. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Mais quelques années après (1787), dans un procès que le mari poursuivait contre elle, Bergasse, avocat et conseil de Kornman, rencontrant le nom de Beaumarchais et cette quantité de grands personnages qui s’étaient intéressés pour la belle coupable, en tira parti dans son Mémoire, et fit, contre Beaumarchais notamment, une sortie violente qui amena celui-ci à porter plainte en diffamation. […] Il en parla successivement à quatorze ministres qui se succédèrent en peu de mois, et ne rencontra chez tous qu’inattention et temporisation continuelle, quelques hommes dans les bureaux ayant intérêt, non à faire manquer l’affaire, mais à la tirer des mains de Beaumarchais pour y trouver eux-mêmes leur profit. […] Il est mis en prison à l’Abbaye ; quelques heures avant les massacres du 2 septembre, il en est tiré par la générosité de Manuel, qui vient lui dire : « Sortez à l’instant de ce lieu. » — Je lui jetai mes bras au corps, s’écrie dramatiquement Beaumarchais, sans pouvoir lui dire un seul mot : mes yeux seuls lui peignaient mon âme ; je crois qu’ils étaient énergiques s’ils lui peignaient tout ce que je pensais ! […] Après avoir tiré tout son feu d’artifice d’esprit, Beaumarchais était insensiblement revenu à ses premiers penchants de Grandisson ; un singulier Grandisson toujours ! […] Maintenant, j’accorderai volontiers que, dans toutes les occasions où il le put, Beaumarchais chercha à concilier son intérêt particulier avec l’intérêt public, à les confondre en quelque sorte pour en tirer du même coup profit, honneur, popularité.

136. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Et elles n’en feront pas, non seulement parce que nous sommes les Mithridates des affreuses drogues que nous avons avalées depuis vingt-cinq ans, mais aussi par une raison beaucoup plus sûre, tirée de l’accent — de la profondeur d’accent — d’un livre qui, selon nous, doit produire l’effet absolument contraire à celui que l’on affecte de redouter. […] Sa Muse est allée les chercher dans son propre cœur entr’ouvert, et elle les a tirés à la lumière d’une main aussi impitoyablement acharnée que celle du Romain qui tirait hors de lui ses entrailles. […] Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures, figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase, qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux ; et ceux-là, les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme : et vous avez la poésie de Baudelaire, cette poésie sinistre et violente, déchirante et meurtrière, dont rien n’approche dans les plus noirs ouvrages de ce temps qui se sent mourir. […] On s’en tire avec quelques sous de la drogue que voici et une cuiller à café.

137. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Les premiers coups de fusil seront tirés quand j’arriverai. […] Lorsque les Français avaient fait sauter, par le moyen de la poudre, quelques édifices publics ou une maison particulière, les Espagnols, retranchés dans la maison voisine, travaillaient aussitôt à percer les murailles pour tirer des coups de fusil aux Français. Pendant que les Espagnols perçaient le mur d’un côté, les Français le perçaient de l’autre pour tirer sur les Espagnols. C’était de part et d’autre à qui aurait le plus tôt fait son trou pour tirer le premier sur l’ennemi.

138. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

La pitié était un sentiment pénible et même insupportable à son âme. » Un autre jour, quatre ans plus tard, la Cour étant à Moscou, Catherine eut à entrer dans les appartements du grand-duc pour remettre la paix et le bon ordre parmi ses gens, avec qui il avait l’habitude de boire, qu’il traitait de pair à compagnon, et qu’ensuite il rossait à coups de bâton ou de plat de sabre sans pouvoir les réduire, tandis qu’elle, d’ordinaire, elle y réussissait avec une parole ; et il se voyait quelquefois obligé de recourir à elle pour se tirer d’aflaire. […] Il avait cloué des bandes étroites de laiton le long de ces tables ; à ces bandes de laiton étaient attachées des ficelles, et quand on tirait celles-ci, les bandes de laiton faisaient un bruit qui, selon lui, imitaient le feu roulant des fusils. Il célébrait les fêtes de la Cour avec beaucoup de régularité, en faisant faire le feu roulant à ces troupes-là ; outre cela, chaque jour on relevait la garde, c’est-à-dire que de chaque table on prenait les poupées qui étaient censées monter la garde ; il assistait à cette parade en uniforme, bottes, éperons, hausse-col et écharpe ; ceux de ses domestiques qui étaient admis à ce bel exercice étaient obligés d’y assister de même. » Dans l’état d’ivresse qui lui était habituel, il lui arriva plus d’une fois, vers ce temps, d’entrer chez la grande-duchesse et de tirer l’épée dans sa chambre, soit pour la menacer, soit sous prétexte de la défendre contre de chimériques ennemis : sans s’effrayer, elle le renvoyait cuver son vin et dormir. […] Comme le cabinet était fort petit, hormis Léon Narichkine, sa belle-soeur et moi, personne ne vit cela ; mais le comte Horn ne fut pas trompé, et tandis que je traversais les appartements pour revenir dans la salle, le comte Horn tira le compte Poniatowsky par l’habit et lui dit : “Mon ami, il n’y a rien d’aussi terrible qu’un petit chien de Bologne ; la première chose que j’ai toujours faite avec les femmes que j’ai aimées, c’est de leur en donner un, et c’est par eux que j’ai toujours reconnu s’il y avait quelqu’un de plus favorisé que moi”. » Je passe sur bien des gaietés et des espiègleries.

139. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Elle apporte une haute et fière idée de la poésie, qu’elle tire de la domesticité des grands, qu’elle interdit à la servilité intéressée des beaux esprits : la poésie devient une religion ; le poète, un prêtre. […] Ronsard, plus hardi, plus novateur, compte surtout, lui aussi, sur les ressources propres du français : c’est de lui-même qu’il tirera les richesses qu’il lui apportera. […] 6° Plus originale, plus audacieuse est la méthode si fort préconisée par Ronsard : le provignement des mots : « Si les vieux mots abolis par l’usage ont laissé quelque rejeton, tu le pourras provigner, amender et cultiver, afin qu’il se repeuple de nouveau. » Ainsi de lobbe, on tirera lobber, de verve, verver, d’essoine, essoiner. […] L’erreur de la Pléiade Son but, c’est par les rythmes, par le choix et l’ordre des mots, de créer une forme belle. « Tu te dois travailler, dit-il, d’être copieux en vocables, et tirer les plus nobles et signifiants pour servir de nerfs et de force à tes carmes, qui reluiront d’autant plus que les mots seront significatifs, propres et choisis. » Voilà qui est excellent.

140. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Et c’est de cette idée retournée de l’adultère que madame de Molènes a su tirer un effet de l’intérêt le plus inattendu et de la plus spirituelle moralité. […] C’est le contraire de la vieille sagesse des nations : le vin est tiré, il faut le boire. Le vin est tiré et on ne le boit pas ! […] Originalité qui ravit les haïsseurs des idées communes, mais qui, à la réflexion, n’étonne pas dans l’auteur de l’Orpheline, — dans l’audacieuse de la Vie Parisienne, dont le procédé ordinaire est d’aller toujours aussi loin que possible dans la difficulté et le danger et de s’en tirer toujours, d’effleurer la crête de ces choses qui, en forçant d’un rien — de l’épaisseur d’un cheveu !

141. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

« Versailles, 22 juin 1743… Il faudrait, je crois, dit-elle, écrire à Mme de La Tournelle (Mme de Châteauroux) pour qu’elle essayât de tirer le roi de l’engourdissement où il est sur les affaires publiques. […] Tel était Louis XV dans toute sa force et dans toute sa virilité, à la veille de ce qu’on a appelé son héroïsme : ce qu’il devint après trente années encore d’une mollesse croissante et d’un abaissement continu, on le va voir lorsque, dans sa peur de la mort, il tirera la langue quatorze fois de suite pour la montrer à ses quatorze médecins, chirurgiens et apothicaires281. […] La vraie morale à en tirer, c’est, sans s’exagérer le présent, et tout en y reconnaissant bien des grossièretés et des vices, de ne jamais pourtant regretter sérieusement un passé où de telles monstruosités étaient possibles, étaient inévitables dans l’ordre habituel.

142. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Ses brochures furent tirées à des milliers d’exemplaires. […] … « Semblables — dit-il — à ces anciens chevaliers raidement enjambés sur leurs palefrois, si pendant qu’ils chevauchaient quelque malin page tirait à l’ΑVΕΝTURE la crinière du noble animal, le voilà qui se cabrait et jetait à terre le magnifique seigneur (même vol.). » Comment de tirer de côté la crinière d’un cheval peut-il faire cabrer ce cheval quand un homme est dessus ?

143. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Lui est un chasseur, un vrai chasseur, mais il ne tire pas que la grosse ou que la fine bête, et son observation, — quand elle s’égaille, comme disaient les Chouans, des chasseurs aussi, mais terribles !  […] Charrière s’efforce de tirer d’un livre qui n’en est pas un. […] Par le temps qui court, si le pauvre Yorick était moins connu de tous ceux qui recherchent les livres exquis, peut-être en ferait-on, avec deux ou trois raisonnements et une préface, quelque mamamouchi de grand seigneur et d’observateur politique… absolument comme on vient de le faire de ce svelte et nerveux chasseur, qui se soucie autant de toutes les conséquences qu’on tire de son livre que du bout de cigare qu’il jette de son troïka dans le chemin !

144. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Ils donnent le nom de théologie naturelle à la métaphysique, dans laquelle ils étudient cet attribut de Dieu, et ils appuient leurs raisonnements d’observations tirées du monde matériel ; mais c’était surtout dans l’économie du monde civil qu’ils auraient dû chercher les preuves de la Providence… La Science nouvelle sera, pour ainsi parler, une démonstration de fait, une démonstration historique de la Providence, puisqu’elle doit être une histoire des décrets par lesquels cette Providence a gouverné, à l’insu des hommes, et souvent malgré eux, la grande cité du genre humain. […] Pour déterminer l’époque et le lieu où naquirent ces idées, pour donner à leur histoire la certitude qu’elle doit tirer de la chronologie et de la géographie métaphysiques qui lui sont propres, la science nouvelle applique une Critique pareillement métaphysique aux fondateurs, aux auteurs des nations, antérieurs de plus de mille ans aux auteurs de livres, dont s’est occupé jusqu’ici la critique philologique. […] Les trois principaux auteurs qui ont écrit sur le droit naturel (Grotius, Selden et Pufendorf), auraient dû tenir compte de cette autorité, plutôt que de celles qu’ils tirent de tant de citations d’auteurs.

145. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Les Espagnols en ont tiré leur matar, et les Italiens leur ammazzare. […] Ajoutons à tout ceci deux preuves tirées de la jurisprudence et de l’histoire romaines : ce ne fut que vers les derniers temps de la république que Galius Aquilius introduisit dans la législation l’action (de dolo) contre le dol et la mauvaise foi. […] Un exemple tiré de l’histoire du moyen âge confirme encore mieux ce que nous avançons.

146. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Du temps où vécut Homère L’âge d’Homère nous est indiqué par les remarques suivantes, tirées de ses poèmes : — 1. […] Enfin vinrent les aliments assaisonnés. — Homère nous présente comme l’aliment le plus délicat des héros, la farine mêlée de fromage et de miel ; mais il tire de la pêche deux de ses comparaisons ; et lorsqu’Ulysse, rentrant dans son palais sous les habits de l’indigence, demande l’aumône à l’un des amants de Pénélope, il lui dit que les dieux donnent aux rois hospitaliers et bienfaisants des mers abondantes en poissons qui font les délices des festins . — 10.

147. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il tire des livres saints un texte où ce vice est caractérisé avec la force de peinture propre à ces livres. […] Jusqu’au jour où il en fut tiré par la réputation qu’il avait pensé fuir, il garda l’âpreté du docteur, et, le dirai-je ? […] Le Discours sur l’histoire universelle est tout entier tiré de son fond. […] Ils risquaient, par leurs subtilités, de corrompre le cœur ; par leur casuisme, d’éveiller dans les consciences ce fonds de mauvaise foi d’où nous tirons tous les prétextes de mal faire. […] « M. l’archevêque de Cambrai, écrit-il, s’est mieux tiré d’affaire qu’il n’y était entré.

148. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

On peut joindre au cours des Belles-Lettres l’Ecole de Littérature tirée de nos meilleurs Ecrivains, par M. l’Abbé de la Porte, en deux volumes in-12. […] Ce livre est d’autant plus cher aux lecteurs françois, que presque tous les exemples sont tirés des Ecrivains de la nation.

149. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël » pp. 387-392

Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël Au contraire, les peintres qui travaillent aujourd’hui tirent plus de secours de l’art, que Raphaël et ses contemporains n’en pouvoient tirer.

150. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre X. De la chronologie poétique » pp. 235-238

Ce Saturne, qui chez les Latins tira son nom à satis, des semences, et qui fut appelé par les Grecs Κρόνος de Χρόνος, le temps, doit nous faire comprendre que les premières nations, toutes composées d’agriculteurs, commencèrent à compter les années par les récoltes de froment. […] Voilà pourquoi l’histoire universelle a tiré si peu d’avantages pour éclairer son origine et sa suite du génie admirable et de l’étonnante érudition de Pétau et de Joseph Scaliger.

151. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Cela me porta à tout hasarder pour me tirer de Mingrélie, tandis que j’avais encore assez de force pour le faire. […] L’eau en est aussi fraîche quand on la tire que celle qui est à la glace. […] Toute la réponse que j’en pouvais tirer, c’est qu’il y en avait pour des sommes immenses, et que le compte en était infini. […] Le nazir ne fait que marquer sur un billet le magasin dont l’habit que le roi donne doit être tiré. […] Je n’en ai jamais vu rien tirer que pour des présents que le roi fait sur-le-champ ; mais il est très-rare que l’on en tire pour autre chose, les payements se faisant par assignations, si ce n’est en des cas extraordinaires et en faveur de quelque étranger de pays éloigné.

152. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

» Janikan, entendant sa voix, cria au grand maître: « Achève ce chien », et, en même temps, il tira l’épée lui-même et s’avança pour se jeter dessus. […] Ce portail est un asile sacré et inviolable, et dont il n’y a que le souverain en personne qui puisse tirer un homme. […] Les sofis, qui ont la garde de la porte impériale, ont l’intendance de l’asile, et ils savent bien en tirer du profit. […] Elle prit un poignard et en porta un coup au premier qui la voulut toucher ; eux tirèrent les leurs, et la tuèrent sur la place. […] Le deuil dura de cette force vingt et un jours, et puis chacune tira pays ; car la défunte leur avait donné la liberté en mourant.

153. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Corneille sait aussi nous tirer des larmes ; mais ce sont des larmes d’admiration plutôt que de sentiment. […] Ce sont des héros tout faits, que le poète jette au milieu d’une situation extrême, mais qu’il a créés plus forts que cette situation, et capables de s’en tirer à leur gloire. […] Corneille la tire de ces grands cœurs où les faiblesses humaines n’arrivent que pour y susciter la suprême vertu. […] Ce n’était pas assez, pour le surhumain de ces situations, de la force fébrile et passagère que tirent les femmes de leur exaltation même. […] Il l’a tirée du fond de ces cœurs que troublent des passions si diverses, et qui sont à la fois les plus agités et les plus exercés à lire en eux-mêmes.

154. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Arlequin crie toujours et dit qu’il veut l’abandonner ; Flaminia le prie de ne point la quitter et se recommande à Scapin qui lui fait une proposition pour la tirer honnêtement de la misère qui l’accable. […] Ces lazzi, quoique inutiles à la scène, parce que si Arlequin ne les faisait pas, l’action marcherait toujours ; quoique absolument inutiles, dis-je, ne s’éloignent point de l’intention de la scène, car, s’ils la coupent plusieurs fois, ils la renouent par la même badinerie qui est tirée du fond de l’intention de la scène. » Les lazzi auraient dû, en effet, être toujours suggérés par la situation ou tout au moins d’accord avec elle. […] Il tire la langue au public sous son masque.

155. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Enfin un jour, Hayashi, en train de visiter ma collection, tirait l’écritoire d’un tiroir, et je voyais ses doigts pris d’un tremblement religieux, comme s’ils touchaient une relique, et je l’entendais, le Japonais, me dire d’une voix émotionnée : « Vous savez, vous possédez là une chose… une chose très curieuse… une chose fabriquée par un des quarante-sept ronins !  […] On ne tire pas le sabre dans l’enceinte du palais, sans encourir la peine de mort et la confiscation de ses biens. […] On sonde les recoins à coups de lance et bientôt on le tire de sa cachette, — un coffre à charbon, — déjà blessé à la hanche.

156. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Écrite pour le temps où Pélisson avait vécu, elle n’avait pas duré davantage, et c’est inutilement, nous le croyons, que Livet, dans son désir d’être agréable à l’Académie d’aujourd’hui, a tiré cette histoire de l’oubli dans lequel elle était tombée. […] C’était un temps où l’on ne faisait pas quatre pas dans un menuet sans saluer jusqu’à terre, et où Louis XIV tirait son chapeau aux filles de chambre. […] Les patients, les pécheurs à la ligne de l’érudition maniaque, les curieux qui préfèrent les petites choses aux grandes, probablement parce qu’on les voit moins bien, s’acharnent quelquefois à tirer de l’oubli dans lequel ils gisent pour l’éternité tous ces morts littéraires ensevelis, et les histoires publiées par Livet sont particulièrement adressées à ces déterreurs.

157. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Jules Levallois, qui aurait dû, pour rester dans la mesure, appeler son ouvrage : Corneille méconnu, a tiré de l’oubli les tragédies qui y sont trop tombées : Attila, Théodore, Médée, Œdipe et tant d’autres, et il a prouvé, par le raisonnement et par les plus intéressantes citations, que l’auteur du Cid, de Polyeucte et des Horaces, n’avait pas versé tout son génie dans ces chefs-d’œuvre, dont on s’est servi pour borner et étouffer sa gloire, tout en la proclamant. […] Seulement, c’est toujours là de l’inconnu tiré des Œuvres. […] Levallois n’est point de ressusciter un phénix tiré d’un autre phénix qui a brillé et qui brille encore aux yeux des hommes, mais de nous ramener au vieux Corneille, à ce phénix dont la jalousie de Voltaire avait coupé les ailes, et de nous en faire admirer les beautés depuis longtemps inaperçues.

158. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Les géographes anciens s’accordent à reconnaître une vérité dont ils n’ont point su faire usage : c’est que les anciennes nations, émigrant dans des contrées étrangères et lointaines, donnèrent des noms tirés de leur ancienne patrie, aux cités, aux montagnes et aux fleuves, aux isthmes et aux détroits, aux îles et aux promontoires. […] Le mot hara dut signifier chez les anciens Latins, non pas le lieu où l’on élève les troupeaux, mais la victime, d’où vint certainement haruspex, celui qui tire les présages de l’examen des entrailles des victimes immolées devant les autels. […] C’est aussi de ce mot Ara, prononcé et entendu d’une manière si uniforme par tant de nations séparées par les temps, les lieux et les usages, que les Latins durent tirer le mot aratrum, charrue, dont la courbure se disait urbs (le sens le plus ordinaire de ce mot est celui de ville) ; du même mot vinrent enfin arx, forteresse, arceo, repousser (ager arcifinius, chez les auteurs qui ont écrit sur les limites des champs), et arma, arcus, armes, arc ; c’était une idée bien sage de faire ainsi consister le courage à arrêter et repousser l’injustice.

159. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Le spectacle, que nous ne laisserons qu’entrevoir d’après lui sans l’étaler tout entier, est affligeant ; mais il renferme quelques leçons sévères que l’histoire a déjà tirées ; il fait pénétrer dans les causes profondes de ruine de l’ancienne monarchie ; il fait sentir à quel point les plus nobles nations, et la nôtre en particulier, dépendent, dans l’esprit qui les anime et jusque dans leur ressort intérieur, des gouvernements qui les régissent et des hommes qui sont à leur tête. […] Je serai son valet de chambre, si l’on veut, et de bien bon cœur. » Bernis n’avait rien qui imposât au roi ni à Mme de Pompadour : celle-ci l’avait vu exactement dans la pauvreté ; elle l’en avait tiré ; elle le goûtait pour la douceur de son commerce et l’agrément de sa société, mais elle le considérait en tout temps comme sa créature ; le ministre était toujours pour elle ce petit abbé riant et fleuri qui venait à son lever le dimanche, et à qui elle tapait familièrement sur la joue en lui disant : « Bonjour, l’abbé ! » On raconte qu’un jour, dans les altercations de la fin, elle lui reprocha aigrement de l’avoir tiré de la poussière, et qu’il répondit avec dignité en faisant allusion à sa naissance : « Madame, on ne tire jamais un comte de Lyon de la poussière. » Quoi qu’il en soit, Bernis n’avait aucun ascendant ni sur le roi ni sur Mme de Pompadour. […] Et en même temps on sort de cette lecture plus disposé à rendre justice à M. de Choiseul qui, d’une situation si compromise et si perdue en réalité, sut tirer des résultats assez spécieux, assez brillants, pour jeter un voile sur la décadence et pour relever la nation à ses propres yeux, en attendant qu’elle se régénérât décidément à travers les orages et qu’elle entrât, désormais vaillante et rajeunie (mais toujours selon l’esprit des chefs qui la guident), dans l’ordre de ses destinées nouvelles.

160. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Je me borne à rendre l’impression que me fait cette lecture continue, et à en tirer la forme de talent et d’esprit de l’auteur. […] Voici un petit bulletin suivi qui donne la mesure et le degré de l’amabilité de Gibbon pendant ce séjour à Paris ; je le tire des Lettres de Mme Du Deffand à Horace Walpole : (18 mai 1777). […] Lord Sheffield, livré par goût à la vie active et publique, était à quelques égards plus difficile à contenter que lui ; il avait besoin des ressources d’un monde dont Gibbon se passait très bien : Vous êtes toujours, lui écrivait ce dernier, à la recherche du savoir, et vous n’êtes content de votre monde qu’autant que vous en pouvez tirer information ou amusement peu commun. Pour mon compte, c’est des livres que j’aime à tirer mes connaissances, et je ne demande à la société que des égards polis et des manières faciles5. […] [NdA] Il écrivait cela à lord Sheffield dans un temps où ce dernier avait manqué sa réélection (11 mai 1784) ; Gibbon essayait, sans trop l’espérer, de le tirer à lui, et il lui disait ce mot qui était le fond de son cœur : « Si cet échec pouvait vous apprendre à rompre une bonne fois avec rois et ministres, et patriotes et partis, et Parlements, toutes sortes de gens pour lesquels vous êtes de beaucoup trop honnête, c’est pour le coup que je m’écrierais avec T… de respectable mémoire : “Bravo, mon cher !

161. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Ainsi, parlant des colonies anglaises de l’Amérique du Nord, et prédisant leur émancipation future et leur séparation de la métropole, prophétisant avec un enthousiasme anticipé la grandeur gigantesque de ces nouveaux États-Unis dès qu’ils travailleront pour eux et non plus pour d’autres : « Quelle supériorité, s’écrie-t-il, sur toutes les autres colonies de mercenaires, gouvernants intéressés, troupes mal disciplinées, recrues lentes, ordres lents, peu de force, peu de zèle, puisqu’il faut tirer son âme de si loin !  […] Ce M. d’Aube, ce torrent mécanique dont il voudrait faire usage et tirer si bon parti, n’était autre que M.  […] Chauvelin, qui l’avait beaucoup tâté et pompé pour les idées (exploité, comme nous dirions), et un peu leurré peut-être ; qui avait essayé certainement de le dégourdir, de l’assouplir, de le tirer des théories, et qui en avait sans doute désespéré. […] C’est une série de déductions, tirées de quelques principes primordiaux, et en vertu desquelles l’auteur prétend réformer et diriger la politique de l’avenir. […] Il suppose un souverain qui adopte tout ce qu’il a donné pour vrai et qui s’y conforme en tout : « Ses sujets seront plus heureux de jour en jour… Il serait aisé de démontrer, au contraire, que les sujets de tout souverain qui suivra en même temps des principes ou opposés, ou moins bien liés les uns avec les autres, seront moins heureux. » Il en conclut que les sujets de ce dernier souverain le quitteront, viendront en foule chez l’autre, et que celui-ci, sans tirer l’épée, dépeuplera avec le temps tous les États voisins au profit du sien. » II ne s’agit plus que de trouver ou de former le souverain modèle ; ainsi se réalisera l’utopie.

162. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Ce défaut, ma chère fille, dans une princesse, n’est pas léger ; il entraîne après soi, pour faire la cour, tous les courtisans, ordinairement gens désœuvrés et les moins estimables dans l’État, et éloigne les honnêtes gens, ne voulant se laisser mettre en ridicule, ou s’exposer à se devoir fâcher, et à la fin on ne reste qu’avec mauvaise compagnie, qui entraîne peu à peu dans tous les vices… Ne gâtez pas ce fonds de tendresse et de bonté que vous avez. (17 août 1774.) » Et encore, — car cette morale générale n’est nullement en l’air et ne vient qu’à propos de rapports très-particuliers : « Ne prenez pas pour humeur ou gronderie ce que je vous ai marqué ; prenez-le pour la plus grande preuve de ma tendresse et de l’intérêt que je prends à vous, de vous marquer tout ceci avec tant d’énergie ; mais je vous vois dans un grand assujettissement, et vous avez besoin qu’on vous en tire au plus vite et avec force, si l’on peut encore espérer de l’amendement. Mes conseils, ceux de l’abbé (de Vermond), ceux de Mercy, n’ont rien produit, n’ont pu vous garantir des inconvénients ; jugez combien j’en dois être affectée, et combien je voudrais, aux dépens de ma vie, vous être utile et vous tirer de l’abandon où vous vous êtes jetée. Il n’est pas étonnant que vous y êtes tombée, mais après que je vous fais voir les inconvénients, que je vous donne même les remèdes pour en sortir, vous seriez inexcusable si vous ne vous en tiriez. […] Si l’on s’apercevait, surtout en France où on épluche tout et tire tout à conséquence, que vous n’entriez en rien, vous seriez bientôt déchue de tous ces applaudissements qu’on vous prodigue à cette heure. […] Aussi, malgré toutes les explications et les excuses de l’aimable reine pour atténuer des torts où il y avait souvent plus d’apparence que de fond, Marie-Thérèse insiste ; elle sait les conséquences : la malignité tire parti de tout ; l’opinion est chose qui compte.

163. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Il confesse qu’à une époque d’inexpérience, il donna dans l’excès du vin et dans d’autres excès auxquels il n’était pas d’ailleurs naturellement porté, mais il tirait vanité de s’entendre appeler un homme de plaisir. […] Tout ce petit cours d’éducation par lettres offre une sorte d’intérêt dramatique continu : on y suit l’effort d’une nature fine, distinguée, énergique, telle que l’était celle de lord Chesterfield, aux prises avec un naturel honnête, mais indolent, avec une pâte molle et lente, dont elle veut à tout prix tirer un chef-d’œuvre accompli, aimable, original, et avec laquelle elle ne réussit à faire, en définitive, qu’une manière de copie suffisante et estimable. […] L’abbé de Guasco, espèce de complaisant de Montesquieu, est un personnage utile pour servir d’introducteur çà et là : Entre vous et moi, écrit Chesterfield, il a plus de savoir que de génie ; mais un habile homme sait tirer parti de tout, et tout homme est bon à quelque chose. […] Lord Chesterfield destinait ce fils si cher à la diplomatie ; il trouva d’abord quelques difficultés à ses vues dans les raisons tirées de l’illégitimité de naissance. […] Je tire toujours le meilleur parti que je puis des amusements tranquilles du jardinage, de la promenade et de la lecture, moyennant quoi j’attends la mort, sans la désirer ou la craindre.

164. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Aujourd’hui donc, nous sommes dans un temps propice, ce semble, pour relire ces Mémoires et en tirer quelques leçons, si jamais les leçons de ce genre peuvent servir. […] Né en octobre 1614, d’une famille illustre, destiné malgré lui à l’Église avec « l’âme peut-être la moins ecclésiastique qui fût dans l’univers », il essaya de se tirer de sa profession par des duels, par des aventures galantes ; mais l’opiniâtreté de sa famille et son étoile empêchèrent ces premiers éclats de produire leur effet et de le rejeter dans la vie laïque. […] Retz nous le dit, et Tallemant, qui était du voyage et de sa compagnie, nous le confirme expressément : « Il le faut bien louer d’une chose, dit Tallemant, c’est qu’à Rome, non plus qu’à Venise, il ne vit pas une femme, ou il en vit si secrètement que nous n’en pûmes rien découvrir. » Avec cela il s’appliquait à relever cette modestie de passage d’une grande dépense, de belles livrées, d’un équipage très cavalier ; et un jour, pour soutenir le point d’honneur et plutôt que de céder le terrain dans un jeu de paume, il fut près de tirer l’épée avec sa poignée de gentilshommes contre toute l’escorte de l’ambassadeur de l’Empire. […] Bazin, en lisant cela, n’ait pas à l’instant reconnu et salué Retz comme un maître, sauf ensuite à le contredire en bien des cas, s’il y avait lieu ; mais l’historien qui rencontre, dès les premiers pas, dans le sujet qu’il traite, un tel observateur et peintre pour devancier, et qui n’en tire sujet que de s’efforcer à tout amoindrir et à tout éteindre après lui, me paraît faire preuve d’un esprit de taquinerie et de chicane qui l’exclut à l’instant de la large voie dans la carrière. […] Après avoir dit que le premier président Molé était « tout d’une pièce », ce qui est une expression bonne, mais ordinaire, il ajoutera : « Le président de Mesmes, qui était pour le moins aussi bien intentionné pour la Cour que lui, mais qui avait plus de vue et plus de jointure, lui répondit à l’oreille… » Voilà comme on crée légitimement une expression neuve, comme on la tire d’une expression commune.

165. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Accusée elle-même, elle se défend, et mon dessein n’est pas de pénétrer dans les particularités de cette triste et vilaine affaire, ni d’y établir les torts de part et d’autre : il me suffira d’en tirer quelques conséquences incontestables. […] Le Brun n’avait pas moins de soixante ans : la Révolution vint faire subir à son caractère une dernière épreuve, dont il sut moins que personne se tirer avec honneur et avec pureté ; il était en avance et en fonds du côté de la haine. […] Sa conversation était toute littéraire et sur les matières de poésie : l’histoire, la politique l’occupaient peu, ou, s’il touchait à la politique, c’était uniquement pour en tirer quelque occasion d’ode ou d’épigramme. […] Il en a trop fait ; mais on tirerait des siennes un choix varié et excellent. […] [NdA] Ceci est tiré, comme la citation précédente, du Mémoire pour Marie-Anne de Surcourt, femme du sieur Le Brun, plaidant pour la séparation de corps (1781).

166. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Voltaire ravi la comparait à un feu d’artifice perpétuel tiré sur l’eau, et Chênedollé, qui en a parlé quarante ans après l’avoir entendue, à une cascade inépuisable, éclatante et sonore, qui a ses courbes et ses arcs-en-ciel, et qui jaillit pour retomber et pour rejaillir. […] Il trouva le temps de vivre tête à tête avec sa pensée, de tirer de son cerveau et de son cœur tout ce qu’il y avait de génie, et de le verser dans des œuvres qui maintenant ne périront pas ! C’était là, il me semble, ce qu’il fallait dire, puisqu’on risquait ce nom de de Maistre auprès du nom de Rivarol, il fallait tirer de la vie de Rivarol, jetée à tous les vents du monde et des ouvrages plutôt parlés qu’écrits de cet écrivain, un enseignement sévère et un avertissement utile. […] Tel est le mérite de ces pages de Rivarol, tirées si tard, mais enfin tirées de l’ombre et replacées sous nos yeux, et qui révèlent en cet homme, d’une littérature que sa phénoménale conversation a fait oublier, un autre homme qu’on n’y cherchait passait pour l’histoire et les choses sévères de l’histoire.

167. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Mais s’il avait eu la crainte, il aurait eu la joie. » Écoutez-le enfin et surtout parler de l’honneur, qu’il définit : « Promettre et ne pas tenir », et laissez-le creuser dans sa définition pour en tirer le plus magnifique fragment de ce livre, qui en a plusieurs de superbes et beaucoup aussi de charmants ! […] Il a vu positivement, à l’œil nu, la main de Dieu, qui prit Habacuc par les cheveux, se perdre dans les cheveux embroussaillés de Hello, dont on peut dire peut-être ce que madame de Fontenay disait du doux platonicien Joubert : que son âme avait un jour rencontré son corps et qu’elle s’en tirait comme elle pouvait. […] Lasserre doit trouver la splendeur physique de Moïse, puisque nous sommes dans les prophètes, faisait l’effet, lui, de ne pas s’en tirer du tout. […] Il se tire très bien d’autre chose. Par exemple, dans ce livre de l’Homme, que voici, il se tire très bien d’une foule de pages que je trouve fort belles.

168. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

On ne tirera jamais d’un rôle de joueur le comique de caractère, qui est le vrai comique. […] Ce dessein, adroitement mené, de tirer profit de la sotte admiration qu’on a pour lui, voilà ce qui fait le caractère. […] C’est du caractère qu’on tirait autrefois toute l’intrigue ; aujourd’hui la condition doit être le fond de l’ouvrage. […] que de situations à en tirer ! […] Voilà le profit que nous tirons de la comédie qui n’a jamais prétendu que nous faire rire.

169. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Attachez sur son genou avec des jarretières couleur de rose un bas blanc bien tiré. […] Celui-cy vint un jour essayer d’en tirer quelque chose. […] Rien ne le dit ; et c’est une idée bien tirée par les cheveux. […] Je scais bien qu’en peinture, ainsi qu’en littérature on ne tire pas grand parti d’une idée d’emprunt ; mais cela vaut encore mieux que rien. […] Les peintres, les poëtes, les sculpteurs, les musiciens et la foule des arts adjacents naissent de la terre, ce sont aussi les enfants de la bonne Cérès ; et je vous réponds que partout où ils tireront leur origine de cette sorte de luxe ils fleuriront et fleuriront à jamais.

170. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

La Crise, qui me représente d’autres scènes pareilles, ayant même tendance, justifie ce qu’un bon juge du genre me disait en parlant de l’auteur : « Il met ses personnages dans des situations critiques d’où ils ne peuvent raisonnablement se tirer qu’avec une infraction et un faux pas : et il les en tire moyennant un petit moyen vertueux, bourgeois, un enfant qui accourt vers sa mère le jour de sa fête avec un gros bouquet à la main, ou tout autre expédient. […] Mais les femmes qui ont succombé peut-être à pareille épreuve lui savent gré d’avoir supposé qu’elles s’en sont tirées à bon marché, et de leur avoir ouvert une fausse porte pour entrer dans la bonne opinion de leur vertu. […] » On devine le reste ; c’est la femme qui tout à l’heure est allée brouiller la serrure, en y jetant du sable ; elle retient insensiblement son mari chez elle ; ce jour même, elle a découvert sur la tête du volage ce bienheureux cheveu blanc si désiré, elle prétend bien en tirer parti ; elle s’en empare au moral, ouvre son cœur, exhale ses plaintes du délaissement auquel elle s’est condamnée, dix années durant, pour lui laisser une indépendance entière à laquelle il tenait tant et dont, elle, elle n’a jamais entendu se prévaloir ni s’autoriser ; elle dit et fait si bien qu’elle reconquiert enfin l’infidèle qui ne pense plus à sortir du délicieux réduit.

171. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

On ne peut lui interdire de juger ; mais si d’un jugement rapide et concis il passe à la discussion, et si de la discussion elle-même il tire une conclusion sur le fond des choses, il cesse d’être historien et devient philosophe. […] En effet, si par exemple lorsque je rencontre dans Platon la distinction de l’âme et du corps, je développe ses arguments au point d’en tirer tout ce qu’ils peuvent contenir, et si je traite à fond cette question, je n’ai plus aucune curiosité de savoir ce qu’en ont pensé Descartes et les modernes. […] On peut étudier une science pour s’en servir, pour en tirer parti ; mais on peut en outre l’étudier pour elle-même. […] Un illustre érudit du xviiie  siècle, le chef de l’école de Leyde, Tibère Hemsterhuys, se plaignait que de son temps « l’histoire de la philosophie, cette matière si riche des recherches savantes, n’eût pas encore attiré les études de la critique, qu’elle fût livrée à des compilateurs sans génie et sans lettres, qui ne connaissaient les philosophes anciens que par de vicieuses traductions, et qui tiraient d’une lecture superficielle un résumé aride et sans intelligence37. » Il y a un siècle à peine que ces paroles ont été prononcées.

172. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

On peut être embarrassé de peindre le caractère du peuple athénien, et de résumer en quelques traits l’histoire du paysan français, tandis que l’on se tirerait convenablement du portrait du vieillard Dêmos ou de la vie de Jacques Bonhomme. […] On n’en tirera une véritable utilité que si l’on se condamne au labeur pénible de convertir il chaque moment l’image en idée, le symbole en abstraction, de passer de la métaphore au mot propre, enfin si l’on refait en sens inverse le chemin déjà parcouru.

173. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

. — La Chasse au roman, comédie tirée d’un roman de Jules Sandeau (1851). — Diane, drame en cinq actes (1859). — Philiberte, trois actes en vers (1853). — La Pierre de touche, cinq actes, avec Jules Sandeau (1854). — Le Gendre de M.  […] — Le Fils de Giboyer, cinq actes en prose (1862). — Maître Guérin, cinq actes en prose (1864). — La Contagion (1866). — Paul Forestier, quatre actes en vers (1868). — Le Post-scriptum, un acte (1869). — Lions et renards, cinq actes en prose (1869). — Jean de Thommeray, cinq actes, tiré d’une nouvelle de Jules Sandeau (1878). — Madame Caverlet, quatre actes (1876). — Le Prix Martin, trois actes, avec Labiche (1877).

174. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Falconet ou Bouclier s’en serait peut-être tiré. […] Quiconque veut décocher une flèche, prend son arc de la main gauche, étend ce bras, place sa flèche, saisit la corde et la flèche, de la main droite, les tire à lui de toute sa force, avance une jambe en avant, et recule en arrière, s’efface le corps un peu sur un côté, se penche vers l’endroit qu’il menace, et se déploie dans toute sa longueur.

175. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

C’est Bossuet qui l’assista aux derniers moments, et M. de Bausset en a tiré quelque induction religieuse bien naturelle en pareil cas. […] En vain on tirerait argument, pour la vérité d’une idée, de son triomphe comme merveilleux sur la terre : il faut bien en définitive que quelque chose triomphe en ce monde, et comme l’homme n’est pas nécessairement sage, il y a toute chance pour que ce quelque chose soit une folie. […] A tous ces édifices fantastiques, à ces façades de palais enchantés que nos philosophes construisent au plus grand honneur et bonheur de l’homme, je lis toujours cette ironique inscription tirée du plus pieux des poëtes : Mortalibus œgris ! […] C’est ce que n’a pas fait Petitot, qui a donné, dans sa Notice sur La Rochefoucauld, le projet d’article comme étant l’article même : il n’en a pas tiré parti. — M. Cousin, au contraire, en a tiré depuis grand parti, et selon son habitude il a trompeté sa découverte.

176. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

CV Pendant cette hésitation des bûcherons, Calamayo, l’homme noir, feignit de se laisser attendrir par les larmes de la mère et de l’enfant ; il tira un peu à l’écart Magdalena, et lui dit à voix basse quelques mots à l’oreille avec un faux air de bonté : — Peut-être, lui dit-il, y aurait-il encore un moyen de sauver le châtaignier, si vous étiez une femme d’esprit et une mère raisonnable ? […] Arrivé à quelques pas de sa cousine, à la vue de son sang et à la voix du sbire, il avait tiré au hasard son coup de feu sur ces assassins ; un d’eux, soutenu par ses compagnons, s’enfuyait avec eux frappé d’une balle à l’épaule. […] CXXIX Pourtant je vis bien qu’Hyeronimo n’avait rien contre moi quand il s’élança à mon secours, comme un saint Michel dans le tableau, contre les sbires, et qu’il tira, à la vue de mon sang, son tromblon contre la gueule de six fusils braqués sur sa poitrine. […] Je sentis que mon cœur s’en allait tout entier avec lui et que la chaîne de fer qui lui garrottait les membres me tirait en bas aussi fort que si j’en avais été garrottée moi-même. […] Il jeta sur le plancher sa besace, plus pleine de provisions qu’à l’ordinaire ; il en tira du pain, du caccia cavallo (fromage de buffle des Maremmes), une fiasque de vin de Lucques, et dit à mes vieux parents : — Ne vous inquiétez pas comment vous vivrez en l’absence de ces enfants, je vous en apporterai toutes les semaines autant ; l’aumône est la récolte des abandonnés, je ne fais que vous rendre ce que vous m’avez tant de fois donné dans vos jours de richesse.

177. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

J’avoue que Molière, avec son génie habituel, a tiré de cette opposition des effets surprenants. […] Est-ce qu’ils n’enfoncent pas plus avant dans son entêtement celui qu’ils en veulent tirer ? […] — Voyons comme il s’en tirera, semble-t-elle dire. […] On ne se fait pas si longtemps tirer l’oreille. […] Il semblait qu’on nous eût tout d’un coup tiré le rideau qui couvrait un chef-d’œuvre inconnu.

178. (1885) L’Art romantique

Je tire ces notes du catalogue que M.  […] Ce sont deux abstractions qui tirent leur égale noblesse d’une même origine. […] Plusieurs même, je le devine, tireront vanité de leur audace (est-ce bien le mot ?) […] Niel, propriétaire de la planche, ferait vraiment acte de charité en en faisant tirer de temps en temps quelques épreuves. […] Les parents, par économie, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.

179. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Des sermons de Massillon même, il tirait des troubles et des plaisirs sensuels ; d’un amalgame de souvenirs littéraires et de visages entrevus, il forma son idée de la femme, un « fantôme d’amour » qu’il devait exprimer dans tous ses livres, chercher en toutes ses amies. […] Je ne crois pas qu’il y ait à tirer de sa vie un seul acte de volonté : des élans d’instinct, des sursauts de passion, tout au plus. […] Il a lu Voltaire, Diderot, Rousseau, l’Encyclopédie : voilà d’où il tire toutes ses idées, par un très simple procédé de conversion : il tourne leurs affirmations en négations, et inversement. […] Il a un chapitre prodigieux sur le rôle du serpent dans la chute de l’homme, et, nous racontant la rencontre qu’il a faite d’un Canadien charmeur de serpents, il en tire une induction en faveur de la vérité de l’Écriture. […] Il multiplie les comparaisons livresques, tirées le plus souvent des poèmes homériques : tel Achille, etc.

180. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Mais l’étude de ces origines est un digne sujet pour nous ; car c’est là que nous reconnaissons, dans toute leur naïveté, les caractères que tire l’esprit français du sol même de la France, des mœurs locales, des diverses circonstances de la formation, de notre pays en corps de nation ; c’est là que nous entrevoyons la forme particulière que va recevoir l’esprit humain représenté par l’esprit français. […] C’est ce spectacle que nous offrent tous nos chefs-d’œuvre ; il ne s’y voit autre chose qu’une raison supérieure rendue assez forte, par l’amour de la vérité, pour dominer l’imagination et les sens, et pour tirer d’admirables secours d’où lui viennent d’ordinaire les plus grands dangers. […] Quoi qu’il en soit, nous avons toutes les inspirations qu’on peut tirer de cette grande idée de la patrie, regardée comme la demeure même de la raison et nous n’avons pas ce patriotisme étroit, qui naît de la dépendance même du corps à l’égard de la patrie matérielle, et qui borne les pensées à la vallée où l’on est né. […] Dans les littératures du Midi, presque toutes les pensées sont des métaphores, et tout s’exprime par des images tirées des sens. […] J’indique ce que la langue française veut de quiconque prend la plume ; et ces réflexions sur les lois du discours regardent, non ceux qui ont le don du discours, mais ces esprits, en grand nombre, qui peuvent se perfectionner par la culture, et tirer du travail des ressources qui les sauvent du ridicule de mal écrire.

181. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Il goûtait dans Lucien cette raillerie qui ne trouve rien de respectable ni de haïssable dans les opinions humaines et qui va tirer la barbe d’or de Jupiter. […] La raison d’où elles tirent leur origine les reprenait à la philosophie qui n’en avait rien su faire, et à la théologie qui les avait confondues toutes en une seule, la vérité selon la foi. […] Cette gloire est belle, et pourtant il serait injuste d’y réduire Rabelais ; et s’il n’a rien de plus excellent que ce qu’il a tiré de la Renaissance, une certaine part des créations de son esprit n’est pas moins durable. […] Panurge est l’homme du peuple il a besoin de toutes ses ressources pour se défendre et subsister, et si ses qualités n’y suffisent pas, il est tenté, pour se tirer d’affaire plutôt que par perversité, de faire le contraire du bien. […] Rabelais tire la Vérité de son puits, et la prostitue aux yeux des passants.

182. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Tirer de soi toute la mouture qu’on en peut tirer, voilà ce qui devient la règle du monde. […] Du moins n’ai-je jamais cherché à tirer parti de cette qualité inférieure, qui m’a plus nui comme savant qu’elle ne m’a servi par elle-même. […] Le déplacement d’un atome rompait la chaîne de faits fortuits qui, au fond de la Bretagne, me prépara pour une vie d’élite ; qui me fit venir de Bretagne à Paris, qui, à Paris, me conduisit dans la maison de France où l’on pouvait recevoir l’éducation la plus sérieuse ; qui, au sortir du séminaire, me fit éviter deux ou trois fautes mortelles, lesquelles m’auraient perdu : qui, en voyage, me tira de certains dangers où, selon les chances ordinaires, je devais succomber ; qui fit, en particulier, que le Dr Suquet put venir à Amschit me tirer des bras de la mort, où j’étais enserré. […] Un peu de purgatoire serait peut-être juste ; j’en accepterais la chance, puisqu’il y aurait le paradis ensuite, et que de bonnes âmes me gagneraient, j’espère, des indulgences pour m’en tirer.

183. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

La méthode subjective commet la faute de tirer du sujet la matière, au lieu d’en tirer seulement la forme. […] J’enlève le cadran, tout l’extérieur, rien ne change ; j’arrête le pendule, tout s’arrête ; je le remets en mouvement, tout reprend ; je tire un poids avec force, je vois les aiguilles courir, les sons se précipiter. […] Accordé ; car si elles n’étaient pas impliquées, on n’aurait pu les en tirer. […] Peut-être quelques philosophes des écoles adverses trouveront-ils qu’il tire un peu trop à lui ces vieux textes que leur élasticité rend commodes. […] Observations zoologiques, anatomiques, physiologiques, pathologiques, voilà ce qu’il faut pour base ; et certes, Gall a amassé plus de faits de cette sorte qu’aucun de ses prédécesseurs ; il a montré la patience et l’habileté d’un investigateur, bien qu’il ait tiré de toute cette collection de matériaux des interprétations fausses et des conclusions non vérifiées.

184. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Il fallait une bien autre femme que Mme Henry Gréville, ce bas-lilas, ce talent à nuances douces, pour tirer puissamment parti de cette idée, inépuisablement féconde ! […] Elle n’a pas le regard qu’on rabat du ciel sur les choses de la vie et qui, tombant de si haut, va au fond… C’est une femme du monde, qui peint une société dont les surfaces l’attirent, bien plus qu’un romancier moraliste qui prend les passions et les jauge partout où elles sont… Mais, si elle n’est pas, si elle ne peut pas être le moraliste à la façon des grands romanciers qui savent l’ordre le cœur humain pour tirer la morale du sang, des larmes et de la fange qu’ils en font sortir, elle est toujours et partout la plume pure que j’ai dit qu’elle était. […] Mais Dosia m’a tiré de cette anxiété, car Dosia, c’est l’esprit !

185. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

L’auteur, en dehors de son livre, m’est inconnu, mais je ne serais pas surpris qu’il fût attaché comme « rédacteur » au ministère des affaires étrangères ; et, s’il n’y est pas, on peut l’y mettre, car il a la convenance, la correction, la haute prudence, le culte du carton, la cravate blanche, tirée à quatre épingles, qu’on a dans ces pays ministériels, quand on y écrit quelque chose. […] Il devait s’y trouver très bien, dans ce tombeau splendide ; mais telle n’est pas l’opinion de Valfrey, — un exigeant, à ce qu’il paraît, — qui a voulu le tirer de là et lui bâtir, à part et de sa main, une petite colonnette… Chacun entend la gloire à sa façon, surtout quand on croit pouvoir la donner, et Valfrey est impatient d’ajouter à celle de Hugues de Lionne, qu’il ne trouve ni assez retentissante, ni assez personnelle. […] Lionne dut tirer souvent de cette qualité de grand seigneur, qui est peut-être un vice, un parti énorme ; car, en affaires, les hommes sont subjugués par l’aisance, la largeur sceptique, les grandes manières, qui sont parfois de grandes impertinences, et un jugement qui passe à cent pieds au-dessus de toutes choses.

186. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Cela n’a point cette note insupportable de l’originalité qui déchire l’oreille de l’amour-propre, — cette oreille, délicate et longue, qu’il faut ménager, — et cela ne tire pas non plus brusquement les gens qui les aiment de la béatitude des idées communes… Prévost-Paradol ne sonne point du cor de Roland, en littérature ; de ce cor qu’on n’entend pas toujours, malgré sa puissance, qui meurt sans écho et qui brise les cœurs épuisés… Il joue, lui, d’un instrument plus commode. […] Mais, soyons juste, il en joue avec une telle supériorité qu’aux premiers sons qu’il en a tirés il s’est fait suivre, comme le plus charmant des pasteurs, par le troupeau enthousiasmé de Panurge, par tous les petits moutons de la libre pensée. […] Ils sont, sans doute, restés dans leur gaine, avec cette supériorité politique qu’il n’en peut pas tirer non plus : malheureux génie cloué dans son fourreau.

187. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Sachant l’immense parti que les protestants tirent de leurs traductions de la Bible, il s’est dit que les catholiques pouvaient imiter cette propagation par les livres, et il a rapproché, à l’aide d’une traduction fidèle et pure, de la pensée des plus nombreux, le texte de l’enseignement divin, afin que les simples autant que les doctes pussent y réchauffer leur foi ou y désaltérer leur piété. […] La philosophie, qui s’embusque partout où elle peut tirer de là sur la religion, ne s’est pas contentée de nier la divinité de Jésus-Christ dans les livres d’une exégèse difficile, de bouleverser le sens des prophéties, de discuter et de dénaturer les miracles. […] L’abbé Brispot accompagne le texte concordé des Évangiles de commentaires, explications et notes, tirés des écrivains les plus illustres de l’Église dans l’ordre de la sainteté ou de la science, et c’est dans le choix de ces annotations, qui viennent ajouter leur lumière à celle du texte souvent d’une trop divine pureté pour tomber dans des yeux charnels sans les offenser, que l’abbé Brispot a montré les richesses d’une forte érudition religieuse et le tact supérieur qui sait s’en servir.

188. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Et si cela était, son livre ne serait plus qu’une manière de pressentir et de préparer l’opinion, et de repassionner cette gloire froidie dans laquelle il a donné le coup de fourgon qui tire du brasier encore un dernier flamboiement. […] Mais un livre sur Milton seul, et tiré de Milton seul, comme il tira lui-même son traité de la doctrine chrétienne de l’écriture seule (alone), on pouvait très bien ne pas le faire.

189. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Sans aucun doute, dans ce jeu bizarre où l’auteur devient de bonne foi, et, comme l’acteur, se fascine soi-même, il y a (et la Critique doit l’y voir) un naturel de poëte dramatique qui, tiré de toutes ces données, sujets habituels des contes d’Edgar Poe : le somnambulisme, le magnétisme, la métempsycose, — le déplacement et la transposition de la vie, — aurait pu être formidable. […] Dieu lui avait donné des facultés singulièrement belles, puissantes et rares ; il n’en tira point le parti qu’il en eût pu tirer.

190. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

tirez ensemble. L’Athmonien y va de tout cœur, et se suspend tout entier à la corde ; mais ils ne tirent pas tous avec un zèle égal. […] Peut-être ai-je à l’égard de Socrate poussé trop loin mes railleries, puisque ses ennemis en ont tiré des armes contre sa personne. […] La preuve s’applique aisément aux deux préceptes, et se tire à la fois des œuvres de Regnard et de Molière. […] On voit que la pensée fondamentale de Térence est celle qu’a prise Molière ; mais qu’il en tire un meilleur parti.

191. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Guttinguer, avait donné autrefois une fleur de Pensées choisies, tirées surtout des derniers ouvrages du philosophe : c’est une manière commode, mais un peu trompeuse, d’attirer vers Saint-Martin, qui de près est bien plus compliqué que ne l’annonçait ce choix aimable. […] Il m’est impossible de ne pas noter en passant cette disposition de Saint-Martin à tirer de toutes choses signe, indice et présage. […] Le maréchal de Richelieu, la marquise de Coislin, le duc de Bouillon, la duchesse de Bourbon, le duc d’Orléans (Égalité), quantité de princes russes, tout ce monde aristocratique aimait à connaître, à rencontrer M. de Saint-Martin, homme de qualité, ancien militaire et, vers la fin, chevalier de Saint-Louis, très protégé des Montbarrey ; et Saint-Martin, doux, poli, curieux, naïf, toujours digne pourtant, s’y prêtait, sans s’exagérer auprès d’eux son genre d’action et d’influence : « J’abhorre l’esprit du monde, disait-il, et cependant j’aime le monde et la société ; voilà où les trois quarts et demi de mes juges se sont trompés. » Il y a un très joli mot de lui sur les gens du monde qu’il faut prendre au vol pour les convertir : Les gens des grandes villes et surtout des villes de plaisir et de frivolité comme Paris, sont des êtres qu’il faudrait en quelque sorte tirer à la volée, si l’on voulait les atteindre. Or, ils volent mille fois plus vite que les hirondelles ; et en outre ils ont grand soin de ne vous laisser qu’une lucarne si petite, qu’à peine avez-vous le temps de les voir passer : et c’est cependant tout ce que vous avez de place pour tirer. […] Ce jour-là, sans y avoir songé, il sortit de l’ombre, il tira nettement le glaive et se dessina tout entier.

192. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Poirson l’a tiré en entier de l’observation directe des circonstances et des actes de son règne. […] L’état extrême où Henri a trouvé et pris en main la France à la mort de son prédécesseur, la situation désespérée d’où il l’a tirée en luttant, et la situation florissante et forte où il l’a replacée, où il l’a élevée en elle-même et dans ses relations avec l’Europe, telle est l’idée du livre de M.  […] » Henri IV a plus que le bon sens qui plante ses jalons sur la route ; il a l’éclair et l’illumination dans les périls, le rayon qui semble venir d’en haut : Les ignorants, conclut Du Fay, appelaient cela bonheur et félicité ; mais nous qui savons la vérité le devons nommer grâce et faveur de Dieu le grand monarque, le Dieu des batailles, et en tirer de là une conclusion nécessaire, que ce grand ouvrier ne fait rien à demi, et que, puisqu’il a si heureusement commencé son ouvrage en ce petit berger, il l’achèvera entièrement à sa gloire. […] Quand les bonnes gens faisaient les noces de leurs enfants, c’était un plaisir d’en voir l’appareil ; car, outre les beaux habits de l’épousée, qui n’étaient pas moins que d’une robe rouge et d’une coiffure en broderie de faux clinquant et de perles de verre, les parents étaient vêtus de leurs robes bleues bien plissées, qu’ils tiraient de leurs coffres parfumés de lavande, de roses sèches et de romarin ; je dis les hommes aussi bien que les femmes, car c’est ainsi qu’ils appelaient le manteau froncé qu’ils mettaient sur leurs épaules, ayant un collet haut et droit comme celui du manteau de quelques religieux ; et les paysannes, proprement coiffées, y paraissaient avec leurs corps de cotte de deux couleurs. […] Voyons les choses de l’histoire telles qu’elles se sont passées, et tirons-en les conséquences les meilleures.

193. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Je sais qu’un noble esprit peut, sans honte et sans crime, Tirer de son travail un tribut légitime, disait Boileau en faveur de Racine, et c’était une manière de concession. […] Cependant de grands et hauts talents, obsédés ou aveuglés, cèdent au torrent et y poussent, imitent et encouragent les déportements dont ils croient pouvoir toujours se tirer eux-mêmes sans déshonneur. […] Le personnage trop célèbre et d’une capacité aussi incontestable que malheureusement dirigée, qui a eu cette idée hardie, prétendait tuer ce qu’on appelait le monopole de quelques grands journaux ; mais il n’a fait que mettre tout le monde et lui-même dans des conditions plus ou moins illusoires, et où il devient de plus en plus difficile, à ne parler même que de la littérature, de se tirer d’affaire avec vérité, avec franchise. […] Les théâtres s’en tirent parfois pourtant mieux que le reste. […] Elle avait rallié des noms, des plumes célèbres, sans lien vrai ; elles les a compromises, décréditées plutôt en détail, sans en rien tirer de collectif ni de puissant.

194. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Je n’irai pas jusqu’à dire avec La Bruyère que « les enfants des dieux se tirent des règles de la nature, que le mérite chez eux devance l’âge et qu’ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance ». […] Quel que soit l’éclat de leurs mérites personnels, on ne le distingue jamais nettement de celui qu’ils tirent de leur naissance. […] Dès la première rencontre, il se bat éperdument. « Après avoir tiré à bout portant ses deux pistolets, il désarme de sa main et fait prisonnier un capitaine de cuirassiers de l’empereur. » Nous savons par les témoignages des contemporains qu’il donnait toujours de sa personne dans la mêlée, que le combat l’enivrait et le transfigurait, et qu’il apparaissait alors, les yeux flamboyants, tout rouge de sang, « pareil au dieu Mars ». […] Je m’en suis tiré parce que je n’avais guère à faire preuve d’initiative ; mais un bataillon de mille hommes m’aurait fort gêné, si j’avais dû le faire manœuvrer. […] Il part bravement à la tête de ses hommes, sans s’occuper ni de sa gauche ni de son centre, et s’acharne à combattre sur place, laissant à ses lieutenants, Gassion et Sirot, le soin de le tirer d’affaire. » La dernière phrase est sévère et sans doute injuste ; mais j’avoue que j’avais été moi-même un peu surpris de voir un général en chef s’engager à fond de train, dès le début, à la tête d’un escadron, et se mettre ainsi dans l’impossibilité d’embrasser l’ensemble de l’action, de la diriger et de parer aux surprises.

195. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Il le prêche, en quelque sorte, à travers les rideaux tirés de son lit. […] C’est là un sentiment tiré du fond même de la « caverne », comme un philosophe a appelé l’âme humaine. […] Il lui dit de ces mots qui auraient tiré d’un père d’autrefois une malédiction tranchante comme un glaive. […] Chaque fois qu’il tombe à plat dans le fiasco d’un faux pas, il croit s’en tirer par une pirouette qu’on dirait exécutée sur un talon rouge. « Saute, baron !  […] Délivrer Jacques, le tirer des griffes de ce gorille galonné, c’est la seule ambition de Pierre.

196. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

L’admiration, l’enthousiasme dont il était saisi, lui inspirait des expressions qui répondaient à la mâle et harmonieuse énergie des vers grecs, autant qu’il est possible d’en approcher dans la prose d’une langue à peine tirée de la barbarie… Cependant M. de Malezieu, par des efforts que produisait un enthousiasme subit, et par un récit véhément, semblait suppléer à la pauvreté de la langue, et mettre dans sa déclamation toute l’âme des grands hommes d’Athènes. […] M. de Malezieu était, selon toute apparence, un de ces hommes qui puisent l’activité dans un tempérament robuste, et y combinent la finesse ; qui, avec un premier fonds étendu et solide d’études qu’ils n’accroissent pas, se tournent ensuite uniquement à le mettre en usage dans le monde, à en tirer parti et profit auprès des grands. […] À l’époque de son mariage, on avait fait pour elle un emblème et une devise : une mouche à miel, avec ces mots tirés de l’Aminte du Tasse : « Piccola si, ma fa pur gravi le ferite… Elle est petite, mais elle fait de cruelles blessures25. » On en prit occasion plus tard, dans les premiers temps de Sceaux, de former une société des personnes qui avaient le plus souvent l’honneur d’y venir, sous le titre de l’ordre de la Mouche à miel. […] Un enseignement sérieux ne pourrait-il pas se tirer déjà à la vue d’une telle existence et d’une telle nature, qui nous semblent aujourd’hui fabuleuses ? […] Tout autre en eût tiré quelque leçon, ou du moins quelque dégoût et quelque tristesse ; mais la force du naturel et des premières impressions l’emporta.

197. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Voici un échantillon de la scène : s’étant écarté seul un moment de sa chaise de poste, et, étant entré dans une forêt de sapins assez claire, il si trouva en face d’un homme armé d’un long coutelas, qui lui demanda, en allemand, la bourse ou la vie, Beaumarchais, au lieu de sa bourse, tire de son gousset un pistolet, et, de l’autre main, il tient sa canne pour parer les coups. […] Après que les événements sont accomplis, quand les révolutions ont eu leur cours et se sont chargées de tirer toutes les conséquences, ces choses d’un jour, dont la portée ne se sentait pas, prennent une signification presque prophétique, et nous pouvons dire aujourd’hui : L’ancienne société n’aurait pas mérité, à ce degré, de périr, si elle n’avait pas assisté ce soir-là, et cent fois de suite, avec transport, à cette gaie, folle, indécente et insolente moquerie d’elle-même, et si elle n’avait pas pris une si magnifique part à sa propre mystification27. […] Ce n’est plus un Gil Blas tout simple et naturel, se laissant aller au cours des événements et au fil de la vie pour en tirer ensuite une expérience non amère. […] On le voit, pendant tout le temps de la vogue de Figaro, occupé de sa pièce comme un auteur entendu qui sait les rubriques du métier, et qui ne songe qu’à en tirer tout le parti possible pour le bruit et pour le plaisir. […] C’était une des manœuvres qui lui étaient réputées familières : s’emparer d’une calomnie, d’une méchanceté dont il était l’objet, et la propager pour y mieux répondre, pour en tirer avantage et se faire des amis de tous les badauds indignés.

198. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Voltaire tirait à Shakespeare comme les paysans tirent à l’oie. […] Il tire de la conscience tout l’imprévu qu’elle contient. […] Pas de poésie que tirée à quatre épingles. […] Un curieux genre pudibond tend à prévaloir ; nous rougissons de la façon grossière dont les grenadiers se font tuer ; la rhétorique a pour les héros des feuilles de vigne qu’on appelle périphrases ; il est convenu que le bivouac parle comme le couvent, les propos de corps de garde sont une calomnie ; un vétéran baisse les yeux au souvenir de Waterloo, on donne la croix d’honneur à ces yeux baissés ; de certains mots qui sont dans l’histoire n’ont pas droit à l’histoire, et il est bien entendu, par exemple, que le gendarme qui tira un coup de pistolet sur Robespierre à l’Hôtel-de-Ville se nommait La-garde-meurt-et-ne-se-rend-pas.

199. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

sous ce titre : Dictionnaire françois, contenant l’explication des mots, plusieurs nouvelles remarques sur la Langue françoise, ses expressions propres, figurées & burlesques, la prononciation des mots les plus difficiles, le genre des noms, le régime des verbes avec les termes les plus connus des arts & des sciences : le tout tiré de l’usage & des bons auteurs de la langue françoise. […] Le principal & le seul mérite de ce livre, si ce n’est pas un vice, est d’avoir accumulé une foule d’exemples tirés d’auteurs connus ; mais ces exemples ainsi entassés, fatiguent bien plus le lecteur qu’ils ne l’instruisent. Des phrases composées exprès pour rendre sensible toute l’énergie d’un mot, & pour marquer de quelle maniere il doit être employé, donnent une idée plus nette & plus précise de la juste étendue de sa signification, que des phrases tirées de nos bons auteurs, qui n’ont pas eu ordinairement de pareilles vues en écrivant. […] Il est bon d’ailleurs de savoir de quelle langue nous avons tiré tel ou tel terme, du moins si l’on veut conserver en écrivant les restes de la figure primitive de chaque mot. […] in-8°. son Dictionnaire du vieux langage françois, enrichi de passages tirés de manuscrits en vers & en prose, des actes publics, des ordonnances de nos Rois, & c.

200. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

C’est d’elle-même qu’ils tirent leur signification et leur énergie. […] Ma seconde raison est tirée de la syntaxe de ces deux langues. […] Ainsi les écrivains latins, et particulierement les poetes latins qui n’ont pas été gênez autant que les nôtres, ont pû tirer de leur langue des agrémens et des beautez qu’il est presque impossible aux nôtres de tirer de la langue françoise. […] Elle guindée du zephire sublime en l’air vire et revire, et y déclique un joli cris qui rit, guerit et tire l’ire des esprits mieux que je n’écris.

201. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Le clergé peut donner l’instruction à très-bas prix ; il a dans ses écoles et petits séminaires des professeurs qu’il paye peu, si encore il les paye ; il reçoit volontiers gratis les enfants pauvres pour les tirer à lui. […] Au bout de quelque temps de ce voyage entre bons amis, le catholicisme se trouverait fort dépourvu et amoindri : il le sent, aussi n’accepte-t-il pas les avances, et il tire à boulets contre l’ennemi qui a beau se pavoiser de ses plus pacifiques couleurs.

202. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

., priez-le de vous envoyer ces Vers, avec un certificat du Préteur, du Geolier, & de la Muse libertine qui m’aura inspiré si magnifiquement : il y a apparence que M. de Voltaire connoît tout ce monde-là… Ce n’est pas tout : il prétend, dans le même Ouvrage & avec la même vérité, qu’ayant été tiré de la plus extrême misere par feu M. […] Si ce généreux ami vivoit encore, il rendroit plus de justice à mes sentimens, & seroit le premier à s’élever contre l’Ecrivain qui lui fait les honneurs de m’avoir tiré d’une misere que je n’ai point éprouvée.

203. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Le soir où il écrivait cela, Gavarni avait près de lui une maîtresse d’ancienne date ; et, pour se tenir compagnie, il avait tiré d’un tiroir secret un petit livre rouge, à coins usés, usés, usés. […] Brochurette tirée à 42 exemplaires.

204. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Je ne sçais point même s’il ne faut pas plus de génie pour tirer du marbre une composition pareille à celle de l’Attila, que pour la peindre sur une toile. […] Je ne prétend pas loüer l’Algarde d’avoir tiré de son génie la premiere idée de cette execution, ni d’être l’inventeur du grand art des bas-reliefs, mais bien d’avoir beaucoup perfectionné par l’ouvrage dont il s’agit ici, cet art déja trouvé par les modernes.

205. (1921) Esquisses critiques. Première série

Quel prestige en peuvent-elles tirer ! […] Pour tirer des exemples des textes, nous dirons que, dans l’une des comédies les plus typiques de M.  […] Quant aux effets tirés de cette admirable constance, ils choquent et rebutent. […] Il veut encore tirer une leçon de la peinture qu’il en fait. […] Sans vouloir fatiguer le lecteur par un choix trop abondant d’exemples tirés des divers ouvrages de M. 

206. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Dieu ne tire pas plus rapidement les hommes du néant. […] La conclusion est-elle difficile à tirer ? […] Ils l’ont tiré de pair. […] Desnoiresterres, VIII, p. 364-366] ; et s’il convient d’en tirer le parti qu’on en a tiré. — Légendes qui courent sur la mort de Voltaire ; — et qu’il semble bien qu’elles ne soient que des légendes. […] Daire), ou presque tous, ne sont à vrai dire que des ébauches dont le principal intérêt se tire du personnage qu’a joué leur auteur.

207. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

L’Introduction, Rabelais et la première moitié de Montaigne en sont principalement tirés. […] Il inventa chariotz et charettes, pour plus commodement le tirer. […] Des voleurs vous ont prins, ils vous ont remis en liberté, ayant tiré de vous serment du payement de certaine somme. […] Le livre avait tiré trop haut. […] Quel parti pouvons-nous tirer de la loi de Moïse ?

208. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Il semble que le grand fabuliste ne l’ait voulu traiter que pour l’acquit de sa conscience et pour en tirer vite la moralité. […] Ce dernier fabuliste semblerait s’être souvenu, en vérité, de l’ancien apologue, et en avoir tiré quelques-uns de ses traits. […] L’ordre des Templiers et celui des Hospitaliers lui adressent la même demande ; chacun des deux réclame et tire à soi Renart qui, cette fois, se décide et obtient du pape la permission d’appartenir aux deux ensemble. […] Qu’on ne nous parle plus des Romances du Cid pour en faire honte à nos vieux trouvères : ici, il y a des accents tout pareils, que le vieux chantre patriotique a pris sur le vif et tirés de ces rudes courages.

209. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Quand Louis XIV fut mort, que ses dernières volontés eurent été cassées et les têtes les plus chères au feu roi compromises dans des conspirations où étaient impliqués des parents de Dangeau lui-même, Mme de Maintenon, écrivant un jour à Mme de Dangeau, lui disait : « Comment M. de Dangeau se tire-t-il de l’état présent du monde, lui qui ne veut rien blâmer ?  […] En fait de Dangeau, pour en tirer le bon profit historique, il faut tout ou rien. […] On se demande d’abord comment il a l’idée de noter de pareilles choses, des minuties telles que celles qu’il enregistre : Monseigneur prit médecine et me donna deux petits tableaux de sa propre main, etc. — Le roi alla tirer dans son parc ; Mme la Dauphine se fit saigner et garda le lit tout le jour. […] « Le roi, au sortir de la messe, alla tirer dans son parc ; Monseigneur courut le loup ; Mme la Dauphine prit médecine.

210. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Le mieux donc, même en causant, est de ne pas désespérer à ce point des talents nés incomplets, de ne pas rayer d’un trait les esprits, eussent-ils leur coin d’infirmité (et chacun a le sien, elle en convient toute la première), de ne pas méconnaître le parti qu’ils peuvent tirer d’eux-mêmes et qu’en peut tirer la société. […] J’ai toujours pensé qu’un homme de génie arrivant aux affaires eût tiré le plus magnifique parti de tous les éléments qui fermentaient alors. […] [NdA] Un volume avec portrait, imprimé chez Lahure (1855), et tiré à peu d’exemplaire.

211. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Satisfait de savoir et de bien savoir, sans prétendre en informer l’univers, prêt toutefois à faire part à quiconque le consultait du vaste et tranquille trésor de ses connaissances, il était tout l’opposé du metteur en œuvre, qui tire aussitôt parti de ce qu’il sait et se hâte d’en faire montre, de celui dont le poète satirique a dit : Scire tuum nihil est, nisi te scire hoc sciat alter. […] Et toutefois, après qu’on a bien envié ce bonheur d’une étude libre, ornée, active et oisive, ayant à elle une belle galerie bâtie tout exprès, remplie de livres, décorée de tableaux, de statues, et en vue d’un lac magnifique, on reconnaît tout bas, à la manière même dont il a usé de ses dons et de ses avantages, qu’il y a autre chose à faire encore qu’à jouir ainsi ; que, si noble et utile qu’ait été son exemple parmi ses compatriotes et pour ceux, qui le consultaient de près, il n’a pas donné tout ce qu’il aurait pu, et qu’un peu de contrainte, un peu de nécessité ne nuit pas ; que c’est sous ces rudes conditions seulement que l’homme, moitié de bon gré, moitié à son corps défendant, tire de lui-même, de son foyer et de ses couches intérieures, tout l’art, toute l’industrie dont il est capable, et le peu d’or qu’il doit à tous. […] Il est piquant de voir comme chacun tirait à soi, par amour-propre, le héros demi-dieu : les Persans, pour se consoler d’avoir été vaincus, faisaient Alexandre fils du premier Darius (de telle sorte qu’en détrônant le second Darius, il n’avait fait que chasser son frère cadet) ; et les Égyptiens, en vertu d’un même point d’honneur, le faisaient fils de leur dernier roi national, Nectanèbe. […] Auguste-Guillaume de Schlegel est encore un homme qui, par la profondeur et l’étendue de la science, est de la famille des précédents ; mais celui-ci avait en lui de l’artiste, et, s’il embrassait beaucoup et préparait longuement, il tirait enfin la statue du bloc, il terminait quelquefois.

212. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

On prétendait tirer à soi Joseph de Maistre contre ses adversaires menaçants. […] n’avait-il pas espéré tirer de lui je ne sais quelle étincelle sympathique ? […] M. de Maistre n’a rien de l’émigré en cela ; il voit l’ennemi en plein, dans toute sa grandeur : « Jamais, écrit-il en 1813, Napoléon n’a été plus grand militaire que dans la manière dont il s’est tiré de la catastrophe de 1812. » Mais ce qui le préoccupe le plus, c’est le tour et la trempe de l’esprit français : il revient à diverses reprises sur ce qu’il a dit tout à l’heure et qu’il a peine à s’expliquer. […] C’est ainsi qu’il pense en tous sens, même en avant, et de droite et de gauche, surtout de haut ; au risque de tirer parfois sur ses propres troupes.

213. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Janin a une manière de s’en tirer en homme d’esprit et de marquer jusqu’à un certain point sa contrainte : il les loue trop. […] Il accumule tout d’abord tant d’éloges à leur sujet, qu’il est bien aisé de sentir que cette fois l’éloge ne tire point du tout à conséquence. […] Janin en a su tirer. […] Arnauld bénisse à Utrecht le mariage de Mlle de Prohenques, cette fille de l’Enfance qui s’était enfuie par escalade, quand je lis dans un écrit d’Arnauld lui-même qu’il ne parle d’elle que comme d’une fille apostate, et de l’homme qu’elle épouse que comme d’un grand débauché : On voit assez, dit le sévère docteur, que Dieu, qui tire le bien du mal, n’a permis qu’elle soit tombée dans des désordres si scandaleux et dans des contradictions si manifestes, que pour découvrir de plus en plus l’innocence des Filles de l’Enfance, et la malice de leurs adversaires, qui se sont servis du témoignage de cette apostate pour surprendre la religion du roi.

214. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il visita l’Écosse dans l’été même de cette année 1759, et il s’y lia avec les hommes de premier mérite dont cette contrée était alors si pourvue, et qui y formaient un groupe intellectuel ayant un caractère particulier, l’historien Robertson, David Hume, Ferguson et plusieurs autres : En somme, je dois dire, écrivait-il en revenant sur ce voyage d’Édimbourg, que ces six semaines que j’y ai passées sont, je le crois, celles du bonheur le mieux rempli et le plus dense que j’aie jamais eu dans aucun temps de ma vie ; et l’agréable et instructive société que j’y ai trouvée en telle abondance a laissé une si douce impression dans ma mémoire, que, si de forts liens ne me tiraient ailleurs, je crois que l’Écosse serait le pays que je choisirais pour y passer le reste de mes jours. […] Le tour de son esprit pourtant le ramène toujours à la pratique et à l’usage qu’on peut tirer de la science pour la sûreté ou le confort de la vie. […] Sa perspicacité, d’assez bonne heure, dut l’éclairer sur l’avenir inévitable ; mais il n’en continua pas moins jusqu’au bout, et avec une patience inébranlable, de tenir pied et de tirer parti des moindres circonstances qui pouvaient procurer l’accord et donner jour à l’arrangement. […] Il y mêla des sarcasmes et des railleries qui tirent plus d’une fois rire à gorge déployée tous les membres du Conseil.

215. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Lainé plus énergique et moins fébrile, aussi pur, assistant, non sans une ombre de tristesse, à l’orgie parlementaire, à ce marché d’intrigues et de corruptions qui se démena durant tout le règne de Louis-Philippe, et sans y prendre d’autre part que de s’y pencher de temps en temps, et d’y plonger le regard pour le juger avec honnêteté et dégoût et pour le flétrir (comme il fit à un moment pour la coalition sous le ministère Molé), mais, je le répète, sans jamais en revendiquer profit pour lui ni en tirer prétexte à des combinaisons ambitieuses : je l’eusse voulu, en un mot, plus platonique et plus désintéressé, plus parfait qu’il n’est donné sans doute à la nature humaine de l’être. […] Lamartine est une harpe éolienne : l’ouragan populaire en tire aujourd’hui des sons sublimes, tout comme autrefois faisait la brise amoureuse de Baïa.  […] Tenez ferme, tirez-nous de là et vous aurez des autels. » — Lamartine monta avec son monsieur dans une citadine près la rue du Grand-Chantier ; je le quittai et j’allais devant, lorsque à la hauteur de la rue Sainte-Avoie je fus arrêté, et la citadine qui venait derrière aussi, par la légion du quartier du Temple qui défilait en revenant de l’Hôtel de Ville et qui criait à tue tête : Vive la république !

216. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Racine, en imitant les Grecs dans quelques-unes de ses pièces, explique, par des raisons tirées des passions humaines, les forfaits commandés par les dieux ; il place un développement moral à côté de la puissance du fatalisme : dans un pays où l’on ne croit point à la religion des païens, un tel développement est nécessaire ; mais chez les Grecs, l’effet tragique était d’autant plus terrible, qu’il avait pour fondement une cause surnaturelle. […] La plupart des personnages mis en action dans les pièces grecques, sont tirés de l’Iliade ou de l’histoire héroïque de la même époque. […] Nos situations tragiques les plus belles et les plus simples sont tirées du grec.

217. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Il doit y prendre un appui et ne les jamais perdre de vue dans la disposition des faits : mais il les soumettra à son intelligence et fera dominer sur eux l’ordre logique, qui se tire de la nature essentielle des choses et de leur rapport au but suprême de l’œuvre. […] Il faut en montrer l’unité, et tirer, pour ainsi dire, d’une seule source, tous les principaux événements qui en dépendent : par là il instruit utilement son lecteur, il lui donne le plaisir de prévoir, il l’intéresse, il lui met sous les yeux un système des affaires de chaque temps, il lui débrouille ce qui en doit résulter, il le fait raisonner sans lui faire aucun raisonnement, il lui épargne beaucoup de redites ; il ne le laisse jamais languir, il lui fait même une narration facile à retenir par la liaison des faits… « Un sec et triste faiseur d’annales ne connaît point d’autre ordre que celui de la chronologie : il répète un fait toutes les fois qu’il a besoin de raconter ce qui tient à ce fait ; il n’ose ni avancer ni reculer aucune narration. […] S’il suit la réalité, il risque d’être insignifiant, plat, superficiel : s’il tire les idées et les sentiments du fond des cœurs, il devient symbolique, froid, invraisemblable.

218. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Analyser les pièces du programme, en lire les fragments essentiels, souligner les passages typiques, avec gentillesse pour en montrer la valeur, comme le voisin complaisant qui vous tire par le coude aux bons endroits, ou avec malveillance pour vous en insinuer le ridicule, ce ridicule inséparable de toute beauté un peu neuve ? […] Valait-il mieux, laissant intactes les légendes, tirer de tel ou tel acte de tout à l’heure un problème moral bon à retourner ensemble, en attendant qu’il soit neuf heures et demie ? […] Dans l’un et l’autre cas on se demande : « Va-t-il s’en tirer ?

219. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Il faut que les acteurs tirent de leurs poumons bien des sons qu’ils n’étoient pas obligez d’en tirer, s’ils veulent suivre ces nouveaux instrumens dont les cordes leur font leur procès avec severité quand ils y manquent. […] Qu’il me soit permis, pour éclaircir ce passage d’Horace, de me servir d’une comparaison tirée du chant de l’église.

220. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

D’ailleurs, il faut bien en convenir, quelle que soit la doctrine dont il est question, ce n’est jamais par des arguments tirés d’un ordre d’idées déterminé, qu’on peut enfoncer et ruiner les arguments tirés d’un bon ordre d’idées contraires, et tout de même que le Spiritualisme ne peut mourir que sous des raisons spiritualistes, tout de même le Matérialisme ne peut périr et crouler que sous des raisons, tirées de lui-même : or l’honneur de M. 

221. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

— d’avoir plus tiré sur les cordes de la mandoline de la publicité. […] tout cela peut être exact, mais si, au lieu d’avoir cet unique souci de l’exactitude, l’auteur avait su se servir des notions de cette dissertation pour en tirer des effets de pittoresque ou de drame, il aurait fait de l’art intéressant et non pas une ennuyeuse nomenclature. […] Je ne crains pas de l’affirmer, étant ce qu’il est, ce Saint-Bertrand, nul talent, nul génie n’aurait pu se tirer d’un tel personnage.

222. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte. […] Et quand on pense que l’homme qu’il avait à peindre donnant ces leçons, était le duc de Montausier, quel parti l’orateur pouvait encore tirer d’un gouverneur qui respectait bien plus la vérité qu’un prince, qui, pour être utile, aurait eu le courage de braver la haine, et se serait indigné même de se souvenir que celui qui était aujourd’hui son élève, pouvait être le lendemain son maître.

223. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Bossuet a voulu tirer de l’Écriture sainte toute une politique, et il s’est trompé. On courrait risque aussi, en voulant tirer de l’Évangile une politique humaine, d’ouvrir le champ à bien des systèmes divers et peu d’accord entre eux.

224. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires sur Voltaire. et sur ses ouvrages, par Longchamp et Wagnière, ses secrétaires. »

Il fut renvoyé par Voltaire, lors du voyage de Prusse, soupçonné de tirer deux copies des ouvrages qu’on lui donnait à transcrire et d’en garder une dans son portefeuille. […] Elles sont affligeantes, elles sont profondément immorales, ces sortes d’orgie d’un beau génie en délire ; et quand, dix années plus tard, aux approches d’une mort inévitablement prochaine, on voit éclater de point en point la contrepartie de ces scènes indécentes, quand un prêtre en habit court, introduit dans la chambre du moribond, l’obsède de ses dévotes violences, quand le même Wagnière caché, comme autrefois, derrière une porte, non plus pour rire d’un moine imbécile, mais pour sauver son maître d’un moine hypocrite, écoute tremblant, la main sur son couteau, et s’élance aux cris du vieillard, on tire d’un rapprochement si naturel et si terrible une condamnation plus sévère encore de ces jongleries philosophiques qui provoquent et semblent absoudre les persécutions religieuses.

225. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

Des moyens de trouver la formule générale d’une époque Nous savons comment d’un grand nombre de faits particuliers on peut tirer des vérités plus larges, plus étendues qui s’y trouvent contenues. […] Je ne nie pas, à coup sûr, que l’histoire bien faite d’une littérature ne puisse servir à tirer de l’ombre des faits sociaux de haute valeur ou encore à éclaircir certains mystères de la mentalité humaine.

226. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Placer ses Héros dans des circonstances embarrassantes, les en tirer sans effort ; étonner le Spectateur par des sentimens, des réponses, des raisonnemens imprévus ; réunir à la fois l’élévation des pensées, la grandeur des images, la variété & l’énergie du style : tout cela n’étoit qu’un jeu pour un Génie devant qui les difficultés s’applanissoient d’elles-mêmes. […] « Ce fut Corneille, dit M. l’Abbé de Voisenon, qui eut la gloire difficile de tirer la Tragédie du chaos où elle étoit.

227. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Le Dante & Pétrarque n’ont pas tiré de la langue Italienne autant de ressources & de charmes. […] Chacun voulut avoir la pastorale : on en tira des copies ; & c’est sur ces copies, la plupart fautives, que de Nores déclama contre le goût des pièces modernes.

228. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « X »

S’ils s’adressent « aux autres hommes » ils en tireront « grand profit ». […] Albalat a demandé le secret du stylo… Quel profit on peut tirer d’une pareille tâche !

229. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

C’est de là que nous tirerons les principes qui expliquent comment se forment, comment se maintiennent toutes les sociétés, principes universels et éternels, comme doivent l’être ceux de toute science. […] ) Les trois dernières lignes sont tirées du second corollaire de l’axiome 31.

230. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

Les romanciers du même temps s’imaginaient écrire des histoires véritables, et le Boiardo, l’Arioste, nés dans un siècle éclairé par la philosophie, tirèrent les sujets de leur poème de la chronique de l’archevêque Turpin. […] Ces facultés appartiennent sans doute à l’esprit, mais tirent du corps leur origine et leur vigueur.

231. (1881) Le naturalisme au théatre

Telle est la seule conclusion à tirer. […] Vraiment c’est là une façon de s’en tirer à bon compte. […] Quant à moi, je tire de l’aventure des réflexions tout autres. […] Il faut un grand talent pour s’en tirer avec honneur. […] J’ai promis de tirer des enseignements de cette histoire.

232. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Si nous étions au temps des Romains, où le suicide était religieux et honorable aux hommes politiques malheureux, je me tirerais d’affaire comme un lâche, en fuyant dans un autre monde ; mais cette fuite serait une improbité envers le sort. […] Cela leur tira des larmes des yeux. — Eh bien ! […] Puis nous parlâmes aux religieuses de la charité qui ne pleuraient pas, mais qui tiraient de leurs poches du pain blanc et du fromage de chèvre et une demi-bouteille de vin qu’elles avaient apportée pour son père. […] Tout était changé, comme si on avait tiré un voile devant la nature, et tout paraissait si près qu’il semblait qu’on allait toucher tous les hameaux de la paroisse. […] Quand ils surent que nous étions de pauvres pèlerins venus à pied de si loin pour voir Saint-Point, ils nous introduisirent, accompagnés de tous les chiens hospitaliers qui nous tiraient par les manches et par le bord de nos robes.

233. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Il a beau montrer ses cornes, on lui soutient que ce sont des oreilles, on les lui tire pour le lui prouver. […] C’est la vilenie prise sur nature : et j’admire l’art avec lequel les auteurs ont su tirer des traits saillants et des contours expressifs de cette platitude. […] M. de Trélan hésite et se trouble, Roussel est sur des charbons ardents — c’est le mot — lorsqu’une révolution de bourse vient le tirer d’embarras. […] Il aime l’argent, je le veux bien ; il est banal, intéressé, bellâtre, tiré à quatre épingles dans sa médiocrité financière, d’accord ; mais, du moins, il est vivant, facile, naturel, il ne se plaint pas que la mariée est trop riche. […] On s’attendait à le trouver dans ce Montrigaud ; il s’annonçait bien ; il se campait en scène dans une pittoresque attitude de matamore armé d’esprit jusqu’aux dents ; il tirait à tout venant des coups de pistolet d’épigrammes.

234. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Voici un fragment tiré du récit du bonhomme Champmathieu que la justice prend pour un ancien forçat : Avec ça, j’avais ma fille qui était blanchisseuse à la rivière. […] Admettons que les faits assemblés par le romancier soient d’une exactitude rigoureuse — quoique en réalité voir, ce soit déjà interpréter, par conséquent transformer — il reste à tirer les conclusions, lesquelles dépendront de la nature d’esprit du romancier, de ses idées préconçues, de son génie enfin. […] Le physicien dit d’abord : — Si la foudre est produite par l’électricité, imaginons un cerf-volant terminé par une pointe et lancé en l’air ; j’en devrai tirer des étincelles. — Puis il réalise le cerf-volant, en tire l’étincelle, et vérifie ainsi la loi d’abord hypothétique des relations entre la foudre et l’électricité. […] Il ne faut pas d’ailleurs juger le roman par le libretto d’opéra-comique qu’on en a tiré, où le grave don Jozé Lizavrabengoa devient un « tourlourou » sentimental et Carmen une simple fille de mauvaise vie. […] Un premier événement psychologique se produit : c’est sa visite à la famille des Gaos, — visite qui tire toute son importance de la station que la jeune fille fait chemin faisant à l’église des Naufragés.

235. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Vinet dans son rôle de juge ; il ne connaissait personnellement aucun de ceux dont il avait à parler ; leurs livres seuls lui arrivaient, et il en tirait ses conclusions jusqu’au bout avec sagacité, avec discrétion, et en penchant plutôt, dans le doute, pour l’indulgence. […] Vinet n’a pas eu le même bonheur que Topffer ; il a vu son cher pays en proie aux violents, la culture de quinze années détruite en un jour, ses meilleurs amis dispersés ; il a bu tout le calice d’amertume dont était capable sa nature tendre, et il est à croire que, tout en sentant qu’il en souffrait et qu’il en mourait, sa belle âme en tirait un nouveau sujet de rendre grâces et de bénir.

236. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Tantôt il les tire du tombeau pour les offrir en exemple ; tantôt il leur demande des arguments pour soutenir une thèse qui lui est chère. […] Est-ce à dire que l’histoire, en s’interdisant toute visée utilitaire, soit condamnée à n’être qu’un gaspillage de temps et de forces ; que son immense labeur aboutisse à un vain savoir dont l’humanité ne tirera jamais aucun avantage ?

237. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

L’intelligence, pour remonter au sens étymologique, inter legere, intelligere, l’intelligence agit lorsqu’elle tire de ce qu’on a senti quelque chose qui ne tombe point sous les sens. […] Les Latins tirèrent de là l’usage d’appeler professeurs de sagesse ceux qui professaient l’astrologie judiciaire. — Ensuite la sagesse fut attribuée aux hommes célèbres pour avoir donné des avis utiles au genre humain ; tels furent les sept sages de la Grèce. — Plus tard la sagesse passa dans l’opinion aux hommes qui ordonnent et gouvernent sagement les états, dans l’intérêt des nations. — Plus tard encore le mot sagesse vint à signifier la science naturelle des choses divines, c’est-à-dire la métaphysique, qui cherchant à connaître l’intelligence de l’homme par la contemplation de Dieu, doit tenir Dieu pour le régulateur de tout bien, puisqu’elle le reconnaît pour la source de toute vérité41. — Enfin la sagesse parmi les Hébreux et ensuite parmi les Chrétiens a désigné la science des vérités éternelles révélées par Dieu ; science qui, considérée chez les Toscans comme science du vrai bien et du vrai mal, reçut peut-être pour cette cause son premier nom, science de la divinité.

238. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

« Essayons à l’avenir de tirer la scène du dédain où sa futilité l’ensevelirait infailliblement en peu de temps. […] Cependant il fallait bien en venir là : j’ouvris la pendule, et j’en tirai vivement l’ordre cacheté. — Eh bien ! […] « En même temps il tira de sa poche un mouchoir rouge dans lequel il se mit à pleurer comme un enfant. […] Jamais on n’en a tiré une parole, si ce n’est quand elle dit qu’on lui ôte ce qu’elle a dans la tête. […] — Elle a fait toutes les guerres de l’Empereur avec moi, et je l’ai toujours tirée d’affaire.

239. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy sur les Lettres de Jacopo Ortis, inséré au Courrier Français en 1819, je trouve exprimé à nu, et avec une fermeté de style à la Salluste, ce sentiment d’opposition aux conquêtes et à la force militaire : « Un peuple ne doit tirer l’épée que pour défendre ou conquérir son indépendance. […] C’étaient encore, dans cette correspondance, des retours de désir vers le pays natal, vers la montagne d’où il tirait sa source, et le besoin de peindre à ses amis qui les ignoraient, ces grands tableaux naturels dont il était sevré : « Qui vous dira la fraîcheur de nos fontaines, la modeste rougeur de nos fraises ? […] Il cherchait à tirer des antécédents historiques, des conditions géographiques et de l’esprit religieux des peuples, la loi de leur mouvement et de leur destinée. […] Je trouve dans l’Esprit des Journaux, mars 1788, page 232 et suiv., une lettre là-dessus, tirée du Journal de Paris : Lettre d’un Gentilhomme flamand à mademoiselle Émilie d’Ursel, âgée de cinq ans. […] La psychologie en elle-même (si je l’ose dire), à part un certain nombre de vérités de détail et de remarques fines qu’on en peut tirer, ne sert guère qu’au sentiment solitaire du contemplateur et ne se transmet pas.

240. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Sauf dans un petit nombre de pièces qui ont tiré de ces idées mêmes la force et le naturel qui les a fait durer, le fond et les détails sont fournis par le moment, par les mœurs, par le tour d’esprit particulier de l’époque. […] Qui ne sait, en effet quel parti Montaigne a tiré de la lecture de Plutarque ? […] Après avoir joui avec une curiosité ardente des trésors de la sagesse, et goûté les voluptés dû savoir, on songe à en tirer des applications pour la conduite de la vie. […] S’il s’agit d’une vertu, d’une passion, il en examine les définitions et en rapporte les exemples tirés de l’histoire générale ou anecdotique ; si c’est une maxime générale, il réfute ou approuve, en les faisant valoir toujours, les contradicteurs qu’elle a rencontrés ; si c’est quelque doctrine rendue orgueilleuse et intolérante par ceux qui s’en autorisent ou qui en profitent, il s’amuse des échecs et des démentis qu’elle a reçus. […] Montaigne n’a pas parlé de Plutarque d’un style plus vif, ni sous une impression plus forte et plus présente des fruits qu’il avait tirés de cette lecture : « M’amye, j’attendois d’heure à autre une lettre.

241. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

La volonté, ici, n’est pas encore tirée en divers sens, ni divisée d’avec soi ; sa marche est simple et rectiligne. […] On connaît l’objection tirée des neutres, qui déploient des facultés que les insectes femelles, par exemple la reine des abeilles, ne semblent point avoir. […] Si, au lieu de convenir que deux et deux font quatre, vous prétendez qu’ils font cinq, j’éprouve une sorte de choc et de contrariété intellectuelle, comme si, au moment où mes jambes avancent dans une direction, vous me tiriez brusquement en arrière. […] Or, si on entend par motifs toutes les dispositions à agir, quelles qu’elles soient et d’où qu’elles tirent leur origine, rien n’est plus absurde que de séparer ainsi la volonté des motifs, comme s’ils étaient « hors d’elle », disait Leibnitz, semblables aux poids séparés de la balance. […] Les meilleures comparaisons seraient celles qu’on tirerait des phénomènes vitaux, de l’assimilation et de la désassimilation, par exemple ; mais les phénomènes de la vie sont, eux aussi, un mécanisme d’une extraordinaire complexité, qui recouvre un fond psychique et ne l’éclaire pour nous qu’imparfaitement.

242. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

» Vous fûtes témoins, hier, quand on vint du palais pour le tirer d’ici par force, comment il courut aux vases sacrés, tremblant de tout le corps, le visage pâle et défait, faisant à peine entendre une faible voix entrecoupée de sanglots, et plus mort que vif. […] Mais quelques jours après, ayant eu l’imprudence de sortir de l’Église pour se sauver, il fut pris, et banni en Cypre, d’où on le tira dans la suite pour lui faire son procès à Chalcédoine, et il y fut décapité. Extrait tiré du premier livre du Sacerdoce. […] Nos mauvais livres sont moins mauvais que les mauvais que l’on faisait du temps de Boileau, de Racine et de Molière, parce que dans ces plats ouvrages d’aujourd’hui, il y a toujours quelques morceaux tirés visiblement des auteurs du règne du bon goût. […] n’est-ce pas d’eux que votre sage Addison, l’homme de votre nation qui avait le goût le plus sûr, a tiré souvent ses excellentes critiques ?

243. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il faut, lorsqu’on examine le recueil de La Fontaine qui est intitulé les Fables, bien tirer à part les fables qui sont des contes, parce que ce sont certainement celles qui ont le caractère le plus élevé, même le caractère moral le plus élevé. […] Tous ces textes sont susceptibles de cette interprétation difficultueuse et un peu tirée, et il n’y a pas un texte où il soit exprimé formellement que La Fontaine a été exilé ; bien entendu, car s’il y avait un seul texte formel il n’y aurait pas de discussion. […] Je prétends les surpasser tous et que vous ne sauriez vous acquitter envers moi, si vous ne me souhaitez d’aussi bonnes nuits que j’en aurai de mauvaises avant que notre voyage soit achevé. » Vous verrez, quand je vous lirai ce qu’il dit de sa cousine de Châtellerault, qu’il la donne comme grande liseuse de romans et qu’il ajoute : « C’est à vous, qui les aimez fort aussi, de juger quelle conséquence on en peut tirer. » Il a déjà fait ce reproche à sa femme dans sa première lettre. […] Beautés simples et divines, Vous contentiez nos aïeux Avant qu’on tirât des mines Ce qui nous frappe les yeux De quoi sert tant de dépense ? […] Je ne vous en saurais apprendre autre chose, sinon qu’elle aime fort les romans ; c’est à vous, qui les aimez si fort aussi, de juger quelle conséquence on en peut tirer. » Voilà le portrait d’une jeune cousine de La Fontaine ; voilà une jeune fille dont on ne dit pas le nom et qui, cependant, est immortelle.

244. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Il a tenu à faire un poème technique, non pas seulement didactique, mais véritablement technique, un poème où il fût question longuement de l’origine du quinquina, de la plante qui produit l’écorce dont il est tiré, et puis de tous ses effets, de tout le mécanisme très compliqué, surtout à le comprendre comme La Fontaine l’a compris, de tout le mécanisme de l’action du quinquina sur nos pauvres machines humaines. […] Ragotin est une grande pièce où l’on voit bien que La Fontaine, sans s’y être tué, s’est pourtant appliqué avec un certain intérêt et surtout avec beaucoup de complaisance, et qu’il a tirée de Scarron. […] Il avait donc un véritable goût que je ne lui reproche pas du tout pour le burlesque entendu comme l’entendent les honnêtes gens, et il a tiré du roman de Scarron, avec Champmeslé (mais c’est à peine si je dis avec Champmeslé, car on sait bien que les choses signées La Fontaine et Champmeslé étaient de La Fontaine tout seul ou à peu près ; la part de Champmeslé consistait à faire jouer et répéter les comédiens ; cela est absolument certain), donc, avec Champmeslé, si vous voulez, il a tiré de Scarron une comédie intitulée Ragotin. […] M’étant saisi du crin et me tenant serré, Mon cheval galopait quand mon arme a tiré… et tué l’âne. […] Mon très lettré ami M. de Couynart me fait remarquer : 1° qu’en 1680-1685 des essais assez nombreux d’acclimatation de Shakespeare en France avaient été faits et que La Fontaine avait pu jeter les yeux sur quelque oeuvre du dramatiste anglais   2° que la tragi-comédie de Statira, tirée par Pradon de la Cassandre de La Calprenède, jouée à la fin de 1679, avait été incriminée de mélange de trivialité et de tragique, et que, du reste, Pradon en 1684 ayant, par un factum, exercé des représailles contre Boileau, La Fontaine a pu, réveillé par ce factum contre son ami, se souvenir de Statira et y faire cette allusion prolongée que nous venons de voir ; M. de Couynart penche pour la seconde de ces hypothèses  J’y pencherais aussi, sans doute ; mais d’abord en 1684 Boileau et La Fontaine, compétiteurs à l’Académie, ne devaient pas être si bien ensemble que La Fontaine voulût venger Boileau de Pradon avec un tel éclat ; ensuite Statira présente-t-elle en effet un tel mélange de haut style et de bassesses ?

245. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

En 1811, cet esprit original, appelé à professer au sein de la Faculté des Lettres, prit position sur une question très-particulière à l’école écossaise, et il en tira parti pour renouveler l’observation psychologique. […] C’est surtout, en un mot, l’emploi de nos facultés intérieures que, sans nous en rendre compte, nous cherchons au dehors dans les choses, et qui nous dirige jusque dans la vue que nous en tirons. […] C’est que le lieu, l’assistance les échauffe, et tire de leur esprit plus qu’ils n’y trouvent sans cette chaleur. » Les professeurs célèbres qui ont porté si haut l’honneur de l’enseignement en France sous la Restauration, ont prouvé qu’ils savaient unir en eux ces deux arts qui peuvent très-bien se séparer.

246. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

On tirerait de ses oeuvres une poétique. Vous avez vu qu’on en peut tirer une philosophie. […] Vous voyez qu’il a tiré de ce siècle toutes les idées qu’il en pouvait prendre, et qu’il y a tout feuilleté, les livres et les hommes.

247. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Quand un long usage l’a accouplé à un autre mot, ou enchaîné dans une phrase, il tend toujours à tirer après lui sa compagnie. […] De là vient que tant de substantifs ont de la peine à se séparer de tant d’adjectifs : de là vient que tel sujet tire presque toujours après lui tel verbe. […] Mais la puissance que les mots ont de tirer après eux des séries d’idées et d’images, est de première importance pour le style : selon l’art qu’on a de l’employer, il est terne ou expressif, plat ou relevé.

248. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Ainsi l’on doit se défaire du préjugé tiré du nom de saltation, et qui porteroit à croire que toute saltation tirât son origine du mot saltus qui signifie un sault. […] Ainsi l’homme qui veut exprimer distinctement sans parler, une autre chose qu’une affection, est obligé d’avoir recours à ces démonstrations et à ces gestes artificiels, qui ne tirent pas leur signification de la nature, mais bien de l’institution des hommes.

249. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Il est douteux aussi — du moins, nous le croyons, — qu’ils admettent sans un modeste embarras la conclusion, logiquement très bonne, mais historiquement suspecte, que Bellegarrigue sait tirer de cette absence de la famille aux États-Unis : « L’autorité paternelle — dit-il — ayant abdiqué en Amérique, sinon en totalité, du moins en grande partie, il est arrivé que la famille n’y existe pas… et que l’extrême civilisation autorise les mœurs à ressaisir la simplicité de l’état sauvage. » Mais cet éloge, une fois jeté en passant, des Américains, qui ne sont pas l’objet spécial du livre, l’auteur revient aux femmes d’Amérique ; car sans la femme, nous dit-il avec une galanterie vraiment philosophique, la masculinité ne serait pas ! […] C’est peut-être là un faux semblant ; mais, si les faits qu’il rapporte sont tous vrais, il en ébranle un peu la vérité par les conclusions qu’il en tire. […] « J’admirai — dit-il — dans ce simple détail, dans cette indifférence profonde, toute la superbe résumée de ce grand peuple. » Et, cependant, malgré l’anecdote, que nous acceptons parce que nous sommes trop Européen pour ne pas être poli, ce grand peuple, indifférent et superbe, n’est pas si bien encore pétrifié par l’orgueil qu’il ne pratique le terrible duel au fusil et qu’il ne se boxe dans ses assemblées législatives, ou ne s’y tire des coups de pistolet à bout portant !

250. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Et, par-dessus tout cela, quel mortel ennui à traverser pour arriver à cette conclusion, qu’on savait bien avant qu’elle fût tirée : c’est que Crétineau était un officier de fortune, comme le major Dalgetty, qui faisait la guerre pour le compte des autres, mais avec cette différence que le major Dalgetty était indifférent à toutes les causes, et que Crétineau ne faisait la guerre pour les autres que quand les autres pensaient comme lui et que leur drapeau était son drapeau… Oui ! […] La paperasse a envahi un livre qu’il fallait couper dans la paperasse et d’où il fallait le tirer, comme on tire, d’un bloc, la tête d’un buste.

251. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

je ne veux parler que des philosophes, et non pas des prêtres positivistes, des philosophes qui prétendent tirer une grande doctrine des six volumes de fatras qu’Auguste Comte a légués… aux vers de la terre, et qui font actuellement de si grands efforts pour cacher le ridicule fondamental de leur grand homme. […] , mais c’était la déification de l’humanité par la femme ; et le culte de cette religion fut l’adoration de la femme, qui, dans un temps qu’on ne précisait pas, devait faire des enfants toute seule… Je me contenterai de ce léger détail pour donner une idée de cet Illuminé ténébreux et à tendresse pleurnicheuse, malgré ses mathématiques, à qui quelques vieilles femmes et quelques très jeunes gens firent une rente, mais dont le dévouement ne put le tirer du fond de son puits, où il resta ; — seul rapport qu’il eût jamais, le pauvre homme ! […] Mais encore une fois, aujourd’hui qu’il est mort, et bien mort, voilà qu’on l’en tire, et qu’après l’avoir bien lavé, épongé et essuyé de cette religion qui pourrait bien tout perdre, on le donne pour un immense philosophe, dont la philosophie doit être la seule religion des temps futurs.

252. (1890) Nouvelles questions de critique

La plupart des morceaux qui le composent étaient déjà connus, et l’un même, celui d’où le recueil a tiré son titre, depuis tantôt vingt ans. […] Ni leurs confesseurs, — et en ce temps-là tout le monde avait un confesseur, — ni leurs médecins mêmes n’obtiennent d’eux, n’en tirent, ou n’en arrachent de semblables aveux. […] Mais, du fond de lui-même, jamais non plus écrivain n’avait tiré de semblables effets ni rapporté une vision plus neuve de l’homme et de la nature. […] Nous pourrons peut-être alors tirer des conséquences ou des inductions. […] De quelles catégories d’objets négligés, dédaignés ou méprisés avant lui, a-t-il été tirer ses métaphores ?

253. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Vaincu, évincé des premiers et des seconds objets de son ambition, rejeté dans son fauteuil par l’âge, par la goutte, par l’attrait de la douceur sociale et de la vie privée, il trouve à raisonner sur le passé, à en tirer des leçons ou plutôt des remarques, des maximes, qui s’appliquent aux autres comme à lui. […] N’approchez jamais de saint Vincent de Paul ravissant dans les bras de la charité l’enfant que sa mère abandonne, ou prenant pour lui la chaîne et la rame de l’esclave ; ne le tirez point par son manteau, comme pour lui dire : « Je t’y prends à faire ton bonheur du salut d’autrui, au prix de ta gêne et de ton propre sacrifice, ô égoïste sublime !  […] Il accordait beaucoup plus aux autres ; il insinuait ses observations sans les imposer ; il ne fermait, la bouche à personne ; il n’arrachait point la parole comme on le fait si souvent ; il savait que « l’intérêt est l’âme de l’amour-propre », même en conversation ; que, si chacun ne pense qu’à soi et à ce qu’il va dire, il paralyse les autres ; que la meilleure manière de les ranimer et de les tirer de l’assoupissement ou de l’ennui, c’est de s’intéresser à eux et de toucher à propos les fibres qui leur sont chères. […] Il n’y a qu’un très petit nombre de vrais amis sur qui je compte, non par intérêt, mais par pure estime ; non pour vouloir tirer aucun parti d’eux, mais pour leur faire justice en ne me défiant point de leur cœur.

254. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Louis XIV, en effet, s’en tire, et l’histoire en définitive y gagnera. […] Sous prétexte que la copie de cette Relation était tirée d’une bibliothèque publique, M. de Salvandy (car c’est lui) fit défense qu’on l’insérât dans une Revue en vogue ; on était à la veille du numéro, le morceau était composé ; il fallut céder et y renoncer. […] L’effet général, pourtant, qu’à la réflexion je tire de cette lecture, la dernière impression qui pour moi subsiste et surnage à l’égard du prince si travaillé au dedans, si distrait par ses maux corporels, qui a dû prendre si souvent sur lui, et qui a su faire si constamment, si également, si noblement son personnage public, c’est, — toutes misères tant royales qu’humaines mises en compte, — c’est encore le respect. […] Tiré d’un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, et cité dans le volume intitulé : Études sur la Russie et le Nord de l’Europe, par M. 

255. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

On l’appelait « le dénicheur de saints. » Chaque curé avait peur qu’il ne prît à partie celui de son église, et plus d’un lui tirait fort bas son chapeau, du plus loin qu’il le voyait. […] Elle est pleine d’assertions hasardées, de formules générales contestables d’où l’on tire des conséquences lointaines, incertaines, qu’on donne comme des faits avérés. […] Gustave d’Eichthal, une intelligence élevée, consciencieuse, tenace, imbue d’une religiosité forte et sincère, en quête, dès la jeunesse, de la solution du grand problème théologique moderne sous toutes ses formes, s’était appliqué avec une incroyable patience à une comparaison textuelle des Évangiles et en avait tiré des conséquences ingénieuses qui ont, à la fois, un air d’exacte et rigoureuse, vérité2. […] Renan s’en soit tiré à la satisfaction de tous les lecteurs, ni peut-être à la sienne propre, avec sa théorie des « sincérités graduées » et des « malentendus féconds » ; mais il a mis du moins à cette transition, et pour la sauver, tout l’art et toute la ténuité, toute la subtilité d’explication dont un esprit aussi distingué est capable.

256. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Malheureusement les propos tenus par plusieurs ministres du roi dans les Cours ont fait croire le contraire. » Dans de telles conjonctures, Marie-Antoinette, on le conçoit, ne réussit à rien tirer de bien net des ministres qui sont et doivent être plus Français qu’elle, et qui ne se décident point sur des impressions et d’après des convenances de famille : « Pour le roi personnellement, il est bien attaché à l’alliance, et autant que je puisse le désirer ; mais, pour un moment aussi intéressant, je n’ai pas cru devoir me borner à en parler au roi : j’ai vu MM. de Maurepas et de Vergennes ; ils m’ont fort bien répondu sur l’alliance et m’y paraissent véritablement attachés ; mais ils ont tant de peur d’une guerre de terre, que quand je les ai poussés jusqu’au point où le roi de Prusse aurait commencé les hostilités, je n’en ai pu avoir de réponse bien nette. (25 mars 1778.) » Novice qu’elle est dans ces sortes d’affaires, elle ne démêle pas très distinctement les motifs qui font agir nos ministres et les intérêts véritables qu’elle aurait dû comprendre comme eux, ce qui lui aurait permis d’agir de concert vers le seul résultat possible. […] Nous, qui sommes les plus exposés, on nous laisse ; nous nous tirerons peut-être encore cette fois-ci,, tant bien que mal ; mais je ne parle pas seulement pour l’Autriche ; c’est la cause de tous les princes. […] Voulant sauver mes États de la plus cruelle dévastation, je dois, coûte que coûte, chercher à me tirer de cette guerre, et, comme mère, j’ai trois fils qui ne courent pas seulement les plus grands dangers, mais doivent succomber par les terribles fatigues, n’étant pas accoutumés à ce genre de vie. […] L’empereur son époux, qui n’osait se mêler des affaires du gouvernement, se jeta dans celles du négoce… » Suivent quelques détails piquants et caustiques sur François Ier, cet époux tant adoré d’elle et si subordonné, qui, lui laissant tout l’honneur et toute la gloire de l’empire, s’était fait l’intendant, le fermier général, le banquier de la Cour, homme de négoce jusqu’à fournir au besoin en temps de guerre le fourrage et la farine aux ennemis eux-mêmes pour en tirer de l’argent ; puis reprenant le ton grave et sévère, Frédéric continue : « L’impératrice avait senti dans les guerres précédentes la nécessité de mieux discipliner son armée ; elle choisit des généraux laborieux, et capables d’introduire la discipline dans ses troupes ; de vieux officiers, peu propres aux emplois qu’ils occupaient, furent renvoyés avec ces pensions, et remplacés par de jeunes gens de condition pleins d’ardeur et d’amour pour le métier de la guerre.

257. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le flair merveilleux des événements, l’art de l’à-propos, la justesse et, au besoin, la résolution dans le conseil, M. de Talleyrand les possédait à un degré éminent ; mais cela dit et reconnu, il ne songeait, après tout, qu’à réussir personnellement, à tirer son profit des circonstances : l’amour du bien public, la grandeur de l’État et son bon renom dans le monde ne le préoccupaient que médiocrement durant ses veilles. […] Mignet, qui dans sa Notice est autant à consulter sur cette partie publique qu’il est réservé et muet sur les recoins occultes de M. de Talleyrand, a tiré des Archives des affaires étrangères la preuve que ce ministre, après la victoire d’Ulm, adressa de Strasbourg à Napoléon un mémoire pour lui proposer un plan de remaniement européen, tout un nouveau système de rapports qui eût désintéressé l’Autriche et préparé un avenir de paix ; et ce projet d’arrangement, il le renouvela le jour où il reçut à Vienne la nouvelle de la victoire d’Austerlitz. […] À peine avait-il le pied hors de la chambre que de Perray s’empressa de repêcher la lettre compromettante et de la tirer du feu. […] Il s’en tira d’ailleurs dans le temps par un mot, et tandis qu’un autre, en apprenant le meurtre du duc d’Enghien, disait cette parole devenue célèbre : « C’est pire qu’un crime, c’est une faute22 », Talleyrand répondait à un ami qui lui conseillait de donner sa démission : « Si, comme vous le dites, Bonaparte s’est rendu coupable d’un crime, ce n’est pas une raison pour que je me rende coupable d’une sottise23. » Quant à l’affaire du Concordat et aux négociations qui l’amenèrent, il y poussa et y aida de toutes ses forces ; il y avait un intérêt direct, c’était de taire sa paix avec le pape et de régulariser son entrée dans la vie séculière ; ce qu’il obtint en effet par un bref.

258. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

La folie causée par le malheur, ce cruel tableau de la nature physique, troublée par les souffrances de l’âme, ce puissant moyen d’émotion, dont Shakespeare a tiré le premier des scènes si déchirantes, les Romains n’y auraient vu que la dégradation de l’homme. […] Ce qui est certain, c’est qu’Horace et Cicéron disent que les tragiques romains ont été les copistes des Grecs, et que toutes les tragédies citées dans les écrits des anciens (et il y en a près de deux cents) sont tirées des sujets grecs. […] Les édiles, à Rome, étaient chargés de décider, d’après la lecture des pièces de théâtre, si elles seraient ou non représentées : comment donc savoir s’ils ont autorisé la représentation d’une pièce sur un sujet romain, en supposant même qu’il en existe que nous ne connaissions pas, tandis que les titres de près de deux cents tragédies tirées des sujets grecs nous ont été transmis ! […] Aux vers d’Horace, qui me sont opposés, j’en objecterai d’autres tirés d’une de ses épîtres : Serus enim Græcis admovit acumina chartis : Et post Punica bella quietus, quærere cœpit Quid Sophocles, et Thespis, et Æschylus utile ferrent.

259. (1886) De la littérature comparée

Tant qu’on a considéré le Beau littéraire comme un absolu, ou, plus exactement peut-être, tant qu’on n’a pas tenté l’analyse du Beau littéraire, la critique a pu demeurer ce qu’elle avait été à ses débuts, ce qu’on la voit dans les « Examens » de Corneille et de ses contemporains, dans le « Spectator » d’Addison, dans la « Dramaturgie de Hambourg » de Lessing : une discussion conduite en vue de rechercher si l’œuvre étudiée s’éloigne ou se rapproche d’un certain type d’œuvre admis comme type idéal ; si elle respecte ou viole certaines règles, tirées de l’examen des chefs-d’œuvre antiques et acceptées par une convention d’ailleurs tout arbitraire ; ou même, simplement, si elle plaît ou déplaît, soit au critique lui-même, soit à un groupe de personnes qu’il croit représenter, et qu’il appelle suivant les époques les « bons esprits » les « lettrés », le « public ». […] Les docteurs qui savent le grec — et leur nombre est des plus restreints — ne peuvent, faute de documents, tirer qu’un parti très modique de leur science : Jean Scot traduit le livre des Noms, attribué au faux Denys l’Aréopagite. […] Les différences sont si profondes, le revirement est si complet, que les trécentistes et leurs successeurs ont vraiment pu avoir l’illusion qu’ils tiraient le monde de l’obscurité et lui donnaient la lumière. […] La Grèce avait tiré sa littérature et ses arts de ce sens spécial que les Grecs désignaient par le mot mélodieux d’eurythmie ; Rome avait construit sur le civisme sa robuste civilisation, si pauvre d’ailleurs en œuvres originales ; l’Europe du Moyen-Âge, ces États hétérogènes formés comme par hasard par des mélanges et des heurts de nations, cette Europe informe et désordonnée comme une chanson de geste, que la diplomatie de plusieurs siècles n’a pas encore réussi à partager équitablement, cette Europe marchait et travaillait pourtant sous l’impulsion d’un sentiment tout aussi grand que l’eurythmie et le civisme : la foi religieuse.

260. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Émile Souvestre, dans un cadre plus élargi, donner en une même soirée, en les environnant des explications à la fois utiles et fines, la bataille des Franks, tirée des Martyrs de Chateaubriand, et, par contraste, la gaie comédie du Grondeur de Brueys et Palaprat. […] C’est ainsi qu’il vous suivra avec une honnête liberté, et qu’il tirera la conclusion en même temps que vous, sans croire accepter l’autorité d’un maître, sans l’accepter en effet, et en se faisant par lui-même une idée distincte de l’auteur en question. […] Il faut beaucoup d’art pour tirer de ces lectures tout le parti moral possible, un art honnête et loyal, qui porte dans les esprits la conviction de son entière impartialité. […] Il faut aborder franchement l’œuvre nouvelle, pénible, compter dorénavant avec tous, tirer du bon sens de tous ce qu’il renferme de mieux, de plus applicable aux nobles sujets, vulgariser les belles choses, sembler même les rabaisser un peu, pour mieux élever jusqu’à elles le niveau commun.

261. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

En décrivant les mœurs « de ce petit animal qu’on appelle Lapon, et de qui l’on peut dire qu’il n’y en a point, après le singe, qui approche le plus de l’homme », et en se souvenant de ce qu’il a vu autrefois de tout opposé chez l’Algérien et chez le Turc, Regnard en tire la même conclusion que Montaigne, celle que Pascal aurait tirée également s’il n’avait pas été chrétien : « Trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence. […] De telles témérités exprimées si nettement et sans aucun correctif du côté de la religion, si elles étaient venues un peu plus tard, auraient tiré à conséquence ; mais, à l’époque où écrivait Regnard et à cette fin de Louis XIV, elles ne passaient encore que pour les fusées d’un esprit qui s’amuse. […] Mais il m’a semblé que cette leçon se perd dans le rire ; on oublie de la tirer, et la folie de la forme emporte le fond.

262. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Sans doute, c’est là un très petit champ d’observation, et ce qu’on en a tiré est par conséquent un critérium, pour ainsi parler, très pauvre. […] Ce qui nous fait sortir de la vie où nous sommes, ce n’est ni la littérature, si romanesque ou si poétique qu’elle puisse être, ni la peinture, ni la sculpture, c’est l’architecture et la musique, aux deux pôles, pour ainsi dire, de l’art : l’architecture qui, tout compte fait et quoiqu’on ait pu dire, ne copie rien et n’est que combinaison de belles lignes tout abstraites et tirées de notre conception intime et pure des belles lignes ; la musique qui ne copie rien et qui ne peint que des états d’âme et qui ne suggère que des états d’âme. […] Le lecteur qui n’aime que le roman réaliste est généralement un esprit juste, droit, pondéré, qui a de bons yeux, un bon raisonnement, qui ne se trompera guère, que l’on ne trompera pas souvent et qui se tirera bien de l’affaire de la vie. […] Il se fait une âme très spéciale qui est composée de celle d’abord qu’il a apportée avec lui et qui tendait naturellement à l’idéal, de celle ensuite qu’il a tirée de ses livres favoris et qui raffine encore et renchérit sur les instincts primitifs ; il se fait ce qu’on appelle une âme romanesque.

263. (1898) Essai sur Goethe

Les autres ouvrages de Goethe, tirés déjà de lui-même, pâlissaient devant celui-ci. […] Tirez vos épées ! […] Hermann Grimm cite lui-même, bien qu’il en tire d’autres conclusions. […] Il rédigea encore quelques lettres, et, à une heure de la nuit, se tira une halle dans la tête. […] Nous savons que, si son auteur le tira de lui-même, ce fut comme il en avait tiré Gœtz de Berlichingen, à travers un travail de volonté qui ne saurait s’accomplir sans que le personnage soit diminué.

264. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

C’est-à-dire, y a-t-il des Lois qui gouvernent cette succession ; et, ces Lois, d’où les peut-on tirer ? […] Ou en d’autres termes encore, les règles qu’ils ont tirées de la lecture et de la méditation des anciens, ils n’en retiennent plus que la forme, et c’est d’eux-mêmes qu’ils vont maintenant tirer leur fond. […] J’en tire enfin un troisième et dernier de la Lettre à M.  […] Mais ce que je vous fais observer, c’est qu’aux considérations tirées de la race ou du tempérament national, il s’en ajoute par là de nouvelles encore, tirées des lois ou de la religion, qu’il faudra que la critique pèse, avant de conclure ou seulement de généraliser. […] Sans doute, il est fort éloigné d’en avoir tiré tout le parti que nous verrons Sainte-Beuve en tirer après lui.

265. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Plus d’une fois il dépendit peut-être de Louis XVI, par une autre attitude, par un réveil d’énergie soudaine, par un élan électrique, de tirer de ces foules émues et flottantes les alliés, les amis secrets et honteux qu’elles recélaient. […] Il n’est pas jusqu’au 10 août, cette journée suprême pour sa royauté, où Louis XVI n’eût pu tirer un parti tout différent de la situation fatale qu’il s’était faite, et où il n’eût pu forcer l’histoire, — cette histoire telle qu’elle s’est déroulée et que nous la connaissons —, à prendre un autre tour, et à se briser devant lui.

266. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

En 1811, quand M. de Saint-Victor publia sur papier vélin sa traduction splendide, tirée à un très-petit nombre d’exemplaires, avec les gravures de Girardet d’après les dessins de Girodet, ou crut, sur la foi de critiques bienveillants, qu’un superbe démenti était donné à feu M. de La Harpe, qui avait déclaré Anacréon intraduisible : de là grande rumeur, comme on peut l’imaginer, et grande vogue pour l’ouvrage. […] Cette traduction d’ailleurs, qui peut aider à l’interprétation de l’auteur grec, est accompagnée d’un texte élégant, et suivie des nombreuses imitations anacréontiques tirées de nos meilleurs poètes.

267. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

S’il en faut croire une fable antique, Jupiter en son Olympe disait un jour aux autres Immortels : « Suspendez-vous tous à cette corde ; tirez de toutes vos forces. Moi seul je tirerai de l’autre côté, et je vous amènerai tous à moi, même avec la mer et la terre, si telle est ma volonté. » C’était parler en souverain du monde.

268. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

Si l’on peut tirer des instructions de la lecture d’un poëme, cette instruction n’est gueres le motif qui fait ouvrir le livre. […] quant au poëte dont toutes ces merveilles sont tirées, dit M. 

269. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. On ne doit pas inferer qu’un siecle surpasse un autre siecle dans les professions du premier genre, parce qu’il le surpasse dans les professions du second genre » pp. 558-567

Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. […] En effet, Monsieur Racine ne paroît plus grand poëte dans Athalie que dans ses autres tragédies, que parce que son sujet tiré de l’ancien testament l’a autorisé à orner ses vers des figures les plus hardies et des images les plus pompeuses de l’écriture sainte, au lieu qu’il n’en avoit pû faire usage que très-sobrement dans ses pieces profanes.

270. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

  Je ne prétends pas dissimuler les taches et les côtés faibles de Villars, ses vanteries, sa plénitude naturelle de soi, cet air de tout tirer à lui, de tout tourner à son avantage (même ses défaites, on le verra). […] D’où les tirer ? […] Le fils aîné de l’empereur, le jeune roi des Romains a rejoint l’armée impériale devant Landau ; ce jeune prince, dans son ardeur de se signaler, peut se porter en avant et offrir une occasion : Rien n’est plus important, écrit Louis XIV à Catinat (2 août 1702), que de profiter de la vivacité de ce jeune prince, qui pourra l’entraîner à des mouvements dont un homme sage et d’une expérience consommée comme vous pourrait profiter ; mais, pour cela, il faudrait être à portée de lui… Je vous avoue que rieu ne me saurait tirer de la peine où je suis, que de vous voir déterminé à prendre un parti de vigueur. […] et quel malheur n’est-ce point de n’avoir pu tirer de la plus fière de toutes les nations, toujours victorieuse depuis le règne du plus grand roi qui ait jamais porté la couronne, un peu plus d’hommes capables de mener cette nation ! […] Vous m’avez tiré de cet état ; comptez sur ma reconnaissance.

271. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

nécessairement du pathos, ma chère maman, si j’entreprenais la description du spectacle que nous eûmes alors sous les yeux (la chute du Niagara).. » Il ne laisse pas cependant de bien raconter ce qu’il voit et de s’en tirer fort convenablement avec sa sincérité d’impressions sans enluminure ; mais il reprend plus sûrement sa supériorité dès qu’intervient l’étude morale : l’esprit sain, juste, délicat, élevé, retrouve ses avantages. […] Tout passe sous nos yeux tour à tour et dans une célérité mouvante ; tout parle, tout vit, tout tranche nettement ; les descriptions abondent ; les portraits tirés à bout portant sont publiés, l’année d’après, sans ménagement, sans cérémonie ni prenez-y-garde : M.  […] Il y en avait un qui savait l’anglais et auquel je demandai pourquoi les Chactas quittaient leur pays. — « Pour être libres », me répondit-il. — Je ne pus jamais en tirer autre chose. […] C’est pour cela que j’ai toujours considéré la métaphysique et toutes les sciences purement théoriques, qui ne servent de rien dans la réalité de la vie, comme un tourment volontaire que l’homme consentait à s’infliger… » Ainsi il n’a point échappé à la crise inévitable des nobles esprits, an doute ; mais il s’en est tiré en l’éludant, en composant : il a mis quelques vérités à part, il ne dit pas lesquelles, mais on les devine aisément (Dieu, spiritualité, immortalité de l’âme, une portion de christianisme…). […] Villemain, qui a tout son talent en écrivant et tout son esprit en causant, a l’habitude de comparer ces tableaux de Tocqueville où il est tant question des mœurs et jamais des personnes, jamais des individus, où tout portrait est absent, à ces tableaux que les musulmans se permettent, dit-on, par un certain compromis avec la défense de leur loi : on y voit des choses représentées, des mousquets qui partent, des canons qui tirent, tout l’appareil d’un combat, et pas une figure.

272. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Mais il y revint bien autre qu’il n’y était d’abord : « Un savant homme, a-t-il dit quelque part, qui essuie la censure d’un ennemi redoutable, ne tire jamais si bien son épingle du jeu qu’il n’y laisse quelque chose. » Bayle laissa dans cette première école qu’il fit tout son feu de croyance, tout son aiguillon de prosélytisme ; à partir de ce moment, il ne lui en resta plus. […] Il avertit en un endroit son frère cadet qu’il lui parle des livres sans aucun égard à la bonté ou à l’utilité qu’on en peut tirer : « Et ce qui me détermine à vous en faire mention est uniquement qu’ils sont nouveaux, ou que je les ai lus, ou que j’en ai ouï parler. » Bayle ne peut s’empêcher de faire ainsi ; il s’en plaint, il s’en blâme, et retombe toujours : « Le dernier livre que je vois, écrit-il de Genève à son frère, est celui que je préfère à tous les autres. » Langues, philosophie, histoire, antiquité, géographie, livres galants, il se jette à tout, selon que ces diverses matières lui sont offertes : « D’où que cela procède, il est certain que jamais amant volage n’a plus souvent changé de maîtresse, que moi de livres. » Il attribue ces échappées de son esprit à quelque manque de discipline dans son éducation : « Je ne songe jamais à la manière dont j’ai été conduit dans mes études, que les larmes ne m’en viennent aux yeux. […] Bayle était religieux, disons-nous, et nous tirons cette conclusion moins de ce qu’il communiait quatre fois l’an, de ce qu’il assistait aux prières publiques et aux sermons, que de plusieurs sentiments de résignation et de confiance en Dieu, qu’il manifeste dans ses lettres. […] Dans ses écarts les plus condamnables on ne lui trouve point une grande envie de persuader, encore moins le ton de l’irritation ou de l’esprit de parti ; il nie moins qu’il ne doute ; il dit le pour et le contre ; souvent même il est plus disert pour la bonne cause que pour la mauvaise (comme dans l’article Leucippe de son Dictionnaire). » Principe générateur des Constitutions politiques, LXII. — Rappelons encore ce mot sur Bayle, qui a son application en divers sens : « Tout est dans Bayle, mais il faut l’en tirer. » (Ce mot n’est pas de M. de Maistre, comme M.  […] Le Clerc prétend du sien tirer d’autres usages ; Il est savant, exact, il voit clair aux ouvrages ;

273. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Il se contenta de tirer les conséquences des principes posés par Luther. […] Volontairement ou à son insu, Luther transigeait ; et, quelque effort qu’il fît pour s’arracher à la doctrine des œuvres et remplacer dans l’homme la vertu par la grâce, il n’osa pas pousser sa logique jusqu’à l’excès, laissant à de plus hardis à en tirer la conséquence extrême, c’est-à-dire l’abolition des oeuvres. […] Les principes, c’est à savoir les paroles mêmes des livres saints, sont d’abord exposés et interprétés ; puis viennent les témoignages tirés des Pères, dont la suite forme la tradition consacrée dans la matière ; la réfutation des objections suit en dernier lieu. […] Calvin en donna le premier modèle, et l’on a pu voir à ses effets pendant plus de soixante ans, et depuis lors à l’empreinte dont il a marqué tous ceux qui ont étudié Calvin, combien cet instrument a eu de puissance et comment il l’a tirée de sa parfaite conformité avec l’esprit français. […] Il ne tire pas une seule image de cette magnifique nature où éclate la bonté de Dieu pour ces mêmes hommes que Calvin traitait comme des damnés.

274. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Il tira les lettres de la barbarie, où elles étoient encore plongées dans le quatorzieme siécle ; il rétablit les bonnes études en Europe ; on lui doit la conservation de beaucoup d’auteurs qui seroient perdus, sans le soin qu’il prit de les rechercher & d’en faire faire des copies. […] in 4°. sous le titre de Mémoires pour la vie de François Pétrarque, tirés de ses œuvres & des auteurs contemporains, avec des notes ou dissertations, & les piéces justificatives. […] in-12. est plus didactique & bien moins orné que celui de Virgile, quoiqu’en partie tiré de ce Poëte. […] On ne comprend pas comment des personnes de bon sens peuvent approuver un Magicien chrétien qui tire Renaud des mains des Sorciers mahométans. […] Les murailles d’albâtre qui entourent le Paradis terrestre, les diables qui, de géans qu’ils étoient se transforment en pygmées pour tenir moins de place au conseil, dans une grande salle toute d’or, bâtie en l’air ; les canons qu’on tire dans le ciel, les montagnes qu’on s’y jette à la tête ; des Anges à cheval qu’on coupe en deux, & dont les parties se rejoignent soudain ; tant d’autres extravagances n’ont cependant pas empêché qu’on compare Milton à Homere qui a aussi ses défauts, & qu’on le mette au-dessus du Dante, dont les imaginations sont encore plus extraordinaires.

275. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

L’avenir est là ; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. […] et par où la force spirituelle, si elle existe, se distinguerait-elle des autres, sinon par la faculté de tirer d’elle-même plus qu’elle ne contient ? […] L’effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l’œuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y avait, on s’est haussé au-dessus de soi-même. […] Vous entendrez dire que ces hommes travaillent pour la gloire et qu’ils tirent leurs joies les plus vives de l’admiration qu’ils inspirent. […] Si donc, dans tous les domaines, le triomphe de la vie est la création, ne devons-nous pas supposer que la vie humaine a sa raison d’être dans une création qui peut, à la différence de celle de l’artiste et du savant, se poursuivre à tout moment chez tous les hommes : la création de soi par soi, l’agrandissement de la personnalité par un effort qui tire beaucoup de peu, quelque chose de rien, et ajoute sans cesse à ce qu’il y avait de richesse dans le monde ?

276. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il croit même, en fait, que jamais les hommes n’ont tiré morale d’ailleurs que de la science. […] Mettez un rouage dans la rue et dites-lui qu’il est libre, et qu’il se tire d’affaire. […] C’est la vérité absolue, c’est la vérité métaphysique et théologique qu’il veut tirer du consentement prétendu universel. […] Il est regrettable qu’il n’en ait pas tiré un meilleur parti. […] Est-ce de cette science qu’un jour on tirera la morale ?

277. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

L’école américaine prétend tirer tout du peuple et de l’élection directe. […] Si on le prend à l’entrée et à l’issue, on trouve que, somme toute et sauf l’examen de détail, il s’en est tiré, quant aux principes généraux et quant à la tenue personnelle, à son honneur, à l’honneur de sa cause et de sa morale en politique. […] L’entrée des ennemis le tira d’affaire ; il prit devant eux une très-bonne position. […] Ceux qui veulent me perfectionner dans un sens ou dans un autre ne peuvent s’en tirer qu’avec des erreurs, des inconséquences et des repentirs. […] oui, disait Sieyès, faites ; oui, pour qu’on vous tire aussi un coup de pistolet comme céla. » L’ambassade de Berlin acheva son reste de républicanisme.

278. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Tout le profit qu’on en pouvait tirer, je ne dis pas pour l’histoire, je dis pour la littérature, ils l’en ont en effet tiré. […] Pouvait-on maintenant en tirer quelque autre chose ? […] Que sait-il, que savons-nous si Pascal n’en eût pas fait usage et tiré quelque argument imprévu pour sa cause ? […] Tirerons-nous de là cette conséquence que la troupe fût, à cette date, en représentation à Montélimart ? […] N’en est-il pas un beau jour arrivé jusqu’à tirer une gloire naïve de l’obscurité même de son Héraclius ?

279. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Ce n’est qu’à l’éloquence politique que l’éloquence judiciaire peut emprunter une certaine manière large, lumineuse et populaire de traiter les questions, de tirer le plaidoyer hors de la contestation aride et technique, et hors de l’érudition pâteuse et pédantesque, où invite la nécessité de plaire à des auditeurs peu nombreux et généralement lettrés. […] Son style tire sa perfection de son absolue et candide probité. […] Bourgoing et dans le Panégyrique de saint Paul : il demande que l’orateur écarte le bel esprit, mette de côté tout désir de plaire, tire toute la force de son discours de l’étude de l’Ecriture, et de l’ardeur de sa foi. […] La Politique tirée de l’Écriture sainte est un livre solide, sensé, d’une réelle largeur de vues. […] L’orateur ne cherche qu’à s’en tirer à son honneur.

280. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Les écrivains qui en ont été comme chargés par la force des choses, ont tiré leur plus grande valeur de deux institutions dont l’une subsiste encore, et dont l’autre a survécu dans des écrits excellents, l’Académie française et Port-Royal. […] Pour la langue, on ne l’imaginait pas, on la tirait du peuple même ; le plus habile était celui qui se servait le mieux de la langue de tous. […] Là, les compagnies littéraires tiraient leur nom, soit d’une localité, soit d’un genre d’études particulières, soit du caprice des fondateurs. […] Il abandonnait tous les droits du moi sur une œuvre collective, et n’en tirait tout au plus que le contentement d’avoir rempli, à son tour, une de ces modestes tâches de couvent, dans lesquelles les solitaires se relevaient d’après la discipline monastique. […] Si la reconnaissance de Boileau est si vive, c’est qu’il y entre un souvenir du secours qu’il avait tiré de la discipline et de l’influence d’Arnauld.

281. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Je répondrai à cela tout à l’heure, avec l’aide d’un homme qui a su tirer de l’œuvre de M.  […] Courbet est attaché à son sol natal, sa profonde nationalité locale et le parti qu’il peut en tirer. […] Avant lui, le laid s’était fait jour, mais après lui il faudra tirer l’échelle. […] L’ennemi a trop beau jeu, et, se sentant à bout d’arguments, ils tâchent de s’en tirer par des faux-fuyants. […] Et maintenant, comment tirer des conclusions précises de tout ce tapage ?

282. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Comme elle venait régner en France, il en aurait tiré un augure favorable pour les arts et la littérature de ce pays. […] ou dans la Politique tirée des paroles de l’Écriture sainte ? […] Il n’y a pas pour lui de sot livre, dont un homme d’esprit ne puisse, ou plutôt ne doive tirer profit, et par là, prouver son esprit même. […] Sans vouloir tirer de ces menus faits des conclusions qui les dépasseraient, n’ont-ils pas cependant leur valeur ? […] Le Blanc qui l’interroge, à l’occasion de la conspiration de Cellamare, et elle se tire adroitement de l’interrogatoire.

283. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

On se demande le profit qu’un élève peut tirer de cet herbier philosophique. […] Voyez le parti qu’en a tiré Taine. […] Molière tire bien meilleur parti de cette idée. […] Attraper la manière d’un auteur prouve le profit qu’on a tiré de sa lecture. […] En voici une excellente, tirée du sujet, sans arrangement et sans effort.

284. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des savants.

285. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Mais je ne suis pas chargé de tirer les moralités. […] Il disait que la France s’en tirerait ; il l’avait vue, dans son enfance et dans sa jeunesse, sortir victorieuse et plus belle de bien d’autres périls et d’un plus affreux naufrage.

286. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Le monarque prudent et sage, De ses moindres sujets sait tirer quelque usage, Et connaît les divers talens. […] Scapin fait avec sa bouche le bruit d’un rideau qu’on tire le long de sa tringle.

287. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin § I Nous avons montré dans ce Livre jusqu’à l’évidence que dans toute leur vie politique les nations passent par trois sortes d’états civils (aristocratie, démocratie, monarchie), dont l’origine commune est le gouvernement divin. […] Enfin il accorde des privilèges ou à des ordres entiers (ce qu’on appelle des privilèges de liberté), ou à des individus d’un mérite extraordinaire qu’il tire de la foule pour les élever aux honneurs civils.

288. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Il s’identifie à son époque, il en tire toutes les joies de son cerveau et de ses sens, il en extrait la substance de son œuvre. […] Nos neveux pourront en tirer un immense profit. […] Ceux-ci ne contemplaient le monde que pour en tirer la plus grande somme possible de jouissance esthétique. […] Il aura tiré de leur abjection des légions d’êtres ; il les aura transplantés dans le domaine de la beauté. […] Et quel enseignement, dès le seuil du grand ouvrage, quelle foi dans la vie nous en tirons.

289. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

— Pour celui-là, me dit le bargello, il a tiré sur les chevreuils de monseigneur le duc dans la forêt réservée à ses chasses ; mais sa femme, exténuée par la faim, n’avait, dit-on, plus de lait pour allaiter les deux jumeaux qui suçaient à vide ses mamelles taries de misère. […] Le bargello rentra dans son greffe, et sa femme, survenant à son tour, m’enseigna complaisamment tout ce que j’avais à faire dans la maison : à aider le cuisinier dans les cuisines, à tirer de l’eau au puits, à balayer les escaliers et la cour, à nourrir les deux gros dogues qui grondaient aux deux portes, à jeter du grain aux colombes, à faire les parts justes de pain, de soupe et d’eau aux prisonniers, même à porter trois fois par jour une écuelle de lait à la captive de la deuxième loge pour l’aider à mieux nourrir son enfant, qu’elle ne suffisait pas à allaiter par suite du chagrin qui la consumait, la pauvre jeune mère ! […] Quand l’enfant, sans soupçon, fut assis par terre, occupé à tresser sa première natte, j’ouvris la seconde porte donnant sur la cour du cloître, une corbeille de criblure de froment à la main pour les ramiers, et je me dirigeai vers le puits, pour tirer l’eau dans les auges et pour en remplir les cruches des prisonniers. […] Allons la chercher ; tirons-en quelques sons d’abord faibles et décousus, dans la cour, bien loin du cachot du meurtrier ; éveillons ainsi son attention, puis taisons-nous pour lui donner le temps de revenir de son étonnement ; puis recommençons un peu plus fort et d’un peu plus près, pour lui faire comprendre que c’est moi qui approche ; puis, taisons-nous de nouveau ; puis, avançons en jouant plus fort des airs à nous seuls connus, pour qu’il ne doute plus que c’est bien moi et que, de pas en pas et de note en note, il sente que je vais précautieusement à lui, et qu’il soit tout préparé à me revoir et à se taire quand la zampogne se taira et que j’ouvrirai la première grille de son cachot. […] Toutes les fois qu’on frappait du dehors à la porte de fer de la prison, je laissais le piccinino aller tirer le verrou aux étrangers, et, sous un prétexte ou l’autre, je montais dans ma tour pour éviter les regards des sbires ou des curieux.

290. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Et elles n’en feront pas, non seulement parce que nous sommes les Mithridates des affreuses drogues que nous avons avalées depuis vingt-cinq ans, mais, aussi pour une raison beaucoup plus sûre, tirée de l’accent, — de la profondeur d’accent d’un livre qui, selon nous, doit produire l’effet absolument contraire à celui que l’on affecte de redouter. […] Sa Muse est allée les chercher dans son propre cœur entrouvert, et elle les a tirés à la lumière d’une main aussi impitoyablement acharnée que celle du Romain qui tirait hors de lui ses entrailles. […] Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures ; figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux, et ceux-là les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme, et vous avez la poésie de M.  […] Cette opinion, qui n’est point une simple conjecture, mais une induction tirée du développement de l’histoire, est qu’à mesure que le nombre des lecteurs augmente, à mesure que le livre imprimé, en se répandant, convertit les auditeurs impressionnables, passionnables, en lecteurs méditatifs et réfléchis, la poésie doit concentrer son essence et restreindre son développement. […] Soit qu’il évoque le souvenir, soit qu’il fleurisse le rêve, soit qu’il tire des misères et des vices du temps un idéal terrible, impitoyable, toujours la magie est complète, toujours l’image abondante et riche se poursuit rigoureusement dans ses termes.

291. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

. ; en un mot, il y combat au long et avec détail l’épicuréisme, auquel il sait bien que Chapelle incline et est d’humeur, soit en théorie, soit en pratique, à s’abandonner : Je me promets, lui dit-il, que vous donnerez bien ceci à ma prière, qui est de repasser un moment sur ces pensées si ingénieuses et si agréablement tournées qu’on a su tirer de vos mémoires (apparemment quelques écrits et cahiers de philosophie et de littérature de Chapelle), sur tant d’autres fragments de même force que je sais qui y ont resté, et généralement sur tous ces enthousiasmes et emportements poétiques de votre Homère, Virgile et Horace, qui semblent tenir quelque chose de divin. […] comment va-t-il s’en tirer ? » Il s’en tire en soutenant son renom par mille choses singulières, et en les faisant rire, fût-ce même aux dépens les uns des autres. […] Enfin, un troisième éclair suivi d’un troisième coup succéda presque aussitôt, et j’entendis crier sous le gaillard que quelque vaisseau se trouvait en danger ; en effet, ce bruit fut semblable à un coup de canon tiré près de nous, il ne roula point.

292. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

René d’Argenson, fils du très honorable membre de la Chambre des députés, en publiant de nouveau une partie des Essais de son grand-oncle (1825), les augmenta de quantité d’articles inédits tirés des manuscrits originaux. […] Ce qui est singulier, ce n’est pas qu’on ait fait une telle déclaration, qui a dû ressembler à beaucoup d’autres, et qui roule sur un éternel lieu commun de morale facile ; mais c’est que trente ans après on prenne la peine de se la rappeler en propres termes, et de l’enregistrer comme mémorable au milieu des remarques philosophiques ou politiques qu’on tire de ses lectures. […] Il lui disait sans cesse, en le louant sur son activité et son ardeur d’être utile, et sur « une certaine fermeté de cœur et d’esprit avec laquelle il sympathisait », qu’il fallait absolument le tirer de l’espèce d’obscurité où il était, qu’il n’était bien connu ni des autres ni de lui-même. […] Si peu ambitieux qu’il soit, il en tire d’heureux augures pour son avancement.

293. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

De même que M. d’Estrades, à l’époque de la conquête de Louis XIV, savait cette particularité si essentielle, ce secret des écluses dont la clef était à Muyden (mais il ne fut pas interrogé à temps), de même un homme dont on ne doit parler qu’avec bien de l’estime, le Père Griffet, continuateur du Père Daniel pour l’Histoire de France, l’excellent historien de Louis XIII, celui qui, sans l’exil qui le frappa avec tous les jésuites, allait nous donner un règne de Louis XIV de première main, le Père Griffet avait connu ces sources, y avait puisé et en avait tiré huit volumes de lettres qui sont imprimés (1760-1764) ; mais ces huit volumes, trop peu consultés eux-mêmes, sont peu de chose eu égard à l’immensité du dépôt. […] Vauban lui a toute reconnaissance pour l’avoir distingué, pour l’avoir tiré de la dépendance du chevalier de Clerville, l’ingénieur en vogue, beau parleur, qui jetait de la poudre aux yeux, et qui était auparavant l’oracle en matière de fortification. […] Louvois tira Vauban d’affaire ; il ne lui sauva pas seulement sa très-médiocre fortune, il sauva son honneur de toute tache et de tout soupçon. […] Vauban écrit pour lui, et à sa demande, un Mémoire pour servir d’instruction sur la conduite des sièges : « un livre, disait-il en hochant la tête, rempli de la plus fine marchandise qui soit dans ma boutique, et telle qu’il n’y a assurément que vous dans le royaume qui en puisse tirer de moi de semblable. » Il fait de Louvois son élève et son confident dans l’art des sièges.

294. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

L’aîné des enfants tire le soufflet de la forge, pendant qu’un plus jeune frère regarde avec insouciance, les mains derrière le dos. […] Il y a même un des enfants encore, celui qui tire le soufflet, qui a le regard sans but et un peu étonné. […] Champfleury d’ailleurs, dans cette sorte de vie conjecturale des Le Nain, qu’il tire par induction de l’étude et de la comparaison prolongée de leurs œuvres, a de la chaleur, de la verve, et un accent de sympathie qui sort du cœur ; on sent que c’est bien pour ses maîtres d’adoption et presque pour ses saints qu’il prêche : « Qu’ils soient trois ou quatre frères, dit-il, les archivistes le découvriront peut-être un jour16. […] Champfleury, appliquant son même procédé de curiosité et d’enquête à la littérature populaire, en a tiré le sujet de quelques publications.

295. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Les uns, on le sait, parmi les modernes novateurs ou restaurateurs de l’art, avaient pour Dieu Raphaël, les autres Rubens ou les Vénitiens : lui, il ne chercha rien de tel ; il eut le droit de se vanter, comme il faisait, de n’avoir mis son nez sur la piste de personne, et il se tira d’affaire pour son compte en présence des objets mêmes qu’il avait à rendre. […] L’un charge, tandis que l’autre tire. […] J’espère tirer un grand fruit de mon voyage, non-seulement sous le rapport de l’art, mais aussi pour la connaissance que j’ai acquise de moi-même. […] Je fais là-dessus mes observations, et je compte en tirer un bon parti.

296. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Il y parle de lui, de ses titres littéraires qu’il détaille au long et du peu de fruit qu’il en a tiré ; il ne craint pas d’étaler sa pauvreté avec sa bonne humeur ordinaire. […] je vous en garde un pour la bonne bouche, qui sera le parfait et le superfin dans ce genre d’aventures. » Il ne s’apercevait pas en parlant ainsi, que par son gai succès de Don Quichotte il allait rendre son succès sérieux impossible ; il tirait d’avance sur son futur roman, et Persilès et Sigismonde n’avait plus lieu de naître. […] Ce spirituel vieillard à qui l’on fit remarquer un matin, tandis qu’on l’habillait, une tache de gangrène sénile à l’une de ses jambes, cacha à ses gens le pronostic qu’il en tirait, n’avertit qu’un ou deux amis intimes à l’oreille, en invita un plus grand nombre, dix ou douze, à venir passer chez lui la soirée pour chacun des jours suivants, vers cinq heures ; il leur promettait des tables de jeu, des échiquiers, des trictracs, de quoi faire passer agréablement le temps. […] Il prit ce conseil pour une indication utile et en tira une sérieuse espérance.

297. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon mérite de se tirer de toutes ces critiques mieux encore que Retz, qui s’en tire pourtant ; il s’est donné plus de peine pour être vrai, il est moins à la merci de son imagination ou, lorsqu’il s’y abandonne, on le voit ; il est plus naïf. […] Deux petites pièces de canon de l’ennemi tiraient sans cesse. […] Je courus aux batteries faire tirer, afin de venger la perte de l’État et la mienne. » De telles pages, toutes sincères et d’original, sont de ces bonnes fortunes qu’on ne saurait négliger en passant et dont on aime à faire partager l’impression à ses lecteurs.

298. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Tout cela est trop tiré, trop prolongé : depuis cinq ans on a eu le temps de se calmer et de cuver sa joie. […] Fournier y insiste et en tire des conséquences ingénieuses, peut-être un peu forcées :    « Son origine même, dit-il, se révèle dans son livre. […] Vous avez, il est vrai, une interprétation bien à vous, et qui me paraît des plus cherchées et des plus tirées : il y a longtemps que j’ai donné la mienne, toute différente et bien plate assurément. […] Mon regret est celui-ci : c’est que vous ne commenciez jamais par présenter tout nettement le fait ou le texte positif, bien dégagé ; mettant à part et ensuite les interprétations et inductions que vous en tirez.

299. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Il ne s’agit que du théâtre qui tire ses sujets de l’histoire religieuse et des légendes dévotes. […] Cependant nous connaissons la simplicité de la foi du poète, et sa fervente confiance en Notre-Dame : il en a tiré quelques assez belles inspirations, et un monologue demi-lyrique du clerc repentant, dont le mouvement est en vérité pathétique. […] ne serait-ce pas que dans l’une la longue tradition de la pastourelle fournissait au poète de quoi étoffer ses personnages, et dans l’autre il avait tout à créer, tout à marquer de traits tirés de son invention propre ? […] Autrement on tirerait peut-être une fausse conséquence du grand nombre des Miracles que nous avons du xiv° siècle, et de l’absence totale de pièces sacrées d’un autre genre. — Je dis 42 miracles, et non 45, comme M. 

300. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Les philosophes l’ont tiré à eux comme s’il était l’un des leurs, et il a trouvé grâce devant ceux mêmes qui voulaient écraser ce qu’il adorait. […] Je finis par un acte de protestation tiré de votre ami Pline le Jeune : Neque enim amore decipior… C’est-à-dire : « L’affection ne m’aveugle point, il est vrai que j’aime avec effusion, mais je juge, et avec d’autant plus de pénétration, que j’aime davantage. » Cette correspondance de Fénelon avec le chevalier Destouches nous montre le prélat jusque dans ces tristes années (1711-1714) se délassant parfois à un innocent badinage et jouant, comme Lélius et Scipion, après avoir dénoué sa ceinture. […] Il n’y a qu’un très petit nombre de vrais amis sur qui je compte, non par intérêt, mais par pure estime ; non pour vouloir tirer aucun parti d’eux, mais pour leur faire justice en ne me défiant point de leur cœur. […] Il répondit à La Motte par des compliments et des louanges, sans vouloir se prononcer sur le fond ; il s’en tira par un vers de Virgile, qui laisse la victoire indécise entre deux bergers : « Et vitula tu dignus, et hic… » La victoire indécise entre La Motte et Homère !

301. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il y croyait, et ce sentiment d’une ambition, du moins élevée, lui a fait tirer de son organisation forte et féconde tout ce qu’elle contenait de ressources et de productions en tout genre. […] Ce n’est que de nos jours qu’on a vu de ces organisations énergiques et herculéennes se mettre, en quelque sorte, en demeure de tirer d’elles-mêmes tout ce qu’elles pourraient produire, et tenir durant vingt ans la rude gageure. […] et moi aussi j’ai des idées… À quoi sert ce qu’on a dans l’âme, si l’on n’en tire aucun parti ?  […] En admirant le parti qu’ont su tirer souvent d’eux-mêmes des hommes dont le talent a manqué des conditions nécessaires à un développement meilleur, souhaitons à l’avenir de notre société des tableaux non moins vastes, mais plus apaisés, plus consolants, et à ceux qui les peindront une vie plus calmante et des inspirations non pas plus fines, mais plus adoucies, plus sainement naturelles et plus sereines.

302. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Or, ce petit écrit, qui n’a pas cent cinquante pages, où il n’est qu’un moraliste et presque un pénitent, où il évite surtout l’air d’historien, a été imprimé en 1822 dans le volume des Mélanges de la Société des bibliophiles : comme ce rare volume n’a guère été tiré qu’à une trentaine d’exemplaires, on ne peut s’étonner que ces petits Mémoires de d’Antin soient si peu connus. […] Une idée qui vint d’abord à d’Antin, c’est que, pour plaire au roi, il fallait être magnifique et faire de la dépense ; pour y subvenir, à défaut des secours de Mme de Montespan, il s’appliqua au jeu, et il en tira de grosses sommes. […] D’Antin, tout plat courtisan qu’il est, a donc une idée morale supérieure ; et, puisque j’en suis ici, non pas à le réhabiliter, mais à le montrer au vrai et sans que nous en puissions tirer orgueil, qu’on sache bien que la forme du courtisan n’a fait que changer ; elle a changé comme la forme même du souverain. […] Mais le naturel est plus fort : d’Antin n’en tire qu’un motif de plus de s’attacher, s’il se peut, davantage au roi par une assiduité dont on ne citerait « que peu d’exemples ».

303. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Nous ne pouvons point sçavoir positivement s’ils en avoient que nous n’aïons plus ; mais il y a beaucoup d’apparence qu’ils n’avoient point les couleurs que nos ouvriers ne tirent que de l’Amérique et de quelques autres païs où l’Europe n’a un commerce reglé que depuis deux siécles. […] Par bonheur elle ne fut tirée très-entiere et très-bien conservée ; mais malheureusement pour les curieux, elle ne sortit de son tombeau que cinq ans après que M.  […] C’est de là que le cardinal Massimi avoit tiré les quatre morceaux qui passent pour representer l’histoire d’Adonis, et deux autres fragmens. […] La mere ne put jamais tirer de son fils qu’une réponse, laquelle ne lui permettoit pas de douter qu’il n’éludât sa curiosité.

304. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Seul, peut-être, l’auteur de l’Histoire de la Comédie pourrait nous dire à quel degré ont fléchi ses facultés premières, dont je retrouve avec tant de joie la trace étincelante dans son livre, et quel parti il pourrait en tirer encore si jamais il était las de son métier de casseur de mots, plus dur, selon moi, que celui de casseur de pierres. […] Seulement, la chèvre et la plupart des hommes tirent sur leur corde, y mettent une ou deux fois leur dent, d’impatience, puis prennent leur parti, broutent et se couchent, tandis que les hommes de génie font des bonds magnifiques dans le rayon de leur corde, comme des lions exaspérés, et voilà l’art ! […] L’auteur de l’Histoire de la Comédie a souvent de ces expressions, dont il tire un très grand effet. […] Édelestand du Méril, pour des raisons tirées de la nature de son livre, a rencontré nécessairement sur son chemin les inévitables théories de deux hommes, de talent sans doute, mais dont l’un est gâté par l’opinion comme un vieillard, et l’autre comme un enfant, quoiqu’il ne le soit plus que dans les puériles débilités de sa théorie : Sainte-Beuve et Taine.

305. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

C’était un grand maigre, un osseux, et presque une espèce de squelette, mais qui ne rougissait pas plus de sa maigreur qu’une vieille fille anglaise, et qui même eut l’idée d’en tirer parti. […] C’était presque un comprimé, c’était presque un pincé, un écrivain tiré à quatre épingles, et, répétons-le ! […] Systématique et gouverné, très habile et sûr de lui-même, comme un tireur au pistolet qui met dans l’as de pique ou mouche une chandelle à trente pas, il n’aura pourtant avec ses livres, sans entrailles, sans chaleur, sans aucune de ces choses qui s’attachent généreusement et passionnément à l’âme des hommes, que tiré, toute sa vie, des coups de pistolet littéraires. Mais il a fini par n’avoir plus ni poudre ni balles dans ses pistolets, et il a tiré à vide, comme dans ces misérables Lettres, où rien ne retentit ni même ne fume plus.

306. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Or, l’homme habile, à expédients, le génie à métamorphoses, le Mercure politique, financier ou galant, l’aventurier en un mot, ne dit jamais non aux choses ; il s’y accommode, il les prend de biais, il a l’air parfois de les dominer, et elles le portent parce qu’il s’y livre et qu’il les suit ; elles le mènent où elles peuvent ; pourvu qu’il s’en tire et qu’il en tire parti, que lui importe le but ? […] A partir de ce temps, Bettine soigna, peigna, lava si exactement et si longuement chaque matin le petit Casanova dans sa chambre, qu’il faillit en résulter mille accidents ; cette fille malicieuse et ce précoce enfant s’en tirèrent, l’une avec duplicité et coquetterie consommée, l’autre avec une fermeté rare et une sorte de vertu qu’il ne devait pas garder longtemps.

307. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Ses pièces tirées de l’histoire anglaise, telles que les deux sur Henri IV, celle sur Henri V, les trois sur Henri VI, ont beaucoup de succès en Angleterre ; mais je les crois cependant très inférieures, en général, à ses tragédies d’invention, Le Roi Lear, Macbeth, Hamlet, Roméo et Juliette. […] Ils n’ont aucun rapport avec les sublimes effets que Shakespeare sait tirer des mots simples, des circonstances vulgaires placées avec art, et qu’à tort nous n’oserions pas admettre sur notre théâtre. […] Enfin les caractères tragiques seront-ils tirés des souvenirs, ou de l’imagination, de la vie humaine, ou du beau idéal ?

308. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Pendant trois ans il travailla et retravailla cette malheureuse fiction qui est un plaidoyer entre les déesses du jardinage, de la peinture, de l’architecture et de la poésie, et n’en tira pas grand-chose. […] Il pose sur son prie-Dieu le saint Augustin qu’on lui a mis dans la main, tire furtivement un Rabelais de sa poche, fait signe à ses voisins Chaulieu et le grand prieur, et chuchote tout bas avec eux quelque drôlerie. […] Nous ne tirons pas de nous-mêmes la règle de nos moeurs, comme font les peuples germaniques.

309. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Que les étudiants soient bien convaincus que la durée de leurs études dépend absolument de leur application, et que l’exécution rigoureuse de ce règlement tempère l’ambition des parents jaloux de tirer leurs enfants de la condition subalterne qu’ils exercent et de leur procurer l’éducation du sacerdoce, de la médecine ou de la magistrature. […] Tirons de l’intérêt et de l’amour-propre ce que nous aimerions mieux tenir d’une bonne nature. […] La facilité d’entrer dans les écoles publiques, l’ambition des parents, leur avarice qui leur fait préférer à tout apprentissage celui qui ne coûte rien, tire une multitude d’enfants de la profession de leurs pères, de grandes maisons de commerce s’éteignent, d’importantes manufactures tombent ou dégénèrent, des corps de métiers s’appauvrissent, et pourquoi cela ?

310. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Je ne parle pas ici de ceux qui, vivant de la critique, y trouvent une incontestable utilité : Je sais qu’un noble esprit peut, sans honte et sans crime, Tirer de son travail un profit légitime ; mais je voudrais savoir si elle rend quelque service au public, si elle l’élève vers l’art, comme elle le prétend. […] Levons les yeux au ciel, et voyons si Hercule n’y paraît pas ; car seul il peut tirer le char de l’ornière. […] Vingt pages que l’on tire de soi, vingt vers où l’on met son âme, valent mieux que des volumes de critique.

311. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Je tire de ce fait quelque petite conséquence et ne suis pas fâché le moins du monde de l’exceptionnelle hostilité qu’on me témoigne. […] Nous n’arriverons pas évidemment à écrire comme Pascal ; mais nous arriverons à tirer de notre talent tout ce qu’il peut produire, comme Pascal a tiré du sien tout ce qu’il pouvait donner. » Cela ne fait pas le compte de M. de Gourmont.

312. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

C’est de cette manière, ajouta-t-elle, que je lui ai montré, et vous avez vu les jolies lettres qu’il a faites.” » Ainsi conduit et dirigé, en effet, l’enfant, après plusieurs épreuves, sentira, tirera lui-même cette conclusion, « que le principal, pour bien écrire, est d’exprimer clairement et simplement ce que l’on pense ». […] J’ai voulu fournir à de jeunes esprits l’occasion de réfléchir sur les moyens par lesquels ils pourront donner à leurs écrits la bonté qu’ils ont dû rêver souvent et désespérer d’atteindre, sur les meilleures et plus courtes voies par où ils pourront se diriger à leur but et nous y mener ; leur inspirer des doutes, des scrupules, des soupçons d’où leur méditation pourra tirer ensuite des principes et des certitudes, sur toutes les plus importantes questions que l’écrivain doit résoudre et résout, bon gré mal gré, sciemment ou non, par cela seul qu’il écrit d’une certaine façon ; donner le branle enfin à leur pensée, pour que, s’élevant au-dessus de l’empirisme, ils cherchent et conçoivent la nature et les lois générales de l’art d’écrire, pour qu’ils développent en eux le sens critique, et que, mettant la conscience à la place de l’instinct, ils arrivent à bien faire en le voulant et en le sachant.

313. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Mais elle s’en est supérieurement tirée, et nous a répondu franchement que les prédicateurs devaient prêcher la morale et point le dogme ; que l’esclavage avilissait l’homme jusqu’à s’en faire aimer ; que Louis XIV devait plus aux grands génies de son temps que Racine et Pascal ne devaient à Louis XIV, et que, d’ailleurs, Bonaparte était fils de la liberté, et qu’il avait tué sa mère. […] Mais comme on laisserait le prochain en repos si l’on pouvait tirer ses pensées du dedans et de son propre fonds !

314. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

Si vous admettez ces trois propositions, qui n’ont, je crois, rien de téméraire, et si vous essayez d’en tirer les conséquences bravement, naïvement et dans un esprit d’optimisme, vous serez vous-même surpris du rêve que vous édifierez peu à peu et comme malgré vous. […] Il considérerait que, si des iniquités ont été commises contre ses pères il y a quatre-vingts ans, Dieu ne permet plus d’en tirer vengeance, justement parce que l’humanité a quatre-vingts ans de plus, et que, du reste, les événements les avaient déjà réparées.

315. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

C’est aussi une machine beaucoup plus compliquée que toutes celles de l’industrie, et dont presque toutes les parties nous sont profondément cachées ; mais en observant le mouvement de celles que nous pouvons voir, nous pouvons, en nous aidant de ce principe, tirer des conclusions qui resteront vraies quels que soient les détails du mécanisme invisible qui les anime. Le principe de la conservation de l’énergie, ou principe de Mayer, est certainement le plus important, mais ce n’est pas le seul, il y en a d’autres dont nous pouvons tirer le même parti.

316. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Que de choses à tirer de cette révolution des Bataves, voisine, et, pour ainsi dire, sœur de la Ligue ! […] Voltaire a donc brisé lui-même la corde la plus harmonieuse de sa lyre, en refusant de chanter cette milice sacrée, cette armée des Martyrs et des Anges, dont ses talents auraient pu tirer un parti admirable.

317. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

je vais encore rapporter un endroit de Macrobe qui pourroit paroître inutile, parce qu’il ne dit que la même chose que les passages de Quintilien et de Longin qu’on vient de lire, mais il m’a semblé propre à fermer la bouche à ceux qui voudroient douter que les anciens songeassent à tirer de la musique toutes les expressions que nous voulons en tirer, et qu’ils eussent communément de cet art la même idée qu’en avoit Lulli.

318. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

A ce jeu, on s’habitue à un immense orgueil et à se considérer comme infiniment supérieur, ce qui d’abord est assez déplaisant, et ce qui ensuite rend très peu capable de grandes choses ; car c’est en regardant en haut qu’on fait effort et qu’on tire de soi tout ce qui est possible qu’on en tire.

319. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Difficile de se tirer de là, et l’auteur du Contrat social ne s’en tire pas ; — il y reste !

320. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Le rideau tiré, je retombe à plat dans ma petitesse, et votre idéal est pour moi sans fruit, parce que je n’y puis atteindre. […] Ce sera comme s’ils nous eussent dit : « Monsieur Figaro, tirez le premier !  […] Une chaleur inaccoutumée me tira de ce court sommeil. — C’était le Rideau de M.  […] Barbara devrait bien le tirer une bonne fois sur ce monde hybride et malpropre où il lui plaît d’encanailler son lecteur. […] L’injure et la calomnie lui étaient prodiguées dans des lettres anonymes, tirées à des centaines d’exemplaires.

321. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Je lui ferai remarquer cependant que si la théorie de Hegel est un simple roman métaphysique, et pas si simple, certaines idées que Hegel en tire ou croit en tirer sont très justes. […] Je confesse qu’elle est absurde ; mais les morceaux en sont bons ; et combien il y a de beaux vers à citer et qu’il convient de tirer de l’oubli ! […] Elle fut considérable pendant un long temps, et l’on peut tirer d’elle des indications fort précieuses. […] Madame Lia Félix a su tirer parti d’un rôle tout en dedans (Claudie) presque muet et qui ne pouvait avoir de valeur que par la tenue et la pantomime. […] Poirier, tiré par Augier et Sandeau de Sacs et Parchemins de Sandeau, le Marquis de Villemer, tirée du roman qui porte le même titre, est la seule pièce tirée d’un roman qui ait vraiment réussi.

322. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

À cela on a répondu, on répond encore que c’est du sein des faits qu’on tirera leurs lois. […] Il faut commencer par rechercher les éléments essentiels de l’humanité ; puis de la nature de ces éléments tirer leurs rapports fondamentaux ; de leurs rapports tirer leurs lois ; ensuite, passant à l’histoire, se demander si elle confirme ou répudie ce premier travail. […] L’homme ne tire point du néant l’action qu’il n’a pas faite encore et qu’il va faire ; il la tire de la puissance très réelle qu’il a de la faire. […] En effet, vous l’avez vu, nous avons tout tiré de la conscience de l’humanité ; et là aussi nous étions sur le terrain des faits ; mais de quels faits ? […] L’Angleterre n’est assurément pas destituée d’invention ; mais il lui manque cette puissance de généralisation qui seule tire d’un principe tout ce qu’il renferme.

323. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Mme de La Fayette, qui avait l’esprit solide et fin, s’en tira à la manière de Mme de Sévigné, en n’en prenant que le meilleur. […] Un jour on parlait devant elle, M. le Duc présent, de la campagne qui devait s’ouvrir dans cinq ou six mois ; l’idée soudaine des dangers que M. le Duc aurait à courir alors lui tira aussitôt des larmes. […] Fontenelle lut le roman quatre fois dans la nouveauté ; Boursault en tira une tragédie, comme à présent on en eût fait des vaudevilles. […] L’abbé de Charnes, qui reprend cette critique mot à mot pour la réfuter avec injure, m’a tout l’air d’un provincial qui n’avait pas demandé à Mme de La Fayette la permission de la défendre ; Barbier d’Aucourt, sans avoir rien de bien attique, s’en fût tiré autrement. […] Cousin en a, depuis, tiré parti avec bonheur, et aussi, selon son habitude, avec fanfare.

324. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Bref, on apprenait aussi bien que possible à tirer une conclusion juste de prémisses une fois posées ; on n’oubliait que la chose essentielle, à savoir de vérifier les prémisses, de s’assurer que les bases de l’édifice étaient solides. […] Ces conséquences, tous ne les tirent pas, mais tous sont prêts à les tirer. […] Les effets ne sont pas les mêmes, selon que, dans l’étude des langues mortes, dominent les auteurs profanes ou les auteurs sacrés, selon que le latin tire à lui presque toute l’attention ou que le grec obtient une recrudescence de faveur. […] Elle est déjà plus respectée en province ; mais c’est parmi les étrangers qu’elle a gardé le plus de prestige, et la chose est aisée à comprendre ; sur bien des points elle les tire d’un chaos d’incertitudes où ils risqueraient de se perdre ; pour eux elle continue à faire loi, à représenter officiellement l’usage établi. […] C’est de pousser en avant les esprits que les Académies tirent en arrière ou voudraient maintenir au repos.

325. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Mais parfois, quand le cordon a cessé de tirer, elle continue à tinter. […] Parfois enfin les petites sonnettes qui, en règle générale, reçoivent d’elle leur ébranlement, lui transmettent le leur ; et nous savons les principales conditions de ces effets singuliers. — Dans les hallucinations du microscope, la cloche a été si fortement et si constamment ébranlée en un seul sens, que son mécanisme continue à fonctionner, même lorsque le cordon est devenu immobile. — Dans le rêve et l’hallucination hypnagogique, le cordon est fatigué ; il ne rend plus ; le long emploi de la veille l’a mis hors d’usage ; les objets extérieurs ont beau le tirer, il ne fait plus sonner la cloche ; à ce moment, au contraire, les petites sonnettes dont les sollicitations ont été réprimées perpétuellement pendant la veille, et dont les tiraillements ont été annulés par le tiraillement plus fort du cordon, reprennent toute leur puissance ; elles tintent plus fort et tirent avec efficacité ; leur ébranlement provoque dans la cloche un ébranlement correspondant ; et la vie de l’homme se trouve ainsi divisée en deux périodes, la veille pendant laquelle la cloche tinte par l’effet du cordon, le sommeil pendant lequel la cloche tinte par l’effet des sonnettes. — Dans l’hallucination maladive, le cordon tire encore, mais son effort est vaincu par la puissance plus grande des sonnettes ; et diverses causes, l’afflux du sang, l’inflammation du cerveau, le haschich, toutes les circonstances qui peuvent rendre les hémisphères plus actifs, produisent cet accident ; le tiraillement des sonnettes, plus faible à l’état normal que celui du cordon, est devenu plus fort, et l’équilibre ordinaire est rompu, parce qu’une des fonctions qui le constituent a pris un ascendant qu’elle ne doit pas avoir. […] Quoique le cordon ne tire pas, la grosse cloche tinte comme à l’ordinaire ; les petites sonnettes des hémisphères sont impuissantes ; l’image contradictoire ne peut rien sur la sensation elle-même.

326. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Le plus simple, ce serait, sans doute, de tout tirer de l’opinion et de servir au public ce qu’on sait être dans la moyenne de ses idées et de son goût : mais ce serait se condamner à la médiocrité, à la banalité. […] Il faut dans la douleur que vous vous abaissiez ; Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez. […] De la plus horrible réalité, l’imitation tragique tire une émotion agréable. […] Que de raisons, tirées souvent de bien loin, et bien injurieuses aussi au caractère de Despréaux, n’a-t-on pas invoquées pour rendre compte du silence qu’il a gardé sur son ami ! […] Ils nous paraissent subsister en eux-mêmes, et tirer leurs lois principales de leur définition, qui dépend elle-même des objets et des effets qui leur sont assignés.

327. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

On y voit la femme d’affaires, qui excelle à donner des conseils, à parler de l’économie d’une maison, et qui n’estime de l’esprit que le profit qu’on en tire. […] Tous les deux sont admirables, toute proportion gardée, par tout ce qu’ils ont tiré de subtilité, d’émotion et de force, de la pensée qui les possédait. […] C’est en la mettant au-dessus de lui qu’il s’en rend maître, et pour la langue comme pour la doctrine, c’est de sa libre obéissance qu’il tire son autorité. […] Une fois entré dans la phrase, on ne sait si l’on en sortira, ni comment, et quoiqu’il soit fort habile à tirer son lecteur du labyrinthe où il l’a engagé, il y a plus d’un moment d’embarras et d’inquiétude. […] La pensée ne leur arrive pas d’abord dans sa plénitude ; un premier travail la tire en quelque sorte du fond de leur esprit, et la leur montre, incertaine encore, dans une sorte de demi-jour.

328. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

De l’aveu de tout le monde, il y a là un événement considérable dont l’art national doit tirer grand profit. […] Le poème entier a été terminé en 1852, et l’édition que Wagner fit tirer pour ses amis date du printemps de 1853 (Wagner, VI, 371 ; Glasenapp, 1, 360. […] C’est accomplir une œuvre utile que de grouper les jugements divers portés chez nous sur l’œuvre du grand réformateur dramatique ; les hommes qui ont défendu la musique wagnérienne, d’après le jugement de leur conscience artistique, la droite raison, la simple équité, et aussi d’après leur compétence réelle, ne peuvent qu’en avoir aujourd’hui de l’honneur ; espérons que les autres en tireront quelque confusion. […] Mais tirées à petit nombre, d’un prix assez haut, vite elles furent épuisées… je crois qu’il serait aujourd’hui absolument impossible d’acquérir la plupart d’elles. […] Deux modèles en plâtre ont été tirés : un grand modèle à 20 francs (70 centimètres de hauteur sur 43 de base), et un petit modèle à 10 francs (40 sur 22).

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