Elle se trouve heureuse cependant qu’il soit comme cela. » Et Renée ajoute un mot qui donnera aux esprits qui sentent, dans le moindre détail de style, toute la manière d’un écrivain : « Elle aimait donc pour aimer, — simplement : elle avait autant de désintéressement qu’elle avait d’imagination, la pauvre femme ! […] Il fut l’héritier des grands biens et des charges de son père : « Pour tout cela, cet heureux homme n’eut que la peine d’épouser la plus belle femme de France. » Il l’épousa en 1661. […] Cet homme, qui avait tant de provinces à gouverner et tant de biens à régir, n’avait pas sans doute assez à faire, car il était heureux qu’on lui fit des procès ; il en eut jusqu’à trois cents, dit l’abbé de Choisy, et qu’il a presque tous perdus… “Je suis bien aise, disait-il, qu’on me fasse des procès sur tous les biens que j’ai eus de M. le cardinal. […] « Marie Mancini — nous dit-il avec une mélancolie reconnaissante — avait d’heureuses facultés : elle était généreuse, courageuse, spirituelle et fière. […] Il y a une biographie du marquis de Vardes qui fait rentrer sous terre les Améric Vespuce de sa gloire, les Lauzun, les Richelieu, et toute cette race de fats heureux, le caprice des femmes et leurs tyrans.
Que les hommes qui vivent dans une révolution, et qui en sont ou spectateurs éclairés ou acteurs principaux, lèguent à la postérité le dépôt fidèle de leurs souvenirs, c’est un devoir que nous réclamons d’eux ; que ceux mêmes qui, dans une situation secondaire, n’ont vu qu’un coin du vaste tableau et n’en ont observé que quelques scènes, nous apportent leur petit tribut de révélations, il sera encore reçu avec bienveillance ; et si surtout l’auteur nous peint l’intérieur d’une cour dans un temps où les affaires publiques n’étaient guère que des affaires privées, s’il nous montre au naturel d’augustes personnages dans cette transition cruelle de l’extrême fortune à l’extrême misère, notre curiosité avide pardonnera, agrandira les moindres détails ; impunément l’auteur nous entretiendra de lui, pourvu qu’il nous parle des autres ; à la faveur d’un mot heureux, on passera à madame Campan tous les riens de l’antichambre et du boudoir : mais que s’en vienne à nous d’un pas délibéré, force rubans et papiers à la main, mademoiselle Rose Bertin, modiste de la reine, enseigne du Trait galant, adressant ses Mémoires aux siècles à venir, la gravité du lecteur n’y tiendra pas ; et, pour mon compte, je suis tenté d’abord de demander le montant du mémoire. […] Pour revenir à mademoiselle Bertin, elle n’est pas toujours heureuse dans ses justifications. […] Une autre fois qu’elle allait aussi chez la reine, c’était dans des jours moins heureux, la princesse lui dit : « J’ai rêvé de vous cette nuit, ma chère Rose ; il me semblait que vous m’apportiez une quantité de rubans de toutes couleurs, et que j’en choisissais plusieurs ; mais, dès qu’ils se trouvaient dans mes mains, ils devenaient noirs… » L’éditeur a compris qu’il n’y avait pas là de quoi faire un volume : il a donc grossi le sien de notes sur le comte de Charolais, le duc d’Orléans, MM. de Choiseul et de Maurepas, qui ne se rattachent aucunement au texte ; ils sont à peine nommés dans l’ouvrage, et voilà qu’on nous donne en notes toute leur vie privée et publique.
Dans l’Ode qu’il composa pour Louis XIII, lorsque ce Prince alloit réduire les Rochellois, on admire à la fois une netteté d’idées, un tour heureux d’expression, une justesse & un choix dans les comparaisons, une variété dans les figures, une adresse dans les transitions, qui la font regarder, avec raison, comme un vrai modèle de Poésie lyrique. […] Mais peut-on lire rien de plus poétique & de plus agréable que la description du Siecle heureux qu’il prédit lui-même, sous le nom d’un Berger ? […] Succéder, du temps de Malherbe, signifioit avoir un heureux succès.
Par le vœu de ta mère à l’autel emmenée, Fille tendre et pieuse, épouse résignée, Sois heureuse par lui, sois heureuse sans moi ! […] Tel est, mon Ami, le refuge heureux que j’ai trouvé en votre âme. […] Heureux qui n’en est jamais sorti ! plus heureux qui peut y rentrer ! […] Vivez donc, mon cher Sainte-Beuve, et vivez heureux !
Plus heureux que le conquérant par les armes, le conquérant par la plume s’était établi, fortifié et étendu dans sa conquête… Et encore à cette mauvaise heure, quand nous avons l’épée de l’Allemagne à moitié dans le cœur, d’où nous ne pouvons l’arracher, Gœthe reste triomphant dans nos esprits, dont nous ne pouvons l’arracher davantage. […] Il s’est donné simplement la peine de naître, et tout de suite il a été heureux et glorieux… par les autres. […] Voltaire, qui vécut aussi quatre-vingts ans, Voltaire, l’heureux Voltaire, mais moins heureux que l’heureux Gœthe, eut assurément sur son siècle une influence plus grande, plus militante, et surtout plus activement spirituelle que le sentimental coup de pistolet de Werther, et cependant Voltaire ne régna pas toujours du même empire sur l’opinion.
Cela lui suffit pour être heureux. […] âge heureux où tout s’épanouit. […] dit-il, ce vil eunuque, — heureux homme ! […] Le calme heureux et quel sans-gêne bourgeois ! […] Quelle heureuse place ce Pilier des Halles !
Une histoire de la vie et des ouvrages de Massillon nous manque : ce serait un sujet heureux. […] Ses exordes avaient quelque chose d’heureux et qui saisissait aisément, comme le jour où il prononça l’Oraison funèbre de Louis XIV, et où, après avoir parcouru en silence du regard tout ce magnifique appareil funéraire, il commença par ces mots : « Dieu seul est grand, mes frères ! […] Heureux le prince qui, durant le cours d’un règne long et florissant, jouit à loisir des fruits de sa gloire, de l’amour de ses peuples, de l’estime de ses ennemis, de l’admiration de l’univers… ! […] Heureux, vous dit-il, non celui qui fait l’admiration de son siècle, mais celui qui fait sa principale occupation du siècle à venir, et qui vit dans le mépris de soi-même et de tout ce qui passe… ! Heureux, non celui dont l’histoire va immortaliser le règne et les actions dans le souvenir des hommes, mais celui dont les larmes auront effacé l’histoire de ses péchés du souvenir de Dieu même, etc., etc.
Droz publia l’Essai sur l’art d’être heureux (1806). […] Mais les hommes, sur ce fait qui les touche de si près, sont plus rebelles qu’on ne pense : être heureux ou malheureux, chacun veut l’être à sa manière. […] Droz concourut pour l’éloge de Montaigne, et son discours aimable, qui fut distingué par l’Académie, forme comme le complément de l’Essai sur l’art d’être heureux. […] Cet éloge, qu’il composa presque en entier avec un heureux tissu de phrases choisies dans Montaigne, annonce, par la pensée comme par le ton, un esprit juste, une oreille juste, une âme sensible, noble, élevée. […] « Beati mites… Heureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre !
Il y joignait dans la jeunesse un extérieur agréable, une belle taille qu’il eut toujours, une physionomie heureuse et prévenante. […] Étienne avait été heureux ; il avait rencontré l’à-propos, et la fortune lui avait souri. […] On harcelait l’homme heureux et en crédit, qu’on avait pris en demi-faute. […] Il continua d’être heureux dans le second ordre. […] Auger, son ami, qui s’était donné la mort dans un accès d’égarement funeste, et il terminait son discours par ce mot heureux : « Ô triste infirmité de notre nature !
C’était un homme heureux que le marquis d’Argenson dans les neuf ou dix dernières années de sa vie, après sa sortie du ministère. […] Avec cela on y vit fort heureux et sans bruit du monde. […] Dans ses plans de vie heureuse qu’il diversifie avec assez d’imagination, il faisait entrer plus de choses qu’il n’en tenait dans cette boîte ou petite cellule. […] Il s’est amusé à tracer divers plans de vie heureuse à son usage, avec des variantes. […] L’heureux homme !
Plus heureux ceux qui se contentent de profiter, de reconnaître et de jouir ! […] C’est là, du fils au père, avec une heureuse variété d’application, un trait frappant de ressemblance, une reproduction à la fois intime et imprévue. […] Villemain, à ce devancier heureux, dont il diffère d’ailleurs avec originalité, et qu’il a pu même continuer d’autant mieux pour sa part qu’il le rappelle moins. […] Il y aura bien quelques redites ; il y aura même quelques points plus ou moins excentriques, ou trop sinueux, qui ne seront pas représentés ; mais, après lui, s’il parcourt le reste de la carrière comme il a commencé, il faudra marcher par les chaussées qu’il aura faites : heureux si l’on trouve encore à glaner par quelques sentiers ! […] Au milieu de tant de rapprochements heureux, variés et souvent lointains, que lui fournit son érudition si en éveil, j’ai ouï quelques personnes reprocher à M.
Mais on est heureux lorsqu’à travers cette variété d’emplois et de talents on arrive de tous les côtés, on revient par tous les chemins au moraliste et à l’homme, à une physionomie distincte et vivante qu’on reconnaît d’abord et qui sourit. […] C’est toujours une belle chose d’avoir vingt ans ; mais c’est chose doublement belle et heureuse de les avoir au matin d’un règne, au commencement d’une époque, de se trouver du même âge que son temps, de grandir avec lui, de sentir harmonie et accord dans ce qui nous entoure. […] Élevé à l’école de ces deux ministres, M. de Ségur oppose fréquemment ses vues modérées et judicieuses aux raisonnements un peu exclusifs du comte de Broglie et de Favier, et il en résulte d’heureux éclaircissements. […] La sérénité rentrée dans mon âme se peignit bientôt dans mes regards, et je vois déjà dans les yeux de ceux que j’appelais mes ennemis un étonnement et un sentiment de regret, de honte et de compassion bienveillante qui va presque à l’admiration et au respect… je suis heureux, bien heureux. […] Madame de Staël alla au-devant du futur premier ministre, Jeanne Gray à la main, et tous deux s’électrisèrent en faveur de la démocratie ; mais bientôt le mérite du comte fut apprécié à sa valeur, et il fut trop heureux d’obtenir d’être ministre à Berlin.
Contrairement à la coutume divine qui fait chanter presque tous les poètes comme chantèrent les Templiers, — dans les supplices, — Hebel fut constamment heureux. Ce fut son talent qui fit sa vie ; et cette vie toujours calme, aisée, honorée, et qui monta sans luttes et sans obstacles jusqu’à cette dignité de rang qui est la dernière caresse de la fortune à ceux qui pourraient s’en passer, puisqu’ils ne vivent que pour les jouissances de l’esprit, a plus d’un rapport avec l’existence d’un homme heureux aussi parmi les poètes, mais qui, à son déclin, sentit dans le fond de son cœur le souci cruel de la confiance trahie et sur son front la sueur de sang du travail forcé. […] À sa mort, en 1826, quand on porta en terre cet homme heureux, on ouvrit dans le cimetière encore une fois son cercueil pour mettre une dernière couronne de lauriers sur ses cheveux gris. […] Par là il s’approche de la poésie descriptive, tout en plaçant néanmoins, avec d’heureuses personnifications, ses tableaux à des niveaux très élevés de l’art.
heureux ceux qui pleurent ! […] Heureux celui à qui l’heure de sa mort est toujours présente, et qui se prépare chaque jour à mourir ! […] Heureuses les oreilles toujours attentives à recueillir ce souffle divin, et sourdes aux bruits du monde ! […] Heureux les yeux qui, fermés aux choses extérieures, ne contemplent que les intérieures ! […] Heureux ceux dont la joie est de s’occuper de Dieu, et qui se dégagent de tous les embarras du siècle !
Son Voyage du Languedoc, pour n’avoir pas la même aménité, l’heureuse aisance, le ton moëlleux de celui de Bachaumont & de Chapelle, n’en a pas moins le mérite de surpasser celui-ci par la correction, la variété, la noblesse, & la Poésie. […] Tels on vit les Romains, dans leurs jours lumineux, Du second des Césars dégrader l’âge heureux, Ensevelir Horace & déterrer Lucile, Préférer la Pharsale aux beaux Vers de Virgile, Vanter l’esprit guindé du Maître de Néron, Et bâiller sans pudeur en lisant Cicéron. […] Cette heureuse clarté, son plus solide appui, Et que l’Etranger même admiroit malgré lui ; Cet ordre lumineux, le nombre, & la cadence, Semblent abandonner nos Vers, notre Eloquence.
On se demande pourquoi les Anglais qui sont heureux par leur gouvernement et par leurs mœurs, ont une imagination beaucoup plus mélancolique que ne l’était celle des Français ? […] Heureux le pays où les écrivains sont tristes, et les commerçants satisfaits, les riches mélancoliques, et les hommes du peuple contents ! […] Heureux et les plus heureux des mortels ceux que la bienfaisante destinée a réunis, et qui confondent dans un même sort leurs cœurs, leurs fortunes et leurs existences. […] Les saisons, qui parcourent sans cesse ce monde en discorde, retrouvent à leur retour ces deux êtres toujours heureux ; et le printemps applaudissant à leurs belles destinées, répand sur leur tête sa guirlande de roses.
Ils furent heureux, suivant leur tempérament, de s’indigner contre un poète ou de rire de lui : ça fait toujours plaisir de se sentir supérieur. […] qu’il fut heureux, mais, là, promptement, tout de suite ! […] Il était heureux du succès obtenu : ceux, en effet, qui auraient consenti le geste de miséricorde avaient reculé devant le ridicule et Coppée, auprès de quelques-uns de ces lâches hésitants, se félicitait de leur avoir « arraché une fameuse épine du pied ». […] Voyez-vous, monsieur, ma grand’mère avait bien raison de me répéter : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux ! […] C’est une heureuse fatalité que tout théoricien fasse la théorie de sa pratique et que tout généralisateur généralise son cas.
Selon que vous serez heureux ou misérable, Les jugemens de cour vous rendront blanc ou noir. […] Il en est au contraire fort aise, parce qu’il voit qu’ils seront plus heureux dans la médiocrité. […] Tout le monde a retenu ces deux vers qui expriment si bien le vœu d’une âme douce et insouciante ; mais ce sentiment est encore mieux exprimé dans le charmant morceau de la fin de cet Apologue : Heureux qui vit chez soi, etc. […] quel rapprochement heureux des petites choses et des grands objets ! […] Peuple heureux !
Il avait rassemblé toutes les preuves à l’appui de cette heureuse définition qu’il avait donnée de Vauvenargues : une âme grande dans un petit destin. […] mais la religion, comme tu dis, fournit de grandes ressources ; il est heureux, dans ces moments, d’en être bien convaincu. […] J’ai toujours regardé comme un bien d’avoir des marques indubitables de ton amitié ; bien loin qu’elles m’aient été à charge pendant ces froideurs apparentes, elles m’en ont consolé, et je m’estimais heureux de trouver cette ressource contre mes tristes soupçons. […] C’est à des hommes plus heureux que moi qu’il appartient de craindre le ridicule ; pour moi, je suis accoutumé, depuis longtemps, à des maux beaucoup plus sensibles. […] Je vous remets, mon cher ami, la disposition de tout ce qui me regarde : offrez mes services, pour quelque emploi que ce soit, si vous le jugez convenable, et n’attendez point ma réponse pour agir ; je me tiendrai heureux et honoré de tout ce que vous ferez pour moi et en mon nom.
« Me voici parvenu à trente-neuf ans et demi ; il y a plus de vingt ans que je suis sorti du collége : dans cette moitié de la vie (car la durée de l’homme n’est que de quarante ou quarante-huit ans entre l’une et l’autre débilité), dans cette moitié de la vie, je cherche vainement une saison heureuse, et je ne trouve que deux semaines passables, une de distraction en 1790 et une de résignation en 1797. […] « Avec une santé généralement bonne en un sens et constante, mais un corps fatigué de tant d’ennuis et de tant de manières de vivre diverses et le plus souvent contraires, je suis découragé par cette incurable faiblesse des membres qui, en m’ôtant les ressources qu’un autre homme trouverait dans le malheur, me prive de cette résignation, de cette heureuse sécurité que je trouverais dans mes dispositions naturelles, dans les résultats de ma pensée, dans l’habitude d’être ou de me maintenir exempt de passions, de prestiges. […] Je crois au contraire que, dans une certaine classe surtout, il en est si peu d’heureux, que s’il m’était proposé de changer mon sort pour le sort de celui qu’après un mûr examen je croirais le plus heureux d’entre dix hommes pris au hasard dans le nombre de ceux qui ont l’avantage, inappréciable parmi nous, de réfléchir, je refuserais sans hésiter cet échange : et je ne sais si j’accepterais cette proposition, ayant le choix dans vingt, dans cinquante. […] Beaucoup d’hommes paraissent assez heureux ; mais ce qu’ils se disent à eux-mêmes est fort différent de ce qu’ils disent aux autres : et s’il ne fallait que changer de misères, celles dont on a quelque habitude doivent être les moins pesantes. […] — Mais l’embarras est moins grand, plusieurs de mes amis ayant pris assez tôt, dans le temps de mes malheurs, le soin de m’apprendre que je pourrais les quitter sans scrupule lorsque je serais heureux. » « Décembre 1812.
celles de Milton peignant son couple heureux dans Éden. […] Le poète est allé revoir des lieux qui lui furent chers, quelque forêt, celle de Fontainebleau peut-être, où il avait passé des jours heureux. […] Il n’est pire douleur, a dit Dante, que de se rappeler les jours heureux quand on est dans le malheur. […] Dante, pourquoi dis-tu qu’il n’est pire misère Qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur ? […] Un souvenir heureux est peut-être sur terre Plus vrai que le bonheur.
Voici un livre comme on n’en fait plus guère et comme il est heureux pourtant qu’on en fasse encore. […] Il avait aimé toute sa vie, mais il n’avait jamais aimé assez longtemps pour être autre chose que le plus heureux des hommes… Cependant, voici la bande noire à l’étoffe rose : il mourut seul, dans un hôtel garni, je crois. […] Il est, lui, le Rabelais des Délicats et des Tendres, dans les parties du Tristram Shandy qui sont réussies : l’histoire de Le Fèvre, l’abbesse des Andouillettes, etc., et surtout ces types heureux de M. […] Avec l’admiration qu’il a pour Sterne et qui nous paraissait d’un heureux augure, nous aurions cru qu’il eût saisi l’occasion de nous donner sur ce rare génie que Jean-Paul appelle, je ne sais plus où « la rose bleu de ciel dans l’ordre des intelligences », quelques pages de critique humaine et profonde. […] Humouriste à teintes adoucies et pures, dans une contrée où l’humour a des tons criards et je ne sais quelle hagarde ivresse, il ne doit la transparence de son sourire et la limpidité de ses larmes qu’à la chasteté du sentiment chrétien qui ne l’abandonne jamais, et, sur les limites de la passion où parfois il glisse, se rappelle encore à lui par une rougeur… Ascète adorable, qui donnerait des charmes inattendus à l’Austérité et qui s’est peint en trois traits, lui et son talent, quand il a dit : « Que faut-il à « un homme pour être heureux ?
Mais comme les plus heureuses qualités ont des excès toujours voisins des défauts, s’ils ne sont pas eux-mêmes des défauts, & qu’il est facile aux grands talens de se corriger, nous userons des droits de la franchise que nous nous sommes imposée. Cet Auteur seroit-il moins estimable, en se montrant plus attentif à rejeter l’esprit de systême, qui lui fait envisager les choses du côté le plus singulier ; à éviter de certaines discussions, propres à faire briller l’éloquence, à la vérité, mais rarement d’accord avec l’exactitude & la solidité du jugement ; à interdire à son imagination quelques essors un peu trop libres ; & à retrancher de sa maniere d’écrire, des expressions, qui, pour être pittoresques & supposer la facilité la plus heureuse, n’en sont pas toujours, pour cela, conformes à la dignité du style & à la sévérité du goût ? […] Heureux s’il se fût contenté de combattre les travers de la Secte dont il a été la victime, de démasquer l’hypocrisie politique de ses Chefs, de ridiculiser la sotte crédulité de ses Partisans, de s’élever contre la bassesse de ses Espions, de couvrir de mépris & d’infamie les Journalistes gagés par elle, qui n’admirent & ne louent que ce qui est marqué à son vénérable sceau !
Le trait qui distingue essentiellement le Paradis de l’Élysée, c’est que, dans le premier, les âmes saintes habitent le ciel avec Dieu et les Anges, et que, dans le dernier, les ombres heureuses sont séparées de l’Olympe. […] Le ciel, où règne une félicité sans bornes, est trop au-dessus de la condition humaine pour que l’âme soit fort touchée du bonheur des élus : on ne s’intéresse guère à des êtres parfaitement heureux. […] Milton a saisi cette idée, lorsqu’il représente les anges consternés à la nouvelle de la chute de l’homme ; et Fénélon donne le même mouvement de pitié aux ombres heureuses.
Il est à présumer que cette tendance générale produira une révolution heureuse. […] Heureux les Gens de Lettres qui ne connoissent point cette déplorable guerre ! […] Heureux le peuple neuf qui modifie à son gré ses idées, ses sentimens & ses plaisirs ! […] Il se passionne vivement dans son heureuse ignorance, & il jouit de même ; tel un corps sonore frémit au ton qui lui est propre. […] Heureux donc qui sent l’enthousiasme de son art !
Il est comme un homme délivré et qui respire librement ; il se remet à rire, à jouer la comédie et la tragédie en société ; il est heureux de cette bienveillance intelligente qu’il inspire, et de cette culture mêlée de simplicité qu’il rencontre au pied des Alpes. […] Ne lui reprochez-vous pas quelquefois d’heureuses licences, qui ne sont pas des fautes en poésie ? […] J’ignore qui sera assez hardi pour le juger, et assez heureux pour le bien juger. […] Daquin, censeur et critique (22 décembre 1766), où vous assurez que je suis heureux. Vous ne vous trompez pas : je me crois le plus heureux des hommes ; mais il ne faut pas que je le dise : cela est trop cruel pour les autres.
» Elle ne se trompait qu’à demi ; la duchesse de Choiseul, communiquant plus tard ce même recueil de lettres à M. de Beausset (le futur cardinal), disait : « Les lettres de Mme du Deffand ont pour elles le charme du naturel ; les expressions les plus heureuses, et la profondeur du sentiment dans l’ennui. […] Gaie, modeste, pleine d’attentions, avec la plus heureuse propriété d’expression, et la plus grande vivacité de raison et de jugement, vous la prendriez pour la reine d’une allégorie. […] Ici, dès le premier jour, cédant à un mouvement généreux, les rivalités ont désarmé, et, sans tout à fait abjurer le fond, on se concerte à l’envi pour adoucir l’exil de l’heureux mortel que la veille encore on se disputait. […] Non pas qu’on ne puisse trouver aujourd’hui ses descriptions bien souvent longues et tirées, ses grandes chroniques de Chanteloup fades et traînantes, ses plaisanteries froides et compassées : il faudrait une magie de plume qu’il n’a pas pour nous faire repasser avec plaisir sur la monotonie de ces journées heureuses. […] Je suis très touché de la curiosité que vous m’avez témoignée à cet égard ; elle ne vient que de l’intérêt que vous avez pour moi, et cet intérêt sera satisfait de ma réponse ; car si vous mettiez à part les préventions favorables que vous m’accordez, vous verriez que je suis fort heureux d’être si bien traité.
Sa force d’impulsion étant épuisée, il atteignait à l’âge où tout lui aurait paru assez bon, pourvu qu’il pût faire jouer ses pièces, être gai et heureux dans son jardin. […] Heureux dans mon ménage, heureux par ma charmante fille, heureux par mes anciens amis, je ne demande plus rien aux hommes, ayant rempli tous mes devoirs austères (entendez cet austères, sans trop d’austérité) de fils, d’époux, de père, de frère, d’ami, d’homme enfin, de Français et de bon citoyen ; ce dernier, cet affreux procès m’a fait du moins un bien, en me mettant à même de rétrécir mon cercle, de discerner mes vrais amis de mes frivoles connaissances. […] Heureux celui chez qui le bien peut compenser le mal ! […] Au milieu de tout ce que j’ai dû omettre sur Beaumarchais, je serais heureux si j’étais parvenu à laisser se dessiner d’elle-même, dans l’esprit de mes lecteurs, sa figure si libre et si naturelle, telle que je la conçois, sans la forcer en rien, sans trop la presser, et en y respectant même les inconséquences. […] Sa fortune, qu’il dut à des circonstances heureuses, s’est détruite, en grande partie, par un excès de bonhomie et de confiance dont on pourrait donner des preuves multipliées.
Rarement ils ont manqué chez les nations spirituelles, aux époques pacifiées et heureuses. […] La critique littéraire, qui doit être heureuse et fière de s’élever toutes les fois qu’elle rencontre de grands sujets, se plaît pourtant, par sa nature, à ces sujets moyens qui ne sont point pour cela médiocres, et qui permettent à la morale sociale d’y pénétrer. […] Ayant succédé à M. de Boze lorsque ce dernier mourut, il n’eut pas de pensée plus chère que d’enrichir le Cabinet du roi, confié à ses soins, de pièces nouvelles et rares, et il fut heureux lorsqu’en 1755, M. de Choiseul (alors M. de Stainville), nommé ambassadeur à Rome, lui offrit de l’emmener en Italie, de le loger chez lui à Rome et de lui faciliter tout le voyage. […] Il reste évident, malgré tout, après la lecture de ces lettres d’Italie, qu’il s’est senti un peu perdu dans ce champ immense ; son voyage l’a encore plus humilié que réjoui, en lui révélant toute l’étendue de ce qu’il est forcé d’ignorer ou d’effleurer ; il sent le besoin de se concentrer au retour, de s’enfermer tout en vie et de ne sortir de sa retraite qu’avec quelque gros ouvrage : Vous êtes heureux, dit-il trop obligeamment à M. de Caylus, mais avec un regret très sincère pour lui-même, d’avoir des sujets isolés et piquants. […] Gaie, modeste, pleine d’attentions, douée de la plus heureuse propriété d’expression, et d’une très grande promptitude de raison et de jugement, vous la prendriez pour la reine d’un poème allégorique.
Dans ce qu’il leur écrit durant cet hiver de 1772-1773, qui précède le mariage, il paraît gai, heureux ou du moins libre, et tourmenté du besoin d’aimer et du vague de la passion plutôt que d’aucune particulière blessure. […] Je suis presque aussi heureux que deux personnes qui s’aiment comme vous ; il y a en moi autant d’espérance qu’il y en a chez des amoureux ; j’ai même depuis pris plaisir à quelques poésies et autres choses pareilles. […] Je sais ce que dira Lotte quand elle le lira, et je sais ce que je lui répondrai. » Et encore : Ô Keslner, je me trouve bien heureux ! […] Il a toujours considéré le temps passé dans votre famille comme le plus heureux de sa vie. » Sur ce point, Goethe est invariable. […] Celui qui a son univers dans sa famille est heureux.
Défendez votre pays, parce que c’est lui qui vous rend heureux et renferme vos biens. » Ainsi la vertu n’est que l’égoïsme muni d’une longue-vue ; l’homme n’a d’autre raison pour bien faire que la crainte de se faire mal, et, quand il se dévoue, c’est à son intérêt. […] Sitôt que pour chacun l’unique règle est d’être heureux, chacun veut l’être à l’instant, à sa guise ; le troupeau des appétits lâchés se rue en avant et renverse d’abord les barrières. […] » Otez ces digues, œuvres de la tyrannie et de la routine ; la nature délivrée reprendra tout de suite son allure droite et saine, et, sans effort, l’homme se trouvera, non seulement heureux, mais vertueux415. […] Que sa pauvre charrette renverse, je le tiens heureux s’il évite en passant les avanies des gens lestes d’un jeune duc. […] Tous les Français seront vertueux Article II. « Tous les Français seront heureux. » (Projet de Constitution retrouvé dans les papiers de Sismondi, alors écolier.)
heureux espoir ! […] que ne fleurit-il à tout jamais, l’heureux temps du jeune amour ! […] « Heureuse est la puissance du feu, quand l’homme la dirige, la domine. […] « Douce paix, heureuse union ! […] Je me nourrissais de mes songes, et j’étais heureux ; j’ai appris à penser, et je suis tenté de pleurer d’avoir vu le jour.
— Heureux cependant le roi de France, heureux le feuilleton qui rencontrent, en leur chemin, beaucoup de ces hommes « qui ne sont bons que pour les plaisirs de l’imagination, de l’esprit et du cœur ! […] C’est pourtant là ce qui a empêché Molière d’être heureux ! […] ce jour-là, vous étiez bien disposé, très amoureux, très bien portant et très heureux. […] En ceci consiste la tâche heureuse et difficile de la critique. […] ô folie heureuse !
Avoir reçu du Ciel une imagination vive & féconde, un jugement aussi exquis que solide ; allier à l’étendue du savoir une profonde sagesse ; aux charmes de l’éloquence l’empire de la vertu ; à l’élévation des dignités un amour aussi éclairé qu’intrépide pour le bien ; avoir ajouté à ces qualités une application infatigable à cultiver ses talens, une modestie sincere, la véritable parure du mérite : tel est le privilége heureux qui distingue ce Grand Homme, à qui les hommages ne peuvent être trop prodigués. […] Une étude constante, secours nécessaire aux dons les plus heureux de la Nature, fit éclore, étendit, fortifia ses talens ; & l’habitude de ne s’occuper que de grands objets, lui procura l’heureuse facilité de s’exprimer avec noblesse selon les différentes parties qu’il embrassoit.
Momens heureux, tendre délire ! […] Avec elle on peut être heureux. […] quel ensemble heureux de composition ! […] quelle heureuse harmonie de vers ! […] Il ne fut pas toujours également heureux sur le choix.
J’ai bien peur que l’heureuse révolution ne se borne à l’échange d’un despotisme fort contre un despotisme faible. […] Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ! […] Heureux, etc., etc. […] Heureux, etc., etc. […] Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur !
Ce fut pourtant, si l’on parle un instant avec lui la langue vaguement complaisante de Louis XIV, ce fut, à tout prendre, un heureux et facile génie, d’un savoir étendu et lucide, d’une vaste mémoire, inépuisable en œuvres, également propre aux histoires sérieuses et aux amusantes, renommé pour les grâces du style et la vivacité des peintures, et dont les productions, à peine écloses, faisaient, disait-on alors, les délices des cœurs sensibles et des belles imaginations. […] Il y est parlé, entre autres particularités, d’une certaine Oscine, à qui Amulem a offert, sans qu’elle ait accepté, d’être, en l’épousant, une des plus heureuses personnes de l’Asie 98. […] Il releva avec plus de verdeur les calomnies de l’abbé Lenglet-Dufresnoy ; mais sa justification morale l’exigeait, et on doit à cette nécessité heureuse quelques-unes des explications dont nous avons fait usage sur les événements de sa vie. […] Prévost vivait ainsi, heureux d’une étude facile, d’un monde choisi et du calme des sens, quand un léger service de correction de feuilles rendu à un chroniqueur satirique le compromit sans qu’il y eût songé, et l’envoya encore faire un tour à Bruxelles. […] Jean-Jacques, dont c’était aussi le vœu, mais qui ne s’y tenait pas, eut occasion, à ses débuts, de rencontrer souvent l’abbé Prévost chez leur ami commun Mussard, à Passy ; il en parle dans ses Confessions (partie II, livre VIII), et avec un sentiment de regret pour les moments heureux passés dans une société choisie.
Heureux les enfants qui ne font toute leur vie que dormir et rêver ! […] Je pense souvent à vous, mon bon ami ; vous devez être bien heureux. […] À ce prix, nul ne serait heureux, ou celui-là seul le serait dont l’intelligence bornée ne pourrait s’élever à la conception du problème et du doute. Heureusement il n’en est pas ainsi ; nous sommes heureux grâce à une inconséquence et à un certain tour qui nous fait prendre en patience ce qui avec un autre tour deviendrait un supplice. […] Nous ne sommes heureux qu’à la dérobée, mon cher ami ; mais qu’y faire ?
Heureux La Bruyère en effet ! […] Nous serions heureux de pouvoir ainsi toujours lui emprunter sa plume. […] Voilà le premier écueil où ont échoué, je ne dis pas où se sont brisés, plusieurs de nos plus heureux talents : l’ambition politique. […] Mais j’oublie aussi le temps dans cette heureuse peinture : si je n’enrichis pas l’homme de lettres, je dois au moins m’occuper de le nourrir. […] Écoutez, ô Mécène, et vous aussi, heureux Auguste, ce qu’il faut à ce fils d’affranchi qu’on appelle Horace : votre amitié d’abord, s’il vous juge dignes de la sienne.
C’était un heureux et facile génie que Racan, peut-être mieux doué, à quelques égards, que Malherbe, et en poésie comme en distraction un vrai précurseur de La Fontaine. […] Quelques vers heureux et d’un caractère vraiment rural et villageois, qui y sont clairsemés12, ne sauraient en racheter les continuelles fadeurs. […] Horace, même quand il célèbre la campagne, est plus brillant, plus travaillé ; il y porte cette curiosité heureuse, cette ciselure de diction qui ne l’abandonne jamais dans ses odes et qui rappelle l’art ; son expression est vive et concise, son image serrée et polie jusqu’à l’éclat : elle luit comme un marbre de Paros, comme un portique d’Albano au soleil. […] Ne cherchons que le sentiment sincère dans sa plénitude, le calme, la tranquillité stable d’une vie heureuse, l’idéal d’une médiocrité domestique frugale et abondante : or, tout cela s’y exhale, et on en reçoit l’impression en le lisant. […] Les amateurs remarqueront, dans le rythme qu’il y emploie, une heureuse coupe de vers et un entrelacement de rimes plein de nonchalance.
Dans ce premier volume, l’historien exposait et développait avec le plus grand détail l’état et la constitution de l’Empire sous les Antonins ; il remontait dans ses explications jusqu’à la politique d’Auguste ; il caractérisait en traits généraux les règnes et l’esprit des cinq empereurs à qui le genre humain dut le dernier beau siècle, le plus beau et le plus heureux peut-être de tous ceux qu’a enregistrés l’histoire ; et, à partir de Commode, il entrait dans la narration continue. […] Deyverdun prend feu et lui répond (10 juin 1783) par l’aperçu d’une vie heureuse faite pour tenter ; il connaît bien son ami, il veut l’arracher à une condition politique qui n’est pas faite pour lui, et où sa nature véritable a dû nécessairement souffrir : « Rappelez-vous, mon cher ami, lui dit-il, que je vis avec peine votre entrée dans le Parlement, et je crois n’avoir été que trop bon prophète : je suis sûr que cette carrière vous a fait éprouver plus de privations que de jouissances, beaucoup plus de peines que de plaisirs. J’ai cru toujours, depuis que je vous ai connu, que vous étiez destiné à vivre heureux par les plaisirs du cabinet et de la société ; que toute autre marche était un écart de la route du bonheur, et que ce n’étaient que les qualités réunies d’homme de lettres et d’homme aimable de société, qui pouvaient vous procurer gloire, honneur, plaisirs, et une suite continuelle de jouissances. […] … Au reste, chacun des deux suivait sa voie, et Gibbon n’était pas intolérant en fait de manières d’être heureux ; il savait que chaque nature a la sienne. […] Mais Mme Necker, à qui il ne craignait pas de s’ouvrir de ses tristesses, et en laquelle, vers la fin, il retrouvait une dernière amie comme elle avait été la première, lui disait : Gardez-vous, monsieur, de former un de ces liens tardifs : le mariage qui rend heureux dans l’âge mûr, c’est celui qui fut contracté dans la jeunesse.
L’enfant s’inquiétait déjà de la jeunesse des îles heureuses, des îles faciles de la Pacifique, d’Otaïti, de Tinian. […] Une demoiselle de la maison, qui s’y trouvait peu heureuse, connut le jeune étranger, s’attacha à lui ; des confidences et quelque intimité s’ensuivirent. […] Le silence protège les rêves de l’amour ; le mouvement des eaux pénètre de sa douce agitation ; la fureur des vagues inspire ses efforts orageux, et tout commandera ses plaisirs quand la nuit sera douce, quand la lune embellira la nuit, quand la volupté sera dans les ombres et la lumière, dans la solitude, dans les airs et les eaux et la nuit… Heureux délire ! […] … Heureux celui qui possède ce que l’homme doit chercher, et qui jouit de tout ce que l’homme doit sentir !… Celui qui est homme sait aimer l’amour, sans oublier que l’amour n’est qu’un accident de la vie ; et, quand il aura ses illusions, il en jouira, il les possédera, mais sans oublier que les vérités les plus sévères sont encore avant les illusions les plus heureuses.
comme vous êtes plus jeune, plus vertueux et plus heureux ! […] Mon cher Sainte-Beuve, j’aurais été bien heureuse de vous voir aujourd’hui, quand vous êtes venu. […] Êtes-vous heureux ? […] Et puis je suis heureuse, très-heureuse, mon ami. […] Je voudrais que vous fussiez aussi heureux que moi, vous le méritez bien mieux.
Après le Méchant, dans lequel il prouva une heureuse entente des tracasseries du monde, comme dans Vert-Vert il s’était joué avec les tracasseries du couvent, Gresset avait tout dit. […] Je ne prétends pas dire que Gresset n’ait pas eu là d’heureuses années embellies de succès légitimes ; des idées riantes, un certain jeu de vivacité naturelle et de mollesse voluptueuse, quelques éclairs de tendresse, des accents sortis d’un cœur droit, d’une âme honnête et bonne, animaient ces productions de sa veine dans leur fraîcheur : presque tout cela, encore un coup, a disparu. […] Le personnage de Valère, de ce jeune homme bien doué et d’un naturel excellent, qui se croit obligé de faire le fat par bon air, n’est pas moins vivement saisi ; cela prête à plus d’une scène heureuse et d’un intérêt assez comique ; mais la diction surtout du Méchant est excellente ; on en peut dire ce que Voltaire disait de la satire des Disputes, que ce sont des vers comme on en faisait dans le bon temps. […] ce sont des gens qui ont la bêtise d’être heureux. […] — Gresset se trompe, il n’est pas si coupable36 Un vers heureux et d’un tour agréable Ne suffit pas ; il faut de l’action, De l’intérêt, du comique, une fable, Des mœurs du temps un portrait véritable, Pour consommer cette œuvre du démon !
Les routes qui conduisent à un si grand but, sont remplies de charmes ; les occupations que commande l’ardeur d’y parvenir, sont elles-mêmes une jouissance ; et dans la carrière des succès, ce qu’il y a souvent de plus heureux, c’est la suite d’intérêts qui les précèdent, et s’emparent activement de la vie. […] La célébrité qu’on peut acquérir par les écrits est rarement contemporaine, mais alors même qu’on obtient cet heureux avantage, comme il n’y a rien d’instantané dans ses effets, d’ardent dans son éclat, une telle carrière ne peut, comme la gloire active, donner le sentiment complet de sa force physique et morale, assurer l’exercice de toutes ses facultés, enivrer enfin par la certitude de la puissance de son être. […] Les amants, les ambitieux mêmes peuvent se croire, dans quelques moments, au comble de la félicité ; comme le terme de leurs espérances leur est connu, ils doivent être heureux du moins à l’instant où ils l’atteignent ; mais cette rapide jouissance même ne peut jamais appartenir à l’homme qui prétend à la gloire ; ses limites ne sont fixées par aucun sentiment, ni par aucune circonstance. […] Tant d’actions composent la vie d’un homme célèbre, qu’il est impossible qu’il ait assez de force dans la philosophie, ou dans l’orgueil, pour ne reprocher aucune faute à son esprit : le passé, prenant dans sa pensée la place qu’occupait l’avenir, son imagination vient se briser contre ce temps immuable, et lui fait parcourir en arrière, des abymes aussi vastes que l’étaient, en avant, les heureux champs de l’espérance. L’homme, jadis comblé de gloire, qui veut abdiquer ses souvenirs, et se vouer aux relations particulières, ne saurait y accoutumer ni lui, ni les autres ; on ne jouit point par effort des idées simples, il faut, pour être heureux par elles, un concours de circonstances qui éloigne naturellement tout autre désir.
Ce fut le dernier grand succès littéraire du xviiie siècle, au moment où la société française tout entière sortait de son lac heureux et, en quelque sorte, de sa Méditerranée paisible, et s’engageait dans les détroits inconnus d’où le Génie des temps nouveaux allait, d’une main puissante, la lancer sur l’Océan. […] Dans l’intervalle on a mille diversions instructives, des retours vers l’antique histoire, des conversations dans les bibliothèques, des dissertations érudites et non épineuses, des rencontres d’hommes célèbres peints avec assez de physionomie et de vérité, des chapitres tout à fait heureux dans le genre tempéré, tels que la visite qu’on fait à Xénophon à Scillonte. […] On pourrait citer des morceaux très travaillés et d’un gracieux effet, tels que celui qu’on lit dans son introduction sur l’antique mythologie : « Tous les matins ; une jeune déesse, etc… » ; et aussi la peinture célèbre du printemps de Délos : « Dans l’heureux climat que j’habite, le printemps est comme l’aurore d’un beau jour… » (Chap. […] Il avait eu jusque-là une existence des mieux arrangées et des plus heureuses ; il la vit chaque jour se détacher pièce à pièce et lui échapper. […] Il n’a pas assez d’imagination pour revenir, par une évocation heureuse, à la vérité historique vivante.
J’abonde dans cette idée ; seulement, comme les jours des heureux se ressemblent tous et que l’histoire en est plus difficile que celle des malheureux, on trouvera que ce commencement rempli de conversations et d’extases n’a pas, pour le lecteur, la vivacité qu’il eut pour les amants. […] Laissons dire le romancier dans une page heureuse : « Après dîner, Simiane essaya de faire causer son ami, et il lui adressa quelques questions littéraires. […] Aussi, le soir, quand il prit congé de ses hôtes, il leur laissa l’idée qu’il était né pour être heureux, et qu’il mourrait ignoré et content au bord du lac, seul témoin destiné à recevoir l’entière confidence de ses pensées. » Rousseau ne donne plus de ses nouvelles, et ses amis croient qu’il les a oubliés. […] Il repart de chez ses amis, pour revenir de nouveau à quelque prochaine saison ; chaque retour est peint à ravir, et comme l’unique accident qui projette une émotion intermittente et croissante dans l’heureuse et monotone existence des amants : « A la fin de l’hiver de 1741, par un beau jour, Simiane venait de greffer ses poiriers ; il tenait encore sa serpette, et s’était jeté sur l’herbe. […] La meilleure démonstration serait celle qui transpirerait dans une suite de récits fidèles et de peintures variées ; on oublierait souvent le but, on ne le discuterait jamais ; puis, à un certain moment, comme après un doux et captivant séjour chez, des amis heureux, on se sentirait devenu autre, converti à leur vertueux bonheur et le voulant mériter.
Quand on a vu que la plume n’étoit point heureuse, on a eu recours à d’autres armes. […] Il s’agissoit de prouver que les Trois Siecles, où l’on rend par-tout justice au vrai génie, où l’on tâche d’inspirer l’amour des regles, l’amour des devoirs, l’amour de la Patrie, l’amour de la Religion, devoit être soustrait aux mains des Lecteurs, pour y laisser de préférence l’Evangile du jour, le Bon Sens, le Systême de la Nature, le Systême Social, & tant d’autres systêmes qui ont déjà produit de si heureux effets parmi nous. […] Pour nous, pendant qu’on nous attaquoit ainsi, nous pouvions nous flatter d’avoir fait d’heureuses impressions. […] Nous avons vu en même temps, par son moyen, d’heureuses révolutions s’opérer dans les esprits ; les Adorateurs du faux goût rendre hommage au véritable, & murmurer contre l’Ecole qui les avoit égarés ; des Sectateurs de l’impiété ouvrir les yeux sur la supercherie de leurs oracles, & détester leurs dogmes corrupteurs ; des Zélateurs de la Philosophie abjurer ses chimeres & convenir de ses dangers ; des Philosophies même rendre secrétement justice à notre zele, & nous faire de singulieres confidences sur les motifs de leurs engagemens dans la Secte qu’ils paroissoient favoriser. Nous espérons & nous avons lieu d’espérer que ces heureux commencemens seront bientôt suivis par de nouveaux progrès.
Paul Bourget, on put s’étonner de les voir sortir de chez Alphonse Lemerre, l’éditeur spécial des Parnassiens, et qui s’est fait de leur nom une heureuse étoile. […] Sceptique comme lord Byron, — et c’est peut-être sa plus profonde ressemblance avec le grand poète qui accable toute comparaison, — sceptique comme Alfred de Musset et comme tous les enfants d’un siècle qui, du moins, avait sauvé du naufrage de son ancien spiritualisme l’honneur d’être sceptique encore, mais qui a fini par étouffer jusqu’au dernier éclair tremblant du scepticisme dans son âme, morte maintenant, morte toute entière sous l’athéisme contemporain, le douloureux inquiet de La Vie inquiète, qui, fût-il heureux, a de ces pressentiments et de ces incertitudes : Peut-être vous cachez sous votre pur sourire Des pleurs que j’essuirai des lèvres quelque jour… mêle à tous les sentiments qu’il exprime ce scepticisme qui ne va à Dieu, dont on doute, que pour retomber à la créature dont on va douter ; car le scepticisme est la plus cruelle des anxiétés de la vie, c’est la plus formidable inquiétude, pour une âme ardente, qui puisse dévorer l’esprit et le cœur ! […] Il nous a rappelé cette torture sublime… Il ne l’aurait pas eue que sa Vie inquiète n’aurait plus été la Vie inquiète, au même degré du moins, et que sa poésie aurait manqué de ce qui touche le plus en elle : Heureux l’homme qui, jeune et le cœur plein de songes Meurt sans avoir douté de son cher Idéal, À l’âge où les deux mains n’ayant pas fait de mal Nos remords les plus vrais sont de pieux mensonges. Heureux encor celui pour qui tu te prolonges, Ô sainte Illusion du rêve baptismal, Et qui, sous l’humble abri de son clocher natal, Vit et meurt dans la douce extase où tu le plonges.
Je suis heureux quand j’admire. Je ne demandais pas mieux que d’être heureux et d’admirer…
Töpffer nous paraît à ceci une contradiction heureuse, d’autant plus heureuse que ce n’est pas un romancier simplement issu de Genève et qui se soit exercé sur des sujets étrangers, mais un romancier du cru et qui a vraiment racine dans le sol. […] Ce jeune homme, même guéri de ses regrets, même heureux, ne devrait jamais, ce me semble, plaisanter de la sorte. […] Les idiotismes s’en vont, on est trop heureux de les ressaisir ; on l’est surtout de les retrouver autour de soi sans trop d’efforts, et de n’avoir qu’à puiser. […] Un malin désir le prend, il lance une pierre dans la mare et réveille du coup les trois heureux troublés. […] Et qu’importe, si on avait le fond, si on était heureux et sage, si les dissipations de l’âme s’amortissaient ?
Une suite nombreuse de religieuses du monastère où elle était née, et de compagnes de son heureuse enfance, l’accompagnait à la cour. […] Sacountala réveille tous les souvenirs à demi effacés des temps heureux qu’elle a passés avec le héros dans les délices de l’ermitage. […] Ô heureux mortel que je suis ! […] La quatrième règle concerne le dénouement ; il doit être toujours heureux, c’est-à-dire conforme à la justice et à la bonté divine, qui prévalent, à la fin de toutes choses, sur le mal et sur le crime. […] Un sage intervient ; il promène Rama et la charmante Sita dans une galerie de tableaux qui représentent leur heureuse enfance, et les chastes amours qui ont précédé leur union.
Cette heureuse tendance, qui n’attendait qu’une occasion pour se produire, l’a trouvée dans notre révolution de juillet. […] Si, en passant à leur tour par cette route lente et difficultueuse qu’elle a glorieusement parcourue la première, les pays voisins nous offrent une répétition affaiblie du spectacle consommé chez nous ; si, dans les moyens, dans les arguments, il y a de leur part emprunts et redites, nous devons leur en savoir gré et redoubler envers eux de faveur, laissant de côté la prétention puérile d’auteurs originaux, et heureux, comme nation, de voir nos principes se répandre et triompher. […] Bœrne une jeunesse naïve qu’on envie ; il est heureux d’admirer la France, de l’offrir en exemple à son pays.
Avec le nécessaire et une petite part d’idéal, nous sommes heureux comme des rois. Cela sert médiocrement à réussir ; cela sert à quelque chose de mieux ; cela rend heureux. […] Mais, touchant au terme de ma vie, je peux vous dire un mot d’un art où j’ai pleinement réussi, c’est l’art d’être heureux.
J’y fus particulièrement bien reçu, et son fils, Anatole Demidoff, enfant alors, m’a conservé et témoigné depuis des sentiments survivant à toutes les circonstances heureuses ou malheureuses de ma vie. […] Si elle y pense à ses amis des jours heureux, que mon nom lui revienne et qu’elle se souvienne à son tour de ceux qui l’ont le plus aimée. […] Sa figure aussi douce qu’intelligente, ses yeux bleus, ses cheveux blonds, sa taille souple, sa physionomie heureuse sous un voile de mélancolie paisible, plaisaient aux regards impartiaux. […] Sous notre heureuse demeure, Avec celui qui les pleure, Hélas ! […] Eux qui jadis ont goûté notre joie, Pouvons-nous être heureux sans leur bonheur ?
Les dames de la Vie heureuse ne sont pas insensibles au sentiment de la famille, aux amitiés, aux relations, etc… et se sont bien déshonorées en 1912. […] Et puis, tenez : supposez que vous puissiez supprimer le prix Goncourt celui de la Vie Heureuse, d’autres encore. […] Serait-ce juste, serait-ce heureux, serait-ce profitable à la liberté d’écrire et de penser ? […] Comités, jurys, cela signifiera toujours coterie et partialité, sauf d’heureuses et rares exceptions. […] Pour la Vie heureuse, ces probe-dames illettrées tuent leur lauréat sous le ridicule.
Saint-Simon, présent à de telles paroles, et qui avec son œil de lynx lisait dans tous les plis de cet amour-propre avantageux et content de soi, content de se déployer au soleil, ne se sentait pas de colère : « Je laisse à penser, écrit-il, en une circonstance pareille, comment ce mot fut reçu venant d’un compagnon de sa sorte, élevé et comblé au point où il se trouvait. » Je doute cependant que l’éloquent duc et pair ait éclaté devant Villars, mais il rentrait chez lui outré, grinçant des dents, la tête fumante, et il couchait sur le papier toutes ses indignations contre cet homme « le plus complètement et le plus constamment heureux de tous les millions d’hommes nés sous le long règne de Louis XIV », et qui prétendait se donner comme heureux en effet sans doute, mais comme n’ayant pas atteint à toute sa fortune. […] D’heureux combats partiels ne faisaient que retarder l’instant extrême, sans changer la situation. […] Qu’elle ne craigne jamais que mon intérêt particulier ait la moindre part à mes actions : j’ose dire que je suis né véritable et vertueux. » Villars ici se pavoise trop ; il donne évidemment à ce mot de vertu l’acception toute personnelle qui sied à Villars : mais il n’est que dans le vrai lorsqu’après la victoire d’Hochstett, réclamant son congé du roi et se plaignant de n’être plus écouté, souffrant de tant de fautes, et de celles qu’on fait sous ses yeux et de celles qu’on va faire, il lui échappe ce mot qui trouverait si souvent son emploi : « Heureux, Sire, heureux les indolents ! […] Tout l’honneur de l’avoir conjuré revient à Villars, à sa fermeté, à son choix d’un bon poste, à sa sagesse à s’y maintenir, à l’esprit excellent dont il avait animé ses troupes, et qui fit perdre à l’adversaire l’idée qu’on les pût entamer. « Mes affaires, par le parti que vous avez obligé le duc de Marlborough de prendre, lui écrivait Louis XIV satisfait, sont au meilleur état que je les pouvais désirer ; il ne faut songer qu’à les maintenir jusqu’à la fin de la campagne ; si elle était heureuse, je pourrais disposer les choses de manière à la finir par quelque entreprise considérable. » Marlborough, en s’éloignant, crut devoir s’excuser auprès de Villars même (une bien haute marque d’estime) de n’avoir pas plus fait ; il lui fit dire, par un trompette français qui s’en revenait au camp, qu’il le priait de croire que ce n’était pas sa faute s’il ne l’avait pas attaqué ; qu’il se retirait plein de douleur de n’avoir pu se mesurer avec lui, et que c’était le prince de Bade qui lui avait manqué de parole. […] Le roi, surtout occupé de l’armée de Flandre, dont il avait confié le commandement à l’électeur de Bavière et à Villeroy, deux maladroits et malhabiles, ne demandait à Villars affaibli qu’une défensive heureuse.
Heureuse et pieuse destinée ! […] Heureux homme, et à envier, dont l’arbuste attique a fleuri, sans avoir besoin en aucun temps de l’engrais des boues de Lutèce ! […] Mais même pour la peinture, et malgré l’air de dissertation dont il se pique au chapitre xxiv du Voyage, ç’a été surtout un moyen pour lui de fixer en tout temps des traits chéris, un site heureux, une vallée alpestre, quelque moulin égayant l’horizon, quelque chemin tournant près de Naples, le banc de pierre où il s’est assis, où il ne s’assoira plus, toute réminiscence aimable enfin des lieux divers qui lui furent une patrie. […] laissez, laissez le lecteur conclure sur la simple histoire ; il tirera la moralité lui-même plus sûrement, si on ne la lui affiche pas ; laissez-le se dire tout seul à demi-voix que ce Lépreux, dans sa résignation si chèrement achetée, est plus réellement heureux peut-être que bien des heureux du monde : mais que tout ceci ressorte par une persuasion insensible ; faites, avec le conteur fidèle, que cet humble infortuné nous émeuve et nous élève par son exemple, sans trop se rendre compte à lui-même ni par-devant nous. […] J’étais si persuadé de ce système consolant pour les prosateurs, que j’essayai un jour d’écrire des vers avec la main gauche, dans l’espoir d’y trouver cet heureux mécanisme ; mais ma main gauche ne fut pas plus heureuse que la droite, et je fus convaincu à jamais que je ne suis pas une filière à vers.
D’heureux génies travaillaient la langue et l’illustraient de chefs-d’œuvre en tout genre. […] Rollin, dans ses vingt dernières années, passait souvent à Colombes d’heureuses saisons en compagnie du maréchal et de l’abbé d’Asfeld, ses amis. […] Ces apparences austères gardaient au fond des cœurs la joie, la simplicité, et une sorte d’énergie heureuse qui doit animer la suite de la vie. […] Sa vie entière se présente comme une de ces années orageuses et frappées de stérilité, où l’on dirait que le cours des saisons et l’ordre de la nature sont intervertis ; et, dans cette confusion, les facultés les plus heureuses se sont tournées contre elles-mêmes. […] Ceux même qui ont été assez heureux pour échapper à cette contagion des esprits, ont attesté toute la violence qu’ils ont soufferte.
La Comédie, au contraire, eut un sort plus heureux, & ne démentit point son origine. […] Les commencemens de ce siècle, sembloient s’annoncer par de plus heureux présages. […] Piron nous la présente dans l’heureux sujet de la Métromanie. […] Heureux, si nous savons en profiter & rougir du mauvais goût qui nous entraîne loin de ces excellens modèles ! […] l’heureux siècle, où Le cuivre devient or, & l’or devient à rien !
Il se laisse faire et n’a pas même l’idée de s’apercevoir qu’il n’est pas heureux. […] Lui, il est heureux pour la première fois de sa vie, et il le sent ; occupé de ses malades tout le jour, il trouve, en rentrant au logis, la joie et la douce ivresse ; il est amoureux de sa femme. […] Mais elle, qui a rêvé mieux, et qui s’est demandé plus d’une fois dans ses ennuis de jeune fille comment on faisait pour être heureuse, elle s’aperçoit assez vite, et dès sa lune de miel, qu’elle ne l’est pas. […] Ce discours solennel, officiel, et qu’on a soin de remplir de pathos, coupé de temps en temps par cette tendre déclaration en mineure et ces roucoulades sentimentales non moins banales au fond, est d’un effet très heureux, toujours ironique. […] Dans sa douleur de la perte de sa femme sur les torts de laquelle il s’est abusé tant qu’il l’a pu, Bovary continue de tout rapporter à elle, et, recevant vers ce temps la lettre de faire part du mariage de Léon, il s’écrie : « Comme ma pauvre femme aurait été heureuse !
Il est arrivé au cardinal Mazarin, si heureux en toutes choses, un très grand malheur après sa mort : cet homme, sans amitiés et sans haines, n’a eu qu’un seul ennemi avec qui il ne se soit pas réconcilié et à qui il n’ait jamais pardonné, le cardinal de Retz ; et celui-ci, en écrivant ses immortels Mémoires, a laissé de son ennemi, de celui en qui il voyait un rival heureux, un portrait si gai, si vif, si amusant, si flétrissant, que les meilleures raisons historiques ont peine à tenir contre l’impression qui en résulte, et qu’elles ne parviendront jamais à en triompher. […] Il était beau, d’une magnifique prestance, d’une physionomie heureuse. […] Sans doute il fut heureux, il réussit finalement en tout ; « il est mort, comme on l’a dit, entre les bras de la Fortune ». […] La mort servit donc l’heureux Mazarin à souhait en l’enlevant au comble de la prospérité et dans la maturité de la puissance humaine. […] C’est à ces conditions, selon moi, c’est moyennant ces précautions légères, qu’aura gain de cause, auprès même des plus exigeants, ce travail agréable et déjà si goûté, dont je n’ai pu signaler qu’un point essentiel, et qu’anime dans toutes ses parties un heureux sentiment des arts.
D’autre part, je n’ai pas voulu me mêler des changements et des réformes projetées par les premiers révolutionnaires, parce que je me suis aperçu qu’on voulait former un nouveau ciel et une nouvelle terre, et qu’on avait l’ambition de faire un peuple de philosophes, lorsqu’on n’eut dû s’occuper qu’à faire un peuple d’heureux. […] Sur les idées et les querelles religieuses, il y a des mots heureux : « Les vérités dogmatiques, dit-il, ont des bornes ; né libre et peut-être rebelle, l’esprit humain n’aime point à s’en prescrire. […] Rousseau ignore-t-il que ce n’est pas le pouvoir de bien faire que nous demandons à Dieu, mais l’heureuse facilité de faire le bien ? […] Dans ce statu quo de l’Ancien Régime, Portalis va jusqu’à penser qu’une législation uniforme, qui peut convenir à une cité et à un gouvernement de peu d’étendue, ne saurait s’appliquer dans la pratique à un grand État, composé de peuples divers, ayant des besoins et des caractères différents, des lois fondamentales antérieures, des capitulations et des traités « que les souverains sont dans l’heureuse impuissance de changer ». […] Portalis faisait de cette affreuse époque de la veille un tableau vrai, avec des traits tirés de Tacite ; il ajoutait avec une observation fine qui n’était qu’à lui : On poursuivait les talents, on redoutait la science, on bannissait les arts ; la fortune, l’éducation, les qualités aimables, les manières douces, un tour heureux de physionomie, les grâces du corps, la culture de l’esprit, tous les dons de la nature, étaient autant de causes infaillibles de proscription… Par un genre d’hypocrisie inconnu jusqu’à nos jours, des hommes qui n’étaient pas vicieux se croyaient obligés de le paraître… On craignait même d’être soi ; on changeait de nom ; on se déguisait sous des costumes grossiers et dégoûtants ; chacun redoutait de se ressembler à lui-même.
Ô l’heureux jeune homme que j’étais alors ! […] Jusque-là, et si nous le prenons à son retour d’Espagne (1765), il n’avait rien écrit pour le public ; il va débuter, et ses premiers débuts ne sont pas heureux. […] comme il en veut à ses ennemis, lui qui ne hait personne, d’avoir ainsi cherché à noircir « sa jeunesse si gaie, si folle, si heureuse » ! […] Sur les femmes, toutes les fois qu’il a à en parler, il y a de petites hymnes galantes et comme de petits couplets destinés à plaire aux belles et sensibles lectrices ; il a de ces tirades dans le procès Goëzman, il en aura plus tard dans le procès Kornman : « Et je serais ingrat au point de refuser, dans ma vieillesse, mes secours à ce sexe aimé qui rendit ma jeunesse heureuse ! […] J’ai voulu citer cette image heureuse et fraîche, et comme faire sentir cette brise matinale qui lui arrivait, malgré tout, à travers les barreaux de sa prison.
Louise Ducot est peut-être plus heureuse. […] J’ai été heureux deux ou trois fois. […] Il est « l’heureux Présent » ; il est surtout « le pur Éther où brille notre amour ». […] Le mariage est un dénouement heureux pour divers publics. […] J’étais heureux de voir deux êtres « ravis de la joie simple de respirer le même air ».
Sans avoir rien laissé d’achevé & de capable de lui faire une réputation solide, tout ce qui est sorti de sa plume décele le germe des plus heureux talens. Ses Productions connues se réduisent à un Poëme de Narcisse, dont quelques détails paroissent aussi heureux, que l’invention en est médiocre ; à une Ode assez froide, pour faire juger que la Poésie lyrique n’étoit pas de son ressort : mais les morceaux d’Imitation des Géorgiques de Virgile, insérés dans les Nouvelles Observations critiques de M.
C’étaient d’heureux temps ! […] Heureux celui qui épouse sa première bien-aimée, car alors les plus doux désirs ne languissent pas au fond de son cœur ! […] Je veux voir cette bouche dont un baiser et un oui me rendront heureux à tout jamais, et dont un non peut me perdre aussi à tout jamais. […] Il savait conserver son heureuse étoile en la voilant. […] C’était le Tasse allemand, mais c’était le Tasse heureux.
Ce que la volupté a de délicieux elle le reçoit de l’esprit, ses délices sont pures & immortelles comme lui, c’est une source heureuse qui ne tarit point. […] Son ame est dans l’équilibre, par ce qu’elle ne poursuit pas plus qu’elle ne peut obtenir ; elle sera heureuse par le sentiment qu’elle a de connoître, d’embrasser divers rapports, & de jouir d’une foule de tableaux. […] Ce seroit ici le lieu de peindre l’ivresse qui pénetre son ame, lorsqu’aux acclamations des Citoyens satisfaits, la gloire aux aîles brillantes, descend sur sa tête la couronne qu’il a méritée ; lorsqu’un Peuple éclairé & sensible lui prodigue ces applaudissemens qui font pâlir l’Envie ; lorsque la reconnoissance multiplie son nom dans toutes les bouches, & que plus heureux encore il voit la flamme généreuse qui embrâse ses écrits se répandre dans tous les cœurs, & qu’ils se remplissent des principes vertueux qu’il a établis pour le bonheur des hommes. […] Active imagination, tu es la source & la gardienne de nos plaisirs ; ce n’est qu’à toi que nous devons l’agréable illusion qui nous flatte ; tu sçais fournir à notre cœur les plaisirs dont il a besoin ; tu rappelles nos voluptés passées, & tu nous fais jouir de celles que l’avenir nous promet ; tu plais sur-tout à l’esprit ; c’est ta flamme subtile & légere qui colore & les Cieux & la terre & les Mers ; sans toi l’ame se refroidit, la fleur la plus précieuse de notre sensibilité tombe, se fanne, & tous les charmes de la vie disparoissent ; tu distingues dans les Arts celui qui est né avec du génie ; la pensée la plus profonde s’évanouit, si elle n’est revêtue de tes couleurs ; tu as peut-être découvert plus de vérités que la raison même, car tu joins la force à l’agrément, la persuasion à l’autorité ; tout ce qui est vif, délicat, riant est de ton ressort ; oui, tu es le miroir heureux où se peignent, se multiplient, s’embellissent tous les objets de la Nature. […] Elle jugera, & vos cris ne seront point entendus, & tous ces téméraires critiques disparoîtront, heureux si l’oubli ne les dérobe à l’opprobre.
Par là, grâce à cette souple richesse de la nature morale, dans cet heureux pays, les proportions ordinaires du génie au nombre étaient absolument changées. […] Tout s’explique dans ce prodige, non pas seulement par l’heureuse condition du climat et de la race, mais aussi par les accidents de la vie sociale et par la Culture que recevait l’homme. […] Par là, sans doute, il mérita d’être imité de l’antiquité latine, plus que nous ne le savons ; car, si le hasard de quelques petits fragments dispersés, si quelques grains de cette poudre d’or conservés dans les scoliastes, nous offrent tantôt un vers entier, tantôt une image allégorique, tantôt un mot heureux qu’a dérobé l’abeille de Tibur, combien d’autres larcins nous aurait décelés l’œuvre grecque entière, que lisait Horace ! […] Son nom même consacra un des mètres les plus heureux de la poésie lyrique, dans la langue du peuple nouveau qui domptait et imitait les Grecs. […] Deux vers isolés cependant offrent peut-être la trace, non d’une fiction poétique, mais d’un tourment réel : « Ma douce mère, je ne puis tisser ma toile, toute vaincue que je suis par la pensée de ce jeune homme, grâce à l’entraînante Aphrodite. » D’autres fragments bien courts, et par lit d’un sens douteux, pourront faire croire que Sapho vit le mariage de sa fille chérie, et chanta pour elle : « Heureux gendre, l’union que tu souhaitais s’est accomplie, tu as la vierge que tu aimais !
D’autres, plus protégés, furent plus heureux. […] Cette invitation eut l’heureux effet de prolonger le crédit de notre voyageur. […] c’était à elle de vivre, et à moi de mourir ; elle eût été si heureuse de revoir son fils ! […] Qui voudrait même y vivre heureux, mais pauvre et ignoré ? […] Celle-ci lui donna le nom de Virginie. « Elle sera vertueuse, dit-elle, et elle sera heureuse.
Colardeau auroit continué sans doute de joindre au mérite d’une versification heureuse, la chaleur du sentiment, l’énergie des pensées, & la beauté des images. […] Ses vers les plus médiocres conservent toujours le coloris de cette versification heureuse dont nous avons parlé ; mais la versification, comme on fait, n’est qu’une partie insuffisante du Génie poétique.
Son front, où brillait cependant la majesté d’un dieu, portait une couronne de rubis cachés dans les fleurs, et si jeune, il avait déjà la teinte rubiconde des buveurs. » À sa suite heureuse, il entraînait les grâces, les élégances, les beautés, les jeux et les fêtes, mêlés aux plus douces odeurs. — Voilà un des tyrans de la jeunesse, et prenez garde, il enchante l’esprit pour le corrompre. […] Entrez à cette fête heureuse des yeux enchantés et des oreilles charmées, vous n’entendrez parler que de l’amour, vous n’avez sous les yeux que des faces amoureuses et tout au moins des galanteries à brûle-pourpoint ! […] Cela est si doux, en effet, et si rare au théâtre, une belle jeune fille innocente, naïve, toute blanche, heureuse, qui récite avec beaucoup d’esprit et de grâce les vers incisifs de Molière, avec beaucoup de tact et de goût la prose élégante de Marivaux ! […] Jamais comédiens plus heureux et plus illustres n’occupèrent un théâtre. — Eux-mêmes ils étaient, dans ce monde à part, une passion nouvelle, quelque chose d’inconnu dont on s’approchait avec un plaisir mêlé d’un certain effroi. […] Autour de ces heureux parvenus de la poésie, se faisait toute la comédie de leur temps.
. — Quelques heureux préludes de grâce et d’harmonie. […] Mais l’étude des grands modèles avait réglé cette vive et heureuse nature. […] Nulle part ce caractère n’est plus expressif et plus heureux que dans l’ode célèbre de Francisco Rioja, les Ruines d’Italica. […] où la langue française a-t-elle plus d’imagination vraie et de hardiesse heureuse ! […] Un autre signe heureux du progrès de l’art, c’est la puissance qu’il exerce par l’imitation.
Si l'on fait attention que de son temps les premiers principes du goût étoient ignorés & la langue encore informe, on aura plus d'indulgence pour les incorrections, les rudesses, les mauvaises plaisanteries qu'on trouve dans ses Satires, & on lui saura gré de la vigueur qu'il a mise dans ses tableaux, des saillies agréables qui ont échappé à sa plume, de l'heureuse naïveté avec laquelle il a attaqué le vice & poursuivi les vicieux : plusieurs de ses Vers peuvent encore passer pour originaux, & il a plusieurs traits qui n'ont point vieilli. […] Regnier a été beaucoup trop loin à cet égard, & Boileau a eu raison d'ajouter, après avoir donné à ses talens les éloges qu'ils méritent, Heureux !
Mais ce n’est pas un parallèle que nous faisons ; nous n’avons voulu que nous justifier de réunir ici l’un à côté de l’autre deux jeunes poëtes si divers au premier abord, jumeaux dans leur apparition, unis d’ailleurs entre eux par une étroite amitié, et en ce moment même compagnons heureux de voyage vers la belle et toujours nouvelle Italie. […] Quand les hommes n’ont plus que des songes moroses, Heureux qui sait se prendre au pur amour des choses, Parvient à s’émouvoir et trouve hors de lui, Hors de toute pensée, un baume à son ennui ! […] Lui, poëte, il aime le beau et le saint, la pitié et l’harmonie, la noblesse et la blancheur, Sophocle, Dante et Raphaël ; il s’écrierait volontiers avec l’esprit qui le tente, et serait heureux de répéter toujours : Quel bonheur d’être un ange, et, comme l’hirondelle, De se rouler par l’air au caprice de l’aile, De monter, de descendre, et de voiler son front, Quand parfois, au detour d’un nuage profond, Comme un maitre le soir qui parcourt son domaine On voit le pied de Dieu qui traverse la plaine ! […] Qu’il est doux d’être heureux sans remonter aux causes !
Je ne sache guères d’homme plus heureux. […] Négociateur qui ne réussissait pas toujours, mais qui avait le charme de se faire pardonner ses défaites par ceux qui l’employaient et qui défalquaient son talent de ses insuccès ; joueur effréné, mais plus heureux dans la vie qu’au jeu, il échappa à la disgrâce dont Louis XIV frappa le joueur Brienne, et, que dis-je ? […] Les autres négociations qui suivirent, comme, par exemple, le mariage de Louis XIV et le traité des Pyrénées, quoique plus heureuses et plus brillantes, n’eurent pas, non plus, en ce qui concerne Lionne, le caractère d’action et de domination personnelle qui rapporte à un homme cette espèce de gloire qui est la vraie gloire, et qu’on ne partage avec personne… Lionne a toujours partagé avec quelqu’un… J’ai dit les facultés qu’il avait ; mais les résultats auxquels il arriva par elles ne furent jamais en équation avec ces facultés. […] Mazarin disait cyniquement qu’il voulait, pour s’en servir, qu’un homme fût heureux.
Accepté, non pas seulement par les Débats, mais par l’opinion, sur un pied très flatteur d’écrivain sans avoir jamais été contesté une minute par personne, lorsque le talent le plus robuste et même le génie le sont quelquefois si longtemps par tout le monde, — plus heureux en cela que M. Victor Hugo lui-même, que Théophile Gautier, que tous ceux-là enfin de notre époque qui, arrivés à la grande renommée, ont rencontré les résistances des commencements, — Prévost-Paradol n’était pas cependant ce qu’on appelle un homme heureux, et ces Essais de littérature et de politique que je tiens là, m’ont appris à mon grand étonnement son secret, et m’ont dit sa mélancolie. […] Or, savez-vous quel était ce regret qui rongeait Paradol, cet heureux littéraire, et pourriez-vous jamais vous en douter ? […] Baudrillard, comme Laboulaye, comme enfin tous les heureux de la médiocrité qui se sont cantonnés dans l’immobilité de la réussite, une fois pour toutes Prévost-Paradol a passé par les trois grades de la franc-maçonnerie du succès.
Si, déjà, au commencement de ce siècle et dans la Préface de la première édition de ces Lettres, Ballanche, qui avait eu l’heureuse fortune de les sauver de l’oubli, écrivait : « qu’elles étaient destinées à former un parfait contraste avec tant de productions plus ou moins empreintes d’un funeste délire, de désolantes préoccupations, d’irrémédiables douleurs… », que dirait-il maintenant du moment où M. […] Nous n’avons que celles de Mademoiselle de Condé, et c’est probablement heureux pour La Gervaisais, qu’on voit à travers elles, et certainement il est plus beau, d’être vu ainsi. […] Elle aime et elle est heureuse par cet amour, dont elle n’écrit pas même le nom et qu’elle appelle dans toutes ses lettres « de l’amitié ». […] Elle y est toujours noyée de délices, et ce qu’elle veut toujours, c’est d’en noyer l’homme qu’elle aime, dût-elle pour cela sacrifier les siennes, dût-elle pour cela être malheureuse, se reprenant à cette profondeur : qu’elle ne peut pas d’ailleurs être malheureuse, puisque son malheur, à elle, l’aurait fait heureux, lui !
Heureux, trois et quatre fois heureux, ceux qui croient ! […] Par un admirable respect pour la vieillesse, on croyait que les personnes âgées étaient d’un heureux augure dans une maison, et qu’un ancien domestique portait bonheur à son maître.
Déjà heureux du bonheur de sa patrie, il eut des enfants sains et d’un bon naturel ; tous lui donnèrent des petits-fils, et il n’eut à pleurer la perte d’aucun d’eux. […] La mort la plus heureuse fut la récompense de cet acte de piété filiale, qui se passa à la vue de tout le peuple rassemblé pour la fête ; et la Divinité déclara, dans cette occasion, qu’il est plus heureux pour les hommes de mourir que de continuer à vivre. Les citoyens d’Argos, témoins de ce spectacle, admiraient la force des jeunes gens, et leur donnaient de grands éloges : les femmes félicitaient la mère, et l’estimaient heureuse d’avoir de tels fils. […] l’homme le plus riche n’est pas plus heureux que celui qui vit au jour le jour, si le sort ne lui laisse pas terminer sa carrière dans cet état de prospérité ; on voit même des hommes avec de grandes richesses être malheureux, tandis que beaucoup d’autres dans la médiocrité sont parfaitement heureux. […] À la mort d’un de leurs concitoyens, ils se livrent au contraire à la joie, le couvrent, en plaisantant, de terre, et le félicitent d’être enfin heureux, puisqu’il est délivré de tous les maux de la vie.
Et puis je suis heureuse, très heureuse, mon ami. […] C’est tout ce que je désirais savoir et c’est ce que je puis apprendre de plus heureux. […] dit le sage. — Heureux ! […] C’est une fête pour l’esprit de voir cette heureuse jeunesse, aux mains pleines et prodigues, lancer à la volée les images heureuses, les trouvailles d’une imagination neuve, les idées folles et charmantes ou les sensations enflammées de la vingtième année. […] Cet échec eut les plus heureuses conséquences.
Feuillet, mais je suis porté à croire qu’elle ressemble à l’histoire des peuples heureux. […] Sa première tentative ne fut pas précisément heureuse. […] Où a-t-on vu que des passions soudaines eussent jamais une fin heureuse ? […] je suis trop heureuse ! […] Quant au dénouement, que lui importe qu’il soit heureux s’il est en contradiction avec la logique et en désaccord avec le bon sens !
Muret fut heureux d’entendre le Latin, si ce qu’on raconte de lui est vrai. […] Puis il prit la fuite ; recette plus heureuse pour lui que tous les remedes.
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ! […] On n’est heureux par les livres que si l’on aime à les caresser. […] Elle est si douce et si fraîche, si heureuse, si alerte ! […] Heureux l’homme et le bœuf qui tracent leur droit sillon ! […] Une lecture ainsi faite est une lecture heureuse.
L’idée d’une Anthologie française, d’un choix à faire dans le champ si vaste de notre poésie, est heureuse. […] Jamais on n’a pensé à s’inspirer de Ronsard et de ses contemporains poètes, mais seulement à leur emprunter quelques expressions heureuses, quelques couleurs neuves et fraîches, et des formes habiles de rythme. […] Je m’arrête, n’ayant voulu que louer Régnier de ses fiertés de style, de ses aimables nonchalances, de tous ses dons heureux, sans faire de son éloge une injure à Malherbe. […] Le bel esprit et le faux goût des salons régnants avaient dès longtemps corrompu cette veine unique et si heureuse, quand le règne de Louis XIV s’inaugura. […] Il a parfois le labeur heureux ; mais il ne charme pas, il ne ravit jamais.
Son bonheur serait d’étudier sans dérangement jusqu’à l’heure du dîner : les jours où il peut le faire sont des jours heureux, silencieux, et, par là même, ceux qui tiennent le moins de place en son journal ; il les exprime en deux lignes : « Le matin, (saint) Basile ; après le dîner, préparation de ma leçon, puis la leçon (Casaubon est professeur) ; ensuite un repas léger, Basile ; le reste à l’ordinaire. » Voilà le cercle où il aimerait à tourner sans cesse. […] Et c’est ainsi que comme un fleuve qu’on saigne tant qu’on peut à droite et à gauche, jusqu’à ce qu’à la fin on parvienne à lui faire changer de cours, le pauvre Casaubon, qui, de loin, nous apparaît comme la personnification de l’étude heureuse de l’Antiquité dans une époque faite exprès pour lui et toute favorable, suivait péniblement sa voie à travers les obstacles et luttait pour maintenir sa vocation. […] Et certainement heureux sera le jour, heureuse sera l’année, heureux tout le temps que je vivrai pour toi et que je consacrerai à ta loi divine et à ton Écriture véritablement inspirée ; quoique cependant sans ton secours, ô Père céleste, sans une aide particulière venue d’en haut, cela même ne me réussisse pas. […] [NdA] Ce mot de Henri IV, de ce roi vraiment tutélaire et qui sentait à quel point il l’était, rappelle les belles paroles de Richelieu, en son testament politique, sur la vigilance nécessaire au chef d’un État et sur la gravité de la charge dont il porte le poids à toute heure, la ressentant d’autant plus qu’il est plus habile : « Il faut dormir comme le lion, sans fermer les yeux… Une administration publique occupe tellement les meilleurs esprits, que les perpétuelles méditations qu’ils sont contraints de faire pour prévoir et prévenir les maux qui peuvent arriver les privent de repos et de contentement, hors de celui qu’ils peuvent recevoir voyant beaucoup de gens dormir sans crainte à l’ombre de leurs veilles et vivre heureux par leur misère. »
Heureux qui peut contempler la nature déserte et solitaire ! Heureux qui peut la voir se livrant à ses jeux terribles sans danger pour aucun être vivant ! Heureux qui regarde, du haut de la montagne, le lion bondir et rugir dans la plaine, sans qu’il vienne à passer un voyageur ou une gazelle ! […] Jamais ce parfum qui circule dans tous les appartements d’une maison pieuse et heureuse ne m’a si bien enveloppé. […] Heureux d’un mariage tout récent avec une jeune et jolie créole, assuré désormais du foyer et du loisir, il fut pris d’un mal réel qui n’éclaira que trop les sources de ses habituelles faiblesses.
C’était bien le contemporain du Casimir Delavigne des Messéniennes, du Béranger des premières chansons ; le contemporain de Thiers écrivant sous un souffle heureux les premiers volumes de l’Histoire de la Révolution. […] Je voudrais, en la dégageant de toute vaine fumée et de toute exaltation passagère, bien rétablir la question d’art telle qu’elle se posait en ces années heureuses. […] Avec cette heureuse liberté qu’il se donne, aucun sujet ne lui est interdit, aucune manière de le traiter ne lui est imposée. […] Il est tout cela à la fois, parce que tout cela se trouve dans la nature ; il est universel, parce qu’elle l’est aussi, parce qu’elle contient tout, et si son exécution, toujours facile et heureuse comme son imagination, répondait par la simplicité et le naturel à la vérité de ses conceptions, il ne laisserait rien à désirer. » M. […] Les Grecs tant vantés n’étaient qu’une belle race qui offrait à ses artistes en tout genre de plus heureux modèles.
C’est ainsi qu’en un temps où d’autres talents élevés poursuivaient et atteignaient, ou manquaient la gloire, en d’autres régions plus orageuses de la sphère et sur d’autres confins, lui, il suivait sa belle et large voie, populaire d’une popularité légitime, heureux d’un bonheur possible : en un mot il réalisait dans toute sa vie une sorte d’idéal tempéré et continu, sans aucune tache. […] Il dut à un ensemble de qualités, d’inspirations heureuses et de ressorts ingénieux, et à l’habile ménagement qu’il en sut faire, d’enlever son public et de le retenir longtemps. […] Une diction irréprochable et ornée, dont chaque point soutient ou égaye l’attention, vient servir et compléter cet heureux ensemble. […] Le monde, qui eût été empressé de l’attirer, ne le tentait pas : on peut dire de lui, selon une expression heureuse, que le monde ne l’a pas vu et ne l’a pas connu, il ne l’a qu’entendu. […] En ces heureuses années, Casimir Delavigne fit le voyage d’Italie ; il s’y reposa des longs travaux par des inspirations qui tiennent davantage à la fantaisie ou à l’impression personnelle ; la plupart des ballades qui datent d’alors ne paraissent qu’aujourd’hui pour la première fois.
Toutes ces harmonies, tous ces contrastes, ces réverbérations morales dont il a tant parlé dans les Études et dont il traçait une poétique un peu vague, il les a ici réalisés dans un cadre heureux, où, dès l’abord, le site, les noms des lieux, les aspects divers du paysage sont faits pour éveiller les pressentiments et pour concourir à l’émotion de l’ensemble. […] Il s’estima heureux pourtant que la fin prochaine de l’École vînt le délivrer de cette charge de la parole publique, pour laquelle il était peu fait. […] Remarié bientôt après, vers l’âge de soixante-trois ans, à Mlle Désirée de Pelleport, jeune et jolie personne, et qui se plia sans effort à ses goûts, Bernardin de Saint-Pierre eut une vieillesse heureuse. […] Quand il vient à Paris pour les séances de l’Institut, Bernardin s’en trouve toujours moins heureux. […] Même lorsqu’il est le mieux traité et le plus choyé dans ses voyages à Paris, lorsque chacun le caresse et veut le retenir, Bernardin ne soupire pas moins après sa solitude champêtre ; il sent que la vie s’écoule, que ses dernières pages à achever le réclament, et il écrit alors naïvement à sa jeune femme : Je suis comme le scarabée du blé, vivant heureux au sein de sa famille à l’ombre des moissons ; mais, si un rayon du soleil levant vient faire briller l’émeraude et l’or de ses élytres, alors les enfants qui l’aperçoivent s’en emparent et l’enferment dans une petite cage, l’étouffent de gâteaux et de fleurs, croyant le rendre plus heureux par leurs caresses qu’il ne l’était au sein de la nature.
Energie & vérité dans les tableaux, justesse & nouveauté dans les cadres, agrément & vivacité dans les entretiens des personnages que l’Auteur met en scène, style correct, harmonieux, semé de traits hardis & heureux ; il réunit, en un mot, tout ce qui peut attacher le Lecteur, & lui inspirer du mépris pour la secte dangereuse dont on y dévoile les menées. […] Le succès soutenu de l’Ouvrage de M. l’Abbé de Crillon, les vains efforts des Philosophes pour le décrier, les heureux effets qu’il a déjà produits sur l’opinion publique, semblent autoriser notre prédiction.
L’homme qui a cette disposition voit dans le monde beaucoup plus de sujets de jalousie qu’il n’en existe réellement ; et pour se croire à la fois heureux et supérieur, il faudrait juger de son sort par l’envie que l’on inspire : c’est un mobile dont l’objet est une souffrance, et qui n’exerce l’imagination, cette faculté inséparable de la passion, que sur une idée pénible. […] Il ne peut être question de bonheur positif obtenu par elle, puisqu’elle ne doit sa naissance qu’à une grande douleur, qu’on croit adoucir en la faisant partager à celui qui l’a causée ; mais il n’est personne qui, dans diverses circonstances de sa vie, n’ait ressenti l’impulsion de la vengeance ; elle dérive immédiatement de la justice, quoique ses effets y soient souvent si contraires : faire aux autres le mal qu’ils vous ont fait, se présente d’abord comme une maxime équitable ; mais ce qu’il y a de naturel dans cette passion ne rend ses conséquences ni plus heureuses, ni moins coupables ; c’est à combattre les mouvements involontaires qui entraînent vers un but condamnable, que la raison est particulièrement destinée ; car la réflexion est autant dans la nature que l’impulsion. Il est certain d’abord qu’on soutient difficilement l’idée de savoir heureux l’objet qui vous a plongé dans le désespoir ; ce tableau vous poursuit, comme, par un mouvement contraire, l’imagination de la pitié offre la peinture des douleurs qu’elle excite à soulager.
Des antithèses, des pointes, quelques pensées brillantes, des applications & des allusions plus forcées qu’heureuses, un ton continuel de fadeur & de galanterie, le stile le plus enjoué, le plus fleuri, le plus ingénieux, mais le moins naturel ; un stile propre à mettre en réputation un auteur de son vivant, & qui bientôt après le fait oublier. […] Il avoit la réputation d’être l’homme le plus galant de son siècle & le plus heureux. […] La fin du sonnet paroissoit aux Jobelins la plus heureuse pensée.
Diderot est le pere de l'Encyclopédie, & cette heureuse progéniture lui a valu des Correspondans, des Subalternes, des Admirateurs qui ont fait éclore des légions de Panégyristes : M. […] Le succès de cette Compilation impie, mal conçue, indigeste, n'a pas été heureux.
Bossuet a sur le front le signe des heureux, et, le croira-t-on ? […] L’enfant fut plus heureux que bien des hommes. […] En cela plus heureux que ce Louis XIV lui-même, qui est aussi un des plus grands Heureux de l’Histoire, mais qui eut ses jours de revers.
Il meurt ensuite dans son bouge de solitaire, et l’on est parfaitement heureux chez Marius. […] Il lui est naturel d’être heureuse. […] Le jour levant dorait cette chose heureuse, la grande loi Multipliez était là souriante et auguste, et ce doux mystère s’épanouissait dans la gloire du matin. […] Le grand silence de la nature heureuse emplissait le jardin. […] « — Les cygnes comprennent les signes, dit le bourgeois, heureux d’avoir de l’esprit.
Quand ce sont les pouvoirs publics, quand c’est l’État qui prend à cet égard l’initiative, cela s’appelle protection, et cette protection favorisée d’heureuses rencontres et entourée de hautes lumières, a pris, à de certaines époques, un caractère d’immortelle grandeur. […] D’autres concurrents toutefois, moins heureux dans l’exécution, mais louables encore dans la pensée, avaient abordé le sujet par d’autres aspects, et soulevé, sans les résoudre, quelques-unes des difficultés qui demeurent jusqu’ici pendantes. […] Heureux qui peut encore cultiver les Lettres comme du temps de nos pères, dans la retraite ou dans un demi-loisir, faisant aux affaires, aux inévitables ennuis leur part, et se réservant l’autre ; s’écriant avec le poète : Ô campagne, quand te reverrai-je ! […] Heureux La Bruyère en effet ! […] elle a répondu avec ardeur, avec feu et sur tous les tons, à l’appel et au vœu des fondateurs du concours, non pas qu’il soit sorti de cette mêlée générale, où 251 concurrents étaient aux prises, une œuvre achevée, complète, et qui réunisse toutes les conditions que les législateurs d’autrefois en ces matières eussent exigées pour une parfaite couronne ; mais il y a nombre de pièces, et même parmi celles qu’on a eu le regret de devoir éloigner, où s’est montrée l’empreinte du talent, le signe distinctif du poète ; et quelques-unes enfin dans lesquelles, d’un bout à l’autre, un souffle heureux a circulé.
Il avait sous lui près de lui, un autre général à physionomie singulière, à caractère original, et qui fut plus heureux : c’était Dagobert de Fontenille, natif du diocèse de Coutances, noble de condition comme de Flers, mais enthousiaste, mais animé du génie de la guerre, vu de trop loin et imparfaitement connu jusqu’ici, et qui prend dans la suite des récits de M. […] Il ne peut faire adopter ses plans, et dégoûté, irrité, exhalant le sarcasme et l’amertume contre ceux qui l’ont si mal secondé et qui l’ont compromis, il dépose le commandement pour aller reprendre sa guerre heureuse et favorite en Cerdagne. […] Animé d’une plus belle ardeur que jamais, heureux, comme peu d’hommes de son âge le sont, d’avoir trouvé une occasion tardive de déployer ses talents et de consacrer à son pays ses vertus guerrières, il s’apprêtait à frapper quelque coup au centre ou au revers des montagnes, qui eût fait une diversion puissante et opportune aux opérations principales que concertait en ce même temps le brave et habile Dugommier. […] — Heureux qui rencontre, ne fût-ce que tard, de justes occasions, de dignes et amples matières à déployer son zèle ! Guerre, art, poésie, philosophie, imagination ou réalité, heureux qui trouve à quoi se prendre une dernière fois dans sa vie, entre les belles causes qui demandent et appellent l’étincelle sacrée !
Foucault, selon une expression heureuse, nous a montré ce rouages en activité et fonctionnant. […] Il ne songe à rien dissimuler de sa conduite dans ces odieuses opérations, qu’il lui était difficile d’alléger, sans doute mais qu’il est toujours disposé plutôt à aggraver : « Le 23 juillet 1681, j’ai proposé à M. de Louvois de faire venir de Roussillon deux compagnies de cavalerie dans le haut Rouergue et dans le haut Quercy, pour seconder les missionnaires ecclésiastiques. » Foucault n’a pas inventé les dragonnades, dont le triste honneur reste acquis à Marillac, intendant du Poitou ; mais il a été des premiers, on le voit, à accueillir l’heureuse idée et à vouloir la faire fructifier. […] Et puis, quand, tout cela sera fait et parfait, quand il se sera maintenu au premier rang des ministres du second ordre force de zèle et de miracles administratifs ; quand il pourra se vanter auprès du roi d’avoir accompli ses désirs les plus chers, d’avoir converti vingt-deux mille âmes sur vingt-deux mille, moins quelques centaines, et cela dans l’espace d’environ seize mois ; quand il aura plus que personne contribué, par cette fausse apparence d’une réussite aisée, au fatal Édit qui s’ensuivit ; lorsqu’il aura inscrit de gaieté de cœur son nom dans l’histoire au-dessous de celui de Baville, ce même, honnête homme s’en ira jouir de sa réputation acquise, dans une intendance heureuse et plus facile, il s’y fera aimer, aimer surtout des savants qu’il assemblera et présidera volontiers, et avec une entière compétence ; il fondera des chaires, il fera des fouilles, il découvrira d’antiques cités enfouies, en même temps qu’il embellira les cités nouvelles ; il recherchera des manuscrits, il aura un riche cabinet de médailles, il sera auprès des curieux l’aménité même et recueillera pour tant de services pacifiques et d’attentions bien placées des éloges universels. […] « Heureux, est-on tenté de s’écrier quand on lit ces choses, heureux qui réussit à passer sa vie sans être dans ces alternatives de faveur et de disgrâce ; que les nécessités d’une carrière, l’aiguillon d’un continuel avancement ne commandent pas ; qui n’a pas soif de pouvoirs et d’honneurs ; qui n’est pas ballotté entre Colbert et Louvois, au risque d’oublier entre les deux sa conscience, d’étouffer ses scrupules et d’y perdre même le sentiment d’humanité ; qui n’est ni persécuteur ni victime, ni hypocrite, ni dupe, ni écrasant ni écrasé ; qui, après avoir connu sans doute quelques traverses de la vie et avoir essuyé quelques amertumes inévitables (sans quoi il ne serait pas homme), s’échappe le plus tôt qu’il peut, retire son âme de la foule et de la presse (comme dit Montaigne), passe le restant de ses jours « entre cour et jardin », ne voyant qu’autant qu’il faut et n’étant pas vu ; aussi loin de l’ovation que de l’insulte ; qui se soustrait en soi-même aux appels et aux tentations de la fortune non moins qu’aux irritations sourdes de l’envie et des comparaisons inégales qu’elle suggère, aux ennuis de toutes sortes, aux iniquités souvent qui s’en engendrent ; qui aime de tout temps quelques-unes de ces choses innocentes et paisibles qu’aimait et cultivait Foucault dans la dernière moitié de sa vie, mais sans en avoir taché comme lui le milieu, sans y avoir imprimé une note brûlante, et en pouvant, d’un bout à l’autre, reparcourir doucement, à son gré, et supporter du moins tous ses souvenirs !
Heureux dans la représentation de ses Pieces, la lecture devient pour elles un poison mortel. […] Il n'a pas été aussi heureux sur le Théatre de l'Opéra, où sa Reine de Golconde a paru très-inférieure à l'Aline de M. le Chevalier de Boufflers, qui lui en a fourni le sujet.
Ceux qui ont été assez bêtes pour aller demander à Belle un morceau de cette importance seront vraisemblablement assez bêtes pour admirer sa besogne ; laissons-les s’extasier en paix, ils sont heureux, peut-être plus heureux devant le barbouillage de Belle, que vous et moi devant le chef-d’œuvre du Guide et du Titien. — C’est un mauvais rôle que celui d’ouvrir les yeux à un amant sur les défauts de sa maîtresse ; jouissons plutôt du ridicule de son ivresse.
Si on vous disait : « Pendant le siège de Mons, la jeune noblesse en quittant Paris laissa bien des aventures galantes et des liaisons de cœur ; il y eut de belles affligées qui bientôt se consolèrent ; on s’écrivait des billets avant et après le siège, mais le retour pour plusieurs ne fut point aussi heureux que l’avait été le départ » ; si on vous disait cela, on ne vous apprendrait rien qui ne soit facile à supposer et qui n’ait dû être ; mais si l’on ajoutait : « Il existe une trentaine de lettres écrites par l’un de ces cavaliers de l’état-major du roi à une jeune dame de la Cour, qui fut persuadée, touchée, tendre à son égard, puis volage », on voudrait lire ces lettres : eh bien, le marquis de Lassay nous les a conservées. […] serais-je assez heureux pour sentir encore une fois en ma vie le plaisir charmant d’aimer et d’être aimé49, et serait-ce à vous que je le devrais ? […] Pourquoi ne voulez-vous pas que nous soyons heureux ? […] Il avait loué dans les premières éditions du Temple du goût son entente heureuse pour l’emplacement, pour la distribution et les embellissements intérieurs de sa maison près le Palais-Bourbon53. […] Quand la langue est restée pure, elle permet de ces acceptions heureuses et justes, trouvées en passant et sans qu’on appuie trop. — Il y a bien des années, un jeune écrivain, depuis célèbre, M.
Quoi qu’il en soit, Béatrix et l’inspiration d’où elle est sortie étaient, certes, un sentiment nouveau dans le monde ; comme notre tradition n’est point fermée ni exclusive, nous sommes heureux de reconnaître ce sentiment délicat de l’amour et de la courtoisie chevaleresque, d’y voir un fleuron de plus qui vient s’ajouter à la couronne humaine, à côté de l’atticisme et de l’urbanité. […] Jamais a-t-on mieux parlé de cette ville heureuse, ou rien de chagrin, de jaloux, de rigide et d’austère s’affligeait le regard et ne mortifiait la joie du voisin ; où l’on jouissait rien qu’à y vivre, à y respirer, à s’y promener, et où la seule beauté des bâtiments et des constructions, la beauté du jour et certain air de fête secouaient loin de l’esprit la tristesse72 ; où l’on aimait le beau avec simplicité et la philosophie sans mollesse, où la richesse était à propos et sans faste, où le courage n’était pas aveugle (comme celui du Mars fougueux), mais éclairé et sachant ses raisons (comme il sied à la cité de Minerve) ; véritable Athènes selon l’idéal de Périclès, sa création et son œuvre à lui, l’école de la Grèce (Ελλάδος Ελλάς Αθήναι), telle qu’il l’avait faite durant les longues années de sa domination personnelle et puissamment persuasive : car on a dans Périclès le type le plus noble et le plus brillant du chef populaire, d’un dictateur de démocratie par raison éloquente, par talent et persuasion continue. […] Le classique en effet, dans son caractère le plus général et dans sa plus large définition, comprend les littératures à l’état de santé et de fleur heureuse, les littératures en plein accord et en harmonie avec leur époque, avec leur cadre social, avec les principes et les pouvoirs dirigeants de la société ; contentes d’elles-mêmes, — entendons-nous bien, contentes d’être de leur nation, de leur temps, du régime où elles naissent et fleurissent (la joie de l’esprit, a-t-on dit, en marque la force ; cela est vrai pour les littératures comme pour les individus) ; les littératures qui sont et qui se sentent chez elles, dans leur voie, non déclassées, non troublantes, n’ayant pas pour principe le malaise, qui n’as jamais été un principe de beauté. […] que si un jour, dans notre belle patrie, dans notre cité principale de plus en plus magnifique, qui nous la représente si bien, nous nous sentions heureux, sincèrement heureux d’en être ; que si surtout les jeunes âmes touchées d’un bon souffle, atteintes de ce contentement louable et salutaire qui n’engendre pas un puéril orgueil, et qui ne fait qu’ajouter à la vie de l’émulation, se sentaient heureuses de vivre dans un temps, dans un régime social qui permet ou favorise tous les beaux mouvements de l’humanité75 ; — si elles ne se constituaient pas dès le début en révolte, en fronde, en taquinerie, en aigreur, en regrets ou en espérances d’en arrière ou d’au-delà, si elles consentaient à répandre et à diriger toutes leurs forces dans le large lit ouvert devant elles ; — oh ! […] Il se pourra quelquefois que, dans cette quantité d’appréciations, d’estimations successives, où je mettrai tout mon soin, nous différions un peu de mesure, qu’il y ait des cas où vous me trouviez moins vif que vous ne comptiez, et que vous admiriez plus que moi certaines qualités de nos écrivains ; je serai heureux d’être en cela comme en d’autres choses, dépassé par vous.
Cette lutte du Calvaire et de la Grèce, que l’heureux Fénelon ne soupçonnait pas, qui, d’abord confuse, égara René jusque dans les savanes, qu’il nous a bientôt rendue si distincte et si vivante sous les traits d’Eudore et de Cymodocée, elle n’a pas cessé avec les ans, il la porte en lui éternelle ; toujours, si austère que soit le sentier, si droite que semble la voie vers Jérusalem, il a des retours soudains vers Argos ; toujours, jusque dans le pèlerin du désert, on retrouve, aux accents les plus émus, l’ami de jeunesse d’Augustin et de Jérôme. […] Un biographe élégant, l’abbé de Marsollier, nous l’a peint avec une sorte de complaisance : « Il étoit à la fleur de l’âge, n’ayant qu’environ vingt-cinq ans ; sa taille étoit au-dessus de la médiocre, bien prise et bien proportionnée ; sa physionomie étoit heureuse et spirituelle ; il avoit le front élevé, le nez grand et bien tiré sans être aquilin ; ses yeux étoient pleins de feu, sa bouche et tout le reste du visage avoient tous les agréments qu’on peut souhaiter dans un homme. […] » Ainsi à ces époques, plus heureuses par là que les nôtres, et jusqu’en ces âmes dissipées, même au fort du libertinage, on croyait ; quelle que fût la surface et le soulèvement des orages, le fond était de la foi : on revenait à temps, et les grandes âmes allaient haut. […] Heureux ceux d’alors pour qui cette voix conservait le nom efficace et distinct, s’appelant simplement la grâce de Jésus-Christ ! […] René, il y a plus de quarante ans, invoquait l’aquilon et les orages qui le devaient enlever comme la feuille du dernier automne ; et ici, toujours le même, voilà qu’il s’est mis à regretter l’aubépine des printemps : « Heureux celui dont la vie est tombée en fleurs !
La jeunesse pourtant, cette puissance d’illusion et de tendresse dont elle est douée, cette gaieté naturelle qui en formait alors le plus bel apanage et dont notre poëte avait reçu du ciel une si heureuse mesure, toutes ces ressources intérieures triomphèrent, et la période nécessiteuse qu’il traversait brilla bientôt à ses yeux de mille grâces. […] La chanson de Panard, de Collé, Gouffé, Desaugiers, et du Caveau, venait habituellement par le refrain ; un refrain semblait heureux, chantant : vite des couplets là-dessus. […] Cette prise heureuse sur la mémoire des hommes (la source d’inspiration d’ailleurs y poussant) est due au refrain pour les paroles, au cadre pour l’idée. […] Symbole heureux des jours renouvelés. […] Quoi qu’il en soit, et voici le seul point où j’insiste, il a de bonne heure témoigné à ce qui s’annonçait d’heureux et de grand dans les groupes nouveaux une bienveillance sincère, intelligente, qui, de la part de tout écrivain célèbre, à l’égard des générations qui s’élèvent, n’est pas, j’ose le dire, la moindre marque d’une âme saine et d’un cœur justement satisfait.
Le Dernier des Chouans offre seul pour la première fois du pittoresque, de l’entente dramatique, des caractères vrais, un dialogue heureux ; par malheur, l’imitation de Walter Scott et de Cooper est évidente. […] Pour en revenir à ma comparaison de M. de Balzac avec un alchimiste, je dirai que, même après la transmutation trouvée, cet alchimiste, qui n’a pas eu pleine connaissance de son procédé heureux, rétrograde parfois et revient à ses anciens tâtonnements ; qu’il retombe dans les scories et les dépenses infructueuses ; qu’il fait en beaucoup d’opérations de l’or très-mêlé ou faux. […] Ses efforts pourtant sont heureux en mainte circonstance. […] L’alchimiste remit d’opérer la transmutation devant sa femme au lundi de Pâques ; il fit emplette d’une branche de laurier et d’une tige d’immortelle, pour lui annoncer dignement cette nouvelle heureuse ; toute cette conclusion domestique est pleine de simplicité, d’attendrissement et de sagesse : la réalité ici fait envie au roman. […] Heureux qui, dans sa vie laborieuse et du fond mélangé de ses œuvres, sait réaliser un peu d’or pur !
« Là il s’occupait du soin d’améliorer ses terres, dont il tirait un revenu considérable ; mais ses plus heureux moments étaient ceux qu’il consacrait à l’étude des lettres et de la philosophie, ou au commerce et à la conversation des savants. […] Il recommanda à Pierre la plus sévère attention sur l’éducation de ses fils, dont les talents prématurés et les heureuses dispositions méritaient ses éloges, et lui faisaient concevoir les plus favorables espérances. […] Entraîné par cette illusion, je me mis à considérer combien était cruelle la destinée de ceux qui l’avaient aimée ; ensuite j’examinai s’il y avait dans cette ville quelque autre dame qui méritât tant d’honneurs et de louanges, et je pensai à la félicité dont jouirait un mortel assez heureux pour rencontrer un objet si digne de ses vers. […] Chez vous, heureux bergers, la haine, la perfidie, l’ambition cruelle n’ont point établi leur empire. Vous jouissez sans envie du peu que vous possédez ; vous vivez heureux dans une douce indolence.
C’est une heureuse nécessité de cette étude, qu’on ne puisse lire Montesquieu sans avoir besoin de relire Bossuet, ni contenter son esprit sur un des plus grands objets de l’histoire, sans demander tour à tour des lumières à l’un et à l’autre. […] Quand il parle du plaisir qu’il éprouve chaque matin, en s’éveillant, à voir la lumière, il pense à ce livre qu’il va retrouver, livre heureux d’un homme heureux. […] Si on lui parle des sociétés, il ne s’agit pas des sociétés politiques, ni de lui en faire porter des jugements inutiles au grand objet de la connaissance de soi-même ; il s’agit des sociétés purement civiles et des devoirs que chacun est tenu d’y remplir pour être heureux en contribuant au bonheur public. […] Il fut heureux pour lui que la proposition de mettre ses restes au Panthéon avortât comme les précédentes ; il échappa à un honneur qu’on avait rendu à Marat. […] C’est encore un trait qui lui est commun avec Montaigne d’avoir été si heureux, ou d’avoir si bien conduit sa vie, qu’il ne lui est venu aucun mal, même de ce qu’il n’aimait pas, et que son génie semble n’avoir eue que la plus grande de ses aises.
Son idéal eût été, en arrivant à la Cour, de le charmer, de l’amuser par mille divertissements empruntés aux arts ou même aux choses de l’esprit, de le rendre heureux et constant dans un cercle d’enchantements variés et de plaisirs. […] On a cité de lui des mots heureux, des reparties piquantes et assez fines, comme en ont volontiers les princes de la maison de Bourbon. […] Battue au-dehors, faute de héros, dans son duel contre Frédéric, Mme de Pompadour fut plus heureuse de sa personne, à l’intérieur, dans sa guerre à mort contre les Jésuites. […] Directement, et par son frère, M. de Marigny, qu’elle avait fait nommer à la surintendance des Bâtiments, elle exerça la plus active et la plus heureuse influence. […] Trop heureuse la nation si elle se fût bornée à délasser le souverain par des amusements, et à ordonner aux artistes des tableaux et des statues !
En un mot, nous fûmes très raisonnables à la fin d’une journée où nous avions joué à colin-maillard. » Pour tranquilliser le lecteur sur la source d’où je tire ces paroles de Sophie, je dirai que c’est du cahier manuscrit des Dialogues, dans lesquels Mirabeau, enfermé deux ans après à Vincennes, se plaisait à revenir sur les origines de leur liaison et à se repaître des moindres souvenirs de ces premiers temps heureux. Il lui demandait à elle-même de lui envoyer là-dessus des notes, des mémoires, dont il ferait ses délices : « Écris-les avec détail, tendresse et naïveté, disait-il ; fais pour mon usage une petite récapitulation des dates, des principaux événements de nos amours (à la fois si heureux et si infortunés), depuis que je te connais. » Il rédigea et ordonna ensuite tout cela en quelques Dialogues qu’on a jusqu’au sixième, lequel est resté interrompu. […] Avec cela on n’est pas bien heureuse, mais on est assez tranquille. […] Je serai en vingt heures à Metz ; j’y resterai à peine un jour, et, vingt heures après, vous serez tranquille, et moi heureux, très heureux d’avoir pu vous être utile. […] Pendant neuf mois Mirabeau, caché à Amsterdam avec Sophie, mena une vie de labeur, une vie d’homme de lettres à la solde des libraires, et qu’il a appelée à la fois disetteuse et heureuse, la plus heureuse, disait-il, qu’il eût jamais connue.
De l’élévation dans les sentimens, de la force dans les pensées, de l’harmonie quelquefois imitative dans l’expression, une coupe de vers originale, pleine d’aisance & de variété, étoient d’heureux présages pour le succès de sa Muse naissante. […] Les progrès rapides de sa Muse font juger combien il eût pu ajouter à sa réputation, si des jours plus longs & plus heureux lui eussent permis de cultiver son génie poétique.
Va plus loin que lui, et jette tes bras autour des genoux de ma mère, afin de voir l’heureux jour du retour, quelque lointain que soit ton pays. […] Je n’ai jamais pu m’empêcher de mal espérer d’un pays qui a fait du rire une institution dans ses journaux ; cela n’avait lieu à Rome que dans les triomphes, pour rappeler aux heureux qu’ils étaient hommes. […] Le Romain ne riait que des heureux, le Gaulois rit et fait rire, pour de l’argent, de l’infortune et du désespoir. […] Heureux qui, satisfait de son humble fortune, Vit dans l’état obscur où les dieux l’ont caché ! […] Il fut heureux quelques jours.
J’étais heureux comme dans mon grenier à Londres et plus heureux que dans mon fauteuil de ministre à Paris.
Larue a quelquefois plus d’élévation, & sa morale annonce un esprit aussi fin observateur, qu’heureux à trouver des expressions & des tours propres à rendre ses idées, & à les faire saisir par une vive impression. […] Celle du Maréchal de Luxembourg, celle du Duc & de la Duchesse de Bourgogne, dont le texte est aussi heureux que le sujet en étoit affligeant, seront toujours regardées comme un des plus beaux monumens de l’éloquence de la Chaire.
Le médecin lui-même, s’il veut donner au malade une guérison vraie, cherche à être fécond à sa manière, sinon ses guérisons ne sont que des accidents heureux, et, dans leur ensemble, ses traitements ne valent rien. […] — Il paraissait très heureux ; il disait qu’il était très bien portant, et ne pouvait se lasser de vanter le site ravissant du château et des jardins. […] Je vous l’ai dit déjà souvent, mais je veux que vous le sachiez bien et je vous le répète. » Ces paroles me rendirent heureux, car je sentais qu’elles renfermaient beaucoup de vérité. […] Presque toujours j’ai été assez heureux pour trouver une petite affinité qui, pendant ces quelques semaines, me donnait assez de distraction. […] En un mot, nous étions tous très contents les uns des autres, et je passai avec cette famille de si heureux jours, que leur souvenir est toujours resté pour moi extrêmement agréable.
Le jeune Désaugiers marqua dès l’enfance d’heureuses dispositions. […] Une lettre de notre voyageur, que nous avons sous les yeux, nous le montre au naturel, tel qu’il était en ces années d’hilarité et d’insouciance, tel qu’il eut l’heureux privilége de rester toujours. […] Les désastres de Saint-Domingue vinrent avertir les heureux colons que la foudre n’était pas loin. […] J’ajouterai seulement ici quelques traits puisés en bon lieu, et qui achèveront de dessiner cette physionomie heureuse. […] Il semblait dire à tous en entrant : « Nous n’avons qu’un instant, laissons ce qui divise, et jouissons ensemble de ce que je vous apporte. » Il avait besoin de voir tous les visages heureux autour de lui.
Trois heureuses journées littéraires I J’ai sur ma table aujourd’hui deux livres que je viens de lire avec un grand charme, et qui me convient, par ce charme même, à me distraire un moment de l’antiquité avec mes lecteurs, pour donner un regard à la jeune France poétique d’aujourd’hui. […] Mais avant de parler de ce dernier poème que j’ai reçu hier, que j’ai lu d’une seule haleine cette nuit, rappelons-nous deux heureuses journées déjà loin de nous, qui nous feront connaître Laprade. […] Par un heureux hasard, qui groupe de temps en temps les hommes comme les chênes, deux grands et charmants artistes dans des arts divers étaient en ce moment en visite ou plutôt en villégiature avec nous, sous ce même toit, sous ces mêmes chênes qui avaient abrité ensemble autrefois le génie adolescent de Victor Hugo et l’esprit péripatéticien et discinctus de Charles Nodier. […] Plus heureux que le Dante toscan, on sent le bonheur intime à travers ses rugissements de poète indigné ; car Laprade n’a connu ni les odieuses vengeances des partis politiques, ni l’exil, ni le veuvage du cœur ; heureux fils, heureux amant, heureux père ! […] Heureuse la France d’avoir encore de tels enfants !
Voici, enfin, que j’éprouve, à deux reprises, l’admiration heureuse qui n’hésite plus. […] Entre deux fragments de mémoires nobles et douloureux, l’auteur a placé, d’une audace heureuse, le journal d’une perversité qui s’éveille. […] Et le vers libre fait ses premières apparitions heureuses. […] De la cime de son rêve il contemple, heureux, le spectacle élargi. […] Mais la femme se lamente, dit que leur pitié eut tort et qu’ils auraient dû s’isoler dans leur amour heureux.
On a cru me perdre en prouvant que j’avais fait des vers jusqu’à trente-deux ans (ailleurs, il semble dire trente-cinq) : on ne m’a fait qu’honneur, et je voudrais de tout mon cœur en avoir encore le talent comme j’en ai conservé le goût ; mais je suis plus heureux de lire les vôtres que je ne l’ai été d’en faire. […] En ce qui était des vers en particulier, comme on venait de représenter pour la première fois La Métromanie (1738), Bernis donnait cours à ses réflexions : « Il est difficile d’être jeune et de vivre à Paris sans avoir envie de faire des vers. » Et de ce qu’on en fait avec plus ou moins de talent, il ne s’ensuit pas que ce talent entraîne avec lui toutes les extravagances qui rendent certains versificateurs si ridicules : Heureux, s’écriait-il avec sentiment et justesse, heureux ceux qui reçurent un talent qui les suit partout, qui, dans la solitude et le silence, fait reparaître à leurs yeux tout ce que l’absence leur avait fait perdre ; qui prête un corps et des couleurs à tout ce qui respire, qui donne au monde des habitants que le vulgaire ignore ! […] Ses amis disent qu’à cette époque il n’aspirait qu’à réunir, moyennant quelques petits bénéfices particuliers, une fortune de six mille livres de rente : cela l’eût rendu à jamais heureux. […] Je tâche, en même temps, qu’elle soit rangée. » Comme tous les absents de Paris, il en ressent aussitôt le vide, se plaint de sa vie languissante, et regrette la société : « Au reste, si l’on est heureux quand on n’a rien à faire, quand on vit avec des gens à qui on n’a rien à dire, je le suis. […] Je m’estime fort heureux de m’en être tiré en sauvant ma réputation. » Il ne la sauva point aussi intacte qu’il s’en flattait.
Heureux ceux qui meurent ou qui se retirent à propos et qui ne passent point la mesure ! […] L’on n’est pas toujours heureux à la guerre ; c’est un métier où la fortune met beaucoup du sien. […] La campagne suivante ne fut pas plus heureuse pour lui ni plus flatteuse. […] On était dans une de ces dispositions bien connues où l’opinion a besoin d’apprendre quelque injustice du pouvoir et où elle s’en empare avidement, tout heureuse de l’exagérer. […] Ceux qui l’ont entendu, ont gardé le meilleur souvenir de cet Éloge véridique et approprié au sujet ; des allusions à nos récentes victoires d’Italie fournirent d’heureux mouvements à l’orateur.
Mais n’y travaillez, ajoutait l’excellent critique, que lorsque vous en aurez vraiment le désir, et, sur toutes choses, oubliez toujours que vous faites un livre ; il sera aisé d’y mettre les liaisons ; c’est l’air de vérité qui ne se donne pas quand il n’y est pas du premier jet, et l’imagination la plus heureuse ne le remplace point. […] Je suis votre amie, je le serai toute ma vie ; ne me cachez rien de ce que vous avez dans l’âme ; que je sois assez heureuse pour vous consoler. […] C’est un homme de trente ans, raisonnable, que je voudrais ; un homme en état de vous conseiller, de vous conduire, et qui prit assez de tendresse pour vous pour n’être occupé qu’à vous rendre heureuse. » — « Oui, lui répondis-je, cela serait charmant ; mais où trouve-t-on un homme d’esprit, aimable, enfin tel que vous venez de le dépeindre, qui se sacrifie pour vous et se contente d’être votre ami, sans pousser ses prétentions jusqu’à vouloir être votre amant ? […] Il avait du mépris pour Francueil qu’il jugeait un homme de peu de cervelle, et qu’il n’appelait que le hanneton : « Vous n’êtes pas heureuse, pauvre femme, s’écriait-il, et c’est votre faute. […] De grâce, ne manquez pas votre vocation : il ne tient qu’à vous d’être la plus heureuse et la plus adorable créature qu’il y ait sur la terre, pourvu que vous ne fassiez plus marcher l’opinion des autres avant la vôtre, et que vous sachiez vous suffire à vous-même.
Un poète italien moderne, Leopardi, enviant la gloire de ces opportuns et heureux traducteurs italiens qui se sont enchaînés à quelque illustre classique des anciens pour n’en plus être séparés, s’écrie : « Qui ne sait que Caro vivra autant que Virgile, Monti autant qu’Homère, Bellotti autant que Sophocle ? […] Bon, facile, amateur de musique, un peu timide en public, un peu perdu dans les détails, vif d’humeur, mais revenant aisément, franc, ouvert et candide, tel on nous peint et tel aisément on se figure en effet le bon Amyot, que le malheur, vers la fin de son existence heureuse, vint tout à coup visiter. […] À tout instant, des expressions heureuses, trouvées, ce qu’on peut appeler l’imagination dans le style, s’y montre et s’y joue, ni plus ni moins que si l’auteur était chez soi et s’animait, chemin faisant, de sa propre pensée. […] Villemain, disparaît quelquefois dans l’heureuse et naïve diffusion d’Amyot. ». — « Amyot, ajoute M. […] Au reste, cette légère et plutôt heureuse infidélité de l’excellent traducteur a été pour beaucoup dans son charme et dans sa gloire.
c’est une de ces expressions neuves, de ces alliances hardiment heureuses, comme Le Brun les cherche toujours et les rencontre quelquefois. […] Notez que Le Brun, dans son Mémoire judiciaire, argumentait de ses vers et de ses chansons pour prouver qu’il rendait sa femme heureuse : Qu’un enfant des neuf sœurs est facile à tromper ! […] Combien ce coup heureux eût épargné de crimes ! […] Je ne sais si le talent poétique de Le Brun eût jamais été susceptible de se développer et de grandir en des régions plus heureuses ; mais à coup sûr, par une telle habitude de sentiments et de pensées, il s’en était interdit les moyens ; il avait tari en lui les sources jaillissantes et fécondes. […] [NdA] Dans l’ode sur Le Triomphe de nos paysages, où le poète a déployé un si ingénieux abus de la mythologie, je trouve pourtant quelque mollesse heureuse d’expression, dans cette strophe par exemple : Serait-ce l’onde du Pénée Qui serpente dans ces vallons ?
Dans cette agréable discussion qu’elle soutint par lettres avec la Grande Mademoiselle sur les conditions d’une vie parfaitement heureuse, elle lui écrivait : « Je n’avais que vingt ans quand la liberté me fut rendue ; elle m’a toujours semblé préférable à tous les autres biens que l’on estime dans le monde, et, de la manière que j’en ai usé, il semble que j’ai été habitante du village de Randan », — un village d’Auvergne où les veuves ne se remariaient pas. […] Bien que Mme de Motteville aimât à se rappeler et à citer ces vers galants de son oncle : Et constamment aimer une rare beauté, C’est la plus douce erreur des vanités du monde, elle avait le cœur plus fait pour l’amitié que pour l’amour ; elle était faite en tout pour les sentiments réguliers et justes, et pour une égalité heureuse ; elle en a exprimé le vœu en plus d’un endroit. Elle avait puisé dans sa belle Normandie l’amour de la campagne et de la nature, mais elle n’en savait pas jouir en courant : « La campagne, disait-elle, n’est belle qu’avec le repos et la solitude, quand on y peut goûter les plaisirs innocents que la beauté de la nature nous fournit dans les bois et auprès des rivières. » Elle disait encore en parlant des rois : J’estime bien heureux celui qui ne les connaît que par le respect qu’on doit à leur nom, et qui peut jouir de la vie douce et tranquille d’un bon citoyen qui est homme de bien, qui a de quoi vivre, et qui n’est point empoisonné par l’ambition. […] Le murmure éclatait de toutes parts ; mais le ministre sort et tout se tait : Lorsqu’il monta en carrosse pour s’en aller, toute la cour du Palais-Royal était pleine de cordons bleus, de grands seigneurs, de gens de cette qualité, qui, par leur empressement, paraissaient s’estimer trop heureux de l’avoir pu regarder de loin. […] À un bal que donne le cardinal Mazarin aux jours gras de 1647, elle nous décrit, l’une après l’autre, les principales beautés et reines de la fête, après quoi elle fait défiler les comparses, et qui ne sont pas les moins prétentieuses ni les moins bruyantes : Les filles de la reine, Pons, Guerchy et Saint-Mégrin, tâchèrent de faire quelques conquêtes naturelles, par le soin qu’elles eurent de s’embellir par toutes sortes de voies ; heureuses si, parmi tant d’amants, elles eussent pu attraper des maris selon leur ambition et le dérèglement de leurs désirs !
On ne s’en douterait pourtant pas à voir le choix heureux des morceaux de musique instrumentale ou vocale qu’on lui doit d’entendre chaque hiver. […] À la voir l’hiver, chaque soir, dans le monde perpétuel et brillant quelle reçoit, toujours présente et toujours prête, parlant à chacun, variant l’accueil et l’à-propos, elle semble née pour la représentation : à la retrouver à la campagne, entourée de quelques amis toujours les mêmes, on dirait plutôt qu’elle est faite pour l’intimité, pour un cercle d’habitudes paisibles, riantes et heureuses. […] On serait heureux d’avoir donné une idée, qui ne fût pas trop incomplète, d’une nature riche, loyale, généreuse, d’une personne qui, dans le plus haut rang, unit le don de beauté au feu sacré de l’art ; qui a le courage de ses pensées et le charme de ses sentiments. Comprendre ainsi la vie, quand on est des privilégiés du sort, accorder le moins possible aux opinions vaines, s’en remettre à l’impression vraie, à la lumière naturelle ; distribuer ce qui vous est donné en surcroît ; remplir sa part d’un rôle auguste, et mener une existence ornée, mais simple ; jouir des arts, des élégances, de la nature aussi et de l’amitié, ce n’est pas seulement avoir un beau lot, ce n’est pas seulement savoir être heureuse, c’est répandre le bonheur et cultiver l’affection autour de soi.
Annunzio est né pour de brefs élans lyriques et pour de petits hasards heureux ; il faut placer, très bas encore, mais bien au-dessus de ses romans, les vers où il exprime avec une fougue jeune ce que le critique Chiarini appelle sa « démence aphrodisiaque ». […] Sur ce sujet, l’éloquence de Stelio-Gabriele est intarissable ; ses phrases et ses mains, en un interminable tremblement heureux, caressent sur le corps des lévriers son propre prurit de tuer. […] L’auteur semble d’abord occupé uniquement de Jude l’autodidacte, de ses efforts malheureux vers la conquête d’une position libérale, de ses efforts à demi heureux vers la conquête de la science désintéressée. […] Et ce serait ici le centre heureux du livre, si le livre avait un centre.
Ces deux ouvrages sont estimables par la délicatesse des sentimens, par le tour heureux de l’expression, par un mêlange agréable de vérité & de fiction, par l’art d’attacher l’esprit & d’intéresser le cœur. […] Son style simple & élégant est relevé par des pensées vraies & naturelles, & par de tours heureux. […] La variété des incidens, une certaine gaieté d’imagination, la chaleur & la rapidité du récit, la simplicité, la noblesse & l’heureuse négligence du style, caractérisent les premiers Romans de M. de V. […] Rousseau en lui donnant le sien ne l’a point plié à cette urbanité, à cette négligence heureuse, à cette facilité singuliere qui distinguent la main des femmes.
D’heureux choix récents l’avaient relevée dans l’estime publique et lui avaient rendu quelque vie ; elle devait réparation à M. de Lamartine, et elle le nomma, quoique absent. […] Voix sonore et retentissante, timbre éclatant et pur, geste simple ; puis une parole facile, abondante, harmonieuse ; une manière de style étrangère à toute affectation, à toute enflure ; un laisser-aller plein de ressources ; un art heureux de diriger, de détourner sa pensée, de la lancer chemin faisant dans les questions, et de l’arrêter toujours à propos ; un penchant à s’étendre sur les moralités consolantes quand il y a jour, et, sitôt qu’on arrive aux hommes, un parfait mélange de discrétion et de loyauté, voilà ce qui nous a surtout frappé dans l’éloquent discours de M. de Lamartine. […] Mais c’est quand M. de Lamartine, au terme de son discours, est venu à jeter un regard en arrière et autour de lui, quand il a porté sur le xviiie siècle un jugement impartial et sévère, quand il s’est félicité de la régénération religieuse, politique et poétique de nos jours, qu’il appelle encore une époque de transition, et qu’il s’est écrié prophétiquement : « Heureux ceux qui viennent après nous ; car le siècle sera beau » ; — c’est alors que l’émotion et l’enthousiasme ont redoublé : « Le fleuve a franchi sa cataracte, a-t-il dit ; plus profond et plus large, il poursuit désormais son cours dans un lit tracé ; et, s’il est troublé encore, ce ne peut être que de son propre limon. » Puis il a insinué à l’Académie de ne pas se roidir contre ce mouvement du dehors, d’ouvrir la porte à toutes les illustrations véritables, sans acception de système, et de ne laisser aucun génie sur le seuil.
Une très grande simplicité dans le caractère de vos parents, ou une supériorité si marquée, que leurs enfants soient heureux d’entretenir avec eux plutôt un culte qu’une liaison, peuvent détruire ces observations, mais c’est aux situations les plus communes qu’elles s’appliquent. […] Il est heureux, dans la route de la vie, d’avoir inventé des circonstances qui, sans le secours même du sentiment, confondent deux égoïsmes au lieu de les opposer ; il est heureux d’avoir commencé l’association d’assez bonne heure pour que les souvenirs de la jeunesse aidassent à supporter, l’un avec l’autre, la mort qui commence à la moitié de la vie ; mais indépendamment de ce qu’il est si aisé de concevoir sur la difficulté de se convenir, la multiplicité des rapports de tout genre qui dérivent des intérêts communs, offre mille occasions de se blesser, qui ne naissent pas du sentiment, mais finissent par l’altérer.
Albalat veut qu’on corrige beaucoup et répète cent fois, sous diverses formes toujours heureuses, que l’on n’a jamais assez corrigé. […] « Il s’agit tout le temps, dit-il, d’orages, de ruines qui croulent, de parvis, de feuilles sèches, que disperse le vent de la mort ; de la colombe qui construit son nid solitaire (pour dire le célibat) ; de volcans à peine fermés (pour dire les passions apaisées) ; du forum, pour dire, comme les avocats, la vie publique ; de l’ange de la destinée, de la lampe de la foi, de la coupe de miel offerte aux lèvres pures (pour dire une vie heureuse, bien qu’on ne mette guère maintenant du miel dans les coupes) ; des anneaux rattachés de la chaîne brisée ; du fait de la richesse, du règne de la vérité qui s’annonce à l’horizon ; du volcan, de l’éternel volcan qui vomit par ses mille cratères de la fange et de la lave, et enfin du bouclier, pour dire : le sentiment qui défend son cœur ! […] Albalat veut qu’on corrige beaucoup et répété cent fois, sous diverses formes toujours heureuses, que l’on n’a jamais assez corrigé.
Il n’y eut que quelques-unes de ses greffes qui furent tout à fait heureuses. […] Je ne me figure jamais mieux cette convenance du Chœur dans les pièces des Grecs qu’en voyant son à-propos moderne si heureux, mais unique, dans cette ravissante pièce d’Esther, jouée et chantée par les filles de Saint-Cyr. […] Il a eu cependant d’heureux mouvements dans ses amours de tête, et l’on chante encore avec plaisir : Ils s’en vont, ces rois de ma vie, Ces yeux, ces beaux yeux, etc. […] Heureux qui a le sien ! […] Les langues modernes sont plus sobres de ces effets dus à un heureux et naturel arrangement ou conflit de syllabes ; elles semblent même plutôt en avoir peur.
que je vais être heureux cet automne, avec du linge blanc, une voiture et un habit sec et propre ! […] Nous étions heureux, du moins moi. […] Dieu sait si celle-ci sera plus heureuse. […] Arrêté à la frontière allemande par les opérations militaires, il est heureux d’un prétexte et s’en revient. […] Il est impossible d’avoir plus d’esprit que ce jeune homme et une expression plus heureuse.
Cependant il se préparait à Rome une heureuse révolution en sa faveur. […] Il énerva par de fausses grâces un heureux naturel. […] Il essayait cette forme poétique sur l’heureux modèle que lord Surrey avait emprunté naguère à l’Italie. […] Il n’est pas né sous cet heureux climat ; il n’a pas ce beau naturel d’enthousiasme et de poésie. […] Une autre affection qu’il avait éprouvée ne fut pas heureuse.
La gaieté du ciel et des arbres, le piaillement criard des moineaux, l’allégresse des cloches qui appelaient aux vêpres du dimanche, la quiétude heureuse, l’apaisement des choses de ce coin provincial, accentuaient le délabrement de la salle nue et froide où toussait ce pauvre malade, en qui les yeux seuls brillaient, comme si tout le vœu de vivre s’y était réfugié. […] Au moins Dequillebec plus heureux que tant d’autres, n’a pas connu les tristesses de l’hôpital.
Nous aimons mieux croire que, par une prudence peu ordinaire dans ce Siecle, il préfere l’avantage solide de cultiver, dans le silence de l’étude, les heureuses dispositions qu’il a reçues de la Nature, à l’éclat subit & passager d’une réputation trop prompte. […] Depuis que leur malheureux Auteur a osé parler de regles & de goût à des Poëtes bizarres & volontaires, de clarté & de méthode à des Prosateurs décousus & nébuleux, de force & de chaleur à des Ecrivains froids & symétriques, de bons sens & de précision à des Moralistes enthousiastes & confus, de justesse & de raison à des Philosophes inconséquens & téméraires ; dès-lors notre Siecle, ce Siecle, grace à leurs prouesses, le plus ingénieux, le plus éclairé, le plus merveilleux, le plus heureux des Siecles, s’est vu, d’après leurs déclarations, méconnu dans ses richesses, calomnié dans ses lumieres, ouvrage dans ses prodiges, troublé dans sa felicité ; dès-lors des milliers de bouches éloquentes se sont ouvertes à la plainte, aux clameurs, à la plaisanterie ; dès-lors l’Abbé SABATIER n’a plus été qu’un Cuistre, qu’un polisson, qu’un méchant Critique & un Critique méchant.
C’est ce faon léger des lointains mystérieux, ce daim à demi fuyant de l’Égérie secrète, que dans ses inspirations les plus heureuses Nodier vieillissant a suivi. […] Son mouvement de style, aux places heureuses, est tout à fait tel, parfois rapide et plus souvent bercé. […] Il rêvait de faire une Flore du Jura ; il rêvait mieux, une vie heureuse, domestique, studieuse, sous l’humble toit verdoyant. […] Il fut le premier à tirer d’un entier oubli le dernier Homme de Granville, cette admirable ébauche d’épopée, s’écriait Nodier, et qui fera la gloire d’un plagiaire heureux. […] Séraphine, Amélie, la fleur de ces récits heureux, l’ont assez prouvé : qu’on y ajoute la première partie d’Inès, on aura le plus parfait et le dernier mot de sa manière.
Il était innocent de tout ce qui diffame une vie ; il n’avait pas besoin de pardon ; il n’avait besoin que d’amitié ; on aurait été heureux de la lui offrir. […] J’aurais été heureux de rajeunir d’esprit et de cœur avec un poète qui prenait, comme lui, des années sans vieillir. […] Heureux celui qui aime plus haut que lui à son premier soupir de tendresse ! […] Il dépendit plusieurs fois de moi d’avoir une influence heureuse sur sa destinée. […] Elle fut heureuse quelques jours, puis elle mourut dans le bonheur et dans le triomphe.
. — Dans un sentier tortueux qui conduit l’œil jusqu’au fond du tableau, arrivent, courbés et barbus, d’heureux sexagénaires. — Le fond de droite est occupé par des bosquets où se font des ballets et des réjouissances. […] Qu’il se défie de son érudition, qu’il se défie même de son goût — mais c’est là un illustre défaut, — et ce tableau contient assez d’originalité pour promettre un heureux avenir. […] Ç’a été un des hommes les plus justement heureux du mouvement rénovateur. […] Papety avait néanmoins trouvé des poses heureuses et quelques motifs de composition ; et malgré sa couleur d’éventail, il y avait tout lieu d’espérer pour l’auteur un avenir sérieux. […] Sa conception est souvent heureuse — il y a chez lui une certaine fécondité de pensée qui se fait jour assez vite et qui nous plaît ; mais des morceaux assez considérables déparent toujours son œuvre.
La ville d’Hesdin acquittait à la fois sa dette municipale envers une famille honorable et chère, et elle acquittait aussi la dette générale de la France envers un écrivain aimé, populaire, qui ne fut point heureux en son temps, qui n’eut jamais les honneurs littéraires et académiques, qui travailla constamment pour vivre, et qui, un jour de bonne fortune, a fait un chef-d’œuvre sans y songer. […] Il manque dans la première édition un ravissant passage, la description de la vie heureuse à Chaillot, pendant les semaines qui suivent la sortie de Saint-Lazare. […] Après un long exil de sept ans, rentré en France en 1735, retiré quelque temps, pour la forme, à l’abbaye de La Croix-Saint-Leufroy au diocèse d’Évreux, chez l’abbé de Machault, où il voyait bonne compagnie, et d’où il correspondait avec Thieriot et avec l’abbé Le Blanc, qui lui donnaient des nouvelles littéraires ; ayant achevé sa courte pénitence spirituelle à Gaillon ; puis devenu l’hôte et l’aumônier commode et tout honoraire du prince de Conti, l’abbé Prévost, quoique souvent aux expédients jusque sous le toit d’un prince, vivait toutefois d’une existence relativement heureuse au prix de son ancienne vie errante, lorsqu’au commencement de 1741, un service de correction de feuilles, qu’il rendit imprudemment à un nouvelliste satirique, l’obligea de quitter de nouveau Paris et le royaume. […] Nous sommes heureux de pouvoir affirmer qu’il n’y a rien de vrai dans cette histoire. […] Heureux du moins est-il, et favorisé entre tous, au milieu de ses succès mêlés et de ses labeurs, puisqu’il a rencontré le rayon !
Sa fille et son gendre lui succédèrent, et entretinrent cette action d’influence heureuse et de bonne harmonie. […] Heureux homme que ce Guillaume Favre, et que rien ne commandait dans la libre et capricieuse application de ses goûts ! Sa destinée est à faire envie à ceux (et ils sont nombreux) qu’un aiguillon incessant presse et déchire, qu’un fardeau inégal courbe et accable, pour qui l’antique corvée n’est point tout à fait abolie, et à qui il est dit, même dans ce champ libéral des études : « Tu produiras toujours, tu produiras à heure fixe, et, que tes goûts t’appellent ici ou là, tu iras où est la borne, et tu laboureras cet espace entre l’aurore et le couchant. » Heureux homme, a-t-on droit de s’écrier ! […] Je n’imagine pas que, hormis la théologie polémique, il y ait rien d’aussi rebutant que cette étude ; il est heureux que quelques gens veuillent s’y adonner, et je loue fort les du Gange et Muratori qui, se dévouant comme Curtius, se sont précipités dans ce gouffre, mais je serais peu curieux de les imiter. […] Moi, j’ose penser qu’un tel homme, doué de cette réunion d’avantages, serait tellement heureux que l’on ne peut se faire l’idée d’une situation plus agréable, même en paradis ; il n’y manquerait que la durée pour avoir ainsi le ciel sur la terre.
Vous savez aussi bien que moi ces beaux vers : Felix qui potuit rerum cognoscere causas… Fortunatus et ille deos qui novit agrestes…, ce qu’un de mes amis et qui l’est aussi des Littré, des Renan, et même de Proudhon, je crois, s’est amusé à paraphraser ainsi, à votre intention et presque à votre usage ; et c’est à peu près de la sorte, j’imagine, du moins pour le sens, qu’un Virgile, ou un parfait Virgilien par l’esprit, s’il était venu de nos jours, aurait parlé : « Heureux le sage et le savant qui, vivant au sein de la nature, la comprend et l’embrasse dans son ensemble, dans son universalité ; qui se pose sans s’effrayer toutes ces questions, terribles seulement pour le vulgaire, de fin et de commencement, de destruction et de naissance, de mort et de vie ; qui sait les considérer en face, ces questions à jamais pendantes, sans les résoudre au sens étroit et en se contentant d’observer ; auquel il suffit, dans sa sérénité, de s’être dit une fois que “le mouvement plus que perpétuel de la nature, aidé de la perpétuité du temps, produit, amène à la longue tous les événements, toutes les combinaisons possibles ; que tout finalement s’opère, parce que, dans un temps suffisant et ici ou là, tout à la fin se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans l’infinie succession des mouvements, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée40” ; heureux le sage qui, curieux et calme, sans espérance ni crainte, en présence de cette scène immense et toujours nouvelle, observe, étudie et jouit ! « Mais heureux aussi celui qui, d’un esprit moins émancipé et d’un cœur plus humble, reconnaît dans la nature un Auteur visible, se manifestant par tous les signes ; qui croit l’entendre dans le tonnerre et dans l’orage ; qui le bénit dans la rosée du matin et dans la pluie du printemps ; qui l’admire et l’adore dans la splendeur du soleil, dans les magnificences d’une belle nuit, et qui ne cesse de le sentir encore à travers la douce et tiède nuaison d’un ciel voilé ! heureux qui l’invoque et le prie à chaque accident de la saison, qui compte sur lui seul comme aux jours de la manne dans le désert qui suit en fidèle ému, entre deux haies en fleur, la procession d’une Fête-Dieu champêtre, ou qui prend part avec foi et ferveur, le long des blés couchés ou desséchés, aux cantiques d’alarmes et aux pieux circuits des Rogations extraordinaires ; qui sait le chemin qui mène à la statue de la Vierge dressée au sommet du rocher ou logée au cœur du chêne antique où hantaient jadis les Fées ; qui ne méprise pas le Saint même du lieu et le miracle d’hier qu’on en raconte, toutes croyances et coutumes innocentes et charmantes, si, au lieu de devenir des affaires de parti, elles restaient ce qu’elles devraient être toujours, de touchantes religions locales et rurales ! […] Mais il est de ces fragments, de ces accidents heureux d’art et d’étude, qui, n’ayant rien à démêler avec les œuvres triomphales, n’en existent pas moins sous le soleil : — un rien, un rêve, une histoire de cœur et d’amour, une vue de nature, une promenade près de la mare où se baignent des canards et qu’illumine un rayon charmant, — et ce que je voyais l’autre jour encore à l’exposition du boulevard des Italiens, une vue de Blanchisserie hollandaise, par Ruisdaël, le Moulin d’Hobbema, ou un simple chemin de campagne regardé et rendu à une certaine heure du soir par un pauvre diable de paysagiste français nommé Michel, qui avait le sentiment et l’amour des choses simples.
Ce grec d’ailleurs n’est commode à lire pour personne ; on est trop heureux d’avoir un équivalent qui en dispense. […] C’est en effet toute une éducation du goût, dans ces matières de l’art antique, qu’il avait fallu se faire et se donner depuis Huet jusqu’à Goethe, on passant par Lessing, Winckelmann et autres initiateurs : les impressions des diverses branches de l’art se complètent ainsi et s’achèvent, mais ce n’est pas l’affaire d’un jour. — Eckermann, selon son usage, reprenant la pensée de Goethe au point où elle s’arrêtait, et la lui renvoyant avec de légères variantes, lui répondit (toujours pendant ce même dîner) : « La mesure dans laquelle se renferme l’œuvre entière m’a paru excellente ; c’est à peine si on rencontre une allusion à des objets étrangers qui nous feraient sortir de cet heureux cercle. […] Tout est si bien médité, tous les événements sont préparés et expliqués de la façon la plus heureuse, comme par exemple pour le trésor trouvé près d’un dauphin pourri sur le rivage de la mer. […] Tous les accidents, tels que surprises, vols, guerres, qui viennent troubler le cours heureux du récit principal sont racontés lu plus vite possible, et, aussitôt passés, ne laissent derrière eux aucun souvenir. […] Tout cela est de la plus grande beauté… » J’abrège encore ; le noble vieillard resté Grec, et redevenu enfant, se complaisait évidemment, une dernière fois, à se reposer par l’imagination sur des cadres heureux et des fronts ingénus, doués de la seule pureté naturelle.
Je n’aime point cette manière de recopier un mot heureux et de vivre à satiété sur le passé. […] Sans prétendre que sa pureté et son élégance l’aient partout abandonné, ce que démentiraient d’heureuses exceptions, nous lui reprocherons de les avoir mises en oubli plus souvent qu’à l’ordinaire. […] O champs de Pressagni, fleuve heureux, doux coteaux, Alors, peut-être, alors mon humble sépulture Se cachera sous les rameaux Où souvent, quand mes pas erraient à l’aventure, Mes vers inachevés ont mêlé leur murmure Au bruit de la rame et des eaux. […] L’onction antique respire surtout dans ce vœu d’une âme tendre : O champs de Pressagni, fleuve heureux, etc. […] A l’occasion de la Popularité, j’écrivais dans la Revue des Deux Mondes (15 décembre 1838) l’article suivant : — La Comédie Française est en veine heureuse : un jeune talent lui rend ses anciens chefs-d’œuvre ; et son poëte moderne, qui l’a accoutumée à des succès légitimes et sûrs, vient d’en obtenir un nouveau.
Mais, en Italie, cette subdivision n’a point produit son effet naturel ; le despotisme des prêtres, pesant sur toutes les parties du pays, a détruit la plupart des heureux résultats que doit avoir le gouvernement fédéral, ou la séparation et l’existence des petits états. […] C’est à ce mélange heureux que nous devons l’Arioste et le Tasse. […] Mais le merveilleux arabe attache davantage la curiosité ; l’un semble le rêve de l’effroi, l’autre la comparaison heureuse de l’ordre moral avec l’ordre physique Les Espagnols devaient avoir une littérature plus remarquable que celle des Italiens ; ils devaient réunir l’imagination du Nord et celle du Midi, la grandeur chevaleresque et la grandeur orientale, l’esprit militaire que des guerres continuelles avaient exalté, et la poésie qu’inspire la beauté du sol et du climat. Mais le pouvoir royal, appuyant la superstition, étouffa ces germes heureux de tous les genres de gloire. […] La mélancolie des Orientaux est celle des hommes heureux par toutes les jouissances de la nature ; ils réfléchissent seulement avec regret sur le rapide passage de la prospérité, sur la brièveté de la vie37.
— trop méridional, trop improvisateur sous un ciel heureux, trop lazzarone de son propre talent, pour être jamais le théoricien à l’application éternelle, l’anatomiste sur le vif et encore plus souvent sur le mort, qu’est le critique littéraire. […] Ne serait-ce pas un sceptique, à impressions heureuses, que Babou ? […] Si nous n’étions que des épicuriens intellectuels, nous nous tairions sur les infériorités de ce livre, comme des gens heureux et reconnaissants qui ont bien dîné. […] Voilà, sans doute, des traits heureux. […] Quand il ne se donnera point pour ce qu’il n’est pas, on sera toujours heureux de le prendre pour ce qu’il est.
Mais je suis convaincu que ce volume sera, pour les intéressés d’art, une heureuse surprise. […] Ledrain, assemblera dignement quelques-uns parmi ses plus importants articles, sélection alléchante qui paraîtra sous le titre heureux et juste de : Attitudes de ce temps.
Un goût universel pour les Beaux-Arts, des talens pour les cultiver avec succès, doivent le faire regarder comme un de ces génies heureux, propres à faire admirer les richesses de la Nature. […] On raconte que Dufresny ayant un jour reproché à l’Abbé Pellegrin qu’il portoit du linge sale : Tout le monde, lui répondit l’Abbé, n’est pas assez heureux pour pouvoir épouser sa Blanchisseuse.
Voltaire le complimente au moment où il apprend qu’il va être promu au cardinalat : « Je dois prendre plus de part qu’un autre à cette nouvelle agréable, puisque vous avez daigné honorer mon métier avant d’être de celui du cardinal de Richelieu. » Il pousse la flatterie en ce moment jusqu’à lui dire : « Je ne sais pas si je me trompe, mais je suis convaincu qu’à la longue votre ministère sera heureux et grand ; car vous avez deux choses qui avaient auparavant passé de mode, génie et constance. » La correspondance ensuite ne reprend que trois ans après, pendant la disgrâce de Bernis (octobre 1761) : « Monseigneur, béni soit Dieu de ce qu’il vous fait aimer toujours les lettres ! Avec ce goût-là, un estomac qui digère, deux cent mille livres de rente, et un chapeau rouge, on est au-dessus de tous les souverains… » Bernis répond, de Saint-Marcel en Vivarais où il est en ce moment, et il remet tout d’abord le spirituel correspondant au ton et au point qu’il désire : Je ne suis point ingrat, mon cher confrère : j’ai toujours senti et avoué que les lettres m’avaient été plus utiles que les hasards les plus heureux de la vie. […] Je sais m’occuper ; mais je suis assez sage pour ne pas faire part au public de mes occupations ; je n’avais besoin pour être heureux que de cette liberté dont parle Virgile : « Quae sera tamen respexit inertem ». […] Il ne regrette point le ministère aux conditions où il l’a laissé, et il résume lui-même sa situation politique par un de ces mots décisifs qui sont à la fois un jugement très vrai, et un aveu honorable pour celui qui les prononce : « Je sens avec vous combien il est heureux pour moi de n’être plus en place ; je n’ai pas la capacité nécessaire pour tout rétablir, et je serais trop sensible aux malheurs de mon pays. » Et il essaye de se consoler de son mieux, de se recomposer, dans cette oisiveté, quoi qu’il en dise, un peu languissante, un idéal de vie philosophique et suffisamment heureuse : « La lecture, des réflexions sur le passé et sur l’avenir, un oubli volontaire du présent, des promenades, un peu de conversation, une vie frugale : voilà tout ce qui entre dans le plan de ma vie ; vos lettres en feront l’agrément. » Ce dernier point n’est pas de pure politesse : on ne peut mieux sentir que Bernis tout l’esprit et la supériorité de Voltaire là où il fait bien : « Écrivez-moi de temps en temps ; une lettre de vous embellit toute la journée, et je connais le prix d’un jour. » La manière dont Voltaire reçoit ses critiques littéraires et en tient compte enlève son applaudissement : « Vous avez tous les caractères d’un homme supérieur : vous faites bien, vous faites vite, et vous êtes docile. » Bernis n’a pas, en littérature, le goût si timide et si amolli qu’on le croirait d’après ses vers. […] Heureux pourtant et favorisé jusqu’à la fin, puisqu’il lui fut donné, par ses derniers sacrifices, de pouvoir racheter et expier en quelque sorte les mollesses de ses débuts, de confesser une religion de pauvreté par un coin d’adversité salutaire, et de prouver qu’il y avait en lui, sous ces formes tour à tour aimables et dignes, un fonds sincère de générosité humaine et chrétienne !
Poirson, soit dans les auteurs originaux qu’il indique) le récit des années qui précédèrent l’entrée de Henri IV dans Paris, on a bien le sentiment des différents temps de la crise et du degré de danger pour la conjuration duquel il fallut un prince aussi vaillant, aussi habile et aussi heureux. […] Pour dernier coup de crayon à ce vivant et naturel portrait tracé d’une main si ferme au milieu du tumulte et en plein orage, Du Fay insiste sur un point qui n’est pas indifférent en un chef de peuple : c’est que Henri IV est heureux, heureux à la guerre, heureux en toute chose. […] Plus d’un homme des champs qui savait ses anciens put se dire alors, en parodiant légèrement Ménandre : « La paix nourrit bien le laboureur, même en Sologne ; et la guerre le nourrit mal, même en Beauce. » L’heureux mot de Sully, et qui est resté, « que le labourage et le pâturage étaient deux mamelles dont était alimentée la France », exprime ce même sentiment. […] quels étaient au juste les longs desseins qu’il avait formés sur l’Europe, et de quelle manière cette grande guerre renaissante, et supposée heureuse, les aurait-elle fait tourner ?
Ceux qui en jugeront malicieusement et superficiellement, n’étant touchés que des événements heureux, diront ce qu’ils voudront de quantité de choses mal arrangées et qui pourraient se détruire par maintes bonnes raisons et sans réplique. […] Je lui ai répondu qu’il fallait se laisser juger ; que les campagnes heureuses sautaient aux yeux, que les autres demandaient trop de discours en public pour en faire connaître le mérite. […] Catinat, en écrivant, avait de ces mots heureux et d’autant plus remarqués qu’ils ne lui sortaient pas en abondance. […] Alceste paraît avoir été un Philinte auprès de ce Rubentel qu’on ne put garder au service malgré son mérite et qui s’en alla vivre et mourir seul à Paris, disgracié, irrité, pestant contre les humains et gardant une dent contre quiconque était plus heureux que lui. […] « Nous aurons, écrivait-il au roi le 15 septembre, toutes les troupes que Votre Majesté a fait marcher (on attendait de jour en jour un renfort ) ; tout est rempli de désir et d’envie d’agir et de contribuer glorieusement au bien de l’État, et avec confiance a l’heureuse étoile de Votre Majesté. » C’est la seconde fois que je surprends Catinat parlant de l’étoile du roi ; il en avait déjà parlé après le prompt et heureux siège de Nice.
Le court séjour qu’elle y fit, et pendant lequel elle écrivait de charmantes lettres collectives à ses trois enfants à Paris, réveilla en elle des traces de jeunesse, et lui apporta, malgré tout, quelque diversion heureuse, un loisir relatif et comme une allégresse d’imagination. […] Je suis heureuse du bonheur pur que tu ressens. […] que vous êtes heureux ! […] Dans les orages de ma vie, c’était comme une chapelle silencieuse où ma pensée allait s’abattre, et j’avais le bonheur de le sentir heureux, exempt des luttes avec le besoin qui brûle l’honneur » ; — et M. […] « Ce directeur comme divin a été jusqu’à me dire : « La chose est impossible, madame, et pourtant je vois qu’il le faut, et puisqu’il y va de votre tranquillité, nous passerons par-dessus ce que je ne peux vous détailler ; et pour que vous soyez heureuse, nous en ferons un homme heureux !
Le Roi d’Yvetot par où il débuta en mai 1813, me semble parfait ; pas un mot qui ne vienne à point, qui ne rentre dans le rythme et dans le ton ; c’est poétique, c’est naturel et gai ; la rime si heureuse ne fait, en badinant, que tomber d’accord avec la raison. […] Si ce n’est qu’une boutade, à la bonne heure : Les Gueux, les Gueux, Sont les gens heureux, Ils s’aiment entre eux… Les gueux, en effet, s’aiment-ils mieux que d’autres, et de ce qu’on n’a rien que sa guenille, est-on moins tenté de se la disputer ? […] Béranger a de ces vers heureux qui sont d’un vrai poète et d’un peintre, de ces coins de tableaux frais et riants, à condition qu’ils ne se prolongent pas. […] On en a retenu le refrain et des vers charmants : La fleur des champs brille à ta boutonnière… Ces jours mêlés de pluie et de soleil… C’est très joli de motif, très spirituel d’idées, quelquefois très heureux d’expression. […] Des quelques chansons composées et publiées par lui depuis février 1848, il n’y a rien à dire, sinon qu’elles n’offrent qu’un petit nombre de traits heureux, et qu’elles sont en général pénibles, rocailleuses et dures.
Ce sont ces affections qui, lorsque notre état leur est contraire, nous inspirent des constances inébranlables et nous livrent, au milieu de la foule, des luttes perpétuelles et malheureuses contre les autres et contre nous-même : mais, lorsqu’elles viennent à se développer dans des circonstances heureuses, alors elles font éclore des arts inconnus et des talents extraordinaires. […] Cet idéal, c’était de fonder une espèce de colonie qui aurait tenu de l’idylle, et où il aurait régi, non sans y mêler quelques sons de la flûte antique, des hommes dociles et heureux. […] quand pourrai-je, s’écrie-t-il, respirer le parfum des chèvrefeuilles, me reposer sur ces beaux tapis de lait, de safran et de pourpre que paissent nos heureux troupeaux, et entendre les chansons du laboureur qui salue l’aurore avec un cœur content et des mains libres ! […] Ils étaient venus, il y avait plusieurs années, chercher fortune ; ils avaient quitté leurs parents, leurs amis, leur patrie, pour passer leurs jours dans un lieu sauvage, où l’on ne voyait que la mer et les escarpements affreux du morne Brabant ; mais l’air de contentement et de bonté de cette jeune mère de famille semblait rendre heureux tout ce qui l’approchait. […] Disons toute notre pensée : si Bernardin n’avait sollicité de la sorte qu’en ces années dont nous parlons, quand il en avait si absolument besoin, quand il était comme un père ou comme une mère voulant produire le fruit ignoré de son génie, l’enfant de ses entrailles, s’il n’avait pas conservé ces habitudes de plainte et de sollicitation jusque dans des temps plus heureux et fait alterner perpétuellement l’idylle et le livre de comptes, ce serait simplement touchant, ce serait respectable et sacré.
Ce filon heureux qu’il a trouvé, on dirait qu’il l’ignore, tant il le quitte souvent pour de fantastiques essais comme pour l’alchimie du genre. […] Mais encore un coup, tout ce que nous disons à l’avantage de M. de Bernard n’est pas pour dégager son talent de l’obligation qu’il a contractée envers celui de M. de Balzac ; quand l’auteur d’Eugénie Grandet et de la Femme de trente ans finirait comme il a commencé, c’est-à-dire quand ses volumes heureux se trouveraient suivis d’autant d’œuvres illusoires qu’ils ont été précédés d’œuvres insignifiantes, quand lui-même, l’auteur de la Femme de quarante ans et de Gerfaut, serait devenu, par bien d’autres productions dont il est capable, le romancier régnant, il ne devrait pas, en avançant, séparer tout bas son progrès de son point de départ, car en littérature il est un peu comme un fils de famille ; il entre de plain-pied dans un genre ouvert, il arrive le lendemain d’un héritage riche, qu’il n’a qu’à grossir après l’avoir débrouillé. […] Le rôle de Marillac surtout est une création heureuse, et qui mérite de vivre après que l’original aura disparu.
Si cependant l’on se livre à des retours sur soi, ils sont tous remplis d’espérance ; le bien qu’on a fait est une égide qu’on croit voir entre le malheur et soi ; et lors même que l’infortune nous poursuit, on sait où se réfugier, on se transporte par la pensée dans la situation heureuse que nos bienfaits ont procuré. […] Qu’il est heureux celui qui a sauvé la vie d’un homme ! […] Qu’il est plus heureux encore celui qui a assuré la félicité d’un être sensible !
Depuis plusieurs années, des artistes de réputation (Ingres, Delaroche) n’exposaient plus : « Moi, Horace Vernet, je suis heureux d’avoir osé présenter ma poitrine en remplissant un devoir et en payant une dette de reconnaissance au public… Tant que ce même public voudra de moi, je serai sur la brèche. […] Mais Delaroche, malgré tout, n’était pas heureux ; même heureux, il avait, on l’a dit, le bonheur triste et craintif. […] J’ai promis quelques tableaux, je vais les faire. » « La montre marche toujours, mais les aiguilles ne marquent plus rien : autrement dit, ma vieille toiture33 est encore là, mais le cadran n’indique plus ce que je voudrais faire comprendre. » Nous savons des existences heureuses et qui le sont jusqu’au dernier jour de l’âge même le plus avancé ; ce sont là d’insolents et aussi de trop frivoles bonheurs. Horace Vernet, tout heureux qu’il fût, mérita de vieillir d’une manière plus conforme à l’humaine destinée commune. […] Pas trop de poètes on de peintres métaphysiques, je t’en conjure ; pas trop de messieurs de l’Empyrée, ni d’abstracteurs de quintessence : deux ou trois, par génération, suffisent ; mets-les à part et en haut lieu pour la rareté et pour la montre, garde-les pour tes grands dimanches ; mais, les jours ouvrables, sois heureuse encore et contente de retrouver de tes favoris et de tes semblables, de ces talents ou de ces génies faciles, qui, de tout temps, t’ont défrayée et charmée, qui te parlent ton langage et t’y entretiennent, qui te font passer tes plus agréables heures, et non pas les moins salutaires, en t’offrant à toi-même en spectacle sous tes mille aspects vivants, avec tes qualités et défauts divers : crânerie, héroïsme, gaieté, sentiment, humeur légère, audace brillante, coup d’œil net et bon sens pratique37.
D’un côté, une langue faite, une manière libre, gracieuse, alerte et vive, une agilité élégante, un heureux badinage ; de l’autre, de l’effort, de la subtilité, du sentiment alambiqué en quête de l’image, une obscurité fréquente et qu’il n’est donné qu’aux érudits d’expliquer et d’éclaircir. […] La première curiosité épuisée, il n’a pas tardé à éprouver le vide de la patrie, le mal de l’absence : France, mère des arts, des armes et des lois, Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle, Je remplis de ton nom les antres et les bois… Il se compare à d’autres plus heureux que lui, à des agneaux qui ne craignent ni le loup, ni le vent, ni l’hiver, et qui n’ont faute de pâture. […] Du Bellay y met en contraste l’heureux poète qui brille et fleurit en Cour de France et les trois exilés, Magny, Panjas et lui-même, qui, pour s’être attachés à d’illustres patrons, sont comme relégués et échoués au loin sur les bords du Tibre ; il faut citer tout ce sonnet, qui est d’un sentiment tendre et d’une belle imagination : Ce pendant que Magny suit son grand Avanson, Panjas son cardinal, et moi le mien encore, Et que l’espoir flatteur, qui nos beaux ans dévore, Appaste nos désirs d’un friand hameçon, Tu courtises les rois, et d’un plus heureux son Chantant l’heur de Henri, qui son siècle décore, Tu t’honores toi-même, et celui qui honore L’honneur que tu lui fais par ta docte chanson Las ! […] Vous courez à l’endroit d’où ils sont partis, et vous n’y trouvez que quelques plumes, seules marques de leur passage, que le vent a déjà dispersées : heureux le favori des Muses qui, comme le cygne, a quitté la terre sans y laisser d’autres débris et d’autres souvenirs que quelques plumes de ses ailes ! […] Le très beau sonnet de Du Bellay, son sonnet immortel : Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage !
Laurent, heureux de sa témérité, ne voulut pas en risquer le prix par une imprudence inutile ; il continua sa navigation. […] pense au faux éclat dont nous éblouissent les honneurs, les richesses et les plaisirs qu’on croit les plus propres à nous rendre heureux. […] Si l’emploi de tant de temps, de génie, d’artifices, avait eu un plus juste et plus digne objet, dans quel calme heureux et consolant tu verrais aujourd’hui s’écouler ta vie ! […] Alors on vit la culture la plus active étendre ses bienfaits sur cette belle et fertile contrée : non seulement ses plaines riantes et ses fécondes vallées furent couvertes de fruits, mais même le sol stérile et ingrat des montagnes fut forcé de payer un tribut à l’industrie du cultivateur ; et, sans reconnaître d’autre autorité que celle de sa noblesse et de ses chefs naturels, l’Italie était heureuse à la fois par le nombre et la richesse de ses habitants, par la magnificence de ses princes, par la grandeur et l’éclat imposant de plusieurs de ses cités… Abondante en hommes distingués par leur mérite dans l’administration des affaires publiques, illustres dans les arts et dans les sciences ; elle jouissait au plus haut degré de l’estime et de l’admiration des nations étrangères. […] Et tant que vous serez pénétré de ces principes, il ne vous sera pas difficile de rendre à votre famille et à votre patrie des services importants ; au contraire, vous pouvez devenir le lien heureux qui attachera plus étroitement cette ville à l’Église et votre famille à cet État ; et, quoiqu’il soit impossible de prévoir quels événements peuvent arriver un jour, je ne doute point que cela ne se puisse faire avec un égal avantage pour tous, observant néanmoins que vous devez toujours préférer les intérêts de l’Église.
. — Pour toi quand tout est mort, ami, tout vit pour moi : Ce déclin que l’Automne étale avec richesse Me parle, à moi, d’un temps de fête et d’allégresse, Du meilleur des saints jours, — alors qu’heureux enfants, Sur les bancs de la classe, en nos vœux innocents, Les feuilles qui tombaient ne nous disaient encore Que le très-doux Noël et sa prochaine aurore. […] Pour moi, ces douces pentes Me peignent le retour des natures contentes, L’heureux soir de la vie, — un esprit calme et sûr Qui, pour la fin des ans, réserve un fruit plus mûr ; Dans un œil languissant je crois voir l’étincelle, Un céleste rayon d’espérance fidèle, La jeunesse du cœur et la paix du vieillard. — Tout, pour toi, dans ce monde est ténèbres, hasard : Un grand principe aveugle, un mouvement sans cause Anime tour à tour et détruit chaque chose ; Par tous les éléments, sous les eaux, dans les airs, Chaque être en tue un autre : ainsi vit l’Univers ; Et dans ce grand chaos, bien plus chaos lui-même, L’homme, insondable sphinx, ajoute son problème, Crime et misère, en lui, qui se donnent la main ; La douleur ici-bas, et point de lendemain. — Oh !
Molé nous paraît offrir en lui véritablement cet heureux ensemble de considération personnelle, de politesse, de bon goût et de bon langage, qui désigne et qui, pour ainsi dire, définit avec une bienséance parfaite un membre de l’Académie française. […] Nous n’en voulons que tirer une conclusion, c’est que, si isolé qu’on se fasse, si désintéressé de tout et si moqueur absolu, on tient toujours à quelque chose ou à quelqu’un, ce qui est heureux, mais ce qui gêne le métier.
La gradation des souffrances en raison des fautes passées, ces âmes, plus ou moins heureuses, plus ou moins brillantes, selon qu’elles approchent plus ou moins de la double éternité des plaisirs ou des peines, pourraient fournir des sujets touchants au pinceau. […] Quitter les campagnes des mânes heureux pour revenir dans ce monde, c’était passer d’un état parfait à un état qui l’était moins ; c’était rentrer dans le cercle, renaître pour mourir, voir ce qu’on avait vu.
Je me porte à ravir, je me sens belle, il me semble que tout me réussira ; tout me sourit et je suis heureuse, heureuse, heureuse ! […] Heureux, heureux, celui qui sait dire comme il pense. […] Je suis absolument heureuse pendant deux heures. L’amour heureux doit produire une impression pareille. […] … Soyez heureux !!!
Rendre à la poésie française de la vérité, du naturel, de la familiarité même, et en même temps lui redonner de la consistance de style et de l’éclat ; lui rapprendre à dire bien des choses qu’elle avait oubliées depuis plus d’un siècle, lui en apprendre d’autres qu’on ne lui avait pas dites encore ; lui faire exprimer les troubles de l’âme et les nuances des moindres pensées ; lui faire réfléchir la nature extérieure non seulement par des couleurs et des images, mais quelquefois par un simple et heureux concours de syllabes ; la montrer, dans les fantaisies légères, découpée à plaisir et revêtue des plus sveltes délicatesses ; lui imprimer, dans les vastes sujets, le mouvement et la marche des groupes et des ensembles, faire voguer des trains et des appareils de strophes comme des flottes, ou les enlever dans l’espace comme si elles avaient des ailes ; faire songer dans une ode, et sans trop de désavantage, à la grande musique contemporaine ou à la gothique architecture, — n’était-ce rien ? […] M. de Banville a eu quelques-uns de ces coups heureux où se reconnaît un archer vainqueur. […] Où mon heureuse enfance Avait des jours encor Tout filés d’or ! […] Et c’est ainsi qu’au déclin d’une école et quand dès longtemps on a pu la croire finissante, quand de ce côté la prairie des muses semble tout entière fauchée et moissonnée, des talents inégaux, mais distingués et vaillants, trouvent encore moyen d’en tirer des regains heureux et de produire quelques pièces presque parfaites qui iraient s’ajouter à tant d’autres dans la corbeille, si un jour on s’avisait de la dresser, — dans la couronne, si l’on s’avisait de la tresser —, d’une anthologie française de ce siècle.
Quand l’auteur de la Némésis, Barthélemy, me décochait ses iambes mordants pour arrêter ma marche au début de ma carrière civique, j’étais jeune, riche, heureux, entouré de ces illusions du matin de la vie que trompe si souvent le soir, armé de mes vers pour le combat poétique, armé de ma parole aux tribunes pour le combat politique ; il était peut-être injuste, mais il était loyal et courageux de m’attaquer dans ma force. Aujourd’hui, je ne succombe pas, mais je chancelle sous le poids de beaucoup de choses plus lourdes que les années : je suis pauvre des besoins d’autrui ; sous ma fausse apparence de bien-être je ne suis pas heureux ; je n’éblouis personne de tous mes prestiges éteints ou éclipsés ; je dispute des proches, des amis, des clients, un berceau, un sépulcre, à l’encan des revendeurs de tombes ; je suis désarmé, je veux l’être ; il n’y a ni mérite, ni force, ni gloire à m’outrager ; il y en aurait à m’aider dans mon travail si l’on avait un autre cœur ! […] Je vends ma grappe en fruit comme tu vends ta fleur, Heureux quand son nectar, sous mon pied qui la foule, Dans mes tonneaux nombreux en ruisseaux d’ambre coule, Produisant à son maître, ivre de sa cherté, Beaucoup d’or pour payer beaucoup de liberté ! […] Pour bêcher plus à l’aise, Il fait bien moins de vent au pied de la falaise ; Heureux qui du gros temps, où sombra son bateau, A sauvé comme toi sa bêche et son râteau !
Rien n’est plus subtil, plus rare et plus heureux. […] Paul Adam, — auquel, cette longue parenthèse close, je suis heureux de revenir.) […] L’homme des Flandres qui, au xive siècle, suait sa vie à sculpter quatre pierres de la cathédrale de Bruges était-il moins ou plus heureux qu’un moderne ouvrier raffineur ? […] L’homme moral de Kant n’agit pas de telle sorte que son action soit heureuse aux autres, mais qu’elle soit aux autres une norme.
Maintenant qu’il n’est plus, on voudrait retrouver ces cristallisations éblouissantes, et on se livre à cette recherche ; mais les hommes qui ont ce génie de l’expression instantanée sont moins heureux que Polycrate. […] Panorama dans un éclair, monde dans une goutte de rosée ou de vin de Champagne, bulle d’arc-en-ciel suspendue à un fuseau d’ivoire et enflée par une haleine de cristal et deux lèvres vermeilles ; poudre d’or dansant dans la lumière électrique : vignette du Moyen Âge transposée du missel dans le monde moderne et à la marge de ses romans ; priapée légère, insolence de fillette heureuse, ivre saltarelle, pointe d’un poignard de cristal trempé dans un poison fait avec des roses, grelots de tambour de basque et sifflet d’argent, mais surtout sifflet (le serpent toujours !) […] La préoccupation si inférieure du théâtre dont il a toujours été fêlé, à toutes les époques de sa vie, depuis l’instant de sa jeunesse où il ne voyait qu’un sujet heureux de vaudeville dans ces Intimes que Raymond Brucker et Michel Masson lui infligèrent comme un roman terrible en l’y faisant travailler avec eux, jusqu’à l’heure où, en pleine maturité, il ne craignit pas de s’amincir dans de petites pièces plus petites que tout ce qu’il avait jamais écrit, lui, le travailleur si souvent en petit cependant ; la préoccupation du théâtre lui fit maintes fois terminer en queue de poisson ses plus belles œuvres commencées en têtes de sirènes (voyez son Notaire de Chantilly, son Dragon rouge, ses Nuits du Père Lachaise, sa Famille Lambert, etc., etc.). […] Il tordait la flèche comme il courbait l’arc : il y avait de l’effort dans son trait ; mais cet effort ne venait jamais de la faiblesse, et il était toujours heureux.
Bernardin y eût sans doute bâti de préférence la cabane de Virginie, si un heureux hasard l’avait tout d’abord porté en ce beau lieu, et l’île de France n’aurait pas tant à vanter ses Pamplemousses. […] Convenons qu’un poëte élégiaque n’est pas nécessairement tenu à de tels frais d’originalité ; il chante dans la langue de son temps, heureux et applaudi quand il y chante le mieux, et il n’a pas charge de refaire avant tout son instrument. […] Nous sommes assez heureux pour pouvoir donner la lettre simple, sérieuse et digne que le poëte écrivait à l’homme en place en le sollicitant. […] Parny avait contracté, à la fin de 1802, un mariage qui le rendit, durant ses dernières années, aussi heureux qu’on peut l’être quand le grand et suprême bonheur s’est enfui. […] La tristesse s’envolait, je répondais à ton sourire ; je suivais tes pas, ô Consolateur, avec le sentiment de la mort dans mon sein ; j’étais heureux au bord du néant.
L'antique modestie des matrones romaines admirablement peinte en vers simples, fidèles, une grande et vraie connaissance de l’Antiquité ; à tout moment d’heureuses réminiscences ou même des traductions, mais heureusement amenées à l’état de moyens dramatiques. […] L'auteur n’a manqué aucun des heureux motifs indiqués et les a développés avec un talent que tous, je crois, salueront. — Par malheur, la pièce sera mal jouée à l’Odéon.
petits moutons, que vous êtes heureux ; Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes ; Si-tôt qu’êtes aimés, vous êtes amoureux ; Vous ne savez que c’est de répandre des larmes, Vous ne formez jamais d’inutiles désirs ; Vous suivez doucement les loix de la Nature ; Vous avez, sans douleur, tous ses plus grands plaisirs, Exempts de passions qui causent la torture. […] Petits moutons, paissez sans regle & sans science : Vous êtes plus heureux & plus sages que nous, Quoi qu’en puisse jaser la trompeuse apparence.
C’est de lui qu’un Poëte a dit : Il reçut deux présens des Dieux, Les plus charmans qu’ils puissent faire : L’un étoit le talent de plaire ; L’autre, le secret d’être heureux. […] On y trouve cette belle Strophe : De la contrainte rigoureuse Où l’esprit semble resserré, Il reçoit cette force heureuse Qui l’éleve au plus haut degré.
Sans cela, M. l’Abbé Iraïl auroit-il dit, en parlant de Racine, qu’il place au dessus du sublime Corneille : Heureux s’il eût été aussi grand Philosophe qu’il étoit grand Poëte ! On ne voit pas ce qu’auroit pu ajouter au mérite de Racine cette bien heureuse Philosophie, que le bon M.
Les autres sont presque devenus pour nous les évenemens d’une histoire étrangere, d’autant plus que nous n’avons pas le soin de perpetuer le souvenir des jours heureux à la nation par des fêtes et par des jeux annuels, ni celui d’éterniser la memoire de nos heros, ainsi que le pratiquoient les grecs et les romains. […] Quand bien même il seroit vrai que nos moeurs, nos combats, nos fêtes, nos ceremonies et notre religion, ne fourniroient point aux poëtes une matiere aussi heureuse que celle que fournissoit à Virgile le sujet qu’il a traité, il ne seroit pas moins necessaire d’emprunter de notre histoire les sujets des poëmes épiques.
On aimait à se le figurer ainsi ; on le trouvait trop heureux pour lui permettre les passions violentes. […] Est-ce bien de te souhaiter heureuse ? […] Être heureux poétiquement, voilà l’objet d’un poëte dilettante. […] Les idées viennent de naître ; l’homme est heureux et encore enfant. […] Qu’il est heureux parmi ses beaux livres, ses amis, ses chèvrefeuilles et ses roses !
« Cette conviction, que chacun entretenait, le rendait heureux et le consola dans les revers de fortune qui l’atteignirent à la fin de sa vie. […] « D’heureuses circonstances protégèrent encore notre affection. […] ils vendent tout le jour, comptent le soir leur gain, se délectent de temps à autre à quelque affreux mélodrame, et les voilà heureux ! […] … « “Je m’arrête, je suis trop triste ; le ciel devait un frère plus heureux à une sœur si affectionnée ! […] Il m’aborda avec l’empressement d’un homme heureux qui brûle de faire partager son bonheur encore caché à un ami. — Que faites-vous ?
Il était dans son heureux déclin, dans le plein et doux éclat du soleil couchant. […] Il a écrit ses mémoires ; il fut constamment heureux. […] L’accueil a été extrêmement affectueux, et l’impression que sa personne a faite sur moi a été telle, que je compte ce jour parmi les plus heureux de ma vie. […] J’étais on ne peut plus heureux, car chacune de ses paroles respirait la bienveillance, et je sentais qu’il avait une bonne opinion de moi. […] On jugera combien je m’estimai heureux quand je la tins sous mes yeux.
Catherine et moi nous allions derrière, dans le verger ; nous mordions dans les mêmes pommes et dans les mêmes poires ; nous étions les plus heureux du monde. […] « C’est un joli cadeau, Joseph, dit-il ; Catherine doit s’estimer bien heureuse d’avoir un amoureux tel que toi. […] Il monte au clocher pour revoir de loin la maison de sa tante Grédel aux Quatre-Vents, où il a été si heureux la veille avec Catherine. […] » Le soir, à la halte, nous étions bien heureux de reposer nos pieds fatigués, moi surtout. […] Goulden, qui nous aimait comme ses enfants, m’avait mis de moitié dans son commerce ; nous vivions tous ensemble dans le même nid : enfin, nous étions les plus heureux du monde.
Le roi de Pylos, le vieux Nestor, si l’on en doit croire Homère, atteignit les années de la corneille dans une constance de félicité sans éclipse, heureux, selon le vulgaire, d’avoir ajourné la mort pendant tant de révolutions des jours, et d’avoir bu si souvent le jus nouveau du raisin qui coule du pressoir aux vendanges. […] Louis avait du goût, Louis aimait la gloire ; Il voulut que ta muse assurât sa mémoire, Et, satirique heureux, par ton prince avoué, Tu pus censurer tout, pourvu qu’il fût loué ! […] Écoutez comme il continue dans le même style : Qu’heureux est le mortel qui, du monde ignoré, Vit content de soi-même à l’ombre retiré ! […] Là, parmi les douceurs d’un tranquille silence, Règne sur le duvet une heureuse indolence ; C’est là que le prélat, muni d’un déjeuner, Dormant d’un léger somme, attendait le dîner. […] La Fontaine avait des grâces enfantines de langue et des hasards heureux de poésie qui devaient engouer longtemps la France ; mais les grâces enfantines s’évaporent avec la jeunesse et ne survivent pas longtemps à la maturité des peuples.
Sandeau, moins puissant, a été plus heureux. […] Ses débuts furent heureux. […] Cela est heureux et excellent. […] En attendant, il est presque heureux. […] Je ne puis être heureuse qu’auprès de lui.
Il la perdit après peu d’années de mariage, et tomba dans un abattement et un désespoir qu’il crut éternel ; on lui doit cette justice qu’il fit tout son effort pour conserver et consacrer cette disposition d’âme, et il eût volontiers écrit alors à M. de Tréville, ou à tel autre de ses amis avancé dans la pénitence, cette belle parole qui résume toute la piété d’un deuil vertueux : « Priez Dieu d’accroître mon courage et de me laisser ma douleur. » On a dans plusieurs lettres de lui, et dans des réflexions écrites en ce temps-là, l’expression très naturelle et très vive de ses sentiments ; il s’écriait : Dieu a rompu la seule chaîne qui m’attachait au monde ; je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir ; je regarde la mort comme un moment heureux… Que je me trouve jeune ! […] que je serais heureux s’il avait plu à Dieu de me réduire à l’aumône, et de me la conserver ! […] On a une lettre de lui « à un mari et à une femme qui s’aimaient fort, et qui avaient beaucoup de piété » ; il leur disait : J’ai vu les jours heureux que vous voyez ; il a plu à Dieu de me faire sentir la douleur mortelle de les voir finir ; et il lui plaît encore d’entretenir cette douleur si vive dans mon cœur… Tous mes jours sont trempés dans le fiel ; je ne me repose que dans la pensée de la mort, et, ce que Dieu seul peut faire, au milieu de tout cela je suis heureux, sans perdre rien de ma douleur. […] Lassay avait du goût pour les jardins et pour les bâtiments, comme il le prouva plus tard en accommodant l’hôtel Lassay, comme il l’avait déjà montré en petit dans sa jolie maison de retraite près des Incurables ; il avait le goût simple et uni, et avec peu il obtenait d’heureux effets : Je vous demande encore, disait-il à la maîtresse de cette villa de Bagnaia, de faire abattre, à hauteur d’appui, la muraille qui est devant vos fenêtres, car cette muraille vous donne une vue effroyable et vous en cache une fort belle ; et, si on prétend qu’elle est nécessaire pour votre maison, il n’y a qu’à faire un petit fossé derrière.
Il y a cinquante-deux ans que le dimanche 28 germinal an X (18 avril 1802), jour de Pâques, Le Moniteur publiait à la fois l’annonce de la ratification du traité de paix signé entre la France et l’Angleterre, la proclamation du Premier consul déclarant l’heureuse conclusion du Concordat devenu loi de l’État ; et, ce même jour où l’église de Notre-Dame se rouvrait à la solennité du culte par un Te Deum d’action de grâces, Le Moniteur insérait un article de Fontanes sur le Génie du christianisme qui venait de paraître et qui inaugurait sous de si brillants auspices la littérature du xixe siècle. […] Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même… » Et cette note, qui peut tenir lieu des trois ou quatre autres qui sont aussi expressives et aussi formelles sur le même sujet, finit en ces mots sinistres : « Il y a peut-être un Dieu, mais c’est le Dieu d’Épicure ; il est trop grand, trop heureux pour s’occuper de nos affaires, et nous sommes laissés sur ce globe à nous dévorer les uns les autres. » Ainsi donc voilà où en était Chateaubriand à la veille du moment où il fut vivement frappé et touché, et où il conçut l’idée du Génie du christianisme. […] Je pourrais encore être heureux et à peu de frais : il ne s’agirait que de trouver quelqu’un qui voulût me prendre à la campagne ; je payerais ma pension après la guerre. […] Pour moi, je m’estime heureux d’avoir pu (à deux ans près de retard) célébrer à ma manière ce que j’appelle le jubilé du Génie du christianisme 23. […] Il y a peut-être un Dieu, mais c’est le Dieu d’Épicure ; il est trop grand, trop heureux pour s’occuper de nos affaires, et nous sommes laissés sur ce globe à nous dévorer les uns les autres.
Je me trouve à présent la plus heureuse mère du monde, qu’ils me sont tous rendus, et il me semble qu’une pierre du cœur m’est ôtée. » À Potsdam, deux ans après, il se montre plein de sollicitude et d’angoisse pour le prince Henri qui a failli être victime d’un accident, de la chute d’un cadre qui lui est tombé sur la tête. […] Heureux sont les gens que vous aimez, je veux le croire ! […] Le 5 décembre, à un mois jour pour jour de Rosbach, il écrivait au prince Henri sur le ton le plus tendre : Mon cher cœur, aujourd’hui un mois du jour de votre gloire, j’ai été assez heureux de traiter les Autrichiens ici de même. […] Le prince Henri accepte tout bas la comparaison, et pour donner tout le tort à son frère, lequel fut d’abord bien moins heureux en résultats que Pompée ; on a de lui, au bas d’une lettre autographe du roi, la note suivante, où il exhale ses secrètes amertumes : Je ne me fie nullement à ces nouvelles (des nouvelles rassurantes que Frédéric lui disait tenir de bonne source) ; elles sont toujours contradictoires et incertaines comme son caractère. […] Les connaisseurs y remarqueront aisément ce mélange heureux de prudence et de hardiesse si rare et si désiré, qui unit et rassemble le plus de perfections que la nature puisse accorder pour former un grand homme de guerre.
La pensée lui naît tout ingénieuse, tout ornée, parfois très heureuse, d’autres fois recherchée, un peu bizarre et demandant de la réflexion pour être saisie. […] Jamais rien n’a été si heureux. » Mais elle oublie, dans son propre système, qu’un pape n’est pas Priam, qu’il est au moins à la fois Priam et Calchas, et qu’il y a des supplications auxquelles le vicaire de Dieu ne descend pas. […] Amenée, moins encore par mon âge que par la reconnaissance qu’il laisse croître, à étudier la vieillesse, je me retrouve peu sur le chemin des autres, et je voudrais ici l’étudier dans ses rapports avec Dieu et l’autre vie ; montrer que la vieillesse est pleine de grandeur et de consolation ; que son activité, concentrée en un foyer, en est plus intense ; que la dignité, la beauté d’une situation dont l’âme fait toute la vie, élèvent au-dessus de tout cette situation même ; et qu’enfin, comme on l’a dit du prêtre, si le vieillard est le plus malheureux des hommes, il est le plus heureux des chrétiens, le plus averti, et, s’il le veut, le plus consolé. […] « Ce sont les mœurs, a-t-elle dit, qui font les malheurs, et non pas la vieillesse… Préparez-vous, ma fille, une vieillesse heureuse par une jeunesse innocente. » Et avec le conseil moral, la consolation religieuse vient à la suite comme une dernière auxiliaire. […] Si la vie du vieillard a été vertueuse, le long regard jeté par lui sur le passé est plein de douceur ; il contemple tous les éléments, tous les gages d’un immortel et heureux avenir.
Cet homme qui passe pour avoir été si heureux, et dont toute la carrière est comme un démenti donné à l’infortune héréditaire des poëtes, avait son gravier au pied, qui le blessait. […] Gœthe osait donc se découvrir devant Eckermann et montrer les nombreuses piqûres que son amour-propre avait reçues ; il semblait lui dire en les étalant : « Voyez, il n’y a pas d’homme complètement heureux. » Ainsi, un jour qu’il causait de son recueil de poésies à l’orientale, le Divan, et particulièrement du livre intitulé Sombre humeur, dans lequel il avait exhalé ce qu’il avait sur le cœur contre ses ennemis : « J’ai gardé beaucoup de modération, disait-il ; si j’avais voulu dire tout ce qui me pique et me tourmente, ces quelques pages seraient devenues tout un volume. — Au fond, on n’a jamais été content de moi, et on m’a toujours voulu autre qu’il a plu à Dieu de me faire. […] Si j’avais pu me retirer davantage de la vie publique et des affaires, si j’avais pu vivre davantage dans la solitude, j’aurais été plus heureux, et j’aurais fait bien plus aussi comme poëte. […] La visite que fit Ampère à Weimar en compagnie d’Albert Stapfer, au printemps de 1827, fut pour Gœthe une nouvelle et heureuse occasion de se mettre encore mieux au courant de la France et de chacun de ses écrivains en renom ou en promesse. […] David le sculpteur, qui avait fait le voyage de Weimar vers ce temps et tout exprès pour en rapporter le majestueux portrait et le buste, envoya bientôt à Gœthe (mars 1830) une caisse contenant sa collection de médaillons en bronze ou en plâtre, avec des livres de nous tous d’alors, fiers et heureux que nous étions de rendre hommage au patriarche de la poésie et de la critique : « David, disait Gœthe (14 mars), m’a, par cet envoi, préparé de belles journées.
Le même étranger que je viens de citer pour son mot heureux d’une invasion de barbares dirigée par Orphée ajoutait avec cet esprit positif qui est bien celui d’un Anglais : « Mais les chœurs se payent bien cher ; trente sous par jour pour chaque choriste ! […] ici nous sommes prêts à reconnaître, nonobstant toutes les exceptions flagrantes, une tendance générale de la société et de la civilisation vers l’ordre d’idées pacifiques et économiques prêchées par M. de Girardin ; et c’est ce qui a fait dire de lui à M. de Lamartine en une parole heureuse et magnifique comme toutes ses paroles : « Chez Girardin le paradoxe, c’est la vérité vue à distance. » Mais à quelle distance ? […] Dans les échecs des heureux, il y a toujours quelque chose qui console le commun du monde et qui ne déplaît pas. […] Un mot heureux a souvent suffi pour arrêter un armée qui fuyait, changer la défaite en victoire et sauver un empire… « Il y a des mots souverains : tel mot fut plus puissant que tel monarque, plus formidable qu’une armée. […] Quand il a trouvé une forme heureuse, il ne craint pas d’en user, d’en abuser même, jusqu’à satiété et extinction.
et par quelle suite laborieuse et lente d’inventions, de hasards heureux, d’industrie et de luttes, par quelles horribles scènes d’entre-mangeries et de massacres, il a dû commencer à se frayer la route, à déblayer et à marquer sa place sur cette terre humide encore et à peine habitable, dont il sera un jour le roi ! […] Le savant étudie tout ; il cherche ; il recueille les moindres vestiges, ceux que procurent de temps en temps des fouilles heureuses, des trouvailles fortuites, et qui pouvaient aussi bien ne pas se rencontrer. […] Ses recherches les plus profondes, les plus heureuses, ses découvertes même, s’il en fait, il sait que c’est si peu de chose ; que d’autres avant lui ont cherché et découvert, et que de loin tout cela fait à peine un anneau distinct dans la chaîne, si courte pourtant, et d’hier seulement renouée, des connaissances humaines. […] Quelques-uns sont une exception heureuse ; on les distingue, on les compte, la plupart, ni bons ni mauvais, à la merci des impressions, ont un premier mouvement naturel ; mais le temps, les années, les circonstances et les intérêts qui changent et s’éloignent, les changent aussi. […] Je le livre aux. croyants plus heureux que lui dans tout son incomplet et sa nudité.
En lisant ces pages de M. de Lamartine et en trouvant à chaque instant des expressions heureuses, larges, élevées et même fines (car il y a du fin et du spirituel proprement dit chez lui bien plus qu’on ne le croirait, il y a même de la malice en quelques endroits), on éprouve un vif regret : c’est que la rhétorique, l’habitude et le besoin d’étendre, de forcer et de délayer, le conduisent à compromettre ces pensées et ces touches excellentes : « Depuis deux ans, dit-il de Napoléon, son retour à Paris, autrefois triomphal, était soudain, nocturne, triste. […] Mais ce qui est à côté les trahit, et ne les montre que comme d’heureux hasards ou comme des jeux d’une rhétorique supérieure. […] Lainé, soulevé de son siège de président par l’émotion de l’honnête homme, parut à la tribune… » D’autres fois pourtant, l’éloquent historien de seconde main est moins heureux, et, voulant citer d’après M. […] Tous ces portraits séduisent à première vue, et offrent des traits heureux, des couleurs neuves : mais, en général, ils sont outrés et passent la mesure. […] Peu importent, encore une fois, ces bagatelles : il y a longtemps qu’on a dû en faire son deuil avec M. de Lamartine, ne plus même lui donner de conseils, et se contenter de profiter, en le lisant, de tout ce qui échappe encore d’heureux aux rapidités et aux négligences de son génie.
Pour être honnête homme (selon le chevalier toujours), il faut prendre part à tout ce qui peut rendre la vie heureuse et agréable, agréable aux autres comme à soi. […] disois-je en soupirant, que ses domestiques sont heureux qui peuvent la regarder et lui parler ! […] Que je serois heureux, disois-je en soupirant d’amour et de joie, si je me pouvois insinuer dans son cœur ! […] Et parce que tout le monde veut être heureux, et que c’est le but où tendent toutes les actions de la vie, j’admire que ce qu’ils appellent vice soit ordinairement doux et commode, et que la vertu mal entendue soit âpre et pesante. […] Le plus heureux homme du monde n’a jamais tous ces plaisirs à souhait.
C’était l’image de la bonté de M. de Mareste : gaie et chaude à l’intérieur avec les heureux du monde ; sensible, et humide et compatissante au dehors avec ceux qui souffrent et qui pleurent ; aimé de tout le monde, des heureux parce qu’il partage leur gaieté, des malheureux parce qu’il pleure sur eux comme eux-mêmes. […] En suis-je plus heureux qu’avant de les connaître ? […] Vous chantez, vous priez, comme Abel, en aimant ; Votre cœur tout entier est un autel qui fume, Vous y mettez l’encens et l’éclair le consume ; Chaque ange est votre frère, et, quand vient l’un d’entre eux, En vous il se repose, — ô grand homme, homme heureux ! […] dussiez vous de loin, si mon destin m’entraîne, M’oublier, ou de près m’apercevoir à peine, Ailleurs, ici, toujours, vous serez tout pour moi : — Couple heureux et brillant, je ne vis plus qu’en toi. […] Vous avez, plus heureux que moi, refusé de mêler les eaux pures de votre talent avec les eaux troubles et tumultueuses de votre temps ; et plût à Dieu que j’en eusse fait autant à l’âge de ma sève politique !
Ainsi, dans Shakespeare, un personnage, en voyant une charmante jeune fille, dit : « Heureux les parents qui la nomment leur fille ; heureux le jeune homme qui l’amènera comme fiancée ! […] Je fus heureux de son désir. […] Il était content d’avoir noué d’aussi heureuses relations avec Ampère, et il s’en promettait les plus heureuses suites pour la diffusion et la juste appréciation de la littérature allemande en France. […] m’écriai-je, et j’étais heureux à pleurer. […] Touchez là, et mes bravos pour vous et pour vos heureuses observations !
Dans les réminiscences calculées, dans les allusions heureuses, dans l’esprit discret de ses petits poëmes, je trouve d’avance plusieurs traits du Spectator. […] Et chercherez-vous un entretien plus aimable que celui d’un homme heureux et bon, dont le savoir, le goût, l’esprit ne s’emploient que pour vous donner du plaisir ? […] En Angleterre, il fut extraordinaire, égal à celui des plus heureux romanciers modernes. […] Une terre franche, quand elle ne se composerait que de neige et de glace, rend son maître heureux de sa possession et résolu pour sa défense… Je me considère comme un de ceux qui donnent leur consentement à toutes les lois qui passent. […] Dois-tu craindre la mort qui te conduit vers une vie si heureuse ?
Je suis un heureux père. […] Je suis heureux à ma manière. […] Un jour vous saurez que l’on est bien plus heureux de leur bonheur que du sien propre. […] un homme qui rendrait ma petite Delphine aussi heureuse qu’une femme l’est quand elle est bien aimée, mais je lui cirerais ses bottes, je lui ferais ses commissions. […] Moi, je suis heureux de la petite existence que je me créerai en province, où je succéderai tout bêtement à mon père.
Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières. […] L’homme est placé, par toutes ses affections, dans cette triste alternative ; s’il a besoin d’être aimé pour être heureux, tout système de bonheur certain et durable est fini pour lui, et s’il sait y renoncer, c’est une grande partie de ses jouissances sacrifiées pour assurer celles qui lui resteront, c’est une réduction courageuse qui n’enrichit que dans l’avenir. […] Si deux amis peuvent réussir à confondre leurs existences, à transporter l’un dans l’autre ce qu’il y a d’ardent dans la personnalité ; si chacun d’eux n’éprouve le bonheur ou la peine que par la destinée de son ami ; si se confiant mutuellement dans leurs sentiments réciproques, ils goûtent le repos que donne la certitude, et le charme des affections abandonnées, ils sont heureux ; mais que de douleurs peuvent naître de la poursuite de tels biens !
C’est surtout en combinant, en développant des idées abstraites, en portant son esprit chaque jour au-delà du terme de la veille, que la conscience de son existence morale devient un sentiment heureux et vif ; et quand une sorte de lassitude succéderait à cette exertion de soi-même, ce serait aux plaisirs simples, au sommeil de la pensée, au repos enfin, mais non aux peines du cœur, que la fatigue du travail nous livrerait. […] Si les passions renaissaient sans cesse de leur cendre, il faudrait y succomber ; car on ne peut pas livrer beaucoup de ces combats qui coûtent tant au vainqueur : mais bientôt on s’accoutume à trouver de vraies jouissances ailleurs que dans les passions qu’on a surmontées, et l’on est heureux et par les occupations de l’esprit, et par l’indépendance parfaite qu’on leur doit. Trouver dans soi seul une noble destinée, être heureux, non par la personnalité, mais par l’exercice de ses facultés, est un état qui flatte l’âme en la calmant.
Nature du sujet, sagesse du plan, ordonnance des tableaux, fraîcheur du coloris, choix des ornemens, richesse des détails, naturel des descriptions, vérité des caracteres, finesse de morale, tout y fait sentir cette heureuse facilité inconnue avant lui. […] Ni l’or, ni la grandeur ne nous rendent heureux ; Ces deux Divinités n’accordent à nos vœux Que des biens peu certains, qu’un plaisir peu tranquille ; Des soucis dévorans c’est l’éternel asile ; Véritable Vautour, que le fils de Japhet Représente enchaîné sur son triste sommet. […] Il ne se faut jamais moquer des misérables ; Car qui peut se flatter d’être toujours heureux ?
Par cette heureuse facilité d’animer tout ce qu’il dit, par l’heureux talent de parler intimement au cœur, de l’attendrir, de lui faire éprouver, par des charmes aussi doux que puissans, tous les mouvemens des passions, il s’est rendu maître de la Scène tragique, en maniant, avec une supériorité sans égale, le plus intéressant de ses ressorts, la pitié. […] Les heureuses dispositions que cet Ouvrage annonçoit, n’échapperent point à Chapelain.
C’est un bohème coiffé, et même de toutes manières ; car il a toujours été fastueusement heureux. […] Il y en a qui ne mourront jamais que de vieillesse, comme Arlequin, ou qui ne se brûleront la cervelle qu’avec… des truffes ; qui vivent plantureusement, heureux comme des bourgeois, — car on ne dit plus : heureux comme des princes !
Estimons-nous donc heureux d’avoir eu l’année 1846 dans le lot de notre existence ; car l’année 1846 a donné aux sincères enthousiastes des beaux-arts la jouissance de dix tableaux de David et onze de Ingres. […] Ingres n’est jamais si heureux ni si puissant que lorsque son génie se trouve aux prises avec les appas d’une jeune beauté. […] Ary Scheffer est un homme d’un talent éminent, ou plutôt une heureuse imagination, mais qui a trop varié sa manière pour en avoir une bonne ; c’est un poëte sentimental qui salit des toiles.
Est-ce que vous ne voudriez pas être heureux ? […] Est-ce vraiment pour eux la saison heureuse ? Mais quelle est la saison heureuse pour les ouvriers de plein air ? […] Elle n’est pas spécialement heureuse non plus pour moi qui travaille à l’ombre. […] Le jardin public est une heureuse conception, mais ce n’est qu’un pis aller : combien plus heureuse est la conception du jardin privé !
Tel est l’heureux privilège des principes théologiques, sans lesquels on doit assurer que notre intelligence ne pouvait jamais sortir de sa torpeur initiale, et qui seuls ont pu permettre, en dirigeant son activité spéculative, de préparer graduellement un meilleur régime logique. […] Ces exigences intellectuelles, relatives, comme toutes les autres, à l’exercice régulier des fonctions correspondantes, réclament toujours une heureuse combinaison de stabilité et d’activité, d’où résultent les besoins simultanés d’ordre et de progrès, ou de liaison et d’extension. […] Notre respectueuse admiration sera toujours bien due assurément à la prudence sacerdotale qui, sous l’heureuse impulsion d’un instinct public, a su retirer longtemps une haute utilité pratique d’une si imparfaite philosophie. […] Cette prééminence est d’une nature tellement sensible que, sans doute, la raison publique la reconnaîtra suffisamment, longtemps avant que les institutions correspondantes aient pu convenablement réaliser ses heureuses propriétés. […] Cette heureuse disposition, aussi favorable à l’ordre universel qu’à la vraie félicité personnelle, acquerra un jour beaucoup d’importance normale, d’après la systématisation des rapports généraux qui doivent exister entre ces deux éléments extrêmes de la société positive.
Heureux, si dans ton sein doucement je m’endors ! […] Les amis heureux le désiraient, le rappelaient. […] Je conjecture que la Maison rustique, transformation heureuse de l’ancien Verger, est le fruit aimable de ce premier printemps de la patrie. […] Les Stances à une jeune Anglaise, qui se rapportaient à un bien ancien souvenir, ne lui sont peut-être venues que là, dans cette veine heureuse. […] Napoléon décrète l’esprit de l’histoire ; c’est heureux qu’il ne décrète pas aussi le talent et la capacité de l’historien.
Ce qui a paru de lui dans le Public, se réduit à des Odes au dessous du médiocre, à une Satire sur le Goût, dont les principes sont assez judicieux, & la versification heureuse par intervalles ; à un Poëme intitulé Mon Odyssée, qu'on croiroit avoir été fait pour des Lecteurs tudesques, tant le style en est dur & baroque, tant les rimes en sont bizarres : qu'on ajoute à cela la pauvreté du sujet, & l'on aura l'idée du plus pitoyable Ouvrage qui ait été fait depuis d'Assoucy jusqu'à nous, puisque le Héros de ce Poëme est M. […] Est-il plus heureux, quand il nous accuse de malignité, & qu'il compare ingénieusement notre plume à la griffe du tigre ?
Il fut aussi très sage, très riche et très heureux. […] Heureux lui-même, il n’eut qu’une passion : le bonheur de l’humanité. […] Mais comment être heureux ? […] Il faut être heureux. […] Heureux d’être seul, il serait plus heureux encore, si l’on savait qu’il est heureux d’être seul, de travailler dans la solitude des nuits, sous sa lampe ; et il serait tout à fait aise, lorsqu’il a clos sa porte, que sa bonne la rouvrît pour un visiteur, qu’elle montrât à l’importun, par l’entrebâillement, l’homme de lettres heureux d’être seul.
… Voyez, il ne sait accueillir aujourd’hui que l’ironie terrible de Pascal ; demain peut-être il sera dompté par le puissant génie de Bossuet : heureux si, le jour suivant, il vient à prendre goût aux chants mélodieux de Fénelon, lorsqu’il charme notre exil par les plus douces paroles qui se soient trouvées jamais sur les lèvres d’un habitant de la terre ! […] Puissent-ils tous les deux, et tous ceux qui seront remplis du même esprit, avoir assez de force ascendante pour élever tout ce qui s’y attachera vers une sphère plus heureuse ! […] Montrez-le-moi, ce mortel privilégié : son imagination a tenu toutes ses promesses ; l’amour l’a conduit par la main ; heureux époux, père plus heureux encore, il n’a acheté par aucun tourment le charme des affections du cœur ; il a connu les agréments de la société sans ignorer les plaisirs de la solitude ; il n’a rencontré sur sa route que des hommes bons et généreux, et lui-même n’a jamais vu au fond de son âme que des pensées douces et calmes qu’il s’est plu à entretenir ; il a joui de ses souvenirs comme il avait joui de ses espérances ; il a trouvé dans le passé le gage de l’avenir : montrez-le-moi ! […] » Un hasard heureux a mis entre nos mains une petite relation d’un pèlerinage au Mont-Cindre près Lyon, relation écrite par une jeune Languedocienne de seize ans. […] Heureux si, à défaut d’une exposition complète de système, cette étude de biographie psychologique a insinué à quelques-uns la connaissance, ou du moins l’avant-goût, d’un homme dont la noble ingénuité égale la profondeur, et si cette explication intérieure et continue que nous avons cherché à démêler en lui peut servir de prolégomènes en quelque sorte à ses prolégomènes !
— Rien de plus heureux, on le voit, que tout ce concert extérieur qui tend à faire de Médée le personnage nécessaire. […] Les compagnes, à l’unanimité, applaudissent à une idée si heureuse, et se promettent d’en profiter. […] que je suis heureuse, s’il n’y venoit point à faux ! […] je pars : puisses-tu être heureuse, si loin que je sois de toi ! sois heureuse, ô Chalciope, et adieu toute la maison !
ne vous flattez pas, il pourrait vous surprendre… C’est cette surprise, surprise heureuse et douce, qu’on éprouve en lisant les poètes qui ont à la fois pensé et senti. […] Dans la joie ou les pleurs, montez, rumeurs suprêmes, Rires des dieux heureux, chansons, soupirs, blasphèmes ! […] Tel, parmi les sanglots, les rires et les haines, Heureux qui porte en soi, d’indifférence empli. […] » Les apologistes de la foi sous toutes ses formes, — foi morale à la façon de Kant ou foi proprement religieuse, — les criticistes comme les adeptes des religions protestante ou catholique, ont été heureux du renfort que semblait leur apporter cette « bible », si propre à produire le dégoût pour le nouveau Credo de la science. […] Richepin a parfois trouvé quelques formules heureuses de la doctrine du hasard, — comme quand il compare l’appareil des causes et des lois à des Babels colossales de nuages, dont l’architecture n’est pas dans le ciel, mais dans nos pensées251, — il n’a introduit dans le matérialisme, malgré ses prétentions à l’originalité, aucune idée nouvelle.
Sérieusement, ç’a été une idée heureuse et bien conçue, d’embrasser un groupe naturel, un groupe de famille, qui offre à la fois des traits frappants de ressemblance et une agréable variété. […] Elle n’était consumée que du désir d’être heureuse et glorieuse ici-bas, et d’arriver à une haute alliance. […] À Berlin, lorsqu’il y fut envoyé en 1756 à la veille de la guerre de Sept Ans, le duc de Nivernais ne fut point heureux. […] Je ne persuade personne, mais j’espère que je serai plus heureux cet été aux Tuileries quand j’irai lire la Gazette avec les opposants. […] On y vit d’heureux traits de détail, mais on y sent trop bien l’absence d’intérêt dans les sujets et le manque d’invention poétique.
Je suis heureux, Monsieur, de pouvoir me dire aussi votre sincère admirateur et ami. […] L’éclat pittoresque des images, l’heureuse alliance et l’habile entrelacement des sentiments familiers et des plus sublimes visions, que de merveilles n’a-t-il pas faites ! […] À l’heure qu’il est, Les Contemplations sont dans toutes les mains ; on dirait que le lecteur, dégoûté des rapsodies qui ont vu végéter ces dernières années si stériles, ait voulu se retremper dans ce grand fleuve qui prend sa source aux derniers jours de la Restauration et qui n’a cessé de rouler, à travers tous les événements heureux ou malheureux, glorieux ou funestes, ses flots de belles pensées et de beaux vers. […] François Coppée Père, bénis tes fils versant d’heureuses larmes. […] Ambroise Thomas Je suis heureux de pouvoir offrir à notre cher Grand Poète l’hommage de ma vieille et profonde admiration.
Édouard Ducoté (Aventures, Renaissance, le Chemin des Ombres heureuses, la Prairie en fleurs), est un poète et un moraliste en même temps. […] Vielé-Griffin il demeure obstinément fidèle à cette formule à laquelle, il doit des effets heureux et des notations nouvelles. […] Le mot est heureux, on a cru voir dans le manifeste de M. […] Eugène Vaillé chante à la Gloire de la Luxure en rythmes libres et souvent heureux, et de lui il faut attendre de plus complètes manifestations. […] René d’Avril (Promenades dans l’Âme), un peu compliqué, un peu diffus, mais plein de trouvailles heureuses, M.
Sa folie est d’en vouloir faire la critique6. » Le xviiie siècle eut cette heureuse folie. […] Mais la doctrine platonicienne, plus large et moins positive que celle du Lycée, moins accessible à des intelligences à la fois étroites et subtiles, moins flexible aux exigences de la méthode et de l’enseignement scolaires, avait été presque entièrement délaissée, pendant le moyen âge, au profit de son heureuse rivale. […] Nul ne connaîtrait mieux la route que le pilote éprouvé par maintes traversées heureuses. […] Sans doute le vrai critique est doué d’un tact délicat qui lui révèle dans quelques lignes l’ouvrage digne de son attention ; ses doigts eux-mêmes, en feuilletant un volume, semblent s’arrêter sur une heureuse page et y appeler le regard. […] La circonstance heureuse qui met en lumière l’homme de talent encore obscur n’a rien en soi de nécessaire : elle peut manquer demain comme aujourd’hui, l’année prochaine comme cette année.
. — Et cependant, du moins, tout ce que je voyais alors agissait sur moi pour me ranimer ; tout me faisait fête dans la nature ; c’était vraiment un concert de la terre, des cieux, de la mer, des forêts et des hommes ; c’était une harmonie ineffable, qui me pénétrait, que je méditais et que je respirais à loisir ; et quand je croyais y avoir dignement mêlé ma voix à mon tour, par un travail et par un succès égal à mes forces et au ton du chœur qui m’environnait, j’étais heureux ; — oui, j’étais heureux, quoique seul ; heureux par la nature et avec Dieu. […] Farcy leur en garda à tous deux une profonde reconnaissance que nous sommes heureux de consigner ici. […] « Elle alla s’asseoir à quelques pas de lui, et l’heureux Ghérard, pour dissiper le trouble qu’il avait causé, commença à l’entretenir de ses projets pour le lendemain, auxquels il voulait l’associer. — « Ghérard, lui dit-elle après un long silence, ces folies d’aujourd’hui, oubliez-les, je vous en prie, et n’abusez pas d’un moment… » — « Ah ! […] ……… Dans cette retraite heureuse et variée, l’âme de Farcy s’ennoblissait de jour en jour ; son esprit s’élevait, loin des fumées des sens, aux plus hautes et aux plus sereines pensées. […] Du reste, pourvu que les formes en soient nobles et pures, il importe peu que ce soit Apollon ou Hercule, la Diane chasseresse ou la Vénus de Praxitèle. » « Voyageur, annonce à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses saints commandements. » « Ils moururent irréprochables dans la guerre comme dans l’amitié79. » « Ici reposent les cendres de don Juan Diaz Porlier, général des armées espagnoles, qui a été heureux dans ce qu’il a entrepris contre les ennemis de son pays, mais qui est mort victime des dissensions civiles. » Peut-être, après tout, ces nobles épitaphes de héros ne lui revinrent-elles à l’esprit que le mardi, dans l’intervalle des Ordonnances à l’insurrection, et comme un écho naturel des héroïques battements de son cœur.
l’humanité en sera-t-elle plus heureuse ? […] Ce qui est certain c’est qu’il est parfaitement heureux et qu’on arrive à se fondre dans sa béatitude par le détachement et la bonté inactive. […] Heureux Maitreya ! Heureux Narada ! […] Vraiment ils ont dû être heureux.
Voilà ce qu’on oublie trop facilement peut-être, au pays du soleil, de l’indolence heureuse et des oliviers. […] Il convient de noter ceci, que si l’homme heureux n’a pas de chemise, il n’a pas non plus le goût de faire des vers. […] Ce n’est point l’homme heureux. […] Un homme heureux, s’appelât-il Lamartine, ne chante point. […] Mais l’homme malheureux ne se contente pas, fût-il aigri et plein de Heine, de faire de petites chansons avec ses grandes douleurs : il construit, dans ses vers, les pays heureux où il voudrait vivre… et ne point mourir.
Je suis vraiment heureux que vous chantiez le roi : nulle part on n’a bien rendu ce rôle, et partout j’ai eu à souffrir de la vieille et ennuyeuse routine des chanteurs. […] Il chante le lied du retour, un lied mélancolique et heureux à la fois ; c’est la convalescence de ce mal qu’on nomme le mal du pays. […] Il montre ses richesses au père ébloui, et bientôt les deux navires s’éloignent de concert vers le pays de Daland, pendant que le pilote et les matelots norvégiens reprennent en choeur le lied mélancolique et heureux du retour. […] Combien cela eût été heureux que nos compositeurs comprissent sa théorie au lieu de la railler. […] On peut donc espérer que Bayreuth exerce une influence heureuse sur l’art théâtral en général.
Cette lettre avec sa belle finale, « Heureux les jeunes ! […] Enfin, au 17 avril 1915, il peut regagner le front. « Quelle différence avec le dépôt, et que je suis heureux ! […] Il faut éviter toutes les dépenses inutiles, en songeant à ceux qui dépendent de nous et pour qui il faut tout faire afin qu’ils soient heureux. […] qu’il est heureux de promener son regard tranquille sur un horizon plein de dangers ! […] Sans cela je serais parfaitement heureux ; je suis comme un poisson dans son élément.
» Il s’estimerait heureux et riche de ses restes. […] On sent dans tout cela l’honnête homme, non pas celui d’aujourd’hui (car c’est un mot dont on abuse bien), mais celui d’autrefois, plein de solidité, dans son cadre domestique tout uni, avec ses traits marqués, un peu heurtés, sa physionomie grave et heureuse, et d’une naturelle franchise. […] Il y avait, malgré ses indignations, des jours où, comme il le dit en son langage plein des anciens, « il était heureux de tout côté » (ab omni parte beatus). […] Heureux siècle, et encore voisin des croyances, où ceux qui étaient réputés les grands railleurs avaient de ces naïvetés touchantes et de ces sensibilités tout antiques et toutes patriotiques ! […] À mesure qu’on s’éloigne, le moment arrive où, par suite de l’encombrement historique croissant, la postérité est heureuse de rencontrer de ces représentants abrégés qui lui donnent jour sur toute une époque et qui lui font miroir pour tout ce qui a disparu.
Vous avez trop bonne opinion de la nation pour ne pas croire qu’elle puisse produire des gens qui, soutenus uniquement par leur zèle, osent penser noblement… Trop heureux s’ils peuvent être bien connus, et si des ministres éclairés, attentifs, justes, sans humeur et sans passion (avis à Chamillart !) […] Mais que ne va-t-on pas dire à Versailles, à cette nouvelle du succès de l’heureux Villars ? […] Mais Saint-Simon ne le veut pas ; dans une de ses notes sur Dangeau, qui a trait au moment où l’heureuse nouvelle arrive à la Cour, on lit : M. de Villars crut si bien la bataille perdue, que Magnac, lieutenant-général (lisez maréchal de camp), le trouva sous un arbre s’arrachant les cheveux, qui lui apprit qu’elle était gagnée. […] À quoi Villars répondit : « Pendant les pluies on se sert des rivières et on ouvre la terre, et pendant la gelée on fait les charrois. » Villars a beaucoup de ces saillies et de ces répliques heureuses. […] Il est de votre intérêt, pour la conserver, de faire en sorte que le mouvement que vous avez fait ne porte aucun préjudice à la situation heureuse dans laquelle vous avez mis mes affaires.
« Heureux Virgile, heureux les virgiliens, vous qui êtes au port ! […] Et pour n’en citer qu’un exemple, dès la seconde strophe, Corydon suppose un jeune chasseur qui dédie à Diane la tête d’un sanglier et les cornes d’un cerf ; et, si ses chasses continuent à être heureuses, il promet à la déesse, au lieu d’un buste, un socle de marbre, d’où elle s’élancera en pied avec le cothurne couleur de pourpre. […] J’ai souvent remarqué avec plaisir, dans l’édition Clarke-Ernesti d’Homère, qu’il y est fait mention de la plupart des circonstances historiques mémorables où les vers d’Homère ont joué un rôle moyennant quelque allusion ou citation heureuse, par exemple dans la bouche d’un Épaminondas, d’un Xénocrate ou d’un Alexandre. […] Paul Grimblot ; je mets ici le résultat de ces diverses consultations auxquelles Virgile trouve toujours son compte par quelque à-propos heureux et plein de grandeur : « En 1723, Swift publia à Dublin un de ses plus célèbres pamphlets, les Lettres d’un Drapier, contre le privilège donné à un certain Wood de frapper de la petite monnaie de cuivre pour la circulation exclusive de l’Irlande. […] Je sais bien un exemple où une heureuse citation de Virgile a failli, chez nous, se rattacher à un grand événement politique.
Car ce qu’on ne sait pas assez, ce que les aisés et les heureux oublient trop vite, c’est que lorsqu’une fois une maison, un humble ménage est tombé au-dessous de son courant, lorsqu’il y a eu chômage dans le travail, lorsqu’un arriéré s’est une fois formé et grossi jusqu’à la dette, on ne se rattrape jamais : on en a de ce poids sur la tête pour toute la vie. […] Me voilà occupée et heureuse pour bien des jours. […] Mme Valmore, comme famille prochaine et presque aussi chère que celle du foyer, avait encore un frère qui vivait à Douai, deux sœurs et une nièce établies à Rouen, et assez peu heureuses, ce semble. […] Tu me rends bien heureuse de m’avouer la tendance de ton âme à prier, mon bon frère. […] Tout ce qui est resté gravé dans ma mémoire, c’est que nous avons été bien heureux et bien malheureux, et qu’il y avait pour nous bien du soleil à Sin75, bien des fleurs dans les fortifications ; un bien bon père dans notre pauvre maison, une mère bien belle, bien tendre et bien pleurée au milieu de nous !
Son idéal pourtant à lui, c’était le temps de la régence d’Anne d’Autriche, avant la Fronde, de 1643 à 1648 : il a chanté cet heureux temps dans ses stances les plus passables : J’ai vu le temps de la bonne Régence… Sa pièce la plus jolie et la plus citée est la Conversation du Père Canaye et du maréchal d’Hocquincourt. […] Il avait été assez heureux pour le retrouver dans les papiers de Conrart à l’Arsenal. […] Nul mieux que lui n’est apte à nous faire bien comprendre ce qu’était l’exquise culture dans les hautes classes de la société et pour quelques esprits d’élite, à cette date heureuse et si vite enfuie, où un reste de liberté et même de licence se composait déjà avec une régularité non encore excessive. […] Enfin, pour être et paraître quelque chose de plus, pour pousser ses essais jusqu’à l’œuvre, pour porter son esprit jusqu’au talent, il n’a manqué à Saint-Évremond qu’un enthousiasme, une ambition, une illusion, un mobile : il en faut aux plus heureuses natures. […] Saint-Évremond, écrivant de Londres à l’un de ses amis de France, n’aurait pu s’exprimer plus clairement, même quand il aurait eu plus à dire, et il y a dans ses dernières phrases un je ne sais quoi d’enveloppé et de manqué à la fois qui ne laisse pas d’être significatif. « Dans tout ce que je viens de dire de Saint-Évremond, je suis heureux de me trouver d’accord avec M.
Mais, lorsqu’on est assez heureux pour avoir de la vertu (toujours vertu dans le sens antique et non dans l’acception de la morale étroite), c’est, à mon sens, une ambition très noble que celle d’élever cette même vertu au sein de la corruption, de la faire réussir, de la mettre au-dessus de tout, d’exercer et de protéger des passions sans reproche, de leur soumettre les obstacles, et de se livrer aux penchants d’un cœur droit et magnanime, au lieu de les combattre ou de les cacher dans la retraite, sans les satisfaire ni les vaincre. […] Mais, quoique je ne sois point heureux, j’aime mes inclinations, et je n’y saurais renoncer ; je me fais un point d’honneur de protéger leur faiblesse ; je ne consulte que mon cœur ; je ne veux point qu’il soit esclave des maximes des philosophes, ni de ma situation ; je ne fais pas d’inutiles efforts pour le régler sur ma fortune, je veux former ma fortune sur lui. […] Vous n’êtes donc pas fait pour vivre comme lui ; le repos vous est dangereux ; il vous faut tenir loin de vous ; votre cœur ne peut vous verser que le fiel dont il est pétri… Dans ce qui suit, et à dessein de détourner son impétueux ami de quitter le service, Vauvenargues le raille avec une légère ironie sur ce plan un peu trop doux de vie heureuse et toute privée, sur cette félicité tempérée et dans le goût d’Horace, qu’il se promet trop complaisamment. […] … L’on sait assez que la gloire ne rend pas un homme plus grand ; personne ne nie cela ; mais, du moins, elle l’assure de sa grandeur, elle voile sa misère, elle rassasie son âme, enfin elle le rend heureux. […] Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ?
Ce qu’il m’appartient de noter, c’est l’heureux esprit de sagesse qui présida à toute cette première partie de l’œuvre qui consistait à réunir et à fondre, à effacer les divisions entre l’un et l’autre Clergé, celui qui rentrait et reparaissait tout orthodoxe et pur, et celui qui, pour avoir été docile et constitutionnel, avait maintenant à se faire pardonner d’avoir obéi aux lois. Chacun s’y mit avec modération et prudence, sous l’égide du héros modérateur, et le Pontife tout le premier, et le Clergé constitutionnel lui-même, heureux en grande partie de se sentir réconcilié avec son chef. […] On se souvient encore des acclamations qui accompagnèrent la promulgation de cet acte éminent en sociabilité autant que hardi de la part de celui qui osa le tenter : acclamations qui, interprètes sincères de l’opinion publique, étouffèrent les cris des mécontents et les fureurs concenirées que le rétablissement de la religion fit naître dans quelques cœurs. » La suite, on le sait trop, répondit mal à de si heureux débuts, et sans même que les événements politiques survenus peu après en Italie eussent besoin d’y mêler leur complication, il y avait dans la seule situation intérieure bien des germes de difficultés futures. […] Tous ont changé depuis et ont dû changer : l’un irrité et emporté, dans sa fièvre d’impatience, a passé d’un bond à la démocratie extrême ; l’autre, tout vertueux, sans ambition et sans colère, est arrivé par une douce pente aux honneurs mérités de l’épiscopat, vérifiant ainsi en sa personne le mot du Maître : « Heureux les doux parce qu’ils posséderont la terre ! […] Nous arrivons à une période moins idéale et moins heureuse ; je n’en exagérerai pas à plaisir les laideurs ni les dangers.
Rien n’était si flatteur qu’un si prompt succès, et il me paraissait qu’il n’y avait point de présomption à en espérer un plus grand, quand je considérais que, sans avoir ni cabale pour m’annoncer ni famille qui s’intéressât à me ménager des auditeurs, ni parti pour m’en attirer, j’avais été assez heureux pour me faire distinguer parmi tant de prédicateurs qu’il y avait alors dans le Clergé séculier et dans les Ordres religieux. » Quand je l’ai appelé un rhétoricien, on voit quel correctif il convient d’apporter à ce mot en parlant de lui : c’est devant le public, c’est dans l’action extérieure qu’il est rhéteur ou avocat ; mais, hors de là et dans le particulier, il ne se drape nullement, et il nous livre avec une sorte de naïveté, sans en faire mystère, ses raisons d’agir et ses mobiles. L’abbé Legendre vint donc à Paris, très bien muni et avec des aptitudes heureuses ; il avait, à son arrivée, de vingt-huit à trente ans. […] Il avait une de ces mémoires heureuses comme nous en connaissons ; ce qu’il avait su une fois, il ne l’oubliait jamais, et, âgé de plus de soixante ans, il citait, à l’occasion, des passages de Cicéron, de Virgile ou d’Horace qu’il n’avait guère relus depuis sa jeunesse. […] Nul, jusque-là, n’avait été plus heureux que lui, à part cette courte éclipse de faveur sous Mazarin. […] Je serais heureux de pousser à un pareil travail dont on a tous les éléments, les plus riches et les plus triés.
» Michel, l’artiste poète, est amoureux, heureux ou toujours prêt à l’être, bonnement, simplement, selon la nature ; il a le ciel dans le cœur ; mais, au moment où il croit tenir l’entière félicité, elle lui échappe ; on le désole par mille subtilités, par mille craintes. […] Il n’y aura pas de bonheur pour vous dans ce petit voyage que nous pouvons faire ensemble ; mais il y aura, j’en suis certain, du plaisir, le plaisir de me savoir heureux. […] Michel se montre d’un caractère heureux et bien fait ; il apprécie la distinction et le charme de sa conquête, — de sa demi-conquête. […] ces heures sont encore des heures heureuses, et l’on ne se quitte point sans un vif désir de se retrouver. « J’ai toujours pensé, dit Michel, que les querelles étaient arrangées par la Providence pour les raccommodements. » Et puis, le lendemain de ces journées de bonheur, tout est changé tout d’un coup sans qu’on sache pourquoi. […] Ceux qui s’intitulent philosophes et qui ne sont que des professeurs ou des raisonneurs de philosophie, ne se doutent pas du degré de philosophie véritable auquel atteignent naturellement et de prime saut quelques-unes de ces natures qu’on appelle artistes. — Mais Michel, après avoir fait voir et dire à l’oiseau babillard tant de choses merveilleuses et à étonner les simples, se rabattait l’instant d’après à donner à Marie d’aimables et riants conseils, bien capables de l’apprivoiser : « La vie, telle qu’elle est, est pleine de choses heureuses, Marie ; les plaisirs de la pensée sont infinis.
L’idée générale, suggérée très sensément par Louis XIV et sur laquelle il revient plus d’une fois, ne devint donc un trait de génie militaire et une heureuse pensée stratégique que moyennant transformation. […] Je n’ai point donné de ces batailles générales qui mettent le royaume en peine ; mais j’espère, avec l’aide de Dieu, que le roi retirera de grands avantages de celle-ci. » Et, en effet, si l’idée originale de Denain n’est pas de Villars, il se l’appropria tout à fait par la manière brillante et rapide dont il sut profiter de ce premier succès ; à la façon soudaine dont il en tira les conséquences, on aurait pu l’en croire le seul auteur et le père, et l’on peut dire que, par l’usage qu’il en fit, il éleva ce coup de main heureux à la hauteur d’une grande victoire. […] Denain, le salut de la France, les beaux sièges qui suivent, tout cela est d’un homme heureux, trop heureux pour ne pas être digne des faveurs de la fortune. Il semble que c’est à lui et pas à un autre que Montesquieu a pensé lorsqu’il a dit : « Quand on veut abaisser un général, on dit qu’il est heureux.
Elle garde de l’âpreté jusque dans ses descriptions les plus heureuses ; ses couleurs, même les plus naturelles, sont heurtées, aiguës, le plus souvent déchirées et emportées au vif, comme les cimes qui environnent ce beau lac. […] Les peintures de Mme de Gasparin abondent en ces sortes d’expressions vierges49 ; toutes ne paraissent pas également heureuses. […] Quelle différence de cette châtelaine de Valleyres riche, heureuse, glorieuse épouse, avec l’autre châtelaine du Cayla, noble, fière, pauvre, qui fait ses bas, qui vaque aux plus humbles soins du ménage, et qui est si imposante et si aisée dans sa modeste dignité ! […] Aussi, Eugénie de Guérin et elle, quand elles sont tristes, elles n’ont pas la tristesse elle-même semblable : l’une, tout heureuse qu’elle est, a la tristesse plus rude, poignante, froissante, violente, qui se proclame sur les toits, — qui crie « comme une aigle », — une tristesse ardente, de cœur et d’âme, je le veux, mais aussi de tête, tout d’un coup relevée de joies puissantes et vigoureuses : l’autre, plus atteinte au cœur, a la tristesse plus vraie, plus douce et résignée, continue, non intermittente, calme, profonde et intérieure ; elle est plus une colombe blessée. […] Elle aussi, elle a visité les montagnes : dans les dernières années de sa vie, malade, on l’envoya prendre les eaux à Cauterets ; elle dut quitter sa chambre du Cayla, cette chambrette bien aimée devenue caveau par tout ce qu’elle contenait de chères reliques, un vrai « cloître de souvenirs. » Elle ne se plut que médiocrement dans les Pyrénées, « la plus magnifique Bastille où l’on puisse être renfermé », disait-elle, et, sa saison faite, elle fut heureuse d’en sortir.
Ce ne fut qu’après Richelieu, après la Fronde, sous la reine-mère et Mazarin, que tout d’un coup, du milieu des fêtes de Saint-Mandé et de Vaux, des salons de l’hôtel de Rambouille1 ou des antichambres du jeune roi, sortirent, comme par miracle, trois esprits excellents, trois génies diversement doués, mais tous les trois d’un goût naïf et pur, d’une parfaite simplicité, d’une abondance heureuse, nourris des grâces et des délicatesses indigènes, et destinés à ouvrir un âge brillant de gloire où nul ne les a surpassés. […] Nous serions heureux si cet article aidait à dissiper quelques-unes de ces préventions injustes. […] Il y en a cinq ou six dans cette contrariété. » Ces réminiscences un peu fades de pastorales et de romans sont naturelles sous son pinceau, et font agréablement ressortir tant de descriptions fraîches et neuves qui n’appartiennent qu’à elle : « Je suis venue ici (à Livry) achever les beaux jours, et dire adieu aux feuilles : elles sont encore toutes aux arbres, elles n’ont fait que changer de couleur ; au lieu d’être vertes, elles sont aurore, et de tant de sortes d’aurore que cela compose un brocard d’or riche et magnifique, que nous voulons trouver plus beau que du vert, quand ce ne seroit que pour changer. » Et quand elle est aux Rochers : « Je serois fort heureuse dans ces bois, si j’avois une feuille qui chantât : ah ! […] Racine, en effet, est le plus parfait modèle de ce style en poésie ; Fléchier fut moins heureux dans sa prose. […] On est d’autant plus heureux d’en jouir comme d’un retour et presque d’un mystère.
Heureux celui qui, puisant en lui-même ou autour de lui, et grâce à l’idéal ou grâce au souvenir, enfantera un être digne de la compagnie de ceux que j’ai nommés, ajoutera un frère ou une sœur inattendue à cette famille encore moins admirée que chérie ; il ne mourra pas tout entier ! […] Dans Adèle de Sénange la vie se partage en deux époques, un couvent où l’on a été élevé dans le bonheur durant des années, un mariage heureux encore, mais inégal par l’âge. […] vos fils dans l’enfance absorbent toutes vos pensées, embrassent tout votre avenir ; et lorsque vous croyez obtenir la récompense de tant d’années en les voyant heureux, ils vous échappent. […] heureuse, heureuse mère !
Ce fut un de ces heureux esprits qui passent leur vie à penser, à converser avec leurs amis, à songer dans la solitude, à méditer quelque grand ouvrage qu’ils n’accompliront jamais et qui ne nous arrive qu’en fragments. […] En attendant de mourir, son esprit distingué se prodiguait et s’intéressait, heureux de répandre de douces approbations autour d’elle. […] Joubert : « L’admiration a reparu et réjoui une terre attristée. » Ces heureuses rencontres, ces réunions complètes, ici-bas, n’ont qu’un jour. […] On sent chez lui un effort souvent heureux, mais de l’effort. […] Enfin, la troisième espèce d’esprits, ce sont ceux qui, plus puissants et moins délicats ou moins difficiles, vont produisant et se répandant sans trop se dégoûter d’eux-mêmes et de leurs œuvres ; et il est fort heureux qu’il en soit ainsi, car, autrement, le monde courrait risque d’être privé de bien des œuvres qui l’amusent et le charment, qui le consolent de celles, plus grandes, qui ne viendront pas.
Mais c’est là un défaut qu’on lui passe, tant il est parvenu à en triompher en des pages heureuses, tant, à force de travail et d’émotion, il a assoupli son organe et a su donner à ce style savant et difficile la mollesse et le semblant d’un premier jet ! […] Le premier livre des Confessions n’est pas le plus remarquable, mais Rousseau s’y trouve déjà renfermé tout entier, avec son orgueil, ses vices en germe, ses humeurs bizarres et grotesques, ses bassesses et ses saletés (on voit que je marque tout) ; avec sa fierté aussi et ce ressort d’indépendance et de fermeté qui le relève ; avec son enfance heureuse et saine, son adolescence souffrante et martyrisée, et ce qu’elle lui inspirera plus tard (on le pressent) d’apostrophes à la société et de représailles vengeresses ; avec son sentiment attendri du bonheur domestique et de famille qu’il goûta si peu, et encore avec les premières bouffées de printemps et ces premières haleines, signal du réveil naturel qui éclatera dans la littérature du xixe siècle. […] Enfin, ce sentiment de la réalité se retrouve chez lui jusque dans ce soin avec lequel, au milieu de toutes ses circonstances et ses aventures heureuses ou malheureuses, et même les plus romanesques, il n’oublie jamais la mention du repas et les détails d’une chère saine, frugale, et faite pour donner de la joie au cœur comme à l’esprit. […] S’étant allé promener seul hors de la ville un jour de grande fête, pendant qu’on était à vêpres : Le son des cloches, dit-il, qui m’a toujours singulièrement affecté, le chant des oiseaux, la beauté du jour, la douceur du paysage, les maisons éparses et champêtres dans lesquelles je plaçais en idée notre commune demeure, tout cela me frappait tellement d’une impression vive, tendre, triste et touchante, que je me vis comme en extase transporté dans cet heureux temps et dans cet heureux séjour où mon cœur, possédant toute la félicité qui pouvait lui plaire, la goûtait dans des ravissements inexprimables, sans songer même à la volupté des sens.
Pendant les négociations de la paix des Pyrénées, Mazarin, s’entretenant avec le Premier ministre d’Espagne, don Louis de Haro, lui parlait des femmes politiques de la Fronde, de la duchesse de Longueville, de la duchesse de Chevreuse, de la princesse Palatine, comme étant capables chacune de renverser dix États : — Vous êtes bien heureux en Espagne, ajouta-t-il ; vous avez, comme partout ailleurs, deux sortes de femmes, des coquettes en abondance, et fort peu de femmes de bien : celles-là ne songent qu’à plaire à leurs galants, et celles-ci à leurs maris ; les unes ni les autres n’ont d’ambition que pour le luxe et la vanité ; elles ne savent écrire, les unes que pour des poulets, les autres que pour leur confession : les unes ni les autres ne savent comment vient le blé, et la tête leur tourne quand elles entendent parler d’affaires. […] — Grâce à Dieu, répondit peu galamment don Louis (je ne me fais pas garant de ce qu’il dit, et j’en demande au contraire bien pardon aux dames espagnoles d’à présent), les nôtres sont de l’humeur dont vous les connaissez : pourvu qu’elles manient de l’argent, soit de leurs maris, soit de leurs galants, elles sont satisfaites, et je suis bien heureux de ce qu’elles ne se mêlent pas d’affaires d’État, car elles gâteraient assurément tout en Espagne comme elles font en France. […] Il n’est plus question de me reposer après le dîner, ni de manger quand j’ai faim : je suis trop heureuse de pouvoir faire un mauvais repas en courant ; et encore est-il bien rare qu’on ne m’appelle pas dans le moment que je me mets à table. […] Elle est d’avis que les chefs de ce parti ressentent les marques du mécontentement du roi avant qu’on ait eu le temps de recevoir des réponses de France, afin qu’il paraisse bien que c’est une résolution prise par le roi d’Espagne et non suggérée d’ailleurs : Ne vous épouvantez point, je vous supplie, madame, de ces résolutions : il est heureux que les grands nous aient donné une si juste occasion de les mortifier. […] Elle se contenta donc d’égayer tout ce monde, de le consoler, d’inspirer la fermeté et une sorte de joie autour d’elle, de ne pas trop voir les choses en noir de son œil malade, d’obéir plutôt à sa douce humeur et à une certaine inclination d’espérer qui lui venait de la nature : Il arrive souvent, madame, écrit-elle à Mme de Maintenon, que lorsqu’on croit tout perdu, il survient des choses heureuses qui changent absolument la face des affaires. — Je pense, dit-elle encore, que la fortune peut nous redevenir favorable ; qu’il est de ses faveurs comme du trop de santé, c’est-à-dire qu’on n’est jamais si près d’être malade que lorsqu’on se porte trop bien, ni si proche d’être malheureux que quand on est comblé de bonheur.
XIII, p. 255), quand l’homme heureux se sent arrivé de tout point et repu. […] Cherchant à rassembler dans sa raison toutes ses forces et tous ses motifs de renoncement, il se dit qu’il n’a guère plus de quarante ans ; qu’il y a moyen, après avoir consacré sa jeunesse au service du roi et de sa patrie, de vivre chez soi en honnête homme ; il se trace le plan d’une vie heureuse et privée : « Avoir du bien honnêtement, n’avoir rien à se reprocher (et, pour cela, commencer par payer toutes ses dettes), avoir mérité d’avoir des amis, et savoir s’amuser des choses simples. » Toutes ces conditions pourtant ne laissent pas d’être difficiles à rencontrer dans le même homme, et il suffit d’une seule qui échappe, ou d’un goût étranger qui se réveille, pour faire tout manquer, et pour corrompre ce tranquille bonheur. […] elle vous avait déplu. » On ajoute que Mme de Maintenon ne put s’empêcher de dire en partant qu’elle se trouvait heureuse de n’avoir pas déplu au roi le soir, car elle voyait bien, de la façon dont y allait M. d’Antin, qu’elle aurait risqué d’aller coucher sur la grande route. […] D’Antin y insiste ; il ne perd aucune occasion de se représenter dans les vicissitudes de ces années (1712-1715) la misère des espérances mortelles ; la chute de Mme des Ursins lui rafraîchit cette amère leçon : « Je regarde comme une gorge-chaude, dit-il avec plus d’énergie qu’à lui n’appartient, toutes les occasions où je peux me convaincre de la légèreté et de la bizarrerie de la fortune. » Quand le chancelier, M. de Pontchartrain, se retire et va méditer sur une vie meilleure, il y voit un bel exemple et qu’il voudrait avoir le courage d’imiter : « Heureux ces prédestinés, s’écrie-t-il, qui savent se couper dans le vif et mettre une distance raisonnable entre la vie et la mort ! […] — J’ai pensé qu’on ne lirait pas sans intérêt cette analyse imprévue que nous a permis de faire de son caractère intime et de sa nature si particulière, le plus assidu, le plus raffiné courtisan de Louis XIV, celui qui, par une convenance heureuse, a mérité de laisser son nom au plus élégant des quartiers de Paris.
Mais cette seule pensée tuait cette foule de beaux esprits et de rimeurs à la mode qui ne devaient qu’au hasard et à la multitude des coups de plume quelques traits heureux, et qui ne vivaient que du relâchement et de la tolérance. […] Enfin comme troisième période, après une interruption de plusieurs années, sous prétexte de sa place d’historiographe et pour cause de maladie, d’extinction de voix physique et poétique, Boileau fait en poésie une rentrée modérément heureuse, mais non pas si déplorable qu’on l’a bien voulu dire, par les deux derniers chants du Lutrin, par ses dernières Épîtres, par ses dernières Satires, l’Amour de Dieu et la triste Équivoque comme terme. […] Jusque dans un âge assez avancé, il recevait volontiers ceux qui l’écoutaient et qui faisaient cercle autour de lui : Il est heureux comme un roi, disait Racine, dans sa solitude ou plutôt dans son hôtellerie d’Auteuil. […] Il est heureux de s’accommoder ainsi de tout le monde ; pour moi, j’aurais cent fois vendu la maison. […] Savez-vous ce qui, de nos jours, a manqué à nos poètes, si pleins à leur début de facultés naturelles, de promesses et d’inspirations heureuses ?
Par une insigne faveur, Sa Majesté a voulu qu’au même moment où la France entière célébrerait, d’année en année, l’époque d’un retour qui combla tous ses vœux et répara tous ses maux, l’Institut consacrât, par une séance solennelle, le souvenir de cette heureuse réorganisation, qui replaça les Académies sur leurs anciens fondements, sans rompre ni relâcher le nouveau lien qui les unissait. […] Croyant créer peut-être, ils ont encore imité ; mais, cette fois, leurs modèles étant moins faits pour en servir, si l’imitation n’a pas été beaucoup plus heureuse, elle a du moins été beaucoup plus facile, et ils paraissent enfin satisfaits d’eux-mêmes. Un Anglais du seizième siècle, génie sublime et inculte, ignorant les règles du théâtre, et les suppléant par tous ces artifices qu’un heureux instinct suggère, avait, dans ses drames monstrueux, étendu indéfiniment l’espace et la durée, renfermé des lieux et des années sans nombre, confondu les conditions et les langages, méconnu ou violé le costume distinctif des époques et des contrées diverses ; mais, observateur attentif et peintre fidèle de la nature, il avait répandu, dans ses compositions désordonnées et gigantesques, une foule de ces traits naïfs, profonds, énergiques, qui peignent tout un siècle, révèlent tout un caractère, trahissent toute une passion. […] Tantôt guidés par d’illustres devanciers, tantôt dirigés par un heureux instinct, nos grands écrivains ont, en chaque genre, ouvert ou suivi le chemin qui conduit à la perfection ; marcher sur leurs traces, ce serait affronter, sans gloire, le danger de ne pas les atteindre : on croit y échapper, en essayant de se frayer des routes nouvelles : louable ambition, si elle pouvait être couronnée du succès ; témérité malheureuse, lorsqu’il n’y a qu’une bonne route, hors de laquelle tout est sentiers perdus ou précipices inévitables. […] Son esprit, aussi judicieux que vif, ne peut être longtemps dupe de ce qui n’est pas fondé sur la raison et avoué par le goût ; et l’heureux génie de sa langue, qui a mérité qu’on dît, Ce qui n’est pas clair n’est pas français, ne tarde jamais à repousser l’obscurité ambitieuse, l’impropriété affectée et l’orgueilleuse incorrection.
Ce principe, ce ne fut ni la volonté créatrice, ni la dictature d’un homme : ce fut la rencontre heureuse de l’état moral des Romains avec l’intérêt de leur chef, cette trêve de Dieu sur le monde qui permit à la nation conquérante, toute pleine encore de jeunesse et de génie, et aux nations assujetties qu’elle éleva bientôt jusqu’à elle, de se reposer dans une paix active de quarante années, embellie par la richesse et les arts. […] « Aussi, puisque seule tu gouvernes la nature, que sans toi rien ne s’élève jusqu’aux rivages célestes du jour, que rien d’heureux, rien d’aimable ne peut naître sans toi, j’aspire à t’avoir pour associée dans les vers que je vais écrire, ces vers sur la Nature, auxquels je travaille pour notre cher Memmius, que toi, déesse, tu as voulu toujours orner de tous les dons ! […] Lucrèce, sous une inspiration moins heureuse, rompt tout à coup le charme commencé de ses vers par cette singulière explication qu’il donne de l’ivresse de ses convives : « Comme si, dit-il173, dans la mort, la plus grande peine pour eux devait être une soif ardente qui les brûle et les dévore, ou quelque autre besoin qui les obsède. » O grand poëte, qu’êtes-vous devenu ? […] « Ainsi prophétisant, jadis les Parques avaient chanté l’heureux hymne du destin de Pélée. […] Et, grâce à des jours plus heureux, sans mœurs plus sévères, la poésie lyrique pourra fleurir à Rome.
L’abbé Le Dieu, dans cet ouvrage, se soigne, et il écrit comme en vue du public ; son style a de la facilité, du développement, des parties heureuses : on sent l’homme qui a vécu avec Bossuet et qui en parle dignement, avec admiration, avec émotion. […] Mais Bossuet, qui n’était pas seulement le docteur, mais l’orateur, ne séparait pas de son Augustin son saint Chrysostome ; il y apprenait les interprétations de la sainte Écriture les plus propres à la chaire, et s’y familiarisait avec ces tours nobles et pleins, avec ces tons incomparables d’insinuation « qui lui faisaient dire que ce Père était le plus grand prédicateur de l’Église. » — Il louait aussi Origène, nous dit l’abbé Le Dieu, ses heureuses réflexions et sa tendresse dans l’expression, dont il rapportait souvent cet exemple : « Qu’heureuses furent les tourterelles, dit Origène, d’avoir été offertes (par la Vierge au jour de la purification) pour notre Seigneur et sauveur ! […] — Puis quand il avait fini, et comme pour se mettre à l’abri de l’applaudissement, il rentrait aussitôt chez lui et s’y tenait caché, « rendant gloire à Dieu lui-même de ses dons et de ses miséricordes, sans dire seulement le moindre mot, ni de son action ni du succès quelle avait eu ; et la remarque qu’on fait à ce propos, ajoute Le Dieu, est un caractère vrai et certain, car il en usait de même dans toutes les autres occasions. » Il ne se considérait que comme un organe et un canal de la parole, heureux s’il en profitait tout le premier et aussi bien que les autres, mais ne devant surtout point s’en enorgueillir !
Sans y mettre tant de façons, revoyons-la un moment, vivante et dans sa fleur, sous ce règne de Louis XVI, pendant les dix heureuses années qui précédèrent la plus terrible des révolutions. […] La nature parle ; l’expression suit, facile, heureuse, égale à ce qui est à dire. […] Je demandai alors à relire à haute voix ces quatre vers, en indiquant ce qui les précède dans l’ordre des sentiments et ce qui les amène ; j’en appelai de l’Académie distraite à l’Académie attentive ; j’insistai précisément, je pesai sur l’effet heureux de ce mot tranquillisé, si bien jeté à la fin du vers. […] Ce n’est pas qu’il n’ait gardé jusqu’à la fin de ces tons purs, de ces touches gracieuses, et il serait aisé d’en relever des exemples heureux, des applications variées dans ses divers poèmes : mais il ne se renouvela pas, et il est resté pour la postérité le poète des élégies. — « Voyez-vous, ma petite, passé vingt-cinq ans, cela ne vaut plus la peine d’en parler » ; ce mot d’Horace Walpole à Mme du Deffand est la devise des élégiaques sincères et de celui-ci en particulier.
La seconde moitié n’est pas moins heureuse ni moins simple : quand la célébrité fut venue, il resta le même ; rien ne fut changé à ses habitudes, à ses pensées. […] Ainsi, heureux et sage, la célébrité n’avait introduit aucune agitation étrangère dans sa vie, aucune ambition dans son âme. […] Aussi, malgré ses souffrances des derniers temps, malgré les douleurs si légitimes et si inconsolables qu’il laisse en des cœurs fidèles, pourrait-on se risquer à trouver que cette fin même est heureuse, et que sa destinée tranchée avant l’heure a pourtant été complète, si un père octogénaire ne lui survivait : les funérailles des fils, on l’a dit, sont toujours contre la nature quand les parents y assistent. […] Profitant de sa situation excentrique en dehors de la capitale, il s’était fait un mode d’expression libre, franc, pittoresque, une langue moins encore genevoise de dialecte que véritablement composite ; comme l’auteur des Essais, il s’était dit : « C’est aux paroles à servir et à suivre, et que le gascon y arrive, si le françois n’y peut aller. » Cette veine lui est heureuse en mainte page de ses écrits, de ses voyages ; il renouvelle ou crée de bien jolis mots.
Les beaux-arts ne sont pas perfectibles à l’infini ; aussi l’imagination, qui leur donna naissance, est-elle beaucoup plus brillante dans ses premières impressions que dans ses souvenirs même les plus heureux. […] Les pensées qu’on ajoute à la poésie, sont un heureux développement de ses beautés ; mais ce n’est pas la poésie même : Aristote l’a nommé le premier un art d’imitation. […] Ce que les Grecs entendaient par l’amitié, existait entre les hommes ; mais ils ne savaient pas, mais leurs mœurs leur interdisaient d’imaginer qu’on pût rencontrer dans les femmes un être égal par l’esprit, et soumis par l’amour, une compagne de la vie, heureuse de consacrer ses facultés, ses jours, ses sentiments, à compléter une autre existence. […] La vie des hommes célèbres était plus glorieuse chez les anciens ; celle des hommes obscurs est plus heureuse chez les modernes.
Il les aime toutes, et sans préférence, du moins toutes celles qui sont jolies, non point en Don Juan, mais en homme heureux. […] Il veut être heureux partout, même en écrivant. […] C’est aussi par cette heureuse inclination qu’il a transformé les contes de Boccace. […] Il a beau dire aux dames des galanteries convenues ; l’adoration perce sous les oripeaux mythologiques ; il est heureux de les louer ; pour lui, elles sont vraiment déesses ; un sourire de leurs lèvres roses le comble et l’enchante.
Comme nous sommes plus sensibles au mal qu’au bien, nous haïssons beaucoup plus l’un que nous n’aimons l’autre ; et nous souhaitons moins vivement d’être heureux, que nous n’appréhendons d’être misérables ; d’où il arrive que la crainte nous est plus naturelle et nous donne des secousses plus fréquentes que toute autre passion, par le sentiment intime et expérimental qui nous avertit toujours que les maux assiègent de toutes parts la vie humaine. […] C’est ce qui fait dire à Virgile, en parlant du bonheur inestimable d’un heureux loisir que goûte un philosophe solitaire : « Il n’est point dans la nécessité de compatir à la misère d’un vertueux indigent, ou de porter envie au riche coupable. » La crainte et la pitié sont les passions les plus dangereuses, comme elles sont les plus communes : car, si l’une, et par conséquent l’autre, à cause de leur liaison, glace éternellement les hommes, il n’y a plus lieu à la fermeté d’âme nécessaire pour supporter les malheurs inévitables de la vie, et pour survivre à leur impression trop souvent réitérée. […] Heureuse erreur dont l’effet est d’autant plus certain, que le remède naît du mal même qu’on chérit ! […] En effet, puisque le poème épique fait un corps accompli avec ses justes dimensions, et que par là il est conforme à la nature, il a fallu faire couler cet ordre et cet heureux arrangement dans le spectacle tragique, pour le rendre agréable.
Dans ses discours, avec tous les mots heureux qu’on lui a vus et les saillies qui lui échappaient, il n’avait pas la netteté, et, à un certain moment, il s’embarrassait dans les digressions, ce qui a fait dire à Fénelon « qu’il n’avait que des lueurs d’esprit ». […] Il est vrai qu’il en a donné une légère parodie dans cet autre poème qu’on ne nomme pas, en disant : L’heureux Villars, fanfaron plein de cœur… Nous avons fini. […] J’avais toujours bien dit, s’écria Villars mourant, que cet homme-là était plus heureux que moi. » — Berwick étant mort seulement le 12, et si loin de là, Villars a eu tout juste le temps d’apprendre la nouvelle et de dire ce mot.
Et pourtant que de moments faciles et gais, insensiblement heureux, dus au printemps, au soleil de chaque matin ! […] « … Vous êtes bien heureuse de sentir comme vous faites ; cette fraîcheur d’impression vous va, Madame. […] Esprits immortels de Rome et surtout de la Grèce, Génies heureux qui avez prélevé comme en une première moisson toute heur humaine, toute grâce simple et toute naturelle grandeur, vous en qui la pensée fatiguée par la civilisation moderne et par notre vie compliquée retrouve jeunesse et force, santé et fraîcheur, et tous les trésors non falsifiés de maturité virile et d’héroïque adolescence, Grands Hommes pareils pour nous à des Dieux et que si peu abordent de près et contemplent, ne dédaignez pas ce cabinet où je vous reçois à mes heures de fête ; d’autres sans doute vous possèdent mieux et vous interprètent plus dignement ; vous êtes ailleurs mieux connus, mais vous ne serez nulle part plus aimés.
Battu et désarmé en Vendée, le royalisme était plus heureux à Paris et dans une grande partie des provinces. […] On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros les malheureux ou les coupables : aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l’âge, atteint d’un mal inconnu, celui qui mourrait sous le poignard musulman ou sous le feu ennemi, celui qui opprimerait la liberté, celui qui trahirait sa patrie ; tous paraissaient grands, purs, heureux, pleins d’avenir ! […] … Il faut, a dit un Ancien, que la patrie soit non-seulement heureuse, mais suffisamment glorieuse.
Désormeaux est un de ceux qui, après s’être engagés dans la carriere, l’ont parcourue de nos jours avec d’heureux succès. […] Son caractere aimable, facile, doux, bienfaisant, généreux, le porta toujours à répandre ses bienfaits sur les jeunes Littérateurs moins heureux que lui, afin de les encourager ; & la noblesse de ses sentimens ne lui permit jamais de s’en vanter.
Boileau a très-bien jugé ce Poëte ; quand il a dit après avoir parlé de Marot : Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouillant tout, fit un Art à sa mode, Et toutefois long-temps eut un heureux destin ; Mais sa Muse, en François, parlant Grec & Latin, Vit dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque. […] Ronsard, pour le peindre en deux mots, avoit les principales qualités qui font les grands Poëtes, la force & le brillant de l'imagination, la fécondité de l'esprit, les agrémens de la fiction, cette invention heureuse, l'ame de la Poésie.
Quoique nous n’en ayons que les huit premiers Chants, ce Poëme mérite une considération particuliere, par ses rapports avec plusieurs traits de la Henriade, & par les morceaux heureux qu’on y rencontre. […] C’est le cœur qui contre eux doit livrer des combats : L’homme porte par-tout ces monstres dans lui-même : Il faut, pour les dompter, une vertu suprême, C’est-là l’unique gloire ; un Prince généreux Doit, par de tels combats, rendre son Peuple heureux.
Dans l’âge mûr, avec les plus heureuses dispositions, après une longue expérience, on s’élève rarement à ce point de perfection. […] S’il ne fallait, pour être artiste, que sentir vivement les beautés de la nature et de l’art, porter dans son sein un cœur tendre, avoir reçu une âme mobile au souffle le plus léger, être né celui que la vue ou la lecture d’une belle chose enivre, transporte, rend souverainement heureux, je m’écrierais en vous embrassant, en jetant mes bras autour du cou de Loutherbourg ou de Greuze : Mes amis, son pittor anch’io.
Qui n’a point entendu parler de cette fameuse contrée qu’on imagine avoir été durant un tems le sejour des habitans les plus heureux qu’aucune terre ait jamais portez ? […] On s’imagine entendre les reflexions de ces jeunes personnes sur la mort qui n’épargne ni l’âge, ni la beauté, et contre laquelle les plus heureux climats n’ont point d’azile.
Ô heureux ceux qui ne se réveillent plus ! […] « Ô heureuse colline ! […] Le hasard lia ces effets locaux à quelques circonstances heureuses ou malheureuses de ses chasses. […] Dans cette confusion, les facultés les plus heureuses se sont tournées contre elles-mêmes. […] Chardin, Pococke et Tournefort, sont peut-être les premiers qui aient eu cette heureuse idée.
La ligne du nez continue celle du front, comme aux âges heureux où les divinités marchaient sur la terre, car il a été donné au poète que ses filles fussent véritablement créées et modelées à l’image de sa pensée. […] Il paraît que le morceau délicieux où l’impératrice de la Chine traîne, parmi les rayons, sur son escalier de jade-diamanté par la lune, les plis de sa robe de satin blanc, est une orchestration très adroite d’une poésie de Li-Taï-Pi et la traduction heureuse d’un morceau parfaitement authentique.
Madeleine ; mais il a su être sincère et jeune, c’est un musicien raffiné, il a des trouvailles très heureuses, la distinction lui est innée. […] Aristophane, mais la simplicité, la bonhomie presque, la sensualité délicate, l’amour de la lumière, la clémence d’un monde heureux, la divine eurythmie des gestes et des attitudes naturelles et nobles.
Yves Berthou Heureuse idée vraiment qu’a eue là M. […] Si mesuré que soit un tel hommage, heureux celui qui peut le faire à ses amours.
Naguère, obligée à des abréviations par la longueur hostile de certains vocables, la chimie a dû adopter, pour signifier tout un ensemble de combinaisons complexes, tel suffixe assez heureux. […] Ils ont une forme heureuse, mais par hasard ; et pourtant tout mot grec aurait pu devenir français si l’on avait laissé au peuple le soin de l’amollir et de le vaincre.
Les Capouans le furent par la mollesse de leur beau climat, et par la fertilité de la Campanie heureuse. […] Mais sous la zone tempérée, où la nature a mis dans les facultés de l’homme un plus heureux équilibre, nous trouvons, en partant des extrémités de l’Orient, l’empire du Japon, dont les mœurs ont quelque analogie avec celles des Romains pendant les guerres puniques ; c’est le même esprit belliqueux, et si l’on en croit quelques savants voyageurs la langue japonaise présente à l’oreille une certaine analogie avec le latin.
Âme heureuse, dis, est-il vrai que tu seras heureuse ? Si heureuse dans l’oubli de moi ? […] Âme heureuse, ah ! si heureuse, dis, est-il vrai que tu seras heureuse, si heureuse dans l’oubli de moi ? […] Heureuses celles qui ont duré quelques années.
Delmare trouve l’occasion heureuse pour secouer son ennui, et voyant que l’aventure prend une tournure guerrière, il sort, malgré la pluie et ses rhumatismes, avec son fusil de chasse, décidé à se faire justice. […] Mais, après avoir senti de la sorte, après avoir épuisé jusqu’au bout son erreur, je ne puis plus concevoir qu’Indiana guérisse si facilement, qu’elle recouvre un front serein, un sourire purement heureux, une félicité presque virginale sous les palmiers de sa chaumière : idylle en tout surchargée, tableau final qui renchérit trop sur celui par lequel Paul et Virginiecommence ! […] Si les Raymon de Ramière au complet sont assez rares, grâce à Dieu, parce qu’une si agréable corruption suppose une réunion délicate d’heureuses qualités et de dons brillants, la plupart des hommes dans la société, à la manière dont ils prennent les femmes, se l’approchent autant qu’ils le peuvent de ce type favorisé.
Si l’on me demande ce que je pense de la moralité de Lélia, dans le seul sens où cette question soit possible, je dirai que, les angoisses et le désespoir d’une telle situation d’âme ayant été admirablement posés, l’auteur n’a pas mené à bon port ses personnages ni ses lecteurs, et que les crises violentes par où l’on passe n’aboutissent point à une solution moralement heureuse. […] Ce Trenmor signifie simplement qu’on se guérit à la longue des vices et des douleurs, si toutefois on est assez fort et assez, heureux pour s’en guérir. […] Cette situation de Lélia et de Sténio, qui était exactement l’inverse de celle d’Adolphe et d’Ellénore dans le roman de Benjamin Constant, cette présence de Trenmor, c’est-à-dire d’un homme mûr, ironique, que Lélia estime, qui comprend Lélia, et qui porte ombrage à Sténio ; c’était là un germe heureux que la réflexion eût pu développer dans le sens de la réalité aussi bien que dans celui de la poésie et du symbole.
elle en est si sûre que, dérogeant une fois, par une exception heureuse, à sa largeur d’esprit et à sa réserve habituelles, elle a indiqué d’avance et imposé sa solution avec la question. […] Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule.
. — L’Arabie heureuse (1855). — L’Orestie, tragédie en trois actes et en vers (1856). — Le Verrou de la reine, trois actes (1856). — L’Invitation à la valse, comédie en un acte (1857). — Les Compagnons de Jéhu (1857). — Les Grands hommes en robe de chambre (1857). — L’Honneur est satisfait, un acte (1858). — Salvator (1855-1859). — Les Louves de Machecoul (1869). — Le Caucase (1869). — La Dame de Montsoreau, drame en cinq actes (1860). — De Paris à Astrakan (1860). — La Route de Varennes (1860). — Le Père Gigogne (1860). — Les Baleiniers, journal d’un voyage aux antipodes (1861). — Madame de Chambly (1863). — La Jeunesse de Louis XIV, comédie en cinq actes et en prose (1864). — Les Mohicans de Paris, drame en cinq actes (1864). — La San-Felice (1864-1865). — Les Blancs et les Bleus (1867-1868). […] Dumas est un remarquable conteur ; il sait intéresser le lecteur par les qualités d’une imagination brillante qui, au don heureux de l’invention dramatique, joint la verve, l’action, la rapidité du récit, l’agilité d’un style qui court à son but et s’arrête peu pour décrire, encore moins pour prouver, car l’auteur n’a pas de systèmes ; mais cependant avec tous ces avantages, ses succès n’auraient pas été aussi grands s’il ne s’était pas servi de ces trois mobiles : la glorification de la personnalité humaine, les peintures hardies qui troublent les sens, les lieux communs du scepticisme voltairien. […] Heureux ceux qui, ayant le génie, obtiennent, à cet âge, le théâtre où ils le mettront en lumière !
Or bien, voilà que tout à coup le poète, qui n’est plus celui de l’Amour et du Plaisir, mais de la douleur, venue enfin, comme elle vient toujours, par la vie, s’est mêlé, en ce livre de Portraits, au critique de la réflexion, et tout cela dans une si heureuse mesure qu’on se demande maintenant si le Monselet du pâté de foie gras n’était pas un mythe… ou un mystificateur, qui nous jouait, avec sa gastronomie, une comédie littéraire, et qui avait mis, pour qu’on ne le fît pas trop souffrir, son cœur derrière son ventre, mais non dedans ! […] ce sentiment ne s’est pas épuisé dans le portrait de Chateaubriand, où il semblait comme une heureuse contagion de son génie. […] Ainsi, dans le portrait de madame Récamier « plus heureuse que la Béatrice de Florence, la Béatrice de Paris a pu voir trois Dante à ses pieds… ».
À l’origine de sa vie, il eut le malheur d’être heureux. […] Et encore, Madame Du Deffand, aveugle et égoïste, était amère, et Voltaire heureux, parce qu’il fut heureux était cruel.
Gérard de Nerval, le rêveur, put se mettre, dans la réalité toujours, à la chasse de son rêve, ce qui n’est permis qu’aux heureux. […] l’aurea mediocritas intellectuelle qui suffit dans la vie pour être heureux, disait Horace, et qui suffit aussi, à ce qu’il paraît, pour être heureux en fait de renommée, — : et, naturellement, elle le dit.
Mais il y a plus heureux qu’Achille, et ce sont ces esprits qui auront pu vivre longtemps sans paraître pour cela moins jeunes aux yeux de la Postérité. […] ………………………………………………… Vos anges sont jaloux et m’admirent entre eux… Et cependant, Seigneur, je ne suis pas heureux ! […] … Eloa, née d’une larme de Jésus-Christ, qui pleura Lazare, est l’ange de la Pitié dans le ciel et elle a compassion du Démon, de ce grand malheureux qui souffre, et elle le préfère, dans son Enfer, par ce qu’il souffre, au Paradis où elle est heureuse et à la splendeur de son Dieu !
Malassis, un dauphin qui connaît le Pirée, et qui, quand il s’agira d’éditer, ne prendra point des singes pour des hommes comme le maladroit de la mer Égée, a eu l’heureuse idée de donner, du fond de sa province, à la librairie parisienne, un exemple qui est une leçon. […] Mais l’individualité y est-elle puissante, l’exception heureuse, le paroxisme fécond ? […] La sienne, à lui, est, obscure et secrète comme un chiffre qui n’a point de clef ; trente personnes peut-être dans Paris ont le sens de cette gaîté logogriphique, mais, à partir de la banlieue, tous les hommes d’esprit de la terre peuvent se mettre à plusieurs pour comprendre, ils ne seront pas plus heureux que les bourgeois de Hambourg qui se cotisaient pour entendre les mots de Rivarol !
Consolation qui n’est jamais complète, et c’est son charme, — un homme consolé est presque aussi plat qu’un homme heureux, — résignation plutôt, chose que je ne vanterai jamais assez, tant elle est rare, et dont le poète est doué en M. de Châtillon, comme s’il avait été élevé auprès du rouet de quelque bienfaisante Fée pauvre ! […] Voir des heureux, c’est quelque chose ! Se croire heureux est plus encor.
Milton, aveugle et pauvre comme Corneille, moins heureux par ses filles, qui furent mauvaises, paraît-il, comme nous venons de le dire au chapitre précédent, que Corneille par ses enfants, vécut la dernière partie de sa vie entre l’orgue dont il jouait et la Bible qu’on lui lisait. […] Que le Corneille des jeunes années eût aimé Marie Courant, comme Byron aima Marie Chaworth, et ne fût pas plus heureux que Byron, car Marie Courant épousa un je ne sais qui, comme Marie Chaworth, c’est un malheur que la jeunesse — cette belle Hercule de la jeunesse, qui porterait le ciel sur ses épaules, s’il y tombait ! […] — (Comme La Fontaine, qui s’appelle aussi le bonhomme, mais pour d’autres raisons que Corneille ; La Fontaine, lui, toujours heureux, le croira-t-on ?
Thiers sont d’un heureux augure ; elles attestent déjà un auteur qui pense par lui-même et qui n’a nullement besoin de déclamation ; elles n’ont pas d’efforts, et elles ont de la portée. […] L’année même où parut cette relation de voyage, il prenait la part la plus active à la rédaction d’un recueil qui ne vécut que peu, mais qui était un heureux signal, les Tablettes universelles. […] Il faut, a dit un ancien, que la patrie soit non-seulement heureuse, mais suffisamment glorieuse. […] Il y a là comme une mélancolie rapide qui ajoute à l’émotion heureuse et qui se mêle, pour l’aiguiser, à l’ivresse de la gloire non moins qu’à celle du plaisir. […] heureuse fortune de la jeunesse !
Je crois qu’il serait heureux d’aimer tout le monde comme noire prochain, et de n’avoir aucun attachement particulier ; mais je doute fort que cela fût possible. […] Trop heureux que ce soit vous !… Je ne vous aurais pas choisie peut-être ; cependant je me trouve heureux que ce soit vous qui daigniez prendre ce soin. […] Elle aime ; la crise passée, elle est heureuse ; elle s’est convaincue de la sincérité, de la loyauté de l’amant : elle n’a pas eu à pardonner. […] Bref, étant un jour à Genève, il y rencontre, dans la famille d’un ami, une jeune personne honnête, instruite, charmante à voir, et il se marie : le voilà heureux.
Il ne s’ensuivrait pas que la race humaine dût se prêter à servir d’aliment aux facultés gigantesques d’Alexandre ; mais on peut dire que, d’après sa nature, lui, ne savait être heureux qu’ainsi. […] La douleur est un des éléments nécessaires de la faculté d’être heureux, et nous ne pouvons concevoir l’une sans l’autre. […] Heureux ceux qui pleurent, dit J. […] N’avons-nous pas éprouvé, même à part des sentiments religieux, que notre disposition intérieure n’était pas toujours en rapport avec nos circonstances, et que souvent l’on se sentait plus ou moins heureux qu’on n’aurait dû l’être d’après l’examen de sa situation ? […] Il y a deux manières de la sacrifier, ou parce qu’on donne au devoir la préférence sur elle, ou parce qu’on donne aux passions cette préférence en ne voulant plus vivre dès qu’on a perdu l’espoir d’être heureux.
Heureux, heureux, heureux couple ! […] Je sentais, pour ainsi dire, que nous avions été trop heureux pendant quinze jours. […] Défiez-vous des poètes et des musiciens heureux. […] Nous n’avons été jusqu’à ce jour, en vérité, ni heureux, ni malheureux. […] Tout dépend de ta raison d’abord, et tu as certainement de la raison, quand tu veux la consulter ; puis des circonstances plus ou moins heureuses.
Elle enseigne, seulement, aux hommes comment il faut vivre pour être heureux (p. 114). […] Heureux est, seul, le Pur Simple, qui s’ignore plus humble. […] Parsifal connaît, compatit, et sauve — et devient heureux — parce qu’il vainc le mauvais désir charnel. […] Et ce Sage parfaitement heureux, n’est point le vague Sage idéal des rhéteurs stoïciens. […] … Très bien heureux homme !
que j’aie un coin où m’abriter dans quelque vaste désert, dans le voisinage de quelque forêt illimitée, là où la rumeur de l’oppression et de l’imposture, de la guerre heureuse ou malheureuse, ne puisse jamais plus m’atteindre ! […] Ainsi béni du ciel, je fais le tableau de mon bonheur. » Mais c’est dans le chant du Soir d’hiver qu’il achève de se peindre à nous en son cadre favori, aux moments les plus heureux, et dans tout le charme d’un raffinement social innocent et accompli. […] Dans ses bons moments et ses plus heureuses saisons, la voix s’éloignait ou parlait plus bas, mais il ne parvenait jamais à l’étouffer entièrement, et aux heures de crise elle redevenait menaçante et sans trêve. […] C’est tout ce que j’ai voulu dire ici, sans nier qu’avec des différences dont le talent saurait se faire une originalité, nous puissions, par une application heureuse, y réussir à notre tour27. […] [NdA] Le plus ancien et le plus sacré des poètes, Homère, ne pensait pas autrement que Wordsworth, lorsqu’il a dit : « Il n’est rien de meilleur ni de plus beau que lorsqu’un homme et une femme habitent la maison, ne faisant qu’un par le cœur. » C’est Ulysse qui dit cela en adressant des vœux d’heureux mariage à Nausicaa et en songeant lui-même à sa Pénélope.
Le fond de ces écrits est le plus souvent raisonnable ; c’est la forme seule qui est étrange, sauvage, rocailleuse, et (sauf de rares et heureux endroits) des plus rebutantes. […] Que l’on est heureux lorsqu’on est aussi philosophe que vous l’êtes ! […] Vauvenargues l’avait félicité de son mariage tant qu’il le crut fait ; il le félicita plus franchement lorsqu’il le vit rompu : J’aime, lui disait-il, votre amour pour la liberté : elle est mon idole, et j’ai peine à concevoir que l’on soit heureux sans elle. […] Ne songez-vous jamais que vous pourriez aimer ailleurs, être heureux, jouir de même, et faire servir vos plaisirs à votre fortune. […] Il nous reste à les voir avec le détail qu’elles méritent, paraissant aujourd’hui pour la première fois. — Heureux âge de vingt-cinq ans qui permet et sollicite de tels épanchements entre égaux, qui ouvre un infini de perspective dans toutes les carrières, les montre plus simples et plus droites qu’elles ne sauraient jamais l’être à les parcourir en réalité ; qui, des oppositions même et des contrariétés du sort, sait tirer des combinaisons nouvelles, et se fraye en idée, par-delà l’obstacle, de plus belles routes inconnues !