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35. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Le XVIIe siècle n’a pas connu la critique, parce que la comparaison des faces diverses de l’esprit humain lui était impossible. […] Il est impossible de réduire celui qui les rejette obstinément, aussi bien qu’il est impossible de prouver l’existence des animalcules microscopiques à celui qui refuse de faire usage du microscope. Décidés à fermer les yeux aux considérations délicates, à ne tenir compte d’aucune nuance, ils vous portent à la figure leur mot éternel : prouvez que c’est impossible. (Il y a si peu de choses qui sont impossibles !) […] Mais ce qui est tout à fait impossible, c’est que cent subtilités soient vraies à la fois.

36. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

. — L’expérience de ce second terme est impossible. — Raisons de cette impossibilité. — Divers exemples. — Différence entre l’image vague suscitée par le nom et le caractère précis désigné par le nom. — Différence de l’image sensible et de l’idée pure. […] Formation actuelle d’une idée générale. — Ce qui se dégage en nous, après que nous avons vu une série d’objets semblables, c’est une tendance finale dont l’effet est une métaphore, un son ou un geste expressif. — Exemples contemporains. — Exemples anciens. — Nos noms généraux sont des résidus de sons expressifs. — Il n’y a en nous, quand nous pensons une qualité générale, qu’une tendance à nommer et un nom. — Ce nom est le substitut d’une expérience impossible. […] Ordonner à quelqu’un de voir ou d’imaginer plusieurs côtés et, en même temps, de n’en voir ou imaginer ni trois, ni quatre, ni aucun nombre, c’est prescrire et interdire à la fois la même opération. — Pareillement, lorsque, après avoir vu dans la campagne trente arbres différents, des chênes, des tilleuls, des bouleaux, des peupliers, je prononce le mot arbre, je ne trouve pas en moi-même une figure colorée qui soit l’arbre en général ; car l’arbre en général a une hauteur, une tige, des feuilles, sans avoir telle hauteur, telle tige, telles feuilles ; et il est impossible de se représenter une grandeur et une forme, sans que cette grandeur et cette forme soient telles ou telles, c’est-à-dire précises. — À la vérité, devant le mot arbre, surtout si je lis lentement et avec attention, il s’éveille en moi une image vague, si vague qu’au premier instant je ne puis dire si c’est celle d’un pommier ou d’un sapin. […] Impossible de l’imaginer, même coloré et particulier, à plus forte raison général et abstrait. […] La rougeur subite d’un papier imprégné ou le recul plus ou moins grand d’une lamelle de fer sont liés à une métamorphose intime ou à un degré fixe d’action profonde, et nous observons le second objet que nous n’atteignons pas dans le premier que nous atteignons. — Pareillement, quand il s’agit d’une qualité générale dont nous ne pouvons avoir ni expérience ni représentation sensible, nous substituons un nom à la représentation impossible et nous le substituons à bon droit.

37. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Mais une telle comparaison est impossible. […] Moreau (de Tours) lui-même déclare qu’il est impossible de découvrir par les sens la propriété physique dont l’intelligence peut dépendre. […] Qu’il y ait des maladies héréditaires, c’est un fait flagrant contre lequel il est impossible de s’élever. […] Mais il m’est impossible d’aller plus loin. […] C’est ce qu’il me paraît absolument impossible de découvrir, c’est du moins ce qui demanderait des observations si longues et si délicates, que je ne crois pas que la science puisse encore rien avancer de sérieux sur un pareil sujet.

38. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Rien de fixe et de positif n’existe comme limite constatée ; mais il y a une limite bien plus certaine que celle des contrats écrits et signés, des actes authentiques faits en présence de témoins ; cette limite, qu’il est impossible de briser, c’est celle des mœurs. […] Ce serait vouloir l’impossible. […] On peut s’égarer, il me semble, sur ce qu’est réellement l’opinion ; mais il est impossible, je le crois, de s’égarer sur l’appréciation des mœurs : or c’est encore par les mœurs qu’il faut juger une nation. […] Mais, comme il est impossible de régner à la fois de deux manières, il est certain que cette puissance dont nous parlions tout à l’heure, la puissance des salons, s’affaiblit de jour en jour sous le rapport de l’opinion ; il lui restera néanmoins l’influence des mœurs. […] Mais, je ne puis m’abstenir de l’avouer, ma confiance dans une telle hypothèse vient surtout de ce qu’il faut qu’elle soit vraie pour que la société puisse continuer de subsister : or il m’est impossible de ne pas croire, avant tout, que la société ne peut périr.

39. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Il est impossible, en parcourant les stances de cette élégie, de croire que le poète ait réellement éprouvé ce qu’il tente de peindre. […] Il est impossible en effet de méconnaître l’intime parenté qui unit Han d’Islande et le nain Habibrah. […] Est-ce là pourtant une raison suffisante pour les déclarer impossibles de tout point, et les renvoyer au pays des chimères ? […] Il est impossible de réunir plus de grâce et de finesse, plus de malice et de pureté ; elle mérite vraiment son nom. […] Après avoir tourné le dernier feuillet, il est impossible de ne pas garder dans sa mémoire l’image vivante du Coat-d’Or.

40. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Certes, il est impossible de demander une science de meilleur aloi, si on ne recherche que l’exactitude et la critique de détail. […] Il est impossible de réfuter par des arguments directs celui qui s’obstine à y croire ; il se jouera de tous les raisonnements a priori. […] Il est certaines âmes d’une nature fort délicate qu’il sera à jamais impossible de plier à ce sévère régime et à cette austère discipline. […] Il est impossible que deux esprits bien faits envisageant le même objet en jugent différemment. […] L’obéissance passive n’est impossible qu’à la condition de la stupidité.

41. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Sur tout ce qu’on lui propose, il dit : « C’est impossible » ; et il ne propose rien en retour qu’une retraite prudente. […] Ce qui n’est que difficile ne lui paraît jamais impossible ; ce qu’on dit impossible le tente : l’extrême activité est un de ses moyens. […] Il manqua à ce qu’on attendait de lui, cette fois, et d’autres encore ; mais Villars fit tout ce qu’il fallait et ce que Catinat estimait impossible, et en définitive il réussit. […] Villars, jugeant impossible d’entreprendre sa jonction avec l’électeur avant le mois de mai, prit sur lui de ramener son armée sur la rive gauche du Rhin pour lui donner du rafraîchissement. […]  » Voilà, Monsieur, des paroles nécessaires, non pour augmenter le zèle, il est toujours égal, mais pour que votre général ait l’esprit plus libre, le cœur satisfait, et que, jugeant de sa fortune dans la guerre par celle qu’il trouve dans son élévation, il ne croie rien d’impossible.

42. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Qu’y a-t-il d’impossible ? […] Personne ne contestera que l’éloquence ne soit tout à fait dénaturée en France depuis plusieurs années ; mais beaucoup affirmeront qu’il est impossible qu’elle renaisse et se perfectionne. […] Ces objections pourraient décourager pendant quelque temps mon espérance ; néanmoins il me paraît impossible que tout ce qui est bien en soi n’acquière pas à la fin un grand ascendant, et je crois toujours que ce sont les orateurs ou les écrivains qu’il faut accuser, lorsque des discours prononcés au milieu d’un très grand nombre d’hommes, ou des livres qui ont le public entier pour juge, ne produisent aucun effet. […] Quand on se rappelle les visages froids et composés que l’on rencontre dans le monde, j’en conviens, on croit impossible de remuer les cœurs ; mais la plupart des hommes connus sont engagés par leurs actions passées, par leurs intérêts, par leurs relations politiques.

43. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Par exemple, nous pouvons faire produire à l’index un mouvement indépendant, tandis qu’avec le troisième doigt cela est impossible ; l’oreille externe est immobile chez l’homme, mobile chez quelques animaux ; dans le pied, les orteils vont ensemble, quoiqu’on puisse les isoler quelquefois, comme le montrent ceux qui écrivent ou travaillent avec leurs pieds. […] « Il est impossible de dire combien il faut de conjonctions fortuites pour produire une adhésion assez forte pour nous élever au-dessus des indécisions d’un commencement spontané. » Peu de besoins sont aussi pressants que la soif ; cependant l’animal ne devine pas tout d’abord que l’eau des étangs peut l’apaiser : le lait maternel, l’humidité de sa nourriture lui suffisent d’abord ; ce n’est que plus tard, dans ses courses, qu’il en vient à appliquer sa langue sur la surface de l’eau, à en ressentir du soulagement et à apprendre ainsi ce qu’il doit vouloir. […] Il est difficile, souvent même impossible, d’arrêter un éclat de gaieté par une simple volition adressée aux muscles : que faisons-nous ? […] — « Le mot moi ne peut signifier rien de plus que mon existence corporelle, unie à mes sensations, pensées, émotions, volitions, en supposant que leur classification est complète et qu’on en a fait la somme dans le passé, le présent et le futur… Il m’est impossible d’accorder l’existence dans les profondeurs de notre être, d’une impénétrable entité, qui porte le nom distinct de moi, et qui ne consiste pas en quelque fonction ou organe corporel, ou en quelque phénomène mental déterminable. » Quant à l’appel qui a été fait à la conscience, comme témoignant d’une manière indiscutable la liberté de notre volonté, voici ce qu’il faut en penser.

44. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

On aurait donc dû se dispenser de ces arguments, qui, outre leur faiblesse intrinsèque, ont un grand inconvénient : c’est que si à un jour donné la science venait à démontrer la doctrine des localisations (ce qui n’a rien d’impossible), le spiritualisme se trouverait battu par ses propres armes. […] Les organes n’ayant plus de place fixe, il est impossible de les déterminer. […] Telles sont les raisons générales qui ont été invoquées contre la doctrine phrénologique, et il est impossible d’en méconnaître la valeur ; mais, indépendamment de ces objections, qui atteignent la théorie générale, on peut dire que de toutes les localisations proposées par les phrénologues aucune n’a été confirmée par l’expérience. […] Claude Bernard confirment ces vues quant aux sens du goût, et la pluralité des sens du toucher n’est plus un doute pour personne. » Ce qui paraît du reste certain, c’est qu’il est impossible d’admettre autant d’espèces de nerfs qu’il y a d’espèces de sensations, car il en faudrait un nombre infini.

45. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

C’est ce Frédéric Masson qui publia un livre sur le cardinal de Bernis, qui, tout simplement, nous apprenait le cardinal de Bernis, que nous ne savions qu’à moitié, et nous entr’ouvrait cette robe rouge de cardinal qui paraissait rose aux clartés décomposantes du xviiie  siècle, et qui avait bien le droit d’être rouge, et du rouge le plus grave et le plus éclatant, puisqu’il y avait par-dessous un homme qui n’était plus le poète badin des marquises, mais le dernier et douloureux ministre d’État d’un gouvernement devenu lamentablement impossible… Bernis était un méconnu. […] II Eh bien, cette histoire qui paraissait impossible, cette histoire sans personnage historique, — ce qui ne s’était jamais vu, — Frédéric Masson l’a entreprise, et, qui plus est, il l’a faite, et il l’a faite intéressante ! […] … C’est là une question que lui seul et l’avenir résoudront, mais ces facultés sont si visibles en cette séduisante production qu’il a appelée le Marquis de Grignan, et qui est bien autre chose que la biographie de ce pauvre homme, qu’il était impossible à la Critique de ne pas les voir et de ne pas les signaler… 56.

46. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Nous le disons même à sa louange, il y a, dans l’introduction qui précède le volume de sa traduction, les gênes d’un esprit honnête qui comprend au fond ce qu’il fait et qui s’inquiète avec raison de la transparence d’un procédé sur lequel il est impossible de s’aveugler : « Si le Journal d’un chasseur — dit M.  […] Charrière et à la netteté de son bon sens, mais, quant à nous, il nous est impossible d’admettre de pareilles interprétations. […] Quand un livre n’est qu’impressions et détails, quelques hachures inspirées, quelques morsures d’une plume métallique qui sait enlever un profil d’horizon ou un profil de visage, quand il manque, enfin, comme celui-ci, de plan, d’ordonnance et d’architecture, l’analyse devient impossible.

47. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Il serait certes impossible à M.  […] Hugo, car un tel personnage est absolument impossible. […] Toute la pièce n’est qu’un puéril entassement de scènes impossibles. […] Il est impossible de poser la question plus nettement que ne le fait M.  […] Certes, il est impossible de ne pas fléchir le genou devant ces trois enthymèmes victorieux.

48. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXI » pp. 87-90

Bien des gens disent et répètent que le temps de la comédie est passé, qu’elle est devenue impossible par toutes sortes de raisons, et les théories ingénieuses sur cette lacune désormais inévitable ne manquent pas. […] Il est impossible de ne pas remarquer, quand on est un peu grammairien ou même moraliste, que voilà bien des grands hommes de bien en quinze jours, et rien ne prouverait plus combien une telle expression si solennelle, et qui devrait être si réservée, exprime peu une idée nette pour les esprits du jour que cet abus et comme ce jeu qu’on en fait.

49. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Catholique du Syllabus, — du Syllabus qui n’est pas une nouveauté de ces derniers temps, mais l’expression dernière du catholicisme éternel, — il n’a pas craint de regarder à la clarté fixe de cette lumière les choses d’une époque où la société, désespérée, est à l’extrémité de tout, et où l’on peut jeter sans inconvénient une dernière fois le dé de la vérité à travers les dés pipés d’une partie à peu près perdue, et qu’il est peut-être impossible maintenant de gagner ! […] Aussi les maquignons du royalisme ne manqueront pas de le nommer un absolutiste, aveugle au temps, et politiquement impossible ! […] Or, si, au dire des sages du temps et des diplomates de transaction, la chose est impossible, regardons, comme Maurice de Bonald, avec des yeux lucides, ce qui doit nous faire mourir, et toisons fièrement notre bourreau.

50. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Il est impossible de méconnaître l’importance de l’œuvre entreprise par l’Institut de droit international, et parmi les nombreuses sociétés qui ont inscrit l’arbitrage en tête de leur programme, il occupe, sans conteste, le premier rang, par l’importance et l’autorité de ses travaux. […] Ce fait et ceux qui précèdent prouvent indubitablement que l’idée d’arbitrage, entrevue depuis des siècles par des penseurs d’avant-garde, s’est réellement incarnée dans la pratique, et qu’il est impossible de ne pas prévoir le progressif épanouissement de ses applications. […] Il est impossible de ne pas entrevoir les bienfaits qu’engendrerait pour le monde l’avènement d’une telle juridiction.

51. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Il est impossible de se méprendre sur les prétentions philosophiques de M.  […] Il est impossible de concevoir comment Chactas, parlant à René, ne se résigne pas à nommer les choses et les hommes par leur nom. […] Nous déclarons ingénument qu’il nous a été impossible de pénétrer la pensée de l’orateur. […] Dumas, car ce serait lui conseiller l’impossible ; nous ne dirons pas à M.  […] Il serait impossible de déterminer lequel des deux joue le premier rôle, lequel des deux est l’obligé.

52. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Il y a des pensées qui nous jouent le même tour ; elles se blottissent dans un coin de notre cerveau ; c’est fini ; elles sont perdues ; impossible de remettre la mémoire dessus. […] L’éclipse d’une telle lumière était décidément impossible. […] Il passionne l’homme peu intelligent pour l’impossible : la plus terrible et la plus meurtrière des passions à donner aux masses, c’est la passion de l’impossible ! Presque tout est impossible dans les aspirations des Misérables, et la première de ces impossibilités, c’est l’extinction de toutes nos misères. […] Chaque révolution est un pas vers le vrai ; si elle veut en faire dix, elle tombe dans la fausse utopie et dans l’impossible.

53. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Que l’on ne me demande pas une explication précise et textuelle ; il est trop évident qu’elle est impossible. […] Il est impossible de se le dissimuler plus longtemps, les études littéraires doivent prendre une direction nouvelle, être assises sur d’autres fondements. […] Il est impossible encore d’apprécier toutes les révélations que nous devons recevoir de langues dont les racines primitives sont des manifestations morales ou intellectuelles plutôt que la représentation d’objets physiques ou l’expression de besoins matériels. Il est impossible de prévoir ce que nous devons apprendre de langues dont les unes sont faites pour l’ouïe, et les autres pour la vue.

54. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Si donc la généralité des phénomènes sociaux avait ce caractère parasitaire, le budget de l’organisme serait en déficit, la vie sociale serait impossible. […] Il est vrai que, de l’aveu de Comte, il est impossible d’appliquer cette méthode déductive aux périodes plus avancées de l’évolution. […] D’abord, elle est forcée, car, dans l’immense majorité des cas, il nous est matériellement et moralement impossible de dépouiller notre nationalité ; un tel changement passe même généralement pour une apostasie. […] Mais il est impossible de concevoir comment l’état où la civilisation se trouve parvenue à un moment donné pourrait être la cause déterminante de l’état qui suit. […] Aussi, dans ces conditions, toute prévision scientifique est-elle impossible.

55. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

D’abord, si l’on n’avait pas de Dieu il serait impossible de le blasphémer et de pimenter ses plaisirs par l’idée du péché. Ensuite, sans Dieu, on ne saurait avoir Satan ; et, sans Satan, il impossible d’être satanique, ce qui est essentiellement la manière d’être du décadent. […] Ils obtiennent avec des rimes exclusivement féminines des pièces chuchotantes, aux nuances effacées, avec des rimes exclusivement masculines des sonorités redondantes, impossibles sous le joug des anciennes règles. […] D’abord si l’on n’avait pas de Dieu, il serait impossible de le blasphémer et de pimenter ses plaisirs par l’idée du péché. Ensuite sans Dieu, on ne saurait avoir Satan ; et, sans Satan, il est impossible d’être satanique, ce qui est essentiellement de la manière d’être du décadent. » Que M. 

56. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Ainsi, il serait peut-être utile que l’accouchement ne déterminât pas des troubles aussi violents dans l’organisme féminin ; mais c’est impossible. […] Or, il est impossible de déduire le plus du moins, l’espèce du genre. […] En premier lieu, le crime est normal parce qu’une société qui en serait exempte est tout à fait impossible. […] Mais une uniformité aussi universelle et aussi absolue est radicalement impossible ; car le milieu physique immédiat dans lequel chacun de nous est placé, les antécédents héréditaires, les influences sociales dont nous dépendons varient d’un individu à l’autre et, par suite, diversifient les consciences. […] Cependant, ce critère écarté, non seulement on s’expose à des confusions et à des erreurs partielles, comme celles que nous venons de rappeler, mais on rend la science même impossible.

57. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Il m’est impossible, en ce moment, de faire connaissance avec toutes les personnes qui m’entourent ; je me distingue d’elles cependant, et je vois aussi quelle situation elles occupent par rapport à moi. […] Ainsi, je crois que si notre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un état d’âme déterminé ; mais l’opération inverse serait impossible, parce que nous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d’états d’âme différents, également appropriés 4. […] Vous verrez que c’est impossible, que la pensée était un mouvement indivisible, et que les idées correspondant à chacun des mots sont simplement les représentations qui surgiraient dans l’esprit à chaque instant du mouvement de la pensée si la pensée s’arrêtait ; mais elle ne s’arrête pas. […] Il m’est impossible d’énumérer ici les faits et les raisons sur lesquels cette conception se fonde. […] Les examiner tous est impossible ; approfondir tels ou tels d’entre eux serait encore trop long.

58. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Jésus ne dépassa pas cette première période toute monacale, où l’on croit pouvoir impunément tenter l’impossible. […] Transportée dans un état calme et au sein d’une société rassurée sur sa propre durée, cette morale, faite pour un moment de crise, devait sembler impossible. […] Le bon sens vulgaire se révolte devant ces excès ; à l’en croire, l’impossible est le signe de la faiblesse et de l’erreur.

59. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Impossible de nous laisser faire ! Impossible de nous prendre à tout ce qu’elle nous dit de ce mari qui, pour elle, est le plus grand des hommes ! […] Quinet, rejaillit, du fond du bas-bleu, l’Ange adorateur, l’Épouse acharnée, et voyez comme en définitive, bas-bleu et épouse, il est impossible de les séparer !

60. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Pour Thureau-Dangin, ce jeu, sans fin en ce moment encore, aurait eu son accomplissement et son triomphe sans les partis extrêmes qui à toutes les époques ont tout empêché, tout bouleversé, rendu tout impossible ; et c’est contre les partis extrêmes qu’il élève son livre. […] Mallet-Dupan, dans lequel Thureau-Dangin a appris son latin politique et qui tient plus de place que Thureau-Dangin lui-même dans le livre de Thureau-Dangin ; Mallet-Dupan mourut à la peine d’une besogne impossible. […] Ce modéré, qui, en voyant l’impuissance fatale des modérés en face des partis extrêmes, ne se demande pas si cette impuissance tient à la volonté des hommes où à l’involontaire des institutions ; si elle ne vient pas de la nature même des gouvernements parlementaires plus que de la faute de ces partis extrêmes qu’il est impossible à ces pauvres gouvernements d’accommodement, de transaction et de soi-disant équilibre, de contenir et de dominer !

61. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

L’impartialité dans l’enthousiasme, qui correspond pour l’esprit à ce qu’est la justice dans l’amour pour le caractère, tel est le trait saillant, particulier, impossible à oublier, de cette belle physionomie intellectuelle, — son fer à cheval de Redgauntlet, à ce noble front ! […] Il n’a plus attesté que le suprême effort de la pensée pour atteindre, de la réalité fournie par l’histoire, à cet idéal de beauté impossible en ce monde, comme le bonheur même, qu’il voudrait, hélas ! […] Où l’idéal se brise pour moi et devient l’impossible, il continue, pour lui, d’être à la portée de la main humaine.

62. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

C’est si haut, que c’est impossible, et l’on se rassied dans la vie commode, en jetant à l’idéal intangible le regard le plus tranquillement résigné… à la perte de cet idéal. […] Seulement, si nous n’entrons pas plus avant dans ce point de vue pratique, qu’il est impossible de ne pas ouvrir quand il s’agit d’un livre chrétien, il nous reste à connaître le côté littéraire de l’Imitation comme œuvre humaine, et nous allons l’examiner. […] Non, l’Imitation ne traduit pas le Moyen Âge avec cette puissance qu’il est impossible d’y résister.

63. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Ce m’est impossible ! […] Si vous joignez de plus à cela l’horripilation impudique que causent, à ces sensitives du mariage des prêtres, le dogme de l’immaculée Conception et la haine profonde pour le Marianisme, — cette affreuse religion entrevue par Michelet, — qui remplacerait prochainement le Christianisme si nous n’avions pas pour le sauver des docteurs comme des Julio de la Clavière et des abbés Trois-Étoiles, vous aurez à peu près tout ce qu’il y a de vues et de choses nouvelles dans ce Maudit, que j’appelle plutôt le mal dit ; car il est impossible de plus mal dire, il est impossible de plus manquer que ce livre du talent qui sait exprimer même des sottises, et qui parfois les fait passer !

64. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

et cela me suffit pour coudre de tout mon cœur… Mais écrire m’est impossible. […] C’est bien de la part du Christ que je te le demande, car il est impossible qu’il ne trouve pas tout ceci digne de lui, tant c’est triste ! […] Il est bon et obligeant, mais, comme tous les hommes d’un grand talent littéraire, impossible à cultiver : il appartient à trop de monde, à tous les mondes. » Avec le seul Musset, il n’y avait jamais eu d’occasion, de rencontre, et partant de sympathie établie, pas le moindre petit fil tendu à travers l’air, et elle le supposait de loin plus avantageux certainement, plus plein de lui-même qu’il ne l’était, lui, l’indifférent passionné, éperdument livré au torrent de la vie ; elle avait à son sujet de la prévention, faute de l’avoir connu à une heure propice. […] Je cherche souvent en moi-même ce qui peut m’avoir fait frapper si durement par notre cher Créateur ; car il est impossible que sa justice punisse ainsi sans cause, et cette pensée achève bien souvent de m’accabler. » Chaque cœur croyant a, ainsi, un jour ou l’autre, son heure de tentation et de doute, son délaissement et sa sueur froide, son jardin des Olives. […] « Ce directeur comme divin a été jusqu’à me dire : « La chose est impossible, madame, et pourtant je vois qu’il le faut, et puisqu’il y va de votre tranquillité, nous passerons par-dessus ce que je ne peux vous détailler ; et pour que vous soyez heureuse, nous en ferons un homme heureux ! 

65. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Pommier n’a pris que les grandes faces connues, nécessaires et impossibles à supprimer de l’idée féconde qu’il devait interroger et dévoiler sous toutes ses faces et dans toutes ses profondeurs. […] Toute cette partie de son poëme est d’une vie telle qu’il est impossible d’en rien détacher, car la strophe vous prend et vous jette à la strophe suivante, et vous faites ainsi le tour de ce morceau d’une impétuosité lyrique irrésistible ! […] Voilà pourquoi il a écrit ce prodigieux volume de vers où tout est tenté comme témérité d’expression, et où rien n’a été impossible. […] Ainsi les pièces du volume les plus hérissées de difficultés et qui en paraissent comme fantastiques, c’est Le Voyageur, poëme géographique ; c’est La Fontaine de Jouvence, poëme hydrothérapique ; c’est Le Nain, c’est L’Égoïste, que l’auteur appelle une folie ; c’est Pan, c’est L’Idylle du Financier et de la Bergère ; c’est La Chine, c’est Blaise et Rose, une idylle réaliste, en style marotique, et ces pièces ont une étendue qui les rend impossibles à citer. […] Amédée Pommier, cet artiste acharné qui n’a pas besoin de l’impulsion des autres, à des effets nouveaux et à des tentatives nouvelles, nous lui conseillons plutôt, maintenant qu’il a prouvé qu’il pouvait être un grand maître dans l’art des vers pour les vers, de remonter de cette poésie de l’expression pure vers la poésie plus mâle de la pensée et de préférer désormais aux difficultés, cherchées pour les vaincre, du rythme, les inspirations victorieuses des sentiments auxquels il est impossible de résister !

66. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Claretie avait contre lui (dans Monsieur le Ministre) d’abord son sujet, vrai sujet de haute comédie. » Voilà qui va bien. « — Seul sujet de haute comédie, avec Rabagas et Dora, auquel les gens du métier aient songé dans ces douze dernières années. » On se demande : Est-il donc décidément impossible d’en trouver un quatrième, en cherchant bien   « M.  […] A propos d’un mauvais drame de Ponson du Terrail, il nous trace de Henri IV, envisagé par certains côtés secrets, un portrait, avec preuves à l’appui, qu’il est impossible d’oublier. « … Il faut donc conclure, pour Henri IV jeune ou vieux, à un fonds ingénu de vilenie bestiale qu’il dominait moins dans son âge mûr et sa vieillesse, mais qui au temps de sa jeunesse, n’étant point revêtu par la gloire, choquait plus en sa nudité. » — A propos de Kléber, drame militaire, il développe ingénieusement et magnifiquement « le rêve oriental de Napoléon ». — A propos du Nouveau Monde, de M.  […] Il n’aime pas seulement l’esprit, qui est, de toutes les façons de voir et d’exprimer les choses, celle dont on jouit le plus sûrement : il aime le romanesque, l’héroïque, l’impossible. […] Weiss abonde en assertions subites, inexpliquées, et dont le contrôle est impossible.

67. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Les idées courantes, comme déconcertées, résistèrent d’abord avec une telle énergie que, pendant un temps, il nous fut presque impossible de nous faire entendre. […] La cellule vivante ne contient rien que des particules minérales, comme la société ne contient rien en dehors des individus ; et pourtant il est, de toute évidence, impossible que les phénomènes caractéristiques de la vie résident dans des atomes d’hydrogène, d’oxygène, de carbone et d’azote. […] Or si le problème mérite de tenter la curiosité des chercheurs, à peine peut-on dire qu’il soit abordé, et tant que l’on n’aura pas trouvé quelques-unes de ces lois, il sera évidemment impossible de savoir avec certitude si elles répètent ou non celles de la psychologie individuelle. […] L’individu les trouve toutes formées et il ne peut pas faire qu’elles ne soient pas ou qu’elles soient autrement qu’elles ne sont ; il est donc bien obligé d’en tenir compte et il lui est d’autant plus difficile (nous ne disons pas impossible) de les modifier que, à des degrés divers, elles participent de la suprématie matérielle et morale que la société a sur ses membres.

68. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Ici, les hiérarchies impossibles à abolir reviennent, et, ne riez pas ! […] Mais, pour sainte de Staël, c’est bien différent ; on voit l’instant où la canonisation va se trouver impossible. […] Cette rage retrouvée l’aveugle au point que lui, l’historien, l’homme des faits, dans une note de la page 129 qu’il nous est impossible de transcrire, non par pudeur, mais par honte (que le lecteur la lise sans nous !)

69. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Une preuve de plus de cette vérité qu’en tout temps j’ai infatigablement proclamée : c’est que s’il est possible encore qu’une âme basse ait quelque talent, il est impossible qu’elle ait du génie ! […] … La Correspondance rendra désormais impossible ces petits régals des commères, à bec vide et à ventre vide, de la littérature, à même la substance d’un grand homme. […] Autant, à chaque œuvre nouvelle de Balzac, — de ce prodigieux producteur,  — il était impossible de ne pas convenir du prodige de sa production, autant on cherchait à diminuer, dans sa vie morale et pratique, l’être si souverainement supérieur dans l’ordre de l’esprit et de l’idéal ; — et c’est ainsi qu’on était parvenu à faire de la toute-puissance de Balzac quelque chose d’énorme, il est vrai, mais d’anormal, d’étrange, de mystérieux, d’absorbant, dans lequel l’homme moral n’était plus pour rien, quelque chose enfin comme une mécanique de génie, comme une splendide et énigmatique monstruosité !

70. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

En effet, impossible de s’y méprendre ! […] S’ils n’ont pas cette moralité qui est le dernier degré de l’art et de la difficulté pour un romancier ou un poète, car l’homme qui se cherche dans tout ne s’intéresse guères à ce qui est irréprochable, au moins leur idéalité est-elle à moitié chemin de cette moralité, presque impossible à introduire dans un roman ou dans un poème sans le plus rare et le plus incroyable génie ; car Richardson lui-même, qui a créé Lovelace, a raté Grandisson ! […] qui en augmente l’idéal par la situation de celui qui le raconte : car l’idéal, c’est le plus souvent l’impossible.

71. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

il a eu le sentiment très net que c’était pour lui impossible. […] Il avait enfin cette parole sonore et ce grand geste qui plaisent à la foule même quand elle en rit, et qui ont fait de lui… cette personnalité incomparable, soit dans la rue, soit à l’Académie, qu’il est impossible de confondre avec celle de personne, et qui s’appelle Cousin ! […] Non content de l’être dans ses idées sur la création, les grands hommes, la guerre, etc., etc., n’a-t-il pas écrit la phrase suivante : « Supposer que le monde est vide de Dieu et que Dieu est séparé du monde, c’est une abstraction insupportable et presque impossible. » Ainsi, il aura été panthéiste comme il aura été tout !

72. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

En effet, il faut que le roman, pour être une œuvre supérieure, nous prenne par tous les côtés de notre âme, et il est impossible de nous intéresser longtemps au caractère de Lucien Ferdolle, le héros, si cela peut s’appeler un héros, de M.  […] Il est impossible de supporter longtemps l’analyse, même la mieux faite, de tant de choses méprisables… Je conçois que Le Sage peignît un laquais dans Gil Blas, à l’époque où les laquais intéressaient une société qui donnait chaque jour sa démission de sa noblesse. […] Cette incroyable, cette idolâtrique conception de madame André, qui va faire miauler de plaisir toutes les femmes dans leurs pâmoisons de vanité chatouillée, cette création d’une femme impossible de supériorité, devant laquelle l’homme s’aplatit et s’anéantit comme un nain chétif devant une géante toute-puissante, les femmes, flattées jusque sous la plante des pieds de leur orgueil, auraient-elles deviné qu’elles pussent la devoir jamais à M. 

73. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

En effet, impossible de s’y méprendre : malgré les qualités les plus fortes mises à la place des plus fines, Guy Livingstone ou A Outrance est un roman de high life, ni plus ni moins que Pelham. […] S’ils n’ont pas cette moralité qui est le dernier degré de l’art et de la difficulté pour un romancier ou un poëte, car l’homme qui se cherche dans tout ne s’intéresse guère à ce qui est irréprochable, au moins leur idéalité est-elle à moitié chemin de cette moralité, presque impossible à introduire, dans un roman ou dans un poëme sans le plus rare et le plus incroyable génie, car Richardson lui-même, qui a créé Lovelace, a raté Grandisson ! […] qui en augmente l’idéal par la situation de celui qui le raconte : car l’idéal, c’est le plus souvent l’impossible.

74. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Il est impossible de séparer ces observations, lorsqu’elles ont la France pour objet, des effets déjà produits par la révolution même : ces effets, l’on doit en convenir, sont au détriment des mœurs, des lettres et de la philosophie. […] Il est impossible de condamner la pensée à revenir sur ses pas, avec l’espérance de moins et les regrets de plus ; l’esprit humain, privé d’avenir, tomberait dans la dégradation la plus misérable.

75. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

Il est impossible d’être à la fois et au même degré poète et métaphysicien sublimes. […] Aristote trouve qu’il est impossible d’égaler les mensonges poétiques d’Homère ; Horace dit que ses caractères sont inimitables ; deux éloges qui ont le même sens. — Il semble s’élever jusqu’au ciel par le sublime de la pensée ; nous avons expliqué déjà ce mérite d’Homère, livre II, page 225.

76. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

mais non pas impossible. […] L’Aréopage acquitte Phryné… Juger ce qui plaît tant, est presque impossible ! […] Impossible d’être moins, au fond, fils de Charles-Quint, que Philippe II ! […] Cette faute, qui tenait pourtant au meilleur de l’âme de Philippe II, c’est-à-dire à son zèle pour la religion et la foi, cette faute immanente, que nous, catholiques, nous nous sentons la force de reprocher à sa mémoire, il est impossible que Forneron, malgré la modernité de ses opinions, ne l’ait pas, de son pénétrant regard, aperçue. […] Il n’en fut rien, et d’ailleurs, c’était impossible.

77. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

On rit pourtant, parce qu’il est impossible de ne pas rire en voyant Crispin s’envelopper dans la robe de chambre du moribond et contrefaire sa voix cassée. […] Elle n’admet rien d’impossible, ni même d’invraisemblable. […] Je sais qu’il est bien difficile, peut-être même impossible, que la gaieté soit toujours saine et sauve, car le sérieux l’enveloppe et la serre de toutes parts ; mais le prix des efforts que tentera le poète n’est autre que le salut de la comédie elle-même. […] sans doute, le combat ne peut manquer d’être fort plaisant entre l’amour et l’avarice, entre la plus généreuse et la plus égoïste des passions ; mais on oublie une chose, c’est qu’un tel combat est impossible. […] Le secret du poète comique pour empêcher que nos sentiments moraux ne soient blessés, ce n’est pas de tenter entre son art et la morale une conciliation impossible, c’est de les séparer par convenance.

78. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Rien n’est plus aisé que de déterminer un certain nombre de caractères communs à tous les oiseaux ; mais, à l’égard des crustacés, cette détermination s’est trouvée impossible jusqu’ici. […] C’est au point que souvent il est impossible de les distinguer les uns des autres autrement que par leur grandeur. Je possède, ajoute-t-il, deux jeunes embryons préparés dans l’alcool dont j’ai omis d’indiquer les noms, et il me serait complétement impossible aujourd’hui de dire à quelle classe ils appartiennent. […] J’emploie cette expression, quoique je sache bien qu’il est presque impossible de définir clairement ce qu’on entend par infériorité ou supériorité d’organisation. […] Si nous regardons l’avenir, il nous est naturellement impossible de dire de quelle manière une partie quelconque de l’organisme se développera, et si elle est aujourd’hui naissante.

79. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

On sent bien, ajoute Quintilien, qu’il est impossible de le réciter sans renverser un peu la tête en arriere, comme l’on est porté à le faire par un instinct machinal, lorsqu’on veut prononcer quelque chose avec emphase. […] Mais d’autant qu’il est impossible que bien des gens ne la trouvent pas étrange, je crois à propos de rapporter encore quelques passages des auteurs anciens, qui disent la même chose que Tite-Live.

80. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Il est impossible d’être un bon littérateur, sans avoir étudié les auteurs anciens, sans connaître parfaitement les ouvrages classiques du siècle de Louis XIV. […] Il n’est pas probable toutefois qu’ils oublient l’écrivain qui a donné le plus de chaleur, de force et de vie à la parole ; l’écrivain qui cause à ses lecteurs une émotion si profonde, qu’il est impossible de le juger en simple littérateur. […] Un des caractères les plus frappants dans l’homme, dit le citoyen Talleyrand, dans son Rapport sur l’instruction publique du 10 septembre 1791, pag. 7, c’est la perfectibilité ; et ce caractère sensible dans l’individu, l’est bien plus encore dans l’espèce : car peut-être n’est-il pas impossible de dire de tel homme en particulier qu’il est parvenu au point où il pouvait atteindre, et il le sera éternellement de l’affirmer de l’espèce entière, dont la richesse intellectuelle et morale s’accroît sans interruption de tous les produits des peuples antérieurs.

81. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

En France, le matérialisme, vaincu dans la théorie, prend sa revanche dans l’application, et un Diderot économique comme Proudhon peut très bien y remplacer un Diderot philosophique impossible. […] Il n’entend guères que la France joue à ce pastiche de dupe irressemblant et dangereux, l’imitation de la Hollande et de l’Angleterre ; et s’il nous cite ce dernier pays, c’est pour nous donner un exemple frappant de l’énorme profit qu’une nation, industrielle pourtant de nécessité et par excellence, a tiré de l’agriculture, en appliquant les plus actifs procédés d’une exploitation intelligente aux ingratitudes natives de son sol… Alphonse Jobez, il est vrai, a vu ce qu’il est impossible de ne pas voir quand on regarde l’Angleterre. […] En cherchant sérieusement à créer une population agricole, au lieu de laisser presque au hasard et à la misère le soin de retenir dans les campagnes les enfants qu’il y a placés, l’État agrandira le domaine fécondé de la patrie, et pourra donner à la fois et des leçons et des exemples utiles à l’avenir du pays. » Et, plus loin, ajoute-t-il encore : « L’agglomération de grands territoires dans une seule main, par suite des substitutions aristocratiques, étant impossible avec nos mœurs françaises et un passé historique qui remonte aux propriétés morcelées de Tacite, il faut, de toute nécessité, chercher dans la généralisation d’un principe appliqué aujourd’hui dans les manufactures ce que le droit de primogéniture avait jusqu’ici réalisé.

82. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Il est impossible à celui dont la main peut gouverner les nations de quitter sa sphère céleste pour devenir un moine comme Charles-Quint — âme petite !  […]Impossible donc de l’expliquer, ce solitaire en contradiction, quand on n’interroge que lui seul, tandis qu’au contraire, en se jetant à l’Espagne comme à un flambeau, en la prenant, cette Espagne du xvie  siècle, et en la mettant, avec son esprit ressuscité, bien en face de cet empereur découronné de sa propre main, de cette fière et mélancolique figure de Sacrifié, mais de Sacrifié hautain et volontaire, vous pouvez peut-être trouver le secret de son sacrifice et saisir enfin la vérité ! […] Quand le cercueil fut déposé sur la montagne, des hommes impossibles à méconnaître — car ils avaient sur leurs livrées le chien qui porte une torche allumée dans sa gueule, — élevèrent tout à coup avec des branches d’arbres le bûcher traditionnel de la Sainte Inquisition, sur lequel ils couchèrent, l’ayant arraché de sa bière et roulé dans une chemise d’amiante, le corps de l’empereur décédé.

83. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Cette correspondance inédite appartient, nous dit M. de Mouy, aux archives de la famille Poniatowski, et va nous éclairer par-dedans ce singulier Roi, entré dans l’Histoire par la porte du roman et dont le règne ne fut qu’un roman assez triste, qui pourrait s’appeler : « le Règne impossible ». […] Il n’entend point du tout que cette vieille d’esprit et de monde, cette expérimentée de la vie, cette âme de salon qui n’est jamais sortie de son salon avant de s’en aller en Pologne, pour faire un pèlerinage à Stanislas-Auguste, puisse, par impossible, avoir été amoureuse comme sa contemporaine, cette folle octogénaire de Madame Du Deffand, qui, elle, positivement l’était, quoique M. de Mouy, dans une de ses notes, en ait fait la Sévigné de l’athéisme et de l’insensibilité… Madame Geoffrin, qu’il rapetisse pour qu’on ne soit pas tenté d’en faire la paire avec Madame Du Deffand, qu’il trouve compliquée, était, dit-il, « seulement une femme de beaucoup d’esprit, une bourgeoise aimant la société des gens de lettres et des grands seigneurs, — (rien de plus que cela ?)  […] Pour moi, il m’est impossible de ne pas reconnaître ce sentiment sous les respects adressés au Roi et les tendresses maternelles de la femme âgée à l’homme moins âgé qu’elle, et j’estime même que, tout redouté qu’il soit de M. de Mouy, c’est là un sentiment qui l’honore, cette femme, bien loin de la déconsidérer !

84. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Pour ma part, il m’est impossible d’admettre comme un livre, dans le sens véritablement littéraire du mot, les Conférences de Notre-Dame, improvisées, on nous l’a dit assez, en insistant sur ce mérite, et si remaniées depuis, à main et à tête reposées, en vue de la publication. […] Et j’ai dit le mot : Roman d’amitié, car il est impossible de voir là une histoire, et malgré le fil délié de ses analyses à la Sainte-Beuve, le Père Lacordaire n’est sûr de rien. […] Ainsi, curiosité indiscrète d’abord, vaine ensuite, car elle n’aboutit qu’à des infiniment petits d’une appréciation… impossible, le livre du R. 

85. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Maubrel, un savant pour les besoins de la situation, Aubryet en fait un portrait qui a l’idéalité d’un être impossible et pourtant la réalité d’une copie. […] c’est impossible ! […] Cela s’appelait L’Amour impossible, et cela était parisien de mœurs, de langage, de corruption raffinée et nauséabonde, d’ennui et de préciosité.

86. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Ce dont il faudrait plutôt s’étonner, c’est de la force, de l’habileté, des ressources qu’il a déployées dans l’exécution d’une entreprise impossible et comme désespérée ; mais il a eu beau faire appel de toutes parts à l’érudition et aux descriptions, il a eu beau, en fait d’inventions personnelles, entasser Ossa sur Pélion, Pélion sur Ossa, il n’a pu communiquer à son œuvre l’intérêt réel et la vie. Je sais que des amis d’un esprit très-distingué lui ont dit le contraire et lui ont précisément reconnu, en tout ceci, le don et le génie de l’intuition ; mais je ne comprends pas bien à quoi ce mot s’applique, là où toute vérification et tout contrôle sont à jamais impossibles, et je ne puis parler que selon les vraisemblances et d’après mes impressions, d’après celles également de bien des esprits ayant même mesure que moi et même niveau. […] Il y a des choses impossibles contre lesquelles il ne faut pas se heurter. […] Après tout, la manie de l’impossible est celle des forts.

87. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Comme jusqu’alors ses intentions avaient été droites, il désespéra de pouvoir jamais faire le bien, parce qu’on est toujours plus disposé à regarder comme impossible en soi ce qu’on n’a pas le courage de faire… C’est à ce point qu’était parvenu par degrés un homme qui, s’il fût né particulier, aurait été jugé, par son intelligence et son caractère, au-dessus du commun et ce qu’on appelle proprement un galant homme. […] Nous avons presque à nous excuser de savoir si bien et si à point nommé ces choses de l’alcôve ; mais il nous est impossible de n’avoir pas lu les Mémoires de d’Argenson, de Richelieu, de Maurepas, le Journal du duc de Luynes ; nous en savons trop ; aussi, sans y mettre plus de façons qu’il n’est convenable en un cas si éclatant, nous dirons le fait comme il a été, et entre dix versions toutes plus ou moins concordantes, nous donnerons celle de l’un des hommes les moins médisants et les mieux informés, de ce même M.  […] On a dansé après souper ; et, si cela recommence souvent, il n’est pas impossible que quelque belle courageuse ne mette la main sur le roi. » Mais il fallut quelques années de stage encore. […] Ici commence une triste période pour la pauvre reine : elle put s’y faire, s’y accoutumer par la suite ; tant qu’elle le put, elle ignora : il est impossible que, quand elle sut tout à n’en pas douter, elle n’en ait pas cruellement souffert.

88. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Lorsque la génération qui a si cruellement souffert fera place à une génération qui ne cherchera plus à se venger des hommes sur les idées, il est impossible que l’esprit humain ne recommence pas à parcourir sa carrière philosophique. […] Il est impossible de ne pas éprouver le besoin d’une doctrine nouvelle, qui porte la lumière dans cet affreux amas de prétextes informes, derrière lesquels se retranche l’esprit faux, ou l’homme vil ou l’homme coupable, comme si la transformation d’erreurs en principes, et de sophismes en conséquences, changeait rien à la fausseté radicale d’une première assertion, et palliait les effets détestables de cette logique de scélératesse. […] Si vous laissez échapper une seule circonstance, votre résultat sera faux, comme la plus légère erreur de chiffre rend impossible la solution d’un problème. […] Tout revient à l’intérêt, puisque tout revient à soi ; mais de même qu’on ne dirait pas : La gloire est de mon intérêt, l’héroïsme est de mon intérêt, le sacrifice de ma vie est de mon intérêt ; c’est tout à fait dégrader la vertu, que de dire seulement à l’homme qu’elle est de son intérêt, car si vous reconnaissez que ce doit être son premier motif pour être honnête, vous ne pouvez pas lui refuser quelque liberté dans le jugement de ce qui le concerne ; et il existe une foule de circonstances dans lesquelles il est impossible de ne pas croire que l’intérêt et la morale se contrarient.

89. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Durant cette fatale transition, la grande association est impossible. […] Créer aujourd’hui ces grandes unités religieuses, ces grandes agglomérations d’âmes en une même doctrine qui s’appelle les religions, ces ordres militaires du Moyen Âge, où tant d’individualités nulles en elles-mêmes se fondaient en vue d’une même œuvre, serait maintenant impossible. […] La réflexion ne saurait opérer l’unité ; la diversité est le caractère essentiel des époques philosophiques ; toute grande fondation dogmatique y est impossible. […] Un peu de réflexion a pu rendre impossible les créations merveilleuses de l’instinct ; mais la réflexion complète fera revivre les mêmes œuvres avec un degré supérieur de clarté et de détermination.

90. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Malheureusement, l’effort dont il croit, titanique, dresser de l’impossible en montagnes infranchissables aboutit à quelque misérable boursouflure de taupinée et, quand il pense montrer sa grâce à gravir de si pénibles obstacles, il tombe sur le nez lourdement. […] Des « philosophes » avaient proclamé qu’il est impossible à un catholique de penser. […] Il est vraiment impossible à quelqu’un d’impartial, à quelqu’un qui fait profession d’hostilité et contre les catholiques et contre les libres-penseurs de troupeau, à quelqu’un qui vit en dehors des temps et qui refuse de se mêler aux laideurs des luttes pratiques, de confondre l’orthodoxie de la pensée avec sa puissance ou avec sa faiblesse. […] toute admiration est devenue impossible, et tout espoir, et même toute inquiétude.

91. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Mallet du Pan appartenait à ce groupe de constitutionnels dont les chefs à l’Assemblée constituante, Mounier, Malouet, Lally, voulurent en 1789 quelque chose d’impossible, mais d’infiniment honorable, le juste accord de la monarchie avec la liberté ; on peut dire que Louis XVI, en tant qu’il pensait et voulait par lui-même, était de cette nuance. […] C’est bien là le caractère en effet des Thermidoriens purs ; et, montrant les causes qui rendent impossible sur ce terrain bouleversé et ensanglanté la formation de toute grande popularité nouvelle : Tous ont appris à se défier, ajoute-t-il, de cette périlleuse élévation ; fussent-ils tentés d’y aspirer, ils n’y parviendraient pas, car les racines de toute autorité individuelle sont desséchées : ni l’Assemblée, avertie par l’exemple de Robespierre, ni le peuple, dégoûté de ses démagogues, ne le souffriraient. […] Son honneur à lui, c’est de n’avoir jamais, même aux moments les plus désespérés et les plus amers, cédé d’un point sur les conditions qu’il jugeait essentielles au rétablissement de la monarchie en France : « Il est aussi impossible de refaire l’Ancien Régime, pensait-il, que de bâtir Saint-Pierre de Rome avec la poussière des chemins. » Consulté de Vérone par Louis XVIII, et d’Édimbourg par le comte d’Artois, dans leurs projets excentriques de restauration, il ne cesse de leur redire : « Il faut écouter l’intérieur si l’on veut entreprendre quelque chose de solide… Ce n’est pas à nous à diriger l’intérieur, c’est lui qui doit nous diriger. » Dans une note écrite pour Louis XVIII en juillet 1795, Mallet du Pan lui pose les vrais termes de la question, que ce roi ne paraissait pas comprendre entièrement alors, et qu’il fallut une plus longue adversité pour lui expliquer et lui démontrer : La grande pluralité des Français ayant participé à la Révolution par des erreurs de conduite ou par des erreurs d’opinion, écrivait Mallet, il n’est que trop vrai qu’elle ne se rendra jamais à discrétion à l’ancienne autorité et à ses dépositaires ; il suffit de descendre dans le cœur humain pour se convaincre de cette vérité. […] Le fait est que, même en visant à des choses impossibles, on obtient à la longue des choses possibles auxquelles on n’eût jamais atteint autrement.

92. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Éclairés par toute l’expérience des vingt-quatre années qui nous séparent du vote réactionnaire, il nous est impossible de dissimuler aujourd’hui ce qu’aucun député n’a su voir ou n’a osé dire en 1873. […] En face de l’indifférence et de l’inclairvoyance générales, la nouvelle tactique cléricale constitue un péril dont il est impossible de nier la gravité. […] Si l’on y songe un seul moment, il est impossible de ne pas rayer spontanément ce qui « nous a été imposé, en de mauvais jours de réaction, par une coterie toute puissante65 » Déjà, en 1880, le conseil municipal adressa une pétition à la Chambre, en vue de faire disparaître le vote du vingt-quatre juillet 1873. […] Cette fois, il est impossible que la Chambre montre la même inconcevable indifférence.

93. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Le « concert européen » — formé seulement des grosses puissances intéressées, et qui ne comprend ni la Suisse, ni la Belgique, ni la Hollande, ni le Danemark, ni la Suède et la Norvège — s’est mis à poursuivre un accord presque impossible et toujours fuyant : faux tribunal d’Amphictyons, où manquent à la fois les petits peuples libres — et le Pape. […] * * * À l’heure qu’il est, il n’est pas impossible qu’un boulet français tue des chrétiens en train de combattre pour des idées qui sont françaises.

94. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Toute géométrie serait-elle ainsi devenue impossible ? […] Est-il impossible de concevoir les phénomènes physiques, les phénomènes mécaniques, par exemple, autrement que dans l’espace à trois dimensions ? […] Au vrai sens du mot, il est clair que nous ne pouvons nous représenter l’espace à quatre, ni l’espace à trois dimensions ; nous ne pouvons d’abord nous les représenter vides, et nous ne pouvons non plus nous représenter un objet ni dans l’espace à quatre, ni dans l’espace à trois dimensions : 1° parce que ces espaces sont l’un et l’autre infinis et que nous ne pourrions nous représenter une figure dans l’espace, c’est-à-dire la partie dans le tout, sans nous représenter le tout, et cela est impossible, puisque ce tout est infini ; 2° parce que ces espaces sont l’un et l’autre des continus mathématiques et que nous ne pouvons nous représenter que le continu physique ; 3° parce que ces espaces sont l’un et l’autre homogènes, et que les cadres où nous enfermons nos sensations, étant limités, ne peuvent être homogènes. […] Supposons que je sois enfermé dans une chambre entre les six parois infranchissables formées par les quatre murs, le plafond et le plancher ; il me sera impossible d’en sortir et d’imaginer que j’en sorte. — Pardon, ne pouvez-vous vous imaginer que la porte s’ouvre, ou que deux de ces parois s’écartent ? […] Si, en effet, j’ai bien compris la théorie, il me suffira de l’exposer pour qu’on comprenne qu’il est impossible de concevoir une expérience qui la confirme.

95. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Il m’est impossible d’exprimer l’effet physiologique et psychologique que produit sur moi ce genre de parodie niaise devenu si fort à la mode en province depuis quelques années. […] Mais l’humanité a des procédés de rajeunissement et d’oubli impossibles aux individus. […] Car, son essence étant de prendre les choses par des points de vue tout arbitraires, ceux qui viennent les seconds ne se croient pas obligés par les vues des premiers ; au contraire, tout ce qui est conventionnel provoque une réaction en sens contraire : il est impossible qu’une mode soit durable. […] La vieille foi est impossible : reste donc la foi par la science, la foi critique. […] Il n’est pas impossible que l’humanité finisse et qu’un jour nous n’ayons travaillé que pour la mer ou les volcans, pour les glaces ou les flammes.

96. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Il était impossible qu’il contentât tout le monde, ou mieux il était impossible qu’il n’indisposât point presque tout le monde. […] Fréron répondait cette fois avec toute sorte d’esprit et de justesse (27 janvier) : Monsieur, Il m’est impossible de vous envoyer la note des articles encyclopédiques où je suis directement ou indirectement attaqué. […] Je pourrais multiplier les exemples et montrer en un plus grand nombre de cas quel fut le rôle précis de M. de Malesherbes, dépositaire de l’autorité, dans ses rapports avec les gens de lettres de son temps ; combien il les aima et les protégea efficacement, mais non à l’aveugle, et sans jamais manquer à ses devoirs, et comment il sut garder une mesure presque impossible dans une position où il était de toutes parts en butte aux plaintes, aux susceptibilités et aux exigences les plus contraires. […] » — « Quand on le voyait pour la première fois avec son habit marron à grandes poches, ses boutons d’or, ses manchettes de mousseline, son jabot barbouillé de tabac, sa perruque ronde mal peignée et mise de travers, et qu’on l’entendait parler avec si peu d’affectation et de recherche, quoique avec un si grand sens et tant d’érudition et d’esprit », il était impossible d’imaginer qu’on fût en présence d’un homme si vénéré.

97. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

L’analyser serait chose impossible, et je dirai de plus, inutile. […] Ce qu’il y a d’étonnant dans cette révolution, c’est qu’on a fait une république avec des vices ; faites-en avec des vertus : la chose n’est pas impossible. Elle n’était pas impossible à ses yeux, moyennant des institutions draconiennes, soutenues pendant longtemps de la guillotine en permanence : il se réservait tout un lointain de clémence et d’âge d’or dans le fond. […] Saint-Just sent très bien de bonne heure qu’il n’y a qu’un gouvernement fort qui puisse porter remède aux désastres de l’anarchie, et en cela il s’élève au-dessus du commun des démagogues : « Lorsqu’un peuple n’a point un gouvernement prospère, c’est un corps délicat pour qui tous les aliments sont mauvais. » Ce gouvernement meilleur et plus ferme, il va le chercher non dans la Convention même où l’on parle trop pour cela (et il est impossible, pense-t-il, que l’on gouverne sans laconisme), mais dans les Comités, en les résumant le plus possible dans la personne de deux ou trois chefs influents, parmi lesquels il se compte. […] Et le tout se couronne par cette gageure de forcené : Le jour où je me serai convaincu qu’il est impossible de donner au peuple français des mœurs douces, énergiques, sensibles, et inexorables pour la tyrannie et l’injustice, je me poignarderai.

98. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Mais s’il se demandait ce qu’il mesure, s’il fixait son attention sur le temps lui-même, nécessairement il se représenterait de la succession, et par conséquent de l’avant et de l’après, et par conséquent un pont entre les deux (sinon, il n’y aurait que l’un des deux, pur instantané) : or, encore une fois, impossible d’imaginer ou de concevoir un trait d’union entre l’avant et l’après sans un élément de mémoire, et par conséquent de conscience. […] On verra que c’est impossible. […] À vrai dire, il est impossible de distinguer entre la durée, si courte soit-elle, qui sépare deux instants et une mémoire qui les relierait l’un à l’autre, car la durée est essentiellement une continuation de ce qui n’est plus dans ce qui est. […] Or, impossible d’en spatialiser par la pensée une partie seulement : l’acte, une fois commencé, par lequel nous déroulons le passé et abolissons ainsi la succession réelle nous entraîne à un déroulement total du temps ; fatalement alors nous sommes amenés à mettre sur le compte de l’imperfection humaine notre ignorance d’un avenir qui serait présent et à tenir la durée pour une pure négation, une « privation d’éternité ». […] Mais il est impossible qu’elle n’exprime pas quelque réalité.

99. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Mais imaginez une société composée de groupements spécialisés, dont l’organisation est orientée vers une certaine fin, — les uns destinés par exemple à servir certains intérêts économiques, les autres à contenter certaines aspirations religieuses, ou certains goûts esthétiques, — alors il semble impossible qu’une société ainsi composée ne se complique pas. […] Gaïus, interprète de la doctrine officielle, écrit qu’« il y a très peu de motifs pour lesquels on permette d’établir de tels groupements ». — Mais, comme il arrive souvent dans l’histoire des institutions juridiques155, la sévérité des lois n’est ici qu’un indice de la force des coutumes qu’elles voudraient enrayer : l’impossible en droit est souvent l’invincible en fait. […] N’est-il pas à craindre par là que l’homme d’un métier ne reste, forcément, unius societatis, et qu’il lui devienne de plus en plus impossible de nouer association en dehors de sa profession ? […] Pour la plupart des autres, ou leur dénombrement est impossible, ou il a été jugé inutile. […] À ces renseignements objectifs, qu’il est impossible de recueillir, peut-être un appel à l’expérience personnelle peut-il suppléer.

100. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

Difficile en matière de science et de métier, l’impassibilité est, a priori, impossible à l’artiste10. […] Max Nordau, d’épiloguer sur la valeur séméiologique de ladite impassibilité, d’en faire un dérivé morbide et un symptôme de déchéance, de la considérer comme une « obtusion qui leur rend impossible de se représenter assez vivement un processus du monde extérieur. » Max Nordau, Dégénérescence, I, p. 67.

101. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

Autrement, il est impossible de comprendre comment la société civile sortit de la société de la famille. […] Quoique nous lui ayons assez répondu indirectement, nous voulons, ad exuberantiam, le réfuter par l’impossible et par l’absurde.

102. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Mais écrire quoi que ce soit m’est impossible, car toutes mes idées retournent vers ma bien-aimée Inès, mon adorable fille absente. […] Félix, souviens-toi bien : il est impossible que cette bonne grand’mère, et papa, et mon oncle Constant (le peintre,) ne descendent pas de cette ligne dont les traits sont si différents de la race vraie flandre. […] Il est impossible que la Vierge, qui a présidé à notre naissance dans la rue Notre-Dame, l’ait oublié : oui, Félix, c’est impossible. […] Je cherche souvent en moi-même ce qui peut m’avoir fait frapper si durement par notre cher Créateur ; car il est impossible que sa justice punisse ainsi sans cause, et cette pensée achève bien souvent de m’accabler… » Quand on écrit la biographie de certains poëtes, on peut dire que l’on montre l’envers de leur poésie : ici, dans cette longue odyssée domestique, on a simplement vu le fond même et l’étoffe dont la poésie de Mme Valmore est faite, et à quel degré, dans cette vie d’oiseau perpétuellement sur la branche, — sur une branche sèche et dépouillée, — près de son nid en deuil, toute pareille à la Philomèle de Virgile, elle a été un chantre sincère. […] Il ne serait pourtant pas impossible que toute cette histoire touchante, ressaisie après coup par une imagination de poëte dans une mémoire d’enfant de quatre à cinq ans, eût subi dans l’intervalle quelque chose de la transformation propre aux légendes.

103. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Dans un état de choses aussi incohérent, il était évidemment impossible d’établir aucune classification rationnelle. […] Or, c’est une condition qu’il me paraît impossible d’accomplir d’une manière tout à fait rigoureuse. […] Il est clair, d’après cela, que, quoiqu’il soit infiniment plus facile et plus court d’apprendre que d’inventer, il serait certainement impossible d’atteindre le but proposé si l’on voulait assujettir chaque esprit individuel à passer successivement par les mêmes intermédiaires qu’a dû suivre nécessairement le génie collectif de l’espèce humaine. […] Car il serait impossible de traiter l’étude collective de l’espèce comme une pure déduction de l’étude de l’individu, puisque les conditions sociales, qui modifient l’action des lois physiologiques, sont précisément alors la considération la plus essentielle. […] Cette nouvelle considération est d’une importance vraiment fondamentale ; car, si nous avons vu en général, dans la dernière leçon, qu’il est impossible de connaître la méthode positive, quand on veut l’étudier séparément de son emploi, nous devons ajouter aujourd’hui qu’on ne peut s’en former une idée nette et exacte qu’en étudiant successivement, et dans l’ordre convenable, son application à toutes les diverses classes principales des phénomènes naturels.

104. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Ne convenez-vous pas que cette altération n’affecte pas seulement la masse générale ; mais qu’il est impossible qu’elle affecte la masse générale, sans affecter chaque partie prise séparément ? […] Ne convenez-vous pas qu’indépendamment des fonctions journalières et habituelles qui auraient bientôt gâté ce que nature auroit supérieurement fait, il est impossible d’imaginer, entre tant de causes qui agissent et réagissent dans la formation, le développement, l’accroissement d’une machine aussi compliquée, un équilibre si rigoureux et si continu, que rien n’eût péché d’aucun côté, ni par excès, ni par défaut ? […] Mais, me direz-vous, il est donc impossible à nos artistes d’égaler jamais les anciens. […] Je vous déclare donc que cette marche est impossible, absurde.

105. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

À son retour il me confia que la besogne lui avait paru impossible et superflue : en vingt pages de l’Ennemi des lois, tout était dit, et comment ! […] Il est impossible, sauf ânerie, de l’estimer moyennement. […] Là est la question, qu’il est impossible et inutile de résoudre : il faudrait savoir qui travaillera.

106. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Or, il n’en est pas ainsi dans la Nature, et c’est précisément ce que le principe de Carnot nous enseigne, la chaleur peut passer du corps chaud sur le corps froid, et il est impossible ensuite de lui faire reprendre le chemin inverse et de rétablir des différences de température qui se sont effacées. […] Ainsi voici quel serait le type du phénomène physique irréversible : cacher un grain d’orge dans un tas de blé, c’est facile ; l’y retrouver ensuite et l’en faire sortir, c’est pratiquement impossible. […] Y peut-il revenir de lui-même, cela n’est pas impossible, cela n’est qu’infiniment peu probable ; il y a des chances pour que nous attendions longtemps le concours des circonstances qui permettraient une rétrogradation ; mais, tôt ou tard, elles se réaliseront, après des années dont il faudrait des millions de chiffres pour écrire le nombre.

107. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Une sorte de vent tiède détendit ma rigueur ; presque toutes mes illusions de 1848 tombèrent, comme impossibles. […] La France a ainsi passé à côté de précieuses vérités, non sans les voir, mais en les jetant au panier, comme inutiles ou impossibles à exprimer. […] L’effroyable dureté des procédés par lesquels les anciens États monarchiques obtenaient les sacrifices de l’individu deviendra impossible dans les États libres ; on ne se discipline pas soi-même.

108. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Mais il considère comme évident que l’observation de nous-mêmes par nous-mêmes ne peut nous apprendre que très peu de choses sur les sentiments et rien au sujet de l’entendement : au fond, ce reploiement de l’esprit sur lui-même lui paraît impossible. […] Cependant il est impossible de concevoir le temps et l’espace autrement que comme infinis, et il est impossible de les dériver de l’expérience : ce sont des conceptions nécessaires de l’esprit. — Le psychologue à posteriori, de son côté, voit bien que nous ne pouvons penser le temps et l’espace autrement que comme infinis ; mais il ne considère pas cela comme un fait dernier.

109. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Car il est impossible d’être plus juste et plus net. […] Ce que les physiciens observent sous le nom de polarité et d’attraction, les esthéticiens ont à l’étudier sous le nom de destin et de fatalité ; il est impossible de nier la morale, comme il est impossible de nier les sciences pratiques : « Il peut arriver, a écrit quelqu’un, que nous oubliions les lois de la terre, mais celles-ci ne nous perdent jamais vraiment de vue.

110. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Au contraire, il m’est impossible de me représenter la pensée comme quelque chose d’extérieur : elle est essentiellement un état intérieur. […] Mais c’est alors que la perception serait impossible. […] En d’autres termes, il faut que les actions, quelles qu’elles soient, exercées sur le cerveau par les choses externes, s’y conservent d’une certaine manière pour réveiller dans l’âme les images sensibles sans lesquelles la pensée est impossible, d’où il suit que le cerveau n’est pas seulement l’organe central des sensations, le sensorium commune, il est l’organe de l’imagination et de la mémoire, auxiliaires indispensables de l’intelligence.

111. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Dans les questions qui gissent en fait, comme est celle de sçavoir si la lecture d’un certain poëme interesse beaucoup ou si elle n’interesse pas, le monde juge comme les tribunaux ont coutume de juger, c’est-à-dire, qu’il prononce toujours en faveur de cent témoins qui déposent avoir vû le fait, au mépris de tous les raisonnemens d’un petit nombre de personnes qui disent qu’elles ne l’ont point vû et qui le soutiennent même impossible. […] Par exemple, pour dire une chose impossible aux efforts humains, les latins disoient, arracher la massuë à Hercule , et nous disons en françois, prendre la lune avec les dents : la figure latine est-elle bien renduë par la figure françoise ? […] Rien n’est plus raisonnable que de supposer que l’objet feroit sur nous la même impression qu’il fait sur elles, si nous étions susceptibles de cette impression autant qu’elles le sont. écouteroit-on un homme qui voudroit prouver par de beaux raisonnemens que le tableau des nôces de Cana de Paul Veronese qu’il n’auroit pas vû, ne sçauroit plaire autant que le disent ceux qui l’ont vû, parce qu’il est impossible qu’un tableau plaise lorsqu’il y a dans la composition poëtique de l’ouvrage autant de défauts qu’on en peut compter dans le tableau de Paul Veronese ?

112. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Chaque peuple a sa physionomie, sa constitution spéciale, son droit, sa morale, son organisation économique qui ne conviennent qu’à lui, et toute généralisation est à peu près impossible. […] Or, il n’y a rien d’impossible à ce que des sociétés d’espèces différentes, situées inégalement haut sur l’arbre généalogique des types sociaux, se réunissent de manière à former une espèce nouvelle. […] Or il est impossible d’admettre qu’une même individualité collective puisse changer d’espèce trois ou quatre fois.

113. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Charmant et détestable sorcier, espèce de Circé à sa façon qui changeait les hommes en bêtes, pour peu qu’ils missent le bout des lèvres dans la coupe de ses écrits, Voltaire, sur cette question de la Ligue comme sur tant d’autres questions d’histoire, a perverti le sens public pour un temps qu’on peut prévoir, mais qu’il est impossible de mesurer. […] II Certes, quand on parcourt toutes ces histoires où la Ligue est en jeu, on a le droit de s’étonner de l’éternel oubli qui devrait pourtant être impossible, de l’organisation populaire telle que le catholicisme l’avait créée, de cette gloire du Moyen Âge à laquelle le monde moderne, qui l’insulte, n’a rien encore à opposer, des confréries dans les églises, des spécialités d’états, des corporations des arts et métiers et de leurs luttes, dès les premiers jours du Protestantisme, contre l’industrie protestante. […] Et, type merveilleusement approprié de la politique à double sourire de sa maison, le bon et loyal Henri fut un finaud qui finit par se prendre dans sa propre finesse, car il est mort poignardé pour avoir voulu faire ce qui, plus tard, a perdu sa race, de la conciliation entre les partis et des fusions impossibles.

114. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

En 1864, il publiait un livre intitulé : La Cité antique, qu’il nommait, avec une modestie qu’il est impossible de prendre au mot, une Étude sur le culte, le droit et les institutions de la Grèce et de Rome, — ouvrage couronné par l’Académie, et c’est ce que j’en puis dire de pis… En matière d’Histoire, je connais et j’ai souvent signalé les tendances, odieusement païennes, de l’Académie. […] L’introduction des Germains dans la Gaule complètement Romaine n’eut point cette netteté d’une conquête, sur laquelle il est impossible de se tromper. […] Fustel de Coulanges, il est impossible de ne pas conclure que tout, pour nous autres Français, est sorti de l’Empire Romain.

115. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Il est impossible de lire sans émotion cette pièce dont chaque vers respire la sincérité la plus parfaite. […] Sans cette concession, il est impossible d’estimer ses œuvres à leur véritable valeur. […] Je me contente de signaler le nom impossible de Cesarini, comme un caprice d’écrivain à la mode. […] Non seulement elle était facile à prévoir, mais il était impossible de la prévenir. […] J’avouerai humblement qu’il m’est impossible de saisir le moindre signe de parenté entre M. 

116. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

combien je souhaite l’impossible ! […] Il y a, pour le moins, deux choses que les bonnes âmes de tous les pays  et aussi, j’en suis sûr, du pays d’Allemagne  trouveraient toutes naturelles et toutes simples, mais dont les politiques, je ne l’ignore pas, déclareraient l’entreprise impossible et absurde, bien que ces fortes têtes n’en apportent d’autres preuves que leurs affirmations et leur chétive expérience.

117. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Mais outre que l’âge de Junia Calvina étoit trop avancé pour sa reception parmi les vestales, il y avoit encore plusieurs raisons qui rendoient sa reception dans leur college impossible. […] Il en pouvoit bien douter, dit un prince qui a commandé des armées sur les bords du Danube, et qui, comme Mithridate, a conservé sa réputation de grand capitaine dans l’une et dans l’autre fortune, puisque la chose est réellement impossible.

118. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Cette doctrine des parfaits, cet impossible amour de Dieu, cette piété distinguée, toutes ces rêveries du sens propre, ce rare, ce grand fin en religion, selon l’expression du temps, telle est, pour la plus grande part, l’invention dans Fénelon. […] Ce sont à la fois des erreurs contre la philosophie chrétienne, contre ce qu’on a appelé le gallicanisme, qui n’est que le christianisme approprié à l’esprit français, contre la nature elle-même, que Fénelon trompait par le leurre d’une perfection impossible. […] Quelle conscience eût résisté à cette analyse de l’intérieur, à cet effort impossible pour s’épurer successivement de ces quatre sortes d’intérêt personnel, et se volatiliser pour ainsi dire jusqu’à cet amour qu’on ne peut plus distinguer du sujet qui aime ? […] C’est que Fénelon a ruiné le principe même de l’autorité par le vain idéal d’une monarchie impossible, et qu’au lieu d’abaisser devant Dieu seulement la royauté de Louis XIV, comme a fait Bossuet, il l’a abaissée devant les hommes. […] Vous le reconnaîtrez dans ce désir d’une perfection impossible, dans cette prodigieuse multiplicité de prescriptions qui n’enfantent que les vains efforts et les scrupules.

119. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Il fallut envoyer de Rome à Urbino la litière du Palais pontifical, — on n’en trouva pas d’autre, — car il était impossible que mon infortuné frère pût faire ce long trajet sans être porté sur un lit. […] Il nous était impossible de vivre sous le même toit que notre mère, qui, demeurant avec son frère, ne pouvait pas se réunir à nous. […] Après avoir organisé cet heureux plan, qui fut un pas décisif vers le terme de l’affaire, on lui fit remarquer qu’il était impossible de trouver le Pape dans le parti Mattei, soit parce que cette faction était trop peu nombreuse, soit parce que, après l’exclusion de Mattei lui-même et des quatre cardinaux déjà mis autrefois sur le tapis sans succès, ceux qui restaient avaient tous des exceptions personnelles auprès de la majorité des électeurs, sans en excepter quelques-uns de leur parti, à cause de leur âge ou pour d’autres circonstances qui rendaient chimérique l’espoir de réussir à leur sujet. […] Il entrait dans sa nature de chercher à montrer que rien ne lui était impossible, et qu’il réussissait là où le plus habile aurait inévitablement échoué. […] Il est impossible d’exprimer avec quelle joie Albani apprit cette nouvelle, lui qui avait une particulière estime pour Chiaramonti, et avec quel bonheur il se joignit à son collègue, dans le but de recueillir les votes des cardinaux de son parti.

120. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Déjà, si on daigne s’en souvenir, lorsque nous fûmes obligé de rendre compte alors, dans un journal, du trop fameux livre de l’Amour, il fallut nous soumettre à l’affreux supplice des citations impossibles, et, certes ! […] Toutes questions impossibles à résoudre. […] … Tous les moyens pour atteindre à cette fraternité sublime, — impossible, selon nous, chrétiens, en dehors des voies religieuses et surnaturelles, — Michelet nous les donne dans son Cours, et nous allons les juger. […] Il est, pour la pensée, la fatalité providentielle à laquelle il est impossible d’échapper. […] Croiront-ils qu’il n’est que l’homme d’un Christianisme déchiqueté dont il n’a pas pu s’arracher les lambeaux, lui, le talent sorcier qui magnétise et qu’on adore, mais qu’il est impossible, quand il s’agit d’idées, d’honorer comme une forte tête, un esprit mâle, une clarté d’en haut ?

121. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Il m’est impossible de me rappeler un seul rêve où soit entré un souvenir précis et exact de la vie réelle. […] Il est impossible que deux objets différents, un tableau et une statue par exemple, affectent notre sensibilité de la même manière. […] Il nous paraît impossible en définitive d’exclure le sentiment de la définition de la poésie. […] Cela pourtant devrait être impossible si la fin suprême de la poésie était d’exalter le sentiment. […] Chaque phrase devra apporter une représentation, à laquelle il sera presque impossible de faire des retouches.

122. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Je ne vois rien d’impossible à ce que des Abeilles, travaillant des deux côtés d’une plaque de cire, s’aperçoivent qu’elles l’ont rongée jusqu’à lui donner l’épaisseur qu’elle doit garder, et arrêtent aussitôt leur travail sur ce point. […] Est-il donc impossible que la sélection naturelle des Martinets qui sécrétaient de la salive de plus en plus abondamment ait pu produire à la fin une espèce que son instinct a conduite à négliger tous les autres matériaux et à construire son nid exclusivement de salive durcie ? […] Il en est dont il serait impossible d’expliquer l’origine. […] Je ne puis donc regarder comme impossible qu’une particularité quelconque de l’organisation soit attachée exclusivement à l’état de stérilité de certains membres des sociétés d’insectes. […] Il sera à jamais impossible de rendre complétement compte du travail des Abeilles, tant qu’on leur refusera toute intelligence, toute liberté d’action et surtout le sentiment esthétique de la forme et de la mesure.

123. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Il faut ne pas contrarier son maître, et le servir dans son goût, surtout lorsque les circonstances rendent tout autre parti impossible ou dangereux. […] Cette idée d’une paix particulière avec les Anglais, pour laquelle il avait commencé, dit-il, de jeter « quelques petits fondements », devint à peu près impossible depuis la convention signée à Londres le 11 avril entre le roi d’Angleterre et celui de Prusse, et la cour de Versailles, d’ailleurs, n’y entra jamais. […] « Il n’y a qu’un ministre nouveau qui puisse prendre de nouveaux engagements. — Le duc de Choiseul est le seul qui puisse soutenir le système du roi ou le dénouer. » Telle est l’idée juste de Bernis ; mais, en tant qu’il se l’appliquait personnellement et qu’il la retournait contre lui-même, cette idée lui devenait un remords poignant et insupportable, et c’est ce qui explique ce mot de déshonneur qui revient si souvent sous sa plume : Souvenez-vous, écrit-il à Mme de Pompadour (dans la soirée du 26 septembre), qu’il est impossible que ce soit moi qui sois chargé de rompre les traités que j’ai faits. […] L’arrivée de M. de Choiseul, à la fin du mois de novembre, ne fit que la compliquer : car, quelque loyaux et sincères que fussent le successeur et le devancier, il était impossible que les bons amis de Cour ne fissent pas tout pour les brouiller et les mettre aux prises.

124. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

C’est un livre presque impossible à dominer, et qui invite le critique à se perdre dans le détail à la suite de l’auteur. […] Or il est impossible d’affirmer que les causes définies et connues sont les véritables causes, nécessaires et suffisantes, des effets, plutôt qu’un inconnu, qu’on néglige ; et par suite on se trompe quand on dit que, ces causes étant données, ces effets devaient suivre ; car ils pouvaient ne pas suivre, si le résidu inaperçu, inexpliqué, n’y avait été joint. […] Il est impossible, dans l’infinie complexité des choses humaines qu’une infinité de forces concourent à produire, quand les causes physiques et les causes morales se perdent dans les obscures profondeurs de notre organisme et de notre conscience, quand on ne démêle encore — et au temps de Montesquieu on était loin d’être aussi avancé que nous sommes — quand on ne démêle que les plus superficielles réactions et les plus grossiers enchaînements de phénomènes, il est impossible de déterminer ce qu’il aurait fallu ôter ou retrancher d’énergie humaine ou de travail législatif pour détourner ou barrer le cours des événements.

125. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

A priori, il était très improbable, sinon impossible, que des masses nébulaires restassent encore non condensées, quand d’autres sont condensées depuis des millions d’années. […] La doctrine de l’évolution, au contraire, montre qu’entre la science et les prévisions du vulgaire, toute ligne de démarcation est impossible ; qu’elles diffèrent en degré, non en nature, et qu’entre elles toute séparation absolue est illusoire et chimérique. […] Si, remontant l’évolution des choses, il se permet de supposer que toute matière exista jadis sous forme diffuse, il trouve impossible de concevoir comment cela a pu être ainsi. […] Lui seul voit vraiment qu’une connaissance absolue est impossible.

126. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Avec quelque exactitude que je veuille vous détailler mes traits, lui écrivait-elle, il me sera impossible de vous donner une juste idée de leur ensemble ; je n’y saurais que faire, et j’en suis fâchée. […] » Voilà le faux, voilà l’impossible qui commence. […] Certes, il est impossible de mieux représenter l’état moral et physiologique de Rousseau ; et, avec un hôte d’une sensibilité si maladive, ainsi livré à la solitude « sans occupation, sans livres, sans société (hors celle de cette misérable Thérèse), et sans sommeil », Hume aurait moins dû s’étonner du résultat. […] Pour nous, quoi que la raison nous dise, pour tous ceux qui, à quelque degré, sont de sa postérité poétiquement, il nous sera toujours impossible de ne pas aimer Jean-Jacques, de ne pas lui pardonner beaucoup pour ses tableaux de jeunesse, pour son sentiment passionné de la nature, pour la rêverie dont il a apporté le génie parmi nous, et dont le premier il a créé l’expression dans notre langue.

127. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

L’invraisemblable et l’impossible se sont dessinés et tranchés comme par une ligne distincte. […] Et puis il est impossible qu’on ait été crédule et dupe jusqu’à un certain point, sans en dire quelque chose, comme excuse au moins, au public.

128. (1890) L’avenir de la science « XX »

Situation déplorable à une époque surtout où, sauf de rares exceptions, le morcellement de la propriété rend impossible les grandes choses aux particuliers. […] Ceux-ci, en effet, voyant qu’ils ne sont rien parce qu’ils ne possèdent pas, tournent toute leur activité vers ce but unique ; et, comme pour plusieurs cela est lent, difficile ou impossible, alors naissent les abominables pensées : jalousie, haine du riche, idée de le spolier.

129. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Victor Hugo est resté après les Misérables le Victor Hugo qu’il était avant, c’est-à-dire un homme très capable de nous donner un grand livre après un mauvais, comme il nous a donné la Légende des siècles après les Contemplations, tandis qu’Ernest Renan, qui n’est pas de cette taille de génie, a été tué net sur le livre qu’il a fait et qu’il lui est impossible de surpasser… Pour faire plus de bruit, Renan a crevé son tambour. […] » Hormis en quelques articles de journaux où l’on a touché de l’extrême bout de la plume et des doigts aux hors-d’œuvre de cette histoire de la Régence, et en évitant soigneusement le fond des choses, impossible à discuter, on n’a généralement rien dit de ce nouveau livre de Michelet, qui, de cette façon, a fait moins d’effet que les romans d’Octave Feuillet et de madame George Sand.

130. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Dire qu’une nouvelle religion est impossible parce qu’elle ne saurait plus offrir ces phénomènes singuliers qui ont entouré le berceau des religions anciennes, c’est se prendre aux apparences et ne pas tenir compte des circonstances différentes ; c’est comme si l’on objectait aux philosophes eux-mêmes que toute philosophie est désormais impossible, parce que Socrate, leur père, croyait à un démon familier, et que pareille chose probablement n’arrivera plus. […] Quant à une religion nouvelle, il ne la croit impossible toutefois que par deux motifs : 1° parce que, selon lui, les diverses religions du passé se sont produites à l’origine sous une forme populaire, naïve et accessible à tous, ce qui lui paraît antipathique à notre époque raisonneuse ; 2° parce que les révélations directes de Dieu à l’homme, trait essentiel qui distingue, selon lui, les religions d’avec les philosophies, lui semblent perdues sans retour, en supposant qu’elles aient jamais eu lieu.

131. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Il n’est pas impossible que Chorazin fût un peu dans les terres, du côté du nord 401. […] Impossible, d’un autre côté, de trouver près de Tell-Hum une fontaine répondant à ce que dit Josèphe (B. […] Gerasa est une leçon impossible, les évangélistes nous apprenant que la ville en question était près du lac et vis-à-vis de la Galilée.

132. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Spina reçut donc l’ordre de notifier au gouvernement français combien il était impossible au Saint-Père de se départir des amendements joints au projet et de le signer tel qu’il était, puisque sa conscience et ses devoirs les plus sacrés le lui défendaient. […] Il me serait très malaisé, je dirai même impossible, de dépeindre quelle sincère douleur produisit sur Cacault cette résolution. […] Impossible d’énumérer tout ce qui fut dit et par le frère du premier consul et par les deux autres pour me décider à le satisfaire. […] Alors on vit là ce qu’on voit d’ordinaire lorsqu’on se réunit en certain nombre, car il est impossible que plusieurs hommes aient tous les mêmes idées et envisagent au même instant une chose sous le même aspect. […] Les ministres répondirent que c’était impossible, puisque le matin même ils devaient aller faire leur rapport à l’Empereur résidant à Saint-Cloud, et qui vers midi partait pour son voyage de Saint-Quentin et des Pays-Bas.

133. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et vu leur nature même, essentiellement empirique, il est impossible que l’on soit nouveau, dans l’acception pleine du moi, et autrement qu’en imprimant à ce que l’on s’est assimilé sa marque personnelle qui, pour l’écrivain, est son mode de sentir. […] Bourget est manifeste, et il a sans doute été de bonne fui en l’acceptant ; mais il est impossible qu’il l’ait longtemps estimée heureuse et efficace. […] À le voir observer, mentaliser et courir après la volupté de l’expression — où se reflète le mirage de l’idée, — il est impossible de ne pas sentir qu’il y puise sa plus sûre jouissance. […] France, qui, à vrai dire, ne connaît ou ne veut connaître du scepticisme que sa forme apparente, ce brillant de la nuance négative qui met tout de suite à l’aise, parce qu’il plaide la cause de l’idée générale, contre les prétentions de l’idée personnelle, ou, du moins, parce qu’il a cet air-là, et que d’ailleurs, très certainement, il est altier, impossible à compromettre, à ternir, à humilier, et aristocratique, et encore et surtout spirituel.

134. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

., alors on a raison de rejeter cette faculté, qu’il est impossible et de constater et de comprendre. […] Par-là, ils méconnaissent le sentiment de la transition et rendent impossible la conception du temps. […] Impossible de répondre. […] Si c’est là ce qu’on entend par sensation, on pourra en effet tout expliquer par la sensation ; mais si, comme on le doit, on réserve le nom de sensation pure à la modification passive de la cœnesthésie, premier moment du processus psychique, il deviendra impossible de ne pas tenir compte de la cœnesthésie entière qui est modifiée, du caractère agréable ou pénible de cette modification d’ensemble, enfin de la réaction immédiate qui en résulte aussi sûrement que, dans le monde physique, la réaction résulte de l’action.

135. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Il y a donc là une corrélation réciproque du milieu avec l’organisme et de l’organisme avec le milieu, l’un étant nécessaire à l’autre : cercle qui rend presque impossible à comprendre et à expliquer, dans l’état actuel de nos idées, l’origine première de la vie. […] Cependant, quelque séparation que l’on établisse entre la métaphysique et la science, dans l’intérêt de l’une ou de l’autre, il est impossible que les vues du savant n’aient quelque influence sur celles du métaphysicien : tout en séparant les deux domaines, il faut encore se demander s’ils peuvent s’entendre et se concilier. Il est même telle question où la séparation absolue est impossible, et où le métaphysicien ne peut parler que dans le vide, s’il ne s’appuie pas sur quelques données positives. […] En même temps que l’expérience subjective nous atteste notre liberté avec une évidence éclatante, la conscience morale nous en démontre la nécessité, et Kant n’a pas eu besoin d’autre preuve que celle-là ; car, s’il est un ordre de choses auquel nous devons coopérer par nos actions, il est de toute évidence qu’un tel devoir suppose le pouvoir, nul n’étant tenu à l’impossible.

136. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Il n’y a rien là sans doute d’absolument impossible, et il n’est pas interdit de faire des recherches et des conjectures dans cette direction. […] Il semble impossible, dit Gratiolet, de décider comment s’accomplira ce passage de l’excitation au repos : à priori cependant il doit y avoir un ordre dans ce retour.

137. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Sans l’histoire, il est difficile d’entendre les auteurs anciens ; sans la morale universelle, il est impossible de fixer les règles du goût : et, sous ces deux points de vue, l’enseignement de ce second cours reflète encore sur l’enseignement du premier. […] « Cette idée était très-populaire du temps de Diderot ; il nous est impossible de concevoir une manière raisonnable de l’appliquer.

138. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

On compte même souvent ce qui est sans exemple pour impossible. […] Il est donc comme impossible d’évaluer au juste ce qui doit resulter des irrégularitez heureuses d’un poëte, de son attention à se conformer à certains principes, et de sa négligence à en suivre d’autres.

139. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Car la psychologie expérimentale, dont il a été le principal initiateur en France, repose précisément sur cet axiome que la conscience n’est pas une réalité aussi simple et aussi facile à connaître que le supposait l’école introspectionniste ; qu’elle ne se réduit pas à un petit groupe d’idées claires et d’états distincts dont la formule est facile à trouver ; mais qu’elle a, au contraire, des dessous profonds et obscurs et où, pourtant, il n’est pas impossible de faire progressivement descendre la lumière de la raison. […] Tant donc qu’on n’aura pas démontré que cette science est impossible — et elle est possible, puisqu’elle a déjà commencé à donner des résultats — la thèse de nos néo-mystiques sera sans fondement.

140. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Cette vie que l’auteur des Mémoires a, pendant des années, arrangée comme un piège pour y prendre l’absolution de la postérité, a suffi au franc historien pour déconcerter l’homme et son piège et rendre toute absolution impossible. […] Cette boue d’une défection sur les pieds d’un homme les scelle d’un poids impossible à lever, et toutes les souplesses du sophisme ne les arracheraient pas à cette glu d’ignominie.

141. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Ce qui a entraîné Véron vers les idées toutes faites de sa brochure, c’est que les idées dont il ne voulait plus l’ont pris au mot ; c’est que le silence, cette belle chose qui semble facile et qui ne l’est pas, est impossible à certaines natures expansives. […] Il est impossible de haïr le sien.

142. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

La fantaisie ainsi comprise peut servir d’interprète aux impressions les plus réelles, tandis que l’imagination dans le sens d’imaginaire a pour adéquate l’idée d’impossible et de faux. […] Du premier bond, le génie humain s’appliquant à la représentation du sublime et du beau, s’est élevé à une telle hauteur, qu’il lui a été depuis impossible de se surpasser. […] Il faudrait, pour égaler et surpasser les Grecs, qu’à leur exemple nous crussions aux dieux, que nous y crussions davantage : or, c’est là qu’est l’impossible. […] Vous l’avez dit, il est impossible d’avoir raison. […] Le je ne sais quoi que vous voulez sur le livre ou sur le tableau, où il est aussi impossible qu’il se trouve, qu’il est impossible à un musicien de mettre son âme en petit paquet dans son violon, nous nous contentons de chercher à le mettre en éveil à sa place naturelle, c’est-à-dire au fond de la conscience humaine.

143. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Cette royauté des expiations étant impossible à rétablir, la royauté des conspirations étant impossible pour moi à aimer et à servir, cette coalition immorale et déloyale dans le parlement étant impossible à honorer, incapable de fonder, capable seulement de détruire, je n’avais plus de devoir et de lien qu’avec la politique abstraite, idéale, personnelle qui pouvait seule à un jour donné recruter, au profit des principes sainement et honnêtement progressifs, les opinions d’un peuple prêt à retomber dans l’anarchie. […] Il est sans doute possible qu’après un si long laps de temps le curé de Bessancourt ait commis quelques inadvertances de noms, de dates, de détails sur des personnages si nombreux alors dans les prisons et sur leurs rôles respectifs dans ce drame pathétique de leur dernière heure ; mais il est impossible à qui a entendu ce modeste et sincère témoin de ces scènes de révoquer en doute sa véracité. […] Non pas cependant qu’on m’ait attribué aucune complicité de doctrines avec cet homme chimérique d’institutions, philosophe d’échafaud, impassible de meurtre, sans cruauté comme sans pitié dans le cœur, s’il avait un cœur, immolateur par système de tout ce qui résistait au froid délire d’un impossible nivellement sous le niveau de fer de sa guillotine.

144. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Dans le mois de juin ou de juillet, M. de Beaufort nous le rendait, en nous disant, de premier mot, très nettement, qu’il était impossible. […] Je ne sais pas si le Vaudeville vous attend et si vous êtes en pourparlers avec lui ; ce que je sais, c’est que la pièce ne me semble pas plus impossible au Théâtre-Français qu’au Vaudeville. […] c’est-à-dire l’impossible, moins cette chose étonnante en faveur de laquelle on pardonne tout : l’originalité ! […] Impossible de le voir. […] — Impossible, je vais souper en sortant d’ici avec des amis… Ah !

145. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Et si faible enfin est l’hérédité morale individuelle, même entre membres des peuplades autochtones restées presque pures dans les nations dont ils font partie, qu’il est impossible d’apercevoir des similitudes bien caractérisées entre leurs représentants artistiques et littéraires. […] Il sera clair, après ces développements, que l’influence du milieu social, du spectacle ambiant, des goûts contemporains sur l’artiste, est essentiellement variable, au point qu’il est impossible d’y faire fonds pour conclure d’une œuvre à la société au milieu de laquelle elle s’est produite. […] Mais ses manifestations sont tellement accidentelles pour les individus, elle est si compliquée de phénomènes d’atavisme et de variations accidentelles, qu’il est impossible de l’employer pour expliquer les facultés d’un homme par celles de sa race ou de ses parents, et encore moins pour conclure des aptitudes d’un être à celles du groupe dont il fait partie. L’influence du milieu temporel et social est évidente aussi ; mais elle varie en raison de la force de l’âme qui lui est soumise et de l’organisation despotique ou libérale, primitive ou avancée à laquelle elle est soumise ; il est donc impossible, sans une enquête préalable sur la société, de conclure aux caractères de l’œuvre qu’elle a produite, et encore moins de faire l’opération inverse. […] Taine, on voit qu’il est impossible d’établir un rapport direct entre une société et les artistes qui l’illustrent, en considérant ceux-ci comme dépendant de celle-là, ou en envisageant la société et les artistes comme dépendant de causes communes.

146. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Montluc, qui nous a conservé ses paroles, sentit là ce premier et poignant aiguillon de la louange qui, parti de haut, fait faire ensuite l’impossible aux gens de cœur. […] Montluc, toutefois, sachant que le roi tenait fort à cette entreprise, et piqué par l’idée que tous les autres l’estimaient impraticable, résolut de la tenter : il suffisait, en général, qu’on dît devant lui qu’une chose était impossible pour qu’il se dît : « J’en fais mon affaire. » Impossible n’était pas pour lui un mot français, ou du moins un mot gascon.

147. (1890) L’avenir de la science « XII »

Non certes, car, sans elle, la connaissance approfondie de la langue grecque est impossible. […] Jusqu’à quel point résisteront-elles toujours aux doctes attaques des savants, il est impossible de le dire. Mais en prenant l’hypothèse la plus défavorable, en supposant qu’elles restent à jamais une énigme, ceux qui y auront consacré leurs labeurs n’auront pas moins mérité de la science que si, comme Champollion, ils eussent restauré tout un monde ; car, même dans le cas où cet heureux résultat ne se serait pas réalisé ; le succès n’était pas à la rigueur impossible, et il n’y a pas moyen de le savoir, si on ne l’eût essayé.

148. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Nous aurons donc à signaler par la suite l’espèce de désharmonie qu’à présent il est impossible de ne pas remarquer dans le peuple français, entre des mœurs stationnaires et des opinions progressives ; nous aurons, de plus, à examiner la cause de cette désharmonie. […] Il est vrai de dire aussi que nos rois ont, dans tous les temps, marché en avant de la civilisation européenne, parce qu’ils furent, dans tous les temps, guidés par cet admirable sentiment de la magistrature éminente attribuée à la nation française sur tous les peuples de l’Europe, magistrature qu’il est impossible de nier, puisqu’elle est prouvée par les excès mêmes où elle est souvent tombée, puisqu’elle est revêtue d’un signe extérieur, l’universalité de la langue. […] N’exigeons pas l’impossible.

149. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Il serait téméraire de la nommer et de la déterminer absolument ; non seulement elle n’a pas encore atteint son développement normal, mais il est impossible de fournir à son endroit autre chose que des conjectures. […] Nous venons de le dire : s’il est impossible de déterminer à présent l’ensemble de la conception moderne, qui n’est encore qu’ébauchée, il est toutefois permis d’en noter les traits principaux. […] Mais à quoi bon lui donner un nom, alors qu’il est encore impossible d’en saisir l’ensemble ?

150. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Or, c’est impossible : elles sont en dehors de l’espace. […] Sinon, il est impossible qu’il y ait sensation. […] Mais alors il nous serait impossible de le penser. […] Cela est impossible à comprendre. […] Or, les jugements sans interprétation sont presque impossibles.

151. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

— Il est impossible pourtant de ne pas remarquer l’influence que doivent exercer de tels coups de fortune sur les œuvres littéraires qui en dépendent. […] Cousin, en terminant, conclut : « Selon nous, Pascal est l’exagération de Port-Royal comme Port-Royal est l’exagération de l’esprit religieux du xviie  siècle… » Puis il montre le xviiie  siècle réagissant en sens tout opposé : « Aujourd’hui, dit-il, le xixe  siècle a devant lui la dévotion sublime mais outrée du xviie  siècle, et la philosophie libre mais impie du xviiie  ; et il cherche encore sa route entre ces deux siècles… Son caractère distinctif qui déjà44 commence à paraître, consiste précisément à fuir toutes les extrémités qui jusqu’ici ont séduit et entraîné l’esprit français… Est-il donc impossible de s’arrêter sur la pente des systèmes et de concilier tout ce qui est vrai et tout ce qui est bien ?

152. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

il est impossible de le compromettre mieux que cette Prudence ! Il est impossible de le présenter mieux au public comme une chose à soi, de mieux raconter cette liaison tout entière avec un homme qui tombe du haut de sa fierté et de son génie dans le plus bête de tous les amours !

153. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

En France, surtout, c’est presque impossible… Le courage contre tout le monde n’est pas connu dans ce pays… Or, tout le monde a, pour une raison ou pour une autre, contribué de sa propre badauderie à ces réputations qui semblent être des préjugés venus en pleine terre, mais cultivés en pot par des gens d’esprit, et même par des connaisseurs, comme des capucines par des grisettes. […] Et cependant ce petit livre vanté par tout le monde, ce chef-d’œuvre d’éloquence et de passion sincère, nous venons de le relire dans la nouvelle édition qu’on nous en donne, et il nous a été impossible d’y trouver tout ce qu’on s’obstine à y chercher et à y voir.

154. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Métier de dupe, affreux casse-tête, partie d’échecs jouée entre deux langues et entre deux esprits, toute traduction est une œuvre ingrate, difficile, à peu près impossible. […] Pour les connaisseurs, il était impossible de confondre la copie de l’imitation avec l’invention originale.

155. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il est impossible de les décrire en détail, parce qu’ils varient avec chaque espèce animale10. […] Il est presque impossible de dire à quelle époque a lieu la première apparition de la volonté. […] Ceci s’accorde d’ailleurs avec ce fait d’expérience que la réflexion abstraite est impossible pour beaucoup de gens, difficile et fatigante pour presque tout le inonde. […] Diriger volontairement son attention est un travail impossible pour beaucoup de gens, aléatoire pour tous. […] L’effort est impossible ou infructueux.

156. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

C’est une chose tellement précieuse qu’il est impossible de s’en passer et tellement vulgaire qu’il faut avoir du génie pour s’apercevoir de ce qu’elle vaut. […] Cela est impossible, extravagant, trois fois insensé, c’est le délire même. […] Mais, aujourd’hui, c’est bien impossible. […] Il était impossible de mieux comprendre cela que M.  […] Tous l’égorgeront avec la plus suave frénésie, parfaitement assurés qu’il est aussi impossible de dédoubler en lui le poète du musicien que le musicien du poète.

157. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Par là on introduit en nous une perpétuelle « vicissitude » dont les tronçons décousus échappent à tout lien de souvenir, une féerie de changements à vue qui est une série d’annihilations et de créations : chaque pensée meurt au moment où elle naît, tout est toujours nouveau en nous, et la conception de la durée se trouve impossible. […] Supposez, par impossible, un animal réduit à une existence toute représentative et même affective, mais non volitive ; cet animal aurait des représentations sans aucune représentation du temps. […] Cette théorie de Kant, avec son intuition pure du temps, nous semble illusoire, car l’intuition pure de la succession et de la possibilité indéfinie des successions est impossible par définition même. […] Une intuition pure est chose impossible dans le système même de Kant. […] Si, par impossible, vous videz complètement votre conscience de tout contenu sensitif ou appétitif, vous restera-t-il le temps ?

158. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Quand on fait si petit, il est impossible de faire fort et profond ! […] Le mal de tout cela, c’est qu’il est impossible à l’imagination dégoûtée de s’intéresser à ce Jack imbécile, sentimental et raté… comme les autres, — pas plus intéressant, quoique plus à plaindre que les autres. […] À l’accent, une page de Daudet se reconnaîtra toujours entre toutes, et il sera impossible de l’imiter. […] Impossible, en effet, de rouler plus bas la royauté que ne l’a fait l’auteur des Rois en exil. Impossible de lui dire un adieu plus amer.

159. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Plus d’une fois elle a porté la peine de son zèle et de ses pieux excès : après s’être dévouée à soigner des familles entières dans une épidémie de fièvre typhoïde qui sévit dans la contrée en 1839, elle tomba malade elle-même et faillit succomber : D’autres fois, après avoir surmonté toutes ses nausées auprès de certains malades, après avoir fait l’impossible en constance, en patience, en refoulement de toutes les délicatesses, la nature à la fin se révolte et se revanche ; il y a un lendemain ; et le devoir accompli, le malade soigné, le mort enseveli, la courageuse infirmière est demeurée des huit jours entiers le cœur soulevé, rassasié, sans pouvoir prendre presque aucune nourriture : elle a eu le contrecoup de son dévouement. […] Le bon curé se mettait sur les bras des entreprises énormes, en apparence impossibles, qui lui devenaient une source de tribulations. […] Et d’abord, sans prétendre en rien rouvrir une discussion générale, où tous les arguments de part et d’autre semblent avoir été épuisés, et qui pourtant resterait encore inépuisable, il est impossible de ne pas rappeler devant vous qu’il y a eu (et même dans la Commission dont j’ai l’honneur d’être l’organe) deux manières d’envisager la question des droits d’auteur : l’une qui la généralise et la simplifie, qui la constitue et l’élève à l’état de principe, de droit absolu, de propriété inviolable et sacrée, revendiquant hautement sa place au soleil ; et l’autre manière de voir, plus modeste, plus positive, plus pratique sans doute, qui ne s’est occupée que d’améliorer ce qui avait été fait déjà, de l’étendre aux limites qui semblent le plus raisonnables, en tenant compte des différences de matière et d’objet, en mettant la nouvelle loi en rapport avec les articles qui dans notre Code régissent le mariage, les successions, et en combinant le mieux possible les droits des auteurs et ceux du public. […] Non, cela est impossible : la loi est juste, et la justice, en cette question, s’est introduite et s’est étendue, grâce surtout à la considération de la femme, de la veuve.

160. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ce sont là des idées bien tristes, — bien consolantes aussi pourtant ; car la plus douloureuse de toutes serait de penser que nous ne sommes plus rien pour ceux que nous pleurons toujours… « Je cherche quelque soulagement dans le travail ; mais écrire quoi que ce soit m’est impossible, car toutes mes idées retournent vers ma bien-aimée Inès, mon adorable fille absente79. […] Félix, souviens-toi bien : il est impossible que cette bonne grand-mère, et papa, et mon oncle Constant (le peintre), ne descendent pas de cette ligne dont les traits sont si différents de la race vraie Flandre. » C’est miracle qu’elle puisse étudier à travers une vie si tiraillée, si morcelée. […] Il est impossible que la Vierge, qui a présidé à notre naissance dans la rue Notre-Dame, l’ait oublié : oui, Félix, c’est impossible, Elle aime en toi le fils du père des pauvres, et te donne aujourd’hui pour protecteur ceux qui les jugent et se consacrent à eux… « … Mais la politique empoisonne les esprits. — Moi qui pleurais de joie et de respect en traversant enfin Genève, patrie de notre grand-père paternel, on m’y a poursuivie avec ma petite famille en criant contre nous : “À bas les Français !”

161. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Je vais examiner d’abord la littérature d’une manière générale dans ses rapports avec la vertu, la gloire, la liberté et le bonheur ; et s’il est impossible de ne pas reconnaître quel pouvoir elle exerce sur ces grands sentiments, premiers mobiles de l’homme, c’est avec un intérêt plus vif qu’on s’unira peut-être à moi pour suivre les progrès, et pour observer le caractère dominant des écrivains de chaque pays et de chaque siècle. […] Au milieu d’une nation indécise et blasée, l’admiration profonde serait impossible, et les succès militaires même ne pourraient obtenir une réputation immortelle, si les idées littéraires et philosophiques ne rendaient pas les hommes capables de sentir et de consacrer la gloire des héros. […] Il est impossible que, dans un état libre, l’autorité publique se passe du consentement véritable des citoyens qu’elle gouverne. […] « J’ai fait cent fois réflexion en écrivant, qu’il est impossible, dans un long ouvrage, de donner toujours le même sens aux mêmes mots.

162. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Dans les traditions religieuses, ethniques, historiques qui sont la matière de la poésie celtique, ce ne sont que voyages au pays des morts, étranges combats et plus étranges fraternités des hommes et des animaux, visions fantastiques de l’invisible ou de l’avenir, hommes doués d’une science ou d’une puissance surnaturelles, qui commandent aux éléments et savent tous les mystères, animaux plus savants et plus paissants que les hommes, chaudrons, lances, arbres, fontaines magiques, et longs écheveaux d’aventures et d’entreprises impossibles à quiconque n’est pas prédestiné pour les accomplir, servi par les êtres ou maître des objets prédestinés à en assurer l’accomplissement. […] Il donna des aventures, insoucieux de l’incohérence et de l’extravagance, menant les Yvain, les Erec et les Lancelot de péril en péril, les jetant sans raison dans d’impossibles entreprises dont ils sortaient vainqueurs contre la raison. […] L’amour dispense de toute raison, donne toute vertu, et peut tout l’impossible. […] Le Graal devenait le plat de la Cène, que Jésus Christ lui-même avait apporté à Joseph d’Arimathie dans la prison où les Juifs le tenaient : commémoratif de l’institution de l’Eucharistie, il était doué de propriétés merveilleuses, comme celles de distinguer les pécheurs : ce Graal, porté en Angleterre, ne pouvait être trouvé que par un chevalier pur de tout péché, et qui accomplirait certaines actions impossibles à tout autre.

163. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Il est impossible de prendre en bloc un tel homme. […] Mais, dès ses premières attaques514, il sent que le séjour de Paris lui est impossible. […] Quand, en 1743, Voltaire vint à Berlin chargé d’une mission officieuse de la cour de France qui voulait faire reprendre les armes à son infidèle allié, il fut outrageusement berné comme envoyé de Louis XV, délicieusement cajolé comme poète et philosophe, et ami personnel de Frédéric : par une de ces petites perfidies qui ne lui ont jamais coûté, le roi prodiguait caresses, offres, promesses pour décider Voltaire à rester, et sous main tâchait de le brouiller avec le ministère français pour lui rendre le retour impossible. […] J’en ai dit le caractère ; et l’on voit quel en sera le vice rédhibitoire : il est impossible de se faire l’historien du moyen âge, si l’on est de parti pris, par une détermination rationnelle, l’irréconciliable ennemi du christianisme.

164. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Jules Laforgue qui vient ensuite est trop averti pour leur demander l’impossible. […] Il aime aimer et il hésite : « Sitôt que je commence à aimer, je n’ai de cesse avant d’avoir si bien retourné les sentiments de l’amie et les miens que tout amour soit devenu impossible. » La définition de Tolstoï le décourage : « Aimer, c’est préférer autrui à soi-même. » Il ne s’aveuglera jamais jusque-là. […] ces mois passés à prendre son élan, pour ne jamais sauter. » Il s’engage pourtant, vaille que vaille, mais, tandis que le flirt se poursuit, il s’aperçoit de l’accord impossible et que tous deux chantent le même air sur un ton différent. […] Désespéré de l’accord impossible, il se résigne, avec son fond de solide bonhomie, à vivre en partie double, parallèlement, et s’assied entre le vice et la vertu.

165. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Dans son dernier séjour à Venise et dès son arrivée en 1832, il avait vu un carnaval tel qu’il le désirait, un carnaval favorisé par le beau temps, et plus animé encore que de coutume à cause d’une baisse des comestibles : « Mais pourtant il est bien difficile, et peut-être impossible, écrivait-il à Schnetz, de rendre une scène de masques avec vérité et noblesse. […] Vers la fin, il semble avoir tenté quelque chose d’impossible ; il exigeait trop de lui-même, il voulait mettre à des tableaux de nature une expression tirée du plus profond de l’âme, et qu’il faut rencontrer plutôt que l’aller chercher si loin. […] il semble qu’on n’a plus rien à y mettre, et qu’il est fermé aux sentiments qui donnent tant de jouissances à la jeunesse. » Il résistait à l’égoïsme et à ce goût de jouissances positives qui prend certaines natures, même distinguées, dans la seconde partie de la vie : « Une vie matérielle qui peut convenir à beaucoup n’a jamais pu m’accommoder ; et, à présent que pour nous elle pourrait remplacer celle des illusions, il est impossible qu’elle me satisfasse assez pour me donner du plaisir d’être habitant de la terre. » C’est ainsi qu’il parlait à ses amis Schnetz ou Navez ; mais avec M. 

166. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Il avait tenté une conciliation, impossible, je le veux, mais la plus élevée, la plus faite pour complaire à de nobles cœurs, à des imaginations généreuses et religieuses. […] il tente l’impossible et l’inconciliable ; il ne réussira qu’à retarder, à lui-même, son entraînement prochain, irrésistible. […] écrivait l’un d’eux. — Mais pour nous qui n’avons ici qu’à parler de littérature, il est impossible de ne pas noter un tel moment mémorable dans l’histoire morale de ce temps, de n’y pas rattacher le talent de Guérin, de ne pas regretter que l’éminent et impétueux esprit qui couvait déjà des tempêtes n’ait pas fait alors comme le disciple obscur, caché sous son aile, qu’il n’ait pas ouvert son cœur et son oreille à quelques sons de la flûte pastorale ; qu’au lieu de se déchaîner en idée sur la société et de n’y voir qu’enfer, cachots, souterrains, égouts (toutes images qui lui reviennent perpétuellement et qui l’obsèdent), il n’ait pas regardé plus souvent du côté de la nature, pour s’y adoucir et s’y calmer.

167. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Enfin, l’on pouvait être étonné, par conséquent entraîné ; et des hommes croyaient qu’un d’entre eux était nécessaire à tous ; de là les grands dangers que courait la liberté, de là les factions toujours renaissantes, car les guerres d’opinions, finissent avec les événements qui les décident, avec les discussions qui les éclairent ; mais la puissance des hommes supérieurs se renouvelle avec chaque génération, et déchire, ou asservit la nation qui se livre sans mesure à cet enthousiasme ; mais lorsque la liberté de la presse, et ce qui est plus encore, la multiplicité des journaux rend publiques chaque jour les pensées de la veille, il est presque impossible qu’il existe dans un tel pays ce qu’on appelle de la gloire ; il y a de l’estime, parce que l’estime ne détruit pas l’égalité, et que celui qui l’accorde, juge au lieu de s’abandonner ; mais l’enthousiasme pour les hommes en est banni. […] Tant d’actions composent la vie d’un homme célèbre, qu’il est impossible qu’il ait assez de force dans la philosophie, ou dans l’orgueil, pour ne reprocher aucune faute à son esprit : le passé, prenant dans sa pensée la place qu’occupait l’avenir, son imagination vient se briser contre ce temps immuable, et lui fait parcourir en arrière, des abymes aussi vastes que l’étaient, en avant, les heureux champs de l’espérance. […] n’est plus un bonheur accordé à celui que la passion de la gloire a dominé longtemps ; ce n’est pas que son âme soit endurcie, mais elle est trop vaste pour être remplie par un seul objet ; d’ailleurs, les réflexions que l’on est conduit à faire sur les hommes en général, lorsqu’on entretient avec eux des rapports publics, rendent impossible la sorte d’illusion qu’il faut, pour voir un individu à une distance infinie de tous les autres : loin aussi que de grandes pertes attachent au genre de bien qu’il reste, elles affranchissent de tout à la fois ; on ne se supporte que dans une indépendance absolue, qui n’établit aucun point de comparaison entre le présent et le passé.

168. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

On a dit quelquefois que Mme la duchesse d’Angoulême avait une rancune contre la France, et qu’en rentrant en 1814 et en 1815 elle marqua involontairement cette disposition dans quelques-unes de ses paroles ; car, pour des actes, il serait impossible d’en trouver un seul à lui reprocher. […] Incapable d’une mauvaise pensée, mais aussi d’une feinte, si elle ne vous aimait pas, il lui était impossible de vous dire ou de vous laisser croire le contraire. « C’était le plus loyal gentilhomme, me dit-on, et qui n’a jamais menti. » Elle aimait ses amis, elle pardonnait à ses ennemis ; mais, dans la religion de sa race et de son malheur, elle croyait aux fidèles et aux infidèles, aux bons et aux méchants : peut-on s’en étonner ? […] Charles Didier), celui-ci se hasarda à lui dire : « Madame, il est impossible que vous n’ayez pas vu dans la chute de Louis-Philippe le doigt de Dieu. » — « Il est dans tout », répondit-elle avec simplicité, avec un tact qui vient de la religion et du cœur.

169. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

C’est un peu là l’histoire de notre littérature et de l’effet qu’elle nous produit, à nous citadins et casaniers, et de l’effet, certainement différent, bien qu’impossible à déterminer, qu’elle produira sur nos neveux, voyageurs hâtés qui retourneront un moment vers nous leurs regards du haut de leurs collines. […] Un tel paradoxe, si contraire à la conscience littéraire de l’élite du public d’alors, à l’admirable Épître de Boileau, et de plus si impossible à démontrer aujourd’hui comme à réfuter, m’a fâché, je l’avoue, venant d’un esprit aussi net et aussi droit que M. 

170. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

» Est-il donc impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de disparaître derrière ses personnages, se tiendrait cache sous leur masque, prompt à intervenir à tout moment dans leurs paroles et dans leurs gestes par un feu roulant d’allusions malignes, d’épigrammes lancées contre ses adversaires, de conseils sagement fous donnés à un public ami ? […] Est-il impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de peindre la réalité comme elle est, transporterait l’action dans un monde fantastique, donnerait à des idées abstraites une existence réelle, aux êtres réels une vie, en quelque sorte, idéale, un corps, une voix à des nuages, une constitution politique aux habitants de l’air ?

171. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

On a beau dire qu’il est impossible de persuader à un individu qu’il a du plaisir quand il n’en a pas : c’est possible ; mais il n’est pas du tout impossible de lui persuader qu’il faut avoir du plaisir, sous peine d’être un imbécile.

172. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Même ceux qui semblent le plus organisés pour elle en faussent misérablement la notion, et, matérialistes extravagants, en font de la sculpture ou de la peinture… impossibles ! […] Pour nier le miracle, on le dit impossible, Comme si l’on pouvait, à l’Être inaccessible Du possible de l’homme appliquer le compas.

173. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Les fous, malheureusement, sont insaisissables et impossibles à peindre. […] C’est demander l’impossible ». […] Impossible de n’en pas convenir, M.  […] — L’ostracisme d’un mot. — Les coupures. — Un homme impossible. — Le style grave […] mais c’est un homme impossible !

174. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rocha, Ida »

Il sera désormais impossible de former l’anthologie des femmes poètes sans accorder à Mme Ida Rocha une belle place.

175. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Francisque Millet  »

On a caché le Repos de la Vierge dans un endroit opposé au jour, où il est impossible de l’apercevoir, et c’est vraisemblablement un bon office de Mr Chardin, qui a ordonné cette année le Salon.

176. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 126

Ainsi en pense-t-on, du moins en Allemagne, en Angleterre & dans tous les autres pays [sans doute barbares], où l’on n’est pas encore persuadé, d’après nos graves Littérateurs, qu’il est impossible à un Moderne de bien écrire dans une langue morte.

177. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Rébova n’est qu’à cinq verstes de ma campagne de Chipilofka, où je n’ai pas été depuis fort longtemps ; il m’a été impossible de trouver un instant pour cela. […] Zverkoff commença en ces termes : — Vous n’êtes pas sans savoir quelle femme j’ai le bonheur de posséder ; je crois qu’il est impossible de trouver une meilleure personne ; vous en conviendrez vous-même. […] — C’est impossible ; je te l’ai déjà dit. […] Mais supposons que la chasse ne soit point de votre goût ; vous n’en aimez pas moins la nature, et par conséquent il est impossible que vous ne nous portiez envie à nous autres chasseurs… Écoutez ! […] Impossible de tirer ces jours-là ; une pièce de gibier qui se lève sous vos pieds disparaît presque aussitôt au milieu des ténèbres blanchâtres et immobiles que répand le brouillard.

178. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Il est pourtant impossible que je me dispense de dire que l’exposition des Beaux-Arts a été ouverte le 1er mai. […] La charité, dans son zèle ardent, a toujours été disposée à tenter l’impossible ; nous en avons ici une nouvelle preuve. […] n’est-ce pas là le désir toujours inassouvi de l’homme, le songe impossible que le sommeil ramène obstinément ? […] ce rêve plus impossible encore de l’amour ! […] Dans l’état actuel de la loi, la révision du procès de cet homme, dont le monde entier reconnaît l’innocence, est impossible.

179. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Damedor, Raphaël »

Jarry, qu’il est impossible de lire, je crois, sans un franc rire approbateur.

180. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vernier, Valery (1828-18..?) »

Valery Vernier, Vingt ans tous les deux, serait assurément connue et célèbre si, par impossible, on la supposait transmise de l’antiquité et retrouvée à la fin de quelque manuscrit de l’Anthologie ; on y verrait une sorte de pendant et de contrepartie de l’Oaristys.

181. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Le public demande de la critique, et il a raison puisqu’il n’y en a plus guère ; mais il ne sait pas combien ce qu’il demande est difficile, et, osons le dire, impossible presque aujourd’hui, pour une multitude de causes qui tiennent à l’état même de la société et à la constitution de la littérature. […] Les poésies, les romans sont arrivés à un tel degré d’individualité, comme on dit, à un tel déshabillé de soi-même et des autres ; — le style, à force d’être tout l’homme, est tellement devenu non plus l’âme, mais le tempérament même, — qu’il est à peu près impossible de faire de la critique vive et vraie sans faire une opération inévitablement personnelle, sans faire presque de la physiologie à nu sur l’auteur et parfois de la chirurgie secrète ; ce qui frise à tout moment l’offensant.

182. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Dès qu’un revers, une peine quelconque s’appesantit sur l’âme, il est impossible qu’elle repousse absolument toutes les superstitions de son siècle : l’appui qu’on trouve en soi ne suffit pas ; on ne se croit protégé que par ce qui est au dehors de nous. […] La métaphysique qui n’a ni les faits pour base, ni la méthode pour guide, est ce qu’on peut étudier de plus fatigant ; et je crois impossible de ne pas le sentir, en lisant les écrits philosophiques des Grecs, quel que soit le charme de leur langage.

183. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Il est impossible de préconiser, au nom du goût, une sorte de tolérance universelle et d’admiration banale qui n’est que de l’indifférence, et qui, à la longue, émousse et tue le sentiment même du beau. […] Seulement, vous les aimez tellement qu’il vous est impossible d’apercevoir leurs défauts.

184. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Seulement le désir de me nuire auprès de ces messieurs (chose impossible, je l’en préviens) l’entraîne un peu plus loin à de regrettables inadvertances. […] Dans le fond, il y a ceci, qui est bizarre : il vous a été absolument impossible de supporter cette idée qu’il y eût en France un homme notoirement insensible aux beautés du 4e acte de Frédégonde.

185. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Il est vraisemblable, avons-nous dit, qu’un canevas italien, intitulé Il Ritratto (le Portrait), très différent de celui des Gelosi qui porte le même titre, fut utile à Molière pour la composition du Cocu imaginaire, mais il est impossible de déterminer dans quelle mesure, le canevas primitif ne nous étant pas connu, et les Italiens ayant, à coup sûr, profité de ce qu’il y avait à leur convenance dans la pièce française. […] Il faudrait donc supposer que les Italiens eussent joué cet intermède bien avant leur pièce du Triomphe de la médecine, qu’ils s’en fussent emparé presque aussitôt qu’il parut sur le théâtre de Molière, ce qui serait surprenant sans doute, mais non impossible dans les libres usages de l’époque.

186. (1890) L’avenir de la science « IX »

Un Aristote est de nos jours impossible. […] etc  Il faudrait donc que le chercheur possédât l’ensemble de toute l’ethnographie moderne, dans ses parties certaines et hypothétiques, et les connaissances d’anatomie et de linguistique sans lesquelles l’ethnographie est impossible.

187. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Clément a profité de ces défauts communs à plusieurs Poëmes didactiques, & les a fait valoir, pour soutenir qu’il est impossible de composer, en notre Langue, un bon Poëme de cette espece. […] Mais supposons encore qu’il fût impossible de faire usage de certains termes ; les périphrases, les métaphores ne peuvent-elles pas suppléer au défaut de l’expression littérale ?

188. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Sans croire, comme certains philosophes, que la nature partage également bien tous ses enfans, il est pourtant certain que c’est l’éducation qui met, entre un homme et un autre, l’énorme différence qui s’y trouve quelquefois : c’est d’ailleurs une opinion qu’on ne saurait trop répandre, parce qu’elle est le meilleur moyen d’encourager les réformes que l’on peut faire dans l’éducation, réformes sans lesquelles il est impossible de changer les fausses opinions et les mauvaises mœurs. […] Il n’est pas impossible qu’un chasseur ayant tué un daim et un faon, y veuille joindre une perdrix, mais qu’un loup devant quatre corps se jette sur une corde d’arc, cela ne me paraît pas d’une invention bien heureuse.

189. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Il est impossible en effet de ne pas s’apercevoir des efforts qui se font, en ce moment, pour asseoir toutes nos connaissances primitives et acquises sur une base solide et inattaquable, celle de l’expérience. […] Notre attention a été fixée un instant sur un phénomène bien singulier de nos langues actuelles, qui manquent, avons-nous dit, du sentiment de la continuité d’existence ; et cependant il est impossible qu’un tel sentiment ait jamais été banni des conceptions de la pensée.

190. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Puis, les Mémoires du cardinal de Bernis, qui, du moins, en dehors de la diplomatie, nous ont appris une chose qu’on ne savait pas : c’est que cette Babet la Bouquetière était, sous ses bouquets, un homme d’État, impossible, il est vrai, dans une monarchie impossible et qui frappait tout de son impossibilité.

191. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

La langue gauloise du seizième siècle répond si parfaitement et si exactement à la langue grecque du temps d’Hérodote, qu’il est impossible même de supposer une traduction d’un autre temps qui puisse l’emporter sur une traduction à cette date. […] Il n’eût plus été un Primitif, un Naïf, un de ces grands Bonshommes qui méritent tout à la fois ce substantif et cette épithète, parce qu’ils donnent, phénomène rare, impossible dans les civilisations avancées, à la bonhomie de la grandeur.

192. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Ce romanesque manuscrit dont nous parle Debay, sans nous dire quelle en était la teneur, sans déterminer où commencent et où s’arrêtent les notions qu’il y a puisées, ne nous apprend que des faits déjà connus ou insignifiants, à l’aide desquels il est facile de composer une mosaïque de pièces de rapport, jointes ensemble par le procédé d’imagination, à présent vieilli et délaissé, de Barthélemy et de Wieland, mais dont il est impossible de tirer le détail intime qui nous illumine une figure, et nous la fait réellement comprendre en la ressuscitant devant nous. […] Quant à Ninon, il est impossible de supposer que Debay ait eu la bonté d’ajouter ses puissances d’aperçu ou de rédaction à l’esprit de cette femme célèbre.

193. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

De pareils hommes ne peuvent s’atteler, ni de gré ni de force, au joug d’un système qui regarde comme un progrès l’esprit politique du dix-huitième siècle, et qui le glorifie dans ce Quinze-Vingt de sa propre pensée, laissé par le dédain de Bonaparte, accroupi dans les ténèbres de sa constitution impossible, — l’abbé Sieyès. […] Aucune de ces orgueilleuses philosophies n’a su prévoir que la postulation éternelle de l’impossible devait aboutir au déchaînement de tous les tocsins et que l’Envie, cette hôtesse de nos cœurs, aurait toujours le prétexte de la satisfaction des esprits sages pour justifier ses horribles animosités.

194. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Parce que cette organisation appartenait au Moyen Âge, à une époque couchée dans la tombe, il n’a pas cru qu’elle en partageât la poussière ; il ne l’a pas cru finie, épuisée, impossible ; car une institution fondée sur la nature des choses doit échapper à la destinée de ces institutions ambulatoires que les siècles emportent avec eux. […] Rien dans les circonstances actuelles n’en rend l’application impossible ; tout, au contraire, la rend opportune.

195. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Il est resté le vieux Faust intraitable, immaniable, impossible à déchristianiser, car voilà ce qu’ils voudraient faire, les poètes de l’impiété moderne, les chanteurs de l’Athéisme et de la Négation ! […] Le Christianisme a pénétré si avant dans son âme que je ne crois pas qu’il lui soit possible de l’en arracher… Et si, par impossible, il l’arrachait de son âme, il ne l’arracherait pas de son talent.

196. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Didier, il est impossible d’avoir cette pensée. […] Dans Les Aventures de Bianca, il se croit ironique comme Voltaire, parce qu’il se moque de la vraisemblance, de nous et de lui-même, avec un entassement d’événements impossibles et en nous ouvrant sous le nez trente-six tabatières à surprises.

197. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Drouais  »

Il était impossible d’imaginer une mine où il y eût plus de gentillesse, et de malice ; comme ce chapeau est fait ?

198. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Il serait impossible au logicien le plus hardi de faire à ce point table rase de toute sa littérature. […] Mais cette notion est impossible. […] Il lui est absolument impossible de prouver que Molière soit un poète comique. […] Et, d’autre part, quand des œuvres laides à ses yeux, laides poétiquement, laides moralement, sont l’objet de l’admiration du genre humain, Uranie sait qu’elle doit dompter son goût ou son dégoût, parce qu’il est impossible que le sens moral et poétique de l’humanité s’abuse au point d’admirer quelque chose où rien ne serait admirable. […] mais non ; cela est impossible.

199. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

. — Ces dates sont intéressantes, mais elles serviront, je l’espère, à faire comprendre combien il est impossible de suivre cette genèse musicale avec les très rares documents que nous possédons. […] Elle est — espérons-le — à l’abri de ces déplorables représentations qui dépravent le goût en Allemagne, et qui font qu’il devient tous les jours plus impossible défaire comprendre aux compatriotes du maître de quoi il s’agit dans la réforme de l’art qu’il avait rêvée. […] Wagner a prévu, il y a longtemps, que « l’œuvre d’art de l’avenir ne pourra vivre pleinement que lorsque le drame ordinaire et l’opéra seront devenus impossibles ». […] Et je le répète, puisqu’il est impossible à Wagner de nous manifester à l’heure actuelle ce qu’est cet art, ce n’est qu’en le suivant, ce n’est qu’en étudiant attentivement ses écrits et sa vie, que nous pouvons arriver à savoir au juste ce qu’il a voulu, et à vouloir la même chose. […] Or il est impossible d’attendre de M. 

200. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Une grande quantité de lettres de Massillon ont été soustraites au moment de sa mort : serait-il impossible de les recouvrer ? […] Dans tout le cours de ce développement, il est impossible de s’arrêter et de mettre le point à aucun endroit ; c’est une seule et unique pensée qui court par des branches multipliées et sous des couleurs diverses. […] Il a des contradictions où sa sincérité et son commencement de philosophie, aux prises avec l’obligation de la louange, ne savent trop comment se démêler ; ainsi, lorsqu’il loue pleinement Louis XIV de sa révocation de l’édit de Nantes, et qu’il veut à la fois flétrir la Saint-Barthélemy et maintenir jusqu’à un certain point l’idée de tolérance : en cet endroit, Massillon essaye de concilier deux idées impossibles, et il y échoue ; il ne produit qu’un effet combattu et incertain.

201. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Quoique la littérature doive s’affranchir dans la république, beaucoup plus facilement que dans la monarchie, de l’empire du ton reçu dans la société, il est impossible que les modèles de la plupart des ouvrages d’imagination ne soient pas pris dans les exemples qui s’offrent habituellement aux regards. […] Mais ce qu’il est impossible de supporter, c’est une éducation grossière que trahit chaque expression, chaque geste, le ton de la voix, l’attitude du corps, tous les signes involontaires des habitudes de la vie. […] Je dirai plus, une suite de hasards peuvent conduire un homme à se faire remarquer par quelques faits illustres, sans qu’il soit doué cependant ou d’un génie supérieur, ou d’un caractère héroïque ; mais il est impossible que les paroles, les accents, les formes qu’on emploie envers ceux qui nous environnent, ne caractérisent pas la vraie grandeur de la seule manière inimitable.

202. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il a réduit au minimum la subjectivité, impossible à éliminer absolument de tous les travaux où l’intelligence ne peut se substituer l’automatisme des instruments. […] De là cette curieuse conséquence : pour nombre d’esprits, Renan a rendu la foi impossible, et il a rendu impossible aussi la guerre à la foi.

203. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Ainsi, en ce qui concerne l’origine de la vie, on peut conclure qu’il y a toujours eu des êtres vivants, puisque le monde actuel nous montre toujours la vie sortant de la vie ; et on peut conclure aussi qu’il n’y en a pas toujours eu, puisque l’application des lois actuelles de la physique à l’état présent de notre globe nous enseigne qu’il y a eu un temps où ce globe était tellement chaud que la vie y était impossible. […] C’est en effet ce que les savants font tous les jours et sans l’interpolation toute science serait impossible. […] Dans le système de Ptolémée, les mouvements des corps célestes ne peuvent s’expliquer par l’action de forces centrales, la Mécanique Céleste est impossible.

204. (1890) L’avenir de la science « V »

Il est impossible d’empêcher la raison de s’exercer sur tous les objets de croyance ; et tous ces objets prêtant à la critique, c’est fatalement que la raison arrive à déclarer qu’ils ne constituent pas la vérité absolue. […] Ronge et des catholiques allemands prouvent qu’un mouvement religieux n’est pas tout à fait impossible en Allemagne. […] Quant à l’Orient, les Arabes font observer que la liste des prophètes n’est pas close, et les succès des wahhabites prouvent qu’un nouveau Mahomet n’est pas impossible.

205. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Ce qui est évident, c’est que l’idée d’un phénomène particulier est essentiellement différente d’une idée nécessaire et absolue dont le contraire est impossible. […] C’est ce qu’il nous est jusqu’ici impossible de deviner. […] Taine nous passons à sa philosophie littéraire, il est impossible de ne pas voir à quel point cette philosophie est, comme on disait autrefois, sensualiste, et combien peu hégélienne. […] J’ajoute si le spiritualisme a raison, il lui est précisément impossible de se démontrer lui-même par l’expérimentation. […] Vacherot dirait volontiers au contraire : « Si Dieu est parfait, il est impossible qu’il existe, car aussitôt qu’il existerait, il deviendrait imparfait. » C’est en quelque sorte par respect pour la nature divine que M. 

206. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « [Avertissement de l'auteur] » p. 1

En commençant par un morceau sur Mme de Sévigné, on n’a pas prétendu donner un portrait étudié de cette personne incomparable : ce ne sont que quelques pages légères, autrefois improvisées au courant de la plume après une lecture des Lettres, et antérieures aux recherches récemment publiées ; mais on les a replacées ici bien plutôt à titre d’hommage, et parce qu’il est impossible d’essayer de parler des femmes sans se mettre d’abord en goût et comme en humeur par Mme de Sévigné.

207. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Boucher » p. 103

J’avoue que le coloris en est faux ; qu’elle a trop d’éclat ; que l’enfant est de couleur de rose ; qu’il n’y a rien de si ridicule qu’un lit galant en baldaquin dans un sujet pareil ; mais la Vierge est si belle, si amoureuse et si touchante ; il est impossible d’imaginer rien de plus fin, ni de plus espiègle que ce petit saint Jean couché sur le dos, qui tient un épi.

208. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 172

Il est impossible d’en avoir une juste idée, à moins de les avoir lus.

209. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Et il est parfois impossible de prévoir si la transformation qu’elle prépare est possible, et si elle sera avantageuse. […] Il est tout à fait impossible qu’une conception sociale ou morale nouvelle naisse et grandisse sans aberration, sans défauts de logique, sans que les efforts de ses amis n’entravent plus ou moins sa marche. […] Le public apprend de temps en temps qu’un conflit s’est élevé entre les bureaux de la Guerre et ceux de la Marine, ou bien que le ministre des Travaux publies juge indispensables des dépenses que le ministre des Finances déclare impossibles. […] Mais en fait, cela fut impossible, et elles apparaissaient d’autant plus vivaces et plus fortes, et même elles existaient d’autant plus. […] Cette morale théorique est impossible à constituer d’une façon passable.

210. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

L’étonnante Revue ne se contente pas de chercher à wagnériser les musiciens français, qui voudrait aussi wagnériser la langue française, parce que, dit-elle, dans l’état actuel de cette pauvre langue, il est impossible de raconter « une vie d’âme entière », la Revue vous indiquera le moyen de passer vos vacances mieux qu’au bord de la mer, dans une vraie mer d’incomparables délices. […] Richard Wagner, ce grand dégoûté, ne savait que faire de ce succès, tous ceux qui ont lu sa Lettre à un ami savent du moins comment on l’a fait. « Les représentations, dont trois sont complètement assurées, auront lieu en dehors de tous les usages ordinaires et seront des représentations modèles. » Impossible de s’expliquer plus clairement sur le public auquel on s’adresse. […] Au lieu de peindre avec une précision impossible à obtenir des sons, les motifs intérieurs qu’il supposait agir dans l’âme de ses héros, il a tout simplement rendu leurs mouvements extérieurs et l’amoureux transport qui les saisit. […] Heureusement qu’il n’y a pas réussi, et qu’à force de vouloir pousser son idée à l’extrême, il s’est heurté à l’impossible. […] Voici encore le tableau nocturne, si mystérieusement fantastique, des « Quatre femmes grises » dans la scène de Minuit du Faust de Schumann ; ensuite sa Cantate-Ballade ; la Malédiction du troubadour ; la merveilleuse Nuit du sabbat de Mendelssohn, où se trouvent des réminiscences, fort peu importantes d’ailleurs ; mais je le répète, impossible et inutile en même temps, de fournir plus de détails !

211. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

La conquête des forces de la nature livrées comme des esclaves obéissantes à l’industrie, allégeant le rude travail des hommes en le multipliant dans des proportions inouïes, ces inventions sans nombre qui augmentent la puissance et l’intensité de la vie, si elles n’ont pu encore en accroître la durée ; la vapeur transportant les produits, les idées et les hommes d’un monde aux extrémités d’un autre monde à travers les mers et les montagnes, victorieuse dans une certaine mesure des puissances hostiles, de l’attraction et de l’espace ; de simples fils de fer jetés sur la surface du globe et l’enveloppant comme dans un réseau nerveux le long duquel court la pensée, la terre revêtue par l’homme d’organes véritables, investie de pouvoirs nouveaux qui dormaient jusqu’alors dans son sein à l’état de forces perdues, devenant ainsi comme un vaste organisme au service de l’humanité, toutes les conséquences morales qui en découlent, le rapprochement des races, la création d’une conscience collective de l’espèce humaine ; l’avenir mille fois plus riche encore que le présent et réduisant de plus en plus le domaine de l’impossible, il y a là des trésors inépuisables pour l’imagination : le danger est qu’elle en soit accablée. […] D’autre part la langue des vers a été tellement maniée et remaniée de nos jours, travaillée en tous sens, renouvelée et rajeunie, qu’elle est prête à recevoir toutes les idées qu’on voudra lui imposer, pourvu qu’on s’y prenne avec quelque adresse ou qu’on n’ait pas des exigences impossibles. […] Ni l’expérience externe ni l’expérience interne, nos seules lumières, ne sont en état de résoudre le problème de la substance ; il leur est donc impossible d’en attester la division et la pluralité. […] Donc, pas de paradis dans ces étoiles dont la substance est en tout semblable à celle qui compose notre pauvre globe ; pas même de ciel idéal à conquérir sur cette terre par la perfection morale : cette perfection n’est qu’une autre illusion ; elle est impossible, car le fatalisme qui règne au plus profond des firmaments doit régner aussi dans mon cœur ; ainsi le veut l’universalité des lois qui régissent le monde. — Ici nous devons citer quelques vers d’une habileté rare, malgré quelques obscurités, dans lesquels l’ingénieux et subtil auteur a réussi à enfermer tout le problème du libre arbitre : Seul le plus fort motif peut enfin prévaloir ; Fatalement conçu pendant qu’on délibère, Fatalement vainqueur, c’est lui qui seul opère La fatale option qu’on appelle un vouloir. […] C’est évidemment à la contrainte d’une forme impossible qu’il faut attribuer des vers pareils à ceux-ci ; il s’agit de réveiller le poète de sa langueur : Mais si je lui montrais la Gloire Sonnant ses vers sous un laurier ?

212. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Deux observateurs consciencieux, Kœlreuter et Gærtner, ont consacré leur vie presque entière à l’étude de cette importante question, et il est impossible de lire les divers mémoires ou traités qu’ils ont publiés à ce sujet, sans acquérir la conviction profonde que le plus généralement les croisements entre espèces sont jusqu’à un certain point frappés de stérilité. […] Quelquefois il nous est même possible de discerner pourquoi tel arbre ne peut se greffer sur tel autre, soit qu’il y ait quelque différence dans la vitesse de leur développement, dans la dureté de leur bois, dans la nature de leur sève, dans l’époque où elle afflue, etc., mais en une multitude de cas, au contraire, il nous est impossible d’assigner une raison quelconque à la répulsion des deux essences l’une pour l’autre. […] Dans l’un des cas, les conditions de vie ont été troublées, bien que parfois le changement soit à peine appréciable pour nous ; dans l’autre, c’est-à-dire à l’égard des hybrides, les conditions extérieures sont demeurées les mêmes, mais l’organisation a été troublée par le mélange de deux organisations différentes de structure et de constitution : car il est impossible que deux organisations se résument en une seule, sans qu’il en résulte quelque désaccord dans le développement, l’action périodique ou les relations mutuelles des divers organes, les uns par rapport aux autres ou par rapport aux conditions de vie locales. […] J’ai considéré jusqu’ici les croisements entre variétés de même espèce comme constamment féconds ; pourtant il est impossible de nier qu’il ne se manifeste une certaine tendance à la stérilité dans quelques cas que je vais essayer de résumer brièvement. […] Il me semble donc impossible de prouver que la fécondité très générale des croisements entre variétés soit une loi universelle établissant une distinction fondamentale entre les espèces et les variétés.

213. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Jules et Edmond de Goncourt étaient des matérialistes assez osés d’impression et d’expression, visant en tout à une plasticité presque impossible. […] III6 MM. de Goncourt sont, de tendance, de nature de chose, absolument impossibles à dépraver même dans ce temps qui déprave tout, des écrivains du plus grand art et de la plus noble littérature. […] Il me serait impossible, s’il l’y perdait, de ne pas regretter la noble tête de M.  […] Mais la comédienne caractérisée, la comédienne entrée dans une personne vivante, fortement individualisée et impossible à oublier quand on vous l’a montrée une fois, n’est pas et ne pouvait pas être dans cette Faustin, faite de mille pièces rapportées et recousues comme les pièces de l’habit d’Arlequin, et ce n’est point de ces prétendus documents humains, ramassés, comme des chiffons, avec un crochet, qu’elle pouvait jamais sortir ! […] XVII À présent, j’ai fini cette critique que j’aurais voulu m’épargner… Malheureusement, c’était impossible.

214. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

il lui est impossible d’y voir autre chose que l’unité ou la multiplicité. […] Soit donné seulement l’être en soi, la substance absolue sans causalité, le monde est impossible. […] Mais il était impossible de s’arrêter là. […] Tout cela est impossible ; la raison y résiste absolument. […] Quand il n’y a rien de grand à faire, le grand homme est impossible.

215. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Du Bellay aspirait d’abord à imiter et reproduire Horace en français, l’Horace lyrique : c’était une noble et impossible ambition, Mais voilà que, sans y songer presque, il rivalise avec un Perse ou un Juvénal en ces crayons parlants, expressifs, des espèces d’eaux-fortes à la plume ; il nous donne la monnaie de certaines pièces de l’Arioste ; il devance Mathurin Regnier, et c’est ainsi qu’il mérite d’être appelé véritablement le premier en date de nos satiriques classiques. […] Voyant donc qu’il n’y avoit autre remède et qu’il m’étoit impossible de supprimer tant de copies publiées partout, pour ce que le feu roy (que Dieu absolve !) […] Cela nous est impossible à démêler aujourd’hui. […] Eût-il eu dans son caractère, comme André Chénier, quelque ressort un peu vif et quelque principe de fierté qui le rendait moins commode qu’il n’aurait fallu dans l’habitude, pour moi, je ne l’en estimerais pas moins, et, dussé-je être taxé de partialité pour les poètes, il m’est impossible, même après la publication de ces dernières pièces, de trouver à Joachim d’autre tort que celui d’avoir été maltraité par la fortune, d’avoir été fait intendant et homme d’affaires tandis qu’il était poète, et d’avoir commis cette autre faute grave de s’être laissé mourir jeune avant d’avoir franchi le détroit qui l’eût mené à sa seconde carrière.

216. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Toute comparaison est impossible entre les théâtres ordinaires et celui de Bayreuth ; le caractère particulier de Bayreuth, l’emplacement du théâtre, l’air de sérénité qu’on y respire, l’imposant mystère de la salle, tout cela s’ajoute en cette communion qui nécessairement unit les assistants … Ainsi apparaît Tristan, transfiguré de ce que nous l’avions vu à Munich ou ailleurs. […] je répondrais que cela est impossible … mes idées à ce sujet ne me sont venues que comme artiste créateur… » (X, 322). […] Vous avez compris parce que je vous ai dit de la position des Patrons vis à vis de moi, que l’idée d’un gain pour les acteurs est exclus, qu’il faut même les considérer comme disposés à un sacrifice ; j’ai cependant arrangé les choses pour que, au cas d’un sacrifice impossible, il y eût possibilité de dédommagements ; et même grâce au dévouement de plusieurs artistes distingués, je suis en mesure d’empêcher qu’aucun des artistes n’ait à me refuser à cause de difficultés matérielles. […] En même temps sont publiées quelques remarques : Sur le rappel des acteurs. — « Les Patrons ne doivent pas prendre en mauvaise part ni des artistes ni de l’auteur, si ceux-ci ne répondent pas aux applaudissements en s’avançant sur la scène ; ils se sont décidés à cette abnégation pour se tenir dans le cadre de l’œuvre d’art qu’ils ont à présenter au public. » Sur l’usage du texte. — « Pour obtenir le juste effet scénique il faut pendant la durée de l’acte diminuer l’éclairage de la salle au point de rendre impossible la lecture du texte.

217. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Qu’est-ce, d’ailleurs, qui sépare le possible de l’impossible ? […] Mais Corneille est hanté toute sa vie par les grandes conceptions des caractères hautains et fermes, rigides comme le devoir et héroïques jusqu’à l’impossible. […] L’influence des milieux est incontestable, mais elle est le plus souvent impossible à déterminer, et ce que nous en savons ne permet de conclure le plus souvent, ni de l’œuvre d’art à la société, ni de la société à l’œuvre d’art. […] L’histoire de la littérature ressemble à l’histoire des découvertes scientifiques ; elle est aussi intéressante, mais toutes deux ne servent, encore une fois, qu’à mieux dégager cette inconnue, le génie, et il est aussi impossible d’expliquer entièrement une œuvre originale qu’une grande découverte ; on ne se rendra jamais beaucoup mieux compte du génie d’un Shakespeare ou d’un Balzac que de celui d’un Descartes ou d’un Newton, et il y aura toujours, entre les antécédents psychologiques à nous connus d’Hamlet ou de Balthazar Claetz et ces types eux-mêmes, un hiatus plus grand encore qu’entre les antécédents du système des tourbillons ou de la théorie de l’attraction et ces théories elles-mêmes.

218. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Sans doute celle-ci admet différents degrés d’intensité ; sans doute aussi entre elle et la forme calme il y a continuité : il est impossible de dire à quel degré d’intensité la parole intérieure cesse d’être calme ; mais, d’une part, il suffit de considérer quelques cas bien nets pour apercevoir les caractères distinctifs de la forme vive ; d’autre part, la parole intérieure calme paraît être un état limite ; entre elle et le silence intérieur il n’existe pas d’intermédiaire. […] Or le choix de l’unité phénoménale est livré à l’arbitraire de mon esprit ; si je dis, avec la psychologie classique, qu’il n’y a pas d’imagination sans mémoire, c’est que j’ai introduit dans mon analyse l’idée toute métaphysique du phénomène-atome, élément indivisible des phénomènes divisibles ; mais je puis tout aussi bien convenir avec moi-même qu’un fait digne de ce nom dure au moins deux heures ; cette convention admise, la mémoire subsiste comme faculté, comme principe matériel de certains faits dont la forme est toujours originale et nouvelle ; mais il n’y a plus de faits de mémoire, il n’y a plus de souvenirs, à proprement parler ; se souvenir est nécessaire, car l’invention n’est pas une création ex nihilo ; mais un souvenir est impossible, car je ne puis me répéter deux heures durant sans glisser quelque élément nouveau dans la reproduction de mon passé ; la mémoire se déduit, elle ne s’observe plus. […] Image, que nous fournit la langue vulgaire, est équivoque, à cause de son dérivé imagination, dont le sens a été spécialisé, et aussi parce que ce terme semble devoir s’appliquer surtout à une espèce du genre, les phénomènes d’ordre visuel ; nous l’emploierons pourtant, faute d’un meilleur, mais seulement dans les cas où l’équivoque sera impossible. […] Or l’invention serait impossible, si elle n’était facilitée par l’existence préalable d’une habitude générale, et elle exigerait un effort, si cette habitude, tout en demeurant générale, partant souple et variée dans son acte, n’était pas d’une réalisation facile, et, pour ainsi dire, proche de l’acte.

219. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

, « c’est que la science pourrait avoir à sa disposition l’enfer, et non pas l’enfer chimérique duquel il n’y a aucune preuve, mais l’enfer réel », devant lequel le voilà qui se met à trembler, esprit décousu, tête inconsistante, comme s’il n’avait pas dit d’abord que la science serait infaillible et la rébellion impossible ! […] Le flot des faits qui viennent sur lui en masse et qu’il lui est impossible de ne pas voir, puisqu’il n’estime, en lui, que la faculté du regard qui observe et qui voit ce qui est, et qu’il appelle la science ; ce flot de faits tue la thèse rationaliste et impie, et d’autant plus sûrement qu’il ne comprend pas qu’elle va mourir et qu’il ne fait rien pour la défendre ! À cet homme de faits et de textes, à ce maniaque d’érudition que toute induction et toute conclusion épouvante, la conclusion était impossible, et, lâchement, pour obéir à la lâcheté native de son esprit, il ne conclut pas. […] De même qu’il n’a pas conclu, du fait aperçu de l’Église, à la nécessité du surnaturalisme dans l’Histoire, de même il n’a pas conclu contre son Marc-Aurèle de l’état surnaturellement religieux d’une époque à laquelle il est impossible de rien comprendre sans ce surnaturalisme, lequel, dans les grandes choses humaines, revient sur vous comme une mer, quand on croyait ravoir chassé !

220. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Il ne serait pas impossible de retrouver de nouvelles lettres d’Alcuin. […] Enfin, en lisant la description fidèle que Jean de Salisbury nous donne de l’état de l’enseignement à Paris au milieu du xiie  siècle, de la multitude des maîtres et de la diversité des opinions, il est impossible de ne pas espérer qu’avec des recherches patientes et bien dirigées, on arriverait à retrouver beaucoup de choses précieuses et nouvelles.

221. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Que les grandes histoires générales sont encore impossibles. […] Impossible.

222. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Il est impossible, parmi les récits miraculeux dont les évangiles renferment la fatigante énumération, de distinguer les miracles qui ont été prêtés à Jésus par l’opinion de ceux où il a consenti à jouer un rôle actif. Il est impossible surtout de savoir si les circonstances choquantes d’efforts, de frémissements, et autres traits sentant la jonglerie 740, sont bien historiques, ou s’ils sont le fruit de la croyance des rédacteurs, fortement préoccupés de théurgie, et vivant, sous ce rapport, dans un monde analogue à celui des « spirites » de nos jours 741.

223. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

A la distance où nous sommes, et en présence d’un seul texte, offrant des traces évidentes d’artifices de composition, il est impossible de décider si, dans le cas présent, tout est fiction ou si un fait réel arrivé à Béthanie servit de base aux bruits répandus. […] Laissé libre, Jésus se fût épuisé dans une lutte désespérée contre l’impossible.

224. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

C’était une simple femme au cerveau de femme, au cœur de femme, aux passions de femme, mais, après tout, un de ces êtres rares dans toute histoire, et qu’à l’époque où elle vécut on aurait jugée impossible. […] Seulement, tel qu’il est, ce trumeau, il est impossible qu’un jour ou l’autre la page d’histoire inconnue qu’il représente ne tente pas l’imagination d’un poète ou la sagacité d’un penseur.

225. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

J’en demande bien pardon à son impatience, mais il m’est impossible de la partager, et je crois que mort, comme vivant, Hugues de Lionne n’a pas à se plaindre de la Destinée. […] Impossible, en cette double histoire, de saisir nettement, dans le cours des négociations qu’on y raconte, les fautes, s’il y en eut de commises, et les tours de souplesse, de force ou de génie, s’il s’en produisit.

226. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Évidemment, elle n’est plus pour lui qu’un pis-aller, une espèce de champ d’asile pour sa pensée, le refuge dans lequel il se sauve contre les rigueurs du temps présent, cet outlaw de la politique impossible ! […] III J’ai dit maintenant à peu près tout ce que j’avais à dire sur un homme qu’il m’est impossible de ne pas croire fort au-dessous de la fortune littéraire qu’on lui a faite, mais qui aurait pu la continuer, et même mieux que s’il était fort au-dessus.

227. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

L’idéal, je l’ai dit souvent, est toujours l’impossible, et ce dut être son idéal. […] comme dirait Shakespeare. — Vieux, fripé, le tabard en loques, le nez tuberculeux, c’est un de ces Pauvres sublimes, types immortels des misères méritées, que Callot campe sur des béquilles avec des tournures qu’il est impossible d’oublier !

228. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Mais, enfin, l’Histoire n’est point une commission bien faite qu’on rapporte dans ses bagages… Or, en conscience, et d’après son livre, il me serait impossible de savoir ce que serait comme historien Léouzon-Leduc s’il n’était pas allé à Stockholm. […] Le chroniqueur de journal qu’il ne cesse d’être pendant tout le cours de son récit a le ton propret de son métier, quand il n’en a pas les vulgarités déclamatoires et prudhommiques ; car il a souvent des phrases dans ce goût charmant : « Le prince Charles ne tarda pas à s’abandonner à de folles amours et à délaisser la femme qu’il avait épousée pour concentrer en elle toutes ses affections et en faire la souche honorable de sa postérité. » Il est impossible, comme vous voyez, d’être plus distingué.

229. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Si aujourd’hui, par impossible, les atroces Tartuffes qui veulent la mort du Christianisme par l’appauvrissement de la Papauté, et les imbéciles, plus nombreux encore, qui croient que pour la gloire et le renouvellement de la Papauté, avilie, selon eux, dans le pouvoir et les richesses, il faudrait la jeter vivante à la voirie des grands chemins et qu’elle allât tendre sa tiare à l’aumône comme Bélisaire y tendait son casque, avaient une vue juste de la réalité, le sou que la Chrétienté y ferait pleuvoir de toutes parts serait l’atome constitutif d’un pouvoir temporel nouveau, qui — le monde étant différent de ce qu’il était il y a dix-huit siècles — ne se développerait pas comme la première fois, mais trouverait une autre forme de développement. […] Ce gouvernement temporel, qu’on rêve de supprimer, se reformerait comme à l’origine de la société chrétienne, tant il est nécessaire à cette société pour qu’elle soit, et tant, sans ce pouvoir temporel, il est impossible à la raison même de concevoir cette société !

230. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Il y a des choses, il est vrai, dans cette Correspondance, qu’il est impossible même à MM. de Goncourt de ne pas voir… En leur qualité de peintres, d’ailleurs, et de peintres recherchant des effets de peinture, ils ont peut-être trouvé frappant et pathétique de montrer les vices et la misère, fille de ces vices, chez la plus brillante et la plus spirituelle courtisane du xviiie  siècle, morte de misère après l’éclat et les bonheurs du talent et de la fortune, le triomphe, l’enivrement, toutes les gloires sataniques de la vie, et de faire de tout cela un foudroyant contraste, une magnifique antithèse… Mais s’ils ont montré — hardiment pour eux — la fameuse Sophie Arnould, qui naturellement devait tenter la sensualité de leur pinceau, dégradée de cœur, de mœurs, de fierté, de talent et de beauté, au déclin cruel de la vie, ils n’ont pas osé aller jusqu’à la vérité tout entière. […] Elle y est représentée les yeux en l’air, pâmés sous un front sans sourcils, la bouche ouverte (chantant probablement), et il est impossible d’être moins que dans ce portrait la Sophie Arnould que l’imagination se figure.

231. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

C’était impossible ! […] Seulement je n’ai pas à entrer dans une critique de détail, impossible d’ailleurs en un seul chapitre.

232. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

ont donné l’exemple, et qui sont la révélation ou plutôt l’éclosion d’un talent impossible à prévoir, M.  […] impossible d’en saisir la trace, et le voilà qui manque également de grande imitation et de forte originalité !

233. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Mais après cette belle édition de Blanchemain, impossible ! […] même littérairement, ce fut, pour Ronsard et pour nous un malheur dont il est impossible de mesurer bien exactement l’étendue… Demandons-nous ce qu’il aurait été, ce génie robuste et organisé pour rester lui-même, s’il n’avait pas été païen ?

234. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Et cette toute-puissance, qui n’a pas d’égale, était en lui chose si mystérieusement et si spontanément naturelle qu’il est impossible de l’expliquer, et que lui-même, comme les autres poètes, plus artistes que lui par la volonté et le travail, il ne pensa jamais, par un travail quelconque, à y ajouter. […] Lamartine n’a pas dit à quelle époque de son génie et de sa gloire il a écrit ces souvenirs de sa jeunesse où il n’y a que sa jeunesse, et le livre est tellement et si exclusivement sa jeunesse qu’il est impossible de le deviner.

235. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 292

Tout le monde convient déjà qu'il est impossible de réunir plus de connoissances, de sagacité, d'érudition, plus de force & de clarté dans l'expression, qu'il en a mis dans les Discours & les Notes qui accompagnent cette Traduction.

236. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Dans l’hémisphère austral, si l’on compare les conditions climatériques de vastes territoires situés en Australie, dans le sud de l’Afrique et dans l’ouest de l’Amérique du Sud, entre les 25° et 35° de latitude, on peut trouver des régions on ne peut plus analogues à tous égards, et pourtant il serait impossible de trouver trois faunes et trois flores plus complétement différentes. […] Sans aucun doute, on connaît des cas nombreux où il est impossible d’expliquer comment les mêmes espèces peuvent avoir passé d’un point à un autre. […] Le grand nombre des formes australiennes, qui ont des affinités avec les formes de l’Europe tempérée, mais qui en diffèrent à tel point qu’il est impossible de croire que leur transformation s’est opérée depuis la période glaciaire, nous indique peut-être l’existence d’une période glaciaire, beaucoup plus ancienne, d’accord avec les spéculations récentes de quelques géologues160. Du reste, même à l’égard de la dernière époque glaciaire, il serait impossible d’indiquer avec quelque exactitude les routes et les moyens d’émigration, pour quelles raisons certaines espèces plutôt que d’autres ont émigré, et pourquoi certaines espèces se sont modifiées et ont donné naissance à de nouveaux groupes, tandis que d’autres sont demeurées sans variations. […] Si le fait déjà plusieurs fois supposé de plusieurs périodes glaciaires se confirmait, il y aurait toute raison de croire à la périodicité régulière du phénomène, qui d’ailleurs peut aider à expliquer une foule considérable de faits, autrement impossibles à relier entre eux par une loi.

237. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mithouard, Adrien (1864-1929) »

. — Les Impossibles Noces (1896). — Le Pauvre Pêcheur (1899). — Le Tourment de l’unité (1901).

238. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 314-315

Il est impossible de ne pas sentir que cet Auteur est en état de mieux faire, & que trop de rapidité & de négligence dans la composition, ôte aux Productions de sa plume un caractere qui pourroit les rendre dignes de lui.

239. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 218

Saint-Pavin poussa la liberté d'esprit jusque sur les matieres de Religion ; ce qui faisoit regarder à Boileau sa conversion comme impossible.

240. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il me semble qu’il ne serait pas impossible de donner une autre forme à l’éducation des collèges. […] Pour pouvoir déchiffrer, il faut d’abord connaître la langue : Viète, il est vrai, a prétendu pouvoir s’en passer ; mais cela paraît bien difficile, pour ne pas dire impossible. […] Les deux difficultés auxquelles nous venons de répondre, n’empêcheraient donc point qu’on ne pût, du moins à plusieurs égards, réformer notre orthographe ; mais il serait, ce me semble, presque impossible que cette réforme fût entière, pour trois raisons. […] Mais le projet d’un alphabet et d’une orthographe universels, quelque raisonnable qu’il soit en lui-même, est aussi impossible aujourd’hui dans l’exécution, que celui d’une langue et d’une écriture universelles. […] Il n’y a point d’ouvrage que l’on doive plus juger d’après cette règle qu’un dictionnaire, par la variété et la quantité de matières qu’il renferme et qu’il est moralement impossible de traiter toutes également.

241. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Le contrôle est impossible. […] D’ordinaire, la comparaison directe est impossible. […] Mais encore une fois il est impossible de donner ici de conseils. […] Il est impossible d’admettre que ce soit là un idéal. […] Il lui est impossible de rien créer de toutes pièces.

242. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Beyle, après Latouche, eut le tort de s’exercer sur ce thème impossible à raconter et peu agréable à comprendre. […] Dans le cas présent, dans Le Rouge et le noir, Julien, avec les deux ou trois idées fixes que lui a données l’auteur, ne paraît plus bientôt qu’un petit monstre odieux, impossible, un scélérat qui ressemble à un Robespierre jeté dans la vie civile et dans l’intrigue domestique : il finit en effet par l’échafaud. […] Fabrice, d’après ses débuts et son éclair d’enthousiasme en 1815, pouvait devenir un de ces Italiens distingués, de ces libéraux aristocrates, nobles amis d’une régénération peut-être impossible, mais tenant par leurs vœux, par leurs études et par la générosité de leurs désirs, à ce qui nous élève en idée et à ce que nous comprenons (Santa-Rosa, Cesare Balbo, Capponi).

243. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

D’abord, s’il faut en croire les critiques, Jean Paul est intraduisible ; ils ont décidé qu’il était aussi impossible de traduire ses œuvres que de qualifier son génie. […] Il aurait fallu deux cents vers dans l’ancien système pour répandre toutes ces images ; ou plutôt il aurait été impossible de les accumuler ainsi : l’habitude même de la forme aurait empêché le poète d’y songer ; car l’ancienne forme répugnait tellement à cette profusion, que jamais vous ne trouverez dans un poète du Dix-Septième ou du Dix-Huitième Siècle plus de deux comparaisons pour une même idée. […] Mais il semble qu’il soit impossible d’affectionner davantage cette manière que ne fait notre nouvelle école poétique, qui se dit fille d’André Chénier.

244. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Il est impossible au critique journaliste, qui se met le plus souvent en quête pour se créer des sujets susceptibles d’intérêt, d’en éluder d’aussi importants quand ils se présentent de front. […] Toutes les causes perdues, qui n’ont pas eu leur représentant ou qui ont été vaincues en définitive, sont déclarées impossibles, nées caduques, et de tout temps vouées à la défaite. […] Guizot, c’est presque impossible, tant le tissu est serré et tant le tout s’enchaîne.

245. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il semble qu’entre les poètes français La Fontaine seul ait, en partie, répondu à ce que désirait Fénelon lorsque, dans une lettre à La Motte, cet homme d’esprit si peu semblable à La Fontaine, il disait : « Je suis d’autant plus touché de ce que nous avons d’exquis dans notre langue, qu’elle n’est ni harmonieuse, ni variée, ni libre, ni hardie, ni propre à donner de l’essor, et que notre scrupuleuse versification rend les beaux vers presque impossibles dans un long ouvrage. » La Fontaine, avec une langue telle que la définissait Fénelon, a su pourtant paraître se jouer en poésie, et donner aux plus délicats ce sentiment de l’exquis qu’éveillent si rarement les modernes. Il a rempli cet autre vœu de Fénelon : « Il ne faut prendre, si je ne me trompe, que la fleur de chaque objet, et ne toucher jamais que ce qu’on peut embellir. » Et, enfin, il semble avoir été mis au monde exprès pour prouver qu’en poésie française il n’était pas tout à fait impossible de trouver ce que Fénelon désirait encore : « Je voudrais un je ne sais quoi, qui est une facilité à laquelle il est très difficile d’atteindre. » Prenez nos auteurs célèbres, vous y trouverez la noblesse, l’énergie, l’éloquence, l’élégance, des portions de sublime ; mais ce je ne sais quoi de facile qui se communique à tous les sentiments, à toutes les pensées, et qui gagne jusqu’aux lecteurs, ce facile mêlé de persuasif, vous ne le trouverez guère que chez Fénelon et La Fontaine. […] Pour lui, le combat du christianisme et de la Grèce n’existe pas, et Télémaque est le monument unique de cette heureuse et presque impossible harmonie.

246. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Pourquoi donc serait-il impossible de l’analyser, de la résoudre en ses éléments, de chercher les causes qui ont déterminé la synthèse dont elle est la résultante ? Il est même des cas où il est impossible de la mesurer. […] Et si l’entreprise ne lui paraît pas impossible, c’est que la société remplit toutes les conditions nécessaires pour rendre compte de ces caractères opposés.

247. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

mais c’est un Alceste, un misanthrope de cœur qui hait parce qu’il aime, un dégoûté parce qu’il a du goût, un pessimiste d’optimisme impossible, qui trouve tout mauvais parce qu’il voudrait tout trouver bon ! […] Il est impossible de mettre plus de rouerie de talent que n’en met Aubryet à les peindre, ces femmes bonnes à aimer, quand les autres sont si mauvaises ! […] Puis, sous les titres, il y a des rencontres et des combinaisons impossibles.

248. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Parfois les naturalistes lisent la description d’une plante dans un poète scolastique ; impossible de l’entendre. […] Cette joie et cet épanouissement n’étant que la sensation et les idées en tant qu’agréables, il est aussi impossible d’omettre quand on les décrit, la sensation et les idées qu’il est impossible, quand on décrit les mouvements de l’estomac, de faire abstraction de l’estomac.

249. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Perroneau » p. 172

L’épaule est prise si juste qu’on la voit toute nue à travers le vêtement, et ce vêtement est à tromper : c’est l’étoffe même pour la couleur, la lumière, les plis et le reste ; et la gorge, il est impossible de la faire mieux : c’est comme nous la voyons aux honnêtes femmes, ni trop cachée, ni trop montrée, placée à merveille, et peinte, il faut voir.

250. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 311-312

Les raisons de M. de Foncemagne sont si claires, si solides, si bien appuyées sur l’Histoire, sur la vraisemblance, qu’il est impossible de ne pas abandonner le sentiment de l’Historien du Siecle de Louis  XIV, qui n’a paru le soutenir depuis avec tant d’acharnement, que pour s’épargner la honte d’une rétractation.

251. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Vouloir créer artificiellement une religion est aussi impossible que de créer artificiellement une langue, une société, une épopée. […] Une religion naturelle peut paraître impossible, un christianisme naturel ne l’est pas.

252. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Il y a dans le vicomte de Launay, que quelqu’un a appelé avec assez de justesse un chevalier de Malte de bal masqué, des contours d’esprit trop gracieux et trop révélateurs ; il y a dans ses mouvements trop de langueur et de légèreté vive pour qu’on puisse se méprendre à ce jeu d’un déguisement impossible. […] Elle devient alors ce vicomte de Launay qui semblait d’abord impossible.

253. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Aussi prend-il souvent pour des fautes de Louis XIV ce qui fut l’inévitable conséquence d’une situation impossible à changer. Pour n’en donner qu’un seul exemple, entre bien d’autres que nous pourrions citer, il reproche à Louis XIV la reconnaissance du droit des Stuarts au moment où l’acceptation du testament de Charles II étendait sur la France une résille de complications, et, la vue bouchée par la préoccupation politique, par cet intérêt du moment, il ne voit pas que Louis XIV donné, Guillaume III donné et l’Europe donnée, cette Europe fendue en deux jusqu’à son axe depuis Luther, il était impossible — et même inconcevable — que le gouvernement de Louis XIV ne reconnût pas, quoi qu’il pût arriver, du reste, de cette reconnaissance, l’hérédité monarchique des Stuarts, et ne soutînt pas le catholicisme, directement, et peut-être, quoi qu’en dise Macaulay, uniquement attaqué par l’Angleterre dans leur personne.

254. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Gœthe, sans Diderot, pourrait exister peut-être, comme Diderot lui-même ; mais ils n’en sont pas moins tous deux des esprits de même substance et de même race, — et tellement qu’en écrivant de Gœthe, ce Voltaire de l’Allemagne, qui n’eut personne pour contrebalancer sa gloire, il est impossible de ne pas penser à Diderot, qui eut Voltaire à côté de lui pour tuer, par la comparaison, la sienne ! […] , Gœthe est resté dans le préjugé, comme dans un marbre impossible à entamer, le Shakespeare du monde moderne, et, que dis-je ?

255. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

cette âme charmante d’André Chénier, qui avait en elle toutes les causes d’erreur qu’ont les poètes, dut naturellement se faire prendre à cet Idéal impossible de liberté et d’égalité qui, soixante ans après Chénier, égara aussi Lamartine. […] Au xixe  siècle, Chateaubriand, Lamennais, Bonald et Louis Veuillot, qu’il faut nommer après eux, eurent du christianisme dans leur génie, et le Christianisme tient tant de place dans les choses humaines qu’il est impossible à des hommes qui se mêlent aux choses de ce monde de s’en passer sans se diminuer, quand ils sont les combattants de tous les jours dans la bataille des idées, en attendant celle des hommes !

256. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres. […] Au moins il y avait là une idée, sinon un système, un essai de philosophie, malheureux, j’en conviens, défaillant, impossible à organiser, mais qui montrait dans les tendances de son auteur des besoins de zénith et d’horizon que sa pensée, ramenée sur la terre par la politique au jour le jour, ne connaît plus… Pelletan était jeune encore dans ce temps-là ; plein d’un enthousiasme, qui avait l’excuse de son inexpérience, pour des idées qui lui paraissaient généreuses.

257. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

elle n’était pas, et quoiqu’il fût impossible de s’y tromper. […] Il est impossible de se tasser mieux, de s’aplatir plus complètement sous le pied qui vous écrase, — que dis-je, qui vous écrase ?

258. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Il nous est impossible d’aller plus loin… À notre sens, Champfleury tire de son travail en l’honneur d’Hoffmann des conclusions entièrement contraires à la vérité de cet homme, qui a été exagéré comme tout ce qui nous est venu de l’Allemagne depuis de longues années, et qui passera, quoiqu’il soit un conteur et un fantastique, tout autant que s’il était un philosophe. […] La fameuse Correspondance entre le baron Walborn et le maître de chapelle Kreisteren en est un exemple frappant… On peut rendre le squelette d’un roman, d’un tableau ; il est impossible de rendre le squelette d’une symphonie… » — « Je ne conseillerais à personne — ajoute un peu plus bas Champfleury — de renouveler ces tentatives, qui ne peuvent être comprises que par une vingtaine de personnes dévouées, intelligentes, s’attachant à tout ce qui sort de la plume d’un auteur et prenant la peine de l’étudier pendant des années entières. » Éloge, en langage négligé, plus singulier encore que les singularités d’Hoffmann lui-même !

259. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Ce qu’on entend maintenant, ce qu’il est impossible de ne pas entendre, c’est la grande voix de la Société moderne tout entière, qui passe de bien haut par-dessus cette tête de Soury, et qui, si elle ne dit pas les mêmes choses, identiquement les mêmes choses, — car chacun a sa spécialité d’injures quand il s’agit d’insulter le Christianisme, — dit des extravagances et des impiétés équivalentes, et, dans tous les cas, est disposée à tout entendre, à tout applaudir et à tout accepter. […] Mais il est impossible de ne pas voir que la Société est comme lui, était avant lui, et serait encore sans lui, matérialiste et païenne.

260. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Esprit médiocre, n’ayant pour tout talent que la gravité de son état, âme de rhéteur, doctrine trop souvent erronée, le cardinal de Bausset pouvait nous raconter Bossuet, mais le montrer vivant ou le juger, cela lui était impossible. […] Seulement il l’est à sa manière, avec une abondance de notions, une appropriation de connaissances qui prouve à quel point l’enthousiasme touche à la patience et que rien n’est impossible à l’amour !

261. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Le Sonnet est une forme vieillie, et ce n’est rien que de vieillir, — vieillesse, dans les choses de l’intelligence, c’est souvent parfum, sagesse et profondeur, — mais c’est une forme bornée, et il nous est impossible d’avoir pour elle le respect qu’avait Despréaux. […] Comme aussi dans L’Accord parfait, Sacra famés, L’État, L’Expiation, Le Mal suprême et d’autres encore qu’il est impossible d’énumérer dans cette gerbe pressée de poésies qui n’ont qu’un tort à nos yeux, c’est d’être des brins de poésie.

262. (1893) Alfred de Musset

Il était impossible d’avoir plus de bon sens, un esprit plus net, quand les nerfs ne s’en mêlaient pas. […] Le vide laissé par un Napoléon est impossible à combler. […] Il n’y aurait rien d’impossible à cela. […] Chacun d’eux souhaitait et exigeait l’impossible. […] A peine fut-il en convalescence, que le vertige du sublime et de l’impossible ressaisit les deux amants.

263. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Rien n’est impossible à la science et à la patience de tels éditeurs ; ils vivent à Rome autant qu’à Paris ; M.  […] La race humaine, qui veut tout surmonter par son audace, se précipite dans l’impossible ; la race intrépide de Japet, Prométhée, par un coupable larcin, ravit le feu du ciel pour l’apporter à la terre. […] Rien n’est impossible aux hardis mortels ; notre démence aspire aux astres mêmes, et jamais nos crimes ne permettront à Jupiter de déposer ses foudres vengeresses !  […] » Il est impossible de ne pas sentir une âme patriotique dans ces accents du cœur échappés à l’inquiétude d’un vaincu résigné de la république, mais d’un vaincu toujours préoccupé du sort de sa patrie. […] XI On retrouve les mêmes sentiments voilés sous une allusion transparente dans la belle ode pindarique où Horace prophétise par la bouche de Nérée sur la ruine imminente de Troie ; dans Troie menacée il est impossible de ne pas reconnaître Rome déclinant vers la servitude.

264. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Tout ce qui lui était arrivé lui paraissait absurde ; tout ce qui l’entourait lui paraissait impossible. […] Est-ce que vous ne pouviez pas réserver à un homme éclairé d’en haut et franchement vertueux ce rôle impossible dans un bandit, qui ne sait pas même le nom de conscience ; qui ne fait que ruminer, assassiner, voler, parader, gagner de l’argent et afficher l’hypocrisie de la probité utile ? […] Pourquoi fanatiser le peuple, en style admirable, pour des misères ou inévitables ou impossibles, quand il n’y a malheureusement que trop de fautes et de misères réelles à offrir à la pitié des lecteurs ? […] XXIII Il est impossible ici de rien citer, il faut tout lire, ou plutôt s’abandonner à ces accès de verve historique, épique, tragique, qu’il plaît à l’auteur de se donner à propos de Waterloo, et le suivre bon gré mal gré à travers les péripéties de ces innombrables peintures de combat. […] « Faire cette réponse à la catastrophe, dire cela au destin, donner cette base au lion futur, jeter cette réplique à la pluie de la nuit, au mur traître de Hougoumont, au chemin creux d’Ohain, au retard de Grouchy, à l’arrivée de Blücher, être l’ironie dans le sépulcre, faire en sorte de rester debout après qu’on sera tombé, noyer dans deux syllabes la coalition européenne, offrir aux rois ces latrines déjà connues des Césars, faire du dernier des mots le premier en y mêlant l’éclair de la France, clore insolemment Waterloo par le mardi gras, compléter Léonidas par Rabelais, résumer cette victoire dans une parole suprême impossible à prononcer, perdre le terrain et garder l’histoire, après ce carnage avoir pour soi les rieurs, c’est immense.

265. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Tous les deux ne veulent pas moins rendre le faux impossible que le vrai évident. […] A défaut des exemples domestiques, le goût des spéculations de morale eût entretenu en lui la croyance du chrétien, tant il est impossible de s’occuper de morale sans rencontrer le christianisme, qui en est la science la plus complète. […] Je tiendrais la chose impossible, si, après ce que j’ai vu de vos pères, je ne savais pas qu’ils peuvent faire facilement ce qui est impossible aux autres hommes. » Ailleurs, l’interlocuteur se montre impatient d’en savoir plus ; il excite le père, qui voudrait bien garder quelque chose du secret de la société. […] Vérités, ou plutôt principes de conservation devenus si nécessaires aux peuples chrétiens, qu’il leur serait aussi impossible de s’en passer que de liberté ou d’indépendance.

266. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Impossible de mépriser plus joyeusement toutes les lois du bon sens positif et de la saine économie. […] Il était toujours par voies et par chemins, passant ses jours et ses nuits dans les cabarets ; avec cela, bon et honnête ; mais il fut impossible de lui donner un état. […] — Ç’aurait été impossible ; tout le peuple l’eût suivi on l’aimait trop. […] Pour les délicats, retenus par une foule de points d’honneur, la concurrence est impossible avec de prosaïques lutteurs, bien décidés à ne se priver d’aucun avantage dans la bataille de la vie. […] En fait, je n’ai d’amour que pour les caractères d’un idéalisme absolu, martyrs, héros, utopistes, amis de l’impossible.

267. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Qu’il y ait des faits psychiques impossibles à définir et d’autant plus clairs qu’ils brillent de leur clarté propre, c’est chose incontestable : tel est le fait de la pensée, tel est le fait du plaisir ou de la douleur ; tel est même le fait du vouloir, au sens le plus général du mot, comme réaction ou appétition provoquée par le plaisir ou la douleur. […] En outre, quand même ici toute loi serait impossible, faute d’une répétition du phénomène, il n’en résulterait pas l’absence de causes déterminant par une rencontre unique cet effet unique. […] Au reste, pourvu qu’on ne cesse jamais de revenir ainsi à la réalité et à l’actualité, la considération du possible et de l’impossible peut avoir sa valeur comme considération auxiliaire. Il n’est pas vrai que l’argumentation des déterministes sur le passé revête cette forme puérile : « l’acte une fois accompli est accompli », ni qu’on puisse ramener à cette tautologie l’assertion déterministe que l’acte contraire était impossible. […] En d’autres termes, qu’y a-t-il dans l’idée de liberté : 1° d’impossible ?

268. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Claude Bernard, si judicieux et si réservé d’ailleurs, n’a-t-il pas dit quelque part : « Malgré leur nature merveilleuse et la délicatesse de leurs manifestations, il est impossible, selon moi, de ne pas faire rentrer les phénomènes cérébraux (il entend psychologiques) comme tous les autres phénomènes des corps vivants dans les lois d’un déterminisme scientifique7. » Assurément tous les physiologistes n’ont pas, comme MM.  […] Alors même qu’il verrait dans les phénomènes physiques des phénomènes physiologiques transformés, il lui serait impossible de se refuser à reconnaître qu’il y a au moins entre eux cette différence que le moi a conscience des premiers et non des derniers. […] Cette thèse est déjà bien assez hardie pour qu’on n’aille point en prêter une autre tout à fait impossible à l’école physiologique dont nous venons de résumer la doctrine. […] Est-ce cette entité métaphysique à la façon de Platon et de Descartes que vous nommez l’âme, c’est-à-dire un être incompréhensible, qui est dans le corps sans y avoir un siège, et dont toutes les fonctions deviennent impossibles par la suppression de tel ou tel organe ? […] Parce que, l’être humain n’étant conçu par eux que comme la simple résultante du jeu des organes, il est tout à fait impossible d’expliquer comment un pareil être pourrait jouir d’une activité spontanée.

269. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Girardin, Delphine de (1804-1855) »

Et, en réalité, elle fut reine du royaume le plus difficile à conquérir, le plus périlleux à gouverner, le plus impossible à conserver : reine de ce Paris épique, magnanime, railleur, excellent, qui fabrique la poésie de notre siècle et tout ce qui se nomme Esprit dans le monde entier.

270. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Si elle n’avait pas un fondement objectif, on ne s’expliquerait pas qu’elle fût tout indiquée dans certains cas, impossible dans d’autres. […] Mais la reproduction deviendrait alors impossible. […] La preuve en est qu’il est souvent impossible de dire si l’on a affaire à un organisme qui vieillit ou à un embryon qui continue d’évoluer : tel est le cas des larves d’Insectes et de Crustacés, par exemple. […] Car la variation isolée d’une partie va rendre la vision impossible, du moment que cette variation n’est plus infinitésimale. […] Précisément parce que le fonctionnement est simple, la plus légère distraction de la nature dans la construction de la machine infiniment compliquée eût rendu la vision impossible.

271. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Mais, quand Platon voulut transporter sur la terre ses rêves impossibles et introduire ses fantaisies dans le domaine des réalités, Aristote le plaignit, repoussa modestement ses doctrines politiques, aigrit son maître, qui tenait plus à ses chimères qu’aux vraies doctrines de Socrate, et s’éloigna respectueusement de lui. […] « Aujourd’hui même on retrouve dans quelques cités des traces de ce système, qui prouvent bien qu’il n’est pas impossible ; et, surtout dans les États bien organisés, où il existe en partie, où il pourrait être aisément complété. […] Or il semble impossible qu’un gouvernement dirigé par les meilleurs citoyens ne soit pas un excellent gouvernement, un mauvais gouvernement ne devant peser que sur les États régis par des hommes corrompus. Et, réciproquement, il semble impossible que, là où l’administration n’est pas bonne, l’État soit gouverné par les meilleurs citoyens. […] Les gouvernements établis sur ces bases ne sont jamais solides, parce qu’il est impossible que, de l’erreur qui a été primitivement commise dans le principe, il ne sorte point à la longue un résultat vicieux.

272. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Mais, en regardant d’un œil attentif, il était impossible de ne pas apercevoir en lui une gêne semblable à celle d’une personne revenant dans une situation qui, par un concours de diverses circonstances, se trouve changée. […] Malgré toute notre expérience, quand il s’agit d’une personne qui nous est chère, nous croyons la mort toujours impossible, et nous ne pouvons y croire ; elle est toujours inattendue. […] (Je tiens pour à peu près impossible un accommodement ; et s’il se faisait, il serait inutile ; nous serions de nouveau comme autrefois.) […] C’est impossible, dites-vous ? […] Cependant je crois moi-même sa victoire peu vraisemblable ; laissons donc cette supposition de côté et déclarons cet événement impossible.

273. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Le second volume, qui se replie sur Vendémiaire pour s’arrêter au 18 Fructidor, le prodrome éclatant de Brumaire, contient l’échange de Madame Royale, la conspiration de Babeuf, la sordide trahison de Pichegru, et l’histoire, à travers tous les faits, de cette anarchie entre des pouvoirs rivaux que nous avons vue exister depuis dans des gouvernements détruits parce qu’ils étaient impossibles. […] Ces quinze pas nécessaires à cet habile tireur, il a bien prouve qu’il les lui fallait, mais qu’à cette distance son coup d’œil était infaillible, quand journaliste à la veille — mais seulement à la veille — d’événements qui devaient amener un état de choses jugé si longtemps impossible, il voyait si clair le lendemain. […] La passion politique, qu’on n’éteint pas en soi, mais qu’on y doit garder en la surveillant dans l’intérêt de son talent même, la passion politique l’éclaire maintenant plus qu’elle ne l’enflamme, et il peint ce qu’il hait et ce qu’il méprise — ce qu’il est en droit de haïr et de mépriser — avec ce grand air de désintéressement qui est l’art consommé de l’historien et que les sots prennent pour de l’impartialité impossible. […] est allé jusqu’à ce mot qu’il n’a pas prononcé mais qu’il est impossible de ne pas dire pour lui, quand on a lu les pages qu’il a consacrées à ce règne. […] Livre curieux, aussi inattendu que curieux, l’Histoire des Origines de la langue française n’est pas tout à fait de mon département, mais il m’est impossible de n’en pas parler.

274. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Toutefois il ne serait peut-être pas impossible de réduire à leur juste expression ces qualités fameuses. […] On n’a jamais en effet, donné une théorie plus complète du despotisme pur, et il serait impossible d’imaginer un état social plus dégradant, plus voisin de la barbarie : le genre humain n’est plus qu’un bétail, il n’y a plus de société, plus de citoyens, mais des troupeaux dociles, défilant sous la verge du prince, qui est nécessairement, fatalement, le représentant de Dieu sur la terre. […] Il possède en lui quelque chose d’énorme, une faculté extraordinaire, développée à son maximum, une puissance qu’il est impossible de lui contester. […] Lorsqu’on parcourt soit telle oraison funèbre, soit tel chapitre de la Politique tirée de l’Écriture sainte, en tenant compte même des mœurs de la monarchie absolue, il est impossible de ne pas être frappé de la platitude des épithètes dont l’évêque accable le roi. […] A ce changement soudain dans la conduite vis-à-vis des protestants, du « monarque qui était abusé à ce point par ses guides spirituels83 », il est impossible de ne pas reconnaître l’intervention toute-puissante de l’épiscopat.

275. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Puisque les dispositions de l’espèce subsistent, immuables, au fond de chacun de nous, il est impossible que le moraliste et le sociologue n’aient pas à en tenir compte. […] Si l’évolution du monde organisé s’accomplit selon certaines lois, je veux dire en vertu de certaines forces, il est impossible que l’évolution psychologique de l’homme individuel et social renonce tout à fait à ces habitudes de la vie. […] Sa répugnance s’intensifie quand son attention se fixe sur elle, tandis que ma satisfaction tient de la distraction et pâlit plutôt à la lumière ; je crois qu’elle s’évanouirait si des expériences décisives venaient prouver, comme ce n’est pas impossible, qu’on s’empoisonne spécifiquement, lentement, à manger de la viande 24. […] Il n’est pas impossible qu’il y ait eu là trois réactions, apparentées entre elles, contre la forme qu’avait prise jusqu’alors l’idéal chrétien. […] Mais on ne comprendrait pas la fin de non-recevoir que de vrais savants opposent à la « recherche psychique » si ce n’était qu’avant tout ils tiennent les faits rapportés pour « invraisemblables » ; ils diraient « impossibles », s’ils ne savaient qu’il n’existe aucun moyen concevable d’établir l’impossibilité d’un fait ; ils sont néanmoins convaincus, au fond, de cette impossibilité.

276. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Il crée dans l’idéal et l’impossible. […] Mais il me paraît presque impossible qu’un homme placé au-dessus des autres hommes, un conducteur de peuples, n’ait jamais de vues supérieures à son intérêt personnel, du moins dans les choses où cet intérêt se confond avec l’intérêt général. […] Mais, à coup sûr, il est impossible d’être plus injuste pour M.  […] Ainsi, page 113 : Mais, homme, ne crains-tu d’essayer l’impossible ?

277. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Cette projection hardie des vues de l’esprit peut, c’est trop évident, n’être qu’une équipée aventureuse de la fantaisie ; elle peut aboutir au chimérique, à l’impossible, si elle est en contradiction avec des vérités dûment éprouvées. […] Les esprits, ivres d’enthousiasme, ne croient plus à l’impossible. […] Mieux vaut signaler chez de nombreux écrivains qui ont devancé ou suivi Edgar Poe l’existence d’un fantastique particulier, lucide, méthodique, où les idées s’enchaînent avec une logique si serrée qu’il est presque impossible de marquer le point précis où l’on passe de ce qui est à ce qui peut être et du possible à l’impossible.

278. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Traduire l’émotion par des mots précis était évidemment impossible : c’était décomposer l’émotion, donc la détruire. […] La haine lui est impossible. […] On entend dans les profondeurs de la forêt des fanfares de chasse d’une sonorité grouillante et lointaine impossible à décrire. […] « Il m’a été impossible de serrer la main, en leur disant adieu, à chacun des membres de cette superbe réunion d’artistes qui, dans ces heureux jours de mai, venant de maintes contrées lointaines, se sont groupés autour de moi pour célébrer notre grand Beethoven, et il m’est également difficile maintenant de leur adresser, même par écrit, ce salut d’adieu.

279. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Ses paroles de flamme caressent l’impossible beauté. […] Il m’est pourtant impossible de passer sous silence l’autre grand mérite d’Émile Boissier : il est poète par la musique autant que par l’imagination. […] À qui n’a point visité le pays il est impossible de faire même entrevoir la multiplicité des incidents, la diversité des points de vue et comment la route se peuple de rencontres, de sourires et de cauchemars. Impossible aussi de dire les ressources verbales, syntaxiques, rythmiques, du poète.

280. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Sans cette exposition, qui consiste quelquefois dans un récit, et quelquefois se développe peu à peu dans le dialogue des premières scènes, il serait comme impossible aux spectateurs d’entendre une tragédie dans laquelle les divers intérêts et les principales actions des personnages ont un rapport essentiel à quelque autre grand événement qui influe sur l’action théâtrale, qui détermine les incidents, et qui prépare, ou comme cause, ou comme occasion, les choses qui doivent ensuite arriver. […] Il est le représentant de la Grèce ; il vient demander à Pyrrhus le fils d’Hector ; enfin, son rôle est si bien lié à l’action qu’il est impossible de l’en séparer. […] Il est impossible, moralement parlant, que, dans les grands mouvements, le feu de l’orateur ou du poète se soutienne toujours au même degré. […] Je demeure d’accord avec Scaliger, que c’est un défaut du théâtre ; et je l’excuse avec lui par la nécessité de la représentation, étant impossible de représenter les pensées d’un homme autrement que par ses paroles.

281. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

depuis, beaucoup de vie encore dans ce vieux chêne de poète, mais, franchement, lorsque lis en cette Légende des Siècles, où je trouve des pièces comme L’Abîme, Le Ver de terre, L’Élégie des fléaux, À l’Homme, et bien d’autres qui rappellent les plus purs amphigouris des premières Légendes, et pas une pièce comme Booz, Éviradnus et Le Petit Roi de Galice, il m’est impossible de ne pas voir dans le Victor Hugo de ces secondes Légendes une diminution de la vitalité poétique. […] Repris, remmené et surmené par l’amour de ce qu’il n’a pas, par l’admiration de ce qui lui est impossible, Victor Hugo, ce gigantesque Trompette-major fait pour sonner toutes les espèces de charges, a voulu être un Tircis littéraire et souffloter, et trembloter, et chevroter dans la flûte en sureau de l’Idylle, avec ces lèvres et cette poitrine qui sont de force, vous le savez ! […] Victor Hugo voulait-il, oui ou non, atteindre à sa gloire définitive et donner à sa patrie non plus des ouvrages, mais un monument, et, ce qui eut été digne de lui, le monument jusqu’alors impossible ? […] Il le fait s’escamoter lui-même dans une espèce de charité dévergondée et impossible.

282. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Il est impossible, en effet, que des rhétoriciens, si forts sur la division des vieux genres, ne sachent pas que le mélodrame est un drame où les entrées des personnages se font au son de la musique, ce qui n’arrive pas une seule fois (nous en donnons notre parole d’honneur !) […] Tous ces types, qu’on a vu grandioses dans des œuvres qu’il est impossible d’oublier, sont ici descendus, ravalés, brutaux, vulgaires, et d’un commun d’autant plus abominable qu’il est vrai. […] Puis, encore, autre description du château où l’engloutit son ravisseur, et des toilettes qu’il lui fait faire ; puis, encore, autre description de la salle à manger d’un gandin de Bruxelles, le comte de Busterback, caricature qui doit cacher quelque ressentiment ou quelque antipathie, et personnage de bêtise impossible, même à Bruxelles. […] Pour mon humble part, il m’est impossible de souscrire à un jugement pareil ou de m’y associer.

283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Vavasseur, Gustave (1819-1896) »

Comme on ne peut supposer que Baudelaire ait crayonné son portrait par pure amitié, il faut admettre qu’il avait plus d’intelligence que de talent et qu’il fit, au temps de sa jeunesse, des promesses pour lui impossibles à tenir.

284. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Il faut savoir que Sismondi avait ou aura les yeux fort mauvais, des yeux impossibles pour un peintre ; il ne distinguait que de près et imparfaitement. […] Elle lui dit : « Qu’elle avait écrit, il est vrai, qu’il fallait se roidir contre l’opinion publique, mais non pas contre celle de ses parents ; que, d’après ce qu’on lui avait raconté, la demoiselle qu’il recherchait n’ajouterait par sa famille aucun lustre à la sienne, mais au contraire qu’elle ne lui apporterait aucune fortune et le mettrait dans la dépendance ; qu’elle regardait bien toutes ces distinctions de famille à Genève comme très-ridicules et de fort peu de poids ; mais que cependant elles en acquéraient davantage lorsque l’alliance que l’on contractait pouvait ouvrir ou fermer la porte de la meilleure compagnie et faire tourner la balance ; qu’il devait considérer la nature de son attachement et la personne qu’il aimait ; que si elle était telle qu’il crût réellement impossible de la remplacer, pour l’esprit et le caractère, par une autre qui lui fût égale, alors cette considération pouvait devenir la plus puissante de toutes ; mais, que s’il n’avait pas ce sentiment, il fallait peser toutes les autres convenances. » « J’ai répondu, poursuit Sismondi, que je jugeais en amant et que je ne pouvais éviter de voir cet accord parfait. — Elle a répliqué qu’un homme d’esprit, de quelque passion qu’il fût animé, conservait encore un sens interne qui jugeait sa conduite ; que toutes les fois qu’elle avait aimé, elle avait senti en elle deux êtres dont l’un se moquait de l’autre. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ? […] Sans doute elle ne se liera qu’avec des gens qui sachent bien le français, car pour qu’elle mette ses pensées en italien, elle, c’est impossible.

285. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Il était impossible de nous servir du Collé avec un ragoût plus opposé au goût de Collé même et à toute espèce de goût. […] Bonhomme a imprimé ces deux vers, ne paraissant pas se douter que, tels qu’il les donne, ils sont impossibles et n’appartiennent plus à aucune prosodie ni à aucune langue : « Cito senex, bene qui tacuit bene facit, et infra Ætatem debet quisque malere suam. […] Du reste, comme je vous l’ai dit, faites usage de l’amour-propre des autres pour soutenir la conversation, et soyez bien sûr que c’est un trésor qu’il est impossible d’épuiser.

286. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Elle est un poëte si instinctif, si tendre, si éploré, si prompt à toutes les larmes et à tous les transports, si brisé et battu par tous les vents, si inspiré par l’âme seule, si étranger aux écoles et à l’art, qu’il est impossible près d’elle de ne pas considérer la poésie comme indépendante de tout but, comme un simple don de pleurer, de s’écrier, de se plaindre, d’envelopper de mélodie sa souffrance. […] Les petits enfants, qu’elle aime à peindre, ont été plus précoces et ont parlé un langage plus impossible que jamais. […] Je ne fais qu’indiquer Tristesse, Abnégation, l’Impossible, Lucrétia Davidson.

287. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Il semble bien que cela soit impossible ; et s’il faut les classer, mettre les unes en lumière, laisser les autres dans la pénombre ou dans les ténèbres de l’oubli, d’après quel principe instituer entre elles des degrés et une sorte de hiérarchie ? […] Nous ne lui demandons pas ce que nous devons penser d’un auteur ou d’un ouvrage ; qu’il nous mette seulement en main les pièces qui nous permettront de juger par nous-mêmes. » Le malheur est que cette parfaite indifférence est. impossible. […] Ainsi encore un poème mystique ou un conte fantastique, s’il déroule un chapelet d’aventures extravagantes que ne rattache aucun lien logique ; s’il nous montre des êtres avec lesquels nous ne pouvons pas sympathiser, parce qu’ils n’ont plus rien de commun avec nous ; si, au lieu d’être un prolongement ou une transfiguration du réel, il se met en pleine contradiction avec lui, ce n’est plus qu’une chevauchée dans l’absurde et dans l’impossible, la folle aberration d’un cerveau malade. « Je veux qu’un conte, disait Voltaire avec raison34, soit fondé sur la vraisemblance et qu’il ne ressemble pas toujours à un rêve.

288. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

C’est ici qu’il est impossible, avec un peu d’attention, de ne pas noter un moment décisif, le moment qu’il faudrait voiler, et qui répond à celui de la grotte dans l’épisode de Didon. […] Elle souffre de plus en plus ; elle l’appelle et le gourmande avec un mélange d’irritation et de tendresse : « Remplissez donc mon âme, ou ne la tourmentez plus ; faites que je vous aime toujours, ou que je ne vous aie jamais aimé ; enfin, faites l’impossible, calmez-moi, ou je meurs. » Au lieu de cela, il a des torts ; il trouve moyen, dans sa légèreté, de blesser même son amour-propre ; elle le compare avec M. de Mora ; elle rougit pour lui, pour elle-même, de la différence : « Et c’est vous qui m’avez rendue coupable envers cet homme ! […] Il est impossible de rencontrer de tels êtres, victimes d’une passion sacrée et capables d’une douleur si généreuse, sans éprouver un sentiment de respect et d’admiration, au milieu de la profonde pitié qu’ils inspirent.

289. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Tourguénef ait fait tout un livre de scènes rustiques, il est impossible d’en extraire une somme d’idées générales concordantes sur le paysan russe ; et quoique ses romans se jouent d’ordinaire entre des nobles de haute ou de petite fortune, quelque chose qui ressemble au type du gentilhomme russe ne s’y trouve pas. […] Cependant cette belle organisation porte un germe morbide : Bazarof réfléchit trop constamment ; ce travail d’introspection psychologique le conduit à des idées dangereuses, telles, que si son âme s’en laissait pénétrer, l’action et la vie lui deviendraient impossibles. […] L’homme est faible, la femme est tenace, le hasard est tout-puissant ; se résigner à une vie décolorée est difficile, s’y résigner complètement est impossible…, et ici il y a beauté et sympathie, chaleur et lumière, comment s’y dérober ?

290. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Impossible de raconter avec un entrain plus spirituel et une ironie plus piquante l’histoire incroyable de cette séquestration inouïe des papiers d’un grand historien, par une administration sourde et muette aux réclamations acharnées de tous ceux qui aiment et qui pratiquent l’histoire ! […] Et pour qui sait réfléchir, jamais un crime plus grand n’avait été commis par un Roi plus grand, mais auquel la lâcheté des hommes avait trop appris que rien n’était impossible à la Royauté… Eh bien, Saint-Simon, à son tour, est aussi grand que le crime de Louis XIV ! […] Ils seraient impossibles à recommencer avec les mêmes idées et les mêmes sentiments.

291. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

La supputation des probabilités, à laquelle on fait appel, nous montrerait que c’est impossible, parce qu’une scène où des personnes déterminées prennent des attitudes déterminées est chose unique en son genre, parce que les lignes d’un visage humain sont déjà uniques en leur genre, et que par conséquent chaque personnage — à plus forte raison la scène qui les réunit — est décomposable en une infinité d’éléments indépendants pour nous les uns des autres : de sorte qu’il faudrait un nombre de coïncidences infini pour que le hasard fît de la scène de fantaisie la reproduction d’une scène réelle 7 : en d’autres termes, il est mathématiquement impossible qu’un tableau sorti de l’imagination du peintre dessine, tel qu’il a eu lieu, un incident de la bataille. […] Ces lésions rendent, en réalité, impossible ou difficile l’évocation des souvenirs ; elles portent sur le mécanisme du rappel, et sur ce mécanisme seulement.

292. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Mais nous avions probablement mal lu et mal compris le poète ; comme nous ne possédions pas encore la traduction de M. de Pongerville, il nous avait été impossible de saisir l’esprit de l’original et d’y découvrir ce que nul ne s’était avisé d’y voir : — quoi ? […] « Fidèle à la détestable méthode de collège, M. de Pongerville a tellement en aversion tous les mots qui servent de lien logique au langage, il les supprime si constamment, de peur de tomber en prosaïsme, que, pour peu que le raisonnement se prolonge, ce qui est très ordinaire chez Lucrèce, il devient impossible d’en suivre l’enchaînement chez son traducteur.

293. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Je n’ai pas cru impossible d’écarter toutes les passions du présent, et de goûter en chaque œuvre la puissance individuelle du talent, quelle que fût l’orthodoxie politique, religieuse, métaphysique, et même esthétique, qui s’y révélât. […] Il m’aurait été même impossible de réduire mon sujet ainsi compris en un seul volume, si je n’avais très rigoureusement défini ma matière.

294. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Car Antistius croit en Dieu, ou plutôt, comme il est impossible que la conception d’un Dieu personnel ne tourne pas à l’anthropomorphisme, il croit au divin. « Les dieux sont une injure à Dieu ; Dieu sera, à son tour, une injure au divin. » Il croit à la raison, à un ordre éternel. […] Et voici l’un de ses derniers cris : « Impossible de sortir de ce triple postulat de la vie morale : Dieu, justice, immortalité !

295. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Otez l’hospitalité orientale, la propagation du christianisme serait impossible à expliquer. […] Impossible de traduire dans notre idiome essentiellement déterminé, où la distinction rigoureuse du sens propre et de la métaphore doit toujours être faite, des habitudes de style dont le caractère essentiel est de prêter à la métaphore, ou pour mieux dire à l’idée, une pleine réalité.

296. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Mais madame de Maintenon marchera autrement vers un but plus élevé que ceux de la galanterie : elle veut être aimée, préférée, et respectée, tâche impossible à une femme galante. […] Il est impossible de pousser l’impudence plus loin que d’affronter tout ensemble, et la maîtresse qu’on a trahie et supplantée, et la reine, qu’on a outragée et que l’on doit outrager encore.

297. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

De l’usage des termes grecs dans les sciences médicales, on donne cette explication qu’il est impossible de tirer tel dérivé nécessaire de tel mot français. […] En astronomie, le terrible sizygie est à peu près impossible à prononcer ; on le croirait inventé pour quelque « jeu de société », comme Gros gras grain d’orge, quand te dégrogragraindorgeriseras-tu ?.

298. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Je ne vous parlerai point de l’éclat du soleil et de la lune, qu’il est impossible de rendre ; ni de ce fluide interposé entre nos yeux et ces astres qui empêche leurs limites de trancher durement sur l’espace ou le fond où nous les rapportons, fluide qu’il n’est pas plus possible de rendre que l’éclat de ces corps lumineux. […] Il est impossible qu’un arbre, tel qu’un cerisier, chargé de fruits rouges, fasse un bon effet dans un tableau ; et un espace du plus beau bleu, percé de petits trous lumineux, sera tout aussi maussade.

299. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Dans ces idées, Paris restait pour lui une ville impossible, où la misère avait trop beau jeu. […] Je dis à peu près, car analyser tous les détails est impossible. — Quant à l’exécution, je ne puis — et nul ne m’accusera d’hyperbole — l’imaginer plus vigoureuse et plus savante.

300. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Avec les explications qu’il nous donne sur la Révolution française, soit qu’on l’accepte, soit qu’on la réprouve, en reconnaître la terrible grandeur sera également impossible. […] … Il est impossible de le savoir.

301. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Or, en supposant qu’il ne vint jamais, ce Cuvier de Shakespeare, ou qu’il fût simplement impossible, — par la raison que l’histoire humaine, faite avec des circonstances et du libre arbitre, déconcerte la logique de l’observateur et ne ressemble pas à l’histoire naturelle, faite avec de la pure organisation qui permet toujours de conclure, — il y aurait au moins les faits connus — si peu nombreux qu’ils soient et même si incertains qu’ils puissent être — pour intéresser l’imagination captive, cette imagination humaine qui n’est pas de l’avis d’Emerson non plus, et qui ne prendra jamais son parti de ne pas savoir l’histoire vraie et détaillée du tous les jours de Shakespeare, comme elle sait, par exemple, celle de Goethe et de lord Byron ! […] Quoique Guizot y ait montré un sens critique sur lequel nous reviendrons plus tard, quand nous ferons la revue de tous les critiques de Shakespeare, cependant le critique n’a pas plus triomphé que l’historien de la difficulté de ce sujet, que l’esprit humain n’a pas rejeté et ne veut pas rejeter comme impossible.

302. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Mais quand à cette épaisseur il s’en ajoute une autre, impossible à percer, celle-là ! […] Et en le lisant, ce chapitre, on comprendra enfin que ce qui semblait un vulgaire sentiment humain, traînant encore dans une grande âme dévorée de Christianisme, était, au contraire, tout ce qu’il y avait au monde de plus chrétien, puisque c’était le sentiment exaspéré d’un apostolat impossible !

303. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

des exemples, des conseils, de hautes leçons, sinon des calques d’institutions toujours impossibles, peuvent être proposés d’un peuple à un peuple. […] on s’en doutait bien un peu, mais le livre de Lerminier rendra désormais à cet égard toutes les illusions impossibles.

304. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

C’est-à-dire qu’il possédait, jointe à des connaissances positives, la vue supérieure du Christianisme sans laquelle il est impossible de juger la société antique et même de la comprendre, l’homme ayant besoin pour juger une chose de valoir mieux qu’elle, de la tenir sous ses pieds, de la dominer ! […] L’Empire avait des raisons d’être intimes et profondes… Il était le développement définitif, et auquel la République avait travaillé, d’une loi plus haute que les ambitions et plus impérieuse que les volontés humaines, à savoir : que toute victoire pour Rome s’était changée en nécessité de gouverner les peuples conquis, et que cette nécessité de gouverner le monde méditerranéen avait fini, en grandissant les vices de l’élection, par la rendre complètement impossible. — Le travail de Champagny nous semblait digne de cette imposante conclusion.

305. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Le matérialisme du xviiie  siècle, ce matérialisme qui, dans une société bien faite, serait mort frappé d’un tel mépris que le galvanisme même en aurait été impossible, croyez-vous qu’il n’existe plus parmi nous ? […] Ces faits, impossibles à citer dans un chapitre, qui les demanderait tous et qui a ses bornes, ces faits seront-ils discutés ?

/ 1982