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1820. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Chose plus étrange encore, cet écrivain qui a passé son enfance à rôder par les rues de Londres et qui, dans son âge mûr, avant de se mettre à une de ses œuvres, éprouvait le besoin de parcourir la ville, de prendre un bain de foule, donne de cette désolante et monumentale métropole une image si fantastique, déformée, poussée au grotesque et à l’amusant, qu’on la prendrait, dans ses livres, pour quelque double grossi et enfumé de Nuremberg ou de Harlem. 

1821. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Huit ans déjà passés, une impie étrangère Du sceptre de David usurpe tous les droits, Se baigne impunément dans le sang de nos rois, Des enfants de son fils détestable homicide, Et même contre Dieu lève son bras perfide ; Et vous, l’un des soutiens de ce tremblant État, Vous, nourri dans les camps du saint roi Josaphat, Qui sous son fils Joram commandiez nos armées, Qui rassurâtes seul nos villes alarmées Lorsque d’Ochosias le trépas imprévu Dispersa tout son camp à l’aspect de Jéhu : « Je crains Dieu, dites-vous, sa vérité me touche ! 

1822. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Philippe Rousseau Le rat de ville et le rat des champs est un tableau très-coquet et d’un aspect charmant. — Tous les tons sont à la fois d’une grande fraîcheur et d’une grande richesse. — C’est réellement faire des natures mortes, librement, en paysagiste, en peintre de genre, en homme d’esprit, et non pas en ouvrier, comme MM. de Lyon. — Les petits rats sont fort jolis.

1823. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Aujourd’hui il n’y a plus de coins, les distances sont démesurées, Paris devient une immense ville américaine. […] J’aime à suivre le poète accueillant tous les rêves légers qui lui viennent des choses, effleurant d’une souple sympathie tout ce qu’il rencontre en chemin ; bienveillant au pêcheur à la ligne, même au « calicot » qui canote le dimanche et « que le soleil couchant n’attriste pas », puis rêvant d’être conservateur des hypothèques et fabuliste dans « une ville très calme et sans chemin de fer », ou bien vicaire « dans un vieil évêché de province, très loin ». […] Et je suis alors patriote à la façon de l’Athénien qui n’aimait que sa ville et qui ne voulait pas qu’on y touchât parce que la vie de la cité se confondait pour lui avec la sienne. […] Mais je suppose que nous, tels que nous sommes, nous nous trouvions transportés dans la ville ressuscitée de Pallas-Athènè et contraints à vivre de la vie de ses citoyens : croyez-vous que nous y serions bien à notre aise ? […] Une société nouvelle poussait en un jour, ainsi que dans les songes, une ville immense, d’une splendeur de mirage, où chaque citoyen vivait de sa tâche et prenait sa part des joies communes… » La vie intérieure d’Étienne lui-même devait se réduire à peu de chose, car il est à peine au-dessus de ses compagnons : des aspirations vers la justice absolue, des idées confuses sur les moyens ; tantôt l’orgueil de penser plus que les autres et tantôt le sentiment presque avoué de son insuffisance ; le pédantisme de l’ouvrier qui a lu et le découragement après l’enthousiasme ; des goûts de bourgeois et des dédains intellectuels se mêlant à sa ferveur d’apôtre… C’est tout et c’est assez.

1824. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Je conviendrai même, qu’excusables encore quand, du fond d’une bibliothèque, avec la Bible ou Hérodote en main, nous discutons la fidélité d’un détail de mœurs égyptiennes, nous prêtons toujours à rire quand, pour dîner quelquefois en ville ou pour nous être mis de quelque club, nous affectons, romanciers ou critiques, de nous ériger en arbitres des élégances. […] Très volontiers, s’il ne vous avait pas lui-même avertis qu’en « parfait comédien » il avait dû « façonner son esprit à tous les sophismes comme à toutes les corruptions » ; et j’aime les comédiens au théâtre, mais je m’en défie à la ville. […] Mais pour s’acquitter de sa tâche, elle ne saurait fréquenter en ville ; ou du moins, quand elle y fréquente, elle est obligée d’y porter un air de résistance que le monde prend volontiers pour de la mauvaise humeur. […] C’est le lien de la vie civile, la clef des sciences, l’organe de la vérité et de la raison : par elle on bâtit les villes et on les police, on instruit, on persuade, on règne dans les assemblées… » On fait plus, messieurs, et on fait mieux ! […] Si l’on dit qu’elle est l’organe de la vérité, c’est aussi celui de l’erreur et, qui pis est, de la calomnie : par elle on détruit les villes, on persuade de méchantes choses… ».

1825. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Ce sont bien en effet les trois moments de la critique professionnelle, comme le saignare, purgare, clysterium dare de la médecine moliéresque, et c’est en faisant ces trois pas qu’elle conquiert le monde du passé, qu’elle bâtit ses monuments historiques, qu’elle crée ces grandes suites littéraires qui sont l’honneur, la gloire, le décor de la cité critique, comme les églises et les palais d’une grande ville. […] Mais Brunetière, par l’Académie et la Revue des Deux Mondes, régentait à la ville, et son être s’épanouissait dans l’acte de régenter oratoirement et dialectiquement. […] Ajoutons-en même un quatrième, un libre faubourg, une banlieue, des maisons dans la forêt, pour les formes de critique qui paraîtront rentrer mal dans notre ville aux trois quartiers.

1826. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Tout ce que je désire comme eux, c’est de ne pas rompre. » Ainsi éprouvée et ne luttant plus, se sentant née pour la peine et s’y résignant, elle faisait à Rousseau des offres de service si vrais, si évidemment sincères, et d’un ton si doux, qu’il finit par en être persuadé et touché, et par lui accorder cette préférence qu’elle réclamait, qu’elle implorait en termes si soumis : « Vous êtes persuadé de mon amitié, mon voisin ; vous me permettez d’éprouver la vôtre, voilà la preuve que je vous demanderais : tout ce qui vous connaît a le désir de vous servir et de vous être utile ; peu y trouveraient autant de plaisir que moi : je voudrais donc que vous me fournissiez quelque occasion d’avoir du plaisir ; je voudrais que vous disposassiez de mon temps, de mes soins et de tout ce que j’ai, comme d’un bien à vous ; que ce qui vous manque là-bas, vous m’indiquassiez un moyen de vous le faire parvenir d’ici, où on trouve tout ; je voudrais que vous me traitassiez comme votre sœur : voilà comme je désire être avec vous ; c’est ainsi que je vous suis attachée, en y ajoutant la confiance et la vénération qu’on a pour le père le plus chéri. » C’est sur cette offre confiante et où elle avait mis toute son âme, que Rousseau ému lui répondait, en regrettant pour elle qu’elle eût été obligée de rester plus longtemps qu’elle n’avait compté à Paris (27 mars 1763) : « Une ville où l’amitié ne résiste ni à l’adversité ni à l’absence ne saurait plaire à votre cœur.

1827. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

S’il entendait Horace dire à sa maîtresse galamment : « Madame, vous êtes à Paris, et tout le monde vous voit de trois lieues de la ville, car chacun vous voit de bon œil305 » ; si, au moins, il voyait Alain tremper ses doigts dans le potage de Georgette, et celle-ci lui envoyer la soupe et la soupière au nez, ces bonnes plaisanteries lui épanouiraient la rate ; mais L’École des femmes n’en offre pas de pareilles.

1828. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Je crois que Calcutta existe, quoique je ne perçoive pas cette ville, et je crois qu’elle existerait encore si tout habitant capable de perception quittait tout d’un coup la place ou tombait mort.

1829. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Rousseau est Genevois, d’une famille française établie depuis cent cinquante ans dans la ville.

1830. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Tite-Live en a fait naïvement l’aveu : « S’il doit être permis à un peuple, dit-il, de rendre son origine plus auguste en la rapportant aux dieux, telle est la gloire militaire du peuple romain, que lorsqu’il lui plaît de se donner le dieu Mars pour père, le genre humain le souffre comme il a souffert sa domination22. » J’admire cette fierté patriotique ; mais le genre humain affranchi de Rome ne s’accommode plus de ce que souffrait le genre humain sujet de Rome, et pour chaque nation, comme pour chaque ville, la seule origine glorieuse est la vraie.

1831. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

« Les passions sont bien moins répandues dans la population saine et simple des campagnes que chez les habitants très civilisés des grandes villes.

1832. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Puis à quelques années de là, la voilà dans une petite ville, au comptoir d’un café, où venaient tous les gens du Tribunal.

1833. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

* * * — Quand la France commence à avoir envie de battre les sergents de ville, le gouvernement quelconque qu’elle a, doit, s’il est intelligent, lui faire battre l’étranger.

1834. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Comme une chèvre qui se frotte à du bois, ou comme si elle avait encore dans sa chemise des puces de son pays, elle ne cesse de remonter contre le dossier de la voiture, ses reins déjà mous et lascifs, et tout prêts à se plier à l’avachissement d’une traînée de la grande ville.

1835. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Elle s’est passée au milieu d’une maison sans argent, sous un père changeant tous les jours d’industrie et de commerce, dans le brouillard éternel de cette ville de Lyon, déjà abominée par cette jeune nature amoureuse de soleil.

1836. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Il parle de trois mois de séjour au Japon, où il écrémera tous les marchands des petites villes de province, absolument comme nous parlons d’une partie de bibelotage à Versailles.

1837. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Or, l’exercice de la spéculation intellectuelle, quand elle n’est pas bornée à un champ restreint des sciences, et s’exerce librement dans le pur domaine du rationnel, conduit à deux résultats antagonistes : d’une part elle renseigne sur l’univers : de généralisation en généralisation, celui qu’enthousiasme la passion des causes, est emporté hors de sa ville, de sa nation, de ses semblables, du globe, du temps et de l’espace, tournoie à une absolue hauteur, de laquelle l’humanité semble l’imperceptible grouillement d’un peu de moisissure apparue un instant au cours de l’évolution d’une particule de nébuleuse.

1838. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

La foule houleuse et de belle humeur témoignait bruyamment sa satisfaction du temps et du spectacle ; elle s’enquérait du nom des célébrités et des délégations de villes et de pays qui défilaient pour son plaisir ; elle admirait les monumentales couronnes de fleurs portées sur des chars ; elle applaudissait les fifres des sociétés de tir, déchirant les oreilles de leurs airs discordants ; elle saluait de rires ironiques Déroulède et son sérieux en redingote verte ; et pour mettre le comble à sa joie, il ne manquait que le blason des Benni-bouffe-toujours du cortège, — le lapin sauté et leur arme, — la colossale seringue de carton.

1839. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Quand je me promène pour la première fois, par exemple, dans une ville où je séjournerai, les choses qui m’entourent produisent en même temps sur moi une impression qui est destinée à durer, et une impression qui se modifiera sans cesse.

1840. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Il rit tout haut et de toutes choses : de la vertu des hommes, de la pudeur des femmes, de l’honneur des maris, de la chasteté des religieuses ; il profane le couvent, il souille l’autel, il insulte les morts dans leur tombeau ; il promène son libertinage dans les bois, dans les villes, sur le bord des fleuves, fatigué quelquefois, jamais assouvi. […] Ajoutez que ce Molière parle un patois vif, alerte et vrai ; même il parle tous les genres de patois, comme un digne enfant des Halles : Tout lui va, le patois de la ville et celui du village, le patois des provinces, la vraie langue des franches natures, la langue qu’il nous faut protéger contre Despréaux, ce dédaigneux qui posait l’Art poétique comme la borne qui ne veut pas qu’on aille plus haut, ou plus loin.

1841. (1932) Le clavecin de Diderot

Thibaudet qui enseigne dans la ville de Calvin. […] La prostitution, à quoi le capitalisme livide contraint les noirs des deux sexes, aux abords des places Pigalle de toutes les grandes villes, offre ce que les oasis, en levant les interdictions des hontes européennes, vers 1900, révélaient à l’Immoraliste, d’André Gide.

1842. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Paris, la grand’ville, n’est à certains égards qu’un grand village ; c’est du moins un assemblage de petites villes juxtaposées ; j’entends par là, non pas les quatre-vingts quartiers qui la composent, mais les mondes divers qui s’agitent et se coudoient dans sa vaste enceinte. Le monde littéraire est une de ces petites villes dont tous les habitants voisinent et cousinent entre eux. […] Au dehors, c’est un ciel de brouillard et de suie qui pèse sur la ville où se déchaîne la foule brutale40… » Et il s’amuse à évoquer longuement la belle liseuse et ce qui l’entoure, quitte à rendre bientôt la parole au critique pour qu’il tire les conséquences de cette évocation inattendue.

1843. (1891) Esquisses contemporaines

On pleure mieux dans la communion silencieuse des choses que dans le tumulte des grandes villes ; les larmes y revêtent une poésie qui n’est pas sans douceur. […] Il scande ses sonnets, écrit ses études, et fait mouvoir ses personnages dans l’une ou l’autre de ces villes d’eaux qui sont le rendez-vous de la haute vie européenne. […] Magistrats, courtisans ou grands seigneurs, ils étaient chargés, soit à la ville, soit à la cour, de fonctions graves ou d’importantes sinécures.

1844. (1887) George Sand

Ce que je reprocherais plus volontiers à George Sand, ce n’est pas sa peinture du bon paysan, qui, après tout, a sa réalité, pourvu qu’on l’aide un peu à se dégager d’une enveloppe de sensations et d’impressions vulgaires, c’est sa conception chimérique du paysan philosophe, lettré, comme Patience, qui serait plutôt un transfuge de la société, un renégat des villes, un Jean-Jacques Rousseau réfugié dans les forêts, et qui n’a plus rien de l’âme élémentaire des champs. […] Il éblouit de sa voix d’artiste toute une petite ville italienne où l’on s’est arrêté pour le soir, il étonne de plus en plus Léonce, il l’irrite même et le domine par la noblesse de sa conduite, il se fait un instant presque aimer de l’élégante et hautaine Sabina ; et ce n’est que par générosité qu’après l’avoir troublée, comme pour faire l’épreuve de sa puissance, il détache de lui ce cœur fragile, un instant surpris, le rend à Léonce, et disparaît. — Ce souverain improvisé de quelques heures, pendant cette journée unique, est l’enfant gâté de George Sand. […] Un instant, comme trop pleine des trésors amassés de ces eaux étrangères, elle passe par-dessus ses rives, elle s’épuise par ce débordement, elle va perdre une partie de ses flots inutiles autour d’îlots de sables dénudés ; puis enfin, se recueillant par un dernier effort, elle se ramène en soi, elle s’offre apaisée à la contemplation des hommes, après avoir porté dans son cristal tant de paysages mobiles, tant de scènes variées des villes et des champs.

1845. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Elle « enseigne les lois », elle inspire « le droit et l’équité », déshabitue du meurtre, adoucit la « rudesse des mœurs », rassemble les hommes dans les villes, crée l’ordre civil. […] Étudiez la cour et connaissez la ville. […] Il y a à montrer de la reconnaissance aux Encyclopédistes, gens des villes, gens de salons et de cafés, pour ce qu’ils se sont très vivement émus en faveur de l’agriculture et ont fort bien vu que tout, dans nos pays, dépend d’elle, à commencer par la natalité, ce qui, probablement, est le principal. […] … Quant aux autres bourgeois qui ne fabriquent rien et ne vendent rien, comme moi, ils ne s’égarent pas souvent dans les quartiers pauvres, puisqu’il est entendu que les riches et les pauvres ont leurs quartiers séparés, dans les villes d’à présent. […] À travers la table, entre lui et le misérable gamin, ses quatorze années de caserne et de guerre se précipitaient en torrent d’images confuses : des figures de camarades, en rangs, l’arme à l’épaule ; des officiers qu’il avait aimés ; des musiques sonnant sous des voûtes de cathédrales ; des drapeaux flottants ; des charges à la baïonnette ; des saouleries après la victoire ; des villes de garnison ; des coins de chambrée ; l’heure de la soupe ; toute la gloire et toute l’insouciance du métier.

1846. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il estimait, vue très juste, qui a paru folle pendant une moitié de ce siècle, et que l’expérience a démontrée vraie, que le peuple est la partie de la nation la plus conservatrice, à la condition que ce soit le peuple tout entier, et non pas seulement le peuple des villes. […] Et, comme le remarque très bien Lamennais, si l’on a peur en 1830 du suffrage universel, c’est que le peuple, pour les hommes politiques de 1830, ce sont les ouvriers des villes ; on ne se doutait pas du paysan avant 1848. […] III De 1819 à 1832, Ballanche publia le Vieillard et le Jeune homme, l’Homme sans nom, la Palingénésie sociale, Orphée, la Ville des expiations et la Vision d’Hébal. […] Le jeune Quinet est sérieux, réservé, un peu timide et ambitieux de grandeurs morales, « Ses sentiments sont ; sérieux et pénétrants. » Il déteste la petite vie de salon des villes de province, c’est-à-dire jeux niais, riens de conversations et commérages. […] Et il alla à l’Allemagne modeste, douce et humble, non pas à l’Allemagne des grandes villes, mais à l’Allemagne exclusivement scolaire, familiale et patriarcale, et très tendre et pieuse, à Heidelberg, le joli village savant, la grande université dans la petite ville pittoresque, le μουσειον discret et calme, où l’on fait de l’érudition toute la journée, et le soir, selon la saison, de si bonne musique ou de si fraîches promenades.

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