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538. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Et voilà que nous nous retrouvons une cinquantième fois devant une vieille poétique abattue, qu’on n’oserait peut-être pas relever en littérature, mais qu’on croit pouvoir très bien relever en histoire, et qui est vraie partout, ou qui ne l’est pas plus en histoire qu’en littérature ! III Cette vieille poétique, qui est probablement « la poétique de l’avenir », comme la raison philosophique de la Grèce doit être « la raison de l’avenir », cette vieille poétique n’est autre que la littérature des Grecs passée, après coup, à l’état de théorie, et qui a droit de retour et de despotisme si elle a l’absolu d’une vérité ; Or, pour M. 

539. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Venu en même temps que le Père Didon et ayant sauté comme lui sur le dos de la circonstance, mais plus vieux de théâtre et ayant plus que lui l’habitude des parterres, il a effacé dans l’esprit du public l’impression qu’y avait laissée le Père Didon, en opposant à la médiocre argumentation philosophique du moine toutes les misérables petites raisons et toutes les grandes insolences de la Libre Pensée. […] C’est la pretintaille de ces vieilles plaisanteries voltairiennes qui déshonore, littérairement, au premier chef, le livre de M.  […] » disait un jour un vieux bleu à un général vendéen qui lui tenait le sabre levé sur la tête en lui disant : « Meurs !

540. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Publié au moment où la terre d’or découverte par Cook attire les regards et les convoitises de la vieille Europe, dont elle est peut-être la dernière rêverie, ce livre, intitulé, sans aucun éclat : Mémoires historiques sur l’Australie, et que l’abbé Falcimagne a enrichi au point de vue du renseignement et de la science purement humaine, sera pour tout le monde un de ces ouvrages qui saisissent la curiosité et qui la maîtrisent ; mais, pour nous, c’est bien davantage. […] Pour ces poèmes héroïques racontés par un vieux croisé comme Joinville, qui revient de la rescousse, ou quelque vieux capucin qui revient du martyre, pour ces dits et gestes rapportés avec des simplesses de cœur inconnues à tous les Naïfs littéraires les plus vrais, à tous les La Fontaine les plus profonds, la critique ne saurait vraiment exister, et elle se désarme dans l’émotion et dans le respect.

541. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

II Elle y est, en effet, cette manie, un des derniers gestes de la décrépitude d’une société tout à la fois curieuse et blasée… Vieux de race, hébétés de civilisation, énervés, blasés, ennuyés, dégoûtés, ayant besoin pour nous secouer d’une originalité dont nous n’avons plus la puissance, nous ne comprenons plus rien à la beauté de la ligne droite dans les choses humaines, et nous la courbons, nous la tordons, nous la recroquevillons en grimaçantes arabesques, pour qu’elle puisse donner une sensation nouvelle à nos cerveaux et à nos organes épuisés… La simplicité du génie et de ses procédés nous échappe. […] Il discute, au commencement de son livre, la vieille idée plantée là depuis longtemps que l’Alceste de Molière fut le portrait du duc de Montausier. […] Cette vieille époque affaiblie, qui n’a plus d’intense que ses sentiments de vanité et d’envie, et qui, comme Tarquin, sans être Tarquin, voudrait couper tout à hauteur de pavot sous sa baguette égalitaire, a fait de Dieu un homme, et même un charmant homme pour les petites femmes, sous la plume de Renan ; — des grands hommes les produits d’un milieu, sous la plume de Taine ; — et sous celle de beaucoup d’autres, et même de Gérard du Boulan, des types du génie des symboles, pour que partout, dans toutes les sphères, la supériorité divine ne soit plus !

542. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Vieille, — quand elle le sera tout à fait, — c’est avec les tremblements de tête d’une adorable vieille émue, que la langue française se retournera encore vers Ronsard, son mâle et impétueux premier-né, pour se rajeunir en se baignant dans le souvenir de cette aurore ! […] C’est celle-là, qui n’est même ressuscitée que parce qu’elle était immortellement humaine ; que parce que nous étions las et dégoûtés des veines saignées à blanc, des cadavres exsangues et des poussières faites par les xviie et xviiie  siècles ; que parce que nous avions soif de la vie, et que nous l’avons reconnue, la vie, au premier soupir qu’elle a poussé et à la première pierre qu’on a dérangée à ce vieux tombeau de Ronsard !

543. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Mais le bonheur de rencontrer un manuscrit, oublié et authentique, d’un grand homme, ne recommence pas tous les jours… Quand Chateaubriand nous donna ses quatre grandes pages sur Milton, il l’avait traduit où il allait le traduire, mais après Chateaubriand, le vieux lion littéraire qui essaya d’imprimer ses ongles sacrés sur le poème intraduisible de Milton, y aurait-il quelqu’un d’assez hardi pour vouloir casser les siens sur ce marbre ? […] Nulle découverte récente ne s’est faite sur le vieux grand Classique anglais. […] Celui qu’on ne croyait qu’un vieux théologien aveugle devient l’Homère de l’Angleterre, et la mémoire de ce puritain en habit gris, qui serait maintenant évaporée comme les sons de l’orgue dont il jouait, disent les Histoires, près de sa porte ouverte, aux derniers rayons du soir, se fixe en immortalité.

544. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Mais nous avons appris tout à coup que MM. de Goncourt devenaient romanciers, et romanciers contemporains, romanciers du dix-neuvième siècle, et qu’ils quittaient leur vieux vestiaire du dix-huitième siècle pour l’observation présente, la vie vivante, la réalité ! […] N’ont-il pas de pitié de leur vieux domestique ? […] Ce n’est pas une pauvre bourrique ni une vieille domestique que l’expression très-fringante et encore très-vivante de MM. de Goncourt, mais ils sont deux pour la monter, comme ils étaient deux dans la Fable.

545. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

La thèse de l’auteur, ou des auteurs du Maudit, — car des critiques plus aigus ou plus fins que moi, malgré l’unité de platitude qui règne dans ce livre de l’un à l’autre bout, ont prétendu qu’il y avait plusieurs astres en conjonction sous les trois étoiles de l’occulte abbé, qui ne serait pas un si pauvre diable alors et pourrait s’appeler Légion, — la thèse donc du Maudit, qu’on a voulu traduire en récit romanesque, sans doute pour plus vite la vulgariser, est la malédiction jetée par l’Église sur la tête du prêtre qui comprend que le vieux sacerdoce du passé croule de toutes parts, pour faire place au sacerdoce de l’avenir ! […] Il vient de sortir du séminaire, cet abbé Julio, dont le vieux cardinal-archevêque de T… a fait son secrétaire, son bichon épiscopal. Ce vieux cardinal, qui a menti soixante ans avec une tenue et une sérénité infinies, a flairé le prêtre du progrès dans Julio, et il lui remet en mourant le soin d’un testament religieux, qui n’est rien moins que la rétractation des doctrines religieuses sur lesquelles il a vécu toute sa vie et volé l’estime des honnêtes gens de son diocèse.

546. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Un Croisé trouve tout naturel d’acheter par sa mort la liberté du Tombeau du Christ ; le vieux Corneille ravit tout le public par ses tirades sur l’honneur ; Vincent de Paul est sûr de trouver toujours qui le suive dans sa mission de charité. […] L’idée que cette guerre doit être la dernière des guerres, c’est une vieille idée populaire, « A nous de souffrir, nos enfants seront plus heureux !  […] Ces saints de la France appartiennent à toutes les croyances, et la vieille église du village, mère des générations, cœur des cœurs, les accueille tous avec une égale tendresse, car, dit-elle aux incroyants, vous êtes mes fils endormis.

547. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Un poète mort il y a cent ans, par exemple, est-ce du vieux et bon vin ? […] J’aimais les vieux meubles, je louais les vieilles modes, les vieilles monnaies, les vieilles médailles…, les lunettes !… Je me coiffais chez les crieuses de vieux chapeaux. […] La femme me chicana sur le vin vieux. […] Disons donc avec madame de Sévigné : « Vive notre vieux Corneille ! 

548. (1922) Gustave Flaubert

En 1872 il lui écrit la dernière lettre que nous ayons de leur rare correspondance : « On m’a donné un chien, je me promène avec lui en regardant l’effet du soleil sur les feuilles qui jaunissent, et comme un vieux je rêve sur le passé, — car je suis un vieux. […] Au contraire de Maupassant, Flaubert a représenté là un rustique Normand, brave homme et sympathique, avec la sentimentalité et la larme facile des vieux paysans. […] Le vieux peintre Pellerin fait pendant à Regimbart. […] Flaubert publiait un peu son vieux Pourana comme Renan quinze ans plus tard publiera l’Avenir de la science. […] Probablement Flaubert, en retouchant son vieux Pourana, pensa-t-il qu’il y avait là un filon intéressant à exploiter.

549. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Le vieux Baillard estime que le Mal était anodin. Et le vieux Baillard languit désespérément. […] Et récente : le vieux Baillard est mort en 1883. […] Jérôme et Jean Tharaud : et aussi Philémon vieux de la vieille, par M.  […] Vieux mobilier Louis XVI, antiques.

550. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Comme amateur des vieux livres, on peut souffrir de cette divulgation des choses rares ; comme partie du public et comme lecteur du commun, on ne saurait s’en plaindre. […] Il en est des vieux livres comme des vieux débris de cloître, comme de tout ce qui fut autrefois le domaine ou la religion d’un certain nombre. […] Feugère a fait une suite d’études consciencieuses et très recommandables, qu’il ne faut point séparer des publications complètes ou partielles qu’il donne des œuvres de ces vieux auteurs. […] C’était vraiment une âme pleine et qui montrait un beau visage à tous sens, une âme à la vieille marque, et qui eût produit de grands effets si sa fortune l’eût voulu… ».

551. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

» Elle n’en était pas moins enthousiaste pour cela. « Voltaire et l’Empereur se disputaient le cœur de Mme de Coigny. » Ajoutez qu’elle était devenue dévote, et combinez le tout comme vous le pourrez : il en résultait, quoi qu’il en soit, un très agréable composé, une vieille de grand air, vive, spirituelle, pas du tout ennuyée ni ennuyeuse. […] Mme de Coigny est vieille, et d’une vieillesse qui ne paraît pas trop chagrine ; elle s’est rajeunie par ses filles, par son gendre ; elle a au cœur un enthousiasme ; elle ne croit pas qu’on soit à la fin du monde. […] Là où je verrais une contradiction et une séparation tranchée, ce serait si l’on comparait cette vie nouvelle qui s’essaie en tous sens à ce qu’étaient les vieilles femmes spirituelles du dernier grand monde avant l’ouverture du siècle et avant la renaissance de 1800, Mme Du Deffand, Mme de Créqui par exemple ; il y avait là goût parfait, jugement net, mais sécheresse ; rien au-delà. […] Cela nous a fait de la peine, et nous regardions avec plaisir le vieux chêne échappé à cette cruelle éducation. […] M. de Tracy (vieux, et après la perte d’une affection qui lui était tout) se livrait solitairement au sentiment du plus triste abandon… II craignait de déranger les autres, il ne les recherchait plus ; il se plaisait à faire des observations sur son déclin général : « Je souffre, dont je suis », disait-il. — On le voyait à sa fenêtre en contemplation devant les nuages qui passaient et se succédaient.

552. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Vieux et blanchissant, il se comparait avec grâce à un peuplier : « Je ressemble à un peuplier ; cet arbre a toujours l’air d’être jeune, même quand il est vieux. » Albaque populus. […]  » Une de ces pensées, par exemple, qui s’inscrivaient toutes seules sur les arbres, sur quelque vieux tronc bien chenu, tandis qu’il se promenait par les bois un livre à la main, la voulez-vous savoir ? […] Mais procurez-vous un peu Vairon, Maculphi Formulæ (ce Marculphe était un vieux moine, comme il le dit dans sa préface dont vous pourrez vous contenter)  ; Cornaro, de la Vie sobre. […] Notre intelligence est blessée ; il nous pardonnera, si nous lui donnons tout entier ce qui peut nous rester de sain. » Il comprenait la piété, le plus beau et le plus délié de tous les sentiments, comme on a vu qu’il entendait la poésie ; il y voyait des harmonies touchantes avec le dernier âge de la vie : « Il n’y a d’heureux par la vieillesse que le vieux prêtre et ceux qui lui ressemblent. » Il s’élevait et cheminait dans ce bonheur en avançant ; la vieillesse lui apparaissait comme purifiée du corps et voisine des Dieux.

553. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Renverser les vieilles institutions de Sparte, c’était renverser Sparte elle-même. […] Dans l’hypothèse, infiniment peu probable, où les barbares (et ces barbares, bien entendu, ne doivent être cherchés que parmi nous) la renverseraient brusquement et sans qu’elle eût eu le temps de se les assimiler, il est indubitable qu’après l’avoir renversée ils retourneraient à ses ruines pour y chercher les matériaux de l’édifice futur, que nous deviendrions à leur égard des classiques et des éducateurs, que ce seraient des rhéteurs de la vieille société qui les initieraient à la vie intellectuelle et seraient l’occasion d’une autre Renaissance, qu’il y aurait encore des Martien Capella, des Boèce, des Cassiodore, des Isidore de Séville, bouclant en un viatique portatif et facilement maniable les données civilisatrices de l’ancienne culture, pour en former l’ali-ment intellectuel de la nouvelle société. […] Il n’y a pas de caractères individuels dans les épopées primitives ; ce que la vieille critique débitait sur les caractères d’Homère est fort exagéré, et encore le monde grec, si vivant, si varié, si multiple, a-t-il atteint sur ce point, du premier coup, de très fines nuances. La vieille littérature hébraïque n’offre guère d’autre catégorie d’hommes que le bon et le méchant ; et, dans la littérature indienne, c’est à peine si cette catégorie existe. […] Au contraire, les derniers représentants de la vieille société polie, corrompue, affadie, Sidoine Apollinaire, Aurélius Victor, les insultent obstinément et se cramponnent aux abus du vieil Empire, sans voir qu’il était décidément condamné.

554. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Dans le discours du colporteur boiteux, on trouve encore quelques traces du vieux burlesque ; dans certains tomes modernes offerts aux loisirs démocratiques, on ne découvrira rien qui émerge au-dessus de la platitude. […] J’en ai pris l’exemple dans un vieux journal et j’estime que, de telles phrases ayant, sous leurs diverses variantes syntaxiques, été imprimées, depuis quarante ans, des centaines de fois, il est à peu près impossible de découvrir le feuilleton où je les ai copiées. […] On voit la poésie malade poussée dans une petite voiture par un vieux Célestin jovial et méticuleux qui la mène à l’hôpital. […] Mais Kant, avant sa triste conversion, a proféré des choses éternelles, et peut-être la seule vérité, avec les phrases toutes faites, pâles froides, de la vieille scolastique. […] L’étude des clichés donnerait d’analogues résultats, mais plus curieux encore et bien plus concluants, parce que les exemples seraient innombrables de ces images jadis charmantes et qui ont aujourd’hui le ridicule des vieux visages fardés.

555. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

La faculté de droit n’habite plus un vieux bâtiment gothique, mais elle parle goth sous les superbes arcades de l’édifice moderne qu’on lui a élevé13. […] Quelle description assez vigoureuse peut donner la notion précise d’une sanie mûre ou crue, de bonne ou de mauvaise qualité, vieille ou nouvelle, alcalescente ou acrimonieuse ? […] C’est que rien ne lutte avec tant d’opiniâtreté contre l’intérêt public que l’intérêt particulier ; c’est que rien ne résiste plus fortement à la raison que les abus invétérés ; c’est que la porte des compagnies ou communautés est fermée à la lumière générale qui fait longtemps d’inutiles efforts contre une barrière élevée pendant des siècles ; c’est que l’esprit des corps reste le même tandis que tout change autour d’eux ; c’est que de mauvais écoliers se changeant en mauvais maîtres, qui ne préparent dans leurs écoliers que des maîtres qui leur ressemblent, il s’établit une perpétuité d’ignorance traditionnelle et consacrée par de vieilles institutions ; tandis que les connaissances brillent de toutes parts, les ombres épaisses de l’ignorance continuent de couvrir ces asiles de la dispute bruyante et de l’inutilité. […] Celui de s’occuper de la science des mots ou de l’étude des langues, clef de ces vieux sanctuaires fermés pendant tant de siècles. […] Point de vieilles institutions qui s’opposent à ses vues ; elle a devant elle un champ vaste, un espace libre de tout obstacle sur lequel elle peut édifier à son gré.

556. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Il enjolivait le pédantisme et crinolisait, à force d’art, ce vieux manche à, balai de la science, de manière à nous faire croire à ses rondeurs. […] Or, au lieu de ce martyr sublime et commode, il n’a trouvé qu’un vieux bonhomme qui tenait à ses grègues encore plus qu’au mouvement de la terre, et qui avait une peur du diable de les roussir. […] Il pouvait, sans en prendre le ridicule pour lui, laisser filer la vieille bourde légendaire, dont la circulation peut aller encore. […] Toute la logomachie de ce pauvre temps, dont nous sommes harassés, affadis, dégoûtés, toutes ces vieilles blagues à tabac sont ici. […] Assurément, je ne peux pas reprocher à Arlequin les losanges bariolés dont il est vêtu ; mais il fallait les tailler dans une autre étoffe que dans les haillons d’un vieux libéralisme usé.

557. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

C’est la science, les notions demandées à tout, l’encyclopédisme, cette rage des vieux siècles littéraires, qui a fait faiblir la poésie aussi dans Gœthe ; et je cite Gœthe, ce poète, qui n’a pas selon moi la grandeur qu’on lui donne, mais que je prends comme un exemple, parce qu’il est superstitieusement respecté ! […] Le vrai Joseph Delorme ne commence qu’à la quinzième pièce du volume (et il y en a cinquante-six en tout) ; il ne se révèle pour la première fois que dans celle-là que le poète a intitulée Bonheur champêtre, et dans laquelle pourtant le vieux lyrisme du moment, jeune alors, mais connu, usé, poncif à présent, et qui retentissait en métaphores sur la lyre des Hugo et des Lamartine, couvre encore la voix neuve, la note unique qui, tout à coup, çà et là, y vibre : Lorsqu’un peu de loisir me rend à la campagne Et qu’un beau soir d’automne, à travers champs, je gagne Les grands bois jaunissants, etc., etc. […] Elle file, elle coud et garde, à la maison, Un père vieux, aveugle et privé de raison. […] Une pensée encore la soutient : elle espère Qu’avant elle bientôt s’en ira son vieux père. […] À mi-côte du romantisme d’autrefois et de la vieille tradition classique, confessée aux pieds de Boileau, jadis insulté, M. 

558. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Il est tel de nos vieux romans que je ne me lasserai point de relire. […] Et comme le marquis d’Argenson dit en terminant : « Mon imagination aime les images, et le bonheur coule de là chez moi par les sens », au lieu de cette parole expressive, l’éditeur de 1825 lui fait dire : « Mon imagination aime les images ; il me semble qu’à la lecture de nos vieux romanciers le bonheur me pénètre par tous les pores » ; transportant ainsi à la lecture des romans ce qui est dit, au sens physique, de la seule vue des images et des estampes.

559. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Je me demande avec inquiétude ce que va dire le lecteur bien portant de cette poésie débile, anémiée, valétudinaire, voilée de crêpes… Cela est fait pour être susurré en sourdine, dans une chambre close, près du lit blanc d’une convalescente, parmi des meubles vieux, bien rangés, sous un rameau de buis bénit, tandis que le tic-tac monotone d’une vieille pendule semble la palpitation légère des heures qui dépérissent et meurent comme nous… Pour moi, je le déclare, au risque de scandaliser les Voltairiens, cette mélodie en mineur ne me déplaît pas.

560. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Aragne, vieux mot conservé pour le besoin de la rime ou du vers. […] Prouesse, action de preux, vieux adjectif qui signifie, en style marotique, brave, vaillant.

561. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Le pays s’enfonçait de plus en plus dans la vulgarité, oubliait sa vieille histoire ; la nouvelle dynastie était fondée. […] La royauté conserve dans nos vieilles sociétés une foule de choses bonnes à garder ; avec l’idée que j’ai de la vieille France et de son génie, j’appellerais cet adieu à la gloire et aux grandes choses : Finis Franciæ. […] « Et ne dites pas qu’une assemblée pourra remplir ce rôle des vieilles dynasties et des vieilles aristocraties. […] « La synagogue de Prague a dans ses traditions une vieille légende qui m’a toujours paru un symbole frappant. […] La famille qui a fait la France en neuf cents ans existe ; plus heureux que la Pologne, nous possédons notre vieux drapeau d’unité ; seulement, une déchirure funeste le dépare.

562. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Et aussitôt, prenant la poste, il eut la bonne fortune, arrivé à Paris, de présenter, le 18 janvier, ses pois et ses roses au roi Louis XIV, par l’entremise de Bontems, qui lui fit la grâce de le mener, lui-même, au vieux Louvre. […] » Samedi 15 septembre Une pauvre vieille sœur, très ingénue, est envoyée aux eaux de Bains, où les eaux se prennent dans une piscine. […] À ce repas, on devait parler le vieux français, des Contes drolatiques de Balzac, à défaut de l’autre, et on mangea avec ses doigts, sur des assiettes faites d’une miche de pain, coupée par moitié. […] Un vieux bonhomme, un jour, forçait sa porte, et venait lui demander sa protection pour son fils détenu au bagne, et qui était le paysan qu’il avait poursuivi. […] De Chardin, sabré à la pierre d’Italie avec des rehauts de craie, sur un papier chamois, un croquis de vieille femme tenant un chat sur ses genoux.

563. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Vast-Ricouard (Claire Aubertin, La Vieille Garde, Madame Lavernon), M.  […] Puis, tout d’un coup, le capital du vieux, engagé à nouveau, sombra dans une spéculation. […] Et ce qu’il trime, le vieux ! […] Ce qu’il y avait de romanesque dans l’œuvre des idéalistes de la vieille école (M.  […] Les hommes sont bien vieux, et dégoûtés surtout, pour se plaire encore aux légendes.

564. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Aussi bien il y aspirait. « L’éditeur », disent les vieilles éditions de Robinson, « croit que ce livre est une vraie histoire de faits. […] Paméla est une enfant de quinze ans élevée par une vieille lady, demi-servante et demi-favorite, et qui, après la mort de sa maîtresse, se trouve exposée aux séductions et aux persécutions croissantes du jeune seigneur de la maison. […] Every man in his humour, ce titre d’une comédie du vieux Ben Jonson indique combien ce goût, chez eux, est ancien et national. […] Un vieux gentilhomme généreux, grognon, qui s’occupe à se croire malade, une vieille fille revêche en quête d’un mari, une femme de chambre naïve et vaniteuse qui estropie vaillamment l’orthographe, une file d’originaux qui tour à tour apportent leurs bizarreries sur la scène, voilà les personnages ; le plaisir du lecteur consiste à reconnaître leur humeur dans leur style, à prévoir leurs sottises, à sentir le fil qui tire chacun de leurs gestes, à vérifier la concordance de leurs idées et de leurs actions. […] L’un est aux pieds ; le second homme expert, vieux boucher sardonique, empoigne un couteau d’une main qui fera bien son office, et fourre l’autre dans les entrailles qu’on dévide plus bas pour les mettre dans un seau.

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