Dans son admiration pour Voltaire, il y avait une part de vérité et de justice, et il entrait aussi une part d’erreur et d’illusion. […] Vers la fin, et tout en lui souhaitant des sentiment plus doux, il le saluait encore « comme le plus bel organe de la raison et de la vérité ». […] On se dit de part et d’autre des vérités, et (chose rare) on les supporte. […] à la bonne heure : je vous dirai des vérités. […] Sur Jean-Jacques, par exemple : « Le roi parle, ce me semble, très bien sur les ouvrages de Rousseau ; il y trouve de la chaleur et de la force, mais peu de logique et de vérité ; il prétend qu’il ne lit que pour s’instruire, et que les ouvrages de Rousseau ne lui apprennent rien ou peu de chose. » Avec d’Alembert, dont il apprécia tout d’abord le caractère estimable, Frédéric se montre purement en philosophe ; on le voit tel qu’il aurait aimé à être dans la seconde moitié de sa vie, quand la goutte et l’humeur ne l’aigrissaient pas trop, et s’il avait eu autour de lui quelqu’un de digne avec qui s’entendre : « Sa conversation roule tantôt sur la littérature, tantôt sur la philosophie, assez souvent même sur la guerre et sur la politique, et quelquefois sur le mépris de la vie, de la gloire et des honneurs. » Voilà le cercle des sujets humains qu’il aimait à traiter habituellement, sincèrement, et en moralisant toujours ; mais la littérature et la philosophie étaient encore ce dont il aimait à causer par-dessus tout pour se détendre, quand il avait fait son métier de roi.
Bossuet n’avait pas besoin d’être tout cela pour devenir et rester le plus grand orateur sacré et même un Père de l’Église, comme l’appelait La Bruyère : il avait plutôt besoin de n’être rien de cela et de n’admettre aucun doute, de ne tolérer aucune inquiétude d’opinion, aucune recherche de vérité nouvelle : il entrait en impatience dès qu’on remuait autour de lui, et tout son raisonnement, aussitôt, toute sa doctrine se levait en masse et en bon ordre comme une armée rangée en bataille. […] Le fait est que Bossuet, avec son air de grandeur et de bonhomie autoritaire, est impatientant et irritant pour tous ceux de la postérité de Leibnitz, pour les Lessing présents et futurs, pour tous ceux qui préfèrent à la vérité même possédée, et dès lors étroite, la recherche éternelle de la vérité. […] Les philosophes de leur côté, les amateurs des idées neuves et les chercheurs de vérités, ne pardonnent pas à Bossuet son immobilité stable et impérieuse, son veto contre tout ce qui se tentait pour faire faire, soit au christianisme, soit à l’esprit philosophique, un pas de plus, une évolution, et ils se raillent de la vanité de son effort.
Il a la franchisé du peuple, celle de l’Auvergnat de Labiche plutôt que de l’Alceste de Molière : il jette au nez des gens leurs vérités ; il les pense, elles jaillissent : il faut qu’il parle. […] Aucune vérité, d’abord, n’est vraie de ce diable d’homme, que la vérité contraire ne soit un peu vraie aussi. […] Au public enfermé jusqu’ici dans le goût littéraire, il ouvre des fenêtres sur l’art ; à travers toutes ses expansions sentimentales et ses dissertations de penseur, il fait l’éducation des sens de ses lecteurs ; il leur apprend à voir et à jouir, à saisir la vérité d’une attitude, la délicatesse d’un ton.
Il épure sa raison pour se préserver de l’erreur ; éclairé sur la valeur réelle des objets, il sçait les apprécier ; au-dessus des illusions du monde, on ne le verra point se passionner pour de petits objets, vendre son tems & son existence, épouser de misérables quérelles, se plonger dans le cahos d’affaires épineuses qui se succédent comme les flots d’une mer agitée, son ame égale & tranquille cherche a vérité, loin du bruit & du tumulte, & rejette les funestes préjugés qui tourmentent ceux qui se prosternent devant eux. […] Hommes de Lettres, vous n’êtes pas toujours assez heureux pour avoir de tels sacrifices à faire à la vérité, mais dans tous les tems de votre vie, vous avez des nœuds chers à briser. […] Que l’ignorance confonde l’homme de Lettres avec ces hommes livrés à la paresse sous le nom de repos, qui se dérobent à l’agitation générale pour vivre dans le desœuvrement, qui dorment mollement sur des fleurs, en s’abandonnant au cours enchanteur d’une riante imagination ennemie du travail, & amie de la paix, dont la longue carrière peut être considerée comme un doux rêve, & qui tombent dans les bras de la mort, sans avoir daigné graver sur la terre le souvenir de leur existence ; cette injustice ne m’étonnera point, elle sera digne d’elle : mais l’œil qui aura suivi les travaux de l’homme de Lettres jugera différemment, il le verra souvent insensiblement miné par de longues études, périr victime de son amour pour les Arts, tomber en poursuivant avec trop d’ardeur la vérité, comme l’oiseau harmonieux des bois tombe de la branche au milieu de ses chants, ou plutôt comme ces illustres Artistes dont la main intrépide interrogeant dans la région enflammée de l’air le phénomene électrique, couronnent tout à coup leur vie par une mort fatale & glorieuse. […] Ici Lucrece sonde la Nature, analyse l’homme & le rassure contre de vaines chimères, heureux, si l’erreur ne se plaçoit pas à côté des plus utiles vérités ; là, Juvenal arme sa main de la verge de la satyre, porte le flambeau dans les ténébres épaisses ou se cache le crime, & sert l’humanité en démasquant le vice.
Si Adolphe cédait naïvement au besoin d’aimer, il ne marquerait pas si haut le but de ses espérances ; il choisirait près de lui un cœur du même âge que le sien, un cœur épargné des passions, où son image pût se réfléchir à toute heure sans avoir à craindre une image rivale ; il comprendrait de lui-même, il devinerait cette vérité douloureuse, et qui n’est jamais impunément méconnue, c’est que l’avenir ne suffit pas à l’amour, et que le cœur le plus indulgent ne peut se défendre d’une jalousie acharnée contre le passé ; il ne s’exposerait pas à essuyer sur les lèvres de sa maîtresse les baisers d’une autre bouche ; il tremblerait de lire dans ses yeux une pensée qui retournerait en arrière et qui s’adresserait à un absent. […] Chacun entrevoit la vérité, et rougirait de la dire. […] Si, face à face avec l’horrible vérité, il retient sur ses lèvres l’aveu près de lui échapper ; si sa voix, suffoquée par les sanglots, balbutie une bénédiction impuissante, elle s’emporte, elle implore sa colère : elle s’irrite de cette douleur si peu virile, et lui souhaiterait de l’orgueil, afin de le combattre. […] Or il n’y a pas une de ces austères vérités qui ne soit écrite dans Adolphe en caractères ineffaçables : c’est un livre plein d’enseignements et de conseils pour ceux qui aiment et qui souffrent.
Ces vérités, qui sont pour nous purement abstraites, étaient pour Jésus des réalités vivantes. […] En acceptant les utopies de son temps et de sa race, Jésus sut ainsi en faire de hautes vérités, grâce à de féconds malentendus. […] La part de vérité contenue dans la pensée de Jésus l’avait emporté sur la chimère qui l’obscurcissait. […] Une sorte de divination grandiose semble l’avoir tenu dans un vague sublime embrassant à la fois divers ordres de vérités.
Il est inutile que vous invoquiez des faits, que vous établissiez des comparaisons : les faits n’ont rien à voir avec les idées conçues a priori et aucune comparaison ne peut valoir une vérité supérieure transmise par les siècles, un dogme aussi essentiel que celui de la suprématie de la France. […] Mais en même temps que la vérité se fait jour en eux, la fierté gauloise qui fait partie de leur existence intime, justement émue de cette aube de conscience dangereuse pour elle et ne pouvant consentir à perdre un pouce de terrain qu’elle occupe dans le cœur de tout Français, se redresse avec énergie, pour faire entendre sa voix toute puissante au-dessus des appels de la réalité. Et il arrive finalement ceci, que la parcelle de vérité qui avait germé dans l’esprit de l’homme d’élite disparaît bientôt sous l’instinctive poussée de nationalisme et d’optimisme légendaire, inséparables du nom de Français. […] Voilà la vérité, qu’une nation telle que la nation française peut ou doit apprendre à se laisser dire.
La Commission de l’année dernière pas plus que celle de cette année ne se l’était dissimulé : la grande difficulté littéraire que rencontre l’institution présente, c’est que le but moral qu’elle réclame avant tout puisse tomber d’accord, dans les ouvrages dramatiques d’un ordre élevé, avec toutes les autres conditions de grâce, d’élégance, d’émotion, de divertissement et de distinction légère que le monde proprement dit a droit de son côté d’exiger ; c’est que le but moral, si on l’y introduit, ne s’y affiche pas d’une manière contraire à la vérité des choses ni au goût, et qu’un genre prétendu honnête mais faux, comme en d’autres temps, n’aille pas en sortir. […] Mais il a été remarqué d’autre part que cette sorte d’exagération avait toujours été concédée aux moralistes, aux satiriques, aux auteurs de comédies ; que c’est un peu la condition de la scène ; que si la vérité peut manquer sur quelques points du tableau, cette vérité se fait sentir en d’autres endroits d’une manière vive, énergique et neuve : par exemple, lorsque le personnage principal au quatrième acte se voit presque amené, à force d’humiliations d’avanies et d’outrages, à se repentir de ce qu’il a fait de bien, et à apostropher le monde entier dans une sorte de délire : moment dramatique et lyrique tout ensemble, d’une vigueur poignante.
Cette vérité est bonne à rappeler dans un temps où les vocations littéraires ont été considérées comme superflues, et où tout le monde au besoin se croit appelé au métier. […] Ou encore ils sont comme ces seigneurs voleurs, les burgraves du Rhin, qui barraient le fleuve : aucune vérité ne passe. […] Ceux à qui il arrive d’exprimer quelques vérités qui peuvent sembler profondes et hardies, ne doivent pas trop s’enorgueillir ; car, il faut bien se l’avouer, arrivés à un certain âge, la plupart des hommes, je veux dire des hommes qui pensent, pensent au fond de même ; mais peu sont dans le cas de produire ouvertement et de pousser à bout leur pensée.
On vous demandera de prouver une vérité, de réfuter une erreur, de tirer des conséquences, de remonter à des principes. […] La fable n’est autre chose qu’un raisonnement de ce genre, un fait particulier imaginé pour démontrer une vérité générale où il rentre, ou un autre fait particulier auquel il est, en somme, identique. […] C’est une arme facile à l’usage des gens qui sont à bout de raisons ou qui ne savent pas raisonner : que de discussions où l’on voit les adversaires se jeter mutuellement leurs vérités au nez, n’avoir souci que de se noircir réciproquement, sans toucher au sujet qui est en délibération, comme s’il suffisait de déshonorer son contradicteur pour prouver qu’on a raison sur un fait particulier !
Il n’est pas faux, mais à la condition qu’on reconnaisse que le sceptique peut être l’homme qui croit au plus grand nombre de vérités et que ne choquent nulles contradictoires, pour qui les contradictoires n’existent même point. Il est injuste de dire qu’une vérité, qu’une foi, en un tel esprit, est limitativement restreinte par une autre croyance, par une assurance opposée. Les vérités diverses sont de plans différents et ne se choquent point.
Nous nous disions qu’il aurait l’admiration révélatrice et féconde, et qu’il sortirait de la tourbe des gens d’esprit qui ont commenté, chacun à son tour, La Bruyère, et qui se sont efforcés — qu’on nous passe le mot en faveur de sa vérité ! […] Voltaire, ce singe de Satan, qui a brisé le miroir de la Vérité en mille miettes, a dit avec son ineffable superficialité que la vie des hommes de génie n’est jamais que dans leurs écrits, et de bons esprits ont accepté cela comme un axiome. […] Cette vérité-là est comme le soleil.
C’est à la lueur des éclairs qu’ils virent cette grande vérité, que Dieu gouverne le genre humain. […] Si donc, comme le dit Aristote, de bonnes lois sont des volontés sans passion, en d’autres termes, des volontés dignes du sage, du héros de la morale qui commande aux passions, c’est dans les républiques populaires que naquit la philosophie ; la nature même de ces républiques conduisait la philosophie à former le sage, et dans ce but à chercher la vérité. […] Voilà, à ce qu’il semble, le caractère de l’éloquence romaine au temps de Scipion-l’Africain ; mais les états populaires venant à se corrompre, la philosophie suit cette corruption, tombe dans le scepticisme, et se met, par un écart de la science, à calomnier la vérité.
. — quelques vérités sur la situation en littérature, etc. […] — Je viens d’achever pour la Revue des Deux Mondes un article intitulé : Quelques vérités sur la situation en littérature.
Introduction L’école du « document humain » Vers le milieu du siècle, il souffla comme un grand désir de vérité, car la science — dont l’objet est le vrai — étant restée jusque là spéculative, devenait d’utilité palpable, industrielle et efficace. […] Il nous a suffi que Shakespeare, Wagner, Ibsen et d’autres encore, aient fait œuvre de vérité, même inconsciente, pour nous croire autorisé à puiser chez eux de justifiables arguments.
Ce Ministre y fit les corrections qu’il jugea à propos, c’est-à-dire que la vérité n’y parut qu’autant qu’il voulut, & comme il voulut ; aussi l’Apologiste du Maréchal d’Ornano appeloit-il l’Histoire de ces deux Regnes, l’Histoire des fourberies du Cardinal de Richelieu. […] C’étoit user un peu tard de la liberté de l’Histoire ; mais tel est le caractere de la plus grande partie des Gens de Lettres : ils ne montrent la vérité, que quand ils n’ont pas d’intérêt à la cacher.
Ose répandre encor sur ces vérités saintes, Les voiles enchanteurs de tes images feintes ; La noble fiction, en flattant les Esprits, Charme & conduit au vrai par des chemins fleuris, Orne la vérité des attraits de la Fable, Et l’offre à nos regards plus belle & plus aimable.
Il règne ici un idéal de vérité au-dessus de tout idéal poétique. Quand nous disons un idéal de vérité, ce n’est point une exagération ; on sait que ces vers : Des dieux que nous servons connais la différence, etc., sont les paroles mêmes de François de Guise25.
Ses animaux sont peints de la même force et de la même vérité. […] La couleur et la touche de Loutherbourg sont fortes ; mais, il faut l’avouer, elles n’ont ni la facilité, ni toute la vérité de celles de Vernet.
Mais on ne saurait méconnaître qu’il contient une part de vérité. […] C’est la vie prise sur le fait qui parle, qui accuse, qui crie la vérité. […] Vérités qui ne sont peut-être pas très neuves, mais qu’il n’est pas superflu de redire, puisqu’elles demeurent à l’état de vérités inertes. […] Faguet, j’aime encore mieux la vérité, et qu’à mon gré M. Faguet et la vérité sont loin d’aller toujours de compagnie.
Comment dégager la vérité vivante dans ce lointain recul des âges ? […] On vous parle des droits de la vérité. […] La vérité ? […] Voilà, direz-vous, d’indiscutables instruments de vérité. […] La vérité, comme tout ce qu’il a écrit la respire, l’exhale !
Le jeune homme, inquiet, s’en ira donc chercher sa vérité. […] Lucien Corpechot forme une illustration de cette vérité. […] La vérité, la vérité, il voudra crier enfin la vérité, et lui sacrifiera au besoin la beauté, l’art, tous les vêtements qui recouvrent la nudité de la triste déesse dont il désire toucher la chair, froisser les muscles, étreindre même le squelette. […] Dans son culte pour la vérité, pour la tyrannique et cruelle vérité, M. […] La vérité, a-t-il écrit, c’est le doute, tempéré par le mépris.
Il distinguait entre les enchantements et la vérité. […] Elle m’aurait donné moins de vérité. […] Je ne le dis pas dans un esprit d’idéalisation conventionnelle, mais de vérité. […] On doit la vérité à cette illustre tombe. […] Saint-Saëns l’a signée. » Il y a dans ce jugement l’outrance d’une vérité.
Partout où sera la critique, j’arriverai éperonnant la vérité et le bon sens. […] À la vérité je n’ai pas lu encore le livre que M. […] Ce n’est pas le seul ; il s’en est produit un second, à la vérité, de moindre importance. […] Un axiome, vermoulu et moisi par les bords, nous apprend que du choc des opinions jaillit la vérité ! […] qui loge la déesse vérité, non plus au fonds d’un puits, mais dans un morceau de caoutchouc !
(Et, à ce propos, je ne comprends point qu’on ait contesté la vérité du caractère d’Olympe. […] C’est la vérité des détails extérieurs, du dialogue, du vocabulaire, de la mise en scène. […] Car les livres ne sont pas la vérité. […] L’observation y est extrêmement pénétrante, et il y a là un type de mari, d’une vérité ! mais d’une vérité !
Le théâtre romantique, retour à la vérité (qui le croirait ? ) ; et, retour à la vérité, la Dame aux Camélias ; et retour à la vérité les Corbeaux ; et retour à la vérité les néovaudevilles du Théâtre-Libre. […] Vérité ! […] Et c’est un trait de vérité de plus. […] Il insiste, il devient atroce. « Tu dois dire la vérité puisque tu vas mourir. — La vérité… la vérité, la vérité. » balbutie-t-elle, et elle meurt sans avoir même paru comprendre la question de son mari : il ne sait pas : il ne saura jamais.
Nous ne pouvons, à la vérité, faire cela que sur une petite échelle ; mais nous avons d’amples raisons pour conclure que la même opération, si elle était conduite dans le grand laboratoire de la nature, aboutirait au même effet. […] Soit une proposition très voisine des axiomes, cette vérité de la géométrie élémentaire que dans tout triangle la somme des angles est égale à deux droits. […] Pour nous, avec Leibniz et d’Alembert, nous inclinons à penser que, parmi les principes de la mécanique, plusieurs sont non seulement des vérités d’expérience, mais aussi des propositions analytiques. […] Bien entendu, je parle seulement des doctrines qui ont un rôle sur la scène du monde, et des philosophes qui ont construit leurs doctrines sans autre souci que celui de la vérité. — Des deux réponses principales, Kant a fait la première. […] Selon lui, ces propositions ont pour cause une force externe et sont, comme les autres vérités d’expérience, l’impression résumée que laissent les choses sur notre esprit.