La Harpe avait été fort frappé que, dans le livre du Sentiment, l’auteur eût appelé l’Élysée du Télémaque un véritable paradis chrétien ; il lui enviait cette idée : « Moi qui ai fait un éloge de Fénelon, je n’ai pas songé à cela, s’écriait-il, et voilà qu’un jeune homme a mieux trouvé : le Seigneur est avec ceux qui font le bien ! […] Ballanche enfermait toute l’humanité, extérieure aux Hébreux et antérieure à l’histoire, dans cette composition mythique d’Orphée, il songeait en même temps à enfermer l’histoire positive dans une Formule générale : les cinq premiers siècles de l’histoire romaine lui parurent se prêter excellemment à ce dessein, en ce qu’historiques par la gloire des noms, ils sont couverts de vapeurs transparentes et crépusculaires, et en ce que l’évolution, s’y accomplit dans une gradation distincte et toute dramatique. […] En écrivant cet article et pour être plus sûr de comprendre comme il le fallait un auteur éminent, mais très-particulier et assez difficile, j’avais songé avant tout à me placer au point de vue de cet auteur et à le considérer, comme on dit aujourd’hui, dans son milieu. […] Or, en faisant ainsi pour Ballanche, je me trouvai, sans y songer, avoir violemment choqué les hommes qui jugeaient 1815 et les Bourbons, la Convention et le régicide, à un tout autre point de vue que le sien et avec des sentiments contraires. […] Si l’on veut bien songer que M.
152 Il regarde ses animaux marcher et s’occupe de ce qu’ils ont en tête, « même quand ils vont par pays, gravement, sans songer à rien. »153 Il s’inquiète de leur dîner, veut savoir s’il est de leur goût. […] Monsieur ne songe à rien, Monsieur dépense tout, Monsieur court, Monsieur se repose. […] Un faiseur de descriptions eût montré la physionomie de l’éléphant, la tranquillité de ses yeux intelligents, la couleur de sa peau, et le reste ; un vrai poëte songe à l’ensemble et ne décrit que pour prouver. […] Je ne songerai plus que rencontre funeste, Que faucons, que réseaux. […] Pourquoi songe-t-il à être utile aux Romains ?
Les Italiens, que Molière imitait, ne songent qu’à embrouiller l’intrigue, soit que le moyen fut du goût du public pénétrant et prompt auquel ils avaient affaire, soit plutôt pour déguiser la faiblesse d’invention sous cette vaine richesse d’incidents. […] Il l’aime à sa façon, et il songe à en faire sa femme, persuadé, comme le Scapin des Fourberies, que, pour se marier, c’est assez qu’il y consente. […] On ne songerait pas à noter ces imperfections dans une œuvre si forte, si Molière n’eût pas fait mieux encore, et s’il ne nous eût montré enfin la comédie épurée de tous ces moyens d’effet, et le cœur de l’homme, dans la seule diversité de ses mouvements, fournissant à tous les plaisirs de surprise, d’émotion, de rire, que nous venons chercher au théâtre. […] Sganarelle ne voit guère au-delà du gros bon sens bourgeois ; il a ramassé dans son carrefour tous les aphorismes de cette sagesse du ménage, et il s’en sert contre les autres, sans songer à en profiter pour lui. […] Molière a moins songé à nous amuser qu’à nous avertir.
Fléchier aimait à faire des vers latins : il songea à s’en servir pour sa réputation et pour sa fortune littéraire ; cette ancienne littérature scolastique, qui a encore eu, depuis, quelques rares retours, n’avait pas cessé de fleurir à cette date, avant que les illustres poètes français du règne de Louis XIV eussent décidé l’entière victoire des genres modernes, Fléchier avait adressé au cardinal Mazarin une pièce de félicitation en vers latins (Carmen eucharisticum) sur la paix des Pyrénées (1660) ; il en fit une autre l’année suivante, sur la naissance du Dauphin (Genethliacon). […] Là où Fléchier n’avait songé qu’à exercer sa plume et à badiner avec ses amis sur les singularités d’un voyage extraordinaire, il se trouve nous avoir ouvert un jour sur un coin de l’ancienne France qui, à travers ce style si poli, éclate d’autant plus brusquement à nos yeux. […] Fléchier, en écrivant son récit, ne songeait qu’à faire sourire son beau monde aux dépens des fausses précieuses : aujourd’hui, quand nous le lisons, une partie de notre sourire lui revient à lui-même, à l’abbé spirituel et fin, si bien tourné, si pénétré de son bon goût, mais un peu précieux. […] Cependant, après avoir vaqué au charme et à l’amusement de ce qui l’entourait, Fléchier devait songer à ce qu’on pourrait montrer au public : il fit donc une pièce de vers latins, In conventus juridicos Arvernis habitos carmen, où il célébrait tout le monde, et, par-dessus tout, le roi, qui faisait revivre pour l’Auvergne, en proie jusqu’alors aux violences et aux crimes, un âge meilleur et le règne d’Astrée, Cette pièce officielle, qui fut imprimée à Clermont (1665), ressemble aussi peu à la relations des Grands Jours qu’une oraison funèbre ressemble à la vie réelle de l’homme. […] Je vois qu’en 1669, M. de Montausier avait songé à appliquer Fléchier à une interprétation et à un commentaire d’Horace, sans doute pour l’édition à l’usage du dauphin.
Si l’on s’indigne que sa mort n’ait pas plus troublé l’un des « six amants contents et non jaloux » que lui prête l’épigramme de Boileau, songeons qu’en revanche Racine avait l’air « à demi trépassé » à l’enterrement de la Du Parc. […] ce qu’on ne songe pas à reprocher au commun des mortels, soit parce qu’ils se cachent mieux ou que ce qu’ils font n’importe guère, on en fait un crime aux grands hommes : comme s’ils n’avaient pas droit à plus d’indulgence peut-être que nous ; comme si le génie ne s’accompagnait pas souvent d’une exaspération de la sensibilité, laquelle nous fait faire tant de sottises ! […] L’artiste, habitué à regarder, et pour qui toutes choses semblent « se transposer » et n’être plus, à un certain moment, « qu’une illusion à décrire »36, observe malgré lui ce qu’il sent, n’en est pas possédé, démêle et se définit son propre état, trouve peut-être quelque « divertissement »37 dans cette étude, et tantôt accueille la pensée que tout est nuance et spectacle et que tout, par conséquent, est vanité, tantôt songe qu’il y a dans son cas quelque chose de commun à tous les hommes et aussi quelque chose d’original et de particulier qui, traduit, transformé par le travail de l’art, pourrait intéresser les autres comme un curieux échantillon d’humanité. […] Elle a dans les veines le sang de Pasiphaé : écrasée de honte et de remords, malade, n’ayant mangé ni dormi depuis trois jours, pudique même au plus fort de ses emportements, elle fait songer, dans ses longs voiles blancs, à quelque religieuse dévorée au fond de son cloître par une mystérieuse passion et se desséchant dans une pénitence désespérée et stérile… Oh ! […] On y songe sans le dire, et cela n’empêche pas le cœur d’être déchiré.
Et, d’autre part, l’homme qui, avec Molière, a eu le moins le sentiment religieux à travers tout le dix-septième siècle, cet homme a songé, à un moment donné, à la prêtrise et est entré à l’Oratoire. […] Mais j’y ajoute cette référence : songez à ce qu’il fait dire de l’Astrée, par Gélaste, dans l’introduction à son roman de Psyché, dans les premières pages de son roman de Psyché, pour être plus exact. […] Ce n’est pas quelque chose qui soit parfaitement réussi ; mais enfin il a songé, un peu nonchalamment, à la gloire littéraire. […] Songez jour et nuit que vous allez travailler désormais sous les yeux d’un prince qui s’informera du progrès que vous aurez fait dans le chemin de la vertu et qui ne vous considérera qu’en tant que vous y aspirerez de la bonne sorte. Songez que ces mêmes paroles que vous venez de prononcer et que nous insérerons dans nos registres, plus vous aurez pris de peine à les peser et à les choisir, plus elles vous condamneraient un jour si vos actions s’y trouvaient contraires, si vous ne preniez à tâche de joindre la pureté des mœurs et de la doctrine, la pureté du cœur et de l’esprit, à la pureté de style et du langage, qui ne sont rien, à bien prendre, sans l’autre. » Voilà le ton de M. de La Chambre parlant à La Fontaine.
Sans prétendre décider qui avait tort ou raison dans ce démêlé assez compliqué et sur lequel nous n’entendons qu’une des parties, une seule chose en ressort pour moi avec évidence, c’est que Mme de La Fayette, qui savait mieux que personne ce que c’était que crédit et considération, n’en accordait pas beaucoup à Lassay à cette époque de sa vie, qu’il ne paraissait pas être de ceux avec qui l’on compte, et qu’il était temps pour lui de songer à refaire sa situation et auprès du roi et dans le monde. […] Mme de Maintenon avait dû plus d’une fois songer, dans les degrés divers de son élévation, à cette histoire romanesque de Marianne, et elle savait gré sans doute à Lassay d’avoir osé mettre un jour la sagesse de conduite et la vertu au-dessus du rang. […] Redemandant cette même faveur d’être aide de camp du roi pour la campagne qui suivit celle de Namur, et qui fut la dernière que fit Louis XIV, Lassay savait bien qu’il allait au cœur de Mme de Maintenon lorsqu’il insistait sur la prudence et qu’il disait bien plus en courtisan qu’en soldat : Si je ne regardais que mon intérêt particulier, par toutes sortes de raisons je souhaiterais ardemment qu’il (le roi) allât commander ses armées, mais je crois qu’il n’y a pas de bon Français qui doive souhaiter qu’il y aille : quand je songe à Namur, je tremble encore ; sans compter les autres périls, le roi passait tous les jours au milieu des bois qui pouvaient être pleins de petits partis ennemis ; on n’oserait seulement porter sa pensée à ce qui pouvait arriver : que serait devenu l’État, et que serions-nous devenus ? […] Ici Lassay songeait au mariage pour la troisième fois, mais c’était encore un mariage peu régulier et assez extravagant selon le monde.
Quand je me dis combien de manières il y a de mal observer un homme qu’on croit bien connaître, de mal regarder, de mal entendre un fait qui se passe presque sous les yeux ; quand je songe combien d’arrivants béats et de Brossettes apprentis j’ai vu rôder, le calepin en poche, autour de nos quatre ou cinq poëtes ; combien d’inconstantes paroles jetées au vent pour combler l’ennui des heures et varier de fades causeries se sont probablement gravées à titre de résultats sentencieux et mémorables ; combien de lettres familières, arrachées par l’importunité à la politesse, pourront se produire un jour pour les irrécusables épanchements d’un cœur qui se confie ; quand, allant plus loin, je viens me demander ce que seraient, par rapport à la vérité, des mémoires sur eux-mêmes élaborés par certains génies qui ne s’en remettraient pas de ce soin aux autres, oh ! […] Il songea un moment à la vie active, aux voyages, à l’expatriation sur la terre d’Égypte, qui n’était pas abandonnée encore : un membre de la grande expédition, qui en était revenu deux ans auparavant , le détourna de cette idée. […] Il paraît, toutefois, qu’il songea encore au théâtre, mais ce n’était plus par goût comme d’abord. […] En rentrant, il me raconta ce qu’il venait de voir et ajouta : « Si j’étais Béranger, je ferais de cela une chanson. » Par ce seul mot, Victor Hugo définissait merveilleusement, sans y songer, le petit drame, le cadre indispensable que Béranger anime : qu’on se rappelle Louis XI et l’Orage.
Montesquieu le savait pour l’avoir voulu lui-même, et cette inquiétude sur la fortune de l’Esprit des lois était peut-être méritée, pour avoir trop songé à rendre les Lettres persanes sérieuses et les Considérations amusantes. […] Il est de ceux qui songent à se payer de deux façons de l’emploi qu’ils font de leur esprit, par le plaisir qu’ils y prennent et par la gloire. […] Mais le plaisir de Montesquieu, si l’on songe où il l’a cherché, est plutôt d’un stoïcien que d’un épicurien, et pour rappeler sa comparaison de Rollin avec une abeille, lui aussi est une abeille qui a bien mérité de prendre sa part de son miel. […] Il n’y a pas songé.
La ville d’Hesdin acquittait à la fois sa dette municipale envers une famille honorable et chère, et elle acquittait aussi la dette générale de la France envers un écrivain aimé, populaire, qui ne fut point heureux en son temps, qui n’eut jamais les honneurs littéraires et académiques, qui travailla constamment pour vivre, et qui, un jour de bonne fortune, a fait un chef-d’œuvre sans y songer. […] Dans ce premier jet, le style moins correct, moins court, est peut-être encore plus naturel, plus lié, et offre des traits qui se rapprochent davantage de la réalité telle quelle : l’auteur, sans viser ensuite à rien ennoblir, a pourtant songé évidemment à adoucir certains tours ou certains mots qui avaient semblé trop bas. […] On l’y verrait tel qu’il était, ni plus ni moins, avec ses gaietés familières et ses échappées spirituelles, même en ses moments de retraite et de demi-repentir : car, de tous les hommes célèbres de son temps, il est, avec Lesage, celui qui certainement a le moins songé à poser.
Tout remplis de la seule idée qui nous occupait, nous ne songions, nous ne pouvions songer qu’à nos travaux et aux invincibles obstacles qui, nous arrêtant au commencement de notre entreprise, nous ôtaient les moyens et jusqu’à l’espoir de la terminer. […] Tout sujet d’entretien lui était bon ; il acceptait volontiers celui qu’on mettait sur le tapis, et il étonnait les indifférents par les trésors qu’il tirait à l’instant de la mine qu’ils lui avaient offerte sans y songer.
Qu’on veuille songer à ce qu’était autrefois, et il n’y a pas longtemps encore, parmi nous la réputation de Dante et l’idée qu’on se formait de son poème. […] Il lui arrivait souvent d’en rêver et de voir Homère en songe. […] Si Dante apparaît en songe à son nouveau traducteur, je suis bien sûr que ce sera sous un tout autre aspect, et seulement pour lui rendre plus faciles et plus clairs tels ou tels passages obscurs du pèlerinage entrepris32.
Il parle une fois très sensément contre l’astrologie judiciaire ; il paraît avoir une conception assez juste et assez saine du système du monde ; il démontre par des considérations physiques et naturelles la chimère qu’il y a à prétendre tirer des horoscopes sur la fortune des hommes ; et l’instant d’après, parlant d’un voyage en mer que fait devant Dieppe la princesse Marie et d’un vent violent qui, se levant tout d’un coup, aurait pu la mettre en danger : « Cela me fit souvenir, dit-il, d’un songe que j’avais eu la nuit précédente pour un certain débordement d’eaux que je m’étais imaginé, comme il arrive assez souvent. » Il ne croyait pas à l’astrologie, et il a l’air de croire aux songes. […] Cette pièce, adressée à l’archevêque de Tours, Victor Bouthillier, à la date d’octobre 1644, montre que Marolles avait mis du temps à songer à la réformation de l’abbaye dont il jouissait depuis quatorze ans. […] Tout en envisageant ces dignités ecclésiastiques d’une manière beaucoup trop mondaine, il eut pourtant le bon sens de reconnaître ses limites et de sentir qu’il n’avait rien de la capacité ni de la vocation épiscopale : « Car pour en dire la vérité, bien que je tinsse à honneur d’avoir été proposé pour un état si sublime, si est-ce que, ne m’en trouvant pas digne, je me contentais seulement d’avoir donné sujet d’en parler. » C’était déjà, en effet, beaucoup d’honneur pour lui qu’on eût songé, un moment, à en faire un évêque.
Là, en un mot, comme dans toutes les prisons, les gardiens songèrent plus à leur commodité qu’à celle du prisonnier. […] Il ne songe pas à se soustraire, pour son compte, aux grandes croyances ni aux formes de croyances qu’il a remises en honneur et commandées. […] Qu’on veuille songer à ce qu’on doit de reconnaissance à celui qui, dans une publication continue de vingt années, nous a initiés à ce degré, tous tant que nous sommes, à l’esprit et au détail politique, administratif, militaire, de la plus grande époque et la plus invoquée dans les entretiens de chaque jour ; qui, sans que nous soyons hommes d’État ni politiques de métier, nous a fait assister, par le dépouillement des pièces les plus secrètes et les plus sûres, aux conseils et aux débats diplomatiques d’où sont sorties les destinées de l’Europe et de la France pendant l’ère la plus mémorable ; qui, sans que nous soyons financiers, nous permet, avec un peu d’attention, de nous rendre compte des belles et simples créations modernes en ce genre ; sans que nous soyons administrateurs, nous montre par le dedans ce que c’est que le mécanisme et les rouages de tout cet ordre civil et social où nous vivons ; sans que nous soyons militaires, nous fait comprendre la série des mouvements les mieux combinés, et par où ils ont réussi, et par où ils ont échoué en venant se briser à des causes morales et générales plus fortes.
L’amour vient à Chloé d’avoir vu Daphnis au bain, un jour qu’étant tombé dans une fosse à loup, il a dû, au sortir de là, se laver et montrer, sans y songer, son beau corps. […] En général, ce sont les dieux des campagnes, les Nymphes et Pan, qui font tout dans ce gracieux roman-poème ; mais, pour rendre leur intervention moins invraisemblable, c’est d’ordinaire en songe qu’ils se contentent d’apparaître et de se manifester personnellement ; le merveilleux n’est pas direct, il est réfléchi : précaution légère et pourtant assez marquée, qui semble demander grâce pour la fiction elle-même, et qui est de nature à concilier ceux qui ne sont incrédules qu’à demi. […] le premier jugement avait couru et court encore ; c’est le seul qu’on ait réimprimé et qui se lise en tête de toutes les éditions de Bayle qui, dans son Dictionnaire, s’autorise, sans la contrôler, de l’opinion de Huet, ne songe qu’à renchérir, à son tour, sur l’article des mœurs ; non qu’il en prenne la défense et qu’il fasse le rigoriste, mais en érudit qui ne se trouve pas souvent à pareille fête, il badine à sa façon derrière du latin et du grec, il se gaudit des légèretés du roman en y cherchant le graveleux et sans y soupçonner la délicatesse.
Le mépris que cette entrevue fit naître pour ce prince mit fin au dessein qu’on avait de se servir de lui95. » Ne pouvant l’utiliser directement, on songea du moins à maintenir la race pour alimenter les espérances du parti. […] De ce moment, la comtesse, en quittant Rome, ne songea plus qu’à rejoindre son existence avec celle d’Alfieri. […] Certes, cet homme de haut talent et, jusqu’à un certain point, de génie, de noble aspect et « d’une figure avantageuse » (ainsi en parlent ceux qui l’ont vu et qui ne songeaient point à faire, comme aujourd’hui, des caricatures à tout propos) ; cet homme à l’âme ardente, élevée, d’un esprit libre, d’un caractère indépendant et fier, qui n’avait pu se plier à la vie de Turin, et qui n’hésita pas, en renonçant à son pays, à sacrifier les deux tiers de sa fortune pour se mieux dévouer à l’objet de son culte ; le poète qui, dans la Dédicace de Myrrha, s’étonnant d’avoir tant tardé à nommer publiquement celle qui l’inspire, lui disait : « Ma vie ne compte que depuis le jour qu’elle s’est enlacée à ta vie » ; un pareil homme méritait que la comtesse d’Albany, déçue et frappée dans sa destinée, crût elle-même s’honorer par un tel choix, et ne pas perdre, même aux yeux du monde, en échangeant royauté contre royauté.
Claretie avait contre lui (dans Monsieur le Ministre) d’abord son sujet, vrai sujet de haute comédie. » Voilà qui va bien. « — Seul sujet de haute comédie, avec Rabagas et Dora, auquel les gens du métier aient songé dans ces douze dernières années. » On se demande : Est-il donc décidément impossible d’en trouver un quatrième, en cherchant bien « M. […] Et qu’on ne dise point que le procédé est facile ; car ces aspects nouveaux, c’est bien lui qui les découvre ; nous n’y aurions jamais songé sans lui ; et c’est chose si rare et si précieuse que d’avoir dans la critique littéraire, où la tradition est encore si puissante, des impressions et des vues vraiment personnelles ! […] Sur Corneille et Racine, il s’abandonne à des effusions intransigeantes : nul n’a plus contribué que lui à mettre à la mode le parti pris très distingué de les admirer sans réserve, de tout voir chez eux, même des choses auxquelles il ne semble pas qu’ils aient beaucoup songé.
Est-ce simplement l’habitude du songe ? […] Il est juste de dire que les trois quarts des jeunes peintres et écrivains se sont rangés à cette conception, et seuls les vieux romantiques survivants songent à s’en plaindre. […] Que si la noblesse de l’art engage encore certains braves et bons artistes à chercher sous leur cape le pommeau d’une dague imaginaire, ou à boucler sous un feutre Louis XIII une chevelure exagérée, c’est un travers qui, par son inoffensif, dégénérerait vite en vicieuse tournure d’esprit ; c’est une inélégance morale et un défaut d’indépendance que de songer à se signaler par une recherche de costume lorsqu’on a professionnellement le devoir d’exempter ses sentiments de ceux du vulgaire, et l’artiste ici rejoint le photographe et le coiffeur, inutilement.
C’est dans cette suite de transes, d’énigmes et de cauchemars pénibles que se passèrent pour elle les années et le songe d’ordinaire si léger de l’enfance. […] Toute cette littérature plus ou moins exaltée, et dans le goût de Mme Cottin, qui s’agitait autour de la jeunesse de Madame Royale, ne l’atteignit évidemment en rien, et le récit qu’elle a tracé en 1795 des événements du Temple serait la critique de tous ces autres récits et de ces faux tableaux d’alentour, si on pouvait songer seulement à les rapprocher. […] Soumise à son oncle, dans lequel elle voit à la fois un roi et un père, elle ne songe qu’à réunir toutes ses religions et à les pratiquer fidèlement.
Nous sommes d’ailleurs ici naturellement prestidigitateurs, parce que le problème dont il s’agit, étant le problème psychophysiologique des rapports du cerveau et de la pensée, nous suggère par sa position même, les deux points de vue du réalisme et de l’idéalisme, le terme « cerveau » nous faisant songer à une chose et le terme « pensée » à de la représentation. […] On est toujours plus ou moins dans l’idéalisme (tel que nous l’avons défini) quand on fait œuvre de savant : sinon, on ne songerait même pas à considérer des parties isolées de la réalité pour les conditionner l’une par rapport à l’autre, ce qui est la science même. […] Hypnotisés, pour ainsi dire, par le vide que notre abstraction vient de faire, nous acceptons la suggestion de je ne sais qu’elle merveilleuse signification inhérente à un simple déplacement de points matériels dans l’espace, c’est-à-dire à une perception diminuée, alors que nous n’aurions jamais songé à doter d’une telle vertu l’image concrète, plus riche cependant, que nous trouvions dans notre perception immédiate.
Dans cette ancienne monarchie, les rois et les grands ne songeaient pas assez à qui ils se révélaient ainsi dans leur déshabillé et dans leur ruelle. Parmi cette foule de courtisans qui se livraient au torrent de chaque jour, et qui songeaient à profiter de ce qu’ils observaient sans le dire, il se rencontrait parfois des écrivains et des peintres, des moralistes et des hommes.
Tandis qu’en effet les libelles incendiaires, les armes et munitions, les conspirateurs eux-mêmes, étaient continuellement versés sur nos rivages de Normandie et de Bretagne, il ne songeait pas un seul instant à user de semblables moyens contre l’Angleterre : ses guerres comme ses lois étaient empreintes de force et de dignité. […] Ainsi, par exemple, en ce qui concernait les attentats et guet-apens dont il pouvait être victime, Bonaparte avait vu de bonne heure qu’il n’y avait pas de moyen sûr d’y parer, si cela devait être : il avait donc pris le parti, non pas de s’étourdir là-dessus, mais de n’y point songer, de s’affranchir de toute émotion pénible à ce propos, et d’en faire abstraction totale : et ce qu’il avait décidé, il le tint.
C’est une des caractéristiques de l’organisation sociale de ce temps, que cet homme mal vu du roi, et qui n’aimait pas le roi, ait vécu plus de quinze ans près du roi, sans songer à quitter sans qu’on songeât à le renvoyer, parce que, étant duc et pair, sa place était là.
Mais c’est en vain : du siècle ils ont fui les chimères ; Hormis l’éternité tout est songe pour eux. […] C’est l’airain qui, du temps formidable interprète, Dans chaque heure qui fuit, à d’humble anachorète Redit en longs échos : Songe au dernier moment.
Tandis qu’on fait un conte, on est gai, on ne songe à rien de fâcheux, le temps se passe, et le conte de la vie s’achève sans qu’on s’en apperçoive. […] Songez, mon ami, de quelle importance sont ces places pour des enfans dont communément les parens sont pauvres, qui ont beaucoup dépensé à ces pauvres parens, qui ont travaillé de longues années, et à qui l’on fait une injustice, certes très-criminelle, lorsque c’est la partialité des juges et non le mérite des concurrens qui dispose de ces places.
Vous n’avez pas compris du premier coup la Mise en liberté de Victor Hugo et je ne songe qu’à vous en féliciter. […] Elles sont composées, il me semble ainsi quand j’y songe, de plusieurs éléments divers.
Il devrait songer un peu qu’il n’a jamais été Kantien, ni Hégélien. […] Songez au langage. […] Notre art de la poésie lui-même est né d’imitations érudites… À un véritable Grec le type de Faust [au début] paraîtrait absolument inintelligible… » — Mais songez à la fin de Faust et songez aussi au mot de Goethe à Eckermann. […] Chose effrayante, quand on y songe ; car il est certain que c’est le bien et le mal, et la conduite des mœurs, et la règle des mœurs, qui importent le plus. […] Elle admet une morale des femmes, songez-y donc, essentiellement différente de celle des hommes.