Si maintenant l’on m’objecte que cette théorie conjecturale serait admissible peut-être si Racine n’avait pas fait Athalie, mais qu’Athalie seule répond victorieusement à tout et révèle dans le poëte un génie essentiellement dramatique, je répliquerai à mon tour qu’en admirant beaucoup Athalie, je ne lui reconnais point tant de portée ; que la quantité d’élévation, d’énergie et de sublime qui s’y trouve ne me paraît pas du tout dépasser ce qu’il en faut pour réussir dans le haut lyrique, dans la grande poésie religieuse, dans l’hymne, et qu’à mon gré cette magnifique tragédie atteste seulement chez Racine des qualités fortes et puissantes qui couronnaient dignement sa tendresse habituelle.
Le désintéressement et l’intelligence sont, plus que jamais ils ne l’ont été, des nécessités pour la bourgeoisie : elle est tenue d’avoir ce sens de la relativité, cet esprit de solidarité qui seuls peuvent élargir les idées et tuer l’égoïsme.
Un homme qui a cette prudence une seule fois en sa vie n’est-il pas pour jamais au-dessus de ses affaires ?
On y rencontrait encore cet extraordinaire Meyerson, polyglotte et omniscient, dernière incarnation de Pic de la Mirandole, toujours prêt à discuter de toutes choses connues et quibusdam aliis et aussi ce pauvre et malchanceux Frédéric Corbier, mathématicien et philologue, qui se grisait de bruit et de paroles en société, mais qui retombait, dès qu’il était seul, à un découragement si noir qu’il finira, une nuit d’hiver, par se jeter du haut du pont d’Arcole, dans la Seine charrieuse de glaçons.
C’est que toutes les fois qu’il se présente, il éveille un nombre infini d’idées de ces individus ; et comme il les éveille en combinaison étroite, il en forme une espèce d’idées complexe. » « De là résulte que le mot homme n’est ni un mot répondant à une simple idée, ce qui était l’opinion des réalistes ; ni un mot ne répondant à aucune idée, ce qui était l’opinion des nominalistes ; mais un mot éveillant un nombre infini d’idées, par les lois irrésistibles de la sensation et en formant une idée très complexe et indistincte, mais non pas intelligible pour cela. » C’est dans le but de dénommer, et de dénommer avec une plus grande facilité, que nous formons des classes : et c’est la ressemblance qui, quand nous avons appliqué un nom à un individu, nous conduit à l’appliquer à un autre et à un autre, jusqu’à ce que le tout forme un agrégat, lié par le commun rapport de l’agrégat à un seul et même nom.
Ce fut, à vrai dire, ce seul honneur auquel je fus le plus sensible. » Il était dans ces termes d’amitié et de correspondance étroite avec la noble princesse ; il venait de recevoir d’elle toutes sortes de nouveaux témoignages d’intérêt et d’affection sur sa fâcheuse mésaventure de Paris, au commencement de 1670.
À voir l’ardeur que mit Franklin à cette question qu’il considérait comme nationale, on comprend que quinze ans plus tard, lorsque la rupture éclata entre les colonies et la mère patrie, il ait eu un moment de vive douleur, et que, sans en être ébranlé dans sa détermination, il ait du moins versé quelques larmes ; car il avait, en son âge le plus viril, contribué lui-même à consolider cette grandeur ; et il put dire dans une dernière lettre à lord Howe (juillet 1776) : Longtemps je me suis efforcé, avec un zèle sincère et infatigable, de préserver de tout accident d’éclat ce beau et noble vase de porcelaine, l’empire britannique ; car je savais qu’une fois brisé, les morceaux n’en pourraient garder même la part de force et la valeur qu’ils avaient quand ils ne formaient qu’un seul tout, et qu’une réunion parfaite en serait à peine à espérer désormais.
La religion, qui lui attire des critiques, est le seul appui solide pour le soutenir ; quand il la prendra par le fond, sans scrupule sur les minuties, elle le comblera de consolation et de gloire.
Le seul épisode de la carrière publique de Maucroix, qui mérite d’être rappelé un peu plus au long, c’est le rôle qu’il remplit à Paris à la fameuse Assemblée du clergé de 1682, laquelle s’ouvrit, comme on sait, par le sermon de Bossuet Sur l’unité de l’Église, et qui aboutit à la déclaration des quatre articles de l’Église gallicane.
David nous disait toujours que c’est le seul maître que l’on puisse suivre sans craindre de s’égarer. » Mais il se souvint de cet autre précepte de David : « qu’il ne faut pas voir la nature bêtement, et qu’il faut savoir trouver le beau ».
Un seul des juges crut devoir faire une objection et une réserve assez marquée sur un point, pour que l’habitude ne s’en perdît pas.
Cette confiance lui plaira… C’est la seule personne à la Cour avec laquelle elle ne doit avoir aucune réserve.
Dans la jeunesse, elle se recèle sous l’art, sous la poésie ; ou, si elle veut aller seule, la poésie, l’exaltation s’y mêle trop souvent et la trouble.
Dans l’éloge de Portal, voulant faire allusion au charlatanisme si connu dont ce médecin avait usé d’abord pour se mettre en renom, Pariset, après l’avoir couronné de tous les éloges, ajoute à la fin que « son seul tort, peut-être, a été, dans ses premières années, de prendre l’avenir en défiance, de ne pas croire à l’effet naturel de ses talents, et d’avoir voulu attacher des ailes à sa fortune ».
Après tout, nous remettre en présence de l’abbé de Chaulieu, c’est par cela seul nous procurer une heureuse et agréable rencontre.
Rien ne démontrerait mieux, à notre sens, la légitimité de 89 que cette argumentation habile de la part d’un homme aussi éclairé, et de laquelle il résulte que la France n’était pas un seul État ni un corps mû d’un même esprit.
Bredouille réplique par la grande raison de tous les poètes heureux : « Pour moi, je n’y entends pas tant de façon ; quand une chose me plaît, je ne vais point m’alambiquer l’esprit pour savoir pourquoi elle me plaît. » Regnard aurait pu se dispenser de cette petite pièce ; Le Légataire se défendait tout seul avec les rires qu’il provoquait.
» Ailleurs il parle « de la tranquille administration des lois, de ces arrêts salutaires qui, sortis du cabinet d’un seul ou du conseil d’un petit nombre, vont répandre la félicité chez un peuple entier ».
Ce n’est pas moi qui suis roi de France ni qui suis la sainte Église ; je ne suis qu’un seul homme dont la vie passera comme celle d’un autre homme quand il plaira à Dieu.
Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ?
Une pensée, et non pas une pensée affichée, mais une pensée infuse et sous-entendue, se mêle à ces dessins qui déjà se suffiraient à eux seuls par leur caractère de vérité.
Supprimez la moitié du portrait de ce maréchal de Noailles : l’autre moitié du portrait subsiste telle que ce seul pinceau l’a pu faire.
Il eut cette force de sympathie qui seule atteint et ressuscite l’âme des siècles lointains.
Hugo ne pense que par images : l’idée, ramassée en un seul mot, lui apparaît liée à une forme sensible, qui la manifeste ou la représente, qui par ses affinités propres en détermine les relations, en sorte que les associations d’images dirigent le développement de la pensée.
Un jour que la comtesse d’Egmont l’y était venue visiter, il mit cette inscription délicate au-dessous de la statue : Églé parut sur cette rive ; Une image de sa beauté Se réfléchit dans cette eau fugitive ; L’image a fui, l’Amour seul est resté.
Et à l’endroit même, je suis encore, car, par une ressemblance vraiment très indigne avec mon doux Sauveur Jésus sur la Croix, je suis vraiment cloué à ma croix, n’ayant pu bouger ma jambe d’un seul millimètre.
En effet, qu’on suppose un orateur doué par la nature de cette magie puissante de la parole, qui a tant d’empire sur les âmes et les remue à son gré ; qu’il paraisse aux yeux de la nation assemblée pour rendre les derniers devoirs à Henri IV ; qu’il ait sous ses yeux le corps de ce malheureux prince ; que peut-être, le poignard, instrument du parricide, soit sur le cercueil et exposé à tous les regards ; que l’orateur alors élève sa voix, pour rappeler aux Français tous les malheurs que depuis cent ans leur ont causés leurs divisions et tous les crimes du fanatisme et de la politique mêlés ensemble ; qu’en commençant par la proscription des Vaudois et les arrêts qui firent consumer dans les flammes vingt-deux villages, et égorger ou brûler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, il leur rappelle ensuite la conspiration d’Amboise, les batailles de Dreux, de Saint-Denis, de Jarnac, de Montcontour, de Coutras ; la nuit de la Saint-Barthélemi, l’assassinat du prince de Condé, l’assassinat de François de Guise, l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, l’assassinat de Henri III ; plus de mille combats ou sièges, où toujours le sang français avait coulé par la main des Français ; le fanatisme et la vengeance faisant périr sur les échafauds ou dans les flammes, ceux qui avaient eu le malheur d’échapper à la guerre ; les meurtres, les empoisonnements, les incendies, les massacres de sang-froid, regardés comme des actions permises ou vertueuses ; les enfants qui n’avaient pas encore vu le jour, arrachés des entrailles palpitantes des mères, pour être écrasés ; qu’il termine enfin cet horrible tableau par l’assassinat de Henri IV, dont le corps sanglant est dans ce moment sous leurs yeux ; qu’alors attestant la religion et l’humanité, il conjure les Français de se réunir, de se regarder comme des concitoyens et des frères ; qu’à la vue de tant de malheurs et de crimes, à la vue de tant de sang versé, il les invite à renoncer à cet esprit de rage, à cette horrible démence qui, pendant un siècle, les a dénaturés, et a fait du peuple le plus doux un peuple de tigres ; que lui-même prononçant un serment à haute voix, il appelle tous les Français pour jurer avec lui sur le corps de Henri IV, sur ses blessures et le reste de son sang, que désormais ils seront unis et oublieront les affreuses querelles qui les divisent ; qu’ensuite, s’adressant à Henri IV même, il fasse, pour ainsi dire, amende honorable à son ombre, au nom de toute la France et de son siècle, et même au nom des siècles suivants, pour cet assassinat, prix si différent de celui que méritaient ses vertus ; qu’il lui annonce les hommages de tous les Français qui naîtront un jour ; qu’en finissant il se prosterne sur sa tombe et la baigne de ses larmes : quelle impression croit-on qu’un pareil discours aurait pu faire sur des milliers d’hommes assemblés, et dans un moment où le spectacle seul du corps de ce prince, sans être aidé de l’éloquence de l’orateur, suffisait pour émouvoir et attendrir ?