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256. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Des hommes de plus de soixante ans vous disaient naïvement de lui : « Mais il est bien âgé, on dit qu’il est sourd, il radotera… » Remarquez que c’étaient les plus doux qui parlaient ainsi. A ces honorables sexagénaires, on aurait pu faire remarquer que M. d’Alton-Shée n’avait pas encore soixante ans ; que dans son geste, son allure, dans toute sa personne, il y a toute la prestesse et la vivacité d’un homme encore jeune : il est vrai que la vue lui fait défaut.

257. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Nous disons que Nodier fut toujours le même jusqu’à la fin, toujours le Nodier des jeunes années ; nous devons faire remarquer pourtant que sa vie littéraire se peut diviser en deux parts sensiblement différentes. […] C’est un honneur de ce pays-ci et de cette France, on l’a remarqué, que l’esprit, à lui seul, y tienne tant de place, que, dès qu’il y a eu sur un talent ce rayon du ciel, la grâce et le charme, il soit finalement compris, apprécié, aimé, et qu’on sente si vite ce qu’on va perdre en le perdant.

258. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Il a vu que toutes les révolutions, les guerres, les querelles intérieures, avaient toujours eu pour point de départ, ou pour conséquence, l’émancipation civile et politique d’un plus grand nombre d’hommes ; il a remarqué, au milieu de toutes les déviations, de tous les quiproquos journaliers et des non-sens qui agitent l’avant-scène du monde, le développement graduel de l’égalité des conditions se produisant avec une lenteur irrésistible, se faisant place en chaque mouvement, profitant de chaque crise, ne reculant jamais. […] Nous ferons remarquer, comme exemple de l’excellente manière à la fois expérimentale et philosophique de M. de Tocqueville, ce qu’il dit de la division du Corps législatif en deux branches aux États-Unis.

259. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Vous remarquerez les traductions des Écritures, des Psautiers, et en général toute traduction des auteurs anciens ; vous attacheriez un prix tout particulier aux grammaires, glossaires, et traités sur la langue, composés dans ces siècles, si vous en découvriez. Dans les genres de moindre étendue, et dont les pièces ne se trouvent souvent point dans les manuscrits à part, mais aux dernières pages seulement ou au milieu de manuscrits qui traitent de matières toutes différentes, vous remarqueriez les chansons, lais, complaintes, rotruenges ; les fabliaux, les fables attribuées aux divers Ysopets ; les estampies, rondeaux, sirvenlois ; les jeux-partis, les proverbes, dicts et sentences, dicts et contredicts ; les proses farcies, les caroles, noëls, sermons en vers, etc.

260. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Comme on aura pu le remarquer, cette connaissance est jusqu’ici diffuse, analytique, fragmentaire, ne comprend l’ensemble qu’en ses parties et ne l’exhibe que par aspects successifs ; cette connaissance est limitée à son objet qu’elle révèle en lui-même seulement, non dans ses relations et ses effets. […] Et l’on remarquera qu’en exigeant cette addition à l’analyse, en demandant qu’on s’accoutume à considérer l’œuvre dans l’acte même de révolution de sentiments qu’elle est destinée à opérer, nous adjoignons à notre méthode, l’un des procédés dont la critique purement littéraire use, depuis l’avènement surtout de l’école romantique et réaliste.

261. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Conclusion. »

On a pu remarquer quelques fables dont la morale est évidemment mauvaise ; un plus grand nombre dont la morale est vague, indéterminée, sujette à discussion ; enfin quelques autres qui sont entièrement contradictoires.

262. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Zola avait remarqué de lui-même plusieurs faits curieux dans son propre entourage. […] Nous avons surtout remarqué à la fenêtre de droite une sainte Barbe et une Rébecca à la fontaine : deux œuvres du XVIIe siècle. […] Cet article fut remarqué par le correspondant parisien d’une revue suisse la Bibliothèque universelle, qui en donna une analyse et en traduisit quelques passages. […] On crut remarquer qu’il ne faisait grâce qu’aux romans édités par M.  […] On ne voulait pas non plus remarquer que tous les romanciers cités avec éloges par M. 

263. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Vous avez remarqué cette pensée profonde : « c’est l’égalité qui engendre l’amitié ». […] Il est même curieux de remarquer qu’à mesure que les plaisirs sont plus vrais, ils sont plus mêlés. […] A-t-on remarqué les grandes analogies qui existent entre la science et le plaisir ? […] Remarquez qu’une telle théorie et qu’une telle éducation n’exclut pas les plaisirs ; elle les méprise, elle ne les exclut pas. […] Car, remarquez-le bien : on passe encore condamnation assez uniment quand il s’agit de littérature proprement dite.

264. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Fèvre-Deumier, Jules (1797-1857) »

Eugène Crépet Il a, dans ses volumineuses œuvres, laissé d’admirables vers que les plus illustres contemporains signeraient hardiment, et cependant c’est à peine si son nom est sorti de cette pénombre qui confine à l’oubli… Entre toutes ces pièces, une surtout fut remarquée c’est celle qui a pour titre : Hommage aux mânes d’ André Chénier , et qui se termine par ces vers : Adieu donc, jeune ami, que je n’ai pas connu un de ces vers-proverbes qui profitent plus au public qu’à leur auteur, car tout le monde s’en souvient et les cite, sans que personne puisse dire qui les a écrits.

265. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre V » pp. 48-49

Nous voyons en troisième lieu dans cette société d’élite un mélange heureux de personnes des deux sexes ; nous y remarquons la parité, je dirais volontiers la domination ou au moins la supériorité s’établir du côté des femmes dans les nouvelles relations dont l’hôtel de Rambouillet est le centre.

266. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 281

Il faut remarquer qu'elle étoit tourmentée par un cancer quil ui rendoit la vie insupportable : Bientôt la lumiere des Cieux Ne paroîtra plus à mes yeux.

267. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Dans son premier écrit (l’Essai sur l’étude de la littérature), et quinze ans avant de publier sa grande composition historique, il décelait déjà sa préférence pour ce grand tout continu et pacifique de l’Empire romain ; il le place presque au niveau de ce que l’Europe est devenue depuis ; il fait remarquer de plus, à l’avantage de cet ancien état du monde, que des pays, aujourd’hui barbares, étaient éclairés alors et jouissaient des bienfaits de la civilisation : Du temps des Pline, des Ptolémée et des Galien, dit-il, l’Europe, à présent le siège des sciences, l’était également ; mais la Grèce, l’Asie, la Syrie, l’Égypte, l’Afrique, pays féconds en miracles, étaient remplis d’yeux dignes de les voir. […] J’ai déjà remarqué cela pour Volney : ceux à qui a manqué cette sollicitude d’une mère, ce premier duvet et cette fleur d’une affection tendre, ce charme confus et pénétrant des impressions naissantes, sont plus aisément que d’autres dénués du sentiment de la religion. […] On n’a pas assez remarqué que c’est de Gibbon qu’il s’agit dans une lettre de Jean-Jacques Rousseau à Moultou, datée de Môtiers et du 4 juin 1763 : Vous me donnez pour Mlle Curchod, écrit Jean-Jacques, une commission dont je m’acquitterai mal, précisément à cause de mon estime pour elle.

268. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Cette lettre, publiée par Voltaire, est devenue historique, et elle fait le plus grand honneur auprès de la postérité à l’esprit et à l’humanité de M. d’Argenson : « Vous m’avez écrit, monseigneur, lui répondait Voltaire, une lettre telle que Mme de Sévigné l’eût faite, si elle s’était trouvée au milieu d’une bataille. » Et cet éloge est mérité ; on a la description gaie, vive, émue, du combat, du danger, du succès plus qu’incertain à un moment, de la soudaine et complète victoire ; le principal honneur y est rapporté au roi : puis, après tout ce qu’un courtisan en veine de cœur et d’esprit eût pu dire, on lit les paroles d’un citoyen philosophe ou tout simplement d’un homme : Après cela, pour vous dire le mal comme le bien, j’ai remarqué une habitude trop tôt acquise de voir tranquillement sur le champ de bataille des morts nus, des ennemis agonisants, des plaies fumantes… J’observai bien nos jeunes héros ; je les trouvai trop indifférents sur cet article… Le triomphe est la plus belle chose du monde : les Vive le roi ! […] Mais remarquez ici même comme, en conseillant de mêler la bonne compagnie à l’étude, il trouve moyen de la flétrir de ce mot dédaigneux, si cher aux doctrinaires de tous les temps, de ce reproche de ne pas penser ! […] [NdA] Cette espèce de rétrécissement de vue a été également remarquée par Saint-Simon, et c’est en quoi le garde des sceaux d’Argenson, qui eut le génie administratif et l’exécution, n’était pourtant pas de la première volée comme homme d’État.

269. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Je fis passer brusquement des troupes, afin de fortifier le corps du prince de Condé ; je fis travailler diligemment à un pont de bateaux sur le Rhin, et je demeurai avec mon frère, le vicomte de Turenne, et le reste de l’armée sur les bords du Rhin, pour m’opposer au prince d’Orange, en cas que, sur l’avis du passage forcé du Rhin, il eût pris le parti de passer brusquement l’Yssel et de marcher à moi pour tomber sur l’armée à demi passée et attaquer mon arrière-garde », Vous aurez remarqué ces mots : « le passage qui fut glorieux pour la nation… » ; Louis XIV ne se donne que comme ayant été présent et reporte la gloire sur la nation même. […] Je pourrais insister sur d’autres parties de ce Mémoire si digne de son auteur ; j’aimerais à y remarquer une justice rendue en passant à ce modeste et utile officier, Martinet, tué au siège de Doesbourg, à qui Louis XIV accorde, au moment où il le perd, un tribut d’estime et de regret ; je pourrais relever aussi un certain air de satisfaction et de gloire répandu sur l’ensemble et qui couronne la récapitulation, l’espèce d’examen de conscience par où le roi termine le récit de cette magnifique année 1672. […] Et Goethe que l’on peut citer à côté de Boileau, Goethe le grand et judicieux critique, a observé excellemment que « lorsqu’une famille s’est fait remarquer durant quelques générations par des mérites et des succès divers, elle finit souvent par produire dans le nombre de ses rejetons un individu qui réunit en lui les qualités et les défauts de tous ses ancêtres : il en est de même, ajoute-t-il, des peuples célèbres qui, la plupart, ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la Nature les avait destinés à en offrir le modèle. » Et il cite en exemple Voltaire, le plus Français des hommes, celui que la Nature semble avoir chargé de représenter la France à l’univers.

270. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Horace a remarqué que presque aucun mortel n’est content de son sort, et qu’on est disposé plutôt à louer et à envier ceux qui suivent des conditions différentes. […] Il s’était essayé en poésie et avait lancé dès 1809, sous le titre de Nouvel Art poétique, une assez fine satire contre l’école descriptive de Delille, qui avait été fort remarquée et qui avait réussi. […] Puisque j’ai rencontré le souvenir d’un aimable érudit, il est impossible de ne pas remarquer, à l’honneur de M. 

271. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Et remarquez que, dans cette conquête de la vérité, chacun procédait à sa manière et s’y prenait selon ses moyens : les uns par le sentiment, les autres par la justesse du mouvement et la copie naïve, les autres par l’audace des tons, l’ardeur et la couleur ; on montait à l’assaut et on entrait dans la place comme on pouvait ; l’essentiel était d’y entrer et de s’y loger sur un point. […] Eudore Soulié, me fait remarquer que la croix de Saint-Louis ne se donnait pas ainsi sur le champ de bataille, comme la croix d’honneur. […] On remarquera cependant qu’Horace ne peignit aucun épisode de la campagne d’Espagne, toute royaliste.

272. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

On remarquera que dans les Petits bonheurs et dans les Toquades se retrouvent quelques-uns des mêmes motifs et des mêmes sujets. […] Et comme beauté de dessin dans un autre genre, et comme charme, on me fait remarquer dans le quatrième Dizain ce n° 40, cette femme debout, cette débardeuse montée sur une banquette et adossée à une loge dans un bal masqué, plongeant de l’œil dans la salle et regardant amoureusement la danse sans y prendre part cette fois ; avec ces mots : « Il lui sera beaucoup pardonne, parce qu’elle a beaucoup dansé !  […] Royer, allant le voir un jour, le trouva à même d’une pierre et cherchant un effet de dessin qu’il avait remarqué chez Daumier.

273. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

« Ce prince, disait dès lors un bon observateur, est naturellement caché et secret ; quelque soin qu’on prenne de pénétrer ses véritables sentiments, on les connaît difficilement, et j’ai remarqué qu’il fait des amitiés à des gens pour qui je sais qu’il a de l’aversion… Je suis fort trompé si Madame Royale elle-même doit faire beaucoup de fondement sur sa tendresse et sur sa déférence, quand il sera le maître. […] L’enfant timide disparaissait : le jeune homme commençait à se révéler. » On remarqua aussi, vers ce même temps, qu’il était moins farouche auprès des femmes, et Mlle de Saluces commençait à l’humaniser. […] Je lui dirai que j’ai remarqué, depuis mon retour de Moncallier, une mélancolie morne en Son Altesse Royale, une dissimulation profonde et une inquiétude perpétuelle dans son esprit, que j’ai même jugée quelquefois pouvoir venir aussi bien d’un reste de maladie ou d’une inégalité de tempérament, que de quelque dessein caché… Il passe des temps considérables de la journée ou dans une cave ou sur un lit ; rien ne le contente ni ne le divertit.

274. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

On a souvent cité ce passage que je voudrais voir traduit plus exactement qu’on ne le fait d’habitude9 ; quelqu’un qui s’y connaît me fait remarquer que les vers de Cervantes ne sont pas aisés à traduire ni même toujours à entendre. […] Ce spirituel vieillard à qui l’on fit remarquer un matin, tandis qu’on l’habillait, une tache de gangrène sénile à l’une de ses jambes, cacha à ses gens le pronostic qu’il en tirait, n’avertit qu’un ou deux amis intimes à l’oreille, en invita un plus grand nombre, dix ou douze, à venir passer chez lui la soirée pour chacun des jours suivants, vers cinq heures ; il leur promettait des tables de jeu, des échiquiers, des trictracs, de quoi faire passer agréablement le temps. […] Le traducteur avait tâché, comme il disait, d’accommoder son texte au génie et au goût de notre nation, sans trop s’éloigner du sujet, et de telle sorte que quelques endroits sentissent encore l’espagnol ; car, remarquait-il naïvement, « j’ai cru qu’une traduction doit toujours conserver quelque odeur de son original, et que c’est trop entreprendre que de s’écarter entièrement du caractère de son auteur. » Cette traduction de Filleau de Saint-Martin, qui est des meilleures dans le goût du xviie  siècle, et des plus belles comme on disait alors, fut aussi attribuée à M. 

275. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Duveyrier a tracé de lui une vie abrégée et un beau portrait en ces termes : « … Héritier de la réputation de ses ancêtres, Othman, dès son enfance, s’est fait remarquer par sa perspicacité. […] Othman fait d’abord trois voyages en Algérie, et, entre chacun de ces trois voyages, il conduit des explorateurs français dans son pays ; enfin, pour couronner ses efforts, tendant à des ouvertures de relations, il vient en 1862 à Paris, ville où jamais un Targui n’avait mis les pieds… Homme d’une haute intelligence et d’un grand sens pratique, Othman a surtout remarqué en France ce qui contraste avec le désert : le nombre considérable des habitants, l’abondance des eaux, la richesse et la variété de la végétation, la rapidité et la sécurité des communications, enfin la généreuse hospitalité qu’il y a reçue. […] Biston, avocat à Châlons-sur-Marne, veut bien m’écrire à ce sujet : « S’il n’est pas tout à fait exact de dire que, dans la Coutume de Champagne, la femme représente le principe noble, comme chez les Touareg, on doit cependant remarquer que nos damoiselles y jouissaient d’un privilège considérable, puisque lorsqu’elles épousaient des roturiers, elles ne perdaient pas leur noblesse, et pouvaient la transmettre à leurs enfants.

276. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Aujourd’hui, remarquez-le, les ignorants eux-mêmes en ont fini (la plupart du moins) avec les idées absurdes que l’on se faisait du monde au Moyen-Âge et qui ont duré jusqu’au triomphe des doctrines et des résultats de Copernic, de Galilée, de Descartes, de Newton. […] Il a cru devoir remarquer que le livre de Fontenelle « n’est plus au niveau de la science et de la philosophie » ; ce qui est très vrai, au moins pour la science. […] Remarquez qu’en telle matière où l’on n’aura sans doute jamais de résultats précis, ce qui importe le plus, c’est d’élever sa pensée et de la tenir ouverte, d’atteindre des aperçus, d’entrevoir les vraisemblances, sans aller retomber et verser dans des crédulités d’un autre genre.

277. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Cousin a très-bien remarqué, dans sa préface du Sic et non, que le propre de la renaissance du xiie  siècle avait été, pour la philosophie, d’être excitée déjà suffisamment, et non opprimée encore, comme le xvie , par l’antiquité. […] Dans l’histoire de cette sainte, morte à vingt-quatre ans, fille de rois, mariée enfant au jeune landgrave de Thuringe et de Hesse qu’elle appelle jusqu’au bout du nom de frère, et qui la nomme sœur, bientôt veuve par la mort de l’époux parti à la croisade, persécutée, chassée par ses beaux-frères, puis retirée à Marbourg au sein de l’oraison, de l’aumône, et mourant sous l’habit de saint François ; dans cette histoire si fidèlement rassemblée et réédifiée, ce qui brille, comme l’a remarqué l’auteur, c’est surtout la pureté matinale, la virginité de sentiment, la pudeur dans le mariage, toutes les puissances de la foi et de la charité dans la frêle jeunesse. […] Indépendamment de toute explication surnaturelle, il y a ici un grand fait psychologique à remarquer : la singulière et puissante faculté dramatique que nous possédons tous en dormant, même quand, durant la veille, nous en serions fort dénués.

278. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

On y démêle les sensations élémentaires ; on reconnaît que chacune d’elles comprend un renflement et un abaissement, c’est-à-dire une augmentation et une diminution d’intensité ; on peut remarquer les limites de chacune d’elles ; ces limites ne sont qu’à demi effacées. […] Pour que leurs éléments soient perceptibles à la conscience, il faut que, s’ajoutant les uns aux autres, ils fassent une certaine grandeur et occupent une certaine durée ; si leur assemblage reste au-dessous de cette grandeur et dure moins que cette durée, nous ne remarquons en nous aucun changement d’état. […] Jacques. — « Pour entendre le bruit de la mer quand on est sur le rivage, il faut bien qu’on entende les parties qui composent le tout, c’est-à-dire le bruit de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l’assemblage confus de tous les autres ensemble et qu’il ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seule.

279. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Il est même à remarquer que le sens dramatique, loir de se développer à mesure qu’on s’éloigne de Jodelle, va s’atrophiant et s’effaçant : Montchrétien, supérieur par le génie poétique, n’a plus guère de ces lueurs d’invention théâtrale qu’on pouvait encore surprendre chez Garnier, dans sa Bradamante, par exemple, ou ses Juives. […] Là, en effet, on se trouvait affranchi malgré soi du joug de l’antiquité, et, comme je l’ai déjà remarqué à propos de la poésie lyrique, l’actualité vivante des sujets ou des sentiments, les passions du temps, surtout le fanatisme ou bien l’enthousiasme religieux, mettaient dans les œuvres un principe de sincérité qui les élevait. […] Sur cette misérable scène de l’Hôtel de Bourgogne, à la maigre lueur des chandelles, le contraste de la réalité signifiée et de l’image figurée était trop fort ; on remarqua que la forêt était un arbre, la mer un bassin : on s’étonna que l’Allemagne et le Danemark, ou même la place Royale et les Tuileries ne fussent séparés que par quelques toises, et qu’en une heure le héros eût vieilli de trente ans.

280. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

On voit que Racine développe avec autant de soin le premier terme de la comparaison que l’image, et on peut remarquer aussi que c’est en termes abstraits qu’il développe cette idée abstraite. […] Montesquieu écrira : « Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent l’arbre au pied, et cueillent le fruit ; voilà le gouvernement despotique » ; mais, outre que la forme de comparaison est encore conservée ici, ces exemples étaient rares et remarqués. […] Quant à Byron, sans parler de quelques beaux symboles de lui, tels que sa Grèce mourante, connus de tout le monde et presque populaires, on peut dire que son style présente continuellement ce mélange de langage positif et figuré dans la même phrase, qui est aussi, comme on l’a remarqué, l’artifice presque continuel du style de Shakespeare.

281. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Voilà comme il se juge, et il avait raison à cette date ; cet homme de vingt-cinq ans sent qu’il n’est rien encore et qu’il n’a pas même commencé : « Quand des personnes d’un certain rang, fait-il remarquer, remplissent la moitié d’une carrière, on leur adjuge le prix que les autres ne reçoivent qu’après l’avoir achevée. » Et il s’indigne de cette différence de mesure, comme si l’on jugeait les princes d’une nature moindre que les autres hommes, et moins capables d’une action entière. […] Au point de vue du goût, il y aurait bien des choses à remarquer. […] Egger) me fait remarquer qu’il y a entre Frédéric historien et Polybe des rapports réels et assez frappants.

282. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

La jeune Indienne, comme on la nommait à cause de son voyage d’Amérique, fut très remarquée à première vue, et elle ne perdait pas à l’examen. […] Avec sa parole qui servait si bien son esprit merveilleusement droit, elle définissait sa position, un jour qu’à Saint-Cyr on remarquait autour d’elle, en la voyant se fatiguer à la marche et ne pas se ménager, qu’elle ne se comportait pas comme les grands : « C’est que je ne suis pas grande, répliqua-t-elle, je suis seulement élevée. » De tous les portraits de Mme de Maintenon, celui qui nous la montre le mieux dans cette attitude dernière et réfléchie d’une grandeur voilée, est, selon moi, un portrait qui se voit à Versailles dans les appartements de la reine (nº 2258) : elle a plus de cinquante ans, elle est tout en noir, belle encore, grave, d’un embonpoint modéré, d’un front élevé et majestueux sous le voile. […] Mme de Maintenon aida autant que personne et tint la main à cette réforme dont le xviiie  siècle hérita : « Je me corrigerai des fautes de style que vous remarquez dans mes lettres, lui écrivait le duc du Maine ; mais je crois que les longues phrases seront pour moi un long défaut. » Mme de Maintenon dit et écrit en perfection.

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