Si les premiers compagnons, ou associés, eurent pour but une société d’utilité, on ne peut les placer antérieurement à ces réfugiés qui, ayant cherché la sûreté près des premiers pères de famille, furent obligés pour vivre de cultiver les champs de ceux qui les avaient reçus. — Tels furent les véritables compagnons des héros, dans lesquels nous trouvons plus tard les plébéiens des cités héroïques, et en dernier lieu les provinces soumises à des peuples souverains. […] Enfin le même axiome nous fait connaître dans sa dernière partie le secret motif pour lequel les Empereurs, en commençant par Auguste, firent des lois innombrables pour des cas particuliers ; et pourquoi chez les modernes tous les états monarchiques ou républicains ont reçu le corps du droit romain, et celui du droit canonique. […] Ils ont cru que les nations païennes, dès leur commencement, avaient compris l’équité naturelle dans sa perfection idéale, sans réfléchir qu’il fallut bien deux mille ans pour qu’il y eût des philosophes, et sans tenir compte de l’assistance particulière que reçut du vrai Dieu un peuple privilégié.
Au commencement du règne de Charles IX (1560), lors de la tenue des États à Pontoise, puis à Saint-Germain, Mézeray fait un tableau des plus animés et des mieux définis de l’air de la Cour à ce moment et des dispositions diverses qui partageaient les esprits par tout le royaume : Or, comme l’exemple du prince transforme toute la Cour, et que le reste de l’État se règle sur elle, la reine mère penchant du côté des huguenots pour récompense de la faveur qu’elle avait reçue de l’Amiral, le calvinisme était la religion à la mode, et il semblait que celle de l’Église romaine eût une vieille robe qui ne fût plus en usage que pour les bonnes gens. […] Vers ce temps du colloque de Poissy, quand le cardinal-légat envoyé de Rome n’est reçu qu’avec des risées et des railleries, et se voit exposé en cour aux insultes des pages et laquais, à cette heure où le cardinal de Lorraine lui-même ne serait pas fâché qu’on fît un pas et une pause à mi-chemin du côté de la communion d’Augsbourg, le fond de la population résiste et se porterait à des voies de fait contre les ministres protestants, si on ne les protégeait.
Gibbon a laissé de l’éducation qu’on recevait ou plutôt qu’on ne recevait pas à Oxford de son temps une description qui, dans la froideur de son ironie, est la plus sanglante satire.
Un brouillard dérobait la côte voisine ; le vaisseau de saint Louis, en s’approchant le soir à force de rames, heurta contre un banc et reçut un si grand choc, que chacun criait : Hélas ! […] Alors le roi appela les maîtres nautoniers devant les autres passagers principaux, dont était Joinville, et leur demanda leur avis sur le coup que le bâtiment avait reçu.
Boileau y reçoit sa leçon, sa réprimande très sensible au passage ; et je serais bien étonné si ensuite, dans quelque conversation à Bâville ou à Auteuil, il n’avait pas eu une prise avec Bourdaloue sur ce sujet. […] Il a parlé quelque part de cette forme et de cette espèce de directeur à la mode et très goûté de son temps, « qui semble n’avoir reçu mission de Dieu que pour une seule âme, à laquelle il donne toute son attention ; qui, plusieurs fois chaque semaine, passe régulièrement avec elle des heures entières, ou au tribunal de la pénitence ou hors du tribunal, dans des conversations dont on ne peut imaginer le sujet, ni concevoir l’utilité ; qui expédie toute autre dans l’espace de quelques moments, et l’a bientôt congédiée, mais ne saurait presque finir dès qu’il s’agit de celle-ci » : directeur délicieux et renchéri, exclusif et mystérieux, dont Fénelon est le type idéal le plus charmant (le Fénelon de Mme Guyon et avant l’exil de Cambrai).
La Fare ne se sépare guère de Chaulieu, et si on lit encore quelques-uns de ses vers légers, ce n’est guère qu’à la suite de ceux de son ami : il mérite pourtant une considération à part ; il a une physionomie très marquée ; il laisse même à qui l’étudie une impression toute autre que celle que l’on reçoit de la rencontre de Chaulieu. […] Né en 1644 d’une noble famille du Vivarais, fils d’un père homme de mérite et qui avait laissé de bons souvenirs, il entra dans le monde à dix-huit ans (1662), l’année même où Louis XIV, affranchi de la tutelle de Mazarin, préludait à sa royauté sérieuse : « Ma figure, dit-il, qui n’était pas déplaisante, quoique je ne fusse pas du premier ordre des gens bien faits, mes manières, mon humeur et mon esprit qui étaient doux, faisaient un tout qui plaisait à tout le monde, et peu de gens en y entrant ont été mieux reçus. » Mme de Montausier, cette personne de considération, lui témoignait de l’amitié en souvenir de son père, et l’appuyait de son crédit.
Dans cette raillerie de la princesse Wilhelmine, il se mêlait bien plus de gaieté encore et d’irrésistible sentiment du ridicule que de malice amère ; elle ne chercha jamais à rendre à personne le mal qu’elle en avait reçu. […] Vous me voyez encore effarouché (16 juin 1753) de mes aventures avec messieurs les beaux esprits ; mais j’ai essuyé quelques éclaboussures en passant, comme il arrive qu’on reçoit des coups en voulant séparer des gens qui se battent.
Au sortir de là et sa démission obtenue, le roi avait nommé M. de Marca, un savant homme, un ancien magistrat devenu homme d’Église, et qui mourut brusquement dans le temps même où il recevait ses bulles : on se rabattit alors à messire Hardouin de Péréfixe, ancien précepteur du roi, écrivain assez agréable dans sa Vie de Henri le Grand, assez instruit, assez bonhomme, mais sans caractère, sans élévation d’âme ni aucune dignité extérieure : il ne fut jamais au niveau de sa haute position, et il encourut en plus d’un cas le ridicule. […] À peine est-il entré que M. de Harlay lui saute au cou, l’embrasse, s’appelle lui-même le plus malheureux des hommes, se plaint à l’abbé Legendre, qui était présent, que la modestie obstinée du bon vieillard ne lui ait jamais permis de rien faire pour lui et de lui rendre ce qu’il en avait reçu autrefois de secours en tout genre : « Voilà, disait-il en se tournant vers l’abbé Legendre et en montrant le vieillard rustique, voilà un homme des plus distingués par l’esprit, par le cœur, par la science, et qui a bien mérité de moi à tous égards ; car, dans le cours de mes études, il m’a aidé des plus salutaires conseils, et plus d’une fois aussi de sa libéralité et de sa bourse. » On juge des pleurs du vieillard ainsi accueilli à bras ouverts par le premier et le plus illustre seigneur des prélats de France.
Il déclarait au roi ne pouvoir prendre sur lui plus de responsabilité, à moins qu’il ne reçût un ordre positif ; et si l’ordre était venu, il eût été le premier sans doute à proposer les objections. […] Mais il ne cessa point d’être le général en chef, et un général intrépide, celui qui entrait dans les retranchements de Denain à cheval à la tête de ses troupes, et qui recevait en personne la soumission du duc d’Albemarle et des sept ou huit lieutenants généraux de l’empereur ; il avait le droit d’écrire au ministre, du camp de Denain, le soir même (24 juillet) : « Je n’ai pas le temps, Monsieur, de vous écrire une bien longue lettre ; je ne puis trop me louer des troupes.
M. de Noirmont se trouve à propos dans le parc pour les recevoir à leur arrivée et pour essuyer le premier choc : elles ignorent tout ce qui s’est passé, et que le duc Pompée est marié, et qu’il a nom désormais le comte Herman, et qu’il est converti à la vie régulière, amoureux de sa femme… Noirmont les informe et les instruit ; un instant, il essaye de décourager Pompéa et de lui ôter l’idée de revoir celui à qui elle doit tout. […] Pour la première fois, après bien des agaceries, au retour de la chasse où il a accompagné Emma, sa prochaine belle-sœur, il lui arrive de risquer une déclaration qui n’est pas mal reçue d’elle.
Je ne me flatte pas d’avoir tenu la balance parfaitement égale dans la comparaison que j’ai essayé d’établir ; mais si je n’ai pas été tout à fait aussi juste que je l’aurais voulu, je ferai réparation en donnant ici la lettre à la fois gracieuse et véridique que m’a écrite à cette occasion la personne distinguée, ainsi prise à partie par moi sans plus de façon et mise en antagonisme avec Eugénie de Guérin : « Monsieur, « Je reçois le Constitutionnel, et je viens vous remercier d’un cœur sincère. […] « Telle est mon histoire, en deux mots. — Mais il m’en faudrait cent pour vous dire à quel point, vous sachant un peu prévenu, et le comprenant mieux que personne (vous pouvez m’en croire), je suis touché de votre bonté pour moi, et reconnaissante de la place que vous m’avez donnée à côté d’une femme que je respecte et pour laquelle j’éprouve un vif attrait. — Soyez-en bien persuadé, monsieur, et veuillez recevoir, etc.
Pour un Guigniaut, pour un Viguier, pour un Cousin, qui, jeunes et ardents, allaient à la découverte, la plupart se tenaient à l’opinion reçue et continuaient de vivre en bons et loyaux rhétoriciens et humanistes. […] Je dois dire que nos déistes homériques ne se rendent pas si aisément, et j’ai reçu de M.
C’est ainsi qu’il nous le montre dans les dernières années au Conseil, sourd, avec son menton d’argent (à cause d’un mal qui lui rongeait le bas du visage), parlant haut, criant sans en être mieux écouté, opinant pour qu’on reçoive les remontrances du Parlement et jouant le citoyen, hoc solo imitatus civem : « Le maréchal de Noailles opina bravement pour qu’on reçut les Remontrances, disant que le roi doit toujours écouter ses sujets, sur quelque plainte que ce soit qu’ils aient à lui porter, sauf à punir ceux qui les portent avec injustice et irrévérence.
Ce n’est pas la première fois que Saint-Simon reçoit un vigoureux assaut. […] Au roi de Wurtemberg, qui ne se souciait pas d’avoir Vandamme pour commander le corps wurtemburgeois, et qui demandait un autre chef pour ses troupes dans la campagne qui allait s’ouvrir, Napoléon répondait le 31 mars 1809 : « J’ai reçu la lettre de Votre Majesté.
. — Moralistes, ils ont des sorties misanthropiques à la Chamfort : « On est dégoûté des choses par ceux qui les obtiennent, des femmes par ceux qu’elles ont aimés, des maisons où on est reçu par ceux qu’on y reçoit. » Je crois avoir assez marqué la variété de ce Recueil, qui gagnerait à ce qu’on en retranchât, à la réimpression, une vingtaine de pensées par trop recherchées et aussi énigmatiques par le fond que par la forme.
Ses lettres au maréchal se multiplient : il rend compte de ses moindres mouvements, des moindres informations qu’il reçoit ; il tient à faire preuve de déférence, marquant bien que pour chaque observation il n’attend pas de réponse. […] monsieur le comte, vous vous fâchez ; M. le comte de Clermont a envoyé recevoir les ordres de M. le maréchal, il les aura dans un moment. » En effet, la réponse arriva : ce fut d’aller en avant, comme le comte d’Estrées l’avait proposé. » Ce récit n’est point tout à fait exact, et Rochambeau, présent à l’action, le rectifie sur quelques points : « M. le comte d’Estrées marcha, à la tête de plusieurs colonnes d’infanterie, droit au village (d’Ans), le faisant tourner par l’infanterie des troupes légères : il fut emporté, et la gauche de l’ennemi fut prise en flanc par tout le corps commandé par ces trois généraux.
Gautier est tel ; il aime, non pas à modifier, mais à retourner sans dire gare les jugements les plus reçus. […] Qu’il eût reçu de la nature un génie prompt, facile et brillant, c’est ce que les contemporains ont reconnu généralement, et ce qu’il serait cruel, après ses malheurs, de venir lui refuser.
Élevée par son oncle le bon abbé de Coulanges, elle avait de bonne heure reçu une instruction solide, et appris, sous les soins de Chapelain et de Ménage, le latin, l’italien et l’espagnol3. […] C’était, comme dit Mme de Sévigné, des conversations infinies : « Après le dîner, écrit-elle quelque part à sa fille, nous allâmes causer dans les plus agréables bois du monde ; nous y fûmes jusqu’à six heures dans plusieurs sortes de conversations si bonnes, si tendres, si aimables, si obligeantes et pour vous et pour moi, que j’en suis pénétrée7. » Au milieu de ce mouvement de société si facile et si simple, si capricieux et si gracieusement animé, une visite, une lettre reçue, insignifiante au fond, était un événement auquel on prenait plaisir, et dont on se faisait part avec empressement.
Il en est aussi qui, moins nécessaires, ont cependant été si constamment et communément reçues que toute image, toute métaphore a disparu. […] Quand l’enfant de cet homme Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ; Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ; Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble Être si grand et si petit ; Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles, Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles Autour du nouveau-né riant sur son chevet ; Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde, Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde Selon le songe qu’il rêvait ; Quand tout fut préparé par les mains paternelles Pour doter l’humble enfant des splendeurs éternelles ; Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ; Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire, On eût enraciné bien avant dans la terre Les pieds de marbre des palais ; Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France Un vase tout rempli du vin de l’espérance ; Avant qu’il eût goûté de ce poison doré, Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe, Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe, Et l’emporta tout effaré.
La fausseté de cette conception absolue choque Michelet ; il a reçu de Vico son « principe de la force vive, de l’humanité qui se crée ». […] Les descriptions qu’ils renferment, paysages, ou phénomènes naturels, ou bien actes des êtres vivants, nous aident aussi à reconnaître la singulière acuité de sa vision : son œil reçoit l’impression des plus fines modifications de la nature sensible, et sa mémoire les rend en leur fraîcheur première.
Je ne sens pas qu’il soit uni par une sympathie morale à cette nature extérieure dont il reçoit si fortement toutes les valeurs : nul autre lien entre elle et lui que la sensation physique. […] Une troisième direction reste, dans laquelle la poésie objective peut se trouver : elle consiste à recevoir de la perception extérieure la matière des vers, en sorte que le moi n’y contribue que par sa représentation du non-moi.
§ 1er C’est de Jésus-Christ que les apôtres et leurs successeurs ont reçu le pouvoir de « remettre ou retenir les péchés ». […] Ouvrez quelque part un cœur qui reçoit les confidences du pécheur fatigué de porter tout seul le fardeau de ses fautes : tout à coup il se fait comme un mystérieux échange, je dis plus, une mystérieuse aliénation.
Les impressions qu’il reçoit des objets sont si vives qu’il n’existe pour ainsi dire pas en dehors d’elles. Il a, de plus, reçu le don de les traduire dans une langue si fébrilement expressive, que tout lui paraît languir à côté de ce mode de traduction.
Charrier reçoit cet argentier maladroit, et de quel ton il lui parle, et de quel œil il le toise ! […] Il en sort des réputations toutes faites qui sont reçues dans toutes les coteries et des excommunications mystérieuses qui mettent au ban de tous les salons.
Il a reçu, on le sent, une éducation moins attique, et il sait plus d’algèbre que ces deux illustres anciens. […] Parvenus dans les salles, des aides de camp et des interprètes les recevaient avec respect, leur faisaient servir des sorbets, du café.
Ferdousi avait toujours eu le projet, avec la somme d’or qu’il recevrait, de bâtir une digue qui contînt les eaux, et d’être ainsi le bienfaiteur de sa contrée. […] Approuves-tu donc et peux-tu concilier ces deux choses, que tu aies reçu la vie et que tu l’enlèves à un autre ?
Saint-Simon était doué d’un double génie qu’on unit rarement à ce degré : il avait reçu de la nature ce don de pénétration et presque d’intuition, ce don de lire dans les esprits et dans les cœurs à travers les physionomies et les visages, et d’y saisir le jeu caché des motifs et des intentions ; il portait, dans cette observation perçante des masques et des acteurs sans nombre qui se pressaient autour de lui, une verve, une ardeur de curiosité qui semble par moments insatiable et presque cruelle : l’anatomiste avide n’est pas plus prompt à ouvrir la poitrine encore palpitante, et à y fouiller en tous sens pour y étaler la plaie cachée. […] On aurait dit que, du fond de son exil de Cambrai, Fénelon recevait en plein le rayon, et qu’à côté de son royal élève il régnait déjà.