L’auteur de Saint Louis et son temps ne comprend son sujet qu’avec son esprit, et il ne le fait point sentir avec son cœur… Je sais bien qu’il est rare qu’on ait à mettre son cœur dans une histoire politique, où le jugement est bien assez pour la besogne qu’ordinairement on a à y faire ; mais la politique de Saint Louis n’est pas une politique d’homme d’État « qui a son cœur dans sa tête », comme le voulait Napoléon. […] Les héros ne sont pas rares sur le trône de France.
Assurément on peut abuser de cette supériorité-là comme de toutes les autres ; car c’est une observation qui n’a pas été assez faite, que plus les facultés sont rares et grandes, plus l’usage en peut tourner vite à l’abus, apparemment par la raison qu’il est plus aisé de tomber, à mesure qu’on s’élève. […] Destinée singulière et moins rare qu’on ne pense que ce contresens suprême entre les idées et les facultés !
Il n’était pas, d’ailleurs, de vocation absolue, un romancier, quoiqu’il ait fait aussi des romans, et, entre autres, ces Docteurs du jour, qui ont un cadre romanesque dessiné pour y mettre bien autre chose que des romans, et qui pourtant en contiennent un, si ce n’est deux… Brucker avait d’autres facultés que celles-là avec lesquelles on crée des fictions intéressantes ou charmantes, et ces facultés impérieuses et précises avaient trop soif de vérité pour s’arrêter beaucoup aux beautés du rêve, qui traversèrent cependant son imagination dans la chaleur de sa jeunesse, quand, par exemple, il écrivit en collaboration ce roman des Intimes, oublié, comme s’il l’avait fait seul, malgré les diamants d’esprit qu’y jeta Gozlan et qui ne firent point pâlir les rubis que lui, Brucker, plaça à côté… La gerbe de facultés différentes qu’avait Brucker et qui se nuisaient peut-être les unes aux autres par le fait de leur nombre, avaient, au centre du magnifique bouquet qu’elles formaient, deux fleurs superbes et excessivement rares : la métaphysique, — non pas froide chez lui comme chez les autres métaphysiciens, mais de feu, — et une puissance de formule algébrique qui donnait à ses idées et à son style — même littérairement — une rigueur et une plénitude incomparables. […] Et il n’avait pas que le génie de l’éloquence, il avait celui de la conversation, bien autrement rare que l’éloquence et bien au-dessus, malgré ce qu’en peuvent penser les badauds.
Caro est un esprit très fin et très clair, d’un timbre très pur, d’une sonorité d’harmonica très agréable, mais qui peut faire mal aux nerfs, à force de douceur, aux gens organisés comme moi… C’est un esprit infiniment cultivé, d’une rare aptitude aux choses de la philosophie, qu’il a toujours maniées, ces choses lourdes, avec une grande légèreté, prestesse et même grâce de main. […] Ces soixante pages, d’une beauté rare, et certainement les plus belles du livre, ont une froideur mélancolique du plus poignant effet, et que le livre n’a plus, quand il arrive à Renan, Taine et Vacherot, les représentants, selon Caro, chacun à sa manière, de ces idées qui marqueront la philosophie de cette minute du xixe siècle d’une si profonde insanité.
Mais, pour ne pas parler de ces hommes trop rares dont nous avons le souvenir et dont nous n’avons plus la race, les Estienne, les Alde Manuce, les Elzévir, etc., il y en eut, au-dessous de ceux-là, beaucoup d’autres, qui avaient au moins l’art de leur industrie, et pour qui l’unique et suprême question n’était pas de vendre et de gagner, n’importe à quel prix ! […] C’est cette double force, trop rare, il faut bien le dire, parmi les libraires de ce temps, que Didier a montrée en réimprimant le livre de Stendhal sur l’amour.
Au crible du Temps, les hommes sont rares ; ceux qui peuvent s’imposer comme tels. […] … Selon nous, ce qui range à part le génie de Balzac parmi les autres génies contemporains et européens, c’est l’esprit, cette faculté perdue que je nommerais volontiers anti-dix-neuvième siècle, tant elle est rare à cette époque, même dans les talents réputés les plus grands !
Il consiste presque toujours dans des allusions fines, ou à des traits d’histoire connus, ou à des préjugés d’état et de rang, ou aux mœurs publiques, ou au caractère de la nation, ou à des faiblesses secrètes de l’homme, à des misères qu’on se déguise, à des prétentions qu’on ne s’avoue pas ; il indique d’un mot toute la logique d’une passion ; il met une vertu en contraste avec une faiblesse qui quelquefois paraît y toucher, mais qu’il en détache ; il joint presque toujours à un éloge fin une critique déliée ; il a l’air de contredire une vérité, et il l’établit en paraissant la combattre ; il fait voir ou qu’une chose dont on s’étonne était commune, ou qu’une dont on ne s’étonne pas était rare ; il crée des ressemblances qu’on n’avait point vues ; il saisit des différences qui avaient échappé ; enfin, presque tout son art est de surprendre, et il réussit presque toujours. […] Un écrivain ne peut manquer de plaire quand il est lui, c’est-à-dire, quand son esprit est assorti à son caractère ; mérite plus rare qu’on ne pense.
Hugo », puis la pléiade des Parnassiens ; mais il ne faisait que de rares tentatives sur un domaine qui lui semblait gardé par d’insurmontables difficultés.
Octave Mirbeau Si vos Nuits ne sont pas encore un chef-d’œuvre, elles en donnent l’espérance, et c’est déjà beaucoup et c’est aussi très rare.
Le volume des Convictions est remarquable par un accent de sincérité et de fière indépendance, qui relève bien l’homme, un abrupt civilisé qui prétend n’appartenir à aucune classe, à aucune coterie, et qui n’a publié ses vers qu’à rares intervalles, au gré de sa libre fantaisie, dans sa vie errante et active à la fois.
Il n’y a pas une page où le plus difficile des lettrés ne puisse trouver un rare plaisir.
Ce sont des poèmes hautains et mélancoliques, d’une rare harmonie linéaire et symétrique, non sans parenté avec les belles ordonnances où se comptait maintenant M.
Ses Oraisons funebres annoncent de vrais talens pour l’éloquence, & sur-tout l’art si précieux & si rare aujourd’hui, d’intéresser par le sentiment.
La Raison, c’est-à-dire, cette saine Raison, si rare dans les Ouvrages de ce Siecle, y marche d’un pas ferme, le flambeau à la main, & découvre, sur sa route, des vérités profondes, enchaînées les unes aux autres, formant un Tout aussi instructif, que pensé avec justesse, & sagement digéré.
A cela près, on ne sauroit trop admirer l'étendue des connoissances, des recherches, & la littérature qu'elle offre à l'esprit du Lecteur, étonné de voir tant d'événemens traités sans confusion & avec une rare supériorité.
Elle a même cela de particulier, qu’elle s’exprime avec une douceur & une onction rares dans tout ce qui appartient à la Philosophie.
C’est une extravagance si inimitable et si rare.
Les héros, les amants romanesques, les grands patriotes, les magistrats inflexibles, les apôtres de religion, les philosophes à toute outrance, tous ces rares et divins insensés font de la poésie dans la vie, de là leur malheur. […] Je ne m’en pressai pas davantage ; je me mets quelquefois à table le soir, mais il est rare que je mange. […] S’il est rare de trouver un homme qui sache perdre, combien il est plus rare d’en trouver un qui sache gagner ! […] De là vient la rapidité de la conversation où tout s’expédie par formules, comme à l’académie ou comme à la halle où l’on n’attache les yeux sur une pièce que quand on en suspecte la valeur, cas rares de choses inouïes, non vues, rarement apperçues, rapports subtils d’idées, images singulières et neuves. […] Les scènes de ténèbres sont rares dans les compositions tragiques ; la difficulté du technique les rend encore plus rares dans la peinture, où d’ailleurs elles sont ingrates et d’un effet qui n’a de vrai juge que parmi les maîtres.
Ce sentiment, comme tous ceux que l’auteur a mis en œuvre, est exprimé toujours avec une rare délicatesse, une véritable finesse de nuances.
Le seul mérite qu’on y reconnoisse, est le nombre & l’harmonie, qualités rares dans les Poëtes, ses contemporains.
Il n’était pas rare qu’on en rapportât chez leurs parents de grièvement blessés.
Son dessin de l’intérieur de la Magdeleine est très-bien éclairé ; c’est l’effet d’une lumière douce, rare, vague et blanchâtre, comme on la remarque aux édifices nouvellement bâtis, lorsqu’elle traverse des verres laiteux, ou qu’elle a été réfléchie par des murailles neuves.
En voici un rare, un sublime dans son genre, à moins qu’on ne veuille lui préférer le Bélisaire .
Il mentionnera la signification précise de tous les termes rares qu’on ne rencontre point dans les lexiques ordinaires et même celle des mots que délaissent d’habitude les pauvres vocabulaires de nos écrivains en renom.
M. le chevalier de Angelis, auteur de travaux inédits sur Vico, a bien voulu nous communiquer la plupart des ouvrages italiens que nous avons extraits ou cités ; exemple trop rare de cette libéralité d’esprit qui met tout en commun entre ceux qui s’occupent des mêmes matières.
Or, du moment où les papes ont un gouvernement, ils ont des ministres ; et si au nombre de ces ministres ils ont le bonheur de trouver un homme supérieur, modéré, dévoué jusqu’à l’exil et jusqu’à la mort, comme Sully était censé l’être à Henri IV ; si ce rare phénix, né dans la prospérité, éprouvé par les vicissitudes du pouvoir et du temps, continue pendant vingt-cinq ans, au milieu des fortunes les plus diverses, en butte aux persécutions les plus acerbes et les plus odieuses, à partager dans le ministre, sans cause, les adversités de son maître ; si le souverain sensible et reconnaissant a payé de son amitié constante l’affection, sublime de son ministre, et si ce gouvernement de l’amitié a donné au monde le touchant exemple du sentiment dans les affaires, et montré aux peuples que la vertu privée complète la vertu publique dans le maître comme dans le serviteur ; pourquoi des écrivains honnêtes ne rendraient-ils pas justice et hommage à ce phénomène si rare dans l’histoire des gouvernements, et ne proclameraient-ils pas dans Pie VII et dans Consalvi le gouvernement de l’amitié ? […] C’était un homme d’un rare mérite : il connaissait la philosophie, les mathématiques, la théologie et les belles-lettres, et j’ai rarement vu quelqu’un digne de lui être comparé. […] Or jamais il ne demanda rien, et, chose rare et même unique, il fut constamment estimé et aimé par trois papes successifs, Clément XIII, Clément XIV et Pie VI, qui tous, comme on sait, différaient d’habitudes et de caractère. […] J’avais à mon service un jeune homme de vingt ans, de mœurs angéliques, d’une prudence, d’une intelligence et d’une capacité très au-dessus de sa condition, d’une rare intégrité et d’une fidélité sans exemple, d’une propreté en tout et d’une amabilité peu communes.
Il est rare que ces deux forces se tempèrent si également, qu’on ne prenne pas trop de repos et qu’on ne se donne pas trop de fatigue, l’homme périt engourdi de mollesse ou exténué de lassitude. […] Ce morceau est très-beau, il est plein de grandeur et de majesté ; on l’admire, mais on n’en est pas plus ému, il ne fait point rêver, ce n’est qu’une vue rare où tout est grand, mais symmétrique. […] Pareillement, il est rare qu’un artiste excelle sans avoir vu l’Italie, et une observation qui n’est guère moins générale que la première, c’est que les plus belles compositions des peintres, les plus rares morceaux des statuaires, les plus simples, les mieux dessinés, du plus beau caractère, de la couleur la plus vigoureuse et la plus sévère ont été faits à Rome ou au retour de Rome. […] Monsieur Robert, votre talent est assez rare, pour que vous y ajoutiez la perfection des figures ; et quand vous les saurez dessiner facilement, savez-vous ce qui en résultera ?