CXI Ma sœur nous raconta l’amour du capitaine des sbires pour sa belle enfant, la condition que l’avocat avait mise tout bas à la vie du châtaignier et à la restitution de nos petits champs, troqués contre la cousine d’Hyeronimo. […] Le frère Hilario, qui connaissait la malice du monde de la ville, nous a raconté ensuite toute la chose ; mais encore, de quoi pouvions-nous douter ? […] La jeune mère regarda en dessous le visage endormi de son beau nourrisson et sourit de souvenir en s’envermeillant de pudeur ; puis elle raconta, sans lever une seule fois les yeux, et comme par pure obéissance à son père, ce qu’on va lire. […] Quant à l’enfant, il continuait à dormir sur le blanc oreiller, pendant que la jeune femme allait raconter comment il était venu au monde, entre deux rosées de sang et de larmes.
Il doit y être une créature humaine et vibrante, un être ému de ce qu’il raconte. […] Ce que quelques auteurs, quelques romanciers, plus courageux que les historiens, — ont raconté des chauffeurs de Bretagne, n’est point un fait isolé et circonscrit à une province. […] Il ne se soucia de rien que de ce qu’il avait vu dans ces Origines, et il fit mieux que de le voir : impassiblement, il le raconta. […] L’historien disparaît aussi dans ce qu’il raconte, et on admire cette force d’impersonnalité gardée au milieu d’un récit qui devrait la faire perdre cent fois à l’écrivain, et appeler, à chaque instant, la virulente éloquence de sa colère.
pas une des scènes de cette vie qui n’ait été dix fois, cent fois racontée, dans des romans plus ou moins bas, plus ou moins infects ! […] Je me suis interdit de raconter le sujet du livre, dégoûté par le genre de monde qui s’y vautre ; mais ce n’est pas ce monde-là qui m’en a seul empêché. On peut raconter, analyser d’autres livres où les vautreries ne manquent pas, mais dans L’Éducation sentimentale, cette suite de tableaux à la file, tout pareils à une lanterne magique, il n’y a rien à raconter.
Cette exclusion de l’abbé par ses confrères a été tant de fois racontée que j’en fais grâce. […] D’Argenson a raconté sur la fin de l’abbé une anecdote plus piquante que tout ce que celui-ci a dit de son Agaton.
Il y raconte tout et peut-être au-delà ; il s’y montre à nu, sans façon et d’assez bonne grâce pour un vieillard ; épicurien comme Horace, qu’il aime à citer, sensualiste ouvertement, sans trop de cynisme, quelque peu chrétien par là-dessus, à ce qu’il dit, je ne me chargerai pas d’expliquer comment ; plein de regrets pour le passé, mais sans trace de repentir, il va, il déroule à plaisir, il recommence sa jeunesse. […] La reine saisit donc le livre à temps, quoique déjà sous la couverture ; elle en lut au hasard quelques lignes qui la firent bien sourire, et, ayant appelé mademoiselle de Sparre, noble et belle fille de sa suite, et sa favorite la plus chère, elle lui marqua du doigt certains passages, qu’elle lui ordonna de lire tout haut, malgré les fréquents arrêts, la rougeur et la honte de cette jeune personne, et aux grands éclats de rire de tous les assistants. — Qui nous raconte cela, s’il vous plaît, sur ce ton de badinage ?
Dans une Introduction, l’auteur raconte somment, en un château assez voisin de Paris, chez le duc de…, qui, par ambition, s’est fait partisan très avancé des idées nouvelles, une société nombreuse, composée de militaires, de députés, d’artistes, de journalistes, se met à discuter un soir le grand sujet à la mode, à savoir si la source du progrès est dans la vie publique et sociale, ou s’il la faut chercher au foyer domestique. […] Lui aussi, il veut dire à la société ce qu’il pense d’elle ; il veut essayer si son esprit ne serait point par hasard le pivot sur lequel ce siècle doit tourner. » Simiane se déclare alors, et, pour le guérir du fatal projet, après avoir consulté Juliette du regard, il raconte sa propre histoire.
Quel attendrissement n’éprouve-t-on pas lorsqu’on entend les plaintes d’Arthur, jeune enfant dévoué à la mort par l’ordre du roi Jean, ou lorsque l’assassin Tirrel vient raconter à Richard III le paisible sommeil des enfants d’Édouard ! […] La souffrance physique peut se raconter, mais non se voir ; ce n’est pas l’auteur, c’est l’acteur qui ne peut pas l’exprimer noblement ; ce n’est pas la pensée, ce sont les sens, qui se refusent à l’effet de ce genre d’imitation.
On n’imagine pas, en effet, en plein xxe siècle, un homme de valeur véritable s’appliquant à traiter en vers un sujet donné, ou à nous raconter ses petits ravissements ou ses petits déboires avec des rimes dans la voix. […] Elle a tous les avantages pour raconter, traduire, commenter et enseigner, et la grande poésie, il est facile de s’en convaincre, ne la boude pas toujours.
Beaumont-Vassy nous a raconté les faits politiques qui se sont produits en Russie, ou sous l’action de son cabinet en Europe, depuis trente-neuf ans7 ; mais le premier journaliste venu en sait autant sur tous ces faits vus par l’écorce que Beaumont-Yassy lui-même, et vraiment était-ce bien la peine d’intituler fastueusement son ouvrage : De l’Empire russe depuis le Congrès de Vienne, si ce livre qu’on appelle ainsi n’a pas plus de profondeur et de consistance que la Gazette de Leipzig ou le Journal de Francfort ? […] L’histoire, qui met la main sur toutes les artères d’une société, ne saurait naître que quand une société existe assez pour avoir le besoin de se raconter et de se connaître.
On sent que l’homme qui raconte ainsi est un homme de bon sens, et d’un bon sens rendu plus solide encore par cet admirable et assainissant catholicisme qui guérirait le cerveau d’un fou, s’il y entrait ! […] Mais ce qu’il n’a pas voulu écrire, nous savons, nous, qu’il le raconte quelquefois, et ces faits, pour lesquels il choisit avec prudence son auditoire, démontrent un tel ramollissement de la fibre humaine chez les Chinois que le premier boulet venu — qu’il soit lancé par un peuple étranger ou par une révolution !
C’est la raison, sans doute, qui explique l’abandon familier de la notice d’Henry de la Madelène, lequel s’est contenté de nous raconter son héros dans un style rapide et quelquefois un peu saccadé, mais qui va de verve et rencontre çà et là des touches limpides. […] Pour bien raconter cette brûlante existence, si vite foudroyée, il semble qu’on aurait besoin du sentiment du poète qui a écrit les poèmes les plus chers à l’imagination contemporaine.
… Mais l’histoire, trop mâle pour s’attendrir jamais, trop juste pour être généreuse, l’histoire, quand elle raconte les bonnes et les mauvaises actions des hommes, doit avoir un autre langage que celui d’une apologie idolâtre ou d’une défense pleine de colère. […] En choisissant pour nous la raconter la vie de Clément XIV, ce pontificat de quatre années qui ne contient guères qu’une seule chose : la suppression de l’Ordre des jésuites, et en élevant, à propos de ce fait si lamentablement fameux qui contrista tous les cœurs dévoués à la cause du catholicisme, un monument de louange et de respect au pontife de l’abolition, le P.
Et pour la gourmande… Il n’y a qu’une carmélite, dans un livre écrit pour des carmélites, qui puisse raconter en détail les mortifications que cette gourmande s’imposait et qui soulèveraient de dégoût l’estomac et même la plume des gens du monde. […] Elle a raconté les intrigues de cette intrigante pour le ciel !
Il nous a donné une notice, bibliographiquement assez complète, sur Rétif de la Bretonne13 ; mais, selon nous, l’idée de raconter, d’atténuer ou d’excuser la vie d’un pareil homme, ne pouvait venir qu’à un écrivain chez lequel le xviiie siècle a fait fléchir un peu le sens moral. […] C’est bien assez que d’avoir à raconter les désordres du Génie, quand il commet des fautes et qu’il est désordonné, sans, de plus, se charger de dire les vices et les excès d’un homme de talent qui abusa de ses facultés, et dont le talent même ressemblait à la rage d’une maladie de débauche.
Il a beau nous raconter la vie de cette fille, qu’il nous dit si jolie et si voluptueuse, il ne rose ni ne rougit son récit de la fraîcheur de sa jeunesse ou de l’émotion de son plaisir. […] Toutes les infamies qu’il raconte de cette fille, qui fait de son amant une dupe, puis un fripon, et, plus qu’aimable dans l’infidélité, lui procure et lui envoie gratis une autre maîtresse pour qu’il ne soit pas trop de loisir pendant qu’elle lui est infidèle, ne tiédissent pas une minute ce style qui bouillonnerait d’indignation et de colère sous la plume d’un autre écrivain !
C’est une de ces tristesses éternelles que nous donnent, d’ailleurs, tous ces livres enivrants, mais amers, qui racontent l’amour et ses aveuglements funestes… Comme tout ce qui a aimé passionnément dans la vie, Réa Delcroix a aimé au-dessous d’elle, mais qu’importe cela ! […] Enfant jusque dans les soumissions de sa coquetterie : « J’ai raconté à mes cheveux — écrit-elle — qu’ils ne m’appartenaient plus et qu’ils doivent se tenir sages et rangés, et non pas indisciplinés et éparpillés comme des bohèmes.
Mais il est sourd-muet d’impression à tout ce qu’il raconte. […] Si l’on forgeait à Birmingham ou à Manchester des machines à raconter ou à analyser en bon acier anglais, qui fonctionneraient toutes seules par des procédés inconnus de dynamique, elles fonctionneraient absolument comme M.
Il a pu vivre les événements et les pensées qu’il racontait, en même temps qu’il les imprégnait de sa métaphysique. […] Pareillement il fut ému par les histoires qu’il racontait, se les racontant à lui-même, pour assouvir son besoin natif d’une vie supérieure. […] Anatole France raconte comment, un certain jour, il fit visite à son ami Jean. […] Je lui racontai l’histoire telle que je viens de vous la dire, et je lui demandai franchement son avis. […] Il jouait avec les loups, il racontait aux oiseaux de naïves légendes qu’il inventait pour leur plaire.
Lucrèce venant raconter son outrage, applaudie avec larmes !
— Une impression morale très-pénible, ç'a été celle qu’a produite la note insérée au Moniteur et dans laquelle le roi Louis-Philippe, non content de ses millions, en redemande d’autres et raconte ses secrets de ménage, ses gênes domestiques.
Le volume que nous avons sous les yeux laisse certainement à désirer pour l’art, pour la composition et l’expression ; souvent, quand il parle du Jour des Morts, quand il nous peint sa paisible et assise existence sous le toit qui est à lui, quand, dans le silence de son vallon, il entend et nous raconte la voix de son cœur, en ces endroits, tout en étant lui-même, le poète nous rappelle un peu trop le maître harmonieux dont l’inspiration l’a éveillé.
Hérold est l’un des plus objectifs parmi les poètes nouveaux ; il ne se raconte guère lui-même ; il lui faut des thèmes étrangers à sa vie, et il en choisit même qui semblent étrangers à ses croyances ; ses reines n’en sont pas moins belles ni ses saintes moins pures.
L’historien, dont Monsieur Racine a tiré le sujet de sa piece, raconte seulement que Titus renvoïa Berenice, et qu’ils se separerent à regret.
Ne pouvant supposer que la grossesse de celle-ci durât depuis mon départ de Matakon, je demandai à Ali ce qu’était devenu l’enfant dont elle avait dû accoucher après mon départ et il me raconta l’histoire que voici : Vers le mois de mai 1899, Nâna avait donné naissance à un garçon, mais ce petit garçon ne ressemblait en rien aux autres enfants.
« Un aliéniste allemand, le Dr Brosius de Bendorf, raconte avoir produit à volonté sa propre image qui posa devant lui pendant quelques secondes, mais s’évanouit immédiatement quand il essaya de reporter sa pensée sur son existence personnelle26. » Ces cas extrêmes montrent par leur exagération la nature de l’état normal. […] Les souvenirs de ses pérégrinations et de ses lectures avaient fini par complètement se confondre ; et tout cela se présentait à la fois à son esprit, lorsqu’il était étendu sur sa chaise longue ; il vous racontait gravement tout ce qu’il avait lu. […] Je le racontai à un de mes camarades, qui se moqua de moi, mais il me revenait très souvent à l’esprit. » Le 1er août, allant de Sancerre à Sancergues, il s’enivre, arrive trop tard, trouve la gendarmerie fermée. […] À la suite d’un songe trop long pour être raconté, ma propre figure m’est apparue, assise dans un fauteuil, près d’une table, avec une robe de chambre blanche à raies noires ; elle s’est tournée vers moi, et l’effroi a été si grand que je me suis réveillé en sursaut. […] Ce fait m’a été raconté par un témoin oculaire.
Recueilli dans le palais d’un patricien de Venise, amateur et protecteur des lettres, le poète raconte l’empire exercé sur ce vieillard par une jeune fille nommée Térésa qui finit par épouser le patricien. […] Il est curieux de lire ce que d’Aponte raconte, dans ses Mémoires, de sa première entrevue et de sa liaison constante ensuite avec le génie encore méconnu de la musique. […] Pour le tenir éveillé, sa femme se mit à lui raconter des contes bleus, et, trois heures après, il avait terminé cette admirable symphonie. […] “Va voir ce que c’est”, dit don Juan sans s’émouvoir davantage ; et Leporello, revenant tout effaré, raconte qu’il a vu la figure du commandeur, dont il imite la marche pesante et cadencée. […] L’homme raisonnable (prenant une prise de tabac). « Difficilement, car la signora est morte cette nuit, au coup de deux heures. » Cette catastrophe de la représentation de Don Juan, de Mozart, racontée ainsi par un indifférent à Hoffmann, à une table d’auberge, le lendemain de cette nuit qui avait transfiguré l’amateur en pur esprit, nous rappelle la mort de madame Malibran, la plus extatique apparition de la beauté, de l’enthousiasme et de la musique incréée, morte aussi d’excès d’impression musicale, après une représentation de Mozart.
Goethe raconte lui-même l’origine de ce roman, qui commence par une idylle et qui finit par un coup de feu. […] Les convives boivent, chantent, se racontent leurs amours. […] XXXV Le lieu change ; on est dans la maison d’une voisine pauvre, à laquelle Marguerite vient raconter naïvement qu’elle a trouvé une seconde cassette pleine de merveilles dans son armoire. […] Il semble frappé de respect à la vue de Marguerite étincelante de bijoux ; il raconte à la voisine que son mari absent est mort à Padoue, laissant un trésor, et comment il peut lui amener un témoin de sa mort, le soir, dans son petit jardin derrière la maison, pourvu que la charmante Marguerite s’y trouve aussi à la nuit tombante. […] Lieichen alors raconte à Marguerite la chute enfin ébruitée de la petite Barbe, abandonnée par son séducteur, qui s’est enfui sans l’épouser, après avoir abusé de sa tendresse.