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338. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chantavoine, Henri (1850-1918) »

En 1880, il a fait paraître les Satires contemporaines, qui devraient plutôt s’appeler les « Satires inoffensives » et qui ne sont guère que des fantaisies plus malicieuses que méchantes ; puis, en 1884, Ad Memoriam, œuvre de poésie personnelle et intime qui exprime la tristesse d’un rêve brisé !

339. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Ledent, Richard »

[Le Rêve (1895).]

340. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 507

Le soleil n’est pas toujours à son midi, & ce ne sont pas les rêves d’Homere qu’on doit s’empresser d’offrir aux yeux du Lecteur.

341. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Un jour, je vis, debout au bord des flots mouvants (1859) »

poëte au triste front, Tu rêves près des ondes, Et tu tires des mers bien des choses qui sont Sous les vagues profondes !

342. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Quoi qu’il en soit, un matin je me réveillai comme d’un rêve laborieux. […] Le parcours du rêve au souvenir par le comte Robert de Montesquiou-Fezensac. […] Non sans que la nécessaire, j’allais dire la légendaire, la traditionnelle ou si, comme moi, vous préférez, la belle, la noble, l’essentielle mélancolie de ce pays de rêve… et de réalité, n’ait là pris place. […] « L’organisation disciplinée et méthodique en attendant que l’autre soit possible ce qui me paraît un rêve. […] À l’âge où l’on se décidait, sérieusement, pour les Lettres ou pour les Sciences, son goût pour le grec et le latin l’emporta sur son amour héréditaire de l’épaulette, car son rêve était d’être officier comme son père.

343. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lautrec, Gabriel de (1867-1938) »

Je sais tels de ses poèmes en prose qui sont des chefs-d’œuvre d’harmonie et de rêve.

344. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Comment des esprits aussi policés et aussi aimables auraient-ils pu épouser les sentiments d’un apôtre, d’un moine, d’un fondateur barbare ou féodal, les voir dans le milieu qui les explique et les justifie, se représenter la foule environnante, d’abord des âmes désolées, hantées par le rêve mystique, puis des cerveaux bruts et violents, livrés à l’instinct et aux images, qui pensaient par demi-visions, et qui pour volonté avaient des impulsions irrésistibles ? […] Voltaire veut que ce rêve soit vrai, parce qu’autrement il ne peut expliquer le bel arrangement du monde et qu’une horloge suppose un horloger ; il faudrait d’abord prouver que le monde est une horloge et chercher si l’arrangement, tel quel, incomplet, qu’on y observe ne s’explique pas mieux par une supposition plus simple et plus conforme à l’expérience, celle d’une matière éternelle en qui le mouvement est éternel. […] Cette idée, Rousseau l’a tirée tout entière du spectacle de son propre cœur410 : homme étrange, original et supérieur, mais qui, dès l’enfance, portait en soi un germe de folie et qui à la fin devint fou tout à fait ; esprit admirable et mal équilibré, en qui les sensations, les émotions et les images étaient trop fortes : à la fois aveugle et perspicace, véritable poète et poète malade, qui, au lieu des choses, voyait ses rêves, vivait dans un roman et mourut sous le cauchemar qu’il s’était forgé ; incapable de se maîtriser et de se conduire, prenant ses résolutions pour des actes, ses velléités pour des résolutions et le rôle qu’il se donnait pour le caractère qu’il croyait avoir ; en tout disproportionné au train courant du monde, s’aheurtant, se blessant, se salissant à toutes les bornes du chemin ; ayant commis des extravagances, des vilenies et des crimes, et néanmoins gardant jusqu’au bout la sensibilité délicate et profonde, l’humanité, l’attendrissement, le don des larmes, la faculté d’aimer, la passion de la justice, le sentiment religieux, l’enthousiasme, comme autant de racines vivaces où fermente toujours la sève généreuse pendant que la tige et les rameaux avortent, se déforment ou se flétrissent sous l’inclémence de l’air. […] Le rêve de d’ Alembert , par Diderot, passim. […] Suite du rêve de d’Alembert , Entretien entre Mlle de Lespinasse et Bordeu. — Mémoires de Diderot, Lettre à Mlle Volant, III, 66.

345. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Il déplore qu’à l’heure présente, tout homme qui écrit un article, vise à un siège au Sénat ou à la Chambre, et ménage les personnalités qui peuvent lui être utiles, sans souci de l’intérêt général, et il termine en disant que son rêve serait de fonder un journal qui ressemblerait au chœur des tragédies antiques, et avertirait la nation, au nom de l’intérêt de la chose publique. […] Mercredi 2 août Dans la fugitivité d’un rêve sans queue ni tête de malade, j’ai revu mon vieux Pouthier (l’Anatole de Manette Salomon.) […] On conçoit ma fureur intérieure du procédé gouvernemental, et elle était complétée cette fureur, dans mon rêve, de ce que je me trouvais mêlé, dans une grande salle, à des confrères tondus comme des aspirants à la guillotine, aux mains exsangues, esthétisant prétentieusement, le monocle dans l’œil, — des confrères correctement sinistres, ainsi que le Baudelaire que j’ai entrevu une fois. […] Il est en moi le rêve de faire un livre, qui, sous la forme d’un journal, s’appellerait « Un an au Japon », et un livre encore plus senti que peint. […] Là ce fut autre chose, l’acier pénétrait dans les chairs comme dans une pomme qui jute…, oui, une pomme pleine de suc. » Mercredi 27 décembre Aujourd’hui que mon livre de La Fille Élisa est presque terminé, commence à apparaître et à se dessiner vaguement dans mon esprit le roman, avec lequel je rêve de faire mes adieux à l’imagination.

346. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Raisonnable, à sa façon, jusque dans ses plus grands écarts, méthodique dans sa folie, rêvant, je le veux bien, mais évoquant en rêve des visions qui sont tout de suite acceptées et comprises d’une société entière, comment la fantaisie comique ne nous renseignerait-elle pas sur les procédés de travail de l’imagination humaine, et plus particulièrement de l’imagination sociale, collective, populaire ? […] Mais ce sont surtout de grands distraits, avec cette supériorité sur les autres que leur distraction est systématique, organisée autour d’une idée centrale, — que leurs mésaventures aussi sont bien liées, liées par l’inexorable logique que la réalité applique à corriger le rêve, — et qu’ils provoquent ainsi autour d’eux, par des effets capables de s’additionner toujours les uns aux autres, un rire indéfiniment grandissant. […] C’est quelque chose comme la logique du rêve, mais d’un rêve qui ne serait pas abandonné au caprice de la fantaisie individuelle, étant le rêve rêvé par la société entière.

347. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guillaumet, Édouard »

Sa muse est une luronne qui rêve, qui chante, qui philosophe et qui blague.

348. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Les Lettres à mademoiselle Volland, dans lesquelles se trouve le Rêve de d’Alembert, ne sont pas plus vraies dans leurs affirmations que les autres livres philosophiques de l’auteur ; mais elles ont au moins une valeur qu’il faut constater : elles ont au moins le mouvement et la verve, qui sont presque toujours les qualités de Diderot quand il n’est pas ampoulé et déclamateur. […] Le Rêve de d’Alembert est là pour le prouver. […] Ce sont les détails seuls qui les font vivre… On ne lira plus (et depuis longtemps) l’Interprétation de la nature, qu’on lira encore les Lettres à mademoiselle Volland et le Rêve de d’Alembert, uniquement à cause de l’audace effrénée du détail, et, disons-le, de sa réussite. […] Dans ce Rêve de d’Alembert, qu’il n’est pas permis à la Critique de raconter, Diderot, l’auteur de la Religieuse et des Bijoux indiscrets, porte, d’une manière éclatante, la peine de ce matérialisme philosophique qui, il a beau faire le fier, finit toujours par une saleté… « Il n’y a rien de sale ni d’impudique pour la science », dit Bordeu dans le Rêve de d’Alembert, Bordeu, le médecin sous le grand nom duquel Diderot, qui dans le fond était très lâche, a mis sa lâcheté à l’abri. […] Cet énergumène a, dit-on, écrit de belles pages, comme il arrive aux fous de faire de beaux rêves.

349. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Michelet, Victor-Émile (1861-1938) »

Je sais que viendra l’heure où j’étreindrai mon rêve, Mais avec des bras morts, peut-être, ou si lassés !

350. (1914) Une année de critique

Il ne se soucie pas de choisir les mots qui, dans l’esprit du lecteur, auront un retentissement mystérieux, éveilleront le souvenir, susciteront le rêve. […] La réalité n’est pas la sœur du rêve, il l’a appris — par cœur. […] Et leur idéal voluptueux, à la fois sentimental et sensuel, semble consister dans un état de vie ralentie, où l’âme sans résistance offre une voie facile au défilé des souvenirs et des rêves. […] Mais les Jacobins n’ont pas ces ressources, et les rêves de leur cerveau, c’est dans la matière vivante qu’ils vont les réaliser ! […] Ils n’ont pas entrepris de nous montrer, à l’œuvre, les malandrins qui ont rendu irréalisable le rêve du médecin français, et je le leur reprochais tantôt.

351. (1886) Le roman russe pp. -351

En résumé, il n’est pas absolument exact de dire que Balzac décrit la vie réelle ; il décrit son rêve ; mais il a rêvé avec une telle précision de détails et une telle force de ressouvenir, que ce rêve s’impose à nous comme une réalité. […] Plus rien de l’esprit de Stendhal, du rêve de Balzac. […] De là, pour l’homme de la steppe, l’inclination au rêve, la retombée sur lui-même, l’essor en dedans de l’imagination. […] Quant à la troisième, le poète la rêve peut-être sous le bloc de pierre qui porte son nom dans un cimetière de Moscou. […] Ce qui fait la joie de notre cœur, c’est de bercer un rêve tout le long de la jeunesse, et non de le voir réalisé par les vieux ans.

352. (1881) Le roman expérimental

Il vient à Paris, il entre au séminaire, trempé de religiosité, apportant le rêve dévot de sa race et du milieu où il a poussé. […] Voici donc l’idée que Sainte-Beuve se fait de l’écrivain, lorsqu’il se reporte à ce passé dont il rêve. […] Elle rêve de se marier. […] Ou bien c’est qu’il aura fait de l’imagination dans du rêve. […] Comme il le dit lui-même, il a fait « de l’imagination dans du rêve mêlé à du souvenir ».

353. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Mais nous sommes occupés ailleurs, nous pensons, nous rêvons, nous causons, nous lisons, et pendant tout ce temps nous négligeons le reste ; à l’égard des autres sensations, nous sommes comme endormis et en rêve ; l’ascendant de quelque image ou sensation dominatrice les retient à l’état naissant ; si, au bout d’une minute, nous essayons de les rappeler par le souvenir, elles ne renaissent pas ; elles sont comme des graines jetées à poignées, mais qui n’ont pas germé ; une seule, plus heureuse, a accaparé pour soi la place et les sucs de la terre. — Il n’est pas même nécessaire que ces sensations destinées à l’effacement soient faibles ; elles peuvent être fortes ; il suffit qu’elles soient moins fortes que la privilégiée ; un coup de fusil, l’éclair d’un canon, une douloureuse blessure échappent maintes fois à l’attention dans l’emportement de la bataille, et, n’ayant point été remarqués, ne peuvent renaître ; tel soldat s’aperçoit tout d’un coup qu’il saigne, sans pouvoir rappeler le coup qu’il a reçu. — Neuf fois sur dix, et peut-être quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, la sensation perd ainsi son aptitude à renaître, parce qu’il n’y a pas d’attention sans distraction, et que la prédominance portée sur une impression est la prédominance retirée à toutes les autres. […] Maury cite aussi des rêves oubliés à l’état de veille et qui plus tard, dans un nouveau sommeil, sont rappelés. — D’autre part, notre mémoire ordinaire ne rappelle qu’une moitié de nos états. […] Chose étrange, on sort d’un rêve intense et plein d’émotions ; il semble qu’un état si violent doive aisément et longtemps se reproduire. Point du tout ; au bout de deux ou trois minutes, les objets si nettement aperçus se fondent en vapeurs ; et ces vapeurs s’évanouissent ; une demi-heure après, j’aurais peine à dire mon rêve ; pour m’en souvenir plus tard, je suis obligé de l’écrire à l’instant. — C’est que l’état physiologique et l’afflux du sang dans le cerveau ne sont pas les mêmes dans le sommeil et dans la veille, et que le second état, favorable au réveil de ses images, n’est pas favorable au réveil des images du premier état.

354. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Du monde de nos rêves nous arrivent parfois, dit James Sully, comme de brusques éclairs qui passent au milieu de nos sensations présentes, et ces éclairs sont trop rapides pour que nous reconnaissions la région d’où ils viennent. Radestock, dans son livre sur le sommeil, dit qu’il a eu la preuve de cette invasion des rêves au milieu de la réalité. […] C’est ce qui m’est arrivé en particulier à l’époque où, en vue de la publication de mon livre, je prenais soigneusement note de tous mes rêves. […] En tout cas, si la mémoire a une véritable certitude quand elle est « fraîche », elle se perd parfois dans le lointain du temps et vient se fondre avec le rêve comme la mer à l’horizon se fond avec le ciel.

355. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Il plane au-dessus de son temps et de sa propre œuvre par son ironie comme par les envolées de ses espérances et de ses rêves. […] Comment dire l’état de rêve ou me jetèrent ces premières paroles de l’Imitation ? […]Rêves ailés, ravissements des nuits, que nous pleurons tant au matin, si vous étiez pourtant ! […] Il faisait à cet égard de beaux rêves. […] Il rêve d’adopter un enfant pour former une âme ; ce jeune homme de vingt-deux ans a déjà la fibre paternelle.

356. (1901) Figures et caractères

Il agit lui-même, comme en rêve ; il prend part à tout, et nous attire dans sa passion. […] Mais, croyez-le, à l’occasion, Michelet eût subordonné ses rêves d’apôtre à ses devoirs de citoyen. […] L’eau des bassins verdie et calme s’attarde en un rêve miroitant. […] Notre rêve s’aide du rêve inconscient des choses ; les vieilles choses propagent du rêve ; elles filtrent Te temps en songe et le temps s’égoutte d’elles comme à de mystérieuses clepsydres. […] Là elle écrit ou rêve ; ici elle prend un livre.

357. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Il rêvait d’être compris ; toute sa vie, il s’est vainement obstiné à la poursuite de ce rêve. […] Il a poursuivi encore, toute sa vie, deux autres rêves. […] Mais leurs rêves ne se tournent point du côté de l’amour. […] Et ce rêve est chez lui naturel et légitime, le seul rêve qui soit digne d’un prince. […] Il prend goût à l’action : de nouveaux rêves, de nouvelles chimères lui reviennent en tête.

358. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gayda, Joseph »

Paul Bourget et à qui on pardonne tout, même d’avoir fait souffrir un poète : Édel, je vois en toi, Danoise aux yeux si doux, Cette amante qu’en rêve on adore à genoux, Devant qui le désir reste muet et grave, Tant du plus chaste amour on craint de la meurtrir, Et qui semble une fleur exotique et suave Qu’on n’ose point toucher, de peur de la flétrir.

359. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Chansons des rues et des bois » (1865) »

Ce livre est écrit beaucoup avec le rêve, un peu avec le souvenir.

360. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Sa jeunesse donc essaya de tout, et risqua toutes les aventures, politique et sentimentale tour à tour, passant de la conspiration à l’idylle, de l’étude innocente et austère au délire romanesque, mais arrêtant, coupant le tout assez à temps pour n’en recueillir que l’émotion et n’en posséder que le rêve. […] Ou si la mort était ce que mon cœur envie, Quelque sommeil bien long, d’un long rêve charmé, La nuit des jours passés, le songe de la vie !

361. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Mais plus on entre avant dans son rêve, plus, en même temps, on regrette dans son œuvre cette mollesse primitive de nuances et de contours qu’il n’a pas assez respectée. […] Hugo se garde surtout de l’excès de sa force ; qu’à l’heure de la méditation, il sache attendre à loisir ses propres rêves, les laissant venir à lui et s’y abandonnant plutôt que de s’y précipiter ; qu’à l’heure de produire, il se reparte sans cesse aux impressions naïves qu’il veut rendre, les contemple longuement avant de les retracer, et plus d’une fois s’interrompe en les retraçant pour les contempler encore ; que, n’épuisant pas à chaque trait ses couleurs, il approche par degrés de son idéal, et consente, s’il le faut, à rester au-dessous plutôt que de le dépasser, ce qui est la pire manière de ne pas l’atteindre.

362. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Ils sont adroits à réaliser avec peu et précisément leurs rêves. On ne doit pas se méprendre à ce mot de rêves, croire à des mystiques forcenés de la palette.

363. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Le charme des musiques devra de même être reproduit après leur analyse ; l’intime éclosion de rêves et d’actes que provoque le lent essor d’une voix dans le silence d’une nuit, le ravissement des mélodies, le suspens des longues notes tenues, le heurt douloureux des cris tragiques sera décrit et rappelé, comme les mâles et sobres éclats des pianos, le jeu des souples doigts, les élans atrocement rompus des marches, les prestos envolés, retombants, et voletants, ou la grave insistance de ces andantes qui paraissent exhorter et calmer et apaiser les sanglots qui traînent sur le pas des suprêmes décisions ; les violons nuanceront tout près de l’oreille et de l’âme leur voix sympathique, âpre et chaude, et l’on entendra passer leur chant captif sur les sourds élans des contrebasses, l’embrasement suprême des cuivres, le ricanement sinistre des hautbois, unis en cette gerbe montante de sons, de formes et de mouvements, qui s’échappe des orchestres et porte les symphonies. […] Ce rêve de « synthèse », contemporain de la vaste entreprise de systématisation d’un Spencer, mais aussi des tentatives artistiques totalisantes d’un Wagner ou d’un Mallarmé, définit un véritable absolu scientifique.

364. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Ainsi, il vendit des biens d’Église, et devint distillateur et marchand d’eau-de-vie dans les proportions d’un monopole immense, pour faire vivre dans leur luxe effréné ceux-là que Léouzon-Leduc appelle hardiment ses mignons… L’un des plus comiques de ces spectacles fut sa coquetterie avec les Francs-Maçons et le prétendant d’Angleterre, qui était grand-maître de l’Ordre, auquel, dans des vues de conquête politique, il voulut succéder ; et surtout ce fut sa réclamation, comme Maçon, de la Livonie, qui avait jadis, comme on sait, appartenu aux Templiers… Extravagant, mais d’une extravagance qui passait comme un coup de vent, il rêva tour à tour qu’il prendrait la Norvège, qu’il confisquerait le Danemark, qu’il entamerait la Russie ; et il intrigua, brouilla, remua, mais stérilement, dans le sens de tous ces rêves, lesquels n’eurent de réel qu’une superbe bataille navale qu’il gagna lui-même en personne, — belle inutilité de plus ! Voilà pourtant, quand on va un peu au-dessous de l’oripeau ou qu’on l’écarté, ce qu’on trouve en ce rêve de Gustave III, la ruine éblouissante de la Suède !

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