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1008. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Goethe I22 Depuis longtemps aucun livre n’avait aussi vivement frappé l’attention que les quelques lettres inédites publiées par Kestner en Allemagne, quand elles parurent. […] L’effet qu’il produisit quand il parut tint beaucoup aux abominables, malsaines et interminables déclamations de l’Héloïse de Rousseau, qui avaient fourbu tous les esprits. […] Mais c’est ici que je me sens un peu embarrassé, je l’avoue… Goethe, cet homme dont on a fait le plus grand poète et le plus grand inventeur de notre temps, ne m’a jamais, à moi, paru si grand que cela, et j’ai dit ailleurs24 la mesure exacte dans laquelle je reconnais son génie et admets sa sincérité… Or, c’est au milieu de ce travail que le livre de Paul de Saint-Victor m’est tombé sur la tête comme une tuile. […] C’est un livre original inspiré par un autre que l’auteur, ce qui paraît presque impossible, mais ce qui est… Le poète, le vrai poète ici est encore plus Saint-Victor que Goethe.

1009. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Cependant, pour rompre cette ennuyeuse et vile uniformité, il paraît quelquefois, sur la terre, des êtres uniques et qui ne tiennent à rien. […] Tel enfin parut, dans Constantinople, un orateur, que six empereurs honorèrent successivement ; qui, panégyriste, ne parla jamais que pour dire aux princes les vérités les plus nobles ; à qui l’admiration éleva des statues, sans que l’envie même osât murmurer ; et qui, malgré ses imperfections et ses défauts, eut un caractère fort supérieur à l’esprit général de son temps ; c’est le philosophe Thémiste. […] Il parut grand, même en travaillant sur les idées d’un autre. […] La colère de son prince lui a paru préférable à l’humanité d’un rebelle ; et pouvant être heureux et libre en devenant coupable, il a mieux aimé rester vertueux et attendre la mort.

1010. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

) ne signifie pas seulement une chose aisément faite, mais encore qui paroît l’être. […] L’orgueilleux se croit quelque chose ; le glorieux veut paroître quelque chose. […] Il daigne parler dans un buisson le langage humain ; il paroît sur une montagne. […] III. voit un trône de saphir, & Dieu lui paroît comme un homme assis sur ce trône. […] ne paroît-il pas qu’elles nous sont données comme les mouvemens de nos membres ?

1011. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Son esprit paraissait peu parce qu’il était dénué de toute prétention, mais il était juste et modéré, réfléchi, autant que son cœur était bon et solide. […] Devenu consul, il pouvait la rencontrer chez ses sœurs ; il n’y parut pas. […] Quatre ans s’écoulèrent ; les obstacles à ce divorce, les résistances du roi de Prusse à un mariage disproportionné pour son cousin, la guerre, l’éloignement ne parurent point affaiblir la passion du prince. […] … » Ainsi fut rompue cette liaison ; elle paraît avoir été, au premier moment, passionnée dans madame Récamier, puis languissante et mignarde, et aboutissant enfin à de vaines et froides coquetteries épistolaires. […] Mais je ne crois pas que vous passiez la première ; dans tous les cas, il me paraît impossible que je vous survive ! 

1012. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Ces billets de Humboldt, mis au jour par la nièce de Varnhagen, après la mort de son oncle, dévoilèrent des secrets qui parurent des noirceurs, et qui n’étaient que des imprudences de la vanité. […] Cette subordination de la partie céleste à la partie terrestre se rencontre déjà dans le grand ouvrage de Bernard Varenius, qui a paru au milieu du dix-septième siècle. […] Cette condensation progressive, enseignée par Anaximène, et, avec lui, par toute l’école ionique, paraît ainsi se développer simultanément à nos yeux. […] Ce système, qui est aussi celui d’autres astronomes, paraît peu digne, peu vraisemblable ou peu conforme à la loi générale des astres. […] Le soleil paraît, ils se rassemblent et se réfugient dans leurs cavernes, tandis que l’homme se rend à son travail et fait sa journée jusqu’au soir.”

1013. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Prenez votre robe de nuit, de crainte que nous n’ayons occasion de paraître et de laisser voir que nous étions éveillés. […] Paraissez. […] Paraissez. […] Paraissez. […] Paraissez à ses yeux et affligez son cœur. — Venez comme des ombres, et éloignez-vous de même.

1014. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Avant le xiie  siècle, qui paraît être l’époque où le roman se constitue et reçoit des règles, il n’existe aucun monument de ce caractère. […] On paraît d’accord sur l’origine de la langue française, sur la division en dialectes normand, bourguignon, picard, poitevin, lorrain, et de l’Ile-de-France. […] Il n’y a pas encore de mots pour les nuances, ce qui paraît moins tenir à la simplicité relative des esprits en ce temps-là, qu’à une répugnance d’instinct pour tout ce qui n’est pas l’expression précise et générale, soit d’un fait, soit d’un sentiment. […] Son panégyriste l’y montre « tenant le salut de la France en sa clef, et la tranquillité de l’Occident en sa main. » Il en fait un portrait physique, dont l’exactitude pittoresque peut paraître d’ailleurs minutieuse. […] L’histoire commence à paraître dans les Mémoires de Philippe de Comines (1443-1209).

1015. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Ce qui paraît le plus vraisemblable, c’est que, ni pour Matthieu, ni pour Marc, nous n’avons les rédactions tout à fait originales ; que nos deux premiers évangiles sont déjà des arrangements, où l’on a cherché à remplir les lacunes d’un texte par un autre. […] Cette tradition est si loin d’avoir été épuisée par les évangiles que les Actes des apôtres et les Pères les plus anciens citent plusieurs paroles de Jésus qui paraissent authentiques et qui ne se trouvent pas dans les évangiles que nous possédons. […] Jean paraît avoir bu à ces sources étrangères. […] Les deux premiers sont surtout importants en ce qu’ils étaient rédigés en araméen comme les Logia de Matthieu, qu’ils paraissent avoir constitué une variété de l’évangile de cet apôtre, et qu’ils furent l’évangile des Ébionim, c’est-à-dire de ces petites chrétientés de Batanée qui gardèrent l’usage du syro-chaldaïque, et qui paraissent à quelques égards avoir continué la ligne de Jésus. […] Au moment où ces pages s’impriment, paraît un livre que je n’hésite pas à joindre aux précédents, quoique je n’aie pu le lire avec l’attention qu’il mérite : Les Évangiles, par M. 

1016. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIX » pp. 227-230

 — Il paraît un petit recueil périodique intitulé : Les Actes des Apôtres, dirigé contre le parti prêtre, et rédigé anonymement par M. […] Il ne paraît pas se douter des orages qui assiégent les âmes à de certaines hauteurs.

1017. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

Haraucourt soit un succès d’argent ou un succès seulement littéraire, comme il paraît plus probable, il faut féliciter l’Odéon d’avoir donné une œuvre de belle tenue et écrite par un poète de grand mérite. […] Le drame, pour donner d’abord mon impression d’ensemble, me paraît valoir, surtout par la facture des vers, qui sont souvent fort beaux ; la faiblesse, à mes yeux, c’est que M. 

1018. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 7-11

Ce ne fut point l’ambition de paroître qui l’engagea à donner ces deux Pieces au Public. […] Dupuis & Desronnais parurent donc, en 1763, avec les changemens qu’exigeoit le Théatre François.

1019. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 5-9

Peut-être lui a-t-il paru plus doux & plus avantageux d’acquérir, par cette voie, un certain empire dans la Littérature, que ses talens ne lui auroient pas procuré. […] Ce dernier Recueil sur-tout n’a été, pendant tout le temps qu’il en a eu la direction, qu’un dépôt de fadeurs & de délires philosophiques, dont il ne paroît pas que le nouveau Directeur ait pris soin de le purger.

1020. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

Avec les talens les plus heureux pour écrire, il s’est attaché à un genre qui paroît infiniment au dessous de son mérite. […] Personne n’a su mieux aiguiser le sentiment par des Réflexions fines & délicates, par une Morale utile, & par l’adresse de la faire naître des circonstances, toutes les fois qu’il ne s’abandonne pas trop à l’envie de moraliser, qui paroît avoir été son foible dominant.

1021. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

C’est cette considération qui m’a déterminé à publier ces leçons, qui ne sont que le début d’une série de cours que j’ai l’intention de faire paraître. […] Une telle manière de faire a des avantages qui me paraissent très réels. […] Il paraîtra sans doute singulier et intéressant de voir les centres nerveux baignés dans un liquide qui reste constamment sucré. […] Liebig, avaient déjà dit que le sang du ventricule gauche leur avait paru moins chaud que celui du ventricule droit. […] Mais dans les fœtus pendant la vie intra-utérine, la fermentation gylcosique paraît seule avoir lieu, et le sucre qui s’y trouve paraît s’éliminer à ce moment sans passer à l’état d’acide lactique.

1022. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Elle n’a jamais paru plus jeune, et a rassemblé une dernière fois tous ses dons. […] De la sorte il put plaire diversement à ceux de Sicile et à ceux d’Alexandrie, demeurer vrai pour les uns et paraître tout nouveau aux autres. […] Les Romains eux-mêmes, si l’on excepte la grande Grèce, ne paraissent guère avoir été enclins à cette branche de poésie ; et lorsque Virgile l’importa chez eux, ce ne fut pas sans quelques-uns des inconvénients bien sensibles d’un genre déjà artificiel. […] Mais si elle se retire, et le berger aussitôt se sèche, et les herbes aussi. » J’avoue qu’ici Ménalcas me paraît supérieur, et que l’autre, dans la réplique qui suit, a beau renchérir, il ne l’atteint pas. […] Cette Magicienne est dans l’ordre de l’élégie ce que la pièce des Thalysie s nous a paru entre les églogues.

1023. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Au spectacle comme à la lecture, cette pièce, il faut le reconnaître, nous paraît imparfaite. […] Le Misanthrope aussi nous paraît imparfait, non à la représentation, mais à l’étude. […] Ce qui nous intéresse enfin, c’est de nous répéter, fût-ce pour la millième fois, que Molière seul a surpris le comique au sein de la nature, qu’il n’a pas cherché à dire de bons mots, à faire paraître son imagination ou son esprit, mais à peindre le cœur humain et à être vrai, qu’en un mot son comique est un comique moral. […] J’avoue que dans L’École des femmes tout est récit ; mais avouez que tout paraît action, ou plutôt avouez que tout est action, bien que tout semble être en récit307. […] Mais aux philosophes, à ce qu’il paraît, il faut un commentaire ; ils ont le droit de l’exiger, et Uranie ne doit pas se contenter de les renvoyer à la splendeur éclatante du texte.

1024. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Tel paraît avoir été toujours le caractère de l’amour de Pétrarque ; s’il fut payé quelquefois de reconnaissance, de grâce et de sourire, il ne fut jamais payé d’aucun retour criminel ; c’était une folie du génie que l’on pardonnait et qu’on encourageait même dans une adoration sans mystère. […] Un vaste bassin d’eau si azurée qu’elle en paraît noire, et si profonde que la sonde n’en atteint pas le fond, occupe toute l’étendue de l’antre. […] « Laure, assise sur son lit, paraissait tranquille. […] Son visage était plus blanc que la neige, mais on n’y voyait pas cette morne lividité qui annonce l’absence de vie ; ses beaux yeux n’étaient pas éteints, ils paraissaient seulement fermés par le sommeil : elle avait l’air d’une personne qui se recueille pour prier. […] ce n’est pas sur moi qu’il faut pleurer, moi dont les jours en mourant se changèrent en jours éternels, et dont les yeux, quand je parus les fermer à ce monde, s’ouvrirent à l’éternelle lumière ! 

1025. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Ces raisons, que Cacault développa avec autant d’éloquence que de franchise et de bonne foi, me parurent, à première vue, avoir un très grand poids. […] Le frère du premier consul ne parut pas moins étonné de m’entendre me prononcer ainsi. […] « J’étais condamné (et c’était la circonstance cruelle du moment) à paraître dans une heure à ce pompeux dîner. […] Il lui parla chaudement, d’autant plus chaudement qu’il paraissait lui-même désirer avec sincérité d’éviter une rupture. […] L’invitation portait qu’il fallait paraître en grand costume, c’est-à-dire revêtu de la pourpre cardinalice.

1026. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Cela me paraissait terrible, non-seulement parce que je n’aimais pas la guerre, mais encore parce que je voulais me marier avec ma cousine Catherine des Quatre-Vents. […] Goulden parut troublé, mais ensuite il dit : « Autant celui-là qu’un autre… tous partiront… il faut remplir les cadres. […] » Et presque aussitôt une vieille femme parut, la main devant sa chandelle, au bout d’un escalier en bois. […] Et longtemps je regardai Catherine, qui me paraissait bien belle ; je pensais : « Où donc est la tante Grédel ? […] Tout cela devait nous amener encore bien des misères, et je vous les raconterais avec plaisir, si cette histoire ne me paraissait assez longue pour une fois.

1027. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

paraissent Morlath, au visage sombre ; Hidala, à la longue chevelure. […] Il paraît calme comme le rayon du soir qui luit au travers des nuages sur la paisible vallée de Cona. […] Sulandona regarde si son bien-aimé paraît ; l’heure de son retour est passée […] Étoiles de la nuit, paraissez. […] la lune paraît enfin : je vois l’onde briller dans le vallon ; la tête grisâtre des rochers se découvre, mais je ne le vois point sur leurs cimes.

1028. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Mais je préfère l’avouer franchement : la chute de Lohengrin me paraît un grand bien. […] Il faut marquer aussi que des ouvrages parus à droite et à gauche, et certaines études, publiées ici même, dont je parlerai tout à l’heure, ont pu aider à la compréhension de l’idéal du maître, surtout de son idéal poétique. […] Ces messieurs m’ont paru assez jeunes, fort bien mis, et de mine prévenante. […] Œsterlein ne me paraît point réunir les conditions requises pour mener seul à bien cette seconde partie de son œuvre. […] Jullien aime les petits faits, je puis lui apprendre que lorsque parut la biographie de M. 

1029. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Ici encore l’analogie nous paraît conduire à des conclusions bien risquées. […] Une explication tirée de la mythologie ne lui paraît pas décisive. […] Mais la finalité, telle que l’entend Aristote, nous paraît assez voisine de celle que peut accepter un savant. […] Comparées aux corps bruts, les plantes paraissent douées de vie ; elles paraissent inanimées comparées aux animaux. […] L’idée de grouper les animaux selon un ordre déterminé, exprimant les ressemblances plus ou moins grandes qui les rapprochent, ne paraît pas s’être présentée à lui.

1030. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Quand on a connu l’ivresse de l’opium, celle du vin écœure et paraît mesquine. […] Voici comment il paraît avoir raisonné. […] C’est qu’aussi bien la psychologie ne paraît pas à M.  […] En littérature, le romantisme paraît vaincu. […] La faillite des rêves socialistes ou libéraux paraît définitive.

1031. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Taine vient de paraître. […] A coups de chiffres et de textes, il dresse un bilan dont le détail paraît bien indiscutable. […] Goyau ne paraît pas l’avoir cherchée. […] La facilité de l’instruction parut devoir conduire à l’identité des éducations, de même que la facilité des rapprochements entre nations parut devoir conduire à l’identité des races. […] La chose paraît paradoxale.

1032. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Il y a cinquante-deux ans que le dimanche 28 germinal an X (18 avril 1802), jour de Pâques, Le Moniteur publiait à la fois l’annonce de la ratification du traité de paix signé entre la France et l’Angleterre, la proclamation du Premier consul déclarant l’heureuse conclusion du Concordat devenu loi de l’État ; et, ce même jour où l’église de Notre-Dame se rouvrait à la solennité du culte par un Te Deum d’action de grâces, Le Moniteur insérait un article de Fontanes sur le Génie du christianisme qui venait de paraître et qui inaugurait sous de si brillants auspices la littérature du xixe  siècle. […] Au moment où le Génie du christianisme parut, Ginguené, qui rendit compte du livre dans La Décade, marqua dès le début de ses articles qu’il ne se tenait point pour satisfait de l’explication vague et générale que l’auteur donnait de sa conversion : il semblait même dénoncer quelque inexactitude dans le récit, et, sans trahir le secret de conversations confidentielles qu’il avait eues avec Chateaubriand, il y faisait allusion de manière à inspirer des doutes au lecteur. […] Le ton de cette lettre paraîtra certainement étrange, le style est exagéré ; celui qui écrit est encore sous l’empire de l’exaltation, mais le caractère véridique de cette exaltation ne saurait être mis en doute un moment. […] C’est une grande gloire pour un écrivain que, cinquante-deux ans après la publication d’un de ses ouvrages, il soit possible d’en parler ainsi, dans le même journal qui l’avait annoncé le premier jour, et que, loin de sembler un hors-d’œuvre, cette attention ramenée de si loin puisse paraître encore un à-propos. […] il paraît qu’il y a des peines mentales totalement séparées de celles du corps, comme la douleur que nous sentons à la perte d’un ami, etc.

1033. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron ne fut nullement près de périr, il dut cependant songer à se défendre : il le fit dans un sommaire de son livre ou Petit Traité de la sagesse, qui ne parut qu’après sa mort. Ce qui parlait surtout en sa faveur, c’était sa vie, la pureté de ses mœurs, l’égalité et la tranquillité de son âme : « C’est une science divine et bien ardue, disait-il, que de savoir jouir loyalement de son être, se conduire selon le modèle commun et naturel, selon ses propres conditions, sans en chercher d’autres étranges. » Cette science pratique, à laquelle, sauf de rares et courts instants de passion, il avait toujours été disposé, il paraît qu’il l’avait tout à fait acquise en vieillissant ; l’équilibre de son humeur et de son tempérament l’y aidait ; il avait pris pour sa devise : Paix et peu, et il la justifiait par toute sa vie. […] La seconde édition de La Sagesse ne parut donc qu’après sa mort, et comme l’auteur n’était plus là pour la surveiller et se défendre, il s’éleva des difficultés dans lesquelles intervinrent utilement le premier président Achille de Harlay et le président Jeannin : ce dernier, dont la religion n’était pas suspecte, fut chargé par le chancelier d’examiner cette seconde édition (1604), dans laquelle il fit de petits retranchements et introduisit quelques corrections, y jetant çà et là quelques parenthèses explicatives ; moyennant quoi il l’approuva hautement. […] Chanet ne se laisse point envelopper dans ce dilemme : il observe et trace les limites, les distinctions spécifiques entre l’homme et les bêtes, et qui lui paraissent suffire pour motiver la différence des destinées. […] Il paraît qu’il avait été dans un temps le confesseur de la reine Marguerite, un confesseur commode, lorsqu’elle habitait dans le Midi.

1034. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Mais voici une jolie page datée de Paris même et qui en est digne : Une nouvelle pièce a-t-elle paru, l’on va chez Mme Geoffrin, Mme Necker ou Mlle de Lespinasse ; on retient ce qu’en ont dit Diderot, d’Alembert, Marmontel, Thomas ; on fait des visites ce même soir, on voit au moins soixante personnes, à qui l’on répète la même chose. […] La nécessité dans laquelle on se trouve chaque jour de porter un jugement sur ce qui a paru de nouveau dans les arts, oblige chaque maison d’avoir un bel esprit, c’est-à-dire un homme qui la fournisse de décisions sur tout ce qui se présentera. […] Mais les amours de Bonstetten paraissent avoir été d’agréables distractions plutôt que des orages : il réservait son culte le plus fervent pour l’amitié90. […] L’habitude de paraître content des autres, qui fait une partie essentielle de l’art de plaire, leur donnait le talent de se plaire à tout. Ils plaçaient leur amour-propre à paraître contents dans un exil qu’heureusement ils croyaient ne devoir durer que peu.

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