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391. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

L’auteur de Césara 25, le prêtre de l’Église Hugo, est aussi, par la même occurrence, l’apôtre de cette autre Église humanitaire qui flambe neuf et va remplacer incessamment la vieille religion divine qui avait suffi jusque-là aux plus forts et aux plus nobles esprits, mais qui ne suffit plus maintenant, même aux plus imbéciles… Or, c’est dans les intérêts de cette religion humanitaire que l’auteur de Fanfan la Tulipe, laissant là les amusettes du théâtre où il s’est oublié si longtemps, s’est mis à écrire cette grande pancarte, qui aura plusieurs cartons, et qu’il appelle Les Chevaliers de l’Esprit, titre un peu vague. […] Et non seulement le héros de la vie publique est misérablement rapetissé dans ces fades mièvreries d’un jouvenceau et d’un poète, mais l’autre héros, le héros de la vie privée, disparaît aussi dans cet amour benêt… et adultère ; car le noble Césara est marié.

392. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Il n’est pas sans intérêt cependant de le voir jeter encore quelque éclat poétique, quand il se reprend aux grands souvenirs qui avaient autrefois fait battre de nobles cœurs. […] « Ô toi, dit-il, soit que, porté à travers les cieux sur le char de la gloire, à la hauteur où montent les grandes âmes, tu dédaignes la terre et te ries des tombeaux, soit que tu habites, aux bords élyséens, le bocage de paix où s’assemblent les guerriers de Pharsale, et que les Pompée et les Caton accompagnent ton noble chant ; soit que, fière et sacrée, ton ombre ignore le Tartare, et que tu entendes de loin les supplices des méchants, et n’aperçoives que derrière toi Néron, pâle sous le regard irrité de sa mère, apparais-nous dans ton éclat !

393. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Il prétend que le mot âne était très noble en grec331. […] Un âne traversant un champ ne le rendait pas sérieux comme Boileau ; il ne se préoccupait pas pour Homère de la nécessité que ce mot fût très noble en grec. […] Déjà l’on commence à préférer des plaisanteries de Polichinelle à l’éloquence la plus noble et la plus sage. […] Deuxième exemple. — « Dans l’Iphigénie de Racine, a dit Voltaire, tout est noble. […] Naguère le cardinal de Richelieu avait fait prier madame de Rambouillet, en amie, de lui donner avis de ceux qui parlaient de lui dans son salon, et la noble dame avait refusé, avec une fierté polie, de remplir ce rôle d’espion.

394. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Trouvez-nous un jeune officier noble qui ait meilleure tournure ou fasse des actions plus belles. […] Il avait noblement combattu pour de nobles causes : contre les attentats du pouvoir en Angleterre, contre les attentats du peuple en France, contre les attentats des particuliers dans l’Inde. […] La couronne du prince et le privilége du noble y sont aussi sacrés que la terre du paysan ou l’outil du manœuvre. […] It insults the noble, the ancient, and the characteristic independance of the English peerage and is calculated to traduce and vilify the British legislature in the eyes of all Europe, and to the latest posterity. […] Letter to a noble lord. — Letters on a regicide peace.

395. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Le sage négociateur qui l’aida dans une si noble cause, Franklin ne fut-il pas environné de nos hommages, quand il vint montrer à Paris, et jusque dans Versailles, la noble simplicité des mœurs républicaines ? […] Son administration fut douce et ferme au-dedans, noble et prudente au dehors. […] sous son ombre encor je serais invincible. » — « Oui, j’en crois ton courage et ta noble vigueur. […] « À ce noble discours puis-je le méconnaître ? […] Les femmes même de ce siècle avaient en général des traits plus nobles et plus touchants : l’urne que tient Cornélie n’aurait point paru déplacée dans les mains de ces nobles Françaises qui habitaient, il y a deux cents ans, les donjons, asile de l’honneur chevaleresque et des vertus domestiques.

396. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Notre homme, enrichi, veut prendre femme, et encore veut-il que sa femme soit noble. […] Le noble ainsi ruiné par l’oisiveté, faisait de son fils un escroc et vendait sa fille à un bourgeois enrichi. […] De là tout l’intérêt que vous portez à cette noble misère. […] Noble et tendre faiblesse ! […] Il n’a imité ni l’ingénieux, ni le fini, ni le noble d’aucun auteur ancien ou moderne ; il comprenait que chaque époque a sa finesse, son génie et sa noblesse qui lui sont propres.

397. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Et qui peut avoir suggéré cette fausseté, cette déloyauté à une âme aussi noble que celle d’Andromaque ? […] Est-ce parce qu’ils ont tous deux l’âme assez noble, assez forte pour immoler à l’honneur et au devoir la plus violente des passions ? […] Sur le premier plan de cet admirable tableau, on voit Mithridate et Monime, deux figures du style le plus large et le plus noble. […] cela n’est pas noble, je le crois bien ; mais cela est naturel et vrai, cela est théâtral. Par quelle règle de l’Art poétique est-il ordonné aux personnages tragiques de ne rien faire que de noble ?

398. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

La politique ne lui avait encore inspiré que de nobles et conciliantes paroles ; la poésie chrétienne n’avait pas appris à s’en méfier. […] Il s’exile de cette ville ingrate qui oublie déjà sa gloire, et où sa noble vieillesse est en butte aux railleries et aux insultes des oisifs et des débauchés. […] Depuis 1838, date des débuts de mademoiselle Rachel, jusqu’en 1843, date de Lucrèce, il n’y avait eu pour l’illustre artiste que de purs et nobles triomphes. […] Après le noble sacrifice par lequel Georges renonce à l’héritage maternel pour payer intégralement les créanciers de son père, M.  […] On retrouvait dans sa physionomie, à la fois noble et douce, quelque chose de la dignité de Marie-Antoinette et de la bonté de Louis XVI.

399. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Mais la dernière pièce gronde une révolte noble et qui ne manque pas de puissance. […] Les sentiments de ce noble cœur se hiérarchisent comme il convient. […] Ce ruisselet a les allures tranquilles qui font la noble beauté de certains fleuves. […] Vauvenargues, qui mourut jeune, employa ce moyen jeune et bégayant pour exprimer son âme noble et délicate. […] J’aime mieux citer quelques lignes d’un noble féminisme.

400. (1887) Essais sur l’école romantique

Voici une ode dont je n’ôterai rien, car tout en est simple, noble, harmonieux. […] Victor Hugo a commencé par les orages ; il peut, il doit finir par ce noble repos du poète qui retrouve, au sortir des mauvais jours, un ciel pur sur une terre amie. […] Il me reste, monsieur et ami, à vous remercier d’avoir ouvert si obligeamment à mes longues complaintes le recueil que vous dirigez dans un noble esprit de libéralisme littéraire. […] » Et l’empereur était, que je sache, un public bien autrement noble que celui de la littérature facile et inutile ! […] L’homme tout entier est dans chaque ligne ; il se rendra ce témoignage, en finissant, que, sauf l’infirmité humaine, il n’a point de sa propre volonté manqué à sa noble tâche.

401. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

En Biscaye et Navarre, tous, jusqu’aux porteurs d’eau, sont caballeros ; la nation entière ayant combattu les Maures, quiconque est du pays est tenu pour fils des croisés ; la loi déclare que les enfants trouvés seront réputés nobles, et un noble ne travaille pas. […] On s’en aperçoit sa passion, je dirais presque et son adoration pour la noble antiquité grecque. […] Comme, dès les premiers mots, on sent en elle la sœur des plus nobles statues grecques ! […] Où nous croyons sentir une élégance sobre et une noble retenue, d’autres trouveront qu’il y a indigence et nudité. […] Louis de Loménie était issu d’une famille noble et peu riche, établie depuis plusieurs siècles à Faye, près de Limoges.

402. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Elle est très noble. […] Ô noble front, sans tache entre les fronts sacrés ! […] Et vraiment elle était jolie, baignée dans ce jour léger de Florence, qui caresse les belles formes et nourrit les nobles pensées. […] C’est une cité noble et pauvre, de grande mine, de vie chétive, de silence religieux. Elle est majestueuse et usée, comme ces manteaux dont les nobles, en Italie, couvrent leur dénuement.

403. (1901) Figures et caractères

Paul Bourget sait l’admirer en nobles termes. […] Biré, je lui connais aussi de plus nobles visages. […] Son action visa un but précis et noble, mais limité. […] Il est noble et nécessaire de s’isoler chaque jour en de nobles choses. […] Nos heures ont là un noble emploi.

404. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

A Athènes, qui est le centre de la civilisation grecque, les plus nobles fruits du Midi croissent sans culture. […] Le spectateur attache un prix égal à ses différentes parties, nobles ou non nobles, à la poitrine qui respire largement, au cou flexible et fort, aux muscles qui se creusent ou se renflent autour de l’échiné, aux bras qui lanceront le disque, aux jambes et aux pieds dont la détente énergique lancera tout l’homme en avant pour la course et pour le saut. […] La pudeur n’est point encore devenue pruderie ; chez eux, l’âme ne siège pas à une hauteur sublime sur un trône isolé, pour dégrader et reléguer dans l’ombre les organes qui servent à un moins noble emploi ; elle n’en rougit pas, elle ne les cache point ; leur idée n’excite ni la honte ni le sourire. […] Un corps sain et florissant, capable de toutes les actions viriles et gymnastiques, une femme ou un homme de belle pousse et de noble race, une figure sereine en pleine lumière, une harmonie naturelle et simple de lignes heureusement nouées et dénouées, il ne leur faut pas de spectacles plus vifs. […] Il ressemblait à ces académies de nos derniers siècles où tous les jeunes nobles allaient apprendre l’escrime, la danse et l’équitation.

405. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Par exemple, à qui croit-on qu’il écrive ceci : « Votre sujétion est si noble et si glorieuse, que les Muses mêmes et les Grâces voudraient faire ce que vous faites ?  […] J’ajoute que se trouvant assez payé de ses ouvrages par les nobles libéralités de Louis XIV, il en abandonnait le profit au public. […] Mais les premiers l’entendaient surtout de son mépris pour la poésie chère aux grands, laquelle leur paraissait noble, parce qu’elle avait des nobles pour patrons ; les seconds l’ont entendu, comme Marmontel, d’un prétendu défaut d’élévation et d’étendue. […] Il n’arrive pas toujours à sentir vivement en prose, et il semble qu’il s’y détende l’esprit, après les nobles fatigues de la poésie. […] Le madrigal, plus simple et plus noble en son tour, Respire la douceur, la tendresse et l’amour.

406. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

c’est une si belle et si noble fille, si naïve, si discrète, si résignée, si tendre, qui se livre avec tant de pudique ardeur et de silencieux espoir à ce premier amour ! […] Le marquis, gentilhomme royaliste, dévoué à sa cause jusqu’au fanatisme, tout occupé de complots, de haines violentes, de projets à perte de vue, homme d’action, condamné à la solitude d’un vieux castel, homme de cœur, réduit à conspirer, essayait, mais vainement, de ranimer la Vendée expirante dans son sang, tandis que sa femme élevait dans la paix, le recueillement et l’étude, deux jeunes enfants, frêle espoir de sa noble maison. […] Quand il a successivement sacrifié trois femmes à cette noble passion que vous savez, que nous importe ce qu’il devient ? […] Nos grands écrivains se comportaient tout autrement avec cette noble langue. […] Mais rendons justice aux Anglais de Calcutta ; c’est par cette liberté même, c’est en portant sa pauvreté avec cette noble indépendance, c’est en l’honorant par un si grand esprit et un si bon cœur, que Victor Jacquemont parvint à plaire à ses nobles hôtes, et à se concilier cette bienveillance délicate et cette haute estime qui ne le flattait si fort que parce qu’elle rejaillissait sur le nom français.

407. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

La misère domestique vient gémir dans ses vers à côté des élans d’une noble âme et causer ce contraste pénible qu’on retrouve dans certaines scènes de Shakespeare, qui excite notre pitié, mais non pas une émotion plus sublime. […] Car sans parler du flot qui gronde à tout moment, Et de votre destin qu’assiège incessamment La Gloire aux mille voix, comme une mer montante, Et des concerts tombant de la nue éclatante Où déjà par le front vous plongez à demi ; Doux bruits, moins doux pourtant que la voix d’un ami : Vous, noble époux ; vous, femme, à la main votre aiguille, À vos pieds vos enfants ; chaque soir, en famille, Vous livrez aux doux riens vos deux cœurs reposés, Vous vivez l’un dans l’autre et vous vous suffisez. […] Ton noble accueil enchante, orné de négligence. […] Il aimait à faire à loisir de belles choses qui rempliraient l’univers et qui rassembleraient dans une même admiration tout un peuple de nobles esprits ; mais ses délices, à lui, étaient de les faire en silence et dans l’ombre, et sans cesser de vivre avec les nymphes des bois et des fontaines, avec les dieux cachés. […] « C’est ce sérieux, ce tour de réflexion noble et tendre, ce principe d’élévation dans la douceur et jusque dans les faiblesses, qui est le fond de la nature de Virgile, et qu’on ne doit jamais perdre de vue à son sujet. » XVI La reconnaissance pour Auguste, à qui il doit la restitution de son petit bien aux bords du Mincio, s’exprime bientôt après en vers magnifiques dans le commencement du livre III de son second ouvrage, les Géorgiques.

408. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Qu’est-ce enfin que cette ambition qu’il faut pardonner au premier Consul, puisque, dit l’historien, « c’est la plus noble et la plus légitime des ambitions que celle qui cherche à fonder son empire sur la satisfaction des vrais besoins du peuple ?  […] À l’une comme à l’autre de ces prétendues faiblesses, il faut des signes extérieurs : il faut un culte au sentiment religieux ; il faut des distinctions visibles au noble sentiment de la gloire.” » Ici la vérité ne manque pas au tableau, mais la réflexion manque à l’historien. […] Pour accomplir sa noble tâche, la dictature, à notre avis, sous la forme du consulat à vie, suffisait donc au général Bonaparte, et, en le créant monarque héréditaire, on tentait quelque chose qui n’était ni le meilleur pour sa grandeur morale, ni le plus sûr pour la grandeur de la France. […] « Moreau, dit l’historien, avait retrouvé une véritable présence d’esprit, à peu près comme il lui arrivait à la guerre quand le danger était pressant ; il avait même fait de nobles réponses, singulièrement applaudies par l’auditoire. […] « Ce noble retour sur sa vie passée avait été couvert d’applaudissements.

409. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Le fait est qu’à un certain jour toutes ces belles dames de cœur, ces nobles et chevaleresques valets de carreau, avec lesquels on jouait si franc jeu, se retournent ; on s’était endormi en croyant à Hector, à Berthe ou à Lancelot ; on se réveille dans ce cabinet même dont parle Mme de Sévigné, et on n’aperçoit de tous côtés que l’envers. […] M. de La Rochefoucauld lui-même, il est permis de le conjecturer, en adoucit sur la fin et en corrigea tout bas certaines conclusions trop absolues ; durant le cours de sa liaison délicate et constante avec Mme de La Fayette, on peut dire qu’il sembla souvent les abjurer, au moins en pratique ; et cette noble amie eut quelque droit de se féliciter d’avoir réformé, ou tout simplement d’avoir réjoui son cœur. […] Une mère qui allaite, une aïeule qu’on vénère, un noble père attendri, des cœurs dévoués et droits, non alambiqués par l’analyse, les fronts hauts des jeunes hommes, les fronts candides et rougissants des jeunes filles, ces rappels directs à une nature franche, généreuse et saine, recomposent une heure vivifiante, et toute subtilité de raisonnement a disparu. […] Le gros du monde, même des gens d’esprit, est dupe des genres : il admire à outrance, dans un genre noble et d’avance autorisé, des qualités d’art et de talent infiniment moindres que celles qu’il laissera passer inaperçues dans de moyens genres non titrés. […] que de sensibles déchirures au noble et galant pourpoint !

410. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Pour des nobles, gens de salons, une belette, un rat, ne sont que des êtres roturiers et malpropres. […] Elles sortent les unes des autres, celles d’en haut de celles d’en bas, en sorte que la plus noble prend sa substance et sa nourriture dans la plus basse, et qu’ensemble elles forment une chaîne dont on ne peut détacher aucun anneau. […] Au fond, toutes les bêtes sont nobles. […] Buffon est là pour donner raison à La Fontaine. « Sa colère est noble, son courage magnanime, son naturel sensible. […] Après quoi il se fait habiller, met sa perruque, relève ses manchettes, s’assoit gravement dans un cabinet aussi noble qu’un salon.

411. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

« Le plus beau quartier de la ville de Coquetterie est la grande place, qu’on peut dire vraiment royale 44… Elle est environnée d’une infinité de réduits, où se tiennent les plus notables assemblées de coquetterie, et qui sont autant de temples magnifiques consacrés aux nouvelles divinités du pays ; car, au milieu d’un grand nombre de portiques, vestibules, galeries, cellules et cabinets richement ornés, on trouve toujours un lieu respecté comme un sanctuaire, où sur un autel fait à la façon de ces lits sacrés des dieux du paganisme, on trouve une dame exposée aux yeux du public, quelquefois belle et toujours parée ; quelquefois noble et toujours vaine ; quelquefois sage et toujours suffisante ; et là, viennent à ses pieds les plus illustres de cette cour pour y brûler leur encens, offrir leurs vœux et solliciter la faveur envers l’amour coquet pour en obtenir l’entrée du palais de bonnes fortunes. » On lit dans un autre passage, que dans le royaume, « il n’est pas défendu aux belles de garder le lit, pourvu que ce soit pour tenir ruelle plus à son aise, diversifier son jeu, ou d’autres intérêts que l’expérience seule peut apprendre45 ». […] Point de roturière, dit Somaise, dans L’Empire des Précieuses, les sciences et la galanterie n’ayant rien que d’illustre et de noble. […] Les vers les plus nobles, les plus doux, les plus sublimes de la langue, se terminent par des monosyllabes formés de cette diphtongue. […] Au fond, mademoiselle de Scudéry avait de l’esprit, de l’imagination, une âme délicate et noble. […] Sa lettre à l’évêque de Vence sur la détention du prince est intéressante et noble.

412. (1772) Éloge de Racine pp. -

L’académie française, qui honore les talens littéraires en les recevant dans son sein, a trouvé un moyen heureux et noble d’honorer aussi les talens d’un autre ordre, en leur décernant des éloges publics au nom de la postérité. […] Il traça des caractères énergiques, tels que don Diègue et le vieil Horace, émilie et Cornélie ; des caractères nobles et vertueux, tels que les deux frères dans Rodogune , Sévère et Pauline dans Polyeucte . […] Quelle modestie noble et douce dans le caractère d’Andromaque ! […] Ce sentiment si cher et si noble peut-il s’éteindre dans son ame ? […] L’ame de Racine était douce et tendre comme ses écrits, ouverte et noble comme sa physionomie.

413. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

C’est pour cela que j’ai toujours considéré la métaphysique et toutes les sciences purement théoriques, qui ne servent de rien dans la réalité de la vie, comme un tourment volontaire que l’homme consentait à s’infliger… » Ainsi il n’a point échappé à la crise inévitable des nobles esprits, an doute ; mais il s’en est tiré en l’éludant, en composant : il a mis quelques vérités à part, il ne dit pas lesquelles, mais on les devine aisément (Dieu, spiritualité, immortalité de l’âme, une portion de christianisme…). […] Évidemment, c’était un type, un noble exemplaire idéal qu’il eût été beau et glorieux de reproduire, en le renouvelant, même dans un cadre diminué et moins favorable. […] Royer-Collard, baissant un peu le ton dans l’une des lettres suivantes, était plus dans le vrai lorsqu’il insistait sur l’action utile et prolongée de l’écrivain, sur cette vocation qui n’avait pas été la sienne, à lui, et qui était de nature moins viagère ; on ne saurait définir d’une manière plus noble toute l’ambition permise à une littérature élevée, toute sa portée dans l’avenir, en même temps que ses difficultés, ses arrêts et ses limites : « … Vous, monsieur, il vous est donné de marquer autrement votre passage sur la terre et d’y tracer votre sillon ; vous l’avez commencé ; vous le suivrez sans l’achever jamais ; car aucun homme n’a jamais rien fini. […] Cependant vous seriez infidèle à la Providence si vous vous arrêtiez ; le prix n’en sera pas dans le retentissement de votre nom (vanitas vanitatum), il sera tout entier dans l’action que vous exercerez sur de nobles esprits… » Un jour, M. 

414. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Ils montent par degrés, parcourent les intervalles et ne s’élancent pas au but du premier bond ; leur génie grandit avec le temps et s’édifie comme un palais auquel on ajouterait chaque année une assise ; ils ont de longues heures de réflexion et de silence durant lesquelles ils s’arrêtent pour réviser leur plan et délibérer : aussi l’édifice, si jamais il se termine, est-il d’une conception savante, noble, lucide, admirable, d’une harmonie qui d’abord saisit l’œil, et d’une exécution achevée. […] Quand pourrai-je, au travers d’une noble poussière, Suivre de l’œil un char fuyant dans la carrière ? […] Le grand prêtre est beau, noble et terrible ; mais on le conçoit plus terrible encore et plus inexorable, pour être le ministre d’un Dieu de colère. Quand il arme les lévites, et qu’il leur rappelle que leurs ancêtres, à la voix de Moïse, ont autrefois massacré leurs frères (« Voici ce que dit le Seigneur, Dieu d’Israël : « Que chaque homme place son glaive sur sa cuisse, et que chacun tue son frère, son ami, et celui qui lui est le plus proche. » Les enfants de Lévi firent ce que Moïse avait ordonné. »), il délaie ce verset en périphrases évasives : Ne descendez-vous pas de ces fameux lévites Qui, lorsqu’au dieu du Nil le volage Israël Rendit dans le désert un culte criminel, De leurs plus chers parents saintement homicides, Consacrèrent leurs mains dans le sang des perfides, Et par ce noble exploit vous acquirent l’honneur D’être seuls employés aux autels du Seigneur ?

415. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Il naquit, sur la fin du xviie  siècle, en avril 1697, à Hesdin dans l’Artois, d’une honnête famille et même noble ; son père était procureur du roi au bailliage. […] Prévost tourne en plein ses récits au noble, au sérieux, au pathétique, et s’enchante aisément. […] son recours en désespoir de cause au père du marquis, au noble duc, qui reçoit l’affaire comme si elle lui semblait par trop impossible, et l’effleure avec une légèreté de grand ton qui serait à nos yeux le suprême de l’impertinence ; ces traits-là, que l’âge a rendus piquants, ne coûtaient rien à l’abbé Prévost, et n’empruntaient aucune intention de malice sous sa plume indulgente. […] Prévost appartient en littérature à la génération pâlissante, mais noble encore, qui suivit immédiatement et acheva l’époque de Louis XIV.

416. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Ils ont ce roidissement fanatique de l’Hérodiade de Mallarmé : « J’aime l’horreur d’être vierge… » C’est déjà une noble ambition que de vouloir départager, comme ils le font, les joies de l’âme et celles du corps, mais la mesure est insuffisante. […] Dans les fleurs, aux plis blancs de sa robe échappées, Suivez sa chevelure au vent, comme le chien Suit la flûte du pâtre au temps des épopées… Elle cueille humblement dans la joie en éveil Les lauriers les plus verts des plus nobles conquêtes Sans vieux fracas d’acier ni dur clairon vermeil. […] « Tout le long du livre, écrit Jules Tellier sur un ton un peu trop irrespectueux à l’endroit d’un noble poète dont il eût dû apprécier mieux que personne le tour purement académique, M.  […] Loin de les diminuer, Cette soif d’infini dont leurs grands cœurs sont pleins atteste leur noble origine.

417. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Louis XV, doué d’une si noble figure et de tant de grâces apparentes, se montrait, dès sa jeunesse, le plus faible et le plus timide des rois. […] Les Maurepas, les Richelieu, se révoltèrent à l’idée d’une bourgeoise, d’une grisette comme on l’appelait, usurpant le pouvoir réservé jusqu’alors aux filles de noble sang. […] Ici la mythologie cesse, et l’histoire commence, une peu noble histoire ! […] Une autre lettre toute familière de Mme de Pompadour, adressée à Pâris-Duverney, qui lui en avait suggéré l’idée première à elle-même, nous la montre poursuivant l’exécution de ce noble projet avec sollicitude : Le 15 août 1755.

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