J’attendais ce mot-là. […] » (Remarquez que l’évêque, par charité, ne lui disait rien, ne lui demandait rien, et qu’il s’était contenté de jeter à voix basse un mot d’incrédule pitié, en réponse aux brutalités du terroriste malade.) […] « — Disons encore quelques mots çà et là. […] En continuant son apostolat d’évêque sur la terre, il retient donc dans son cœur le dernier mot de sa foi ; il trompe donc pour le bien son troupeau : mais enfin tromper, même pour le bien, ce n’est pas d’un parfait honnête homme. […] Remplissaient est bien le mot, et certes cette journée de l’évêque était bien pleine jusqu’aux bords de bonnes pensées, de bonnes paroles et de bonnes actions.
Il nous fallait un sujet, un corps de vérités, d’où sortît un enseignement pratique ; un langage approprié, naturel, où les mots ne fussent que les signes nécessaires des choses. […] C’est l’éloge qu’il en fait à Balzac, en l’invitant à s’y venir fixer ; peut-être parce qu’il n’a pas peur d’être pris au mot. […] Que signifie le mot naturel, si ce n’est conforme à la nature ? […] Jamais le rapport des mots aux choses n’y est incertain ; jamais la langue n’y reste en deçà ou ne s’emporte au-delà des idées. Si le lecteur n’arrive pas jusqu’à la force du mot, c’est par trop peu d’attention ; s’il la dépasse, c’est que son imagination s’est ingérée dans le travail de sa raison.
Ces six gravures valaient, au bas mot, pour un marchand, 2 000, 2 500 francs. […] Pour ces gens, les mots ne gardent plus leur particularité, leur qualité unique, à l’exclusion de tout synonyme, d’être l’enveloppe s’adaptant juste à une chose ou à un être. Les mots, chez les linguistes, deviennent des dénominations vagues, des représentations effacées, dès à peu près de vocables, des entités. […] Il parle de cette voix douce, lente, peu sonore, et cependant très distincte, une voix qui s’amuse autour des mots ; et les caresse. […] Eh bien de cet inspecteur, depuis des années, des parties génitales affectées à messieurs les militaires, je n’ai pu tirer un renseignement, une anecdote, un mot.
Le mot, carpe diem, de l’insouciance helladique n’a pu chasser de son cœur les regrets et les craintes d’une hérédité catholique. […] Le mot est heureux, on a cru voir dans le manifeste de M. […] Le prophète demande à l’Iahvé cruel Le mot qui fait mourir et le mot qui délivre Mais mes amants repus soulèvent leur poing ivre Vers le proclamateur du devoir criminel ! […] Il ne la considère point dédaigneusement, en rhéteur uniquement curieux des mots. […] Il a dit les mots symboliques d’Artémis à Actéon : « Insensé, que fais-tu ?
Mais le tyran des mots et des syllabes, comme un autre Popilius, traça autour de l’esprit d’examen un cercle un peu étroit. […] Je n’ai qu’à recueillir ici le résumé des théories de la jeune pléiade, qu’à apprécier en peu de mots les doctrines qu’elle a proposées ou imposées à la critique. […] Ce que vous devez y tracer, ce n’est pas la nature elle-même, c’est l’impression vive, profonde, originale, poétique en un mot, que cette nature a dû produire en vous. […] C’est une énigme qui vous défie, prête à dévorer par le ridicule l’Œdipe maladroit qui n’en trouvera pas le mot. […] Ils ressemblent à l’homme instruit dont la mémoire chancelle, et qui reçoit avec plaisir de la bouche d’un interlocuteur le mot qu’il cherchait sans pouvoir le trouver.
Si quelqu’un semblait né pour être prêtre au plus beau et au plus digne sens du mot, c’était bien Bossuet. […] Ces discours si loués des contemporains et qu’ils s’accoutumaient à personnifier dans le mot du texte toujours heureusement choisi, ce Depositum custodi, prêché devant la reine mère, ce Surrexit Paulus de l’abbé Bossuet, comme on les appelait, nous deviennent présents et distincts, chacun avec sa physionomie particulière. […] — Puis quand il avait fini, et comme pour se mettre à l’abri de l’applaudissement, il rentrait aussitôt chez lui et s’y tenait caché, « rendant gloire à Dieu lui-même de ses dons et de ses miséricordes, sans dire seulement le moindre mot, ni de son action ni du succès quelle avait eu ; et la remarque qu’on fait à ce propos, ajoute Le Dieu, est un caractère vrai et certain, car il en usait de même dans toutes les autres occasions. » Il ne se considérait que comme un organe et un canal de la parole, heureux s’il en profitait tout le premier et aussi bien que les autres, mais ne devant surtout point s’en enorgueillir ! […] Bossuet n’a rien d’un homme de lettres dans le sens ordinaire de ce mot ; ayant de bonne heure connu ces triomphes de la parole qui ne laissent rien à désirer en satisfactions immédiates et personnelles (s’il avait été disposé à les savourer), s’étant dès sa jeunesse senti de niveau avec la haute renommée qui lui était due, naturellement modéré, et avec, cela habitué à tout considérer du degré de l’autel, on ne le voit rechercher en rien les occasions de se produire par la plume et de briller. […] Bossuet, en un mot, reste de tout temps l’homme de la parole de Dieu ; il l’aime, il n’aime qu’elle essentiellement.
Et pourtant il faut bien dire un mot de ce que nous pensons : c’est le propre et, si l’on veut, le faible de l’esprit critique, quand il a quelque chose (ne fût-ce qu’un petit mot) à dire, de ne pouvoir le garder ni sur le cœur ni sur la langue : il faut absolument que le grain de sel sorte, si grain de sel il y a. […] Je les aime comme vous ; mais, à mesure qu’on vieillit, la nature descend et les âmes montent ; et l’on sent la beauté de ce mot de Vauvenargues : « Tôt ou tard on ne jouit que des âmes 83. » C’est pourquoi on peut toujours aimer et être aimé. […] Écartons les querelles de mots et les confusions : pour qui lit ces lettres, comme pour qui a assisté aux conférences du Père, il est clair que la raison est subordonnée ; qu’elle a tort, selon lui, dès qu’elle n’est pas entièrement d’accord avec ce que l’auteur ou l’orateur déclare être la foi, et qui n’est, philosophiquement parlant, qu’un premier parti pris sur toutes les grandes solutions. […] Et de plus, la venue de l’une de ces Maries en Provence ne repose que sur des rapprochements puérils, faits à une fort basse époque. » Voilà le dernier mot de la critique impartiale.
II L’humanité est arrivée, a dit l’éloquent professeur, à une de ces époques où l’inquiétude la saisit, où elle s’agite confusément en proie à un malaise profond ; où, après avoir renversé par une révolte glorieuse les obstacles qui la retenaient dans sa marche, et avoir brisé son antique lien, devenu trop étroit pour elle et trop douloureux, elle s’arrête, tourne un instant sur elle-même, interrogeant chaque point de l’horizon, se demandant et demandant à son histoire passée et à tout ce qui l’entoure où elle va, d’où elle vient, et la raison de de qu’elle a fait, et la règle de ce qui lui reste à faire ; la loi, en un mot, de son progrès et de sa vie. […] Or l’humanité, dans le sens où il l’entend, l’humanité, collection et succession de tous les individus humains, n’a pas d’âme, n’a pas de vie antérieure, n’a pas de vie ultérieure ; elle n’a qu’un développement historique ; ce qu’on peut entendre par sa destinée ne saurait signifier relativement à elle ce que signifie le mot de destinée appliqué à l’homme. C’est nous donner le change et se payer de mots, que d’identifier le problème de la destinée de l’humanité avec celui de la destinée du moi ; la métaphysique et la psychologie ne détermineront pas l’histoire ; l’individu quelconque, s’observant isolément d’après la méthode expérimentale appliquée aux faits de conscience, n’atteindra que certaines formes constantes de sa nature, certains éléments abstraits de son esprit ; il n’acquerra que des probabilités éloignées sur l’immortalité de son âme, et il ne sera nullement en droit ni en mesure de conclure de là au développement de l’espèce à travers les siècles, à l’explication de sa perfectibilité croissante, de son émancipation progressive, de ses conquêtes au sein de la nature ; à la prédiction de son avenir sur cette terre ; pas plus que le chimiste habile qui aurait décomposé et analysé une portion du lobe gauche ou droit du cerveau humain, qui aurait vu certains gaz se sublimer et certains sels se déposer, ne serait en mesure ni en droit de conclure de cette décomposition morte à la loi physiologique du règne animal et de ses évolutions organiques. Mais si, comme nous n’en doutons pas, l’humanité est autre chose qu’une collection et qu’une succession d’individus ; si elle existe et vit par elle-même en présence de la nature ; si, comme la nature et à un plus haut degré encore, elle est une manifestation incessamment perfectible de Dieu ; si l’humanité, en un mot, vit et se développe en Dieu, et l’homme dans l’humanité, à plus forte raison alors ne sera-t-il pas permis d’isoler l’homme et de l’interroger uniquement dans son moi pour lui faire rendre l’oracle de la destinée sociale et humaine, destinée qui aura recouvré en ce cas son acception la plus profonde et la plus sublime. […] philosophe, vous faites mention de ce qu’ont pensé Crantor, Chrysippe ou La Rochefoucauld, et vous fermez les yeux, en prononçant à la légère le mot d’inspiration, devant les Védas, les Évangiles, le Coran, les Pères et les Docteurs, tous les grands livres de la destinée humaine ?
Il conviendra ici d’en bien repasser les termes, et souvent, par une courte réflexion sur le sens précis des mots, l’évidence de la chose apparaîtra : on pourra aussi parfois la saisir dans les applications particulières qui s’en peuvent faire, où la vérité se découvrira d’une façon en quelque sorte matérielle et sensible. […] Il y a là, si l’on veut, une sorte de contradiction nécessaire et innocente, qui fait que le pessimiste, épris du néant, a droit de vivre, de jouir, d’aimer les bonnes et belles choses ; que le déterministe délibère tout comme le croyant au libre arbitre, et accepte devant les hommes la responsabilité de ses actes : tout comme on se sert dans le langage de mots et d’images qui impliquent mille croyances et une conception de l’univers que nos pères des antiques tribus aryennes s’étaient faites, et que nous avons réformées depuis des siècles. […] On élargit le sens d’un mot ; on y met ce qui n’y était pas ; et, sans s’apercevoir qu’on a introduit des éléments nouveaux dans la question, on la résout par les principes qui ne conviennent qu’aux premières données. […] Mais quand on en déduit que l’égalité absolue, toute supériorité abolie avec toute distinction, toute propriété, toute autorité, que cette égalité-là doit régner dans la société humaine, le raisonnement est faux, et l’on joue sur le mot égalité. […] C’est-à-dire qu’il faut se rendre toujours un compte rigoureux de la valeur des mots qu’on emploie, n’en perdre jamais de vue le sens précis, et prendre garde de conserver toujours la même étendue au même terme.
Qu’est-ce que les mots sublimes de Corneille, ou les mots comiques de Molière ? […] Justifiant une plaisanterie d’une de ses comédies, qu’on ne trouvait guère fine, il disait qu’elle n’était plaisante que par réflexion au personnage : « l’auteur n’a pas mis cela pour être de soi un bon mot, mais seulement pour une chose qui caractérise l’homme, et peint d’autant mieux son extravagance ». […] On voit Antoine, à chaque fois qu’il a dit un mot en faveur de César, averti par une agitation houleuse, par un sourd grognement de la canaille, se hâter de retirer tout, et de décerner à Brutus un compliment aussi creux que pompeux. […] Bossuet ne manque jamais de faire connaître le plan qu’il se propose de suivre dans ses oraisons funèbres : mais il le fait sans le dire, sans compter sur ses doigts les parties et les parties des parties, sans sécheresse en un mot ni nomenclature rebutante.
Il est extrêmement intelligent (donnez, je vous prie, au mot toute sa force). […] Prenez le mot, de grâce, au sens le plus favorable. […] Et c’est pour cela qu’il n’est pas artiste au sens étroit du mot, mais moraliste et curieux. […] Amour coup de foudre, amour-passion, amour-caprice, amour-galanterie, tous les amours que ce grand fendeur de cheveux en quatre qui est Stendhal a décrits et classés, je comprends tout, j’excuse tout ; parfois même j’envie… Mais ce qu’il préfère, je crois, c’est une espèce d’amour en même temps idyllique et mondain, franchement sensuel, mais relevé d’un peu d’illusion, de rêve, d’« idéal » (ce mot revient souvent sous sa plume), l’Oaristys de Théocrite dans un salon de nos jours. […] Et je ne vous parlerai pas non plus de son style, souple, ondoyant, nuancé, dont la facilité abondante est pourtant pleine de mots et de traits qui sifflent, tout chaud de la hâte de l’improvisation quotidienne, avec un fond de langue excellente, mais avec des négligences çà et là, des plis de manteau qui traîne, comme celui de quelque jeune Grec, auditeur de Platon.
On me cite de lui des mots d’un esprit surprenant, d’un tour héroïque, qui joignent l’éclat de l’image à l’imprévu de l’idée. […] C’est un sentiment qui tient tout entier dans le mot de cette Napolitaine qui disait que son sorbet était bon, mais qu’elle l’aurait trouvé meilleur s’il avait été un péché. […] Un mois après, sans avoir rien dit, elle entre une nuit dans la chambre de l’officier et se livre, toujours sans dire un mot (le Rideau cramoisi) Le comte Serlon de Savigny empoisonne sa femme, de complicité avec sa maîtresse Hauteclaire, fille d’un prévôt, avec laquelle il fait des armes toutes les nuits. […] Et c’est, dans les détails comme dans les conceptions d’ensemble, un romantisme effréné et puéril. «… Je me suis piqué la veine où tu as bu, écrit Vellini à Ryno, et je trace ces mots à peine lisibles avec l’épingle de mes cheveux sur cette feuille arrachée d’un vieux missel… » Et dire que c’est tout le temps comme cela ! […] C’est de l’héroïsme tout simplement, et je vous prie de donner au mot tout son sens.
Mais ce passage capital de Daniel frappa les esprits ; le mot de fils de l’homme devint, au moins dans certaines écoles 371, un des titres du Messie envisagé comme juge du monde et comme roi de l’ère nouvelle qui allait s’ouvrir 372. […] C’est par ce mot qu’il se désignait 374, si bien que dans sa bouche, « le Fils de l’homme » était synonyme du pronom « je », dont il évitait de se servir. […] Le nom de Capharnahum, où entre le mot caphar, « village », semble désigner une bourgade à l’ancienne manière, par opposition aux grandes villes bâties selon la mode romaine, comme Tibériade 375. […] Dans Jean, XII, 34, les Juifs ne paraissent pas au courant du sens de ce mot. […] , aux mots[Greek : Gergesa, Gergasei].
Voilà mon dernier mot. […] Je remarque enfin dans la lettre de madame Scarron une espèce de contresens comme il s’en trouve souvent dans les écrits qui ne sont pas francs : « Si les enfants sont au roi, je veux bien m’en charger ; je ne me chargerais pas sans scrupule de ceux de madame de Montespan. » Ces mots signifient, je veux bien me charger des enfants du roi et de madame de Montespan, si le roi me l’ordonne. […] Le mot de scrupule est donc employé à contresens dans la phrase de madame Scarron. […] Le dernier mot de madame Scarron fut rapporté au roi. […] Voulant être distinguée du roi, lui être agréable, parce qu’elle l’aimait, mais voulant son estime et conserver le respect d’elle-même, pouvait-elle employer des moyens à l’usage des femmes ordinaires, mettre en pratique cet art de plaire, cet art de la cour, qui comprend l’art de nuire à tout ce qui n’est pas soi ; à intriguer contre une favorite a qui et le doit sa place ; à lui tendre des pièges, à lui opposer d’autres femmes dont elle pourra avoir bon marché, à rechercher les occasions de s’introduire près du maître, de surprendre ses regards, de les attirer par des soins et des parures qui déguisent son âge ; à se faire vanter, célébrer par des prôneurs ; à se distinguer tantôt par la finesse de la louange, tantôt par son enthousiasme, toujours par l’à-propos ; à rappeler d’une dis tract ion, à faire revenir d’un caprice par des bouderies, par des querelles, par des minauderies ; en un mot, à pratiquer le manège d’une coquetterie subalterne ?
Le vice moderne qui a fait le plus de mal peut-être dans ces derniers temps a été la phrase, la déclamation, les grands mots dont jouaient les uns, et que prenaient au sérieux les autres, que prenaient au sérieux tous les premiers ceux mêmes qui en jouaient. […] La manière en semble faite exprès pour expliquer le mot de Voltaire : La grâce en s’exprimant vaut mieux que ce qu’on dit. […] Le héros des Mémoires est le chevalier, depuis comte de Grammont, l’homme le plus à la mode de son temps, l’idéal du courtisan français à une époque où la Cour était tout, le type de ce personnage léger, brillant, souple, alerte, infatigable, réparant toutes les fautes et les folies par un coup d’épée ou par un bon mot : notre siècle en a vu encore de beaux restes dans le vicomte Alexandre de Ségur et le comte Louis de Narbonne. […] En un mot, le xviiie siècle commence avec Hamilton. […] Je lis dans les Anecdotes littéraires de l’abbé de Voisenon, un mot sur Hamilton, qui aurait besoin d’éclaircissement : « Le comte de Caylus, qui le voyait souvent chez sa mère, dit cet abbé, m’a certifié plus d’une fois qu’il n’était point aimable. » Se peut-il qu’Hamilton n’ait point été aimable en société, et, malgré toutes les attestations du monde, le voudra-t-on croire ?
VI Entendons-nous, chemin faisant, sur un qualificatif fort usité de toutes parts, profanum vulgus, mot d’un poëte accentué par les pédants. […] Fixons le sens de ce mot. […] Elle le prend en flagrant délit de fréquentation populaire, allant et venant dans les carrefours, « trivial », disant à tous le mot de tous, parlant la langue publique, jetant le cri humain comme le premier venu, accepté de ceux qu’il accepte, applaudi par des mains noires de goudron, acclamé par tous les rauques enrouements qui sortent du travail et de la fatigue. […] Le dernier mot de l’abîme est stupeur. […] Tout cela expire et rampe, n’ayant pas même la force d’aimer ; et, à leur insu peut-être, tandis qu’ils se courbent et se résignent, de toutes ces inconsciences où le droit réside, du sourd murmure de toutes ces malheureuses haleines mêlées, sort on ne sait quelle voix confuse, mystérieux brouillard du verbe, arrivant syllabe à syllabe dans l’obscurité à des prononciations de mots extraordinaires : Avenir, Humanité, Liberté, Égalité, Progrès.
Depuis dix leçons déjà, il parlait de métaphysique, sans avoir défini ni le mot ni la chose ; plusieurs auditeurs, embarrassés, et voulant à toute force une formule pour la mettre en tête de leurs cahiers, le pressaient d’interrogations. […] Comme, dans bien des têtes, les mots métaphysique, obscurité, difficulté, se trouvent confondus, il se pourrait que, si j’ai quelquefois eu le bonheur de m’expliquer avec clarté, on ait cru entendre autre chose que de la métaphysique. […] Il les ramène à leur origine, et note les légères différences qui les séparent ; il marque soigneusement le sens des mots et les nuances des expressions ; il enseigne aux gens le français qu’ils croient avoir appris, et la logique qu’ils pensent savoir de naissance. […] Marquons donc en deux mots la portée, les limites et les règles de leur méthode. […] Ils supposent l’esprit de l’homme plein et comblé d’idées de toutes sortes, entrées par cent sortes de voies, obscures, confuses, perverties par les mots, telles que nous les avons lorsque nous commençons à réfléchir sur nous-mêmes, après avoir pensé longtemps et au hasard.
Peut-être cela tient-il en partie à ce que le dernier mot de Moréas : « les écoles, c’est des bêtises » (il le savait, en ayant fondé deux ou trois) est entré dans la science littéraire ; le « manifeste » paraît bien aujourd’hui un genre mort. […] N’eût-il pas mieux valu brosser quelques pages sur les représentations de l’œuvre, ou les mardis de Mallarmé, dont il ne dit pas un mot ? […] Barre attribue à ce morceau une importance poétique qu’il n’a pas. — La part de l’intentionnel et du conscient est fort exagérée ; nul poète plus que Mallarmé n’est mené, tyrannisé, par les mots, les images, les associations les plus accidentelles et les plus imprévues ; comme poète, il est ici plus près des romantiques et de Verlaine que des classiques et de Baudelaire. […] Derrière les éblouissants rideaux de mots qu’avec une fragilité ovidienne tissa M. […] Barre, pour « orchestrer des poèmes comme Wagner », mais pour donner au vers, mot intégral, toute sa densité adamantine, pour en éliminer, comme la paille qui le briserait, tout soupçon de déjà vu, pour le ramener à une pureté d’essence.
Elle prononça en sa présence trois cents mots les plus bizarres qu’elle put imaginer, & les fit écrire afin de s’en ressouvenir. […] Il faut avouer que c’étoit un grand Reteneur de mots.
Évidemment, pendant que je prononce le même hémistiche pour la seconde fois, il y a autre chose dans ma conscience que les mots : Regrettez-vous le temps ? […] Le second acte est la fusion de l’image et de la perception, qui aboutit à la reconnaissance de la similitude, ou, en un seul mot, à la reconnaissance. […] Nous en avons déjà dit quelques mots ailleurs135. […] Cette vision ne reste pas passive et entre elle-même parmi les facteurs du problème en train de se résoudre : la conscience de l’évolution, en un mot, devient une des conditions de l’évolution. […] Penser, en un mot, c’est établir des relations tout au moins de différence et de ressemblance ; or, il n’y a de différence et de ressemblance aperçue qu’entre des objets co-existants dans la conscience.
Le mot est gros, mais il vient aux lèvres à chaque instant, quoi qu’on fasse. […] Incapables d’avoir une pensée sans avoir le mot qui l’exprime, nous recevons nos idées des mots que nos pères nous transmettent. […] — Jamais une idée sans le mot qui l’exprime, dites-vous. […] Les droits de l’homme et de l’humanité ont été leur premier mot. […] Ils se paient de mots, comme une foule, et de mots qu’ils trouvent, comme des auteurs.
Sur chacun des mots dont il devient le familier il établit une fiche. […] Il ne dit pas un mot. « Qu’est-ce qui vous embarrasse, semblait-il me demander ? […] Mais il transformait ainsi le mot d’une façon consciente. […] Prenons-le dans son sens le plus étendu ; il se manifeste par des états autant que par des mots. André Breton, ne vous tuez pas avec des mots.
Le poète a ouvert la bouche et a poussé un beau son, mais les mots gaulois, le français de son temps, sont trop minces pour cette gravité latine et cette plénitude continue qu’il y faudrait. […] Il nous rend à merveille le fin mot de cette Cour romaine du xvie siècle, ce qui la distingue en général des autres Cours par son caractère de douceur, de finesse et de ruse : Marcher d’un grave pas et d’un grave sourcil, Et d’un grave souris à chacun faire fête, Balancer tous ses mots, répondre de la tête, Avec un Messer non, ou bien un Messer si ; Entremêler souvent un petit E cosi, Et d’un son Servitor contrefaire l’honnête, Et comme si l’on eût sa part en la conquête, Discourir sur Florence et sur Naples aussi ; Seigneuriser chacun d’un baisement de main, Et, suivant la façon du courtisan romain, Cacher sa pauvreté d’une brave apparence : Voilà de cette Cour la plus grande vertu, Dont souvent mal monté, mal sain et mal vêtu, Sans barbe et sans argent on s’en retourne en France. […] Et je l’ai bien voulu insérer en la présente de mot à mot et que j’ai enclos ci-dedans. […] Jacques Amiot, qui avait un français d’un coloris si vif et qui avait mis du rouge à Plutarque (entendez-le à bonne fin), semblait en effet avoir emprunté son nom au mot grec qui signifie vermillon, ἄμμιον. […] La différence est à la vue comme dans les noms. » Le sonnet de Du Bellay est la contrepartie du mot de Courier : il montre que la poésie, à qui sait la cueillir, est partout, et que les lieux les plus humbles, sous la vérité de l’impression, ne le cèdent en rien aux plus beaux, mais gardent d’autant mieux leur physionomie attachante.
Byron et Gœthe, l’un par son ironie poignante et exaltée, l’autre par son calme également railleur et plus égoïste peut-être, ont autorisé ce changement d’acception du mot génie et ont prêté aux apothéoses fantastiques qu’on s’est mis à faire des grands hommes. […] C’est à propos des conseils pieux, donnés par saint Louis à son fils, et qui rappellent le mot tout à l’heure cité d’Énée à Ascagne : « Belles et touchantes paroles ! […] L’artiste même, le poëte qui n’est tenu à nul système, mais qui réfléchit l’idée de son siècle, il a de sa plume de bronze inscrit la vieille cathédrale de ce mot sinistre : Anankê. […] C’est un mot poli pour dire « le fils naturel. » 93. […] Roland a fini, comme Valazé, comme Condorcet : est-ce donc de ce seul mot rapetissant qu’il convenait de payer sa digne mémoire ?
De tels mots, sciemment faux dans la pensée de celui qui les écrit, donnent la mesure de sa conscience. […] Mais ses sentences rédigées avec une patience laborieuse, et ses mots aiguisés de sang-froid, indiquaient bien la passion de l’opposition. […] Il balbutia avec eux quelques mots de liberté, et on les applaudit dans sa bouche ; il rentra chez lui pour se féliciter de sa haine assouvie contre les ministres, mais les ministres avaient entraîné les Bourbons. […] Disons franchement le mot, c’est mauvais en masse, souvent beau en détail ; cela n’honore pas M. de Chateaubriand, et cela déshonore autant qu’il le peut tout son siècle. […] — Mais d’abord, quelques mots de préambule, nous dit alors notre prudent lecteur, pour vous expliquer où nous allons prendre le récit.
France pourrait à son tour me faire grâce de torcol et bardocucule, deux bons vieux mots que j’ai employés quelque part et qui l’irritent. […] On est donc religieux ; n’est-il pas d’une délicieuse élégance de raconter une scélératesse bien noire avec des mots sacrés ? […] En appliquant aux mots le principe de l’analogie, on trouverait que les sons qui les composent correspondent à des couleurs et à des parfums. […] Ils ont largement commenté le vers de Victor Hugo : — Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant. […] Cependant voilà longtemps déjà qu’en Angleterre une école célèbre cherche dans les mots une musique, des couleurs et des parfums, et je ne vois pas qu’on parle de décadence anglaise.
En un mot, l’identification du point de vue scientifique de Claude Bernard et du point de vue littéraire de Zola est absolue. […] C’était en un mot le beau temps de la littérature spiritualiste. […] Ce sont là évidemment les paroles de la force, des mots irréfutables et sans réponse. […] Je veux dire, en un mot, que le naturalisme a manqué jusqu’ici de largeur et d’universalité dans sa vision du monde. […] Après lui, la « Terre » et la « Joie de vivre » restent encore à décrire, car nous mettons désormais sous ces mots une plus riche compréhension.