Concevoir le monde comme un militarisme psychologique, à qui convient une théorie et une seule, envisager comme identiques les infiniment variées positions morales dont le nom seul est commun, et comme comportant une solution (qu’on va vous dire), imaginer qu’on a formulé la vie quand on a trouvé cinq ou six problèmes abstraits, est-ce le fait d’« une des plus hautes intelligences de notre temps » ou d’un Homais raisonneur et borné ? […] Seulement il y a des individus — et j’en suis — à qui échoient des tempéraments de conteurs, que le monde amuse, qui le regardent, et qui le racontent gentiment.
Le voilà introduit dans le monde des cours, logé dans un palais blanc aux salons dorés, entouré de laquais chamarrés, servi magnifiquement à table ; mais, remarque-t-il, « ces dîners somptueux sont si fades à mon estomac qui a déjà broyé pas mal de vache enragée ! […] Il essuie les plâtres d’un monde en construction.
Cette loi du moindre effort, comme on la nomme souvent, s’applique au monde moral comme au monde physique.
Je lui dirais : « Mon frère, te voici venu tout seul, tout ignorant, tout pauvre, dans un monde où l’isolement, l’ignorance et la pauvreté sont des caves froides et noires sur lesquelles la Matière repue a bâti son palais. […] Ou bien, supposant que tu seras un agréable valet, ils te poliront, ils te ponceront, ils te châtreront, ils te feront donner de l’Éducation. — Dans ce cas, tu es perdu : tu deviendras l’amuseur du Prêtre et du Mage, du Roi et de la Reine, du Capitaine des Gardes et du Trésorier, du Grand Juge et du Propriétaire… c’est-à-dire la chose du Menteur et du Niais, du Soudard et du Voleur, du Prévaricateur et du Satisfait « Si par ta propre Volonté — car tu possèdes la volonté — tu échappes à la cave et à l’Éducation, tu te réfugieras dans le monde des poètes.
Vers 1615, Armand Duplessis, âgé de vingt ans, qui avait déjà paru aux états-généraux de 1614 avec distinction, fut aussi introduit à l’hôtel de Rambouillet : il y soutint, dit-on, une thèse d’amour, c’est-à-dire, sans doute, qu’il y exprima une opinion contestée et la défendit en homme du monde. […] Remarquons que ces nouvelles recrues en hommes de lettres et en hommes du monde ne déprécient pas plus que les premières l’hôtel de Rambouillet, et n’annoncent pas davantage les ridicules qu’on lui attribue.
« L’hôtel de Rambouillet », dit-il dans une note sur Dangeau (10 mai 1690), « était dans Paris une espèce d’académie de beaux esprits, de galanterie (galanterie est là pour élégance), de vertu et de science, car toutes ces choses s’accordaient alors merveilleusement et le rendez-vous de tout ce qui était le plus distingué en condition et en mérite, un tribunal avec qui fallait compter et dont sa décision avait un grand poids dans le monde, sur la conduite et sur la réputation des personnes de la cour et du grand monde, au tant pour le moins que sur les ouvrages qui s’y portaient à l’examen37. » 35.
C’est par-là qu’il réussit à rendre Balzac odieux à tant de monde. […] « On a vu, dit-il, trois mois durant, certain nombre de ceux de sa faction sortir tous les matins de leur quartier, & prendre leur département de deux en deux, avec ordre de m’aller rendre de mauvais offices en toutes les contrées du petit monde & de semer par-tout leur doctrine médisante, avec intention de soulever contre moi le peuple, & le porter à faire de ma personne ce que leur supérieur a fait de mon livre… Ils ont été rechercher, pour grossir leur troupe, des hommes condamnés par la voix publique, fameux par leurs débauches & par le scandale de leur vie, connus de toute la France par les mauvais sentimens qu’ils ont de la foi. » Toutes les actions du P.
Les mouvemens que se donne le monde auteur, connoisseur, amateur, & conduit par la partialité pour ou contre, ressemblent aux vagues d’une mer en fureur, qui vont & reviennent continuellement jusqu’à ce que le temps & le calme remettent les choses dans leur situation naturelle. […] Il débuta, dans le monde, par une ode sur le mariage du roi ; elle lui valut une gratification : ce succès le détermina à la poësie.
A son entrée dans le monde, il fut accueilli par le cardinal d’Auvergne, qui protégeoit les gens de lettres & qui le garda même quelque temps chez lui. […] Sentant le hart de cent pas à la ronde ; Au demeurant, le meilleur fils du monde.
Les maladies des habitants de la campagne sont moins nombreuses et plus simples que les nôtres ; plus nous sommes éloignés de la vie champêtre des premiers âges du monde, plus la vie moyenne s’est abrégée. […] Le médecin en doit savoir beaucoup moins que le naturaliste de profession, mais infiniment davantage que l’homme du monde.
Cette inaction, l’occasion continuelle de voir de beaux tableaux, et peut-être aussi la sensibilité des organes plus grande dans ces contrées-là que dans des païs froids et humides, rendent le goût pour la peinture si general à Rome, qu’il est ordinaire d’y voir des tableaux de prix jusques dans des boutiques de barbiers, et ces messieurs en expliquent avec emphase les beautez à tous venans, pour satisfaire à la necessité d’entretenir le monde, que leur profession leur imposoit dès le temps d’Horace. […] Les femmes hantent nos spectacles aussi librement que les hommes, et l’on parle souvent dans le monde de poësie, et principalement de poësie dramatique.
…… Renversement des lois de ce monde, les femmes nous ont pris… même la fatuité ! […] S’il revenait au monde, que dirait-il de se savoir si bien habillé ou déshabillé (as you like) dans le livre de sa maîtresse ?
Esprits raccourcis et passionnés, nous ne pensons, guères qu’à ce bout de toile historique dont nous sommes les tisserands d’un jour ou à ce qui peut directement s’y rattacher, et nous oublions trop que l’Histoire est particulièrement, dans sa notion pure et profonde, le récit des choses entièrement finies, des mondes entièrement disparus. […] Voit-il juste, enfin (car nous pourrions multiplier à l’infini de tels exemples), lorsque, à propos de Richard II, le bienfaiteur de ces moines qui firent tomber à genoux la barbarie devant eux, il parle de sa piété peu éclairée, comme si, dans ce sincère xe siècle, coulé d’un seul jet dans le monde virginal des peuples nouveaux, il y avait deux sortes de piétés, dont l’une fût éclairée et dont l’autre ne le fût pas !
Eh bien, voici un traducteur qui a réussi dans son œuvre et qui n’est pas le moins du monde, en matière de talent, le serviteur de l’homme qu’il a traduit, quoiqu’il lui ait rendu un fier service en le traduisant. […] triste figure, en effet, mais pour tous ceux qui ont gardé un peu d’idéal dans leur pensée, n’écrase-t-elle pas de sa hauteur et de son originalité la face vulgaire de Sancho, l’un des fils de cette mère Gigogne qu’on appelle la Sagesse du Monde, dont tous les enfants se ressemblent, qu’ils se nomment Sancho ou Panurge, Falstaff, Chrysale, Figaro, Pangloss, et même Méphistophélès ?
Ils n’affirment pas que le monde fait par Dieu est à refaire. […] Le misérable château de cartes — cette petite Babel de carton — élevé contre le monde de Dieu, s’est écroulé et lui est retombé sur les mains.
Tandis qu’il gouverne le monde, et qu’il prouve combien, pour maintenir l’empire, les bienfaits sont plus puissants que les armes, tandis que le sort de l’univers est en ses mains, vous ne pouvez vous apercevoir que vous avez fait une perte. […] » Et ensuite une prière à la fortune, pour qu’elle veuille bien permettre « qu’un si grand empereur remédie aux maux du genre humain désolé… Si elle regarde Rome en pitié, si elle n’a pas encore résolu d’anéantir le monde, ce prince, envoyé pour consoler l’univers, sera aussi sacré pour elle, qu’il l’est déjà pour tous les mortels26 ».
« Voici le printemps nouveau, le printemps harmonieux, la renaissance du printemps pour le monde. […] Tu peux t’enorgueillir de lui, plus que d’avoir donné Sénèque au monde, ou d’être mère de l’aimable Gallion.
C’est à celui qui remuera le plus grand nombre de tonnes qu’est donné, en fait, le gouvernement du monde. […] Et chacun, dans sa boutique, pense que si le commerce « va », cela signifie que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes »5. […] Ils ont adressé trois questions à un certain nombre de personnalités du monde juridique3. […] Leur désillusion est le fait d’esprits faussés, qui vivent dans un monde tellement artificiel qu’ils ne parviennent plus à rejoindre le monde réel. […] L’action et la révolte ne se comprennent justement que dans le but de rejeter les erreurs et les préjugés d’un monde imbécile et pour maintenir ses trésors les plus purs.
… Il y a comme cela de par le monde de la librairie des messieurs dont la fonction est de faire des notices sur les livres, et qui sautent ainsi sur les épaules des auteurs connus pour qu’on les voie. […] Cet ennui, pour tout le monde, est effroyable et ne rapporte rien. […] Seulement, de tous les fragments heurtés qui forment cet homme inachevé et lui donnent l’air d’un chaos qui n’a pas su être un monde, le fragment du critique est le plus puissant. […] Diderot, que j’ai dit ressembler à Gœthe, et qui lui est supérieur par la flamme, durera moins que Gœthe le glaçon, parce qu’il vaut mieux que lui par la passion et par la vie, et parce que, dans cette dernière minute d’un monde fini et pourri dans sa glace, le mot de Machiavel, que « le monde appartient aux esprits froids », est plus que jamais une vérité. […] Il a passé, mais il a passé de ce monde.
Si quelque habitant d’une autre planète descendait ici pour nous demander où en est notre espèce, il faudrait lui montrer les cinq ou six grandes idées que nous avons sur l’esprit et le monde. […] Pouvons-nous décider que tout événement à tout point du temps et de l’espace arrive selon des lois, et que notre petit monde si bien réglé est un abrégé du grand ? […] Mill s’arrête là ; mais certainement, en menant son idée jusqu’au bout, on arriverait à considérer le monde comme un simple morceau de faits. […] Ce magnifique monde mouvant, ce chaos tumultueux d’événements entrecroisés, cette vie incessante infiniment variée et multiple, se réduisent à quelques éléments et à leurs rapports. […] Ils ont essayé de les atteindre et de retrouver par la pensée pure le monde tel que l’observation nous l’a montré.
Il est l’aurore d’une littérature qui s’introduit par le roman dans le monde. […] Plus que tout au monde. […] Mon père reçoit beaucoup de monde. […] Que Dieu te donne toutes les joies de ce monde ! […] Cette paix, c’est le bonheur… Il n’y en a pas d’autre en ce monde.
La place fourmille de monde. […] La représentation est finie, le monde se disperse. […] Je crois qu’il n’existe pas, dans l’histoire diplomatique du monde, un document plus féroce que le Mémorandum de M. de Bismarck. […] Le monde ne peut subir l’abominable germanisme. […] » Victor Hugo, dans cette visite, se montre aimable, simple, bonhomme, pas le moins du monde grandiloque ou sibyllin.
Le reste du monde nous regarde comme des gens perdus, et nous méprise. […] Molière, ses pièces et ses acteurs étaient à la mode dans le monde le plus brillant. […] “Je conviens que c’est l’homme du monde qui a le mieux rêvé, ajouta Chapelle ; mais, morbleu ! […] Et c’est sous le règne du plus grand et du plus religieux monarque du monde ! […] Les Romains avaient pensé que ce drame convenait mieux à cette solennité que le tableau en action de quelque haut fait de ce maître du monde.
Là fréquentent des camarades et des amis : poètes, peintres, sculpteurs, tout un petit monde ardent et outrancier. […] Pour Baudelaire, l’homme est mauvais dans un monde mauvais où une influence satanique se mêle à sa vie et y engendre le péché, l’ennui et le dégoût. […] Sa vaste curiosité ne se lasse pas de courir le monde. […] Au milieu de ce monde quelque peu bigarré, la Pouplinière évoluait avec aisance et non sans finesse. […] M. de La Pouplinière aimait le spectacle et celui du monde devait le divertir.
Venaient-elles, d’âmes en âmes, de l’Inde, comme cette mystérieuse chanson de Mireille, issue des Védas, éparse dans le monde entier ? […] A-t-il vécu seul, l’âme pleine d’ombre, et morose, plus morose encore par l’écho de son rire que lui renvoyait le monde ? […] Ce miracle s’accomplit que, du chaos de barbarie accumulé sur les ruines du vieux monde, resurgit la jeune maturité du monde, et les temps nouveaux égaleront les temps anciens. […] Ils pénétrèrent, fécondèrent l’ombre humaine ; et naquit le monde moderne. […] Aujourd’hui même, un poète est mal vu dans le monde quand il n’a pas au moins une vieille tante à pleurer.
C’est une vérité vieille comme le monde, et que M. […] Si le monde offre de tels rapprochements, s’il y a des femmes assez adroites pour peupler leur salon des oublis de leur cœur, la poésie doit omettre cette face de la réalité. […] Tantôt le paysage encadre la pensée, tantôt la pensée éclaire le paysage, et cette alliance du monde intérieur et du monde extérieur n’a jamais rien d’artificiel. […] Obligé de subir chaque jour les reproches, les larmes, le désespoir muet de la femme qu’il a pour jamais séparée du monde, sa vie n’est plus qu’un perpétuel supplice. […] Aujourd’hui l’étude des langues modernes jouit dans le monde d’une popularité souveraine.
La sereine et noble Grèce a pour chef de ses poëtes tragiques un des plus accomplis et des plus heureux de ses enfants28, Sophocle, le premier dans les choses du chant et de la palestre, qui, à quinze ans, chantait nu le pæan devant le trophée de Salamine, et qui, depuis, ambassadeur, général, toujours aimé des Dieux et passionné pour sa ville, offrit en spectacle dans sa vie comme dans ses œuvres l’harmonie incomparable qui a fait la beauté du monde antique, et que le monde moderne n’atteindra plus. La France éloquente et mondaine, dans le siècle qui a porté le plus loin l’art des bienséances et du discours, trouve pour écrire ses tragédies oratoires, et peindre ses passions de salon, le plus habile artisan de paroles, Racine, un courtisan, un homme du monde, le plus capable, par la délicatesse de son tact et par les ménagements de son style, de faire parler des hommes du monde et des courtisans. […] Le paganisme du Nord s’exprime tout entier dans cet héroïque et douloureux soupir ; c’est ainsi qu’ils conçoivent le monde tant qu’ils restent hors du christianisme, ou sitôt qu’ils en sortent. […] Et qu’est-ce que cette vue, si ce n’est la sympathie, la sympathie imitative, qui nous met à la place des gens, qui transporte leurs agitations en nous-mêmes, qui fait de notre être un petit monde, capable de reproduire le grand en raccourci ? […] Quand je rêve ainsi, je dors. — Comme une folle, les yeux ouverts. — Crois-tu que nous nous connaîtrons l’un l’autre, dans l’autre monde ?