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376. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Ce qui manque dans ce drame, c’est tout motif intérieur, moral. […] Mais à cette série d’événements extérieurs, d’aventures, est venu s’ajouter un nouveau drame, exclusivement intérieur, — le drame de Wotan. […] Il fallait dès le début nous rendre visible, palpable, ce fait qu’on ne peut posséder l’Amour et l’Or en même temps ; il fallait nous faire voir de nos yeux le conflit intérieur entre le désir de l’Or et la soif de l’Amour ; et il fallait nous montrer la Mort, que ce conflit entraîne inévitablement. […] On verra que chez chaque personnage, et à chaque moment, c’est ce conflit intérieur qui est devenu le vrai drame94. […] Mais ils ne voient en lui que la puissance, qui saute aux yeux, et non l’artiste intérieur, le « Mensch », « celui, dit Wagner, qui a ses vues propres, et les suit sans tenir compte d’autre chose (Mittheilung, 289). » Les articles de M. de Fourcaud dans le Gaulois témoignent de cette tendance, ainsi que le livre très estimable de M. 

377. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

» s’écrient ses amis épouvantés de son blasphème ; mais leurs discours ne suffiraient pas à lui fermer les lèvres, quand le souverain interlocuteur, Dieu lui-même, sous la forme d’une inspiration sacrée et irrésistible, intervient dans le dialogue et écrase tout, amis, ennemis, orgueil, murmure, doute, plainte, blasphème, et le poète lui-même, sous la majesté foudroyante de la parole intérieure qui gronde dans le sein de Job. […] « Crois-moi, ne persévère pas dans le blasphème où le désespoir de tes misères t’a précipité. » XI Et Dieu lui-même, par la voix d’Élihu et par la voix intérieure de Job (on ne discerne pas bien ici l’intention du poète), Dieu adresse à Job cette foudroyante interpellation, ce défi divin d’égaler ou de comprendre ses œuvres, interpellation qui est l’hymne le plus sublime que la Toute-Puissance puisse s’adresser à elle-même ! […] sur le monde intérieur et sur le monde extérieur dont elle est enveloppée ? […] Celui qui a inventé ce prosternement intérieur de l’âme a inventé le seul rapport de l’âme à Dieu. […] L’homme ainsi doué se sent une puissance de vie intérieure qui userait des milliers de corps et des milliers de siècles sans avoir émoussé seulement sa faculté d’être, et il se sent accouplé par on ne sait quelle loi à une pincée d’argile corruptible, façonnée en organes qui tombent en ruines après un petit nombre de levers et de couchers de soleil, malgré tous ses efforts pour les réparer sans cesse et pour leur donner un peu de cette immortalité qu’il sent en lui.

378. (1884) Articles. Revue des deux mondes

La Grèce a succombé surtout par ses dissensions intérieures ; Rome impériale fut vaincue par ses mœurs avant de l’être par les barbares. […] Il y a en nous, dès le moment de la naissance, tout un faisceau de tendances confuses, formant les traits les plus généraux de notre caractère, qui ne nous portent vers aucune action spéciale et déterminée, mais sont susceptibles d’être pliées dans les sens les plus divers le jour où la réflexion et la liberté prendront en main le gouvernement intérieur. […] On comprendra enfin dans quel sens le progrès peut être indéfini, car la vertu est chose tout intérieure, et si la science et le bonheur rencontrent dans les conditions de notre nature et de notre existence ici-bas des limites nécessaires, l’homme, par son libre effort vers le bien, peut toujours et sans cesse élever au-dessus d’elle-même la hauteur morale à laquelle il est déjà parvenu. […] Mais certainement, il a fait faire de nombreuses dissections ; il parle des yeux intérieurs de la taupe, des viscères du lion et de plusieurs reptiles. […] «  Hérophile, ce médecin, ou plutôt ce boucher, qui ouvrit nombre de gens pour surprendre les secrets de la nature, qui se fit l’ennemi de l’homme pour le connaître ; et encore en connut-il bien toutes les parties intérieures ?

379. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

On comprend sans doute assez bien aujourd’hui la pensée intérieure cachée dans les mouvements du seizième siècle. […] Peu de commerce intérieur, peu ou point de commerce maritime ; la mer jouera un rôle médiocre dans l’histoire de cette époque ; car la mer, surtout la mer intérieure et les fleuves, c’est le mouvement. […] Tout au contraire l’époque du fini occupera des pays de côtes, les bords de quelque mer intérieure ; car les mers intérieures, représentant la crise et la fermentation de la nature, sont le rendez-vous des grands mouvements de la civilisation et de l’humanité. […] Cela n’est, pas moins vrai dans la vie intérieure d’un peuple que dans les relations extérieures des peuples entre eux. […] Et que faisait-elle à l’intérieur ?

380. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Un salon garni de meubles en damas rouge, aux bois dorés, aux lourdes formes vénitiennes ; de vieux tableaux de l’école italienne avec de belles parties de chairs jaunes ; au-dessus de la cheminée, une glace sans tain, historiée d’arabesques de couleur et de caractères persans, genre café turc : une somptuosité pauvre et de raccroc faisant comme un intérieur de vieille actrice retirée, qui n’aurait touché que des tableaux à la faillite d’un directeur italien. […] Sur l’autre panneau, des travailleuses des champs, faneuses ou glaneuses, par Breton, pliant sous le labeur, et la sueur au front, mettent, en cet intérieur de prostitution, l’image du travail de la campagne hâlée arrachant son pain à la terre avare. […] … Mais c’est sans intérêt… il aurait fallu qu’elle fût enlevée sur une jeune fille vivante… Heureusement, j’ai mon ami le docteur Bartsh… vous savez, celui qui voyage dans l’intérieur de l’Afrique… eh bien, dans les massacres… il m’a promis de me faire prendre une peau comme ça… sur une négresse vivante. […] quel trou dans notre intérieur ! […] Trois intérieurs, à trois crans de l’échelle, m’ont frappé… Au fond d’une cour, rue Jacob, on monte cinq étages, on suit un corridor où donnent des portes de chambres de domestiques, une sorte de labyrinthe dans des communs.

381. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Les exemples les plus frappants de ce genre de figures, tirées de l’invisible même, se rencontrent dans Shelley, qui souvent décrit les objets extérieurs en les comparant aux fantômes de sa pensée, et qui remplace les paysages réels par les perspectives de l’horizon intérieur. […] L’artiste fait sonner ce carillon intérieur auquel Taine compare le système nerveux : il a pour cela cent moyens, car la vibration invisible court d’une clochette à l’autre ; que l’une d’elles soit tirée de main de maître, toutes les autres se mettront en branle. […] Pourquoi ne ferait-il pas, en quelque sorte, sympathiser et rimer le monde intérieur et le monde visible ? […] Mais il est une sorte de ponctuation intérieure, non représentée par des signes, et que produit, dans chaque membre de phrase un peu long, la division même du sens. […] J’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même, être éternel.

382. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

On passait subitement d’une poésie sèche, maigre, pauvre, ayant de temps en temps un petit souffle à peine, à une poésie large, vraiment intérieure, abondante, élevée et toute divine.

383. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Nous entrâmes dans le cloître intérieur ; deux pruniers sauvages y croissaient parmi de hautes herbes et des décombres.

384. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

. —  Chaque petite rougeur avait une larme en elle — pour pleurer la faute que commettait sa naissance ; —  ou bien étaient-ce des diamants envoyés pour orner sa peau, —  sa peau, le coffret d’une âme intérieure plus riche encore ? […] Jadis le désordre et l’élan intérieur produisaient et excusaient les concetti et les écarts ; désormais on les fit à froid, par calcul et sans excuse. […] Le poëte est expert ; il a bien calculé, il sait faire une scène, montrer le duel intérieur par lequel deux passions se disputent le cœur de l’homme. […] Sous Spencer et Shakspeare, les mots vivants comme des cris ou comme une musique faisaient voir l’inspiration intérieure qui les lançait. […] Après avoir erré dans les débauches et les pompes de la Restauration, Dryden entrait dans les graves émotions de la vie intérieure ; quoique catholique, il sentait en protestant les misères de l’homme et la présence de la grâce ; il était capable d’enthousiasme.

385. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mérat, Albert (1840-1909) »

Une fleur aperçue dans un terrain vague ou sur le rebord d’une fenêtre, à un étage proche du ciel, un coin joyeux du faubourg, un pauvre intérieur étudié d’un coup d’œil qui en fait sentir la noire misère, un enterrement par la pluie, tout est bon aux rêves du poète.

386. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Table »

Bayreuth (histoire du théâtre de Richard Wagner à Bayreuth), par Édouard Dujardin avec la vue intérieure du théâtre de Bayreuth.

387. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Le sentiment de l’inconnu nous trouble4 ; mais comme il brouillait toute ardeur de la Beauté en l’incroyant Renan, il dirige notre adolescence vers la clarté du songe intérieur et les violentes langueurs du mysticisme catholique.

388. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

 » Raphaël est l’ange extérieur ; Éloa l’ange intérieur : les Mercure et les Apollon de la mythologie nous semblent moins divins que ces Génies du christianisme.

389. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième cours d’études. Une classe de perspective et de dessin. » pp. 495-496

On le creuserait, on poserait les fondements, on élèverait l’édifice assise par assise, jusqu’au faîte ; de là on passerait aux détails de la distribution et de la décoration intérieure, et les élèves s’instruiraient par les yeux, profondément et sans fatigue.

390. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Les Voix intérieures, publiées l’année dernière, ressemblent à un arrêt prononcé par M.  […] Mais la forme que leur a prêtée l’auteur des Voix intérieures est tellement verbeuse, tellement prolixe, que la sympathie devient impossible. […] À proprement parler, la poésie, telle qu’elle se révèle dans les Voix intérieures, est un fleuve sans source et sans rivage. […] Tantôt le paysage encadre la pensée, tantôt la pensée éclaire le paysage, et cette alliance du monde intérieur et du monde extérieur n’a jamais rien d’artificiel. […] Ursule, sœur de lait de Maurice, qui a voulu accompagner Madeleine, bonne, franche et railleuse, égaye de ses reparties l’intérieur de ces deux ménages.

391. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Dans leur jeune âge, il n’y en avait pas plus de deux, ou tout au plus trois dans la plupart des villes de l’intérieur du royaume. […] Le trop-plein de la séve intérieure se répand de ce côté, comme aussi dans les drames et les poëmes. […] Philosophie et paysages, cérémonies et parures, splendeurs de la campagne et de la cour, dans tout ce qu’il a peint ou pensé, il a imprimé sa noblesse intérieure. […] On a beau décrire cet état intérieur des grands artistes, il reste toujours à décrire. […] Vous reconnaissez ici l’exubérance et les bizarres caprices d’une végétation intérieure trop ample et trop forte.

392. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

C’est de la vérité extérieure qu’on en arrive à la vérité intérieure. […] Pour ceux-ci, ils ne sont si vivants que parce que leur portrait a été composé par l’intérieur. […] C’est que chez eux le principe intérieur est nul. […] Description d’un magasin de nouveautés, de la devanture, de l’intérieur, du hall central, des différents rayons, du réfectoire. […] C’est ici, à côté de l’intérieur opulent des Fromont et des Risler, l’intérieur gêné des Delobelle, le travail des deux femmes, l’infirmité et la mort de Désirée.

393. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Fox courait avec ses culottes de cuir, et prêchait à Cromwell la lumière intérieure. […] Michelet en aperçoit, c’est la source intérieure, c’est la passion musicale, c’est l’âme créatrice. […] Voici un intérieur de ménage : « Mme la Princesse était sa continuelle victime. […] L’élan intérieur de l’invention originale s’est dirigé et accéléré sous l’élan extérieur de l’intervention étrangère. […] À travers la littérature anglaise, vous découvrez à tous les âges cet homme passionné, concentré, intérieur.

394. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

S'il y a sous cette solitude et ce silence une vie intérieure, pontificale, à petit bruit, c’est un pouls de vieillard : on continue.

395. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 218-221

Ce naturel-là, qui est un charme, ne doit pas aller pourtant jusqu’au découragement intérieur et à la négligence de si beaux dons.

396. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Il est certes dangereux d’évoquer les noms sacrés et les œuvres définitives à propos de quelqu’un d’entre nous, fût-ce le meilleur, et cependant je voudrais redire que j’ai goûté ici, grâce à l’aisance du rythme et à l’art d’animer les choses familières d’une puissante vie intérieure, un peu du charme puissant et doux qui fait des Contemplations un livre à part en notre langue.

397. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Il a embelli son âme de toute la Beauté intérieure, et son âme a transformé en beauté tout ce qu’il lui a donné ; elle lui a fait trouver en lui-même « une possibilité particulière de vie supérieure dans l’humble et inévitable réalité quotidienne », et c’est cette vie profonde que le poète a vécu et dont il nous révèle la précieuse essence en ce beau livre de poèmes.

398. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Dans mes défaillances intérieures, toutes les fois que mon idéal scientifique a semblé s’obscurcir, en pensant à vous j’ai vu se dissiper tous les nuages, vous avez été la réponse à tous mes doutes.

399. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Le cygne y est mis en opposition avec l’aigle, l’un comme l’emblème de l’existence contemplative, l’autre comme l’image de l’existence active : le rhythme du vers change quand le cygne parle et quand l’aigle lui répond, et les chants de tous les deux sont pourtant renfermés dans la même stance que la rime réunit : les véritables beautés de l’harmonie se trouvent aussi dans cette pièce, non l’harmonie mais la musique intérieure de l’âme. […] Le sort en est jeté, j’écris ce livre : qu’il soit lu par mes contemporains ou par la postérité, n’importe ; il peut bien attendre un lecteur pendant un siècle, puisque Dieu lui-même a manqué, durant six mille années, d’un contemplateur tel que moi. » Cette expression hardie d’un orgueilleux enthousiasme prouve la force intérieure du génie. […] « En ce moment le tourment d’angoisse et de douleur de madame de Staël paraissait extrême, mais sans incertitude, et sa résolution était invariablement prise pour être exécutée sur l’heure, soit qu’elle sût déjà l’événement de Lons-le-Saulnier et toutes ses conséquences, soit quelle eût conclu de l’état intérieur des Tuileries, d’où elle venait, la perte absolue de toute espérance. […] Cela est affreux. » D’autres paroles, plus abandonnées, exprimaient, dit-on, avec une lucidité étonnante dans un pareil trouble public et privé, toutes les conditions de mécontentement intraitables, de secrètes hostilités, de défections cachées sous l’alliance dont Napoléon allait être entraîné de toutes parts à l’intérieur avec les périls et les démonstrations implacables du dehors.

400. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

. — Les Voir intérieures (1837). — Ruy Blas (1838). — Les Rayons et les Ombres (1840). — Le Rhin (1842). — Les Burgraves (1843). — Napoléon le Petit (1852) […] Qu’il rouvre les voiles du temple, et que, soutenue du redoutable esprit qui l’anime, sa muse combatte longtemps encore les penchants égoïstes et les révoltes intérieures de l’homme demeuré seul avec ses passions ! […] Au mouvement, au mécanisme intérieur de la phraséologie française, il a rendu ces périodes amples et flottantes que le xviiie  siècle dédaignait, qui avaient été s’effaçant de plus en plus sous les petits mots, les petites railleries des salons de Mme Geoffrin. […] Elle est le Beffroi de cette Cité mouvante et multiple, de toute forme et de tout âge, pleine de contrastes : où la Mosquée des Orientales s’arrondit, au milieu des flèches lyriques des Feuilles d’automne et des Voix intérieures, des Rayons et des Ombres, et des Contemplations ; où le Paris des Misérables s’agite autour de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, où le drame est représenté par tout un groupe tragique d’édifices, qui relient Aranjuez à la Tour de Londres, le Burg germanique au Louvre, la Renaissance italienne à la Décadence espagnole ; où le prétoire des Châtiments donne sur les camps et sur les tranchées de l’Année terrible, cette cité fantastique que la mer baigne, que les astres sans cesse interrogés illuminent, que les champs et les forêts envahissent ; où la nature, enfin, projette ses splendeurs et ses ténèbres, ses floraisons et ses éruptions, sur les luttes et les douleurs de l’humanité.

401. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Ensuite viennent les émotions de l’homme intérieur médiatement, c’est-à-dire par l’intermédiaire de l’expression de la physionomie et des gestes. » La perception de l’œil et ses deux intensités, pour ainsi parler, sont ici parfaitement définies et nous n’aurons, pour notre étude, qu’à suivre ces deux grandes divisions de l’optique théâtrale. […] « Nous reconnûmes bientôt la nécessité, dit-il, de relever les mouvements plastiques en leur donnant un rythme. » Comme le grand éloignement qui se trouve entre l’acteur et le spectateur est supprimé dans le théâtre de Bayreuth (voir plus haut), le premier peut exprimer les mouvements expressifs des émotions intérieures, qui sont alors visibles pour le spectateur. — Aux gestes exagérés des bras, qu’il reprochait à l’instant aux acteurs, Wagner oppose des mouvements plus modérés : « Nous pensâmes, dit-il, qu’une simple élévation du bras ou un mouvement caractéristique de la main ou de la tête, suffirait à exprimer les émotions de l’acteur. » A cette immobilité contre nature du chanteur, à cette situation étrange où se trouvent les acteurs, dans les ensembles des opéras, a cette nécessité enfin de parler devant le public ou de se dérober aux trois-quarts à sa vue, Wagner remédie par une simple attitude, basée sur l’observation de la nature : « Nous tirâmes, dit-il, de la passion même du dialogue le changement de poses que nous cherchions : nous avions observé que les accents les plus pathétiques de la fin d’une phrase donnaient lieu naturellement à un mouvement de la part du chanteur. « En effet, la force de l’expression se porte toujours à la fin d’une phrase, et, même dans la conversation ordinaire, nous faisons involontairement un geste pour ponctuer en quelque sorte le sens de notre discours (tome X, 389 et sq.) « Ce mouvement fait faire à l’acteur un pas en avant et, en attendant la réponse, il tourne à demi le dos au public ; ce mouvement le montre en plein à son partenaire : celui-ci, en commençant sa réponse, fait aussi un pas en avant, et, sans être détourné du public, il se trouve face à face avec le premier. » Ce jeu de scène paraîtra bien simple et indigne d’explication à nos critiques qui n’y verront « qu’un truc » comme un autre. […] Les tables de la scène forment un cercle, les colonnes un cylindre, et la forme circulaire se manifeste partout, dans la coupole comme au pied des murailles. — Les chevaliers décrivent une double courbe autour du cylindre médian, et ensuite encore une double courbe inverse dans son intérieur en prenant leur place ; les seules directions qui rompent le système circulaire sont l’attitude de Parsifal et le trajet des plus jeunes choristes allant d’une perte à l’autre ; mais tout ceci se passe dans l’ombre du premier plan. […] Nous avons montré dans le premier acte cette émotion intérieure que l’innocent éprouvait devant la passion du Gral, cette douleur compatissante qui le frappait au cœur.

402. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

La satisfaction de Flaubert éclate dans des violences de paroles, sous lesquelles la gentille Mme Daudet paraît peureusement rapetisser, la satisfaction de Zola s’expansionne dans le bonheur, bien naturel, de voir la fortune et l’argent prendre le chemin de son intérieur. […] Un silence, où, après toutes sortes de batailles intérieures, et avec la voix balbutiante qu’a la canaillerie dans une affaire, et cachant, sous le masque de l’imbécillité, le chaffriolement de ses traits, le marchand dit : — « Mais je vous en donne 120 francs. » — « Il me semble que c’est bien Bon Marché, reprit le jeune homme, est-ce que je ne pourrais pas en avoir 150 francs, dont j’ai absolument besoin ?  […] Renan ajoute que son tailleur qui habille l’Amérique, lui confiait que pour ses habits d’outre-mer, il a l’habitude de coudre un billet de 50 francs, dans l’intérieur de la manche. […] On conçoit ma fureur intérieure du procédé gouvernemental, et elle était complétée cette fureur, dans mon rêve, de ce que je me trouvais mêlé, dans une grande salle, à des confrères tondus comme des aspirants à la guillotine, aux mains exsangues, esthétisant prétentieusement, le monocle dans l’œil, — des confrères correctement sinistres, ainsi que le Baudelaire que j’ai entrevu une fois.

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