— Encore que la complexité de l’esprit moderne et les nombreuses impressions dont la mémoire est constituée me rendent difficile de fixer mon choix sans hésitation et, que dans le genre même qui est ma préférence, plusieurs noms sollicitent celle-ci, je crois ne pas errer en spécifiant les qualités maîtresses que je demande à mes poètes favoris : la clarté dans la grâce, et dans la grandeur la simplicité antique. […] Bien que Musset ne me donne pas au même degré d’intensité cette impression, presque physique, c’est peut-être lui qui est « mon poète » au sens où l’entend sans doute votre question, c’est à dire que c’est lui qui joue le mieux avec le clavier de mes sentiments. […] Mais je l’aime surtout parce que, comme l’a très bien dit de Gourmont, il est une force naturelle ; quand je le lis j’ai l’impression d’entendre les vents gronder et chanter dans les ramures d’une forêt éternelle. Or nul autre ne m’a donné, au même degré, cette impression.
Et on a l’impression que ça peut durer des années et des années, trente, quarante ans, que ça peut durer toujours. […] On a l’impression que si on n’était pas fatigué, au moins d’une certaine fatigue, si on était totalement neuf, totalement frais, on n’irait pas même jusqu’au travail, pas même jusqu’au travail neuf, jusqu’au travail frais. […] Puissé-je écrire jamais comme on essuyait les meubles, la mée, le buffet, le lit, (il n’y avait même pas d’horloge), puissé-je avoir jamais cette impression de victoire et de calme, cette certitude, cette plénitude, cette solitude, cette impression de possession définitivement, irrévocablement acquise, au moins pour un jour, puissé-je devant une phrase fouillée comme un buffet avoir cette vivante, cette laborieuse, cette ouvrière certitude, être sûr qu’au plus creux des fines, des délicates, des droites, des robustes moulures, pas plus qu’au plat le plus plan, au plat du plus large plan, au plus beau plat de bois luisant, au plus beau panneau, être plus que mathématiquement sûr qu’il ne reste pas pour aujourd’hui un grain de la poussière d’hier, sur le bois luisant, sur le noyer ciré d’avoir été ciré, d’avoir été frotté tant de fois tant de jours que derechef il ne reste pas un atome de poussière. […] Lui-même le sentait bien et quand il rompit la série, on n’eut pas d’autre impression que celle d’une série linéaire qui s’arrête, qui s’interrompt, que l’on interrompt, d’une série arithmétique qui fortuitement s’arrêterait ; que l’on rompt ; d’une série homogène et unilinéaire en un certain sens ; on n’a que l’impression d’une interruption ; on n’a nullement l’impression d’un découronnement ou d’un incouronnement, d’un inachèvement ou d’un désachèvement, d’un organisme qui ne parviendrait point à son achèvement, à son couronnement ; d’un manque ; ou si l’on veut d’un manque en quantité seulement ; nullement d’un manque en qualité, en forme, en achèvement, en chef et en couronne. […] Rien ne donne une impression d’arbitraire, de gratuit, comme ce plan en prose d’Iphigénie en Tauride ; une impression pénible ; un devoir ; une tâche.
Thiers corrige et recorrige, il y met tous ses soins ; il vient de revenir à Paris pour suivre l’impression de plus près.
Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières.
Armand Silvestre Je viens de relire l’œuvre considérable d’Alfred de Vigny et je suis tout entier à l’impression élevée, vivifiante qui s’en dégage.
Solitaire et sans le sou, il n’en traîne pas moins, à travers les spectacles quotidiens de la rue et la féerie des choses, une âme plus riche en sensations que celle d’un satrape oriental, mais cette vivacité d’impressions se paye de l’abolition de la volonté.
Si les paroles du roi ne prouvent pas en lui réveil d’un sentiment nouveau, il est du moins certain qu’elles durent faire une vive impression sur deux personnes fort intéressées a les étudier, après les avoir entendues.
La vue d’un Tableau de Raphaël sera plus d’impression sur un jeune Peintre ; la lecture d’une Oraison funebre de Bossuet, saisira plus un jeune Orateur, fécondera plus l’imagination de l’un & de l’autre, que tous les préceptes des Maîtres.
On dira peut-être que l’amour sur la Scène tragique, conduisant aux malheurs, aux crimes, & aux remords, cesse d’être dangereux, & devient un principe fécond pour développer avec succès les différentes impressions dont l’ame humaine est susceptible.
A l’impression de la Phédre de Racine, ses ennemis firent de nouveaux efforts : ils se hâtèrent de donner une édition fautive.
La justice que le public rend aux ouvrages qui se publient par la voïe de l’impression, peut bien se faire attendre durant quelques mois, mais ceux qui paroissent sur le theatre ont plûtôt rempli leur destinée.
Il ne nous raconte pas ses impressions et sa vie, et ses manières, longuement déduites, de penser, et ses excuses pour avoir agi.
il ne s’agissait que d’être un homme simple et droit, que la Philosophie n’aurait pas gauchi à l’avance, pour recevoir pleinement dans son âme l’impression de ces faits énormes, sans analogues dans l’histoire, et avec lesquels on se croit quitte quand on a prononcé d’une certaine manière les mots bien vite dits de Barbarie et de Féodalité.
pour donner au roman de Dumas fils quelque chose de vieux, d’arriéré, de déclamatoire et de faux ; mais si vous ajoutez à la fausseté de l’impression de l’artiste qui ne sent pas juste, vous arrivez à des résultats plus que superbes de fausseté et de déclamation.
Malheureusement, les circonstances dans lesquelles il parut empêchèrent l’impression qu’il aurait pu faire.
Et en effet, de génie spontané, d’impression première et même de nostalgie, de tête retournée vers les champs, M.
Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent.
Des principes qui tendaient à élever la faiblesse, à rabaisser l’orgueil, à égaler les rangs par les vertus, devaient donner à l’éloquence un mélange de force et de douceur ; enfin, l’étude et la méditation des livres sacrés, répandirent souvent sur ces discours une teinte orientale, inconnue jusqu’alors aux orateurs de l’empire ; d’un autre côté, le mépris d’une vaine gloire, l’absence des passions, l’impression que l’orateur faisait souvent par la seule idée du Dieu dont il était le ministre ; enfin, la persuasion qu’entre les mains de la divinité tous les instruments sont égaux, durent ou retarder, ou affaiblir les progrès de ce genre d’éloquence.
Étant homme de lettres, malgré tout et quoi qu’il en ait, il n’a pu complètement résister au désir de l’impression ; mais il se replie et rentre dans la retraite, avec délices ; il est l’homme du volume introuvable ; au fond, il regrette vraisemblablement la faiblesse qui l’a empêché de rester tout à fait inédit, et il appartient à la famille des Amiel, des Marie Bashkirstsef, des Maurice et des Eugénie de Guérin, de tous ces auteurs clandestins, grands rédacteurs de mémoires et de confessions, que l’horreur de la foule et la passion de la solitude contemplative réservent pour les gloires posthumes. […] Du voltairianisme modernisé : « Moi aussi, j’ai su louer Dieu, chanter pour lui des cantiques, et je crois même, ce faisant, l’avoir un peu surfait. » Des impressions de voyages, brèves, drues, synthétiques, évidemment influencées par Barrès. […] Il est bon de contrôler par une seconde lecture les impressions qu’il nous donne, et l’on en retire généralement le même profit que d’une seconde audition de musiques difficiles. […] Telle est du moins mon impression. Et il n’y a peut-être en ces matières que des impressions personnelles, variables même selon le moment et le contexte.
Il force son impression ou son expression ; il veut paraître, être remarqué ; partant, il exagère. […] Mais la rivière, la prairie, les bois qu’on a vus dans ses premières promenades laissent au fond de l’âme une impression que le reste de la vie achève et ne trouble pas. […] Dans cet arrangement si favorable à la dignité et à la splendeur de l’édifice, l’artiste a trouvé moyen de ne pas ajouter un accent au cérémonial et à l’étiquette, à l’inquiétude et à l’impression du mystère. […] Après lui, avec l’aide de son livre, et aussi d’après mes impressions personnelles, je voudrais retracer cette physionomie originale, douce, fière et pensive. […] H… était, à ses yeux, le type le plus exact des facultés et des préjugés d’un country gentleman ; de même Napoléon disait que, avant de faire une loi considérable, il imaginait l’impression qu’elle produirait sur un gros paysan.
L’impression de Rome sur Renan fut profonde, inouïe. […] Ces impressions se sont réveillées ici avec une énergie que je ne puis vous décrire. […] On la provoque à faire sur nous une impression, et dès lors elle y fait un peu celle que nous avons désirée. […] L’impression est d’abord de stupéfaction. […] Mais l’impression d’ensemble reste infiniment pénible.
L’imagination de Lucrèce, frappée à la fois de ces deux impressions, les mêla dans ses vers, sans que la verve, toute nouvelle et toute vive encore, d’un Romain naissant aux beaux-arts ait pu s’éteindre sous les froides théories du scepticisme. […] Son cœur s’ouvrait naturellement à toutes les nobles impressions, à tous les sentiments purs et droits, la tendresse paternelle, l’amitié, la reconnaissance, l’amour des lettres. […] On conçoit la vive impression que cette lecture avait faite sur l’imagination du plus tendre de nos poètes, de Racine, dans sa première jeunesse, étudiant la langue grecque à Port-Royal. […] Le goût du poète pour les beautés de la nature, son impression si vive des frais paysages de l’Angleterre, indiqueraient seuls qu’il devait chercher le repos des champs. […] Ils passent, et le souvenir subsiste ; et, dans le désordre de l’ouvrage, l’impression que fait le poète est toujours puissante.
Si, physiologiquement, l’homme est immuable, et seulement capable des mêmes sensations, il a besoin, pour maintenir en lui le même degré d’émotion, que ses impressions soient renouvelées. […] Elle nous a laissé cette impression d’enfance : Je n’avais de terreur soudaine, de tristesse Qu’au moment frissonnant et frais où le jour baisse Et je ne croyais pas qu’il y eût d’autre ennui Que le souci sacré que nous cause la nuit Comme aux oiseaux, comme aux buissons, comme aux [corolles ! […] Aucun poète, peut-être, ne s’est approché aussi près de la nature que Mme Marie Dauguet : elle a le don de nous rendre sensibles, palpables, des impressions odorales qui nous semblaient insaisissables. […] La pensée, dans cette solitude, échappe au temps, et cette impression, inexplicable plus nettement, est ici notée avec le rythme qui lui donne une réalité : Et l’instant qu’on respire est déjà du passé Qui coule en frissons doux comme l’eau sous la roue. […] La poésie, comme la peinture, a pour but de fixer des impressions fugitives, arrêtées, figées dans leur mouvement.
Une toile de Delacroix, disait Baudelaire, « vue à une distance trop grande pour analyser et même comprendre le sujet, a déjà produit sur l’âme une impression réelle ». […] Pour moi, ce rythme intérieur, c’est l’expérience poétique elle-même, l’impression, l’inspiration, la saisie immédiate et massive de ce réel qui échappe à la prose. de Villeneuve-Lès-Avignon, un jeune instituteur, qui est aussi gentil poète, M. […] Nous faisons ici figure, non de critique, mais de philosophe. à travers le particulier qui nous est soumis-un poème quelconque-nous voulons atteindre l’universel ; de l’impression produite par ce poème nous voulons tirer une loi qui s’applique à tous les poèmes. […] Aussi me bornerai-je à lui emprunter quelques-uns des passages dont il s’est lui-même servi avec la plus heureuse finesse, et je commencerai par celui-ci qui est capital : le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. « (essai sur les données immédiates de la conscience, p. 99.) » M. […] « (la prisonnière, II, 76.) » rapprochez de ces lignes ce que Proust nous dit sur la beauté dénuée de signification de la fille de Minos et de Pasiphaé (p. 193)… « ces vers d’autant plus beaux qu’ils ne signifiaient rien du tout… (du côté de chez Swann, p. 89.) » ; et sur ces impressions… pour ainsi dire « sine materia… », ces motifs à peine discernables, connus seulement par le plaisir particulier qu’ils donnent, « impossibles à décrire », à se rappeler, à nommer, « ineffables… (p. 194.) » ; et enfin sur les ressources uniques de l’art, qui seul nous fait connaître tout le résidu réel que nous sommes obligés de garder pour nous-mêmes, et que la causerie ne peut transmettre…, « cet ineffable qui différencie qualitativement ce que chacun a senti et qu’il est obligé de laisser au seuil des phrases », où il ne peut communiquer avec autrui qu’en se limitant à des points extérieurs communs à tous et sans intérêt… « (la prisonnière, II, p. 75.) » comment ne raccorderait-on pas ces passages à nos citations de Bergson et aux déclarations de tant de poètes, critiques, philosophes qui sentent profondément, poétiquement, par là même mystiquement ?
Que le nom d’une fleur, d’un mets, d’une étoffe se traduise dans la sensibilité par des impressions d’odeur, de saveur, de contact, cela est plus rare, mais normal chez certains individus. […] Avec la Chanson de Roland, l’impression est beaucoup plus brutalement réaliste. […] Le récit se déroule lentement, mais sans arrêt, avec une certitude scientifique ; l’unité d’impression est absolue. […] Tout de même, le tableau donne une impression synthétique, et le poème une impression analytique ou successive. […] Mais la stylisation du lys est vraiment trop rudimentaire ; la tige, avec le relief si caractéristique de l’attache des feuilles tombées, ce chevelu trop vivant, ces feuilles trop naturelles, tout cela donne une impression de plante métallisée.
Nous aurons à rappeler tout à l’heure les impressions de son enfance précoce, les orages de son adolescence émancipée, cette vie de frontière aux lisières des monts, aux années d’émigration et d’anarchie, entre le Directoire expirant et l’Empire qui n’était pas né ; car c’est bien alors que son imagination a pris son pli ineffaçable, et que l’idéal en lui à grands traits hasardeux, s’est formé. […] Nous nous garderions bien, quand nous le pourrions, de chercher à suivre le réel biographique dans ce qui est surtout vrai comme impression et comme peinture, et d’y décolorer à plaisir ce que le charmant auteur a si richement fondu et déployé. […] De même en littérature, en poésie, les premières impressions, et souvent les plus vraies et les plus tendres, s’attachent à des œuvres de peu de renom et de contestable valeur, mais qui nous ont touché un matin par quelque coin pénétrant, comme le son d’une certaine cloche, comme un nid imprévu au rebord d’un buisson, comme le jeu d’un rayon de soleil sur la ferblanterie d’un petit toit solitaire.
Qu’une hallucination empêche mes centres sensitifs de recevoir l’impression produite sur ma rétine par les rayons émanés de la table, tant que durera l’hallucination, je ne pourrai plus percevoir la table par la vue. — Par contre, guérissez l’hallucination, la paralysie, et fortifiez les muscles appauvris, les possibilités et, avec elles, les facultés suspendues renaîtront telles qu’auparavant. […] Je ne revois pas les différentes figures de maisons, de voitures, de passants que j’ai vues ; neuf sur dix se sont effacées définitivement et pour toujours ; de toutes ces impressions, il n’y a plus qu’un reliquat qui soit capable de renaître. […] Si je n’appuie pas, si je ne chasse pas les impressions et les distractions survenantes, si je ne laisse pas à mes souvenirs le temps de se préciser et de se compléter, ils restent presque tous à l’état latent ; ce qui survit et ce qui émerge, c’est un fragment sur dix mille, la représentation vague de ma marche à tel moment dans la rue, ou de mon arrivée dans la maison, ou de l’attitude de l’ami que je suis allé voir. — Mais cela suffit ; ce lambeau conservé me tient lieu du reste ; je sais par expérience que, en concentrant sur lui mon attention, j’en ressusciterais plusieurs semblables de la même série ; il est dorénavant pour moi la représentation sommaire du tout. — Il en est de même pour le déjeuner que j’ai fait auparavant, pour la lecture qui a employé les premières heures de ma matinée ; de sorte qu’avec trois substituts abréviatifs je remonte en un clin d’œil jusqu’à mon lever, c’est-à-dire jusqu’à un incident séparé par dix heures du moment où je suis.