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1310. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Je crois, et tout lecteur réfléchi croira de même, que ceux qui se seraient attendus à trouver exactement en lui l’homme de son livre, une espèce de curé-médecin, jovial, bouffon, toujours en ripaille et à moitié ivre, auraient été fort désappointés. […] Exposé dans un théâtre public, on me dissèque : un savant médecin explique devant tous, à mon sujet, comment la Nature a fabriqué le corps de l’homme avec beauté, avec art, avec une parfaite harmonie. […] et, même quand on ne parle que devant des hommes et qu’on est de sang-froid, il faut choisir. […] Ponocrates, au contraire, est un novateur, un homme moderne, selon la vraie Renaissance. […] Ce n’est pas que je mette Rabelais à côté d’Horace… Rabelais, quand il est bon, est le premier des bons bouffons : il ne faut pas qu’il y ait deux hommes de ce métier dans une nation, mais il faut qu’il y en ait un.

1311. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Et l’homme s’arrache les cheveux. […] pauvre homme, tu es bien à plaindre. […] C’est un homme ! […] Oui : c’est un homme libre. […] Défiez-vous d’un tel homme !

1312. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Dans les mystères, l’homme est plutôt, un personnage qu’une personne. […] L’homme toujours penché sur le même travail en garde un pli. […] Il a compris que l’homme ne se substitue pas impunément à Dieu. […] Les hommes y cèdent à des poussées qu’ils ne peuvent régler ni amortir. […] C’est d’ailleurs un brave homme.

1313. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Un homme aussi célebre méritoit bien d’être approfondi. […] De là tant de déclamations contre l’homme social, & tant de transports pour l’humanité ; ces sorties violentes contre les Philosophes, & cette manie à favoriser leurs sentimens. […] Le comble de l’illusion dans les Philosophes, est de se croire réservés à des découvertes pour le bonheur des hommes ; & le comble du crime est de nous ravir le bonheur présent, sous l’espoir de cette chimere. […] S’il est vrai que les hommes aient été méchans dans tous les Siecles, on ne peut nier qu’ils n’aient plus de facilité à l’être dans les Siecles éclairés. […] Le Discours sur l’inégalité des conditions parmi les hommes, ne le cede en rien au premier.

1314. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Mais un homme né avec du génie, est bien-tôt capable d’étudier tout seul, et c’est l’étude qu’il fait par son choix, et déterminé par son goût, qui contribuë le plus à le former. […] En homme sans expérience du monde, il jugeoit de la superiorité du mérite de Raphaël sur le sien, par la difference de leurs fortunes. […] Au contraire, rien ne décele mieux l’homme né sans génie, que de le voir examiner avec froideur, et discuter de sens rassis, le mérite des productions des hommes qui excellerent dans l’art qu’il veut professer. Un homme de génie ne sçauroit parler des fautes que les grands maîtres ont commises, qu’après plusieurs éloges donnez aux beautez de leurs productions. […] Je ne dis point pour cela qu’il faille prendre à mauvais augure la critique d’un jeune homme qui remarque des défauts dans les ouvrages des grands maîtres : il y en a véritablement, car ils étoient des hommes.

1315. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Légiste d’abord, homme d’administration et d’affaires, conseiller d’État, député, il s’est détourné des plus graves et des plus studieuses fonctions de sa vie pour se jeter à corps perdu dans, la voie retentissante du pamphlet. […] … » Cormenin, en effet, dans ces écrits, n’est nullement l’homme puissant dont la réputation vibre encore autour de nos têtes. […] si on n’avait jamais entendu parler de Cormenin-Timon et qu’on arrivât tout botté vous planter sous le nez ces deux volumes des Orateurs, que diriez-vous de l’homme qui les aurait écrits ? […] Que diriez-vous enfin de ce rouleur d’idées, — qui ont déjà assez roulé sans lui, — lequel préfère Cicéron et Démosthènes, dit-il, à César et à Alexandre, ces tueurs d’hommes effroyables, comme si de tuer les hommes comme les tuaient César et Alexandre n’avait pas agrandi des âmes et avancé des civilisations ! […] Il n’avait point la véhémence d’âme nécessaire pour haïr les hommes.

1316. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Rossetti commet la grave erreur de séparer l’homme de l’artiste. […] Rossetti parle de l’homme, il oublie le poète, et lorsqu’il juge le poète, il montre qu’il ne comprend point l’homme. […] L’intérêt du récit, tel quel, se concentre autour de deux hommes, le Colonel Goring et Morty Sullivan, l’homme de Cromwell et le Celte. […] C’est lui le pilote de la fuite vers le nord, lui leur homme et l’homme de la barre  : un homme de barre vêtu de la tempête, ceint de force pour contraindre la mer. […] « C’était un homme à idées nombreuses.

1317. (1925) La fin de l’art

L’antiquité, c’est les hommes d’un côté et les femmes de l’autre. […] Cet homme ne sourit jamais, il ricane. […] Cet homme était-il un homme d’ordre ? […] Une ère nouvelle vraiment s’ouvrait pour les hommes ! […] La valeur d’un homme dans un métier se juge par les résultats.

1318. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

comme il a vu vrai en montrant l’homme empressé de quitter son costume et sa parade ! comme l’homme est prompt à s’avilir quand, échappé à son rôle, il revient à lui-même ! […] Dryden n’est pas plus délicat que les hommes d’État et les législateurs. […] Il faut, comme Horace, être penseur et homme du monde pour écrire de la morale agréable, et Dryden, non plus que ses contemporains, n’est homme du monde ou penseur. […] C’est la condition naturelle de l’homme.

1319. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

L’homme âgé prend Parsifal par le bras et l’emmène. […] Tous ces hommes chantent à haute voix ; ils célèbrent le dernier repas et le martyre du Seigneur. […] La communauté indignée repoussa un homme qui avait cru parvenir à la sainteté par la mutilation. […] Elle est sûre maintenant que l’amour de cet homme étanchera sa soif, la sauvera pour toujours. […] L’homme et la nature sont un ; ce qui sommeille dans les choses, leur intime essence, devient Réalité dans la Volonté consciente de l’homme.

1320. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Il prend l’homme au milieu de la nature, au sein de l’infini ; le considérant tour à tour par rapport à l’immensité du ciel et par rapport à l’atome, il le montre alternativement grand et petit, suspendu entre deux infinis, entre deux abîmes. […] Bossuet prend la plume, et il expose avec une haute tranquillité les points de doctrine, la double nature de l’homme ; la noble origine, l’excellence et l’immortalité du principe spirituel qui est en lui, et son lien direct avec Dieu. […] Il ne fait en quelque sorte que promulguer et reconnaître les choses de l’esprit en homme sûr qui n’a pas combattu depuis longtemps les combats intérieurs ; c’est l’homme de toutes les autorités et de toutes les stabilités qui parle, et qui se plaît à considérer partout l’ordre ou à le rétablir aussitôt par sa parole. […] C’est déjà un honneur pour l’homme que d’avoir de tels désespoirs placés en de si hauts objets. […] De tels réservoirs de hautes pensées sont nécessaires pour que l’habitude ne s’en perde point absolument, et que la pratique n’use pas tout l’homme.

1321. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il y a, en M. de Rémusat, plusieurs hommes qui se continuent l’un à côté de l’autre, et qui se sont fait quelquefois concurrence entre eux. Il y a l’homme d’esprit sur tous les points, le causeur de salon, celui qui, nonchalamment assis, dans un cercle pas trop nombreux, agite, soulève, anime toutes les questions et aime à les laisser indécises en se levant. […] Je suis en train d’énumérer les hommes différents qui se rencontrent chez M. de Rémusat et que lui-même a pris longtemps plaisir à assembler sans les mélanger : ce qui faisait dire de lui à M.  […] Anselme était né de parents nobles et riches, d’un père homme du siècle et livré à ses passions, d’une mère bonne et pieuse, de laquelle il tint beaucoup. […] Et de son temps même, il trouva un petit moine très sensé et très poli, appelé Gauniton, qui lui dit avec toute sorte de respects ce que tout homme de bon sens et de sens commun lui dirait aujourd’hui.

1322. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Les hommes sont en général des animaux d’habitude, qui ne changent d’allure que lorsqu’ils sont vexés dans celle qu’ils avaient coutume de tenir. […] Du reste, chaque ordre de choses a ses inconvénients ; et c’est l’étude de l’homme d’État de retrancher les inconvénients en conservant les avantages. […] Plus d’un grand homme a été redevable de sa première éducation à ces sortes de fondations. […] Le français, l’italien, l’anglais, l’allemand sont aujourd’hui quatre langues presque essentielles à l’homme qui a joui d’une éducation libérale. […] A cette époque, le monde était si ancien, que les fils des hommes avaient poussé leurs connaissances au plus haut degré.

1323. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy, dans ses lucides et placides représentations d’intelligence, en est venu souvent à ne pas tenir compte de l’action, de l’impulsion communiquée aux hommes par les hommes, à ne croire que médiocrement à l’efficacité d’un génie individuel vivement employé. […] Il y aurait dès l’abord des pâturages inclinés et de ces tableaux de mœurs antiques que savent les hommes des hautes terres. […] Si je dis que M. l’abbé Delille est un homme de lettres distingué, est-il quelque Français qui s’avise de me demander par quoi ? « Pourquoi ne dirait-on pas un homme distingué, absolument, comme on dit un homme supérieur ? […] Nous l’avions connu et aimé homme distingué, nous l’abandonnons révélateur et prophète.

1324. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Êtes-vous prêts à vous reconnaître esclaves, vous, prétendus hommes libres, qui n’avez jamais, depuis quelque temps, sur vos lèvres que le nom glorifié de vos tyrans ? […] Ressuscitez donc tous ces millions d’hommes déserteurs successifs de la monarchie temporelle des papes, et rendez-les, si vous pouvez, au système politique de Jules II ! […] Ces deux caractères de pontife et de prince dans un même homme ne se confondent pas, quoi qu’on en dise avec plus de politique que de foi. […] Cette liberté absolue des consciences est la dignité vraie de la religion ; elle est plus que la liberté humaine, car c’est Dieu qu’elle émancipe des lois de l’homme. […] Secondement, le but de ces diètes européennes fut toujours d’assurer l’équilibre approximatif de l’Europe, car ce mot d’équilibre, dont les hommes à courte vue se sont tant joué, est une vérité politique des plus incontestables.

1325. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Cette fois, M. de Nanjac ne se contient plus, en revoyant l’homme qui a voulu lui démolir son idole. […] Cet honnête homme est un vilain homme. […] Cet ami des hommes, nous le retrouvons dans l’Ami des femmes. […] Il est riche ou plutôt cossu ; car l’opulence prend, chez certains hommes, la rondeur grotesque de l’obésité. […] En vérité, ce sont là des vertus bien lymphatiques pour un homme de trente ans qui doit avoir du sang dans les veines.

1326. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Les premiers théologiens comme les premiers philosophes, ont eu raison de s’en servir pour intéresser les hommes par l’agrément, à ce qu’ils vouloient leur apprendre. […] On est choqué de voir un homme accablé de douleur, si recherché dans ses termes, et si attentif à sa description. […] Ils pensent que pour copier ce qu’ont dit de grands hommes, ils sont eux-mêmes de grands hommes. […] L’expérience ne prouve que trop qu’avec cette ressemblance générale que les hommes conserveront toujours entr’eux, ils ne laisseront pas d’avoir des différences considérables. […] Il aimoit passionnément le plaisir ; et comme il n’imaginoit rien pour l’homme au-delà de la vie présente, il en mettoit le bon usage à en consacrer tous les instans à la volupté.

1327. (1929) La société des grands esprits

Mais je crois avec Ruskin que les plus grands hommes ont écrit. […] Bien entendu, les hommes ont aussi exercé leurs ravages. […] Clemenceau peut-il le considérer comme l’homme le plus complètement homme qui fut jamais ? […] Grand homme, grand écrivain, c’est entendu. […] Il était homme de lettres dans l’âme.

1328. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

L’homme ne palpite pas sous l’écrivain. […] C’est l’homme lui-même, à nous croire en sa présence. […] Tout dans ses vers vient de l’homme, et cet homme est un de ceux qui font le plus d’honneur à la nature humaine. […] Aimer ses amis, c’est le trait qui achève le caractère de l’homme de bien. […] C’est toujours l’homme, mais l’homme se tenant discrètement derrière le poète.

1329. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

La singulière conception, chez un homme de talent, de très grand talent ! […] Parmi ces noms, il y avait un homme de la société, que sa femme pendant ses absences, astreignait à porter cette ceinture, dont elle emportait la clef. Je connais cet homme et je l’ai même plaisanté à ce sujet. […] Dans le développement oratoire d’une piste, interrompu par l’homme volé, il lui jetait : « Ne troublez pas mes hypothèses, monsieur !  […] * * * — Conversation entre deux hommes politiques.

1330. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

Ah, mon ami, il y a là soixante vers à décourager l’homme le mieux appelé à la poésie. […] Cet homme traversé du javelot rompu dont le sang va mouiller la crinière blanche du cheval abattu et teindre les eaux, donne de la terreur. […] Dans son tableau les dieux sont d’une taille commune et les hommes sont gigantesques. […] Dans l’Iliade les hommes sont plus grands que nature ; mais les dieux sont d’une stature immense. […] C’eût été la querelle des dieux et non celle des hommes.

1331. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Le voici : « C’est un traité des mouvements du cœur de l’homme qu’on peut dire avoir été comme inconnus, avant cette heure, au cœur même qui les produit. […]  Les autres, au contraire, trouvent ce traité fort utile, parce qu’il découvre aux hommes les fausses idées qu’ils ont d’eux-mêmes, et leur fait voir que, sans la religion, ils sont incapables de faire aucun bien ; qu’il est toujours bon de se connaître tel qu’on est, quand même il n’y aurait que cet avantage de n’être point trompé dans la connaissance qu’on peut avoir de soi-même. Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des savants. […] Et d’autre part, M. de La Rochefoucauld, qui craint sur toutes choses de faire l’auteur, qui laisse dire de lui dans le discours en tête de son livre, « qu’il n’aurait pas moins de chagrin de savoir que ses Maximes sont devenues publiques, qu’il en eut lorsque les Mémoires qu’on lui attribue furent imprimés » ; M. de La Rochefoucauld, qui a tant médit de l’homme, va revoir lui-même son éloge pour un journal ; il va ôter juste ce qui lui en déplaît. […] Plus rien de ce second paragraphe : « Les uns croient que c’est outrager les hommes, etc. » Après la fin du premier, où il est question des jugements bien différents qu’on a faits du livre, on saute tout de suite au troisième, en ces termes : « L’on peut dire néanmoins que ce traité est fort utile, parce qu’il découvre, etc., etc. » Les autres petits changements ne sont que de style.

1332. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Harel est un homme d’esprit, c’est la qualification invariablement attachée à son nom. […] , Qui prends, qu’on rie ou bien qu’on pleure, Lançant tes traits sans savoir où, Les dieux à jamais, l’homme une heure ! […] On y voit avec douleur combien M. de Chateaubriand, malgré son grand nom et ses talents, est dupe des hommes d’esprit et des meneurs de son parti. […] J'ai tort, peut-être, de dire assez, car c’est beaucoup avec un homme comme lui, et après tout ce qu’il m’a dit du prince ; il m’en a fait un bel éloge… C'est l’homme du temps, a-t-il dit, c’est le véritable Roi de l’époque… Il a tout ce qu’il faut pour réussir… Les obstacles sont grands ; mais s’il y a une circonstance favorable, elle est certainement pour Henri V… Maintenant, lui ai-je dit, il faudrait faire fructifier ce voyage par une publication, comme autrefois le Conservateur. […] Par ce moyen nous fixerions l’inconstance de notre homme, et nous aurions en main un aiguillon qui le tiendrait toujours en haleine. » Grand homme ou du moins grand poëte, génie régnant, vous avez le manteau de pourpre et vous vous y drapez, et nul trône en effet, de nos jours, n’est plus légitime que le vôtre.

1333. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Un des résultats de cette émancipation, c’est que, plus que nos aïeux, nous sommes obligés d’inventer, si je puis dire, nos devoirs envers les hommes. […] C’est si commode, de vivre dans son coin, pour soi et, tout au plus, pour les siens et pour deux ou trois amis, de se moquer du reste, de croire qu’on a fait tout son devoir de citoyen quand on a payé l’impôt, et tout son devoir d’homme quand on a lâché quelques aumônes prudentes, de pratiquer le dédaigneux odi profanum vulgus, d’être un spectateur détaché de la comédie ou de la tragédie humaine ! […] Songeons sans cesse que, depuis que nous n’avons plus de devoirs de caste ou de corporation, notre devoir d’homme s’est accru d’autant. […] Cherchons les occasions où beaucoup d’hommes assemblés sont animés à la fois d’une seule idée, et d’une idée salutaire pour tous. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

1334. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Pour l’homme de foi, la nature est une constante merveille. […] Si l’on rencontrait au coin d’une forêt le corps d’un homme assassiné, on plantait une croix dans ce lieu, en signe de miséricorde. […] Que de fois on s’est prosterné devant ces reliques, pour demander des secours qu’on n’avait point obtenus des hommes ! […] Et quel homme sensé peut en douter ? […] Il faut du merveilleux, un avenir, des espérances à l’homme, parce qu’il se sent fait pour l’immortalité.

1335. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Un homme d’esprit, Houdar de la Motte470, ami de Fontenelle et l’un des oracles du salon philosophe de Mme de Lambert, s’est avisé en 1714 de traduire l’Iliade en vers. […] La Motte ne peut assez s’étonner « du ridicule des hommes qui ont inventé un art exprès pour se mettre hors d’état d’exprimer exactement ce qu’ils voudraient dire ». […] Mais l’homme qui gagna la cause des vers, et fit perdre la partie à La Motte, ce fut Voltaire. […] La plupart sont écrits par des Hommes du monde qui n’ont vu la nature que dans leurs parcs ou à l’opéra. […] Un provincial gauche, à qui les salons ne firent pas fête, Gilbert, a trouvé dans les blessures profondes de son amour-propre une source d’amertume éloquente : il a vu le faible de son siècle, les petitesses de ses grands hommes, et sa raillerie s’est abattue, précise, lourde, assommante.

1336. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Je veux que l’homme travaille. […] Il était juste que des hommes, ruinés par l’exemple des pères, allassent réparer chez eux leurs fortunes, et se venger par le mépris de leurs filles. […] Confiez votre fortune à cet homme qui se fait traîner dans un char doré, demain ses terres seront en décret ; demain cet homme si brillant, poursuivi par ses créanciers, ira mettre pied à terre au for-l’évêque. — Mais ne vous réjouissez-vous pas de voir la débauche, la dissipation, le faste, écrouler ces masses énormes d’or ? […] De là les hommes sont étrangers les uns aux autres dans la même famille. […] La condition la plus heureuse d’un homme, d’un état, a son terme.

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